Hospitalité et intégration locale

Transcription

Hospitalité et intégration locale
S E R V I C E
JÉSUITE
DE S
RÉFUGIÉS
N
o
51
hospitalité et
intégration locale
pour les réfugiés
papous
occidentaux
Le Père Général Adolfo Nicolás SJ sur l’hospitalité
Le 60e anniversaire de la Convention des Nations Unies relative aux réfugiés
Éducation : Afghanistan
Tchad
Éthiopie
accompagner | servir | défendre
SERVICE JÉSUITE DES RÉFUGIÉS - NO 51
dans ce numéro
Servir est disponible gratuitement
en français, en anglais, en espagnol
et en italien. Il est publié trois fois
par an par le Service Jésuite des
Réfugiés (JRS).
Éditorial 03
Afghanistan
Nourrir l’espoir dans un avenir plus brillant
04
Tchad
L’éducation au cœur de l’espoir 06
Éthiopie
Reconstruire des vies
09
Papouasie-Nouvelle-Guinée
La lente marée du changement
11
Universel
La Convention des Nations Unies relative
aux réfugiés est-elle encore valide ?
15
L’hospitalité favorise la réconciliation
18
m a rs 2 0 1 1
accompagner
servir
PHOTO DE COUVERTURE
Réfugiés de Papouasie occidentale en
Papouasie-Nouvelle-Guinée
(JRS International)
ÉDITEUR
défendre
Peter Balleis SJ
RÉDAC TRICE
Danielle Vella
DESIGNER
Malcolm Bonello
réflexion
Le Service Jésuite des Réfugiés
est une organisation catholique
internationale mise en place en 1980
par Pedro Arrupe SJ. Sa mission
est d’accompagner, de servir et de
défendre la cause des réfugiés et des
personnes déplacées.
Appel (au dos)
Jesuit Refugee Service
Borgo S. Spirito 4, 00193 Rome, Italie
TÉL: +39 06 6897 7465
FAX: +39 06 6897 7461
servir@jrs.net
www.jrs.net
sigles
Les sigles suivants sont utilisés dans ce numéro
UNHCR
02
Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés
éditorial
Hospitalité – les 60 ans de la
Convention de Genève
«J
e me demande comment le JRS peut défendre et
promouvoir plus activement la valeur d’hospitalité
de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, fait de
frontières fermées et d’hostilité croissante envers les
étrangers. » Le Père Général Adolfo Nicolás SJ pose cette question au JRS
à l’occasion du 30ème anniversaire de l’organisation, dans un monde où
les frontières sont fermées aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, à une
époque où la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des
réfugiés ne peut plus être prise comme allant de soi.
Le JRS promeut fermement les valeurs, les droits et la protection
contenus dans la Convention de 1951 en accompagnant les réfugiés
et les demandeurs d’asile, y compris ceux qui sont detenus en
défendant leurs droits. La Convention de Genève et d’autres traités
internationaux forment la base de notre action, de même que la plus
large définition du réfugié de facto faite par l’Église. Pour le JRS, les
lois internationales et les définitions sont une expression de la plus
profonde valeur évangélique de l’hospitalité qui étreint l’étranger
« simplement parce qu’il ou elle est un être humain qui a besoin
d’accueil et de respect », comme le dit le Père Général.
Accueillir l’étranger – le réfugié et le demandeur d’asile – peut être
fait à long terme, en offrant un foyer permanent à travers l’intégration
dans la communauté d’accueil ou par la réinstallation. La PapouasieNouvelle-Guinée a commencé à accueillir des personnes de Papouasie
occidentale il y a plus de 25 ans. Beaucoup y ont trouvé un nouveau
foyer, mais obtenir un statut permanent prend du temps. D’autres
réfugiés dans le monde bénéficient d’une solution durable d’intégration
locale. Toutefois, notre expérience montre qu’un beaucoup plus grand
nombre pourrait y arriver.
L’intégration locale était la réponse au drame des réfugiés à la fin de
la Deuxième Guerre mondiale. En 1945/46, des millions d’A llemands
ont fui les forces communistes ou ont été déplacés de force par les
gouvernements communistes appuyés par le gouvernement soviétique
dans les pays d’Europe orientale. Ils avaient besoin de protection, de
nourriture, d’abris. Les forces alliées ont réparti les réfugiés dans des
villages situés en Allemagne de l’ouest. Mes parents, qui venaient de
se marier, ont accueilli trois couples dans leur petite ferme en Bavière
pendant six ans. Leur amitié a duré toute une vie et cette hospitalité
est devenue une bénédiction pour notre famille et pour tout le pays,
parce que les réfugiés ont fortement contribué à la reconstruction
de l’A llemagne dans l’après-guerre. L’hospitalité et l’intégration sont
devenues une bénédiction pour tous.
Peter Balleis SJ
Directeur international du JRS
03
accompagner
Afghanistan
Désireux de participer au programme hivernal de formation intensive du JRS, les candidats sont absorbés par le test d’entrée. Leur salle de
classe est ouverte sous les cieux de Daikundi (Taqi Delsoz)
nourrir l’espoir
dans un avenir plus brillant
Stan Fernandes SJ, directeur du
JRS en Afghanistan, décrit les
efforts stratégiques de son équipe
de jésuites d’Asie du sud-est pour
contribuer au futur de ce pays
instable grâce à l’éducation et
l’accompagnement de rapatriés.
La jeune Faranhaz exprime son
ardente aspiration à la paix à une
assemblée d’étudiants prenant
part à notre programme d’accès à
l’anglais à Herat : « Je suis lasse de
cette situation. Je veux vivre dans
la paix et la sécurité et j’espère
qu’un jour tous les Afghans seront
unis et suivront le sentier de la
paix et de la connaissance. » Elle
croit que ce sera la jeunesse qui
04
prendra les rênes pour rebâtir le
pays, pour construire l’A fghanistan
de leurs rêves.
Après des décennies de
conflit, l’espoir que l’A fghanistan
puisse retrouver de la stabilité
semble un rêve irréel. Mais les six
millions d’enfants du pays, qui
quelquefois doivent parcourir des
kilomètres pour aller à l’école,
sont la promesse d’un avenir
meilleur. Pour ces enfants, à qui
l’éducation a été refusée pendant
tant d’années, l’éducation est un
rêve ainsi que la clef de la paix et
du développement durable.
Une équipe de jésuites de
l’Assistance sud-asiatique est
active en Afghanistan depuis avril
2005, d’abord dans le domaine
de l’éducation, servant sous la
bannière du JRS. Nos premiers pas
ont été ceux de l’accompagnement
et de la transformation progressive
de l’école secondaire technique
d’Herat en institution modèle
pour l’A fghanistan occidental.
Aujourd’hui, 600 étudiants
(450 garçons et 150 filles)
peuvent choisir une formation
en électricité, électronique ou
construction, métiers qui leur
permettront certainement de
trouver du travail.
