Forbes Afrique décembre 2013, incluant un

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Forbes Afrique décembre 2013, incluant un
LE BOOM DE LA FRANCHISE • LE “CHÂTEAU” DE KINSHASA
AFRIQUE
ÉDITION DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
DIDIER DROGBA — BUSINESSMAN PHILANTHROPE
DOSSIER
SPÉCIAL
ÉNERGIE :
LE DÉFI
AFRICAIN
ÉDITION DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
L’AUTRE
DROGBA
LA STAR IVOIRIENNE DES TERRAINS
DE FOOTBALL EST DEVENUE
UN ENTREPRENEUR ENGAGÉ.
M 06312 - 11 - F: 4,90 E - RD
Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Mali, Niger : 5000 FCFA | Cameroun, République du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,
Sénégal : 4900 FCFA | Djibouti : 6,50 € | Belgique, Madagascar, Ile Maurice : 5,50 € | République démocratique du Congo : 5,70 €
3’:HIKQNB=WUY^UZ:?k@a@b@l@a";
SOMMAIRE — DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
VOLUME 2 — NUMÉRO 11
24 | SÉCURITÉ
INFORMATIQUE
PROTECTION DES DONNÉES
26 | SHODAN LE MOTEUR
DE RECHERCHE DES PIRATES
ÉDITORIAL
7 | LOVING BUSINESS
PAR MARC JÉZÉGABEL
Les enseignements sur l’Afrique du rapport
Doing Business de la Banque mondiale
8 | FAITS & COMMENTAIRES
PAR STEVE FORBES
Chers sénateurs, ne ménagez pas
la future présidente de la Fed!
10 | NOUVELLES DE KINSHASA
PAR MICHEL LOBÉ EWANÉ
L’ouverture de nouveaux horizons en
République démocratique du Congo
ACTUALITÉS
12 | Les Hommes et les entreprises
qui font l’économie
© CHRISTIAN PEACOCK POUR FORBES - ETHAN PINES POUR FORBES - ALEXANDRE BOUGHA - HERY ANDRIAMIANDRA - JEAN-MARIE HEIDINGER - 2R CONSULTING - TRAUNKARCHIVE/PHOTOSENSO
20 | AGENDA
Les rendez-vous des mois à venir
28 | JEAN-LUC RAJAONA
INGENOSYA
30 | MICHEL ELAME
L’ARTISAN DU SUCCÈS
DE WARID CONGO
CHRONIQUES
22 | UNE ANNÉE AFRICAINE
À L’IMAGE DE HOPE CITY
PAR GASTON KELMAN
Une nouvelle Afrique en construction
69 | LE TRIOMPHE DU RÉALISME
DES MARCHÉS
PAR JACQUES LEROUEIL
Les leçons à tirer du prix Nobel d’économie 2013
87 | LA MÉLODIE DU BONHEUR
PAR NADIA MENSAH-ACOGNY
Réflexion sur la notion de bonheur
appliquée au monde de l’entreprise
TECHNOLOGIE
34 | CHARLES
BRUNO DOGBE
TECNODIS INTERNATIONAL
24 | SÉCURITÉ
PAR KASHMIR HILL
32 | ROGERS TEUNKAM
2R CONSULTING
Protection des données : traque-moi si tu peux!
26 | SÉCURITÉ
PAR KASHMIR HILL
Shodan : un Google pour pirates informatiques
ACTEURS
28 | ENTREPRENEURIAT
PAR HERY ANDRIAMIANDRA
Jean-Luc Rajaona, le pionnier de l’offshore
30 | TÉLÉCOMS
PAR MICHAEL TOBIAS
Michel Elame, le hussard de la téléphonie
32 | RECRUTEMENT
PAR JACQUES MATAND’
Rogers Teunkam, le recruteur
de talents et de compétences
34 | IMMOBILIER
PAR GASTON KELMAN
Charles Bruno Dogbe,
promoteur sans frontières
EN COUVERTURE
36 | DIDIER DROGBA
BUSINESSMAN PHILANTHROPE
36 | FOOT-BUSINESS
PAR PASCAL FERRÉ
L’autre visage de Didier Drogba
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 3
SOMMAIRE — DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
VOLUME 2 — NUMÉRO 11
ANALYSE
44 | POLITIQUE
PAR PIERRE LEBLACHE
Obama et l’Afrique : dans les méandres
d’une complexe histoire d’amour
ENQUÊTE
44 | OBAMA ET L’AFRIQUE
46 | BUSINESS
ANALYSE
PAR SERGE TCHAHA
La franchise, un levier
de développement économique
52 | LE CAP-VERT
PAYS
58 | LE CHÂTEAU
LA BOURSE INFORMELLE
DE KINSHASA
52 | ÉCONOMIE
PAR JACQUES LEROUEIL
Le Cap-Vert contre vents et marée
ENQUÊTE
58 | FINANCE
PAR JACQUES MATAND’
Le Château, la grande place
de la finance congolaise
ACTEURS
64 | FINANCE
PAR HERY ANDRIAMIANDRA
Maminiaina Rasolondraibe,
le militant des fonds de pension
66 | ÉCONOMIE
70 | BENJAMIN AGBOLI
PRODUCTEUR DE WHISKY
PAR JEAN-MICHEL MEYER
Jean-Michel Severino, le financier
du développement
70 | SPIRITUEUX
PAR VIVIANE FORSON
Benjamin Agboli, le prince africain
du whisky écossais
73 | TOURISME
PAR NADIA MENSAH-ACOGNY
Praveen Moman,
l’artisan de l’écotourisme
DOSSIER
76 | ÉNERGIE
PAR MARC JÉZÉGABEL
Le défi énergétique de l’Afrique
73 | PRAVEEN MOMAN
CHANTRE DE L’ÉCOTOURISME
64 | MAMINIAINA
RASOLONDRAIBE
FUNRECO
CARRIÈRE
84 | RESSOURCES HUMAINES
PAR MYRIAM DUBERTRAND
Management : tenir compte
des spécificités africaines
LA VIE FORBES
88 | CULTURE
PAR GASTON KELMAN
Manu Dibango, le père
de la renaissance africaine
90 | CONSOMMATION
Les montres de gousset
91 | BOISSONS
PAR SOPHIE LEISER
76 | ÉNERGIE
Les ambitions africaines du champagne
LE DÉFI DU CONTINENT
94 | TOURISME
PAR NATACHA WOLINSKI
Le Bulgari Hotel,
un paquebot au cœur de Londres
88 | CULTURE
97 | RESTAURANTS
MANU DIBANGO
PAR DEBORA ALTMAN
God save the British cuisine
98 | PENSÉES
94 | TOURISME
LE BULGARI HOTEL
DE LONDRES
4 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Réflexions sur les fêtes de fin d’année
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FOR GOLDEN FOOT/AFP IMAGEFORUM
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DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 – VOLUME 2 NUMÉRO 11
ÉDITÉ PAR F. AFRIQUE MEDIA SAS
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CONSEIL D’ADMINISTRATION Lucien Ebata, Sylvain Lekaka, Jean-Marie Simon
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jean-Marie Simon
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Marc Jézégabel
RÉDACTEUR EN CHEF DÉLÉGUÉ Michel Lobé Ewané
contact@forbesafrique.com
CHRONIQUEURS Gaston Kelman, Jacques Leroueil, Nadia Mensah-Acogny
REPORTERSHery Andriamiandra, François Bikindou, Jérémy Collado, Bruno Deme, Myriam
Dubertrand, Pascal Ferré, Viviane Forson, Serge Alain Godong, Kashmir Hill, Hyacine Kacou-Amondji,
Gaston Kelman, Pierre Leblache, Sophie Leiser, Jacques Leroueil, Henri Loizeau, Tania Mahoungoud,
Jean-Jacques Arthur Malu Malu, Jacques Matand’, Nadia Mensah-Acogny, Jean-Michel Meyer,
Set Ngom Priso, Emmanuelle Sodji, Serge Tchaha, Michael Tobias, Elodie Vermeil, Natacha Wolinski
LA VIE FORBES Debora Altman
daltman@forbesafrique.com
CONCEPTION RÉALISATION STUDIO 92
DIRECTEUR ARTISTIQUE Emilien Guillon
MAQUETTISTE Victor Mourain
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Emilie Esnaud-Victor
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REPORTERS PHOTO Hery Andriamiandra, Alexandre Bougha, Jean-Marie Heidinger,
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FORBES MEDIA
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FONDÉ EN 1917
B. C. Forbes, rédacteur en chef (1917-1954)
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FORBES est une marque brevetée et utilisée sous licence de FORBES LLC.
Forbes Afrique est publié par F. Afrique Media SAS, 18, avenue Franklin-Roosevelt 75008 Paris, France, sous accord de licence avec Forbes Media
LLC, 60 Fifth Avenue, New York, New York, 10011, États-Unis d’Amérique. Copyright ©2013 Forbes Afrique Media.
N° Commission paritaire : 1114 I 91585. Dépôt légal : juillet 2013. N° ISSN : 2262-1547. Abonnement annuel : 30€ TTC, prix de vente au numéro :
4,90€ TTC. Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de sa diffusion.
6 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
FORBES AFRIQUE
L’ÉDITORIAL DE
MARC JÉZÉGABEL
LOVING BUSINESS
L
e taux de croissance
est devenu
l’indicateur roi. Le
totem de l’économiemonde. Proche de
zéro, comme en Europe, c’est
la déprime. Entre 1 et 2,5%,
la Russie ou l’Inde sont, par
exemple, considérées comme des
traînards. Mais avec plus de 5%
de moyenne, le continent africain
fait figure de nouvelle frontière.
Rien de tout cela n’est faux,
mais c’est un peu court. D’abord
parce que croissance ne signifie
pas développement. Ensuite parce que cet
indicateur mesure l’évolution du PIB, mais pas
l’activité. Or l’exportation de matières premières,
entre autres, brouille les comparaisons, et masque
la réalité. Pour corriger le tir, la Banque mondiale
produit depuis dix ans un rapport annuel intitulé
«Doing Business*», qui mesure la qualité de
l’environnement du monde des affaires dans
185 économies du globe. L’étude évalue le cadre
juridique, réglementaire, financier et fiscal, ainsi
que sa capacité à faciliter ou au contraire entraver
le business. Cela va des formalités pour créer une
entreprise à l’obtention d’un prêt, en passant par
l’exécution des contrats, le système d’imposition
et l’embauche des travailleurs. Au total, 11 étapes
vitales de la vie d’une entreprise sont passées
au crible. L’objectif étant de donner des repères
aux Etats pour favoriser la réglementation
intelligente («smart», pour simplifiée, mesurable,
adaptable, relative, transparente) de l’activité.
Dans ce classement mondial au sommet duquel
trône la ville-Etat de Singapour, l’Afrique a son
champion : le Rwanda. Numéro deux mondial
en terme de progression, ce petit pays enclavé
pointe à la 32e place du tableau général.
Premier enseignement du rapport, et il
est réconfortant, la tendance générale est la
convergence. Effet induit de la
mondialisation, les écarts entre
nations se resserrent. Il y a dix ans,
l’une des principales conclusions
était que les économies à faible
revenu avaient des systèmes de
réglementation très complexes. Or,
note la dernière édition, parmi les
50 économies qui ont fait le plus
de progrès depuis 2005, la plus
grande part – un tiers – se trouve
en Afrique subsaharienne.
Le meilleur exemple de
convergence est fourni par la
facilité à créer une entreprise.
Il fallait en moyenne cent douze jours en
2003 dans les pays les moins performants.
Le délai est désormais réduit de moitié.
Les indicateurs de Doing Business forment
en outre une formidable feuille de route pour
accompagner la transition d’une partie de
l’économie informelle vers le secteur officiel.
L’informel a certes l’avantage de la souplesse
au démarrage. Mais, revers de la médaille, les
entreprises s’y développent plus lentement,
l’accès au crédit est plus difficile, l’emploi plus
restreint et non protégé, la fiscalité inexistante.
Le secteur privé représente environ 90%
des emplois dans les pays en développement.
Favoriser le climat des affaires, c’est-à-dire
promouvoir des entreprises qui investissent,
créent des emplois et améliorent la productivité,
constitue donc la clé qui permet de couvrir
la distance qui sépare la croissance d’un
véritable développement inclusif. Les bonnes
décisions macroéconomiques sont nécessaires,
mais la qualité des mécanismes législatifs,
réglementaires et financiers ne l’est pas moins
pour engendrer le «loving business».
* www.doingbusiness.org/data. Voir aussi p. 17.
POUR TOUS COMMENTAIRES ET REMARQUES, MERCI D’ADRESSER
UN COURRIEL À MARC JÉZÉGABEL : MJEZEGABEL@FORBESAFRIQUE.COM.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 7
FORBES AFRIQUE
FAITS & COMMENTAIRES — STEVE FORBES
« Donner tout son sens à l’information »
CHERS SÉNATEURS, NE
MÉNAGEZ PAS LA FUTURE
PRÉSIDENTE DE LA FED !
PAR STEVE FORBES, RÉDACTEUR EN CHEF
E
nfin ! Barack Obama a
momentanément cessé
de mener en bateau
les élus républicains
du Congrès à propos
de la dotation budgétaire provisoire
et de l’augmentation du plafond
de la dette, et désigné Janet Yellen
comme candidate à la succession de
Ben Bernanke à la présidence de la
Réserve fédérale américaine. Le Sénat,
qui doit auditionner l’intéressée,
ne devra pas hésiter à l’interroger
sur des sujets cruciaux, et à rejeter
sa candidature si ses réponses se
révélaient insatisfaisantes.
Sur ordre de Ben Bernanke, la
Banque centrale a mis en place des
mesures sans précédent, qui ont
considérablement nui aux marchés du
crédit et retardé la reprise économique.
Elles risquent de causer un préjudice
plus grave encore que la crise de
2008-2009. Affranchie de l’autorité
du Congrès, la Fed s’est arrogé des
prérogatives économiques démesurées.
Pire encore, le Congrès lui a confié de
nouvelles attributions, qui mettent
en péril l’avenir économique du pays.
Ainsi, la Fed abrite le Consumer
Financial Protection Bureau et lui
octroie tout le financement qu’il
réclame. L’agence de protection
des consommateurs de produits
financiers exerce un pouvoir quasi
discrétionnaire auprès des banques et
des établissements financiers sur les
prêts hypothécaires, cartes de crédit et
8 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
autres activités de prêt. Elle n’a pas
véritablement de comptes à rendre au
Congrès. A l’heure où le budget fédéral
subit des coupes claires, elle recrute
donc à tout-va et engloutit 95 millions
de dollars pour «rénover ses bureaux».
A l’issue de leur vote concernant
Janet Yellen, les sénateurs seront
probablement peu enclins à valider
toute action d’envergure. En particulier
les républicains, qui ne voudront pas
être accusés d’opportunisme politique
face à l’enjeu que représente un
poste aussi stratégique et sensible.
Mais le temps est venu de se
comporter en hommes d’Etat.
La politique monétaire est un sujet
à part. Non par sa complexité, car ses
principes de base sont assez simples.
Pourtant, la dimension psychologique
de la politique monétaire provoque des
sueurs froides et des palpitations chez
la plupart des membres du Congrès.
Mais compte tenu du rôle majeur
que joue la Fed à l’heure actuelle,
il leur faut surmonter cette peur
dans l’intérêt du pays.
Le candidat désigné doit être
mis sur le gril au sujet de son plan
d’action pour remédier à la frénésie
d’achat d’obligations de la Fed. La
récente tentative avortée de tapering
de la Banque centrale, visant à réduire
progressivement les achats de titres,
donne une idée de l’ampleur de la
tâche. A Wall Street, la plupart sont
accros à cette méthode. La question
du prix risque d’être épineuse lors de
la «liquidation» des obligations. Les
marchés tentent d’anticiper, et si les
traders et les investisseurs s’attendent
à des taux d’intérêt normaux, ils
diminueront dès aujourd’hui et sans
transition la valeur de ces obligations.
Jamais auparavant une Banque
centrale de cette envergure n’avait
agi comme la Fed en achetant
massivement des obligations d’Etat à
long terme et des titres hypothécaires
grâce à des emprunts de fonds à
court terme auprès des banques. Ben
Bernanke et consorts ont acheté des
centaines de milliards de bons du
Trésor américain à un prix supérieur
à leur valeur nominale. Ils auront
ainsi déboursé 1200 dollars pour une
obligation émise à 1000 dollars. Voilà
ce qui arrive quand on supprime les
taux d’intérêt à long terme. Selon David
Malpass, économiste et chroniqueur
chez Forbes, ces primes dépassent
désormais 200 milliards de dollars et
devraient être comptabilisées au titre
de la dette des Etats-Unis. Pourquoi
d’ailleurs ces excédents ne sont-ils pas
déjà comptabilisés dans la dette? Le
plafond de cette dette avait en fait été
dépassé depuis longtemps lorsque
le département du Trésor américain
a confirmé la nouvelle.
L’assouplissement quantitatif
a perturbé les marchés du crédit
américain. Il a restreint l’offre
disponible pour les emprunteurs
les moins favorisés et a permis au
gouvernement fédéral de financer le
déficit «sans pleurs». Washington ne
paie pratiquement aucun intérêt sur
ses nouveaux emprunts et, grâce à
la Fed, peut désormais emprunter à
l’envi, dans la limite du plafond de la
dette, jusqu’à ce que le Congrès finisse,
comme toujours, par relever ce dernier.
Les grandes entreprises accèdent
également sans peine au crédit, ce qui
explique notamment la solidité de
leurs bilans financiers. Le marché de
l’immobilier a profité d’achats massifs
et réguliers de centaines de milliards
de dollars de titres adossés à des
créances hypothécaires. Mais de plus
petites entreprises créatrices d’emploi
ont fait les frais de cette rigidité du
crédit. Ce n’est que très récemment
que celui-ci s’est libéré en faveur de
ce secteur vital de l’économie, grâce,
entre autres, à un formidable trait
de caractère des Américains : face à
une impasse, les chefs d’entreprise
savent tirer leur épingle du jeu.
Ainsi, ces petites entreprises ont pu
compter sur de nombreuses sources
de financement non bancaires, dont
les fonds communs de placement
en actions, qui comblent désormais
ce vide. Mais qui donc a confié
l’attribution des crédits à la Fed?
Autre question majeure : pourquoi
un tiers des achats d’obligations
effectués par la Fed depuis le
fléchissement de l’activité économique
a-t-il été immobilisé au lieu de servir
au développement économique? On
observe cette étrange logique depuis
plusieurs années. Pourquoi la Banque
centrale n’a-t-elle jamais abordé ce
problème? Essentiellement en raison
de la pression exercée sur les banques
par les organismes de réglementation,
pour restreindre l’attribution de
crédits au gouvernement fédéral,
afin d’améliorer le bilan des
banques. Mais cette logique de
protection a largement franchi la
limite. Maintenant que ces réserves
excédentaires étouffent les Etats-Unis,
qu’est-ce qui pourrait empêcher le
retour d’une spirale inflationniste?
En 2008, la Fed a obtenu
l’autorisation de payer des intérêts
sur ses réserves. Cette mesure a-telle eu pour effet de bloquer le crédit
en faveur des petites entreprises? La
Fed a-t-elle mené des études pour
s’informer sur ce sujet? Et si elle ne
l’a pas fait, pourquoi? Quelles preuves
concrètes permettent de soutenir
que l’assouplissement quantitatif a
véritablement stimulé la croissance
économique, aux Etats-Unis comme
ailleurs? Jamais dans l’histoire du pays
on n’a observé reprise aussi précaire
après une détérioration marquée,
pas même à la suite de la Grande
Dépression. Les fortes contractions ont
toujours été suivies d’un redressement
rapide. La question est alors de savoir
si cette reprise sera durable.
Au prochain tapering de la
Fed, qu’est-ce qui empêchera la
survenue d’une crise semblable à
la crise asiatique de 1997-1998? Les
Américains ont eu un avant-goût de
ce qui pourrait advenir avec la brève
réduction d’achats de titres de cette
année. En prévision de l’augmentation
des taux aux Etats-Unis, les capitaux
ont été extraits en masse de pays
comme le Brésil, l’Inde et l’Indonésie,
à la suite de quoi leurs devises ont subi
des attaques spéculatives.
C’est un sujet crucial. Trop souvent,
les Banques centrales ne savent pas
comment défendre leur monnaie.
Avant toute chose, il est nécessaire que
le gouvernement annonce clairement
qu’il compte défendre sa devise. Il doit
ensuite confirmer son intention en
augmentant les taux d’intérêt. Puis, il
lui faut, de manière agressive, acheter
sa propre monnaie sur les marchés
des changes avec les dollars de ses
réserves. Correctement mise en œuvre,
cette dernière étape sauvegardera
l’intégrité de la monnaie. Les Banques
centrales échouent cependant trop
souvent à réduire l’ampleur de leur
base monétaire, qui inclut les pièces
et billets en circulation et les fonds de
réserve des banques nationales.
Voici ce qui se passe. Une Banque
centrale achète sa devise avec des
dollars, ce qui est une bonne chose.
Cependant, elle réinjecte rapidement
cet argent dans l’économie nationale
en rachetant, en général, de la dette
publique nationale. Elle donne de
la main droite l’argent qu’elle a pris
de la gauche. La base monétaire
reste inchangée. La banque a tout
simplement réduit ses réserves, en
vain. Les économistes ont nommé
ce processus «stérilisation».
Cette pratique inefficace resurgit
ponctuellement. En 1997, la Thaïlande
disposait de réserves considérables, de
l’ordre de 40 milliards de dollars. La
valeur de sa monnaie, le baht, était liée
au dollar. Lorsque le baht a commencé
à s’affaiblir, la Banque centrale aurait
dû réduire sa base monétaire en
utilisant des dollars pour acheter des
bahts sur les marchés des changes. La
Thaïlande disposait de suffisamment
de dollars pour acheter deux fois la
totalité de sa base monétaire. Au lieu
de cela, elle a décidé de la stériliser.
Elle a épuisé ses réserves de change,
laissé flotter le baht, ce qui a entraîné
une chute libre de sa devise.
Au cours de la crise financière de
2008-2009, un pays a su résister aux
sirènes de la stérilisation : la Russie.
Lorsque le rouble s’est retrouvé sous
le feu des attaques spéculatives, la
Banque centrale a d’abord répliqué en
appliquant la stérilisation. Puis, début
2009, après la parution dans la Pravda
d’un article de Nathan Lewis, expert
en politique monétaire et chroniqueur
chez Forbes, la Russie a réduit sa base
monétaire. Résultat : le rouble s’est
renforcé, les spéculateurs ont été
mis en déroute et la devise russe est
sortie victorieuse de la crise.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 9
FORBES AFRIQUE
L’ÉDITORIAL DE
MICHEL LOBÉ EWANÉ
NOUVELLES
DE KINSHASA
F
RÉDACTEUR EN CHEF DÉLÉGUÉ
aut-il croire qu’une
brise nouvelle
souffle sur Kinshasa,
la capitale de
la République
démocratique du Congo? Ce
pays immense, considéré comme
un scandale géologique, mais
meurtri depuis des décennies par
des guerres civiles interminables,
longtemps soumis à l’une des
dictatures postcoloniales les
plus kleptocratiques, rongé
par la corruption, miné par des
conflits politiques, est resté
jusqu’à aujourd’hui une nation
qui renvoie le miroir d’une Afrique livrée à ses
démons les plus sordides, avec ses enfants soldats,
ses femmes violées, ses ressources pillées.
Ce Congo-là a longtemps été une blessure
vivante et douloureuse au cœur de l’Afrique. Mais
faut-il espérer qu’un horizon nouveau puisse
s’ouvrir bientôt, à l’orée de cette année 2014
qui s’annonce? Il aura suffi d’un discours et de
paroles fortes annonçant des gestes symboliques
du président congolais, Joseph Kabila, 42 ans,
dont près de treize à la tête du pays. Il a prévu
le rapatriement des restes du président Mobutu
Sese Seko et de Moïse Tshombé, ainsi que des
obsèques nationales. Il aura fallu quelques
victoires militaires sur le front de l’Est contre
le M23, l’un de ces groupes rebelles qui depuis
plusieurs décennies alimentent l’instabilité et
servent de carburant à la machine à tuer. Ces
paroles et ces succès auront été suffisants pour que
les Congolais, les investisseurs et les observateurs
étrangers s’autorisent à reprendre espoir.