Depuis 2006, nous nous
occupons de l’enseignement de
l’anglais, de l’informatique, de la
biologie et de la physique à plus
Afghanistan
de 3000 étudiants universitaires
à Herat et Bamiyan. Diriger
une intense formation pour les
enseignants du secondaire est
une autre activité du JRS à Herat,
Kaboul, Bamiyan, Chagcharan
et Daikundi. Ce programme vise
à équiper les professeurs d’une
connaissance courante de l’anglais
et d’une formation pratique en
compétences pédagogiques.
Enthousiasmé par la formation,
Khaled est résolu à changer
les choses : « Nous sommes
déterminés à passer de l’obscurité
à la lumière, de l’ignorance à
la connaissance. Les jeunes
Afghans cherchent des moyens de
développer leur potentiel. Le JRS
est arrivé comme une étoile dans
notre ciel, nous a aidés à cultiver
nos talents. »
Khaled et plusieurs de nos
anciens étudiants font maintenant
partie de notre équipe d’assistantsformateurs dévoués. Engagés
dans notre programme d’accès
à l’anglais, d’une durée de deux
ans, ils nous aident à arriver
aux marges, en formant 150
adolescents défavorisés de 14 à 18
ans à Guzarah, Karizak et Sheydai.
Ils enseignent aussi à 500 enfants,
dont 300 filles, dans de lointains
villages de Bamiyan, et à 60
enfants de l’orphelinat Marastoon
dans les environs de Kaboul.
Un jeune jésuite a exprimé sa
profonde satisfaction durant cette
mission : « C’est l’heure où ils ont
le plus besoin de nous parce que
l’assistance que nous offrons les
aide beaucoup dans leurs efforts
de progresser. Trois d’entre nous
enseignent 30 heures par semaine,
ce qui est beaucoup, mais nous
sommes contents. Quelques-unes
des filles disent qu’elles ne sont pas
toujours certaines de rentrer chez
elles en sécurité après les cours.
Pourtant elles veulent apprendre,
quel qu’en soit le coût. Cela me
touche et me stimule
énormément. »
Une autre initiative qui
consiste à aider des familles
retournées à transformer la
township de Sohadat, à 35 km
d’Herat en communauté vibrante,
entreprenante, a été un défi depuis
que nous avons commencé à
travailler ensemble en 2007. Les
progrès réguliers de 180 enfants
dans l’école de la township est
une source de grande joie et
satisfaction. Le centre médical du
JRS fournit des soins de base à plus
de 250 patients par semaine, dont
certains voyagent des kilomètres,
en provenance des villages des
alentours. À part les programmes
d’activités génératrices de revenu,
le JRS a mis sur pied trois groupes
d’entraide destinés aux femmes.
Ce projet a permis à ces dernières
de renforcer leur confiance en
elles, à jouer un rôle plus actif dans
la planification et les prises de
décisions communautaires. Deux
groupes ont ouvert des magasins
de produits alimentaires et un
troisième groupe a commencé à
produire du savon.
En travaillant en partenariat
avec des groupes similaires et
accompagner
avec la communauté locale, nous
espérons que notre contribution,
spécialement dans le domaine
de l’éducation, créera une
amélioration stratégique. Nous
percevons ici notre présence
comme un levain – nourrissant
l’espoir et aidant les gens à
construire un avenir plus brillant.
Nos pas sont de petits pas. Mais
en Afghanistan, chaque pas
conduisant au développement
et à la paix durable est un pas
important.
Enfin chez nous
(P.A.Chacko SJ/JRS)
Meena Yusuf est leader d’un des
groupes de femmes à Sohadat. « Nous
sommes rentrées en Afghanistan il y
a trois ans et nous faisons partie des
huit premières familles arrivées dans
le village », dit-elle. « Maintenant,
c’est notre pays et foyer, et donc nous
sommes contentes. »
De jeunes écolières commencent leur parcours d’espoir dans un meilleur futur – école
de Sohadat (Jerome Sequeira SJ/JRS)
05
accompany
servir
Asia Pacific
Tchad
Habilé 1, une école primaire à Koukou pour personnes déplacées (Don Doll SJ/JRS)
l’éducation : au cœur
de l’espoir
Alix Nijimbere, responsable de la
communication et de l’advocacy
du JRS au Tchad
06
« Des projets qui représentent
une vraie avancée pour ceux que
nous servons », voilà qui pourrait
très bien être la devise de nos
programmes éducatifs dans l’est
du Tchad. Notre dernière initiative
en donne une ample preuve : une
petite révolution des activités
éducatives et récréatives pour
jeunes dans quatre camps pour
réfugiés soudanais.
Toute une série de sujets sont
offerts, notamment l’anglais,
le français, l’informatique, des
business skills, la gestion de
bibliothèque, le journalisme et le
théâtre. Plus de 800 jeunes ont
déjà bénéficié de ce programme
et certains ont déjà lancé leurs
magazines – Sot Al Ladji (La Voix
du réfugié) et Al Nour (La lumière)
pour n’en nommer que deux.
Le JRS est présent dans l’est
du Tchad depuis 2006, et s’attèle
à soutenir les populations
éprouvées par les conflits dans
la région. Huit projets éducatifs
sont entrain d’être réalisés, parmi
des populations très diverses,
comme les réfugiés soudanais,
des Tchadiens déplacés, des
communautés d’accueil, des
nomades et des retournés. Font
partie des projets des services
de protection directement
liés à l’éducation, comme la
scolarisation des filles, les anciens
enfants soldats, les orphelins,
et d’autres. Notre présence n’a
cessé d’accroître au fil du temps :
d’Abéché, Goz Beïda, et Guéréda,
jusqu’à Iriba et Koukou et,
maintenant, le JRS est, dans l’est
du Tchad, un des partenaires-clés
Asia Pacific
Tchad
de l’UNICEF (Fonds des Nations
Unies pour l’enfance), de l’UNHCR
et des Ministères nationaux
de l’Éducation et des Affaires
sociales.
Dures conditions
Parler d’éducation peut sembler
utopique dans cette région qui
a connu tellement de désolation
et de souffrance. Les défis sont
chaque jour immenses, mais les
relever donnent aussi un sens à la
vie de ce qui sont là pour y faire
face et de ceux qui au plus profond
d’eux-mêmes subissent cela.
Situé au cœur de l’A frique, le
Tchad est un pays immense avec
une population de près de 12
millions. Ces dernières années,
le pays a vécu la période la plus
dramatique, la plus sanglante
de son histoire. L’ est en a été
cruellement affecté. À cause des
guerres internes, quelque 168.000
Tchadiens ont été déplacés et
vivent maintenant dans 38 sites.
De plus, dès 2003, la crise qui
a embrasé le Soudan voisin a
entraîné l’arrivée de 250.000
réfugiés du Darfour cherchant
refuge au Tchad, où ils vivent dans
12 camps. Il ne faut pas oublier les
communautés d’accueil, estimées
à environ 150.000 personnes, qui
vivent dans la même situation
précaire que les réfugiés et les
déplacés.
physique, cognitif et affectif et
garantit que ces enfants auront les
meilleures chances de continuer
leur éducation.