Sur le front économique, dont on parle
pourtant si peu, le Congo a également remporté
quelques victoires significatives : un taux de
10 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
croissance de 8,2% en 2013, une
inflation maîtrisée autour de
0,3% pour la même période, une
monnaie – le franc congolais –
stabilisée et des réserves de
change en hausse (1,7 milliard
de dollars en 2013, contre
250 millions en 2008). Dans ce
pays qui reste fort mal classé
dans l’index Mo Ibrahim de
bonne gouvernance, il est presque
réconfortant d’entendre le
président dénoncer «l’ambiance
de corruption, de détournement
des deniers publics, de coulage
des recettes publiques et
d’enrichissement illicite». Mais il est encore plus
rassurant de noter que depuis quelque temps le
gouvernement s’efforce d’ériger des barrières
pour encadrer l’utilisation de l’argent public, avec
pour objectif de stopper l’appétit de politiciens
véreux qui usent d’astuces de toutes sortes
pour émarger indûment sur le Trésor public.
Ne nous laissons bercer par aucune
illusion. Le Congo n’est pas encore sorti de
ses problèmes, et ses démons sont toujours
présents. Mais ce vent qui souffle de Kinshasa
s’accompagne de la forte dynamique de la
société civile, de l’imagination et de l’esprit
d’entreprise de nombreux jeunes Congolais –
dont beaucoup sont issus de la diaspora –, qui
n’ont pas attendu l’Etat pour se jeter à l’eau avec
force projets, l’ambition de réussir, de créer des
emplois et de la richesse en faisant bouger les
lignes. Il est arrivé à Forbes Afrique d’en mettre
certains en lumière. C’est grâce à eux que
ce pays immense pourra un jour décoller,
émerger et étonner le monde.
POUR TOUS COMMENTAIRES, COMPLIMENTS, CRITIQUES OU SUGGESTIONS,
MERCI D’ADRESSER UN COURRIEL À NOTRE RÉDACTEUR EN CHEF DÉLÉGUÉ,
MICHEL LOBÉ EWANÉ : MLOBE@FORBESAFRIQUE.COM
Notre métier, l’assurance
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E-mail : infos@avieassur.com
CAMEROUN
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du Cameroun Vie (UA Cam-Vie)
Tél. : (237) 33.42.12.46
E-mail : contact.uacam@uacamvie.com
CENTRAFRIQUE
Union des Assurances
Centrafricaines-IARD (UAC-IARD)
Tél. : (236) 21.61.31.02
E-mail : uac-iard@uac-iard.com
CÔTE D’IVOIRE
Union des Assurances
de Côte d’Ivoire Vie (UA-Vie)
Tél. : (225) 20.31.04.00
E-mail : info@uavie.ci
MALI
Union des Assurances
du Mali-IARD (UAM-IARD)
Tél. : (223) 75.59.26.11
E-mail : info.mali@ua-iard.com
Le Millénium Assurances
Internationales-IARD
(LMAI-IARD)
Tél. : (225) 20.25.18.18
E-mail : lmai-iard@lmai-iard.com
NIGER
Union Générale des Assurances
du Niger-IARD (UGAN-IARD)
Tél. : (227) 20.73.40.71
E-mail : ugan-iard@ugan-iard.com
Le Millénium Assurances
Internationales-Vie (LMAI-Vie)
Tél. : (225) 20.25.44.44
E-mail : lmai-vie@lmai-vie.com
Union Générale des Assurances
du Niger-Vie (UGAN-Vie)
Tél. : (227) 20.73.41.75
E-mail : ugan-vie@ugan-vie.com
L’Alliance Africaine
d’Assurances Vie (3A-Vie)
Tél. : (225) 20.33.98.20
E-mail : aaavie@aaavie.com
SENEGAL
Union des Assurances
du Sénégal-Vie (UASen-Vie)
Tél. : (221) 33.889.00.40
E-mail : uasenvie@uasen.com
GABON
Union des Assurances
du Gabon-Vie (UAG-Vie)
Tél. : (241) 01.74.34.34
E-mail : uagvie@uagvie.com
GUINÉE
Union des Assurances
de Guinée-IARD (UA-IARD)
Tél : (224) 666.10.10.27
E-mail : info.guinee@ua-iard.com
TOGO
Union des Assurances
du Togo-IARD (UAT-IARD)
Tél. : (228) 22.21.10.31
E-mail : uat.iard@uatiard.com
Union des Assurances
du Togo-Vie (UAT-Vie)
Tél. : (228) 22.22.51.95
E-mail : uat.vie@uatvie.com
Réalisation FilBleuSAS : contact@filbleu.net
Le réseau SUNU en Afrique
ACTUALITÉS
Actualités
L’ESSENTIEL
DES NOUVELLES
NOMINATIONS
AFRIQUE FRANCOPHONE
EURAPHARMA : UN
NOUVEAU DIRECTEUR
POUR L’AFRIQUE
FRANCOPHONE
Le groupe CFAO a annoncé la
nomination, effective le 1er octobre
2013, de Ken Accajou au poste
de directeur pour l’Afrique
francophone et Madagascar
d’Europharma. Ken Accajou était
depuis 2009 directeur général de
Sopharma. Auparavant, il avait
été directeur adjoint de la zone
Maghreb, Afrique anglophone
et lusophone de Sopharma. Ken
Accajou devient membre des comités
exécutifs de CFAO et d’Eurapharma.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
JEAN-PIERRE
AYEYEMI DÉSIGNÉ
KIWAKANA KIMAYALA, ADE
RESPONSABLE DE
BHARTI AIRTEL
CITIGROUP
La direction de la région
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Afrique francophone du
groupe indien de télécoms
Bharti Airtel vient de
nommer l’ancien conseiller
économique de la présidence
de la République, économiste
et homme d’affaires congolais
Jean-Pierre Kiwakana
Kimayala président du conseil
d’administration en République
démocratique du Congo. Sa
mission est d’accroître la
connectivité au sein du deuxième
plus grand pays en Afrique.
Citigroup a choisi de placer à la
tête de ses opérations en Afrique
subsaharienne le Nigérian Ade
Ayeyemi, en remplacement de Naveed
Raiz. Cette nomination est un signal
fort pour la société qui concentre ses
efforts pour «saisir les opportunités qui
existent dans la région subsaharienne».
Ade Ayeyemi travaille pour Citigroup
depuis vingt-cinq ans. Il a occupé
plusieurs postes, dont celui de senior
country officer au Kenya et en Afrique
de l’Est et responsable du service
transactions de Citi pour l’Afrique.
FINANCE
FRANCE
A l’initiative du Club d’affaires Afrique et du cabinet Deloitte s’est tenu le 24 octobre dernier à Paris un forum sur les
investissements et levées de fonds en Afrique. La problématique de cette rencontre, qui réunissait des investisseurs, des
cabinets de conseil financier, des business angels et des créateurs d’entreprises, tournait autour de l’investissement en
capital en Afrique francophone. Avec un constat récurrent : la région ne présente pas de dispositif fiscal attractif dans
ce domaine, le cadre réglementaire, juridique et fiscal reste à harmoniser et stabiliser. Il y a également une pénurie
de professionnels qualifiés et la perception du risque est élevée dans la zone. Ce constat fait, il apparaît pourtant que
le développement de l’activité de fonds d’investissement a été appréciable dans le continent pris globalement. Ainsi,
en 2013, le nombre de fonds de private equity levés sur l’Afrique a été de 68, avec une taille cumulée de 13 milliards de
dollars et une taille moyenne de 191 millions de dollars. Il convient de noter qu’en 2012, sur les 25% des capitaux de
private equity placés sur les marches émergents, seulement 4% ont concerné l’Afrique subsaharienne.
12 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
© DR
FORUM SUR LES INVESTISSEMENTS
ET LES LEVÉES DE FONDS EN AFRIQUE
NOMINATIONS
SÉNÉGAL
RÉPUBLIQUE DU CONGO
Personnalité bien connue du monde des
affaires au Sénégal, Alioune Ndour Diouf
était jusqu’à présent en charge de l’Afrique
subsaharienne pour le groupe Axa. Il avait
occupé ce même poste durant six ans pour
Ecobank à Dakar. Avec la prochaine installation
de BOA-Sénégal dans son nouveau siège du
quartier des Almadies de Dakar, la nomination
en juin dernier d’un nouveau directeur général,
une augmentation du capital jusqu’à 10 milliards
de francs CFA et des fonds propres à plus de
16 milliards de francs CFA, BOA-Sénégal
affiche ses ambitions de développement.
Le cabinet Deloitte a ouvert un nouveau bureau à
Brazzaville, avec à sa tête Raphaël Ebanga. C’est le
second pôle du groupe en Afrique centrale après celui
de Pointe-Noire. Présent depuis 2007 dans la capitale
économique, principalement auprès des acteurs
locaux et étrangers des secteurs minier, pétrolier et
gazier, Deloitte Congo diversifie son offre, notamment
dans le secteur public. Ce nouveau bureau conforte
la présence dans la région du cabinet déjà installé
à Kinshasa, Lubumbashi, Malabo, Libreville et
Douala. A noter que Deloitte dispose désormais
de 13 bureaux en Afrique
francophone.
ALIOUNE NDOUR DIOUF,
NOUVEAU PRÉSIDENT DE
BANK OF AFRICA SÉNÉGAL
RAPHAËL EBANGA,
DIRECTEUR DU BUREAU
DELOITTE À BRAZZAVILLE
FINANCE
TCHAD
© AFP IMAGEFORUM
LANCEMENT D’UN DEUXIÈME EMPRUNT
OBLIGATAIRE APRÈS CELUI DE 2011
Les autorités tchadiennes ont lancé un nouvel emprunt
obligataire par appel public qui vise à lever 85 milliards
de francs CFA, remboursables sur cinq ans, dans la zone
CEMAC. Le document de présentation officiel, intitulé «Etat du
Tchad 6% 2013-2018», précise que l’opération doit permettre de
compléter le financement d’une Cité internationale des affaires,
gage «d’une représentation d’un cadre des affaires qui permettrait
à l’économie d’être tirée par le secteur des services comme dans
d’autres pays». Le lancement de cet emprunt a été suivi d’une
intense campagne de communication dans la région pour inciter
les pays voisins à souscrire. L’Etat tchadien a pour sa part donné
quelques garanties sur l’évolution et la stabilité économique du
pays. La SCB Cameroun, filiale du groupe Attijariwafa Bank, cochef de file de l’emprunt, est chargée de la structuration de l’opération
suivant les règles en vigueur sur les marchés financiers de la CEMAC.
Objectif : permettre la cotation simultanée des obligations de
l’emprunt aux deux Bourses de la sous-région, Douala et Libreville.
La CMF et la COSUMAF ont approuvé cette opération.
Idriss Déby, le président
tchadien, veut faire
de N’Djamena un
centre d’affaires
incontournable
en Afrique.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 13
Actualités
ÉNERGIE
ALGÉRIE
La compagnie nationale algérienne des hydrocarbures, dirigée par Abdelamine Zerguine (cidessus), vient d’annoncer la découverte d’un
important gisement pétrolier dans le centre-nord
du pays. Il s’agit selon les autorités algériennes de
«l’une des plus importantes de ces vingt dernières
années». A 112 kilomètres de Hassi Messaoud gisent
à 3700 mètres de profondeur près de 1,3 milliard
de barils de pétrole. Pour l’exploitation, la société
nationale a indiqué qu’elle devrait recourir à la
fracturation hydraulique pour la moitié de la
production. Une opération qui représente une
hausse de 10% du coût de production par rapport
à une extraction conventionnelle.
BÉNIN
DÉCOUVERTE D’UN GISEMENT
DE PÉTROLE ESTIMÉ À
87 MILLIONS DE BARILS
Le Bénin dispose d’un important gisement
de pétrole sur le bloc 1 du champ pétrolifère
de Sèmè-Kpodji, au sud-est du pays. C’est
ce qui a été officiellement annoncé au chef de
l’Etat Boni Yayi lors d’une audience qu’il a
accordée au groupe d’experts de la South
Atlantic Petroleum (Sapetro) ayant prospecté
ce bloc du bassin côtier du Bénin. L’or noir qui
proviendra des puits pétroliers de Sèmè-Kpodji
sera produit d’ici à la fin de l’année prochaine.
La production envisagée par Sapetro, qui doit
exploiter ce gisement, est de 7500 barils par
jour. Des travaux de recherche complémentaires
sur un autre gisement évalué à 100 millions de
barils seront engagés dans les mois à venir.
14 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
ÉTHIOPIE
INAUGURATION DU PLUS GRAND
PARC ÉOLIEN D’AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
C’est dans le nord de l’Ethiopie, à Ashegoda, que le
plus grand parc éolien d’Afrique subsaharienne a été
inauguré le 26 octobre. Avec 84 turbines installées sur
100 km2, ce parc dispose d’une puissance de 120 MW, soit
400 GWh distribués annuellement. Il permettra ainsi
d’économiser 300000 tonnes de CO2 par an et de
satisfaire en électricité renouvelable les besoins de près
d’un million de personnes. Le coût du projet s’est élevé à
210 millions d’euros. Ce montant a été majoritairement
assuré par des prêts concessionnels accordés à l’Etat
éthiopien par l’Agence française de développement
(AFD) et la banque française BNP Paribas. La ferme
éolienne a été construite par la PME française
spécialisée dans les énergies renouvelables Vergnet,
en collaboration avec le groupe Alstom.
© AFP IMAGEFORUM - JENNY VAUGHAN/AFP IMAGEFORUM
LA SONATRACH
DÉCOUVRE
UN IMPORTANT
GISEMENT DE PÉTROLE
CÔTE D’IVOIRE
© SIA KAMBOU/AFP IMAGEFORUM - DR
BOLLORÉ LIVRE
DES BUS 100 %
ÉLECTRIQUES
À ABIDJAN
Le groupe Bolloré vient
d’inaugurer dans la capitale
ivoirienne la toute première
ligne de bus 100% électriques
d’Afrique, en présence du
président de la République
Alassane Ouattara. Deux bus
électriques, des Bluebus de
22 places, seront ainsi exploités
sur le campus de l’université
Félix-Houphouët-Boigny de
Cocody pour le transport
des étudiants. Alimentés par
des batteries lithium-métalpolymère (LMP), ils disposent
d’une autonomie de 150 km.
Quatre autres véhicules seront
livrés dans les mois à venir. Ce
projet de 1,2 milliard de francs
CFA a été entièrement financé
par Bolloré. Parallèlement,
288 panneaux photovoltaïques
ont été installés sur le site par
SunPower, une filiale de Total,
sur une surface de 2000 m2 au
sol. De son côté, Bolloré a fourni
six packs de batteries LMP de
25 kWh où sera stockée l’énergie
solaire durant la journée pour
assurer une distribution aux bus
24h/24. La Côte d’Ivoire devient
le premier pays africain à
bénéficier de cette technologie.
Fort de ce succès, le groupe
français songe à dupliquer
ces modèles dans d’autres
pays du continent.
MODE
La styliste camerounaise
Anna Ngann Yonn a fondé
il y a plus de dix ans la
marque Kreyann’ et
a organisé pour la
première fois l’année
dernière le K-Walk.
CAMEROUN
UNE FASHION WEEK À YAOUNDÉ
Le K-Walk 2013, la nouvelle grand-messe de la mode africaine, s’est
tenu le 1er novembre dernier à Yaoundé. Le rendez-vous a réuni plus de
1000 invités triés sur le volet pour découvrir les collections de Kreyann’,
la marque de la Camerounaise Anna Ngann Yonn, et celles de deux autres
talentueux designers internationaux : le Sud-Africain Shaldon Kopman et
le Français Stéphane Rolland. «La collection que je présente cette année
est inspirée de la vie dans les plantations de canne à sucre à l’époque de
l’esclavage, explique Anna Ngann Yonn. Au cours de cette période, on a pu
observer qu’à côté de l’image triste et sombre que renvoyait la traite négrière,
il y avait une certaine bourgeoisie blanche qui s’était établie, caractérisée
notamment par un côté fastueux chez les maîtres qui prenaient la peine de
bien s’habiller. Ma collection part de cette période en utilisant les formes
modernes, chic et élégantes. J’ai utilisé des matières naturelles qui rappellent
les fibres de canne à sucre, les feux de brousse, des couleurs chaudes.»
C’est le Namibien Jan Malan, le plus grand producteur de Fashion Shows
en Afrique, qui a orchestré le spectacle. Le K-Walk est une plate-forme de
rencontres entre les différents métiers de la mode. Pour Anna Ngann Yonn,
«les retombées pour toutes les personnes qui y participent sont nombreuses
avec de nouvelles opportunités, des contacts et des partenariats».
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 15
Actualités
BUSINESS
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
INDUSTRIE
La nouvelle édition du rapport Doing Business de la Banque mondiale (voir
aussi p. 7) vient de paraître. Premier enseignement : durant les cinq dernières
années, neuf des vingt pays qui ont le plus réformé la réglementation des
affaires sont situés au sud du Sahara. Il s’agit du Burundi, de la Sierra Leone, de
la Guinée-Bissau, du Rwanda, du Togo, du Bénin, du Ghana, du Liberia et de la Côte
d’Ivoire. A lui seul, le Rwanda a entrepris des réformes dans huit des dix domaines
couverts par l’étude. Cette modification de l’environnement réglementaire a permis
au pays de gagner 20 places dans le classement Doing Business, passant du 52e au
32e rang mondial. En revanche, le rapport note que «la région Moyen-Orient et
Afrique du Nord a quant à elle enregistré la plus faible proportion d’économies à
avoir mis en œuvre des réformes
TOP 10 DES PAYS
réglementaires dans au moins un
AFRICAINS
domaine (40%)», contre 66% en
1. Ile Maurice (20e)
Afrique subsaharienne, une contre2. Rwanda (32e)
e
3. Afrique du Sud (41 ) performance «partiellement
imputable aux troubles
4. Tunisie (51e)
5. Botswana (56e)
politiques que connaît la région
6. Ghana (67e)
actuellement». Doing Business
7. Seychelles (80e)
2014 met l’accent sur les réformes
8. Zambie (83e)
e
entreprises par les pays d’Afrique
9. Maroc (87 )
subsaharienne afin d’améliorer
10. Namibie (98e)
l’environnement réglementaire.
AFRIQUE DE L’OUEST
DOING BUSINESS 2014 : L’AFRIQUE
SUBSAHARIENNE PROGRESSE
AFRIQUE
© BANQUE MONDIALE - CABINET PWC
LE CONTINENT AUX
STANDARDS MONDIAUX
L’étude The Africa Business Agenda – consultable
sur www.pwc.com/theagenda –, réalisée par
le cabinet PWC, représente six mois de travail
et 330 entretiens avec les acteurs majeurs de
l’économie en Afrique. Premier constat : le niveau
d’optimisme et de confiance à long terme est fort. Fait
plus inattendu, il est bien réparti sur le continent,
bénéficiant d’une sorte d’émulation intracontinentale.
Deuxième constat : les dirigeants africains sont de plus
en plus matures, il n’existe plus de décalage avec le reste
du monde. On note par ailleurs que l’objectif le mieux
partagé par les pays est celui de faire croître leur part de
marché. L’attention est donc portée sur l’innovation et le développement de produits
adaptés aux modes de consommation africains. Les dirigeants sont également
préoccupés par la crédibilité internationale et donc sensibles au concept de bonne
gouvernance. Enfin, deux points faibles : les infrastructures, qui restent un handicap,
et le middle management, qui enregistre un vrai déficit de compétences.
DANONE
S’OFFRE 49 %
DE FAN MILK
Selon les termes de
l’accord entre Danone
et Abraaj, en partie
rendus publics dans un
communiqué conjoint,
le groupe français
participera à la reprise
de Fan Milk à hauteur de
49%, Abraaj conservant
51%. Ce n’est pourtant
qu’en juin dernier que le
capital-investisseur Abraaj,
basé à Dubai, avait signé le
rachat du premier fabricant
et distributeur de produits
laitiers glacés et de jus
en Afrique de l’Ouest,
détenu jusqu’à présent
par la famille Emborg et le
fonds Maj Invest Equity.
Avec un chiffre d’affaires
d’environ 118 millions
d’euros en 2012, pour
13,2 millions d’euros de
bénéfices et une marge
d’EBITDA de 29%, Fan
Milk est une cible de choix :
la société dont le siège
est au Danemark dispose
de près de 3000 agents
et franchisés et environ
30000 revendeurs au
Ghana, au Nigeria, au
Togo, au Burkina Faso, au
Bénin et en Côte d’Ivoire.
Ses marques – telles
FanVanille, FanDango
ou FanChoco – sont très
connues dans la région.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 17
Actualités
NUMÉRIQUE
AFRIQUE
NIGERIA
JUMIA REMPORTE LE
PRIX DU MEILLEUR
LANCEMENT POUR
UNE ENTREPRISE DE
VENTE AU DÉTAIL
La start-up Jumia poursuit sa
course aux records en devenant
le premier détaillant africain à
décrocher le prix du meilleur
lancement de l’année, décerné
par le World Retail Congress.
La plate-forme de commerce en
ligne est devenue, en à peine un an
et demi, la destination numéro un
de shopping en ligne du Nigeria,
avec plus de 100000 visiteurs par
jour et une base d’abonnés de plus
de 400000 personnes. Fondée
par l’incubateur allemand Rocket
Internet, l’entreprise est également
active au Maroc, en Côte d’Ivoire,
en Egypte et au Kenya.
18 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
L’opérateur de télécoms indien Bharti Airtel et Wikimedia, la fondation
à but non lucratif qui gère l’encyclopédie en ligne Wikipédia, annoncent
la signature d’un accord stratégique qui permettra aux 70 millions de
clients d’Airtel en Afrique d’accéder gratuitement à
des contenus multilingues sur le site mobile
de Wikipédia via toutes sortes de téléphones
portables. Le programme pilote va démarrer
au Kenya, avant d’être étendu aux 16 autres
pays d’Afrique subsaharienne où opère
Bharti Airtel. Les clients d’Airtel
possédant des téléphones offrant
la connexion Internet pourront
RWANDA
accéder au site sans payer de
frais de données. Les clients
qui ne disposent pas
d’appareils compatibles
«Tant que les lions n’auront pas leurs
auront accès à Wikipédia
propres historiens, dit le proverbe, l’histoire
par message texte.
de la chasse glorifiera toujours le chasseur.»
Le service utilise
C’est la philosophie qui a inspiré le gouvernement
la technologie
rwandais pour Rwandapedia, un site Internet
USSD (service
«développé, géré et détenu par le Rwanda», où il donne
supplémentaire
sa propre version de l’histoire de son développement.
pour données
Lancé fin octobre, ce site non collaboratif, conçu par le
non strucbureau du porte-parole du gouvernement rwandais – avec
turées).
le soutien financier de la BAD – est le fruit d’un an et demi de
travail. En anglais et en kinyarwanda, il présente 23 articles, qui
mettent notamment l’accent sur les «home grown solutions» chères
à Kigali : ces politiques «maison» inspirées de la tradition rwandaise.
LE RWANDA RACONTÉ
PAR KIGALI
© PIUS UTOMI EPKEI/AFP IMAGEFORUM - AFP IMAGEFORUM - MIKE CLARKE/AFP IMAGEFORUM
BHARTI AIRTEL OFFRE À SES CLIENTS EN
AFRIQUE UN ACCÈS GRATUIT À WIKIPÉDIA
RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT
KENYA
IBM OUVRE SON PREMIER LABORATOIRE
DE RECHERCHE EN AFRIQUE
C’est au Kenya que le géant de l’informatique IBM vient d’ouvrir un laboratoire
de recherche, en collaboration avec le ministère kenyan de l’Information,
de la Communication et des Technologies, à travers le Conseil kenyan des
TIC. Situé à l’université catholique d’Afrique de l’Est, sur le campus de Lang’ata, à
Nairobi, il se concentre sur la numérisation des services publics, le développement
urbain, la planification et la formation des compétences en TIC. L’objectif est de
développer et déployer des applications informatiques innovantes pour relever les
défis tels que le manque d’efficacité dans la gestion des marchés publics, l’eau et
l’assainissement, la gestion de l’énergie, l’inclusion financière, les embouteillages
ou encore l’insécurité alimentaire, autant de problèmes qui entravent la
croissance économique en Afrique. Le gouvernement kenyan investira 2 millions
de dollars sur les cinq prochaines années. De son côté, IBM
aura à sa charge le matériel, les logiciels et
l’expertise scientifique de haut niveau.
NUMÉRIQUE
MONDE
© RENE SPALEK/AFP IMAGEFORUM - WANG ZHAO/AFP IMAGEFORUM
LES GÉANTS DU NET
S’ALLIENT POUR CONNECTER
LES PAYS ÉMERGENTS
Une trentaine d’entreprises et
d’organisations, dont les géants
américains Google, Facebook et
Microsoft, ont lancé l’Alliance for
Affordable Internet, sous l’égide de
la World Wide Web Foundation.