Au niveau de l’école primaire,
les services ont été rapidement
mis en place et sont plus
structurés : le JRS soutient
près de 30 écoles de personnes
déplacées et des communautés
d’accueil à Koukou et Goz Beïda
où 20.000 élèves sont inscrits.
Des services d’enseignement
préscolaire et primaire sont aussi
offerts dans deux camps pour
réfugiés soudanais, et l’éducation
secondaire dans quatre camps.
Dans la totalité des 12 camps
de réfugiés soudanais, plus de 900
enseignants ont été formés et la
distribution annuelle de matériel
scolaire améliore les conditions
d’apprentissage.
accompany
servir
POINT INFO
Le JRS au Tchad
• est présent dans cinq régions
• gère huit projets
• travaille avec 20 bénévoles et 120
employés
• coopère avec plus de 900
enseignants formés
• fait bénéficier plus de 40.000
personnes de ses services
Au-delà du simple
accès à l’école
Les projets du JRS ne consistent
pas seulement à ouvrir des écoles
mais aussi à créer des services de
qualité. Que ce soit la formation
des enseignants ou le soutien aux
écoles, les activités du JRS sont
marquées par la détermination
qui vise à pérenniser les réussites.
Depuis 2009, le JRS a établi
des standards pour contrôler
la qualité de l’éducation dans
De l’école préscolaire à
l’école secondaire
Au cours des quatre dernières
années, le JRS a organisé des
activités pré-scolaires, géré
des écoles primaires et s’est
embarqué dans l’éducation
secondaire également. A Goz
Beïda par exemple, les activités
pré-scolaires ont permis à 3000
enfants tchadiens de se préparer
à l’école primaire. Le programme
encourage le développement
Un site de personnes déplacées à Goz Beïda (JRS International)
07
accompany
servir
Ukraine
Tchad
quatre camps pour réfugiés
soudanais. La formation des
enseignants est suivie par la
supervision, l’accompagnement
des enseignants, à qui est offert le
matériel didactique nécessaire.
Conscient des principaux maux
de la société, le JRS encourage à
affronter des problèmes tels que
la propreté, la protection des filles
et l’éducation pour tous. Des
progrès ont déjà été enregistrés.
Les enfants, les enseignants et les
parents ont compris l’importance
d’avoir des écoles propres,
belles et accueillantes, des lieux
d’apprentissage et de découverte.
Des prix décernés pour « la plus
belle classe de chaque école » ou
« la plus belle école du camp »
encouragent cet intérêt.
Un impact durable
« Durant l’atelier JRS, j’ai appris
à reconnaître les nombreuses
ressources et capacités qui sont
à notre portée et peuvent être
utilisées dans nos contextes
spécifiques. Maintenant, j’ai plus
d’outils avec lesquels travailler. »
Ruben Babou Deguelo, directeur du
centre ministériel pour l’éducation
continue pour Kalaït Ennedi,
livre ses impressions après avoir
participé à une formation du
JRS sur l’éducation en situation
d’urgence. Cet atelier avait été
organisé en partenariat avec
le Ministère de l’Éducation et
l’UNICEF. Environ 130 personnes
ont participé et nous espérons
qu’une fois rentrées chez elles,
elles seront des solides piliers de
l’éducation dans leurs villages.
Une expérience
pour la vie
Formation d’enseignants à Goz Beïda (JRS International)
“
“
TÉMOIGNAGE
« Pour moi, l’éducation signifie la prise
de conscience de mes droits et devoirs,
du fait que je dois respecter les autres ;
que je dois chercher à apprendre, à
acquérir la connaissance, réfléchir
et travailler pour que les choses
changent. J’espère que je deviendrai
enseignant pour apprendre à mes
08
frères et sœurs à lire, écrire et parler
correctement le français. Je veux aussi
m’occuper de mes parents pour qu’ils
vivent confortablement. Et je voudrais
participer au développement de mon
pays. »
Adam, 15 ans, élève de l’école primaire
d’Habilé 3, déplacé à Koukou
Au cours des ans, le JRS Tchad a
accueilli un nombre significatif
de bénévoles : scolastiques
jésuites, prêtres, laïcs. L’esprit de
nos équipes laisse souvent une
impression durable sur ceux qui
se joignent à nous, comme Yves
Wendi Ouedraogo, directeur de
projet JRS à Guéréda, qui vient
du Burkina Faso : « Quand je suis
arrivé dans la grande famille JRS, je
savais que j’allais aimer ce travail
passionnant. J’ai rapidement appris
notre manière de faire, toujours à
l’écoute pour accompagner, servir
et défendre les personnes démunies.
La simplicité m’a également frappé
– pas de moyens ostentatoires
ou de personnel pléthorique, rien
que de petites équipes dévouées à
leurs tâches. » Il y a actuellement
environ 20 bénévoles et plus de 100
membres du personnel local. Tous
donnent sans compter et nous les
remercions et les encourageons
à continuer - sans leurs efforts, il
serait impossible d’accomplir notre
mission.
Éthiopie
accompany
servir
Une habitation dans le camp de Mai-Aini
(Frido Pflueger SJ/JRS)
reconstruire
des vies
Eric Garcia Velandria SJ,
directeur de projet pour le JRS à
Mai-Aini, évoque un des projets
les plus récents du JRS : la
reconstruction communautaire
grâce à l’éducation et
l’encouragement dans un camp
de réfugiés érythréens.
«
Comment pouvons-nous construire
quelque chose de plus durable,
quelque chose qui renforce
l’humanité de ceux pour qui nous
travaillons ? Comment pouvonsnous les aider à faire l’expérience de
la réconciliation, à s’en approcher,
à soigner les profondes blessures
souvent liées au aux déplacements
violents, de façon à ce qu’émergent
des communautés de paix ?
Père Général Adolfo Nicolás SJ
« Félicitations, vos bâtiments sont
magnifiques. Cela m’impressionne
que vous les ayez construits en
trois mois, à nous cela aurait pris
un an. Nous sommes contents
d’avoir le JRS, que le JRS nous
apprenne beaucoup de choses,
de la construction à la musique,
au sport, au théâtre, au conseil
psychosocial. » C’est Mesghina, le
leader réfugié érythréen qui parle,
pendant l’inauguration du centre
d’apprentissage communautaire
dans le camp de Mai-Aini, dans le
nord de l’Éthiopie, le 26 novembre
2010.
En août 2010, le JRS a
commencé a commencé à établir
des structures communautaires
et à construire les fondations
de bâtiments dans le camp. Les
réfugiés se sont assemblés pour
une formation en compétences
communes pendant la
construction de trois édifices
en briques. Trois mois plus
tard, un centre était construit
sur un terrain de 3.600 mètres
carrés cédé en bail par le
gouvernement. Il comprenait
une petite bibliothèque, la salle
des professeurs, une salle de
conférence, trois salles de classe,
une scène pour des spectacles
en plein air et des toilettes. À ce
moment-là, 125 réfugiés avaient
terminé leur formation avec
succès. Bien que ces installations
ne soient pas suffisantes pour
couvrir les besoins en éducation
non formelle et récréation de
11.971 réfugiés érythréens
(enregistrés par l’UNHCR en
novembre 2010), les initiatives du
JRS ont créé de la foi et de l’espoir.