L’objectif est de faire passer le coût de
connexion à Internet dans le monde sous
la barre des 5% du revenu mensuel moyen
de chaque pays, un objectif déjà affiché
par l’ONU. Car si 39% de la population
mondiale a accès à Internet, ce sont en
grande majorité (77%) les habitants des
pays développés qui bénéficient d’une
connexion à un coût raisonnable. Une
fracture numérique que l’organisation
entend diminuer avec l’appui de plusieurs
Etats et d’organisations de la société
civile dans les pays émergents, en
particulier ceux situés sur le
continent africain.
MAROC
VIADEO OUVRE SON HUB
AFRIQUE AU MAROC
Le groupe Viadeo, 2e réseau social professionnel à l’échelle
mondiale avec 55 millions de membres dans 186 pays,
renforce son positionnement sur le continent
en faisant du Maroc son hub régional. Avec
3 millions d’utilisateurs en Afrique pour 2013,
dont le tiers au Maroc, Viadeo a élaboré une
nouvelle vision qui tient compte de la logistique,
du développement économique et de la présence
des principaux acteurs locaux francophones.
«Dans chaque pays, l’utilisateur doit nous
identifier comme un réseau social professionnel
local», explique Dan Serfaty, directeur
général et cofondateur de Viadeo.
Dans le cas du Maroc, le groupe
français a mis en place une
plate-forme en langue arabe.
Rappelons que l’entreprise
possède également un
bureau à Dakar.
Dan Serfaty, 47 ans, a lancé le réseau
social professionnel Viadeo en 2004.
Actualités
AGENDA
LES RENDEZ-VOUS
À NE PAS MANQUER
Décembre
Fidak
Foire internationale
de Dakar
28 NOVEMBRE AU 11 DÉCEMBRE
DAKAR, SÉNÉGAL
C’est l’occasion de découvrir les différents
potentiels économique, culturel et
touristique des pays présents. La Fidak
permet également aux entreprises d’élargir
ou de renforcer leurs relations d’affaires
avec les autres participants et offre une
porte d’entrée à un sous-marché régional de
plus de 200 millions de consommateurs.
Informations :
Tél. : +221 33 827 25 30,
dec@cicesfidak.com, www.cicesfidak.com
Février
Basango Jazz Festival
5 AU 7 DÉCEMBRE
POINTE-NOIRE,
RÉPUBLIQUE DU CONGO
La musique et la danse sont à n’en
pas douter les meilleurs vecteurs
qui soient pour sensibiliser et fédérer
l’opinion publique, et notamment la
jeunesse. C’est dans cette optique qu’a
été imaginé le Basango Jazz Festival,
avec la volonté d’en faire un événement
culturel, artistique et médiatique
voué à promouvoir la culture et les
traditions congolaises. Pour ce faire,
une pléiade d’artistes sera réunie.
Informations :
Tél. :+242 05 772 51 90,
willymassamba@gmail.com,
www.basango.info
Build Africa Forum
5 AU 7 FÉVRIER
BRAZZAVILLE,
RÉPUBLIQUE DU CONGO
Pour la première fois en Afrique
subsaharienne, le Build Africa Forum,
forum d’affaires et d’investissement sur les
infrastructures en Afrique, fournira un cadre
d’échange pragmatique entre les acteurs
mondiaux qui forgent le développement de
l’Afrique. Lors de cet événement, plus de
500 dirigeants et experts du monde entier
se réuniront pour formuler des solutions à
une question : comment encourager
le développement social et économique
à travers de nouvelles infrastructures
sur le continent?
Informations :
www.buildafricaforum.com
Sita
MAURITANIE
AZALAÏ HOTELS S’IMPLANTE
À NOUAKCHOTT
Nouvelle ouverture pour le groupe Azalaï
Hotels, qui annonce avoir signé un accord avec la
Société nationale industrielle et minière (SNIM)
pour la reprise de l’hôtel Marhaba à Nouakchott.
Créée en 1974 à la suite de la nationalisation des mines
de fer mauritaniennes, la SNIM gère plusieurs établissements hôteliers
dans le pays, dont plusieurs ont cessé leurs activités. Elle a donc décidé
de les confier en location-gérance et a lancé pour cela un premier appel
d’offres au début de cette année sur le Marhaba, remporté donc par
Azalaï, qui, après le Mali, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Bénin
et très prochainement la Côte d’Ivoire, continue de tisser sa toile en
Afrique de l’Ouest. Le groupe, spécialisé dans le tourisme d’affaires,
va dans un premier temps rénover les 64 chambres existantes
de l’établissement, dont la réouverture est prévue pour fin 2014.
Une deuxième tranche portera ensuite sur son extension, afin
de porter ses capacités à 124 chambres à mi-2015. L’ensemble de
l’investissement représente 9 millions d’euros. Un maillon de plus
pour Azalaï, qui a également des projets au Sénégal, en Guinée,
au Niger et au Nigeria, devant voir le jour «d’ici à 2020».
20 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
De renommée internationale, le Salon
international du tourisme et de l’artisanat
(Sita) constitue une importante plate-forme
de rencontres qui permet aux participants
de promouvoir leurs destinations et de
comprendre les évolutions du marché.
L’événement présente une vision
des voyages à 360°, couvrant
tous les motifs de déplacement :
loisirs, affaires et événementiel.
Informations :
Tél. : +225 20 34 79 05,
info@sita-ci.net
www.sita-ci.net
Africallia
Forum ouest-africain
de développement
des entreprises
26 AU 28 FÉVRIER
OUAGADOUGOU, BURKINA FASO
Cet événement multisectoriel ouvre les
portes du monde aux chefs d’entreprise
de la sous-région à la recherche
d’investisseurs et de partenariats
stratégiques, commerciaux,
technologiques ou financiers.
Informations :
www.africallia.com
© DR
HÔTELLERIE
6 AU 9 FÉVRIER
ABIDJAN, CÔTE D’IVOIRE
REVIVAL OF HERBAL TEAS
Ever since Conserverie Sarjua launched the Betel and Tulsi tea in 2006, we have noted an increase in demand over the years. At SIAL
fair 2006 in France the betel tea was prized by the juries as the best beverage because of its medicinal values. We were unique because
all ingredients were natural and real. Based on the same principles of processing we have already launched the following:(1) Noni tea - Anti Cancer | (2) Cinnamon - Anti-Obesity | (3) Massala chai - Anti fatigue mentale | (4) Rodrigues lemon tea - Good
for Healthy skin | (5) Tulsi tea - Purity & Health | (6) Bettel tea - Digesif & Détente | (7) Aloe Vera & Cinnamon Anti-ageing | (8)
Bael tea - Good for brain & heart | (9) Ginger tea - Anti-Inflammatory
In fact every herbal tea contains many nutritional values. We have observed that the
Chinese community drinks herbal teas and in Japan 30,000 women have exceeded 100
years of age. The Japanese ladies prepare their own recipes at home. Worldwide people are
under stress and they spend sleepless nights or suffer from diabetes and high blood
pressure and disorders like obesity and cardio vascular diseases.
Regarding terms of payment, we would suggest an advance pay.
Beneficiary:- Conserverie Sarjua Internationale Ltd. Bank: MCB. A/C NO
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PRICE: 80 to 100 Euros.
Depending on the location.
Super Printing Co. Ltd.
We are confident to heal Mauritius and the world. We have to return back to the habits of
our ancestors and consume natural medicinal herbs that are simply grown in Mauritius and
have no side-effects. Swami Ramdeo is preaching “Le Bien Fait” of all types of medicinal
herbs and spices and particularly consumption of Aloe Vera.
FORBES AFRIQUE
LA CHRONIQUE DE
GASTON KELMAN
L
’année s’achève et
je me réjouis de ce
qu’elle ait été un bon
cru pour l’Afrique. Je
ne parle pas de cette
nouvelle race d’afro-optimistes
psalmodiques qui entonnent bien
malgré eux la nouvelle antienne
du développement de l’Afrique.
Formatés par une vision dépassée,
ils sont incapables de maîtriser de
nouveaux codes et continuent à
penser que c’est grâce aux termes
de l’échange qu’ils auront fixés, à
l’aide qu’ils n’ont plus les moyens
de se prétendre aptes à apporter ou enfin
au financement des organismes de Bretton
Woods dont ils élaborent les méthodes de
prédation, que l’Afrique se développe.
Ma connaissance de l’économie égale
difficilement celle de ma grand-mère, qui
s’arrêtait aux cases «recettes» et «dépenses».
Elle faisait bien mieux que moi, puisque je suis
perclus de découverts bancaires, alors que son
solde à elle n’était jamais négatif. Avec un tel
bagage, je n’oserais pas défier ces sommités
qui longtemps ont pensé le développement de
l’Afrique sous les critères définis plus haut. Mais
cette année a également été un bon cru pour moi,
parce que, grâce à mon aventure au sein de Forbes
Afrique, j’ai rencontré d’autres sommités que je
suis plus porté à croire, qui ont parlé des classes
moyennes et de leur rôle dans le développement
économique des pays. L’indicateur le plus
probant du développement de l’Afrique, m’a-t-on
dit, c’est la place prépondérante qu’occupent de
plus en plus ces classes moyennes, animatrices
de consommation et de débat d’idées.
Je me félicite de l’innovation dans la presse
africaine qu’est Forbes Afrique, publication
22 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
entièrement vouée aux créateurs
des richesses. Car jadis, même
quand elle se prétendait
économique, la presse se
mettait au service des sponsors
politiques dont elle se faisait le
thuriféraire, les trémolos dans
la voix ayant autant de o que les
zéros du chèque. Aujourd’hui, on
voit émerger de toute l’Afrique
des ambitions créatrices.
Celle qui m’a le plus interpellé
en cette fin d’année est sans
conteste la construction du parc
technologique du Ghana, près
d’Accra, la bien nommée cité de l’Espoir (Hope
City), une Silicon Valley africaine dont
certaines tours culmineront à plus de
250 mètres. Ici, il ne s’agit plus de ces usines à
gaz qu’on larguait dans la nature à qui mieux
mieux. Il ne s’agit pas de ces villes nouvelles
qui créaient des clairières inachevées dans
l’immensité verte. Il s’agit d’une réalisation dont
la programmation est claire, nette et précise.
«Je voyais dans un songe tous les pays aux
quatre coins de l’horizon soumis à la règle, à
l’équerre et au compas. Les forêts fauchées, les
collines anéanties, vallons et fleuves dans les
fers […]. Je voyais les peuples du Sud comme
une fourmilière de silence au travail.» Dans
mes nouvelles envolées qui chantent l’Afrique
en mouvement, les classiques de mon enfance
me reviennent avec une autre saveur, bien plus
douce. Senghor avait intitulé «Mon calvaire»
cet extrait de son poème Chaka. Ce songe, hier
vision apocalyptique, est aujourd’hui une vision
d’espoir, comme ce projet qui surgit des forêts
fauchées des environs d’Accra, celle d’une
Afrique en construction, celle que les Africains
construisent eux-mêmes pour eux-mêmes.
© JEAN-PIERRE KEPSEU
UNE ANNÉE AFRICAINE
À L’IMAGE DE HOPE CITY
Notre patrimoine est véritablement
unique. Depuis 1846, nous créons des
tissus exclusifs qui ont marqué de leur
empreinte la mode d’Afrique centrale
et de l’Ouest. Reflet du grand savoirfaire hollandais, ces textiles étaient
initialement connus sous le nom de
Hollandais. À ce jour, nous sommes
toujours la seule marque à produire
d’authentiques wax hollandais.
Découvrez cette saison Celebrate
et l’art du dessin de Vlisco.
Marque internationale au patrimoine
inestimable, Vlisco a encore de
nombreuses histoires fascinantes à
raconter. Rendez-vous sur vlisco.com
pour d’autres histoires secrètes.
Sonna France est le distributeur officiel de Vlisco en France
www.sonna.fr – france@sonna.com – tel: 01.43.11.21.61
FORBES AFRIQUE
TECHNOLOGIE
SÉCURITÉ
Protection des données
Traque-moi si tu peux !
Le récent scandale d’espionnage de la NSA a alimenté l’obsession
des consommateurs et des investisseurs pour les services en ligne
tels que Disconnect, un logiciel antitraçage qui permet aux
internautes de surfer anonymement sur le Web.
PAR KASHMIR HILL
24 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Commission (FTC), l’agence américaine en
charge de la protection des consommateurs,
pousse les concepteurs de navigateurs Web,
les groupes de défense de consommateurs et
les annonceurs à concevoir une option «Ne
pas tracer», pour permettre aux internautes
de refuser explicitement le traçage. Les
négociations ont failli tourner court, les
annonceurs et les défenseurs du droit à la
vie privée ne parvenant pas à s’entendre
sur l’étendue de la protection requise.
Les fondateurs de
Disconnect : Brian
Kennish (à droite),
ingénieur logiciel, et
Casey Oppenheim, avocat
spécialisé dans le droit
des consommateurs.
UNE NOUVELLE VAGUE
Une multitude d’entreprises apparues
ces dernières années dans le secteur de
la protection de la vie privée et de ses
applications concentrent aujourd’hui les
financements et l’attention. L’application
Snapchat, qui permet d’envoyer des photos
s’autodétruisant au bout de quelques secondes,
a ainsi été valorisée à 800 millions de dollars
après la finalisation en juin 2013 d’une levée de
fonds de 60 millions de dollars. Quant à Silent
Circle, qui propose de chiffrer les appels et
les SMS, il est préinstallé sur les smartphones
Vertu à 10000 dollars, comme pour rappeler
que la vie privée est un produit de luxe.
Disconnect, qui appartient à cette nouvelle
vague, se trouve en plein cœur du camp
adverse. Son siège, à Palo Alto, en Californie,
« Toutes les traces que vous laissez sur Internet
n’ont pas à être conservées indéfiniment. »
© CHRISTIAN PEACOCK POUR FORBES
P
ar une chaude après-midi, quatre
ingénieurs logiciel, un avocat
et Lunch, un pinscher nain, se
pressent autour de l’ordinateur
de Dan Kwon, concepteur dans
une start-up de San Francisco. Ils visionnent
la dernière vidéo pédagogique de leur société,
Unwanted Tracking Is Not Cool, «Le traçage
intrusif, ce n’est pas sympa». L’objet promu :
Disconnect, un logiciel antitraçage conçu
pour contrer les aspects les plus orwelliens
du Web. Ce module d’extension pour
navigateur Internet affiche le nombre de
requêtes envoyées par le site visité pour
obtenir vos données, les bloque et augmente
ainsi la vitesse de navigation.
Edward Snowden, le lanceur d’alerte de
la NSA, avait donc raison : Internet est «une
télévision qui nous épie». Disconnect, qui a
d’abord eu du mal à trouver des investisseurs,
tire à présent profit de la paranoïa alimentée
par les révélations de l’informaticien. La
NSA se serait associée à des poids lourds
de la Silicon Valley, dont Facebook, Google
et Apple, afin de recueillir des communications électroniques.
Une véritable course à armes inégales
est aujourd’hui à l’œuvre pour le contrôle
des données personnelles. Facebook et ses
62 milliards de dollars de capitalisation
boursière témoignent de la valeur d’une
base de données stockant les détails de
la vie d’un milliard d’individus. Mais le
scandale de la NSA a fait souffler un vent de
panique sur les internautes. La Federal Trade
n’utiliserait l’outil», se souvient Brian
Kennish. Ils parviennent pourtant à récolter
600000 dollars auprès de deux sociétés
de capital-risque et de six business angels,
et passent un an à améliorer leur produit
et à créer des versions compatibles avec
les principaux navigateurs du marché. La
dernière de ces versions empêche plus de
2000 tiers de s’approprier des données. En
juin dernier, Edward Snowden fait les gros
titres partout dans le monde et la société
lève rapidement 3,5 millions de dollars
supplémentaires. «Toutes les traces que vous
laissez sur Internet n’ont pas à être conservées
indéfiniment, affirme Rick Heitzmann,
directeur général de FirstMark Capital,
investisseur de Disconnect. Les gens ne gèrent
pas la protection de leur vie privée de manière
proactive. Mais le vent va bientôt tourner.»
est installé juste au-dessus de Disney Games, auquel la FTC a infligé
en 2011 une amende de 3 millions de dollars pour la collecte illégale
de données auprès de ses très jeunes joueurs. Dans toute la Silicon
Valley, beaucoup d’entreprises moins connues offrent des produits en
échange de publicité sur les écrans ou de collecte et de monétisation
des informations personnelles. Avec Disconnect, la tâche sera plus
difficile. La société a lancé une application mobile destinée aux
enfants, qui empêche traceurs et tiers de recueillir des informations
à partir des téléphones portables. Elle a été conçue par Patrick
Jackson, qui, comble de l’ironie, est un ancien de la NSA.
Brian Kennish, 37 ans et cofondateur de Disconnect, faisait
autrefois partie des traceurs. Il y a cinq ans, la régie publicitaire
DoubleClick avait chargé l’ingénieur de déterminer comment cibler
les publicités sur les portables. A l’époque, les téléphones basiques
permettaient déjà de recueillir des informations étonnamment
révélatrices. En 2003, il est engagé par Google, pour qui il développe des
produits publicitaires, puis des extensions pour le navigateur Chrome.
En 2010, Facebook admet avoir accidentellement divulgué des
données et permis à des annonceurs d’obtenir l’identité des individus
ayant cliqué sur leurs publicités. Brian Kennish s’interroge alors sur
la capacité du réseau social à suivre ses traces sur le Web au moyen du
module de connexion Facebook Connect, qui apparaît après un clic sur
les boutons «J’aime» et «Partager». En trente minutes, il écrit 20 lignes
de code pour filtrer et bloquer les flux vers Facebook, baptise le module
«Facebook Disconnect» et le propose en téléchargement gratuit. En
deux semaines, 50000 utilisateurs l’ajoutent à leur navigateur.
Au cours des six mois suivants, Brian et le cofondateur de
Disconnect, Casey Oppenheim, un avocat de 39 ans, présentent
leur module à 50 investisseurs potentiels. «Nous avons essuyé de
nombreux refus. Personne ne se préoccupait de la protection de la vie
privée. Ils pensaient que tout le monde s’en fichait et que personne
ÉTABLIR UN DIALOGUE
Mike Zaneis, directeur des affaires
juridiques de l’Interactive Advertising Bureau,
qui représente les acteurs de la publicité sur
Internet, se dit concerné par l’impact de ces
outils sur le marché de la publicité en ligne,
qui en 2012 atteignait 36,6 milliards de dollars
de recettes. «C’est un échange économique :
vous vous rendez sur un site, vous y voyez
des pubs. Si vous les bloquez, vous affamez
les créateurs de contenus, explique-t-il. La
généralisation de ces outils causerait la faillite
de dizaines de milliers de petits éditeurs.»
Pour Mike Zaneis, le développement
de sociétés de protection de la vie privée
obligerait les agences de marketing à
trouver de nouvelles solutions pour tracer
les individus et leurs plates-formes de
navigation. Les cookies font déjà place au
«fingerprinting», qui permet d’identifier un
utilisateur à l’aide d’une signature unique
déterminée par la taille du moniteur de son
ordinateur et les paramètres comme l’horloge,
les modules d’extension et les polices
installées. «Notre but n’est pas de bloquer les
publicités. Malheureusement, le seul moyen
aujourd’hui d’empêcher de manière fiable le
traçage, c’est de bloquer toutes les requêtes,
qui sont souvent intégrées aux publicités,
justifie Brian Kennish. Nous voulons créer un
dialogue entre les sites et leurs utilisateurs,
voire les annonceurs, pour que les internautes
aient leur mot à dire au sujet des données
qu’ils abandonnent sur le Web.»
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 25
FORBES AFRIQUE
TECHNOLOGIE
SÉCURITÉ
Shodan : un Google
pour pirates informatiques
PAR KASHMIR HILL
U
n soir, Marc Gilbert, un
habitant de Houston,
entend une voix
inconnue provenant de
la chambre de sa fille
de 2 ans : «Réveille-toi, petite saleté.»
Il se précipite dans la pièce, réalise que
le son provient du babyphone et que la
personne contrôle aussi la caméra.
Le visiophone, fabriqué par
Foscam, permet aux utilisateurs
d’accéder via Internet à la surveillance
audio et vidéo, où qu’ils se trouvent.
Peu avant cet incident, des spécialistes
avaient repéré des failles permettant
aux pirates de prendre le contrôle de
l’appareil ou de se connecter au flux de
données avec l’identifiant par défaut
«admin». Foscam avait discrètement
publié un correctif, mais sans en
informer ses clients. Marc Gilbert,
en vérifiant son compte Foscam,
découvre que le pirate a ajouté son
propre identifiant pour se connecter
à son gré. Il envisage un recours
collectif contre l’entreprise, car il a
identifié d’autres plaignants grâce à
un moteur de recherche : Shodan.
Le pervers l’avait probablement
repéré de la même manière.
Shodan fouille Internet à la
recherche d’appareils, dont la plupart
peuvent être activés via le réseau. Le
moteur a recensé voitures, dopplers
fœtaux, systèmes de régulation
26 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
du chauffage de bureaux, stations
d’épuration, systèmes de commande
de centrales électriques ou feux de
signalisation. On trouve ainsi plus de
40000 autres utilisateurs de la caméra
IP de Foscam. Des proies faciles.
RÉPERTORIER LES APPAREILS
«Google explore Internet pour
indexer les sites. Moi, j’indexe les
appareils», explique John Matherly,
29 ans, qui a créé Shodan en 2009.
Pour lui, le moteur de recherche
devait servir à des géants des réseaux
comme Cisco, Juniper ou Microsoft,
pour s’informer sur les produits
de leurs concurrents. Pourtant,
Shodan est devenu indispensable aux
spécialistes en sécurité informatique,
aux universitaires, à la police et aux
pirates. Selon un rapport sectoriel
publié par Ericsson, d’ici à 2020,
environ 50 milliards d’appareils
se retrouveront en réseau dans
«l’Internet des objets connectés».
John Matherly est le seul à répertorier
ces appareils grâce à un moteur de
Shodan est devenu
indispensable aux
spécialistes en sécurité
informatique, à la
police et aux pirates.
recherche public. «Je ne pense pas
que Shodan soit effrayant, dit-il. Ce
qui est effrayant, ce sont ces centrales
électriques connectées à Internet.»
Shodan a repéré des webcams dont
la sécurité était si faible qu’il a suffi de
saisir leur adresse IP dans le moteur
de recherche pour s’y connecter.
Dan Tentler, un spécialiste en sécurité
ayant collaboré avec Twitter, a conçu
Eagleeyes, qui détecte via Shodan des
webcams auxquelles il accède pour
effectuer des captures d’écran. Il en a
recensé près d’un million.
Billy Rios, spécialiste de la sécurité,
a détecté une vulnérabilité dans un
logiciel, et, à l’aide de Shodan et d’un
autre programme, est entré dans les
systèmes de sécurité, d’éclairage et
de chauffage en ligne de banques,
d’immeubles, de centres de congrès et
même du siège de Google en Australie.
D’après lui, «2000 installations
sont actuellement sur Internet, et
il suffirait d’obtenir leur adresse IP
pour les contrôler.» Début 2013, le
département de la Sécurité intérieure
des Etats-Unis a ainsi révélé qu’en
2012 des pirates étaient entrés
virtuellement par effraction dans les
systèmes de gestion de l’énergie d’une
installation d’Etat pour en augmenter
le chauffage. Via Shodan.
UNE OFFRE FREEMIUM
John Matherly grandit en Suisse,
abandonne le lycée à 17 ans et s’installe
aux Etats-Unis chez sa tante. Il
travaille dans une librairie, fréquente
un community college, puis décroche
un diplôme en bio-informatique à
l’université de Californie. Il obtient un
© ETHAN PINES POUR FORBES
Le moteur de recherche Shodan est un outil utilisé par
les gentils comme par les méchants pour repérer tous
les appareils connectés à Internet : feux de signalisation,
centrales électriques et même babyphones.
John Matherly, le créateur
de Shodan. il lui suffit
d’un simple clic pour se
retrouver chez vous.
Auernheimer pour avoir violé l’accès
d’un site Internet de la société de
télécommunications AT&T. Celle-ci
y avait publié par mégarde les
adresses électroniques de ses
clients détenteurs d’iPad.
emploi au San Diego Supercomputer
Center, avant de devenir programmeur
informatique pour une start-up et
designer Web pour l’Union-Tribune,
le quotidien de San Diego. Il s’attelle
alors à la conception de Shodan. Il
choisit le freemium en offrant des
services de base gratuits et des options
payantes, ce qui permet de payer les
factures et d’ajouter des robots qui
indexeront une plus grande partie
d’Internet. Une recherche gratuite sur
de l’interface épurée de Google.
Pour obtenir des résultats, il faut
au préalable connaître quelques
éléments de la signature d’un
appareil. Et ces résultats contiennent
du langage Internet, le protocole IP,
peu familier de l’utilisateur lambda.
Mais il s’agit peut-être du moyen le
plus efficace pour démontrer l’impact
des failles de sécurité d’un produit.
La page de résultats affiche une liste
de correspondances, qui précise le
DES ENTREPRISES PAIENT CHAQUE ANNÉE
DES DIZAINES DE MILLIERS DE DOLLARS
3285$&&‹'(5$8b0,//,$5''Þ$33$Ŝ
REILS DE LA BASE DE DONNÉES DE SHODAN.
Shodan donne droit à dix résultats.
Près de 10000 utilisateurs choisissent
de payer au maximum 20 dollars
pour accéder aux 10000 premiers
résultats d’une recherche. Une dizaine
d’utilisateurs institutionnels, des
entreprises de cybersécurité, paient
chaque année des dizaines de milliers
de dollars pour accéder au 1,5 milliard
d’appareils de la base de données.
Shodan est clairement l’œuvre
d’une seule personne; on est loin
nombre de dispositifs présents sur
Internet et leur localisation.
Les agents fédéraux américains
pourraient mettre des bâtons dans
les roues de John Matherly s’ils
décidaient de le poursuivre en vertu
de la loi sur la répression des fraudes
et des infractions dans le domaine
informatique, qui prohibe l’accès
illicite aux systèmes informatiques.
En mars 2013, un procureur pugnace
a ainsi fait condamner Andrew
ERREURS ET NÉGLIGENCES
Au lieu de poursuivre John
Matherly en justice, il faudrait le
récompenser pour avoir mis en
lumière les erreurs incroyables
commises par les fabricants de
gadgets, et la négligence des
consommateurs quant à la sécurité
des produits qu’ils achètent. Tous
les objets connectés à Internet
devraient être protégés par un
mot de passe. Et ces appareils ne
devraient certainement pas être
livrés avec un nom d’utilisateur
et un mot de passe par défaut.
En 2012, un utilisateur
anonyme a pris le contrôle de plus
de 400000 appareils connectés
en utilisant uniquement quatre
mots de passe par défaut. Il les a
rassemblés dans une base de données
similaire à celle de Shodan. «Tout
le monde ne parle que de prouesses
extraordinaires ou de cyberguerre,
écrit ce mystérieux protagoniste, qui
a opté pour l’anonymat afin d’éviter
tous démêlés avec la justice. Mais
il suffit de quatre mots de passe
tout bêtes du protocole Telnet pour
accéder à des appareils appartenant
à des centaines de milliers de
particuliers, ainsi qu’à des dizaines
de milliers de dispositifs industriels,
où qu’ils se trouvent.»
John Matherly espère que
Shodan encouragera la transparence
et exposera les entreprises
commercialisant des systèmes
vulnérables. Mais il n’est pas
optimiste. «Tout ce qui nous entoure
sera bientôt connecté à Internet,
qu’on le veuille ou non.»
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 27
FORBES AFRIQUE
ENTREPRENEURIAT
ACTEURS
Jean-Luc Rajaona
Le pionnier
de l’offshore
C’est en 1999 que Jean-Luc Rajaona crée
Ingenosya, une société malgache spécialisée
dans l’externalisation de services informatiques.
Quatorze ans plus tard, il a diversifié ses
activités et défie la crise économique.
PAR HERY ANDRIAMIANDRA
UNE CONNAISSANCE DE L’ENTREPRISE
Marié à une cadre supérieure d’une
multinationale rencontrée en France durant
ses études supérieures et père de deux
enfants, Jean-Luc Rajaona considère que
l’équilibre familial est essentiel. ll est luimême né dans une famille d’intellectuels :
un père agrégé de lettres, décédé en juillet
dernier, et un oncle agrégé de médecine.
Les années 1980 marquent à jamais
son parcours. Pour financer ses études,
ses parents créent une entreprise dans
28 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
A 47 ans, JeanLuc Rajaona est
un businessman
accompli. Après
avoir rencontré
le succès avec
Ingenosya, il s’est
lancé dans la
menuiserie PVC, un
domaine jusquelà largement
inexploité à
Madagascar.
l’agroalimentaire, au sein de la propriété
familiale d’Ambodiafontsy, son lieu de
résidence actuel. La société pourvoit en
yaourts et fromage les deux grandes surfaces
et plusieurs épiceries de la capitale, au
moment où le pays manque de devises. Toute
la famille s’y met. Après l’école, l’élève des
jésuites du collège Saint-Michel s’applique,
avec ses frères et sœurs, à fabriquer et
emballer les produits laitiers, tout en
apprenant le fonctionnement du circuit de
distribution. Ce parcours initiatique dès le
plus jeune âge dans le monde de l’entreprise
forgera son caractère de battant.
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© HERY ANDRIAMIANDRA
Q
uadra à l’allure juvénile, Jean-Luc
Rajaona, fondateur et directeur
général d’Ingenosya, nous reçoit
au 4e étage de sa plate-forme
d’Anosizato, où travaillent une
cinquantaine d’ingénieurs. L’endroit fait
partie d’un complexe d’environ 35000 m2
appartenant à la communauté Bohra, à
la périphérie d’Antananarivo, la capitale
malgache. Ici, des techniciens développent
des logiciels pour une clientèle située à 80%
en France, en Belgique, en Irlande, en Suisse
et au Canada. Les 20% restants se composent
d’entreprises et institutions de la place : les
banques BMOI (filiale de BPCE) et BNI
(filiale du Crédit agricole), ainsi que Fiaro
(Financière d’investissement Aro), première
société de capital-risque à Madagascar.
Au terme de ses études secondaires,
en 1983, il obtient un bac C. Après son
service national, il s’envole pour la France,
où il décroche un diplôme d’ingénieur
informatique en 1989. Il intègre alors
Capgemini Consulting, mais reprend ses
études de 1991 à 1992 en préparant un MBA
en parallèle à l’Ecole de management de
Lyon et à la Cranfield School of Management,
en Angleterre. Il revient ensuite chez
Capgemini, puis entre à la Caisse des
dépôts et consignations comme ingénieur
financier, où il reste de 1994 à 1999.
COMPÉTITIVITÉ ET FORMATION
Après dix ans passés dans l’Hexagone,
Jean-Luc Rajaona se rend compte du gouffre
informatique séparant son pays d’origine
de l’Europe. Sa décision est prise, le retour
au pays est inéluctable. Après des études de
faisabilité sur l’implantation d’une société
informatique à Madagascar, il franchit le pas
en 1999. Avec un associé, Dominique Morvan,
il crée la SSII Ingenosya, une structure
«bicéphale». D’un côté, une plate-forme de
réalisation sur la Grande Ile, qu’il gère luimême en tant qu’actionnaire majoritaire; de
l’autre, une structure commerciale en France,
dirigée par son partenaire. L’étude de marché
révèle un coût de la prestation trois fois
moins élevé à Madagascar qu’en France, avec
des ingénieurs de qualité formés localement.
Ingenosya, dont le
siège est situé dans les
Yvelines, en France, et
le bureau d’études et de
réalisation à Madagascar,
conçoit pour ses clients,
principalement offshore,
des logiciels, mais aussi
des applications pour
smartphones.
Ingenosya
emploie une
trentaine
d’ingénieurs
en 2001.
Dix ans, plus
tard, ce sont
cinquante
professionnels qui
forment
l’ossature de
l’entreprise.
Ils sortent pour la plupart de l’Ecole
nationale d’informatique de Fianarantsoa.
Ingenosya démarre avec un capital d’environ
150000 euros (745000 francs français
de l’époque), en bénéficiant d’un crédit
de Fiaro (actionnaire minoritaire à 34%).
Compte tenu de leur rareté sur le marché,
Ingenosya forme ses ingénieurs durant six
mois. Ils sont une trentaine en 2001. Dix ans,
plus tard, ce sont cinquante professionnels
qui forment l’ossature de l’entreprise. JeanLuc Rajaona rappelle que l’île Maurice
recrute des ingénieurs malgaches depuis
2009. Et que les call centers commencent
à s’implanter à Madagascar. Le système
lancastérien permet de pallier la rareté de la
main-d’œuvre technique. «Les ingénieurs
expérimentés forment leurs homologues
fraîchement arrivés sur le marché du travail»,
précise Jean-Luc Rajaona. Il souligne
également que le Groupement des opérateurs
en technologie de l’information et de la
communication (Goticom), dont il est le viceprésident, assure une formation de niveau
master en technologie de l’information, en
collaboration avec l’université d’Antananarivo.
«Madagascar est en train de rattraper
son retard par rapport à l’île Maurice,
qui bénéficie depuis une quinzaine d’années
d’une politique de croissance axée sur
trois piliers : le tourisme, l’industrie
sucrière et les nouvelles technologies de
l’information et de la communication.»
En septembre 2008, le chef d’entreprise
a diversifié ses activités en créant,
quelques mois avant le début de la crise
politique, Millenium Industrie Madagascar
(MIM), spécialisée dans la menuiserie
PVC, avec l’appui de Business Partner
International (filiale de la Société financière
internationale) et d’un apport personnel.
Ce grand voyageur profite toujours de ses
sauts hors de la Grande Ile pour trouver
de nouvelles idées. «En visitant la foire
internationale de Guangzhou, en Chine, j’ai
réalisé l’absence flagrante de la menuiserie
PVC à Madagascar, avec une domination sur
ce créneau de l’aluminium et du bois.» Le
travail et l’intuition guident cet entrepreneur
d’un optimisme certain. Avec dix employés à
ses débuts, MIM, qui a désormais des filiales
dans cinq provinces, emploie actuellement
100 personnes. Une performance en plein
marasme économique.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 29
FORBES AFRIQUE
TÉLÉCOMS
ACTEURS
Ce manager s’est taillé une place unique dans l’univers
des télécommunications en Afrique francophone. Son
itinéraire est tout sauf un long fleuve tranquille.
PAR MICHAEL TOBIAS
A
nticonformiste, proche
de ses collaborateurs,
allergique au protocole,
l’homme est un fonceur, qui dérange
souvent, mais est toujours disponible
pour les challenges périlleux. Le
dernier en date a eu lieu sur les rives
du fleuve Congo, côté Brazzaville,
et résume parfaitement le parcours
à la hussarde de Michel Elame.
Lorsqu’en février 2010 il débarque
à la tête de l’opérateur de téléphonie
mobile Warid Congo, qui appartient
au groupe d’Abu Dhabi Essar, celuici est bien mal en point. Il s’agit
d’un petit opérateur, le troisième au
Congo-Brazzaville, derrière MTN et
Airtel, mais devant Azur. Il compte
moins de 260000 abonnés et est
endetté. Le moral du personnel est
au plus bas. Michel Elame arrive sur
un terrain connu, car il a déjà dirigé,
ici même à Brazzaville, Airtel Congo,
une entreprise qu’il a quittée au
terme d’une rupture contentieuse.
Le voilà donc de retour, sous les
habits de concurrent… Peut-être
est-ce ce qui va faire la fortune
de Warid, car le nouveau CEO
connaît les points forts d’Airtel,
mais surtout ses points faibles. Le
petit arrivant va, sous la férule de
Michel Elame, remonter la pente.
En trois ans, Warid multiplie par
quatre le nombre de ses abonnés
et dépasse aujourd’hui le chiffre
30 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
symbolique d’un million. «Nous
avons réussi à créer des conditions
favorables pour permettre à notre
équipe de se sentir à l’aise et de donner
le meilleur d’elle-même, explique
Michel Elame. Nous avons fait le pari
de la compétence. Je suis souvent
allé chercher des cadres congolais de
la diaspora, et j’ai également ouvert
les portes à des Africains d’autres
nationalités. Et j’ai toujours tout fait
pour rester proche de mon personnel.
Il m’arrive de descendre sur le
terrain, de partager des moments
de détente, par exemple lors de nos
activités sociales, de jouer au basket,
de mettre la main à la pâte aux côtés
des employés. Nous partageons
une ambiance conviviale, tout en
restant concentrés sur le souci de
performance et de qualité du service.»
Warid va rapidement combler son
endettement et devenir profitable.
Alors qu’elle était au bord du gouffre
en 2010, l’entreprise du cheikh d’Abu
Dhabi réalise en 2013 un chiffre
Grâce à Michel Elame,
en trois ans, l’opérateur
de téléphonie Warid
multiplie par quatre le
nombre de ses abonnés
et dépasse le chiffre
symbolique d’un million.
d’affaires de près de 40 milliards
de francs CFA et dégage une marge
bénéficiaire (EBITDA) de plus de
20%. Pourtant, Essar, la maison mère,
décide de se séparer de la société.
Ironie du sort, c’est Airtel qui emporte
le morceau dans une cession pour
laquelle le groupe français Orange
avait également manifesté son intérêt.
UNE CARRIÈRE ATYPIQUE
Une fois de plus, le parcours de
Michel Elame, fait d’accélérations
et de ruptures, doit emprunter une
nouvelle bifurcation. Pourtant, rien ne
garantit qu’il va quitter l’aventure.
Le groupe Airtel se verrait bien
continuer avec lui dans la nouvelle
entité qui va naître de la fusion.
On lui demande d’apporter l’esprit
Warid qui a permis au petit
opérateur de devenir une successstory et une entreprise profitable.
Cela fait un peu plus de dix ans que
Michel Elame est entré dans l’univers
de la téléphonie mobile. Titulaire d’un
diplôme en International Business et
Marketing de la Leeds Metropolitan
University, il a suivi le Advanced
Management Program de la London
Business School, avant de passer huit
ans dans le secteur pétrolier. D’abord à
Mobil Oil, puis à Texaco. Il entre dans
les télécoms au sein du groupe MTN,
au Cameroun, son pays natal, avant de
découvrir la République démocratique
Congo avec Celtel. Celtel RDC en
2003, ce sont 700 employés, un chiffre
d’affaires de 250 millions de dollars et
une marge bénéficiaire de 91 millions
de dollars. Avant de devenir CEO
de l’opérateur en 2005, il sera sales
director, puis managing director. Il
contribue à faire de lui le numéro
un du pays. Entre 2003 et 2004, il
organise notamment l’opération de
rebranding de l’entreprise qui permet
© ALEXANDRE BOUGHA
Michel Elame
Le hussard de la téléphonie
Michel Elame a permis à l’opérateur
Warid Congo de redresser à la fois
ses comptes et son image, jusqu’à
en faire une entreprise à la marge
bénéficiaire plus qu’honorable.
de conquérir le leadership du marché
et fait passer le nombre d’abonnés
de 360000 à plus de 750000 et les
revenus de 82 millions à 146 millions
de dollars. La réorganisation totale
du système de distribution sous
sa houlette fait augmenter de 50%
le nombre de points de vente.
SPÉCIALISTE DU SECTEUR
On le retrouve ensuite au CongoBrazzaville, en tant que CEO de Zain
Congo, de mai 2007 à décembre 2008.
Il dirige 400 collaborateurs et réalise
un chiffre d’affaires de 211 millions de
dollars, avec une marge bénéficiaire
de 43% en 2007 contre 39% en 2006.
Zain est entretemps devenu Airtel,
après son rachat par le groupe indien.
Entre ces deux expériences, il sera
directeur régional pour l’Afrique de
l’Ouest de Roamware, leader mondial
des solutions de roaming présent dans
plus de 140 pays à travers le monde.
Michel Elame couvre alors le Nigeria,
le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et
le Cameroun. «J’ai été impressionné
par la connaissance qu’il a du business
des télécommunications, sa réactivité
et sa capacité à faire se réaliser les
choses», affirme à son sujet Rajneesh
Kapoor, qui était alors general
manager de Roamware.
Alors qu’il s’apprête à tourner
la page de la séquence Warid de sa
carrière, Michel Elame ne cache pas
une certaine émotion en évoquant un
poème encadré comme un diplôme
que ses collaborateurs lui ont remis
pour célébrer ces années au cours
desquelles ils ont écrit ensemble,
dans cette «oasis» (la traduction du
mot arabe «warid»), «une histoire
qui [les] aura marqués pour le reste
de [leur] existence».
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 31
FORBES AFRIQUE
RECRUTEMENT
ACTEURS
Rogers Teunkam
Le recruteur
de talents et
de compétences
A la tête du cabinet 2R Consulting,
Rogers Teunkam a mis au point une
méthode de recrutement qui donne sa
chance à chacun, évitant soigneusement
toute discrimination, afin que l’égalité
des chances devienne une réalité. Une
méthodologie difficile à vendre, mais une
fois qu’on y a goûté, on en redemande.
PAR JACQUES MATAND’
32 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Rogers Teunkam
et l’équipe de
recruteurs qui
l’entoure chez
2R Consulting sont
tous des passionnés.
pensé à mettre sur pied une méthode
de recrutement qui ne tienne pas
compte des erreurs de parcours
des candidats, de leur quartier ou
de leur adresse, et encore moins
de leur nom ou de leurs origines»,
détaille Rogers Teunkam.
BONNE SANTÉ FINANCIÈRE
Cela fait près de vingt ans qu’il
travaille dans ce domaine, et c’est
seulement en 2002 qu’il décide de
créer son cabinet, le deuxième de sa
carrière. 2R Consulting est l’une des
structures parisiennes spécialisées
dans le recrutement qui affichent
une bonne santé financière. Bien que
le secteur ne soit pas épargné par la
crise, le fondateur de 2R Consulting
projette de dépasser les 5 millions
d’euros de chiffre d’affaires d’ici
à 2015. «L’année dernière, nous
avons recruté plus de 480 personnes
pour un chiffre d’affaires de plus
de 2 millions d’euros. Le cabinet
connaît une progression de l’ordre
de 30% chaque année, et ce depuis
sa création», expose-t-il.
A sa sortie de l’université en 1987,
son master en sciences économiques
en poche, Rogers Teunkam est parmi
les premiers jeunes traders à intégrer
le palais Brongniart, le temple de
la Bourse en France. «C’est nous
qui avons lancé le marché à terme
d’instruments financiers (Matif )
à la Bourse de Paris. C’est l’un des
marchés les plus compliqués», note-
© 2R CONSULTING
R
ogers Teunkam se
félicite : «Nous avons
recruté une dizaine de
cadres dirigeants pour la
Chambre de promotion
de l’industrie en Cote d’Ivoire au début
du mois de mai.» Avec son francparler et la transparence en prime, le
directeur associé et fondateur de 2R
Consulting, entreprise spécialisée dans
le recrutement des commerciaux et
des cadres dirigeants, affirme que sa
méthodologie ne contient aucun piège
et donne leur chance à tous ceux qui
ont des compétences à faire valoir. Un
mode de sélection qui lutte contre les
discriminations et qui veut contribuer
à construire des entreprises à l’image
de la société : diversifiées. «J’avais
remarqué que dans mon domaine,
notamment pour le recrutement des
commerciaux, il n’y avait pas beaucoup
de profils différents (accidents de
parcours professionnel, couleur
de peau, personnes en situation de
handicap…). C’est pour cela que j’ai
t-il. Mais au bout de deux ans,
à la surprise de ses collègues, il
démissionne. «Il manquait à ce milieu
des valeurs auxquelles je crois… Tout
se résumait à l’argent», explique-t-il.
Le jeune économiste qui claque la
porte au monde de la finance envisage
alors de se lancer dans l’écriture de
romans, non sans ambition. «J’avais
des choses à dire et voulais le faire à
travers mes livres. Mais j’ai très vite
déchanté», avoue-t-il. Il entre alors
dans le secteur du recrutement par
hasard. «Je ne savais même pas que
ce métier existait, je ne savais pas ce
que voulait dire “chasser de têtes”.
Un genre de chasse assez particulier»,
s’amuse Rogers Teunkam, devenu au
fil des ans un recruteur d’excellence.
Sa carrière commence au cabinet
Bernard Krieff, l’un des grands
2R Consulting. «Il était temps de
travailler pour moi», affirme-t-il.
UNE JOURNÉE DE RECRUTEMENT
A la tête de son cabinet, il
développe ses propres méthodes de
travail. Ses séances de recrutement
tiennent en une journée et le
candidat retenu pour le poste en
est informé immédiatement. Ceux
qui ne le sont pas connaissent les
raisons pour lesquelles ils n’ont pas
été sélectionnés et reçoivent une
proposition de coaching et de conseil
pour mieux se vendre la fois suivante.
Pendant cette journée de
recrutement, le candidat dévoile sa
personnalité et permet aux recruteurs
de voir s’il est en adéquation avec ce
que l’on attend de lui en entreprise.
«On ne regarde que les compétences,
LES CLIENTS DE 2R CONSULTING SE
TARGUENT DE L’IMAGE NOVATRICE QUE
LE CABINET DONNE À LEUR ENTREPRISE.
chasseurs de tête de Paris. Après
trois ans, un associé de chez Bernard
Krieff et Rogers Teunkam créent leur
premier cabinet de recrutement :
Mix Ressources humaines. Une
aventure qui dure de 1992 à 2002.
Rogers Teunkam y est chargé du
département recrutement. En
février 2002, il décide de créer
le niveau d’études et d’autres
qualités requises pour le poste
avant de convoquer les candidats
à l’entretien collectif de sélection.
Tout au long des exercices et des
mises en situation, les candidats qui
jouaient un rôle finissent par tomber
le masque, les CV et présentations
apprises par cœur au fil des entretiens
d’embauche ne servent plus à rien,
surtout lorsqu’ils sont dans des
études de cas. Nous leur présentons
des situations auxquelles ils doivent
réagir comme s’ils étaient déjà sur
terrain», explique Rogers Teunkam,
qui estime que sa méthodologie
permet de réduire considérablement
les ratés du recrutement classique.
«Certaines entreprises ont écarté de
bons candidats parce qu’ils n’avaient
pas tel ou tel diplôme. Et pourtant,
nous constatons un taux d’échec
de 25% dans le recrutement
classique. Sur 100 candidats
recrutés, 25 sont incompétents.
Avec ma méthode, ce taux varie
entre 10 et 15%», indique-t-il.
UNE IMAGE NOVATRICE
Le produit du cabinet a fait son
chemin et ses clients ne se plaignent
pas de la qualité ou des compétences
des nouvelles recrues. Ils en redemandent. La méthode de Rogers
Teunkam est un dosage équilibré de
sociologie et de psychologie associées
au sens des affaires, avec des valeurs
humaines et sociales en sus.
Le fondateur de 2R Consulting
soutient que son mode de sélection
donne une vision plus objective, un
regard sans a priori sur les candidats.
Ses clients se targuent de l’image
novatrice, moderne que cela donne
à leur entreprise et de la richesse
qui naît forcément du brassage des
cultures. Enfin, la saine émulation
et l’ambiance conviviale facilitent
l’intégration des candidats recrutés et,
par voie de conséquence, diminuent
nettement le turn-over de l’entreprise.
Rogers Teunkam fait le bonheur
de nombreuses multinationales
qui recrutent de plus en plus pour
l’Afrique des cadres africains formés
et ayant une expérience probante
en Occident. Il travaille également
avec des groupes africains qui
professionnalisent de plus en
plus leurs recrutements et qui ont
décidé de passer de la logique
de la «cooptation» à celle des
compétences.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 33
FORBES AFRIQUE
IMMOBILIER
ACTEURS
Charles Bruno
Dogbe
Promoteur
sans frontières
A la tête de Tecnodis
International, la société de
développement immobilier qu’il
a fondée en France, ce SénégaloTogolais cherche à faire bouger les
lignes et les frontières du business
en montrant par l’exemple qu’un
Africain peut brillamment réussir
en tant que chef d’entreprise
ailleurs que dans son pays.
PAR GASTON KELMAN
I
34 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
de rien à la fin des années 1990. On apprécie
le chemin parcouru», raconte-t-il. Le globetrotter repart ensuite pour Dakar, où il vend
des usines clés en main pour Transglobal
International, société de droit espagnol.
VAINCRE LES PRÉJUGÉS
L’aventure française de Charles Bruno
Dogbe commence en 2004. «Je voulais prouver
que des études et une première expérience
professionnelle africaines pouvaient permettre
l’intégration dans une grande société
française», explique-t-il. Ce sera International
Buyers, filiale de la BNP. Il a en charge le
dossier du crédit immobilier pour Français non
résidents investissant en France. Après un peu
plus d’un an, il s’installe à son compte.
Le sourire malicieux
toujours aux lèvres,
l’homme d’affaires est fier
de mettre en pratique ses
convictions et d’être un
exemple de réussite.
© JEAN-MARIE HEIDINGER
l a déboulé comme un météore dans
les locaux parisiens de Forbes Afrique
avec une bonne humeur contagieuse.
Il rentre d’un périple de six jours :
Bénin, les deux Congos, puis Togo
et France. L’homme a 45 ans et il est le
propriétaire de la société de développement
immobilier Tecnodis International, basée
dans la capitale française.
Charles Bruno Dogbe est né au Sénégal
d’un père venu en aventurier du Togo, qui
finira instituteur, et d’une mère sénégalaise.