La situation dans leur pays
avait érodé la foi et l’espoir des
Érythréens. Près d’un millier
d’Érythréens s arrivent chaque
mois à la recherche d’un refuge au
camp Mai-Aini. Le gouvernement
éthiopien, l’UNHCR et d’autres
organisations fournissent des
abris, de l’eau, des services
hygiéniques, de l’assistance
médicale, des rations
alimentaires, l’éducation primaire
et la sécurité.
Les besoins de base étant déjà
couverts, le JRS a choisi de se
concentrer sur l’apprentissage
communautaire, d’encourager
les réfugiés à reconstruire leur
vie, à restaurer leur sentiment de
dignité humaine. Pour chacun,
le défi est de reconstruire une
09
«
servir
Éthiopie
vie marquée par la stabilité, bien
que dans une situation de camp,
d’apprendre à savoir vivre avec
le trauma d’être un réfugié. Le
JRS soutient ce processus en
fournissant une structure dans
la vie des camps qui assure
une formation régulière en
musique, sport, compétences
psychosociales de base, théâtre
et danse. Des enseignants
professionnels planifient les
leçons et les sessions se tiennent
du lundi au vendredi, de 9h à
midi et de 15h à 17h. La plupart
des diplômés sont des leaders
de leurs Églises et associations.
Ce qu’ils ont appris aidera les
réfugiés à éviter la dépendance et
le découragement, à faire de petits
pas, simples mais essentiels,
pour s’apprécier eux-mêmes
comme vainqueurs – non plus des
victimes – pouvant contrôler leur
destinée.
Des vainqueurs décident
librement d’améliorer leur
situation de vie. Cependant,
l’objectif de reconstruire sa vie,
en ciblant l’excellence et en
défendant sa dignité, ne signifie
pas grand-chose sinon dans le
contexte de la communauté.
Donc, quand nous avons pensé
au nom à donner à la structure
du JRS, nous avons décidé qu’elle
devrait parler de nos rêves pour
le camp de Mai-Aini : le centre
d’apprentissage communautaire
du JRS. Le centre sert de symbole
d’unité, réunissant toutes les
personnes de bonne volonté.
Notre désir est de former des
hommes et des femmes pour les
autres, qui visent l’excellence pour
le bien de la communauté.
Lorsque le JRS est arrivé au
camp de Mai-Aini, en août 2010,
le gouvernement éthiopien a
adopté une politique visant à
autoriser les réfugiés à sortir des
camps et de vivre en Éthiopie
à condition que des parents ou
des amis s’engagent à subvenir
à leurs besoins. Ils peuvent
travailler dans le secteur informel
et profiter des possibilités
d’éducation offertes par le
système universitaire national.
Mais beaucoup de réfugiés ne
peuvent pas trouver quelqu’un
pouvant subvenir à leurs besoins
hors du camp.
Si les financements sont
suffisants, le JRS espère offrir à
des réfugiés qualifiés résidant
dans le camp la possibilité
d’une éducation de niveau
supérieur grâce à un programme
d’apprentissage ouvert de
l’université d’Axum, une
institution nationale ouverte
à notre vision. Le programme
comprend à la fois l’apprentissage
par correspondance et
l’instruction en salle de classe.
Étant donné le contexte agricole
de Mai-Aini, l’agro-industrie
sera probablement un des cours
offerts et inclura le service
communautaire obligatoire pour
l’obtention du diplôme. Ce service
pourrait devenir un moyen
d’intégration sociale avec la
communauté d’accueil, un moyen
de manifester sa reconnaissance
en partageant les savoir-faire
réciproques.
Tandis que Mesghina
remerciait le JRS pour sa présence
au camp de Mai-Aini, il nous
semble opportun d’étendre
son expression de gratitude à
nos bienfaiteurs et amis qui
soutiennent cette vision de
reconstruire des vies remplies
de foi et d’espoir. Il est certain
que davantage doit être fait pour
réaliser ce rêve mais nous ne nous
décourageons pas, parce que nous
sommes soutenus par les mots
de Jésus : « Car tout est possible
pour Dieu » (Marc 10 : 27). Et nous
connaissons l’amour de Dieu pour
nous et nous y croyons.
POINT INFO
Érythrée : Le gouvernement non
élu du Président Isayas Afewerki est
totalement oppressif. Il ne concède
aucun espace pour l’autonomie
individuelle dans aucun domaine –
politique, économique ou religieux.
Arrestations arbitraires, torture,
travaux forcés sévissent. Beaucoup
d’Érythréens concluent qu’ils ne
peuvent éviter l’oppression qu’en
fuyant le pays au risque de leur vie…
La conscription infinie aussi oblige
beaucoup à fuir.
Résidents du camp de Mai-Aini (Frido Pflueger SJ/JRS)
10
Rapport Mondial 2011 de
Human Rights Watch
Papouasie-Nouvelle-Guinée
défendre
Les habitations précaires de réfugiés
originaires de Papouasie occidentale
(JRS International)
la lente
marée
du
changement
Wren Chadwick, ancien
responsable de l’information et
de l’advocacy en PapouasieNouvelle-Guinée, nous parle des
réfugiés originaires de Papouasie
occidentale qui vivent en exil
depuis 25 ans.
Des quais de la rivière Fly dans le
bidonville industriel de Kiunga, je
regarde Martina (nom d’emprunt),
debout, immobile, en parfait
équilibre à l’avant du canot creusé
dans un tronc tandis qu’il glisse
gracieusement vers moi. Je suis
frappé par son aspect majestueux
tandis que le soleil fait miroiter les
gouttes dans ses cheveux – comme
une reine qui vient de sortir de
son palais. En réalité, Martina
est simplement descendue de sa
petite maison, construite avec des
arbustes, des tôles de plastique
et de fer que sa famille a collectés
pendant des années. La maison
est construite sur des pieux, longs
et minces, bien en hauteur, mais
l’eau est montée jusqu’à quelques
centimètres du sol de la maison,
suite à de fortes pluies dans
les montagnes. Avec, dans les
montagnes, une moyenne annuelle
de pluie supérieure à huit mètres,
ce n’est pas un événement rare.
Tandis que le jeune cousin de
Martina manœuvre sans effort
l’étroit canot, je suis frappé par
l’ingéniosité de ces communautés
qui ont décidé de construire
leurs maisons sur des terres que
personne ne voulait. La maison de
Martina, tout comme 25 autres
maisons, a été construite sur les
rives du fleuve Fly, non loin de la
route principale menant à Kiunga,
dans la Province Occidentale
de Papouasie-Nouvelle-Guinée
(PNG). Étant donné que 97% des
terres, en PNG, sont possédées
par la population indigène, et que
80% de la population dépend de
la terre pour couvrir ses besoins
quotidiens, il y a peu de terres à
acheter (même pour les personnes
qui peuvent se le permettre).
Donc, les réfugiés qui arrivent
dans cette ville s’installent sur
les terres qu’ils trouvent et dont
personne ne veut. Martina fait
partie d’un groupe de plus de 800
réfugiés originaires de Papouasie
occidentale et qui vivent dans cette
ville reculée de PNG ; en effet ses
parents, en fuite, avaient traversé
la frontière entre l’Indonésie et la
PNG avec près de 12.000 personnes
11
défendre
Papouasie-Nouvelle-Guinée
Leaders religieux et communautaires des réfugiés de Papouasie occidentale (JRS International)
entre 1984 et 1986. Le groupe en
fuite était composé de personnes
très diverses, et comprenait des
étudiants activistes instruits,
des combattants militant pour
la liberté, ainsi que des familles
d’agriculteurs. Quelques réfugiés
fuyaient pour sauver leur vie parce
qu’ils avaient été ciblés à cause de
leurs activités politiques, d’autres
cherchaient refuge suite à des
menaces et des actes de violence de
la part des militaires indonésiens
et également de l’Operasi Papua
Merdeka (OPM - Mouvement papou
pour la liberté), quelques-uns
fuyaient les politiques oppressives
qui ont fait que les Papous se
sentent comme des citoyens
de deuxième classe dans leur
propre pays, d’autres espéraient
attirer l’attention mondiale sur
leur résistance à l’occupation
indonésienne.
À leur arrivée en PNG, les
demandeurs d’asile se sont
établis dans une série de camps
situés près de la frontière, dans
la Province Occidentale d’une
12
part, mais également dans la
Province de Sandaun. Au début,
le gouvernement de PNG espérait
qu’ils seraient rentrés de leur
propre initiative ou même,
quelques-uns du moins, de force.
Mais finalement, les mauvaises
conditions des camps (notamment
la mort d’environ 90 personne
dans l’un d’eux) ont convaincu le
gouvernement qu’ils étaient des
réfugiés ‘prima facie’, de signer la
Convention relative aux réfugiés
de 1951 (avec quelques réserves)
et de donner son accord à l’aide
du UNHCR, d’ONG et de l’Église
catholique.
Pendant plus de 25 ans, plus
de 10.000 réfugiés originaires de
Papouasie occidentale sont restés
en PNG. Environ 2.500 d’entre
eux vivent maintenant à East
Awin, le camp officiel établi par
le gouvernement de PNG pour
éloigner les réfugiés de la frontière
et calmer leur voisin indonésien.
Les 15 km du lotissement ont été
taillés dans la jungle dense. Ces
réfugiés reçoivent les services de
postes d’aide, un centre médical,
des écoles primaires d’une qualité
au moins aussi bonne que leurs
voisins locaux.
Quelque 5.000 réfugiés ont
refusé d’obéir au gouvernement,
qui les sommait soit de partir à
East Awin soit de retourner en
Indonésie, et ont préféré rester
dans la zone frontalière. Même
le retrait de tous les services
gouvernementaux et de l’UNHCR
ne les a pas convaincus de
déménager. Actuellement, le
diocèse catholique de Daru-Kiunga
est le principal fournisseur de
services médicaux et éducatifs de
base aux réfugiés de cette région.
Les réfugiés de la frontière,
comme les résidents locaux de PNG,
vivent d’agriculture de subsistance,
cultivant des patates douces, des
bananes, du manioc, des arachides
et du sagou. Contrairement à
beaucoup d’habitants de la région,
ils ne reçoivent pas de paiements
compensatoires réguliers
accordés aux communautés
qui vivent le long des rivières
«
Papouasie-Nouvelle-Guinée
cause des réfugiés avec eux et pour
eux, et par des programmes comme
la formation des enseignants, la
santé maternelle, l’alphabétisation
des adultes et sponsorisation
des étudiants, assurer que leurs
besoins de base soient couverts.
Pendant de nombreuses années, le
diocèse a eu un programme séparé
pour les réfugiés. Reconnaissant
l’importance d’assurer l’intégration
locale, toutefois, les réfugiés sont
maintenant intégrés dans la
structure paroissiale locale.
Depuis 2008, le JRS travaille
en partenariat avec le diocèse de
Daru-Kiunga pour procurer des
informations précises aux réfugiés
sur leurs droits et options pour
l’avenir, pour renforcer la capacité
du diocèse de plaider pour les
réfugiés, et, avec l’évêque Gilles
Côté, pour défendre les réfugiés au
niveau national et international.
Dans ce but, les responsables JRS de
l’information et de l’advocacy ont
visité les sites éloignés des réfugiés
des deux côtés de la frontière
pour recueillir des informations,
organiser des formations avec
le personnel diocésain, publier
des bulletins d’information
pour les réfugiés, et travailler
avec l’UNHCR et avec tous les
niveaux du gouvernement pour
identifier et affronter les questions
préoccupantes concernant les
réfugiés.
Les roues tournent lentement,
toutefois, en PNG et un
changement positif peut ne venir
que dans longtemps. La politique
de l’intégration limitée de 1996, qui
crée deux classes de réfugiés, ceux
qui acceptent d’être réinstallés à
East Awin et ceux qui choisissent
de rester dans la zone frontalière
– doit être réexaminée depuis
longtemps. Il faut dire, à son crédit,
que le gouvernement de PNG n’a
pas essayé de mettre en place cette
politique par la force.
L’intégration locale est la
solution durable la plus
probable. Après plus de 25
ans, cette intégration
suit sa voie.
«
polluées par les mines Ok
tedi. D’une part, les réfugiés
se plaignent de cette injustice,
d’autre part les observateurs
soulignent l’ingéniosité active des
communautés de réfugiés qui ne
sont pas devenus dépendants des
paiements de la mine.
Dans la plupart des
communautés frontalières, les
réfugiés appartiennent au même
groupe tribal que la population
d’accueil. Malgré ces liens de
parenté, les rapports avec la
population locale sont tendus à
certains endroits ; les propriétaires
qui les avaient accueillis comme
des parents pensent que les
réfugiés abusent de leur accueil. À
certains endroits, les communautés
de réfugiés, en forte croissance,
sont maintenant plus nombreuses
que la population d’accueil, et
de plus en plus de terres sont
nécessaires pour subvenir à leurs
besoins.
Les autres réfugiés, environ
2.500, sont répartis dans les
différents villages et bourgs de
la PNG. Ceux qui sont à Kiunga
sont plus proches des écoles, des
hôpitaux, des marchés et des
possibilités d’emploi. L’emploi y
est toutefois difficile à trouver.
Beaucoup, comme la famille de
Martina, comptent sur les petits
revenus provenant de la vente de
beignets, noix de betel ou glaces à
l’eau placés sur de petites tables le
long de la route poussiéreuse, pour
payer la nourriture, les vêtements
et les frais scolaires.