Après des études à Dakar – un troisième
cycle en sciences économiques option
gestion de projets en 1995 –, il dirige pendant
deux ans entre sa Casamance natale et
Dakar une entreprise de transformation de
jus de fruits créée par un Sénégalais de la
diaspora. Suit un contrat d’un an à Conakry
pour une société italienne de matériaux de
construction. En 1996, il rejoint en Guinée
équatoriale l’agence d’architecture de Pierre
Goudiaby Atepa, porteuse d’un gros projet
d’immobilier public. «J’ai vu ce pays partir
L’intérêt pour de potentiels investisseurs
africains lui vient au moment où explose
le dossier dit «des biens mal acquis», ces
fortunes que certains se donnent le droit
de reprocher aux leaders africains d’avoir
construites sur le dos de leur pauvre
population. Pour avoir travaillé dans la
finance, il sait qu’il n’y a pas que cela; que
beaucoup d’Africains ont des comptes
dormants dans les banques à l’étranger. Il va
leur conseiller d’investir dans la pierre, en
prévision d’un toit pour les études de leurs
enfants ou simplement pour posséder un
patrimoine. «Je faisais l’interface entre
les promoteurs immobiliers et les banques
pour le compte de mes clients. Au départ,
personne n’y croyait.» Sauf lui.
Les difficultés ne s’arrêtent pas là. «C’est
seulement en mars 2013 que j’ai ajouté
“manager” sur ma carte de visite», se souvientil. L’Africain étant encore peu crédible aux
yeux des Africains eux-mêmes comme chef
d’entreprise au pays des Blancs, il était obligé
de se présenter comme collaborateur d’un
patron français. «C’est la preuve qu’avec de
l’acharnement, on vient à bout des complexes
les plus solides.» Aujourd’hui, il est installé
dans le quartier d’affaires parisien, la Défense,
avec une succursale à Dakar – CCI Patrimoine
Afrique –, une à Lomé – CCI Patrimoine
Personal Finance – et un total de dix
collaborateurs. Son aventure, Charles Bruno
Dogbe la vit comme un parcours pédagogique
pour la jeunesse africaine désireuse d’investir
la mondialisation sans complexe, de
s’installer où elle veut. «Internet permet
d’être dans un village et de vendre de la
pierre à Dubai, Denver, Dakar.»
UNE DÉMARCHE SOCIOLOGIQUE
Deuxième phase de son projet, se
positionner dans tous les domaines de
l’immobilier, la finance, l’ingénierie, le
marketing et la sociologie. «On est surpris
que j’introduise la notion sociologique et
culturelle dans ma démarche. Mais elle est
peut-être la plus importante. Il ne s’agit ni
plus ni moins que de changer les mentalités
au Nord et au Sud, de faire accepter qu’avec
les mêmes compétences on puisse avoir les
mêmes ambitions partout», détaille Charles
Bruno Dogbe. Il parle des structures et des
hommes qui ont été ses modèles : Shelter
Afrique, géant continental de l’immobilier
social, installé à Nairobi, au Kenya, et avec
lequel il collabore; son compatriote sénégalais
Pierre Goudiaby Atepa, cet architecte qui lui a
mis le pied à l’étrier et dont on ne compte
plus les réalisations pharaoniques.
Aujourd’hui, Charles Bruno Dogbe
est partenaire de nombreux programmes
immobiliers en Afrique, notamment en Côte
d’Ivoire, au Tchad, au Congo-Brazzaville,
au Togo. Au fil du temps, il a développé
un savoir-faire unique dans le montage de
projets d’envergure. Il peut ainsi convaincre
les fonds d’investissement. Les notions de
pédagogie et de dynamique de groupe ne
sont jamais loin. Avec des partenaires
de la diaspora, il va lancer en 2014 le
fonds AREF, pour l’accompagnement
des promoteurs privés en Afrique.
S’il reconnaît volontiers qu’il y a encore
des écueils à éviter, il jure qu’il a décroché
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plusieurs opérations sans le moindre pot-devin. Pour lui, on est loin de la caricature des
biens mal acquis. Hérault de la renaissance
du continent, il a amené nombre d’Africains
à comprendre que l’on peut investir dans
la pierre dans un autre pays africain que le
sien et pas nécessairement en Europe.
«L’Afrique avance, répète-t-il comme un
leitmotiv. Je ne me mêle pas de politique,
mais quand un de mes clients devient
ministre, je lui dis qu’on l’attend au tournant
de la compétence.» Seule certitude, il ne
se fera jamais l’écho de cette critique facile
et méprisante envers les leaders africains,
dont beaucoup prennent de plus en plus
rendez-vous avec le développement. Il cite
les exemples du Congo-Brazzaville, du Tchad
ou encore de la Guinée équatoriale. Il dit
qu’au Sénégal l’administration ne se contente
plus des militants politiques, mais embauche
beaucoup de personnes ayant les compétences
qui ont fait leurs preuves sur le marché.
L’homme est indubitablement atypique, l’un des
rares entrepreneurs français venus d’Afrique.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 35
L’AUTRE
VISAGE DE
DROGBA
Plus qu’un footballeur, l’Ivoirien Didier Drogba est une véritable star
internationale. A 35 ans, l’attaquant de Galatasaray n’a pas encore prévu
de mettre un terme à sa carrière, mais s’engage déjà depuis plusieurs
années dans de nouvelles activités. Découverte d’un entrepreneur
philanthrope qui veut avant toute chose venir en aide à son pays.
© TRUNKARCHIVE/PHOTOSENSO
PAR PASCAL FERRÉ
36 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 37
DROGBA
EN COUVERTURE
Q
Très investi dans sa
fondation, Didier Drogba
va régulièrement à la
rencontre d’enfants
malades ou démunis en
Côte d’Ivoire. Il organise
également des galas
afin de collecter des
fonds, comme ci-dessus
à Londres en 2012, où il
assistait à l’événement
avec sa femme Estelle.
A l’inverse de certains footballeurs qui snobent
parfois leur patrie dès les premiers oripeaux de
gloire amassés loin de chez eux, lui n’a jamais
coupé le fil qui le relie indéfectiblement à l’Afrique.
38 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Obama ou de Steve Jobs. Si les honneurs
s’empilent à l’orée d’une fin de carrière
qui se dessine du côté de Galatasaray (à
Istanbul, en Turquie), où il a atterri en
janvier 2013, on dirait que le temps n’a rien
effacé ni patiné. Didier Drogba a conservé
cette attractivité, mais aussi cette curiosité
et surtout cet attachement indéfectible à sa
terre. A l’inverse de certains footballeurs qui
snobent parfois leur patrie dès les premiers
oripeaux de gloire amassés loin de chez
eux, lui n’a jamais coupé le fil, celui qui le
relie indéfectiblement à l’Afrique, et plus
spécialement à la Côte d’Ivoire.
LA GLOIRE D’ABIDJAN
A Abidjan, les autographes – non certifiés –
de l’ancien joueur de Chelsea continuent de
se marchander aux alentours de 30000 francs
CFA au Plateau, le quartier administratif. Pour
son – prétendu – numéro de téléphone, ce sera
le double. Un illuminé, un certain Augustin, a
© MIKE MARSLAND - DROGBA FOUNDATION
ue reste-t-il du petit Tebily – son
deuxième prénom, qui lui a été
donné en souvenir de son grandpère – de Yopougon, ce quartier
populaire d’Abidjan? Que reste-t-il
du petit Tito, surnommé ainsi par sa maman
Clotilde, qui avait un faible pour le dirigeant
yougoslave, en larmes alors qu’il avait 5 ans
sur la passerelle de l’avion le conduisant en
France pour rejoindre son oncle footballeur,
Michel Goba? Depuis, le gamin qui raffolait
du poulet kédjénou s’est mû en icône
internationale. Le buteur s’est fait leader
d’opinion et orgueil national. Il est devenu
à la fois exemple vénéré, référence écoutée
et autorité courtisée. Des attributs qui,
forcément, dépassent son statut de footballeur
multititré. Conscience sociale et politique, le
footballeur a évolué sur tous les terrains. En
évitant toujours le hors-jeu. Si c’est lui qui a
par exemple lancé un vibrant appel à la paix
au peuple ivoirien à la télévision en 2006,
alors que le pays était déchiré par une
guerre civile, il n’a jamais choisi de camp.
Sauf celui de la (ré)conciliation. Pas par
opportunisme, juste par souci d’équité.
Time Magazine l’a placé en 2010 parmi
les 100 personnalités les plus influentes du
monde, aux côtés notamment de Barack
© ALAIN MOUNIC
A Drogbakro, «le village
de Drogba», au sud
d’Abidjan, on voue
un véritable culte au
footballeur, qui incarne
un modèle de réussite.
même carrément aménagé tout un périmètre
à la gloire de son idole du côté de Koumassi
Remblais, un secteur très populaire de la
capitale économique ivoirienne. Bienvenue
à «Drogbakro» («le village de Drogba», en
baoulé), un musée artisanal entièrement
dédié au capitaine des Eléphants.
«Au début, on a eu du mal à accepter
toute cette folie autour de Didier, raconte
Albert, le père du footballeur. Et puis on a
fini par admettre qu’il appartenait à tous
les Ivoiriens.» Une adoration, voire une
vénération, qui suinte à chaque coin de
rue d’Abidjan. Comme en ce jour de 2007,
lorsqu’il était venu visiter à l’improviste sa
maison d’enfance, à Yopougon. Quand il se
hisse jusqu’au balcon de la bâtisse, duquel
il contemplait plus jeune les lumières de la
ville et s’amusait à sauter pour se faire peur,
il est accueilli par une foule d’au moins un
millier de personnes, accourue pour venir
saluer «son» enfant prodige. Pendant de
longues minutes, il reste là, à saluer cette
cohorte enamourée. Ça chante, ça gronde,
ça chahute. La communion est poignante
et prégnante. Bouleversé par l’hommage
impromptu, Drogba restera longtemps
scotché à cette tribune de fortune. «C’est
ici que j’ai appris à être libre, raconte-t-il.
Etre devenu footballeur, c’est bien. Mais
être resté, je crois, quelqu’un de naturel
et de lucide, c’est cent fois mieux. Ça me
servirait à quoi d’avoir des millions, si j’avais
complètement raté ma vie d’homme?»
Dans la gestion de sa fortune, l’intéressé
ne s’est pas raté non plus. Contrairement à
beaucoup de ses congénères footballeurs,
il n’a pas flambé ni dilapidé ses millions.
Dès ses premiers gros salaires, il a en effet
principalement investi dans l’immobilier.
«La pierre, c’est un placement sûr, estimet-il. Comme je n’avais à mes débuts
aucune connaissance dans la gestion d’un
patrimoine, j’ai été au moins risqué. J’ai vu
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE |
39
DROGBA
EN COUVERTURE
des footballeurs se faire spolier et flouer et je
n’avais pas envie de tout voir partir en fumée
en misant sur des projets ou des personnes
qui me semblaient un peu floues. Ces
investissements dans l’immobilier avaient en
plus l’avantage de me constituer petit à petit
un solide patrimoine, que je pourrai par la
suite transmettre à mes enfants. Comme dans
une carrière de footballeur on ne sait jamais
si ça va durer, il vaut mieux être prudent et
pragmatique.» Il a ainsi acquis un certain
nombre d’appartements, aussi bien en
France qu’en Côte d’Ivoire. Jusqu’à ce
qu’il décide de diversifier ses placements.
40 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
aller en France. «Je n’avais pas encore tous
les bons contacts, avoue, encore ému, Drogba.
Mais cette mort m’a fait mal. Très mal. Je me
sentais un peu responsable et en même temps
tellement démuni face à cette tragédie. Je
n’oublierai jamais cet épisode. C’est la
raison pour laquelle j’ai alors décidé de
m’organiser afin d’aider les enfants.»
En 2007, pour mieux structurer ses
intentions, il crée donc la fondation Didier
Drogba. Les desseins sont alors un peu
épars. Dans un premier temps, la fondation
sillonne les orphelinats de la région d’Abidjan
afin de distribuer des dons en nature aux
plus jeunes nécessiteux. «Mais on s’est rendu
compte que ce n’était pas la bonne approche,
raconte Drogba. Il ne fallait pas rendre
A chacun de ses retours
dans son pays natal,
le footballeur (cidessus avec sa tante
en 2007) et sa famille
réalisent que l’image
et l’histoire de Didier
Drogba appartiennent
aujourd’hui à l’ensemble
du peuple ivoirien.
© ALAIN MOUNIC
LA FONDATION DIDIER DROGBA
Une diversification liée à un
bouleversement qui l’a conduit à l’idée de
la fondation Didier Drogba, un véritable
déclencheur personnel. En 2005, celui qui
évolue alors à Chelsea subit de plein fouet
un drame qui va lui servir de révélateur. Il
voit partir le frère de son meilleur ami, âgé
de 16 ans, atteint d’une leucémie. A l’époque,
Drogba se bat et se débat pour tenter de
donner une chance à Stéphane, ce petit
Ivoirien qui avait été le premier à créer un
fan-club Drogba à Abidjan dès l’entrée de
l’enfant de Yopougon en sélection, en 2002.
Il veut le faire soigner en France. Dans les
dédales administratifs pour l’obtention d’un
visa pour le jeune malade, Drogba perd un
peu de temps. Et finalement aussi son combat,
puisque le garçon décède avant d’avoir pu
tous ces gens dépendants uniquement de
la fondation. Il fallait au contraire les
aider à devenir plus autonomes.»
C’est un autre drame qui va le faire
évoluer dans son approche. En avril 2009,
lors d’un match des Eléphants à Abidjan
(contre le Malawi) survient une gigantesque
bousculade en tribune. Bilan : 19 morts. Son
passage dans les jours suivants au centre
hospitalier d’Abidjan révolte autant qu’il
choque Drogba. «J’y ai vu des conditions
d’accueil que je ne soupçonnais pas. Neuf
enfants malades entassés dans une pièce de
10 m2 avec leurs mères, ce n’est pas possible.
A partir de là, j’ai décidé que ma fondation
devait en priorité s’occuper des conditions
d’accueil des jeunes malades.» Une prise de
conscience qui s’accompagne d’un nouveau
parrainage. Parmi les gamins rencontrés ce
jour-là, il se prend d’affection pour le petit
Yao, 9 ans, qui a une leucémie. «Quand
tu croises le regard de ces enfants qui ont
compris que tu allais essayer de leur donner
une chance de plus, c’est bouleversant. Tu
vois la flamme briller dans leurs petits yeux.
Il se dégage une telle force de ces enfants-
Didier Drogba a de
grands projets pour
son pays. Grâce à sa
fondation, il construit des
maisons médicalisées
destinées à accueillir
des enfants nécessitant
les premiers soins.
Ses endroits préférés à
Abidjan et aux alentours
LA PLAGE D’ASSINIE
A une centaine de kilomètres d’Abidjan, c’est un peu la Riviera de la Côte
d’Ivoire, avec ses maisons cossues et ses plages magnifiques bordées par
le golfe de Guinée. «J’adore ce coin-là, c’est très reposant.» Un havre de
paix plutôt luxueux fréquenté par les décideurs les plus influents du pays.
ATTÉCOUBÉ
C’est dans ce quartier, situé entre le Plateau, Adjamé et Yopougon,
que sera construit le premier hôpital de la fondation Didier Drogba,
non loin du siège de l’ONU à Abidjan. «Forcément, c’est symbolique
pour moi. C’est un lieu qui marque un vrai départ.»
LE RESTAURANT CHEZ ADJED
Un maquis en grande partie en plein air, comme il les aime. Celui-ci est
tenu par l’ancien international ivoirien Ahmed Ouattara, établi dans le
quartier de Cocody-Angré. «C’est un passage obligé quand je suis à
Abidjan, notamment après les matchs. Un lieu où j’aime retrouver mes
amis pour décompresser un peu. L’ambiance y est très conviviale.»
S’y croisent des vedettes de la musique et du sport, accourues pour
déguster notamment le kédjénou maison.
là.» Mais le sauvetage de Yao n’ira pas jusqu’à
son terme, puisqu’il décédera en dépit d’une
hospitalisation en Suisse. Il n’empêche.
Cet épisode finit de convaincre Drogba de
la marche à suivre dans la conduite de sa
fondation. Plutôt que de se lancer dans la
construction d’écoles comme il l’envisageait
également à l’origine, il décide de centrer
tous ses efforts sur des maisons médicalisées
pour des premiers soins. «J’ai beaucoup
réfléchi. Car je ne voulais pas me tromper
et je souhaitais surtout essayer d’être le plus
utile possible à mon peuple. Quand tu as un
peu réussi, c’est normal de tendre la main à
ton tour. Et quoi de plus beau que de mettre
sur pied des installations médicales pour
les enfants? Depuis la crise, il y a beaucoup
d’enfants dans les rues. Il y a trop de laisséspour-compte. Ils ont vraiment besoin d’aide.»
UN VASTE CHANTIER
Un projet qu’il a forcément fallu structurer
et charpenter. Accaparé par ses activités
de footballeur, Didier Drogba a donc mis
sur pied une petite structure composée de
Thierno Seydi, son fidèle agent depuis ses
débuts, de Guy Roland Tanoh, un homme
d’affaires ivoirien également très proche
du footballeur, et de Caroline McAteer,
une professionnelle de la communication
qui travaille pour l’ancien Blues depuis ses
années londoniennes. Un trio très actif qui va
l’accompagner et le soutenir dans la collecte
de fonds nécessaires à ce vaste projet. Car
depuis lors, la fondation est devenue une
petite entreprise à elle seule, permettant à son
boss, Didier Drogba, de faire petit à petit son
apprentissage dans le domaine des affaires.
Pour lancer et faire connaître l’organisation,
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 41
EN COUVERTURE
trois dîners de charité
ont ainsi été organisés
à Londres entre 2009
et 2012. Le premier a
rapporté 500000 livres
sterling et les deux autres
300000 chacun, à travers
des ventes aux enchères
d’objets de sportifs (casque
de Senna, chaussures de Maradona, etc.).
Des galas qui ne sont pas passés inaperçus
en Angleterre. On a ainsi pu lire : «Drogba,
un homme qui prend ses responsabilités
pour reconstruire son pays» (The Sun) ou
encore «Un avant-centre plus puissant que le
président de son pays» (The Telegraph). Grâce
à ces opérations, ce sont quelque 2,9 millions
d’euros qui vont être consacrés aux activités
de la fondation.
Il faut dire que le chantier est vaste : cinq
centres de santé basés à Yamoussoukro,
Abidjan, San Pédro, Man et Korhogo. La
pose de la première pierre de ces bâtiments
(imaginés par l’architecte libano-ivoirien
Pierre Fakhoury, lequel a notamment réalisé
la basilique de Yamoussoukro) est prévue
pour le mois de décembre. Ces petits hôpitaux
accueilleront ainsi des enfants et leurs mères,
contre de modiques tickets modérateurs qui
faciliteront l’accès aux soins du plus grand
nombre. Pour faire aboutir cette entreprise,
Didier Drogba s’est beaucoup battu depuis
quatre ans. «Gamin, je me souviens que je
voulais être médecin. Depuis tout petit, on
m’a de toute façon inculqué comme valeur
le partage. A travers cette fondation, je ne
42 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
En 2006, sous le maillot ivoirien, Didier Drogba atteint
avec son équipe la finale de la Coupe d’Afrique des
nations. C’est également l’année où il lance son appel à la
paix à une Côte d’Ivoire aux prises avec la guerre civile.
cherche pas à me donner bonne conscience,
mais vraiment à donner un sens à ma vie.»
UNE ÂME D’ENTREPRENEUR
Parce qu’il faut aussi donner l’exemple,
Drogba a complètement orienté sa petite
entreprise personnelle vers sa fondation.
Aussi a-t-il versé à cette dernière l’intégralité
des revenus de ses contrats publicitaires
(avec notamment Pepsi, Orange et Nike). Il
est également parvenu à convaincre le club
de Chelsea d’apporter son obole. Des succès
et des démarches qui ont fini par dessiner les
contours de son après-football. «Désormais,
je sais ce que je veux faire. Cette aventure
avec la fondation m’a prouvé que j’aimais
entreprendre.» La preuve : en juin dernier, il a
acquis 5%, cédés par l’Etat, des mines d’or d’Ity,
contrôlées par les Canadiens de La Mancha et
qui produisaient 800000 onces. «C’était une
belle opportunité, explique Drogba. Mais tout
est réfléchi. Je ne me suis pas levé un matin
en me disant : “Tiens, et si je m’achetais une
mine d’or?” C’est un placement sur lequel mes
conseillers ont beaucoup travaillé. J’aime aussi
l’idée que ça va permettre la réouverture de
ces lieux, donc de créer des emplois.»
Didier Drogba
a versé à sa
fondation
l’intégralité des
revenus de ses
contrats publicitaires (avec
notamment
Pepsi, Orange
et Nike).
© ALAIN MOUNIC - PEPSI
DROGBA
© MURAD SEZER/REUTERS
Une idée fixe. Alors qu’il vient de signer
un partenariat avec la marque marseillaise
de sous-vêtements Hom, il veut dépasser
le simple engagement commercial. Certes,
un pourcentage des ventes des modèles
estampillés Drogba, commercialisés à partir de
2014, ira à sa fondation. Mais le footballeur a
d’autres aspirations. «Le but est de construire
des usines de fabrication de sous-vêtements en
Côte d’Ivoire, afin de créer encore des emplois.
J’ai vraiment envie que mon pays s’en sorte.»
Un vrai discours d’entrepreneur. «C’est
vrai que le milieu des affaires me plaît. J’aime
ces trajectoires de patrons partis de rien qui
bâtissent des empires. Les success-stories
me font rêver. Mais tout ça ne s’improvise
pas. C’est la raison pour laquelle je vais
d’ailleurs consacrer mes prochaines vacances
à des séminaires, de manière à accélérer
ma formation. Car je sais aussi que dans ce
milieu tout le monde n’est pas forcément tout
beau et tout gentil. J’ai payé pour le savoir…
Pour réussir dans les affaires, je veux tout
comprendre. C’est comme sur un terrain, en
fait : il y a ceux qui essaient de se faufiler en
douce et ceux qui construisent leur action à
plusieurs. Moi, j’ai compris que j’y arriverais
en me faisant aider par des connaisseurs.
Reste juste à éloigner certains profiteurs qui
tentent de m’attirer dans des projets un peu
fumeux.» Patiemment, l’Ivoirien s’applique à
se dessiner les contours d’un avenir.
«Une chose est sûre, plus tard,
je serai en costume : soit sur un
banc pour entraîner si le démon
du ballon m’a repris, soit dans
des bureaux, dans le cadre de
mes affaires.» Avec toujours le
même humanisme chevillé
au corps. Celui-là même
qui pointait déjà chez le
petit Tito…
Didier Drogba a reçu
à Monaco en octobre
dernier le Golden Foot
Award, qui récompense
les joueurs de plus de
28 ans qui ont brillé
par leurs réalisations
athlétiques et leur
personnalité.
Après avoir fait les beaux
jours de l’Olympique de
Marseille et surtout de
Chelsea, Didier Drogba
évolue aujourd’hui
à Galatasaray, l’un
des deux clubs
stambouliotes.
L’heure de
la retraite ?
EST-CE BIEN RAISONNABLE? A 35 ANS, DIDIER DROGBA CONTINUE DE
COURIR DERRIÈRE UN BALLON, LUI QUI A SIGNÉ EN JANVIER DERNIER POUR
DIX-HUIT MOIS AVEC LE CLUB TURC DE GALATASARAY APRÈS UN SÉJOUR
DE SIX MOIS EN CHINE. «Pourquoi faudrait-il être raisonnable? s’amuse
l’intéressé. Je ne savais pas que le foot était interdit aux plus de 35 ans.
Je ne vois aucune raison valable qui pourrait me faire dire qu’il est
temps d’arrêter.» Pas même une certaine usure, lui qui a débuté avec Le
Mans il y a déjà quinze ans? Quelque 650 matchs plus tard, assortis de
plus de 310 buts, l’attaquant conserve une envie de jeunot. «Je continue
de m’éclater chaque jour. Le foot, je ne veux pas qu’on me l’enlève. Tant
que mon corps dit oui, je veux continuer. C’est un peu ma came, ma
drogue douce. Quand je pars en vacances, au bout de deux semaines,
je suis en manque. J’ai envie de frapper dans un ballon. Même après
toutes ces années, ça reste ma passion, mon rêve.»