L’Église catholique a une longue
histoire d’assistance aux réfugiés
en PNG. En tant que partenaire
majeur lors des premiers secours,
elle a plaidé vigoureusement en
faveur d’un traitement humain des
réfugiés par le gouvernement de
PNG. Le diocèse de Daru-Kiunga
continue, en partenariat avec des
ONG, dont le JRS, à défendre la
défendre
13
défendre
Papouasie-Nouvelle-Guinée
Quelle est la solution durable
pour cette situation prolongée de
refuge ? Un groupe de réfugiés
est retourné en Papouasie
occidentale avec un avion financé
par l’Indonésie, au cours d’une
expérimentation de rapatriement
organisée par les gouvernements
indonésiens et la PNG. L’UNHCR
n’est pas encore convaincue que
les conditions nécessaires pour
un retour volontaire existent
et n’a donc pas soutenu ces
expérimentations.
Pour la majorité des réfugiés de
Papouasie occidentale, retourner
n’est pas quelque chose qu’ils
feraient volontairement, du moins
pas avant d’avoir réalisé leur
aspiration politique de Papouasie
occidentale indépendante.
L’intégration locale est la
solution durable la plus probable.
Après 25 ans, cette intégration
suit sa voie. Comme le dit l’évêque
de Daru-Kiunga : « Le processus
d’intégration graduel, de style
mélanésien, à travers des luttes
de pouvoir, des échanges, des
alliances et des mariages mixtes,
a déjà commencé. » L’intégration
locale n’est pas sans défis, toutefois.
L’accès à la terre, permanent et
régularisé, par exemple, est un
objet de grande préoccupation pour
les réfugiés et leurs communautés
d’accueil, et sa solution n’est pas
facile.
Accéder à la nationalité
papouane-néo-guinéenne est un
autre obstacle à franchir, mais qui
a toutefois une solution plus claire.
Bien que les réfugiés aient déjà les
huit années de résidence requises
pour obtenir la citoyenneté, la
commission de 10.000 K (environ
3.800 dollars américains) est
beaucoup trop élevée pour les
réfugiés, peu fortunés. En outre, les
réfugiés de la frontière n’y ont pas
droit, étant donné que leur statut
n’a pas été régularisé.
En plus aux problématiques
spécifiques aux réfugiés, la vie
dans la Province Occidentale n’est
pas facile. La province a l’un des
Un marché de réfugiés de Papouasie occidentale (JRS International)
14
taux les plus élevés de pauvreté,
et parmi les taux les plus bas en
matière de santé et d’éducation.
Comme de nombreux réfugiés
et autochtones, Martine est une
des 40% d’étudiants de 10e année
qui n’ont pas eu la moyenne pour
obtenir leur diplôme. Martina
n’est pas découragée. Elle prend au
vol toutes les occasions possibles
– participer aux sessions de
journalisme du JRS et contribuer
à la newsletter du JRS et améliorer
son anglais, l’a poussée à prendre
des cours par correspondance pour
améliorer ses notes scolaires. Elle
espère réussir à entrer à l’Institut
de formation des enseignants.
Deux semaines plus tard, je
visite à nouveau la communauté
de Martina, et cette fois le niveau
de l’eau a baissé, le sol est sec
avec de petites rigoles rappelant
le récent déluge. Les enfants
courent et crient d’excitation sur
le sol nu, heureux d’avoir retrouvé
leur terrain de jeu, au moins pour
quelque temps.
Universel
la
convention
défendre
Le camp d’AutoMeca, à Port-au-Prince, Haïti, abritant des victimes du tremblement de
terre du 12 janvier 2010. (JRS International)
des Nations Unies
relative aux
réfugiés
est-elle
encore
valide ?
Cette année, le UNHCR marque
le 60ème anniversaire de la
Convention relative aux réfugiés
de 1951. Amaya Valcarcel,
coordinatrice de l’advocacy
au JRS international, analyse la
pertinence de cette législation
au vu des déplacements forcés
dans le monde actuel.
POINT INFO
Le terme ‘réfugié’ s’appliquera à
toute personne qui, craignant avec
raison d’être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un groupe
social particulier, ou de ses opinions
politiques se trouve hors du pays
dont elle a la nationalité et qui ne
peut, ou, du fait de cette crainte, ne
veut pas se réclamer de la protection
de ce pays.
Convention des Nations Unies relative
au statut des réfugiés.
La Convention des Nations Unies
relative au statut des réfugiés de
1951 est justement considérée
comme étant la pierre angulaire
de la protection des réfugiés.
Cependant, 60 ans après sa
promulgation, beaucoup se
demandent si cette législation n’est
pas dépassée. Il est certain que sa
définition de qui est un réfugié ne
couvre pas toutes les situations
modernes de déplacement.
La catégorie juridique de
‘réfugié’ établie dans la Convention
a été créée à un moment très
particulier de l’Histoire et
destinée surtout à répondre
à la détresse des victimes de
l’Holocauste, d’autres réfugiés de
la Seconde Guerre mondiale et
de nouveaux réfugiés d’Europe
centrale et orientale. Même si elle
a été améliorée par le Protocole
de 1967, la définition reste
relativement étroite, ne couvrant
que des personnes qui fuient une
persécution individuelle par leurs
gouvernements.
Bien que limitée dans ses
objectifs, la Convention a résulté
d’une reconnaissance beaucoup
plus large selon laquelle, lorsque
les États sont dans l’impossibilité
de fournir à leurs citoyens une
protection de facto ou de jure,
la communauté internationale
a l’obligation d’offrir cette
protection. Dans la pratique,
toutefois, la définition de la
Convention n’a jamais saisi la
totalité des circonstances pour
lesquelles des personnes sont
obligées de quitter leurs domiciles
à cause d’une menace existentielle.
Un point de vue élargi
Le JRS sait, par expérience de
première main, que beaucoup
de personnes qui fuient des
situations désespérées ne peuvent
accéder à la protection offerte
par la Convention. Dans sa lettre
adressée au JRS à l’occasion du
30e anniversaire de sa fondation,
le Supérieur Général des jésuites,
le Père Adolfo Nicolás SJ, parle de
« nombreuses nouvelles formes
de déplacement, de nombreuses
nouvelles expériences de
vulnérabilité et souffrance. »
L’UNHCR reconnaît elle-même
qu’il y a une gamme de ‘personnes
en déplacement’ qui n’entrent pas
dans le cadre des attributions
de la Convention mais qui ont
néanmoins besoin de protection.