En Europe, ils sont d’ailleurs quelques trentenaires à faire de la
résistance au plus haut niveau : Totti (AS Roma, 37 ans), Giggs
(Manchester United, 39 ans), Klose (Lazio Rome, 35 ans) ou encore
Pirlo (Juventus, 35 ans). L’Ivoirien n’a pour l’instant pas encore décidé
quand il arrêterait sa carrière. Aussi croque-t-il sans arrière-pensées
dans tous les matchs qui se présentent à lui. «Comme j’ai commencé
le haut niveau assez tard, je ne suis pas du tout rassasié. J’ai toujours
aussi faim. Je dirais même que j’ai encore plus faim. Ce n’est pas
après la gloire que je cours, mais toujours après les titres.»
A le voir bouger, notamment en Ligue des champions, pas de
doute, Drogbadaboum, comme certains de ses supporters le
surnomment, n’est pas encore en préretraite : «Demandez aux
défenseurs du Real ou de la Juve que j’ai croisés il n’y a pas si
longtemps s’ils avaient l’impression de jouer contre un vieux
monsieur! Moi, j’ai le sentiment d’être resté un gamin en pleine
forme. Et je suis content de ne pas avoir trop grandi, d’avoir
toujours les mêmes réflexes de môme. J’aime toujours autant
la gagne et je supporte toujours aussi mal de perdre. Et ça, ça
me suivra jusqu’à mon dernier match.» Tant qu’il y a de l’envie…
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 43
FORBES AFRIQUE
POLITIQUE
ANALYSE
Obama et l’Afrique
Dans les méandres d’une
complexe histoire d’amour…
Près de cinq ans après son arrivée au pouvoir, le temps est venu d’examiner les fondements
de l’image du président américain, ses rapports avec l’Afrique, ses engagements et les
perspectives, tant par rapport à ses prédécesseurs qu’aux autres partenaires du continent.
PAR PIERRE LEBLACHE
UNE IMAGE INTACTE
En Afrique, le capital de séduction
et le niveau d’approbation de Barack
Obama n’ont pas varié, même si
l’adulation des premiers mois s’est
quelque peu calmée. Près d’un an
après le début de son second mandat,
voici le moment d’analyser ses
rapports avec le continent.
Selon toutes les confirmations
officielles, Obama est né à Hawaï d’un
père kényan et d’une mère américaine.
Il n’a donc pas vu le jour en Afrique,
44 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
bien que ses détracteurs continuent
à répandre la rumeur de sa naissance
au Kenya. C’est en effet une exigence
de la Constitution américaine qu’un
président soit né aux Etats-Unis.
Partiellement éduqué en Indonésie,
il dit y avoir acquis une tolérance de
toutes les religions et minorités, une
ouverture d’esprit faisant la différence
avec ses prédécesseurs et que nombre
de ses ennemis considèrent surtout
comme un préjugé favorable à l’islam.
La mise sous scellés de tous les
documents concernant ses années à
Harvard a également fait beaucoup
parler, notamment sur l’hypothèse
jamais confirmée d’une demande
de bourse comme étudiant étranger
(indonésien). Ses adversaires ne sont
parvenus ni à démontrer quoi que ce
soit ni à écorner une flatteuse image
de président «New Style».
On aurait pu s’attendre à ce que, fier
de ses racines, le président voyage en
Obama a promis
un sommet entre
l’Amérique et l’Afrique
subsaharienne l’an
prochain à Washington.
Attendons de voir ce
qu’il en adviendra.
terre africaine. Mais avec seulement
quatre pays en cinq ans, Barack Obama
a jusqu’ici bien moins couvert l’Afrique
que ses deux prédécesseurs. Bill
Clinton s’était arrêté dans huit pays,
George W. Bush dans dix.
Pour la Maison Blanche, la
longévité politique de dirigeants en
place depuis vingt ans et plus n’est pas
un gage de dynamisme démocratique.
Cela peut expliquer que les présidents
Biya, Muzeveni et Sassou-Nguesso
n’aient pas figuré sur la liste, même
si d’autres dirigeants américains
se déclarent impressionnés par
les progrès accomplis dans leurs
pays. Mais pourquoi pas Abidjan ou
Nairobi? Pour ce qui est du Kenya,
on a dit qu’Obama ne tenait pas à
rencontrer certains membres de sa
famille qui ont eu maille à partir avec
la justice américaine... Il a toutefois
promis que tous les dirigeants du
continent seraient les bienvenus à
Washington l’an prochain pour un
sommet entre l’Amérique et l’Afrique
subsaharienne. Attendons de voir
ce qu’il en adviendra.
LES ENGAGEMENTS
Sur le plan des engagements
futurs, deux têtes de chapitre
constituent des innovations : le
programme Power Africa, destiné à
stimuler l’électrification du continent,
© GARY CAMERON/REUTERS
C
ela a dû être un puissant
réconfort pour Barack
Obama, au milieu de
la tourmente qu’il
affronte avant le premier
anniversaire de sa réélection à la
présidence des Etats-Unis, d’apprendre qu’il continue à jouir auprès des
Africains d’une grande popularité.
Depuis 2008, il n’a jamais perdu sa
double image, celle du héros et du
héraut d’une Afrique que l’Amérique
se devait de reconnaître comme la terre
d’origine de sa «première famille» et
par conséquent comme un partenaire
privilégié. Affaibli par la crise syrienne,
confronté à un blocage parlementaire,
menacé d’un plafonnement de la
dette, le président américain n’a pas
eu, ces derniers temps, beaucoup
d’occasions de se réjouir.
Michelle et Barack Obama le 1er juillet
dernier, chaleureusement accueillis
lors de leur arrivée à Dar es-Salaam,
en Tanzanie, la dernière étape de la
tournée africaine de la présidence
américaine, après le Sénégal et
l’Afrique du Sud.
subventionné par 7 milliards de dollars
en cinq ans, et une montée en rythme
des stages de formation offerts dans
les universités américaines, 500 par
an au début, puis jusqu’à 1300 par
an. Ces deux initiatives sont certes
les bienvenues, mais la subvention
«électrique» représente moins de
3% de l’investissement nécessaire sur
vingt ans et une faible fraction de ce
qu’offre, beaucoup plus discrètement,
la Chine. Il faudrait, pour gonfler ces
chiffres, que l’investissement privé
prenne le relais, une perspective
douteuse dans le cadre des limites
actuelles ou prévisibles de l’AGOA.
Quant à l’éducation et la formation,
elles ne représenteront que 2% des
offres mondiales de stages à l’Afrique,
et beaucoup moins pour les pays
francophones, alors que la Chine
forme annuellement 30000 Africains.
S’il est un domaine où les
Etats-Unis ont depuis longtemps
pris l’initiative d’une assistance
déterminante, c’est celui de la santé,
notamment pour l’éradication du sida
et du paludisme. Le PEPFAR (lutte
antisida) et le PMI (contre la malaria)
ont été lancés en 2003 et 2005 par
George W. Bush. A la hauteur de toutes
les espérances, leur réussite est la
sienne personnelle. La fondation de
l’ex-président Clinton s’y est jointe
par la suite et a apporté une aide
non négligeable. L’administration
actuelle n’a bien entendu pas supprimé
cette assistance, mais l’initiative et
ses succès déterminants viennent
d’ailleurs. Spécialement dans ce
domaine si porteur d’émotions, Barack
Obama doit absolument créer un
programme distinct et bien doté sur un
autre sujet, par exemple la tuberculose
résistante ou la grippe porcine. C’est
à ce prix qu’il écrira son nom dans
l’histoire de la santé africaine.
DOUTES ET CRITIQUES
Alors qu’il reste très populaire sur
les rives africaines, Barack Obama
suscite actuellement chez certains
de ses compatriotes des critiques et
des doutes qui ne sont pas anormaux
à mi-parcours d’une gouvernance
difficile. Parmi les ratés et les crises,
certains concernent directement
l’Afrique, qu’il s’agisse de l’affaire de
Benghazi en septembre 2012 ou de
l’attaque récente du centre Westgate
de Nairobi. On ne peut s’empêcher
de penser que les coupables de cette
prise d’otages et leurs projets étaient
connus à l’avance, tant a été rapide
la réaction américaine. Que les
Navy Seals de la marine américaine
aient, par un raid éclair en Somalie,
éliminé ou capturé les principaux
responsables d’Al-Shabab impliqués
moins d’une semaine après le carnage
ne tient pas du miracle, mais des
écoutes et de l’information préventive.
La quête du renseignement et le
respect des souverainetés nationales
relèvent d’un difficile équilibre...
Comme avec le reste du monde,
l’histoire d’amour entre l’Afrique et
Obama tient autant à sa jeunesse,
à son look et à son extraordinaire
éloquence qu’à ses actions et ses
résultats. C’est parfaitement légitime.
Rendez-vous dans trente-six mois
pour faire un bilan comparatif de
son apport aux Africains.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 45
FORBES AFRIQUE
BUSINESS
ENQUÊTE
La franchise, un levier
de développement
économique
Avec des dépenses de consommation qui passeront
à 1 400 milliards de dollars d’ici à 2020, contre
860 milliards en 2008, une croissance robuste
et une plus grande stabilité politique, l’Afrique
rassemble plus que jamais les éléments nécessaires
à l’émergence d’un développement significatif
du business des franchises.
PAR SERGE TCHAHA
N
ombre de spécialistes, comme
le docteur Rozenn Perrigot,
enseignante-chercheuse
titulaire de la chaire Franchise
et commerce en réseau à
l’IGR-IAE, croient au potentiel de l’Afrique.
Jointe au téléphone, elle a confié à Forbes
Afrique : «Le potentiel de développement
[de la franchise] en Afrique est significatif
à court, moyen et long termes, en fonction
des contraintes réglementaires et des
structures facilitant l’entrepreneuriat.» La
dimension juridique est importante, car ce
que le franchiseur vend au franchisé, c’est
son concept, sa marque, son savoir-faire. Si
ces derniers ne peuvent pas être protégés,
alors l’entreprise est évidemment fragile.
C’est pourquoi Michel Gagnon, consultant
canadien, fondateur de Davier Consultants,
entreprise spécialisée dans le conseil en
management et franchisage, estime que
l’engagement des gouvernements africains
est déterminant pour garantir le succès.
Au vu de la fortune que ce modèle
d’entrepreneuriat a connu sous d’autres
cieux, et en tenant compte de la vitesse avec
laquelle il peut faire grandir une marque,
accroître le chiffre d’affaires et les bénéfices
46 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
d’une entreprise, développer le secteur
privé et les PME, on peut penser que
les gouvernements africains devraient
en effet tout mettre en œuvre pour
améliorer leur attractivité concernant
le développement du franchisage.
Les franchises
américaines font partie
des mieux implantées
en Afrique. Mais les
entreprises françaises
ne sont pas en reste,
particulièrement
au Maghreb. Reste
aujourd’hui à mieux
exporter les franchises
africaines, à travers le
continent et en dehors.
PLUS DE 30000 MARQUES
Selon l’European Franchise Federation
(EFF), qui a compilé et publié en 2010
des données provenant des associations
nationales de la franchise, il y aurait un peu
plus de 30000 marques de franchise en
opération dans le monde, dont plus de 10000
en Europe, 4000 en Chine et 2200 aux EtatsUnis. À l’échelle de la planète, on estime qu’il
Comment réussir son
internationalisation ?
Selon le Dr Rozenn Perrigot, il faut :
• Savoir s’adapter au contexte local, tout en maintenant l’uniformité
du concept sur le plan mondial.
• Avoir une bonne connaissance du marché et de ses spécificités
(par exemple via une collaboration avec un master franchisé).
• Avoir les ressources humaines, logistiques, financières et technologiques pour mener à bien cette internationalisation.
y a 2,5 millions d’unités franchisées. Rozenn
Perrigot nous signale qu’aux Etats-Unis
seulement, on dénombre «800000 franchisés,
8000000 d’emplois créés et 802 milliards de
dollars de recettes totales générées dans les
réseaux de franchise».
Du côté du Continent noir, on recenserait
531 marques de franchise en Afrique du Sud,
360 en Egypte et 315 au Maroc. Cependant,
dans nombre d’autres pays africains, la
franchise est une réalité qui en est à peine
à ses balbutiements. C’est ce qui fait dire
à Michel Gagnon que la plupart des pays
africains ne sont qu’à l’étape 1,
celle qui consiste à laisser
s’implanter sur leur sol des
franchises internationales à
la réputation bien établie, telles
que McDonald’s, Starbucks, Hertz
ou encore les hôtels Accor.
LES FRANCHISES MADE IN AFRICA
Une fois à la deuxième étape, d’après ce
spécialiste qui cumule près de trente années
d’expérience dans le secteur, «on ne dépend
plus des étrangers. Et à ce moment-là, l’argent
reste dans le pays». Par ces propos, il nous
oblige à soulever deux éléments cruciaux.
D’une part : qu’en est-il des franchises
made in Africa? Les situations sont
évidemment variées. L’Afrique du Sud, forte
d’une longue tradition de franchise, joue
les premiers rôles avec 88% de franchises
nationales, selon les données fournies par
l’EFF. L’Egypte se situe quant à elle
à 43% et le Maroc à 15%.
Mais de nombreux joueurs
africains se font remarquer.
Entre 2010 et 2011, la Société
financière internationale
a investi 28,5 millions de
dollars dans deux chaînes de
restauration rapide nigérianes :
Tantalizers et Food Concepts PLC.
Et on compte des franchiseurs africains
qui s’internationalisent de plus en plus
et s’implantent hors du continent. Pour
Scott Lehr, vice-président senior EtatsUnis et développement international de
l’International Franchise Association,
«certaines marques sud-africaines, à l’instar
de Famous Brands [voir p. 49], sont bien
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 47
BUSINESS ENQUÊTE
INTÉRÊTS AMÉRICAINS
À titre d’exemple, dans la note Doing
Business In Nigeria: 2010 Country
Commercial Guide for US Companies,
les diplomates américains invitent les
48 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
franchiseurs intéressés par le marché
nigérian à utiliser leurs services afin
«d’identifier, préqualifier et sélectionner
un master franchisé compétent ou un
partenaire capable de développer une
région du pays». Cet intérêt pour le
Nigeria est d’autant plus volontariste
qu’un document produit par le US
Commercial Service affirme que le
pays d’Aliko Dangote représenterait
un marché potentiel de 100 milliards
de dollars pour les franchiseurs.
Mais les Etats-Unis s’intéressent aussi à
d’autres pays africains. D’après les documents
consultés par Forbes Afrique, le pays de
Barack Obama encourage les franchiseurs
américains à renforcer leur présence dans
Un «faux» Starbucks
– non autorisé par le
groupe – à Mekele, en
Ethiopie. En 2007, Ambes
Tewelde a nommé son
café, qui sert 400 tasses
par jour, comme le géant
américain. Il n’est pas
rare de trouver dans
de nombreux pays des
enseignes qui reprennent
le nom et/ou le logo
des grandes franchises
internationales.
SELON LES AUTORITÉS AMÉRICAINES,
LE NIGERIA REPRÉSENTERAIT
UN MARCHÉ POTENTIEL DE
b0,//,$5'6'('2//$563285
LES FRANCHISEURS.
© RADU SIGHETI/REUTERS
positionnées pour prendre de l’ampleur et
s’étendre au niveau international [y compris
en dehors du continent, NDLR]».
D’autre part, les paroles de Michel
Gagnon, l’air de rien, viennent nous rappeler
que, par essence, le système de la franchise,
avec les royalties qui sont imposées, conduit
nécessairement à ce qu’une partie des
revenus générés quitte le territoire africain si
la maison mère se trouve hors du continent.
Combiné au fait que vendre une franchise
à l’international constitue également
l’exportation d’un savoir-faire national, d’un
mode de consommation, d’un style de vie,
on comprend aisément que les franchises
aient une incidence qui dépasse le seul cadre
économique. Par conséquent, il n’est pas
étonnant que les Etats-Unis mobilisent
le US Commercial Service et leur diplomatie
pour promouvoir leurs franchiseurs.
Présence
internationale
de Famous
Brands
Royaume-Uni : 110
(nombre de restaurants)
Dubai : 3
Nigeria : 8
Soudan : 5
Côte d’Ivoire : 4
Kenya : 13
SOURCE : FAMOUS BRANDS
Zambie : 27
Tanzanie : 3
Botswana : 28
Malawi : 4
Namibie : 27
Ile Maurice : 28
Afrique du Sud : 1881
Zimbabwe : 8
Lesotho : 3
Mozambique : 3
Swaziland : 8
le domaine de la restauration rapide
en Egypte, un secteur prometteur,
notamment en raison de la jeunesse d’une
population exposée à la culture occidentale.
Ce marché pèserait à l’heure actuelle quelque
700 millions de dollars. Les franchiseurs
américains sont leaders de ce marché et on y
trouve des marques telles que Chili’s, TGIF,
Hard Rock Cafe, KFC, McDonald’s, Pizza
Hut, Burger King, Hardee’s, Domino’s Pizza,
Papa John’s, Sbarro, Outback Steakhouse,
Subway, Auntie Anne’s ou Tea Leaf, explique
le US Commercial Service dans son guide
explicatif pour faire des affaires en Egypte
en 2012. La présence américaine dans les
franchises en Egypte est très importante,
puisque, selon ce même document,
elle représente 40% des franchiseurs
internationaux présents dans le pays.
De son côté, la publication intitulée
Country : Kenya – franchising, qui date de mai
dernier, précise que «les franchises dans les
industries alimentaire, de la restauration et
des boissons sont celles qui connaissent le
plus de succès […]. Les Kényans passent
plus de temps et dépensent plus d’argent
pour manger à l’extérieur ou commandent
leurs repas pendant les heures de travail.
Et l’industrie de la restauration rapide
en a grandement profité.»
LA PLACE FRANÇAISE
Au Maroc, une fois encore, les EtatsUnis occupent une place importante dans
le domaine de la restauration rapide. Dans
Famous Brands est
une entreprise sudafricaine qui détient
plusieurs bannières de
restaurants.
Selon les données
fournies dans son
rapport annuel pour
l’année s’achevant
le 28 février 2013,
l’entreprise compte
2163 restaurants.
Son chiffre d’affaires
pour cette année
financière s’élevait à
2,516 milliards de rands
(environ 250 millions
de dollars), pour
466 millions de rands
(environ 46 millions de
dollars) de bénéfices.
un document publié en 2009, Thanae
Bennani, spécialiste en commerce au
consulat général américain, nous apprend
qu’ils s’arrogent même la part du lion.
Cependant, si on tient compte de toutes
les sortes de franchise, les Etats-Unis
sont, avec 12% du marché et 20 marques,
derrière la France, qui y détiendrait
45% du marché, avec 27 marques de
franchise installées sur le sol marocain.
La France, justement, est l’autre pays
important dans le monde de franchise.
Premier Etat européen avec 1658 réseaux de
franchise, elle a de nombreux représentants
sur le Continent noir. Stéphanie Morlan,
responsable communication au sein de la
Fédération française de la franchise (FFF),
le confirme : «En 2011, une enquête CSA
indiquait que 30% des réseaux interrogés
avaient des points de vente à l’étranger.
Sur ce panel [156 réseaux, NDLR], 14%
avaient des points de vente en Afrique.»
Elle complète en donnant des précisions
concernant la présence géographique des
franchiseurs français en Afrique. «Sur ces
14%, l’enquête CSA précise que seulement
3% sont présents avec des points de
vente en Afrique subsaharienne.»
Tant pour les franchiseurs nationaux
qu’internationaux, les perspectives sont
on ne peut plus prometteuses en Afrique.
Espérons que tous les acteurs partageront
le point de vue de Michel Gagnon, pour
qui «la franchise est un levier économique
très important».
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 49
BUSINESS ENQUÊTE
Afrique francophone
Passeport pour la prospérité
pour trois franchisés
Ils opèrent au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, ils ont
choisi la franchise ou on la leur a proposée, mais tous l’ont adoptée
avec l’idée qu’elle leur permettrait d’accéder à une certaine richesse.
50 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
l’ambition d’ouvrir trois à quatre autres
franchises dans les trois prochaines années.
CRÉATIVITÉ ET AUDACE
Les deux autres franchisés que nous avons
rencontrés ont adopté une stratégie quelque
peu différente. En effet, leur licence de franchise
est notamment utilisée pour diversifier leur
clientèle et leurs sources de revenus.
Parlons d’abord de Dîner en blanc (DEB) –
Abidjan. Il s’agit d’un «chic pique-nique»
qui a eu lieu dans la capitale économique
ivoirienne pour la deuxième fois en 2013.
Eric M’Boua, coorganisateur de l’activité,
nous explique ce qui motive les clients :
«Je crois que les personnes recherchent
l’évasion de leur quotidien. Elles veulent être
transportées dans une aventure urbaine qui
rallie des convives autour d’un nouveau genre
d’événement. Il y a un côté happening ou
flash mob qui crée un souvenir spontané, un
mouvement organique dans lequel les invités
se plongent avec créativité et audace!»
Affilié à Dîner en blanc International,
cet événement féérique, qui compte comme
Fondée à Montréal en
1995, la marque Presse
Café s’est développée
dans le monde sous forme
de franchise à partir de
2003. En Afrique, elle
est présente à Dakar,
Casablanca et Rabat.
©XXXX
F
rial Yahya exploite avec son frère
Presse Café, à Dakar. Il s’agit d’une
bannière canadienne présente dans
plusieurs pays, dont le Sénégal et
le Maroc. Ouverte depuis 2012,
cette franchise est une sorte de porte-drapeau
canadien dans la capitale sénégalaise. Dans ses
locaux ont déjà été reçus plusieurs dignitaires,
à l’instar de Jean-François Lisée, ministre des
Relations internationales, de la Francophonie
et du Commerce extérieur canadien, de
Jean Charest, ancien Premier ministre du
Québec, ou de Michaëlle Jean, ancienne
gouverneure générale du Canada.
Frial Yahya nous a expliqué comment
est née l’idée de se franchiser. «J’ai travaillé
dans de grandes sociétés à Dakar. En tant que
directrice financière, j’ai voyagé dans des pays
anglophones et je me suis installée dans des
endroits où l’on peut se réunir autour d’un
café, ce qui manquait chez nous. Un espace
où l’on peut “décompresser, boire, manger”
[slogan de l’entreprise, NDLR] n’existait pas
au Sénégal. J’ai fini par décider de me lancer
dans cette voie en tant qu’entrepreneur,
convaincue que mon
projet s’inscrivait
étroitement dans les
mutations sociales
et culturelles de la
société dakaroise
et que ce type
d’activité allait
répondre à un besoin
réel du marché.»
Master franchisé au
Sénégal, elle nourrit
Né à Paris en 1988, le concept de Dîner en blanc s’est
depuis exporté dans 40 villes à travers le monde.
Pour l’heure, outre Abidjan, Kigali, Le Cap et
Johannesburg accueillent l’événement en Afrique.
partenaires Air Côte d’Ivoire, Air France,
Moët & Chandon ou l’hôtel Pullman, est
organisé par Evenet SARL, une société
spécialisée dans l’événementiel et les relations
publiques. Employant cinq personnes, elle
envisage d’organiser le Dîner en blanc dans
d’autres villes en Côte d’Ivoire, voire au-delà.
DIVERSIFIER SES ACTIVITÉS
Jean Ketcha, président-directeur général de
Kecth, entreprise spécialisée dans l’entretien
et le réaménagement des routes, nous corrige
d’entrée de jeu : «Nous n’avons pas sollicité
une franchise. En effet, c’est le groupe
Mr. Bricolage qui cherchait un partenaire
de premier plan réunissant une batterie de
critères très pointus dans le but de développer
ses activités sur le territoire camerounais.»
Le partenariat entre le
groupe camerounais Ketch
et l’enseigne française
Mr. Bricolage a été signé
fin 2012. Après un premier
point de vente à Douala,
l’accord prévoit l’ouverture
de magasins dans les
principales villes du pays.
Il nous explique en quoi cette nouvelle
activité permettra à son entreprise de
diversifier ses activités. «Nous mettons
déjà cette logique en œuvre au moyen de la
distribution des matériaux de construction
à forte valeur ajoutée, comme le béton prêt à
l’emploi et ses produits dérivés, et à travers
le lancement de notre activité immobilière,
dont le souci premier est la qualité. À cet effet,
nous avons choisi de développer une véritable
plate-forme pour fournir des matériaux de
construction et de finition de très grande
qualité. L’activité principale de notre
partenaire [Mr. Bricolage, NDLR], qui
place l’exigence de qualité au cœur de son
métier, est la distribution de matériel de
bricolage et de matériaux de construction,
ainsi que l’aménagement des maisons et
la décoration. C’est pour cette raison
qu’elle a toute sa place dans la stratégie
de diversification qui est la nôtre.»
Si Jean Ketcha n’a pas souhaité nous
préciser s’il comptait à l’avenir solliciter
des master franchises pour d’autres pays
en Afrique centrale, il a tout de même
conclu : «Ce qui est sûr, c’est que désormais,
dans ce domaine précis, nous ne laissons
pas indifférentes de nombreuses marques
de niveau mondial.»
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 51
LE CAP-VERT
CONTRE VENTS
ET MARÉE
Petite nation insulaire dénuée de ressources naturelles, le CapVert n’en a pas moins relevé avec succès son pari de devenir un
acteur gagnant de la mondialisation. Un modèle cap-verdien
aujourd’hui encensé, et fondé tant sur la croissance économique
que sur des institutions démocratiques solides. Décryptage.
PAR JACQUES LEROUEIL
52 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Buracona, sur l’île de Sal,
au nord-est de l’archipel du
Cap-Vert. La mer y a creusé
des grottes et des piscines
naturelles dans la roche.
Depuis quelques années,
le pays a vu son attractivité
augmenter, notamment
grâce à la mise en avant de
sites touristiques.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 53
ÉCONOMIE PAYS
D
LE MODÈLE CAPVERDIEN
Dans un pays où l’émigration a longtemps
été le choix le plus judicieux pour fuir
une difficile condition, c’est désormais
l’immigration économique de jeunes actifs
en provenance du Portugal, l’ancienne
puissance coloniale, qui occupe les esprits.
Fuyant la sinistrose du Vieux Continent,
ouverts à la découverte de nouveaux
horizons, ils débarquent aujourd’hui à
l’aéroport de Praia comme leurs aïeux
embarquaient autrefois pour les lointaines
destinations comme le Brésil ou l’Argentine.
Dans l’espoir d’une vie meilleure et avec
la conviction d’être au bon endroit, au bon
moment. Un optimisme que partagent
également les membres de la diaspora
capverdienne (700000 ressortissants à
l’étranger pour une population d’un demimillion d’habitants dans l’archipel), de plus
en plus nombreux à revenir au pays pour
y travailler et investir. Développement de
complexes touristiques, lancement de centres
commerciaux, construction d’infrastructures
éoliennes, il n’y a jamais eu autant d’argent en
54 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Ci-dessus : Barack
Obama a reçu en mars
dernier quatre dirigeants
africains, dont le Premier
ministre capverdien José
Maria Neves (à droite),
lors d’une réunion visant
à saluer des démocraties
solides et émergentes.
Ci-contre : Le président
du Cap-Vert, Jorge
Carlos Fonseca. Le
pays a organisé des
élections libres dès 1991.
circulation. Le flux annuel d’investissements
directs étrangers (IDE) évolue aujourd’hui
autour de 100 millions de dollars, un ordre
de grandeur similaire à celui de l’ensemble
des IDE entrants au Cap-Vert au cours de la
décennie 1990 (146 millions de dollars)!
Et pourtant, la partie n’était pas gagnée
d’avance. «Aucun pays du continent n’a
relevé les nombreux défis qui se posent au
© P. 36-37 : MICHEL PORRO/GETTY IMAGES - P. 38 : MANDEL NGAN/AFP IMAGEFORUM - THIERRY CHARLIER/AFP IMAGEFORUM
ans la galaxie des pays
africains émergents, le CapVert occupe une position qui
est à l’image de sa situation
géographique : à part. Confetti
d’îles situées à l’extrémité occidentale du
continent, dénué de presque tout, le CapVert a pourtant réussi le tour de force de se
transformer en champion de la croissance.
Avec 7% de progression annuelle moyenne
du PIB depuis 1993 et un revenu par habitant
qui a progressé de 160% net sur la période,
il est sans conteste aujourd’hui l’un des
meilleurs élèves de la classe africaine. Une
performance économique qui va de pair
avec des institutions démocratiques citées
en exemple : les élections y sont libres et
transparentes depuis maintenant plus de
vingt ans. Une image de bonne gouvernance
consacrée de façon éclatante par la remise
en 2011 du prix de la fondation Mo Ibrahim
à l’ancien président Pedro Pires, distinction
destinée à récompenser «le leadership
d’excellence en Afrique».
© MICHELE NGAN/CORBIS - MICHEL PORRO/GETTY IMAGES
Cap-Vert. Cet Etat pauvre en ressources
naturelles, doté d’un climat aride de type
sahélien et d’une faible superficie de
terres arables, est en passe d’atteindre la
plupart des Objectifs du millénaire pour le
développement», commentait ainsi Donald
Kaberuka, le président de la Banque africaine
de développement, au cours d’une visite
en 2010. En novembre 2012, l’institution
qu’il dirige a d’ailleurs publié un rapport
sur le sujet, sobrement intitulé Cap-Vert, un
modèle de réussite. On devine ici sans peine
les ressorts de l’attrait que peut exercer le
«modèle capverdien» : réussite économique
et respect consacré des droits politiques.
Certes, le pays n’a ni la masse critique
d’un géant en devenir tel que le Nigeria, ni
Le site de construction
d’un complexe hôtelier
destiné aux touristes,
en grande majorité
étrangers, à Sal Rei,
au nord-ouest de
l’île de Boa Vista.
la force d’édification d’une nation phénix
repartie de zéro comme le Rwanda. Mais
il enseigne une leçon inestimable : aussi
difficiles que soient les conditions de départ,
il est toujours possible de les surmonter
pour bâtir un succès durable. Sur ce point,
le Cap-Vert sait assurément ce que signifie
l’hostilité de l’environnement et l’adversité
des circonstances. A l’exception de ressources
halieutiques importantes, le pays n’a presque
aucune richesse naturelle et seules quatre îles
sur dix disposent d’une activité agricole digne
de ce nom. La tentation de prendre le large
a donc longtemps été la meilleure solution.
Un choix de départ qui est désormais de
moins en moins tentant. Le succès de la
recette capverdienne est passé par là.
UN PARI RÉUSSI
Vingt ans seulement ont suffi pour faire
de cette petite nation insulaire un modèle
de croissance et de bonne gouvernance.
Comment expliquer une telle mutation? Le
point d’inflexion majeur est à chercher au
début des années 1990 : le multipartisme est
instauré et l’économie de marché promue.
Une tactique gagnante, empreinte de
réalisme et de pragmatisme. Sans miracle,
mais fondée sur le bon sens, et dont la bonne
exécution est à mettre à l’actif des dirigeants
politiques qui se sont succédé dans le
pays depuis le début des années 1990.
Le Cap-Vert se tourne alors progressivement vers des activités de service à haute
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 55
valeur ajoutée (transport, commerce de
transit et tourisme) et fait le pari de tirer
pleinement parti de la mondialisation. Et
il réussit : loin de l’isolement d’antan, le
Cap-Vert d’aujourd’hui – idéalement situé à
équidistance du Brésil, le géant économique
lusophone, et du Portugal, la puissance
tutélaire d’hier et porte d’entrée du marché
commun de l’Union européenne – est
partie prenante de l’économie-monde.
Ses exportations de biens et services sont
ainsi passées de 145 millions de dollars
en 2000 à près d’un milliard en 2012; un
montant toujours inférieur aux importations
(1,4 milliard de dollars), mais cette tendance
pourrait s’inverser au cours des toutes
Malgré l’importance du
secteur de la pêche, le
Cap-Vert importe 80% de
ses besoins alimentaires.
Même si l’on compte
des bananeraies et des
plantations de canne à
sucre, l’agriculture est en
effet peu importante,
le pays ne disposant,
sur l’ensemble des îles,
que d’environ 10%
de terres arables.
prochaines années : les ventes à l’étranger
progressent désormais près de deux fois
plus vite que les achats (17% de progression
moyenne annuelle contre 10%). Une logique
d’intégration économique, vue «non comme
une fin en soi, mais comme une stratégie
délibérée consistant à exploiter un avantage
géographique pour éventuellement devenir
une plaque tournante à portée de certains des
plus grands marchés mondiaux», relève fort
justement Carlos Lopes, le secrétaire exécutif
de la Commission économique pour l’Afrique.
Dans tous les cas, une approche gagnante, qui
a définitivement mis en lumière le Cap-Vert.
Autrefois surtout connu des amoureux
de la Diva aux pieds nus (feu la chanteuse
Cesária Evora) et de sa mélancolique morna,
le pays est aujourd’hui «tendance», jusqu’à
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56 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
© RICCARDO SPILA/GRAND TOUR/CORBIS - MICHELE FALZONE/JAI/CORBIS - ANDREAS HUB/LAIF-REA
ÉCONOMIE PAYS
© PHILIPPE TURPIN/AFP IMAGEFORUM
être considéré par le guide Lonely Planet
comme l’une des dix destinations touristiques
les plus populaires du monde en 2011! Un
message reçu 5 sur 5 : de 100000 en 2000,
les touristes sont désormais plus de 500000
à venir profiter chaque année des plages de
sable fin de l’archipel. Une fréquentation
égale à la population totale du pays.
A l’avant-garde des évolutions
structurelles que connaît le Cap-Vert,
la diaspora. Travaillant de concert avec
les autorités du pays, elle apporte avec
elle argent (12% du PIB), réseaux et
compétences. Un concours décisif qui
explique une bonne partie de la réussite
du modèle capverdien. C’est ainsi qu’une
situation initialement défavorable est
progressivement inversée pour se changer
en dynamique gagnante. Les chiffres
corroborent ce spectaculaire changement :
un PIB global multiplié par quatre depuis
2000 (de 500 millions de dollars à près de
2 milliards), un revenu par habitant porté à
plus de 3600 dollars, contre à peine 1200
au début du siècle, et des indicateurs
sociaux (santé et éducation) qui sont
parmi les meilleurs du continent.
Mais le Cap-Vert «nouvelle mouture»
a son revers de la médaille. La croissance
des dernières années, si flatteuse soit-elle,
demeure inégalement répartie et bénéficie
surtout au tourisme, au secteur financier, aux
transports et aux télécommunications. Des
secteurs qui représentent près de 70% de la
richesse du pays, mais emploient moins de
la moitié de la population active. Sans parler
de l’aggravation des inégalités, notamment
entre les populations urbaines et rurales.
Le modèle capverdien tant vanté a aussi
ses propres ratés, comme le souligne André
Corsino Tolentino, de l’Institut d’Afrique
occidentale à Praia, lorsqu’il évoque «le
taux de chômage très élevé, une pauvreté
encore considérable (20% des Capverdiens
vivent toujours sous le seuil de pauvreté)
et un niveau d’éducation qui, malgré de
remarquables progrès, avoisine encore les
20% d’analphabètes». De quoi relativiser
le succès de la nation insulaire. Mais sans
remettre en cause la pertinence de la
leçon capverdienne : être suffisamment
réaliste pour faire avec ce que l’on a, tout
en capitalisant opportunément sur le
moindre avantage comparatif. Le tout dans
un cadre d’ensemble garant d’ordre et de
stabilité pour pouvoir faire la différence
dans la durée. Un enseignement plus que
jamais d’actualité.
C’est notamment grâce
à ses plages de rêve (ici
à Ponta Preta, spot bien
connu des surfeurs sur
l’île de Sal) que le Cap-Vert
a pu capitaliser sur le
tourisme pour accélérer
son développement.
A l’avantgarde des
évolutions
structurelles
que connaît
le pays, la
diaspora. Elle
apporte avec
elle argent,
réseaux et
compétences.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 57
©
58 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
FORBES AFRIQUE
FINANCE
CHANGE
Le Château,
la grande place
de la finance congolaise
A Kinshasa, il n’existe pas de Bourse officielle. Mais
l’endroit que l’on appelle « le Château » se comporte
comme un véritable marché financier. Plongée dans
le temple de la finance informelle le plus influent de
la République démocratique du Congo.
PAR JACQUES MATAND’
© DIDI JUNIOR KANNAH
I
l fait chaud à Kinshasa en ce
jour de juillet. Sur le trottoir
du boulevard du 30-Juin,
l’épine dorsale du centre des
affaires, sous de gros parasols,
devant l’immeuble du Centenaire,
jadis surnommé «immeuble de la
rigueur», des hommes et des femmes
que l’on appelle communément les
«cambistes» guettent les clients
potentiels qui voudraient changer
des dollars contre des francs
congolais, la monnaie locale, très
instable car victime des inflations
diverses qu’a connues l’économie
congolaise au cours des deux
dernières décennies.
Au croisement des avenues
Isiro, du Plateau et Gécamines,
des changeurs de monnaie sont
installés sur des chaises en plastique
ou des tabourets. Ils disposent en
évidence des liasses de billets de
francs congolais. D’autres changeurs
apostrophent des passants pour
proposer leurs services. «Papa,
maman, change dollars? Euros?»
Une femme hèle les promeneurs
et accompagne ses paroles de
mouvements de doigts, comme si
elle comptait des billets de banque
virtuels. D’autres encore vous
saluent et sourient largement
comme de vieilles connaissances.
Histoire de marquer des points
face à leurs concurrents.
«Bienvenue à la place Le
Château… Nous sommes comme la
Bourse du Congo. Tout le monde
vient ici, dans cette espèce de
marché financier. Nous ne sommes ni
une banque, ni un bureau de change,
ni un organisme de microfinance.
Nous sommes tout ça à la fois», lance
fièrement Donat Lenghu, président
honoraire du comité professionnel
des changeurs de monnaie. «Le
Château est notre Wall Street,
affirme Marie-Josée, commerçante.
Avant d’ouvrir nos magasins au
grand marché, on se réfère d’abord
au Château pour connaître le taux du
dollar. Et nous suivons le mouvement
tout au long de la journée.»
Elle n’est pas la seule à avoir
ce réflexe. Michel Losembe,
actuel administrateur délégué
de la Banque internationale pour
l’Afrique au Congo (Biac), abonde
dans le même sens. «Quand j’étais
trader de monnaies étrangères à la
Citibank, j’appelais les changeurs
du Château pour déterminer le taux
que notre banque devait appliquer.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 59
Je faisais pratiquement le même
travail qu’eux. La différence est
que je le faisais depuis un
bureau, avec un téléphone et
un ordinateur», explique-t-il.
UNE PLACE INFLUENTE
Cette «Bourse» ne dispose
d’aucune salle de marché, ni d’écrans
géants comme toutes les autres
grandes places boursières du monde.
Elle a cependant toute son influence
sur les transactions financières. Pour
Donat Lenghu, le fonctionnement
du Château est comparable à celui
des Bourses classiques. «Nous
avons des forces en présence sur le
marché. Les sociétés brassicoles en
quête de liquidités, les sociétés de
panification, l’agroalimentaire et
même certaines banques en quête de
devises. Nous servons le plus offrant,
comme cela se passe en Bourse. Le
Château détermine le taux sur
lequel les opérateurs s’alignent.
Même les commerçants qui font
leurs business vers l’Asie viennent
s’approvisionner ici», observe-t-il.
Un jeune homme à l’allure
d’athlète extirpe de son sac de
sport plus de dix briques de billets
de 500 francs congolais qu’il
pose sur une table, entouré par
d’autres changeurs. Un rapide
calcul : c’est l’équivalent de plus de
3000 dollars qu’il vient de sortir
sans prendre aucune mesure de
La nécessité des
devises se fait sentir
avec acuité lors de
l’arrivée des premiers
commerçants venus
d’Afrique de l’Ouest
et des voyages des
Congolais pour acheter
des marchandises. C’est
le début des grandes
opérations de change.
60 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
sécurité. A ses côtés, une dame
manipule deux briques de nouvelles
coupures de 1000 francs congolais
posées sur un tabouret. Au taux
du jour (9100 francs congolais
pour 10 dollars américains), elle a
l’équivalent de plus de 2000 dollars.
«Sur les 17 milliards de francs
congolais qui circulent hors du
circuit bancaire, plusieurs millions
passent tous les jours entre les mains
des changeurs congolais, dont une
grande partie au Château. Entre 3
et 5 millions les jours des grosses
opérations», estime Donat Lenghu.
Difficile à vérifier, bien sûr, parce
qu’il n’existe aucun chiffre officiel.
Lors de fortes affluences, Tumba
Chico, président des changeurs du
Château et du bureau de change
Rabi, dit avoir déjà réalisé des
bénéfices de l’ordre de 40000 dollars
en une journée. Dans les années
1990, des sommes d’argent énormes
circulaient entre les mains des
cambistes. «Il y avait plusieurs
centres d’ordonnancement, plusieurs
points de sortie et beaucoup d’argent
en circulation. Certains changeurs
avaient des accointances avec
des hommes politiques qui leur
donnaient de l’argent pour jouer sur
les leviers de l’inflation», observe
Donat Lenghu. «A cette époque-là,
je pouvais me retrouver à la fin
d’une journée avec 5000 ou
8000 dollars de bénéfice», confie
madame Beya, elle aussi changeur.
Ils sont ainsi un peu plus de 1000
dont le change est le métier, répartis
entre les 11 cellules que compte Le
Château. Les plus importantes sont
le Parlement, Ami-Congo, Memling,
Savanana et Aile Belgique.
ORIGINES DU CHÂTEAU
Les origines du Château sont
méconnues. Pour comprendre les
origines de la place et de ses activités,
un détour dans l’histoire s’impose.
Des années avant la colonisation,
autour du xviie et du xviiie siècle,
des deux côtés du fleuve Congo,
les populations s’adonnaient
déjà à des échanges à caractère
commercial. Et elles n’ont pas
attendu l’arrivée des banques
pour effectuer des opérations de
change. «C’est de la nécessité des
échanges internationaux qu’est né
le besoin d’opérations de change
entre les peuples des deux rives du
fleuve, explique Donat Lenghu. De
chaque côté du Congo, ce sont des
intermédiaires qui s’occupaient de
ces transactions. Les cambistes
sont par conséquent les ancêtres
des banquiers actuels.»
C’est vers le bas du Pool Malebo,
le lac qui va de Kwamouth à l’actuel
chantier naval de Kinshasa, que le
troc se faisait entre les commerçants
des rives du roi Makoko (Brazzaville)
et de celles du chef Ngaliema
(Kinshasa). Un peu en amont, des
baobabs, encore présents, servaient
à marquer les grandes places de troc.
«Avant la construction de la ville de
Kinshasa par les Belges, la place du
Château était sous contrôle du chef
Ngobila, dont le nom a été donné
au Beach [port, NDLR] qui relie les
deux capitales les plus rapprochées
du monde», relate Donat Lenghu,
qui n’hésite pas à exhiber de vieilles
photos des premiers maîtres
des lieux. Les comptoirs des
administrateurs et commerçants
occidentaux y auraient aussi
troqué vêtements, miroirs et
sels, contre de l’ivoire rapporté
par les populations locales.
L’arrivée de la monnaie a introduit
de nouvelles règles du jeu sur le
marché du troc. Les riverains ont
commencé à faire leurs premières
opérations de change de chaque
côté du fleuve Congo. La nécessité
des devises se fait sentir avec acuité
lors de l’arrivée des premiers
commerçants venus d’Afrique de
l’Ouest et des voyages des Congolais
qui cherchent à acheter des
marchandises. Il y a également à
cette époque un important commerce
de pagnes et de tissus indigo. C’est
© DIDI JUNIOR KANNAH
FINANCE CHANGE
Le plus souvent installés sur des chaises en
plastique, parfois dans un bureau, les cambistes
attendent chaque jour les clients au Château.
le début des premières grandes
opérations de change.
A leur arrivée, les colonisateurs
auraient construit un «château»
sur la place. Et c’est là que se
retrouvaient les premiers banquiers
de l’époque pour parler affaires
et se divertir. «Il y avait un bar,
une discothèque, des restaurants,
des magasins et bureaux dans le
Château. Et c’est non loin qu’a
aussi été construite la première
banque Rwanda-Urundi», explique
Donat Lenghu. Il parle du Château
avec enthousiasme, comme étant
«un monument et le lieu où se
trouve l’âme de l’entrepreneuriat
congolais». Des discussions sont en
cours pour rebaptiser le Château en
place Hugo-Tanzambi (du nom de
l’un des célèbres changeurs, mort
pendant les violences électorales de
la présidentielle de 2006). Au risque
de voir l’histoire de cette place
disparaître avec ce changement,
ce que regrette Donat Lenghu.
DES PARTENAIRES ÉCONOMIQUES
Malgré le fait que le Château soit
historique, les changeurs n’ont pas
toujours connu des jours paisibles.
Sous l’ère Mobutu, ils ont été traqués
par différents gouvernements.
SOUS L’ÈRE MOBUTU, ON DISAIT DES
CAMBISTES QU’ILS CONTRIBUAIENT À LA
DÉVALUATION DE LA MONNAIE LOCALE.
«On a été emprisonnés, on nous
a tiré dessus à bout portant et des
changeurs sont morts. Certains
gouvernements nous prenaient
pour des personnes qui bradent la
monnaie locale. Aujourd’hui, ce
n’est plus le cas. Nous travaillons
dans le calme», reconnaît Tumba
Chico, confortablement assis
dans son bureau de change.
Ces changeurs ont été qualifiés
de «cambistes», nom qui leur colle
à la peau, pour exprimer le fait
qu’ils contribuaient à la dévaluation
de la monnaie locale au profit des
devises étrangères. Ils étaient aussi
considérés comme des personnes
sapant les efforts du gouvernement
pour stabiliser le cadre macroéconomique. Le sens péjoratif de ce
nom n’a cependant rien à voir avec
son origine. «“Cambiste” vient de
l’italien cambio, qui veut dire table
du changeur de monnaie ou bureau,
croit savoir Donat Lenghu. Dans
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 61
FINANCE CHANGE
62 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
le change des francs CFA. J’ai donc
commencé celui des Deutsche
Marks, des francs suisses, des francs
belges et des livres sterling pour
me démarquer. Jusqu’à avoir un
bureau aujourd’hui», raconte-t-il.
Madame Yolande, assise avec ses
collègues non loin d’un restaurant,
est dans la profession depuis vingtcinq ans. Elle a débuté ses activités
au Beach Ngobila, avant de s’installer
au Château. Quelques billets verts en
main, elle dit ne pas être capable de
faire autre chose que du change.
Aujourd’hui, les changeurs luttent
pour que le cambisme soit reconnu
comme une profession à part entière
et un métier respectable.
UNE RELATION DE CONFIANCE
De nos jours, l’activité des
changeurs n’est plus aussi dense
qu’autrefois. La rareté des francs
congolais en circulation se fait
sentir. Les cambistes sont partagés.
«Comme il n’y a pas beaucoup
d’argent en circulation, nous avons
moins d’activité et faisons peu de
bénéfices. Ce n’est plus comme au
bon vieux temps», avoue une dame
assise devant ses briques de francs
congolais. Non loin, un homme
a un avis plus nuancé. «Grâce
aux nouvelles politiques, le cadre
macroéconomique est
maîtrisé», dit-il.
Le président
honoraire des
cambistes estime qu’eux aussi ont
contribué à cette stabilisation.
A l’heure où la ville de Kinshasa
voit plusieurs banques s’installer,
l’avenir des cambistes pourrait
être menacé. Mais pour l’heure,
la présence des banques n’a pas
changé considérablement le
comportement de bon nombre de
Kinois. Ils ont encore recours aux
cambistes pour des opérations de
change quotidiennes, alors que les
banques proposent le même service.
La raison? «Les gens se sentent
à l’aise avec les cambistes, qu’ils
connaissent depuis longtemps.
C’est une question de confiance.
Et chez les cambistes, il n’y a pas
autant de formalités que dans
les banques classiques. Nous
sommes les banquiers naturels de
la population», argumente Donat
Lenghu. Et si les cambistes n’ont
pas encore de bâtiment dédié à
la domiciliation de l’argent,
l’idée circule parmi eux.
Donat Lenghu compare ceux
de sa profession à des banquiers
qui évoluent dans un système
financier à part entière. Un système
qu’il espère voir se raffermir un
jour. Il souhaite monter sa propre
banque, qui fonctionnera sur le
modèle du travail des cambistes.
Pour l’instant, il n’envisage pas
de mutualiser les moyens ou les
efforts avec d’autres acteurs de sa
profession pour réaliser son rêve.
Au gré des opérations de change, il
garnit son portefeuille. Il lui faudra
attendre encore longtemps avant
que sa banque puisse voir le jour.
Il doit se contenter de quelques
milliers de dollars et des services
de son associé qui n’a pour
seul guichet que son bureau
de change au Château.
Bien que les chiffres officiels soient inexistants,
le comité professionnel des changeurs de
monnaie estime que les sommes qui passent
quotidiennement entre les mains des
cambistes se montent à plusieurs millions
de francs congolais.
© DIDI JUNIOR KANNAH
les mentalités des Kinois, cette
image n’est plus négative.»
Les cambistes d’aujourd’hui se
considèrent comme des partenaires
économiques de l’Etat. C’est ainsi
que Donat Lenghu a souvent été
convié aux réunions stratégiques
avec le gouvernement et les
acteurs économiques.