D’autres conventions ont un
objectif plus large, notamment
la Convention de l’Organisation
de l’Unité Africaine et la
Déclaration de Carthagène, dont
les dispositions sont respectées
15
défendre
Universel
Les boat people d’aujourd’hui ont actuellement beaucoup de difficultés à accéder au territoire et demander l’asile. La photo montre les
boat people Rohingya qui s’étaient perdus sur la route du Bangladesh à la Thaïlande au début janvier 2009. Les survivants ont été détenus
sur les îles Andaman (Sanjib Kumar Roy)
en Amérique centrale. L’Église
aussi a adopté une vision plus
large. Un document du Vatican
de 1992 intitulé Réfugiés : un défi
à la solidarité offre une nouvelle
définition du réfugié, que le JRS
a adopté : « Dans les catégories
de la Convention internationale
ne sont pas incluses les victimes
de conflits armés, de politiques
économiques erronées ou de
catastrophes naturelles. Pour
des raisons humanitaires, il y
a actuellement une tendance
croissante à reconnaître ces
personnes comme réfugiés de
facto, étant donnée la nature
involontaire de leur migration (…)
Un grand nombre de personnes
sont forcées de quitter leurs
domiciles sans traverser les
frontières de leur pays. Pour
des raisons humanitaires, ces
personnes déplacées devraient
être considérées comme réfugiées
de la même manière que celles
qui sont formellement reconnues
par la Convention, parce qu’elles
sont victimes du même type de
violence. »
Une réalité complexe
La déroutante collection de
définitions et termes utilisés
16
pour décrire des personnes en
déplacement reflète la complexité
du déplacement moderne :
réfugiés, demandeurs d’asile,
migrants volontaires économiques,
migrants pour survie, migrants
sans papiers, boat people,
apatrides, déplacés internes…
La détermination du statut
officiel de réfugié est également
devenue progressivement plus
complexe. Une personne reconnue
comme réfugiée en Afrique
peut ne pas avoir droit à une
protection en Europe. Beaucoup de
personnes bénéficient de formes
subsidiaires de protection parce
que, bien qu’elles ne puissent
manifestement pas rentrer chez
elle, leur situation ne correspond
pas aux critères déterminés
dans la Convention. D’autres
personnes n’ont pas droit à une
protection, ou ne peuvent pas y
accéder du tout, même si elles en
ont besoin mais sont ‘invisibles’
aux yeux de la communauté
internationale, qui a démontré une
incapacité systématique à couvrir
adéquatement leurs besoins.
Quelques chercheurs se
réfèrent à la plus large catégorie
de personnes déplacées de force
– comme étant des ‘migrants
de survie’ qui fuient une menace
existentielle contre laquelle ils
n’ont pas de remède chez eux.
L’exode d’environ deux millions
de Zimbabwéens dans les pays
d’A frique australe de 2005 à 2009
est un exemple de ce concept :
ils ont fui pour un ensemble
de motifs liés entre eux –
écroulement massif des activités
génératrices de revenu, échec de
l’État, répression et catastrophe
environnementale. Pour beaucoup,
l’émigration était la seule stratégie
de survie possible. Pourtant, le
taux de reconnaissance du statut
de réfugié en Afrique du Sud, où
beaucoup se dirigeaient, est de
moins de 10%. Ceci n’est pas un
cas isolé : ailleurs, beaucoup de
Congolais, Somaliens, Haïtiens,
Afghans, Iraquiens et d’autres ont
eu la même expérience.
Environ 26 millions de
personnes déplacées n’entrent
pas non plus dans le cadre des
attributions de protection de la
Convention. Leur détresse a été
combattue dans une certaine
mesure par l’élaboration globale de
lignes directrices qui ont mené à la
négociation de traités régionaux.
La réponse institutionnelle adopte
l’approche ‘cluster’ par laquelle
Universel
différentes agences humanitaires
sont chargées de couvrir l’un
ou l’autre besoin des personnes
déplacées.
Un autre objet de
préoccupation croissante, que ne
vise pas la Convention, sont les
nombreuses personnes affectées
et déplacées suite au changement
climatique et autres facteurs
environnementaux : sécheresse,
dégradation des terres, désastres
naturels…
Nouveaux défis
La Convention peut aussi être
vue comme n’étant pas à la
hauteur des extraordinaires défis
affrontés aujourd’hui. Plus de la
moitié des réfugiés dans le monde
vivent dans des zones urbaines
; souvent non enregistrés et
sans papiers valides, ils doivent
continuellement affronter des
risques de protection, notamment
la détention, l’expulsion,
l’exploitation et la xénophobie.
En effet, le premier de ces défis
est l’hostilité croissante dans
un monde où, comme le dit
le Père Nicolás dans sa lettre
d’anniversaire, « beaucoup de
personnes ferment leurs frontières
et leurs cœurs, par crainte ou
ressentiment, à ceux qui sont
différents. » Cette attitude se
reflète dans les lois promulguées
dans le but spécifique de
restreindre l’accès aux procédures
d’asile et avec des seuils très bas
pour les exceptions au principe
du non-refoulement, outre aux
régimes de détention renforcés. La
détention de demandeurs d’asile
continue à causer une grande
souffrance dans le monde entier.
Une recherche du JRS Europe
révèle que presque tous ceux
qui sont détenus souffrent de
dépression parfois grave et de la
détérioration de leur état de bienêtre.
Un accès restreint à la
protection est aussi dû à des
préoccupations accrues en matière
de sécurité nationale, qui font
contrepoids aux droits des réfugiés
et pèsent souvent davantage.
Quelquefois, cela a littéralement
signifié fermer la frontière aux
demandeurs d’asile, une approche
hostile illustrée par le traitement
des boat people. Les dangereuses
traversées par mer faites par
des migrants sans papiers ont
augmenté ces dernières années :
ils sont souvent interceptés et
renvoyés, ou bien se voient refuser
de débarquer ou détenus et
maltraités quand ils ont débarqué.
Et pourtant, lorsqu’ils réussissent
à accéder au territoire et aux
processus de demande d’asile, un
pourcentage élevé de demandeurs
d’asile qui arrivent par bateau
obtiennent la protection.
Faire évoluer les principes
de la Convention
Alexander Betts et Esra Kaytaz,
de l’Université d’Oxford,
soulignent deux éléments
essentiels dans un document de
2009 intitulé Réponses nationales
et internationales à l’exode
zimbabwéen : implications pour le
régime de protection des réfugiés,
qui a été publié dans une série
de l’UNHCR, Nouvelles questions
dans la recherche sur les réfugiés.
Le premier élément est une
structure normative basée sur un
accord multilatéral qui gouverne
la protection subsidiaire de ceux
qui n’entrent pas dans le cadre des
attributions de la Convention de
1951. Cette structure établit des
engagements des États existant
sous la législation internationale
sur les droits humains. À l’heure
actuelle, la pratique d’accorder
une protection subsidiaire a été
ponctuelle et varie radicalement
d’un pays à l’autre, en laissant des
défendre
gaps de protection significatifs.
Le deuxième élément est une
structure institutionnelle qui
établit une division du travail
claire : un accord de collaboration
pour partager les responsabilités
entre d’importants acteurs tels
que l’UNHCR, l’Organisation
Internationale pour les
Migrations (OIM) et la Fédération
internationale des Sociétés de la
Croix-Rouge et du Croissant Rouge
(IFRC).
La Convention de 1951 a sauvé
la vie de millions de personnes
au cours des ans. Nous espérons
que le 60ème anniversaire de
cet instrument valide servira à
étayer le régime de protection
internationale à travers la
réaffirmation et l’évolution
pratique de ses principes.
Après tout, comme l’a dit le
Vatican dans son document de
1992, « les États qui ont signé la
Convention avaient eux-mêmes
exprimé l’espoir qu’elle aurait une
valeur exemplaire au-delà de son
objectif contractuel. »
Des réfugiés iraquiens à Damas, la
capitale de la Syrie. Plus de la moitié des
réfugiés dans le monde vivent maintenant
dans des zones urbaines, où ils courent de
nombreux risques. (JRS International)
17
réflexion
À la fin, nous nous rendons compte que
ceux que nous servons nous changent
profondément. Sur la photo nous voyons Elise
Joisel, qui gère la formation des enseignants
au Tchad, tandis qu’elle se fait un nouvel ami.
(JRS International)
l’hospitalité
favorise
la réconciliation
Message du Supérieur Général
Jésuite, Père Adolfo Nicolás
SJ, au JRS, à l’occasion de son
30ème anniversaire,
le 14 novembre 2010
Le Père Général, ayant à ses côtés le
directeur du JRS Irlande, Eugene Quinn,
et, à gauche, Rico Edmoon, d’Iraq. Le JRS
encourage activement l’intégration en Irlande
et en Europe. (Press 22)
18
Je suis très heureux de saluer le
Service Jésuite des Réfugiés (JRS)
à l’occasion du 30ème anniversaire
de sa fondation par le Père Pedro
Arrupe. Au cours des années
1980, le JRS a reçu beaucoup
de grâces, pour lesquelles, me
joignant à tous ceux qui ont
fait partie de la famille JRS, je
remercie le Seigneur. Ensemble,
nous remercions Dieu pour la
croissance du JRS, qui, après de
modestes débuts, est maintenant
engagé dans plus de 50 pays. Nous
sommes aussi reconnaissants
pour la fécondité de son œuvre : le
JRS a eu un impact sur des milliers
de vies et a été l’instrument de
Dieu pour apporter la pleine vie
de l’Évangile à ceux qui avaient
perdu leurs foyers et espoirs.
En outre, je suis certain que
de nombreux collaborateurs et
jésuites qui ont consacré leur
temps au JRS s’uniront à moi
afin de remercier le Seigneur
pour la transformation que notre
service a produite en nous. Nous
voulions aider, mais nous sommes
finalement rendu compte que
ceux que nous avons servis et
avec qui nous avons servi nous
ont appris bien davantage et nous
ont profondément transformés.
Enfin, nous remercions ensemble
le Seigneur parce que l’histoire des
trente dernières années n’est pas
seulement un rapport de choses
accomplies mais peut-être, plus
profondément, un entrelacement
de nombreuses amitiés durables et
de partenariats dans la mission.
Je suis aussi heureux de savoir
que cette célébration du 30ème
anniversaire n’a pas simplement
été une occasion d’examiner le
passé, mais aussi de regarder
de l’avant. Mais permettez-moi
de partager avec vous quelques
réflexions sur les perspectives du
JRS pour les trente prochaines
années. Comme vous vous en
rendez compte, le monde de
personnes déplacées que le
JRS désire servir est en rapide
changement. Depuis l’époque
où les boat people vietnamiens
avaient inspiré la réponse de
réflexion
compassion du Père Arrupe
au nom de la Compagnie, de
nombreuses nouvelles formes
de déplacement, de nouvelles
expériences de vulnérabilité et
souffrances sont venues à jour.
Vous les connaissez mieux que
moi : les victimes de catastrophes
naturelles et environnementales,
ceux qui ont perdu leurs terres
et leurs foyers à cause de la
soif mondiale de minéraux
et de matières premières,
l’augmentation du nombre de
réfugiés urbains, pour en nommer
quelques-unes. Comment le JRS
peut-il promouvoir à la fois l’esprit
et les structures de la liberté
ignatienne pour répondre avec
souplesse à ces nouveaux appels à
notre compassion ?
Dans notre service aux
réfugiés, je me demande comment
le JRS peut mieux construire des
communautés participantes. La
longue tradition de dépendance
d’une aide fournie par d’autres
personnes peut empêcher ceux
que nous servons de prendre la
responsabilité de leurs propres
besoins. Aider les personnes à
agir au mieux, sans dépendre de
quelqu’un de l’extérieur qui peut
agir mieux et plus vite, demandera
beaucoup de détachement et de
patience. Mais, à la longue, ce
sera plus efficace. Nous voulons
certainement répondre aux
besoins. Mais comment pouvonsnous construire quelque chose de
plus durable, quelque chose qui
renforce l’humanité de ceux pour
lesquels nous travaillons ?
Comment pouvons-nous les
aider à faire l’expérience de la
réconciliation, à s’en approcher,
à soigner les profondes blessures
souvent liées au déplacement
violent, de façon à ce qu’émergent
des communautés de paix ?
Je me demande aussi
comment le JRS peut défendre et
promouvoir plus activement la
valeur d’hospitalité de l’Évangile
dans le monde d’aujourd’hui,
fait de frontières fermées et
d’hostilité croissante envers les
étrangers. L’hospitalité est une
valeur profondément humaine et
chrétienne.
Qui répond à la demande d’une
personne non parce qu’il ou elle
est un membre de ma famille ou
de ma communauté ou de ma race
ou de ma confession religieuse,
mais simplement parce qu’il ou
elle est un être humain qui a
besoin d’accueil et de respect.
C’est la vertu du Bon Samaritain,
qui a vu dans l’homme au bord
de la route non pas un homme
d’une autre race mais un frère
dans le besoin. C’est une valeur
qui, vous du JRS le savez bien,
est érodée dans le monde, dans
la culture et dans la politique
d’aujourd’hui parce beaucoup
ont peur de ‘l’autre’. Beaucoup
ferment leurs frontières et leurs
cœurs, à cause de leur crainte ou
de leur ressentiment envers ceux
qui sont différents. En servant les
réfugiés, le JRS est l’hospitalité
de l’Évangile en action ; mais
peut-être que nous pouvons nous
demander comment influencer
avec créativité, effectivement et
positivement, les valeurs funestes
et inhospitalières au milieu
desquelles nous opérons.
Tandis que le JRS revient sur
son passé, qu’il réfléchit sur les
leçons apprises au cours de ces
trente dernières années et essaie
d’écouter les nouveaux appels de
l’Esprit de Dieu parlant à notre
époque, j’offre mes remerciements,
encouragements et prières. Je
prie pour que vous puissiez
continuer votre bon travail, que
vous puissiez répondre en liberté
et avec créativité aux nouveaux
défis et que vous construisiez des
communautés d’hospitalité qui
favorisent la réconciliation parmi
tous ceux que vous servez, comme
signe du Royaume dans notre
monde.
La valeur évangélique de l’hospitalité : Sœur Mercy Mbuguah du programme JRS pour
l’urgence urbaine à Nairobi échange de chaleureuses salutations avec une réfugiée.
(JRS International)
19
Jesuit Refugee Service
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n’avez pas de logement, pas de travail, pas de soutien, pas d’amis. De plus, vous êtes l’objet d’hostilité.
Le JRS se bat pour changer cette dure réalité – l’expérience de tant de réfugiés et demandeurs d’asile
dans le monde. Nos équipes organisent de l’aide juridique, des services sociaux, des cours de langues, de
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