Le parcours de ce changeur est
atypique. En 1980, à 17 ans, Donat
Lenghu, découvre par hasard le
travail du change. «Je faisais les
opérations de femmes qui venaient
vendre leur poisson fumé. Après
les ventes en monnaie locale, elles
me remettaient l’argent pour que
je puisse trouver des francs CFA
(utilisés dans les anciennes colonies
françaises de l’Afrique centrale
et de l’Ouest)», se souvient-il.
L’un de ses amis s’occupait des
femmes vendeuses de vêtements
entre le Congo-Brazzaville et
Kinshasa. Certains changeurs se
comportaient comme les banquiers
des différentes communautés.
Après avoir appris le métier de
change sur le tas, Donat Lenghu fait
des études pour mieux comprendre
le fonctionnement et l’esprit de
cette place financière. A l’université
Cardinal Malula, il obtient une
licence (niveau master 2) en banque
et opérations monétaires. Il travaille
sur la tentative de récupération
du marché parallèle de change
par l’économie formelle. C’est ce
travail qui aurait permis la création
des premiers bureaux de change.
Fièrement, il présente les diplômes
reçus durant ses formations
complémentaires. Formation au
patronat en 1990; dynamique
de groupe et solidarité en 1995;
certificat d’entreprise obtenu
en 2002 durant la première
formation des entrepreneurs.
Tumba Chico, l’actuel président
des changeurs du Château,
découvre quant à lui le métier en
1988 et se spécialise dans les devises
rares. «Beaucoup de gens faisaient
FORBES AFRIQUE
FINANCE
ACTEURS
Le militant des fonds de pension
Maminiaina Rasolondraibe est le fondateur de Funreco, premier fonds de pension privé
malgache. Il est aussi propriétaire d’autres entreprises, dont Nams, une société d’édition
multimédia. Ce jeune PDG fait partie de la génération d’entrepreneurs ayant accompagné
le virage libéral de la Grande Ile dans les années 1990.
PAR HERY ANDRIAMIANDRA
64 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
sa troisième entreprise, une société
d’édition dont le fer de lance est le
quotidien La Nation, assez critique
vis-à-vis des politiciens locaux.
Optimiste de nature, Maminiaina
Rasolondraibe se réjouit tout de
même de l’organisation des élections
présidentielles, après quatre ans de
marasme économique. L’homme se
défend toutefois de rouler pour un
candidat, n’ayant jamais adhéré à un
parti politique, et affirme sa foi dans
«l’entreprise créatrice de richesse».
DE BRILLANTES ÉTUDES
Grâce à l’éducation de son
défunt père, qui était enseignant, il
croit à la rédemption de l’homme
par l’excellence au travail. A la fin
du lycée, en 1978, une bourse lui
permet de partir en France. Il étudie
l’économie et la finance à l’Institut
© HERY ANDRIAMIANDRA
M
aminiaina
Rasolondraibe
n’a pas vraiment
changé depuis
notre dernière
rencontre, en 1986. Discret, il accorde
peu d’interviews. Cet entretien avec
Forbes Afrique est exceptionnel.
L’itinéraire de ce businessman ne
l’est pas moins. C’est en pleine crise
politique, en mars 2009, qu’il crée
d’études politiques de Grenoble et
Son objectif est d’offrir une alternative
retraites à Madagascar a été inspiré
obtient une maîtrise en recherche
fiable au système public de retraite
par le modèle français. Et les textes
appliquée en mathématiques. Suivra
actuel. «Funreco, affirme-t-il, est
juridiques le régissant datent des
l’Ecole nationale de l’aéronautique
devenu un instrument pour soutenir
années 1960.» Le système est axé sur
et de l’espace de Toulouse, d’où il
l’innovation et la croissance dans
le soutien intergénérationnel public et
sort ingénieur en juin 1985. Il intègre
l’économie. J’ai décidé de créer ce
ces règlements ne correspondent pas à
ensuite Exapi, une agence financière
fonds de pension privé pour construire la situation économique actuelle.
parisienne, entre 1985 et 1989, puis
une source de financement abordable
bifurque vers le secteur automobile
pour les institutions de microfinance.
UN BRISEUR DE MONOPOLE
dans une filiale financière de Renault.
Ce système reste encore un champ
Pour Maminiaina Rasolondraibe,
Il va aussi créer avec un ami,
vert pour les pays francophones
la solution réside dans le dialogue
Thierry Rajaonah, une association,
d’Afrique. A Madagascar, le taux
entre l’Etat et les entreprises, pour le
Jeune Patronat de Madagascar (JPM), d’intérêt des prêts bancaires est
bien de tous, dans un environnement
regroupant des cadres supérieurs
très élevé. C’est l’un des principaux
serein. «L’absence de certaines lois
malgaches voulant saisir l’opportunité
obstacles à l’expansion des PME, à la
et règlements de base à Madagascar,
de créer un jour une entreprise dans
croissance et à la création d’emplois.
précise-t-il, ne garantit pas une bonne
leur pays d’origine. C’est en revenant
Cela pourrait s’expliquer par le coût
gouvernance de l’administration. Cette
entre 1991 et 1993 à Antananarivo,
de l’intermédiation de refinancement
carence dans un contexte économique
dans le cadre de la privatisation
des banques commerciales et des
et social dégradé exige des solutions
de la banque
nouvelles et
BTM (devenue
durables.»
Bank Of Africa)
En 2005,
ţ/Þ2%-(&7,)'()815(&2(67'('(9(1,5
pour le cabinet
conscient de
/$35(0,Š5(,167,787,21'()21'6
Eurogroup
l’existence de
'(3(16,2135,9‹6(1ť
Consulting,
cet écart, il a
qu’il décide
pris l’initiative,
d’apporter sa
sans être
institutions de microfinance. Donc,
pierre à l’édifice de la reconstruction
parlementaire, de faire voter une
si la régulation institutionnelle est
économique. La Grande Ile sort alors
proposition de loi sur les fonds de
bien développée et son application
d’une anesthésie étatique, après
pension. Malgré les obstacles, il a
plus efficace, l’accès au refinancement
dix ans de socialisme qui ont mis
convaincu politiciens et partenaires
pourrait être plus abordable pour
l’économie à genoux.
économiques et sociaux. Le texte
les institutions financières, puis
a également légitimé ses propres
pour les entrepreneurs.»
SOUTENIR LA CROISSANCE
activités de fonds de pension et brisé
Plus de 75% des Malgaches sont
C’est l’industriel Charles
le monopole de la Caisse nationale
agriculteurs et ils comptent sur les
Ramanantsoa, fondateur de
de prévoyance sociale (CNAPS).
institutions de microfinance. «C’est
l’unité de fabrication de produits
Le marché est encore vaste et
pourquoi la réduction de la pauvreté
pharmaceutiques Farmad, qui lui met
présente des perspectives. Seulement
par le renforcement des institutions
le pied à l’étrier. Il le nomme fondé
8% des ouvriers et employés sont
de microfinance fait partie de notre
de pouvoir de son empire et devient
cotisants. Le défi est de convaincre les
stratégie. L’objectif de Funreco est
son mentor. Au même moment,
organismes sociaux, d’autres firmes
de devenir la première institution de
Maminiaina Rasolondraibe fonde
et le grand public de l’opportunité
fonds de pension privés en 2018»,
avec Thierry Rajaonah le cabinet
de permettre à des organismes
soutient Maminiaina Rasolondraibe,
d’études FTHM, associé au cabinet
privés et/ou publics de gérer le
qui tient à ajouter que «le système
Canadian Houston Associates.
système de protection sociale.
de pensions et de retraites ne doit
La libéralisation de l’économie
Pour faire face à cette bataille,
pas être monopolisé par une
apporte un nouveau souffle à
Maminiaina Rasolondraibe a créé sa
institution publique».
Madagascar, avec la création de
propre société de médias, Nams, afin
Mais il insiste sur la lourdeur du
milliers d’emplois dans les années
de défendre ses valeurs. «Nous avons
système. «En tant qu’entrepreneur,
1990. C’est en lisant un article sur
commencé à publier un quotidien et
je pense que le marché libre est la
les fonds de pension hollandais que
un hebdomadaire, tirés respectivement
meilleure option, même pour la
Maminiaina Rasolondraibe choisit de
à plus de 10000 et 5000 exemplaires.
protection sociale et la santé. Mais
créer Funreco, le premier et unique
Les deux journaux sont aujourd’hui
que se passe-t-il? Le système des
fonds de pension privé à Madagascar.
des leaders d’opinion.»
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 65
FORBES AFRIQUE
ÉCONOMIE
ACTEURS
Jean-Michel Severino,
le financier
du développement
Gérant depuis 2011 du fonds Investisseurs &
Partenaires (I&P), basé à Paris, Jean-Michel
Severino vient d’initier avec ses équipes une levée
de fonds de 25 millions d’euros. L’ex-directeur
général de l’Agence française de développement
cherche de cette manière à financer les oubliés du
développement africain : les start-up et les PME.
PAR JEAN-MICHEL MEYER
66 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Jean-Michel Severino
prend part aux
réunions du groupe de
personnalités éminentes
sur le programme de
développement post-2015
du PNUD (ici en Indonésie,
le 27 mars dernier).
« Nous
voulons créer
une rupture.
En dix ans,
nous révolutionnerons
le système
de création
d’entreprise
en Afrique. »
possible et nous révolutionnerons le
système de création d’entreprise en
Afrique», plaide Jean-Michel Severino.
UNE ENFANCE AFRICAINE
En ces temps de crise, quel investisseur
irait hasarder un dollar, un euro ou un
franc CFA dans une start-up ou une PME
africaine? Tout simplement un financier du
développement animé par la reconnaissance
© ÉRIC PIERMONT/AFP IMAGEFORUM - MADE NAGI/EPA/MAXPPP
C
alme et posé. A 56 ans, JeanMichel Severino cultive une
forme de retenue qui lui offre
la liberté de mûrir de grands
projets. Discret, le gérant
du fonds Investisseurs & Partenaires
(I&P) n’en est pas moins déterminé. Son
ambition? Mener une révolution tranquille
du capitalisme africain. Elle doit aboutir à
financer dans les dix ans à venir 500 nouvelles
entreprises et start-up du continent qui
donneront le jour à 15000 emplois. Une
mission inédite sur le sol africain. Dans ce
but, I&P veut mobiliser 25 millions d’euros
auprès de family offices, d’investisseurs
institutionnels ou de fondations de grandes
entreprises industrielles ou bancaires qui
ont des intérêts stratégiques sur le continent.
Lancée en septembre 2013, la levée de fonds
s’étendra sur au moins un an.
Un café à la main, l’homme serein de la
finance africaine expose cet objectif comme
une évidence qui s’impose à tous. Sans
effets de manche. Ni la caution de chefs
d’Etat africains. «Nous voulons élaborer
un mécanisme qui peut se développer de
manière soutenable et qui ne dépendra pas de
subventions. Nous voulons créer une rupture.
En dix ans, nous donnerons la preuve que c’est
Lorsqu’il dirigeait l’AFD,
Jean-Michel Severino
a notamment participé
au lancement d’un
fonds multilatéral de
développement solidaire
en 2009 (à gauche)
et aux grands forums
économiques mondiaux
(comme ici au Cap, en
Afrique du Sud, à droite).
© LUDOVIC/REA - ÉRIC PIERMONT/AFP IMAGEFORUM
t-il. Mais l’Afrique traverse alors une crise
profonde. «Durant mes études supérieures,
il était absolument évident que si l’on voulait
travailler en relation avec le continent
africain, il n’y avait aucune perspective dans
le privé. L’économie africaine était entrée
dans une récession majeure. Un gigantesque
travail de restructuration économique était à
mener. J’étais convaincu que ce qui comptait,
c’était d’arriver à transformer cette situation
économique ainsi que les politiques publiques
pour contribuer à remettre le continent sur
un chemin de croissance. C’était le rôle de
la macroéconomie. Pour moi, c’était ce qu’il
fallait faire, sans hésitation.»
d’avoir vécu une enfance heureuse en Afrique.
Bien plus qu’une dette à rembourser, une
forme de gratitude. Jean-Michel Severino
est né à Abidjan en 1957. Il a grandi dans une
famille d’immigrés italiens. L’ombre de la
misère enveloppera longtemps l’histoire de
ses parents. Un passé familial qui contraste
avec ses premières années d’existence dans
la capitale ivoirienne, qui n’est alors qu’une
bourgade. Des souvenirs de parfums, de
paysages, de visages et d’une grande liberté.
«Une Afrique magique et heureuse quand on
a l’insouciance de l’enfance. Les difficultés du
continent, je ne les ai découvertes que bien
plus tard», se souvient-il avec émotion.
Puis c’est l’arrivée en France, à Nice, à
12 ans. C’est le choc. Un environnement
perçu comme hostile et déroutant. Ce qui
n’empêchera pas le parcours sans faute du
très bon élève Severino. Il est tour à tour
diplômé de l’ESCP (1978), de Siences-Po
(1980) et de l’ENA (1984). Une brillante
carrière de haut fonctionnaire évoluant dans
les cabinets ministériels lui tend les bras.
Il préférera la fidélité à son enfance. «J’ai
grandi en Afrique et j’ai toujours eu envie
de travailler avec le continent», tranche-
Jean-Michel Severino,
accompagné de Christine
Lagarde, alors ministre
de l’Economie, et René
Caron, président de Crédit
agricole SA, en 2010 lors
du lancement de CAAM
AFD Avenirs durables,
un fonds commun de
placement innovant initié
par l’Agence française
de développement et
Crédit agricole Asset
Management.
ţ'85$17
0(6
‹78'(6,/
1Þ<$9$,7
$8&81(
3(56Ŝ
3(&7,9(
'$16/(
35,9‹(1
$)5,48(ť
AU CŒUR DE LA COOPÉRATION
Après quatre années en tant qu’inspecteur
des finances, de 1984 à 1988, il devient
conseiller technique du ministre de la
Coopération Jacques Pelletier, puis chef du
service macroéconomique et directeur du
développement au ministère de la Coopération
de 1989 à 1996. «Nous étions au cœur des
ajustements structurels africains, se souvientil. Ce dont on discutait tout au long de l’année,
c’était de la façon de gérer la dette africaine, de
payer les salaires de la fonction publique... On
ne parlait pas alors de la manière de booster
l’investissement comme aujourd’hui!»
Il fait partie des équipes qui organiseront
la dévaluation du franc CFA en 1994. Un
électrochoc. La BIAO, une filiale de BNP
Paribas où avait travaillé son père, fermera
ses portes. «La dévaluation du franc CFA est
un souvenir difficile et professionnellement
intense. Elle a eu des coûts sociaux de
court terme, mais d’immenses bénéfices à
moyen terme, en permettant de relancer les
économies, de créer de l’emploi et de remettre
les pays sur le sentier de la croissance. C’était
indispensable, mais socialement pénalisant
et politiquement compliqué à imaginer et à
mettre en œuvre», analyse-t-il.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 67
ÉCONOMIE ACTEURS
CRÉER DES FONDS LOCAUX
A chacun son rôle. Au fonds I&P de
financer les oubliés du développement en
Afrique : les start-up et les PME. Le secret :
agir au plus près du terrain. Pour identifier et
financer 500 entreprises, le holding de Paris
veut fonder des «mini I&P» gérés par des
68 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
En 1999, aux côtés
d’Hubert Neiss, directeur
du bureau régional du
FMI pour l’Asie et le
Pacifique. Jean-Michel
Severino a travaillé pour
la Banque mondiale
pendant cinq ans,
avant de rejoindre
l’Agence française de
développement.
I&P : accompagner les
entrepreneurs africains LE FONDS INVESTISSEURS & PARTENAIRES (I&P) A ÉTÉ FONDÉ EN 2002 PAR
PATRICE HOPPENOT. Jean-Michel Severino prend le relais en 2011. I&P, c’est
aujourd’hui une équipe de 20 salariés dont sept dans les bureaux africains
d’Abidjan, Accra, Dakar, Douala et Antananarivo. Décidé à agir pour une
croissance durable et l’émergence d’entrepreneurs africains responsables,
le fonds possède deux véhicules. En dix ans, I&P Développement (IPDEV),
le véhicule social historique, a investi 11 millions d’euros dans une trentaine
d’entreprises africaines pour des participations inférieures à 300000 euros.
Ce portefeuille est arrivé à maturité. IPDEV se poursuit à travers la levée de
25 millions d’euros amorcée en septembre pour financer 500 entreprises
africaines. Le véhicule I&P Afrique Entrepreneurs (IPAE) a, lui, conclu son
troisième et dernier closing en mai 2013, levant au total 54 millions d’euros.
L’objectif est d’investir en fonds propres de 300000 à 1,5 million d’euros dans
40 à 50 entreprises. Une quinzaine d’investissements ont déjà été réalisés.
© ROSLAN RAHMAN/AFP IMAGEFORUM
De 1996 à 2001, Jean-Michel Severino
s’octroie un break pour être directeur de la
Banque mondiale pour l’Europe centrale, puis
vice-président pour l’Asie. De retour en France
pour des raisons familiales, il devient directeur
général de l’Agence française de développement
(AFD) et président de Proparco de 2001 à 2010.
L’idéal pour se reconnecter à l’Afrique. «Si
l’on est un ami du continent et que l’on veut
contribuer à l’enjeu fondamental de l’Afrique,
qui est de générer une croissance durable, il y
a deux choses à faire. La première, contribuer
à doter le continent d’infrastructures. C’est le
métier que j’ai fait à l’AFD. La deuxième est de
faire émerger ce tissu d’entreprises africaines
qui assurera la durabilité de la croissance.
Là, vous êtes au cœur du développement.
Nous avons besoin d’entrepreneurs africains
dynamiques, ambitieux et responsables. C’est
fondamental. Pour le reste, c’est aux Africains
de se fabriquer leurs propres institutions
politiques, de santé, d’éducation… Laissons-les
faire, ils sont chez eux», exhorte-t-il.
équipes africaines. «Notre projet vise à créer
dix nouveaux fonds locaux, investissant de
30000 à 300000 euros dans des entreprises
au sud du Sahara. Ce qui sera unique, ce sera
de créer ce réseau organisé de véhicules
locaux», détaille Jean-Michel Severino.
Un premier véhicule local a déjà vu le
jour au Niger : la Société d’investissement
au Niger, gestion & initiatives (Sinergi),
avec sept entreprises en portefeuille. Et un
deuxième véhicule est en voie d’achèvement
au Burkina Faso. Les autres suivront d’ici le
deuxième semestre 2014, notamment dans les
pays où I&P est déjà implanté : Côte d’Ivoire,
Ghana, Sénégal ou Cameroun. Ces structures
locales devront déceler les futures pépites
africaines, mais elles devront aussi attirer
les financements d’investisseurs locaux, de
banques et d’industriels ainsi que de filiales
de grands groupes implantées dans ces pays.
«L’effet levier est gigantesque, de 1 à 12»,
assure le patron d’I&P.
De là à créer un nouveau modèle reproductible de financement de l’investissement
sociétal, il n’y a qu’un pas, qu’espère bien
franchir Jean-Michel Severino. «Le jour
où I&P aura montré que l’on est capable de
mettre dix fonds locaux en réseau, il sera
possible d’en connecter 20, 30, 40 ou autant
qu’il y a de pays africains. Et chacun d’entre
eux pourra se développer localement, sans
subventions», prédit Jean-Michel Severino.
Rendez-vous dans dix ans.
FORBES AFRIQUE
LA CHRONIQUE FINANCIÈRE DE
JACQUES LEROUEIL
LE TRIOMPHE DU
RÉALISME DES MARCHÉS
© DR
L
a remise en cette
fin d’année du prix
Nobel d’économie à
l’Américain Robert
Shiller* aura pour
une fois récompensé l’originalité
sur le conformisme. Une bonne
nouvelle, car lui accorder la
prestigieuse distinction revient à
reconnaître la portée du message
qu’il martèle depuis trente ans : les
marchés financiers sont tout sauf
rationnels, oscillant constamment
entre bulles et krachs, au gré
des forces psychologiques
sous-jacentes qui animent les
investisseurs. Une évidence pour les praticiens de
la Bourse, mais longtemps un anathème dans les
rangs académiques, qui professaient a contrario
que les marchés étaient efficients, que tout était
livré à la marche du hasard, et que personne ne
pouvait prétendre dégager durablement une
performance supérieure à la moyenne.
Le talent des meilleurs et les fortunes
accumulées par certains investisseurs ne seraient
dès lors que des anomalies statistiques, le grain de
sable dans la belle mécanique conceptuelle de ces
érudits, dont les modélisations mathématiques
complexes ont tout prévu, sauf l’essentiel :
l’imprévisibilité inhérente aux marchés et les
aberrations extrêmes qui peuvent parfois y
survenir. Une nature chaotique et aléatoire contre
laquelle Robert Shiller a toujours mis en garde et
qui aujourd’hui, enfin, se voit acceptée.
Mais l’utilité fondamentale du postulat de
Shiller est autre. De ses observations empiriques,
une approche pratique d’investissement peut
être tirée : si les marchés sont irrationnels et
soumis aux extrêmes à intervalles réguliers, ils
reviennent tôt ou tard à la normale et peuvent
donc être source de profits pour
l’investisseur averti. Acheter sur
faiblesse et vendre sur force, les
meilleures affaires étant souvent
faites dans les pires moments de
l’Histoire. Une logique universelle.
La crise postélectorale ivoirienne
de 2011? Un lointain souvenir
pour les courtiers de la place
d’Abidjan, qui ont vu entretemps
l’indice BRVM Composite
progresser de 50%. La chute
récente des frères musulmans en
Egypte? Quelques frayeurs à la
Bourse du Caire au plus fort des
événements, mais depuis c’est
l’envolée : près de 40% en moins d’un semestre.
De telles hausses sont-elles logiques, de
manière si forte et si brève? Probablement
pas. Mais la même remarque pourrait être
faite des violents mouvements baissiers les
ayant précédées. «Personne n’a jamais réussi à
comprendre la logique des amples fluctuations
dont font l’objet les prix financiers. Il semble
que ces fluctuations soient aussi vieilles que les
marchés financiers eux-mêmes», relevait déjà
Robert Shiller dans son essai Les Esprits animaux.
Une vérité enfin entendue par une majorité
d’économistes, mais comprise, appliquée et mise
à profit depuis longtemps déjà par les opérateurs
de marché les plus perspicaces. La fin d’un
mythe en somme, et le triomphe du réalisme
et de l’humilité : reconnaître que derrière les
oscillations incessantes de valeurs, ce sont
d’abord des hommes, avec leur raison tout autant
que leurs illusions, leurs peurs et leurs espoirs,
qui apparaissent en filigrane.
* Le prix Nobel d’économie 2013 a été décerné aux Américains
Robert Shiller (université de Yale), Eugene Fama (université de
Chicago) et Lars Peter Hansen (université de Chicago également)
pour leurs travaux sur les marchés financiers.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
FORBES AFRIQUE | 69
FORBES AFRIQUE
SPIRITUEUX
ACTEURS
Benjamin Agboli
Le prince africain du whisky écossais
À 43 ans, ce Togolais, frère du chef traditionnel de Notsé, fait une entrée remarquée dans
le cercle très fermé des producteurs de spiritueux de luxe. Sa marque de whisky Dunadd
figure en bonne place dans les rayons des plus grands magasins en Europe ainsi qu’en
Russie, et est distribuée en Afrique. Chiffre d’affaires estimé : 2,5 millions d’euros.
PAR VIVIANE FORSON
70 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
britanniques, et obtient notamment
un diplôme de 3e cycle en commerce
international. Il travaille d’abord une
quinzaine d’années pour le groupe
pharmaceutique GlaxoSmithKline,
pour lequel il est en charge du
développement des exportations
couvrant les marchés africains.
Ensuite, chez Sugar Exporters Ltd,
il s’occupe du négoce de matières
premières en Asie, en Afrique et
sur les marchés du Benelux.
UN PREMIER PROJET
Après cela, son parcours le mène
chez Itochu Europe, où il cherche
à développer l’entreprise et ses
stratégies de prix à l’international,
en particulier au Moyen-Orient, en
Afrique centrale et sur les marchés
européens. C’est sa dernière étape
professionnelle avant de créer sa
société, Willimott House, qui
produit et distribue la marque
Dunadd Blended Scotch Whisky
et ses différentes variétés (trois,
douze et quinze ans d’âge).
«Nous sommes en 2004. Au tout
début, mon projet principal était
de moderniser la production du vin
de palme pour en faire un rhum de
palme, exactement comme la canne
à sucre a été la base de la production
de rhum au xviie siècle. J’ai mené
mes recherches avec une distillerie
en Ecosse. Malheureusement, j’ai
découvert que le coût de mon projet
initial serait de plus de 100 millions
de livres sterling. Comme je n’avais
pas ce budget et que je savais
qu’aucune banque ne m’aiderait,
j’ai été obligé de l’abandonner»,
se souvient Benjamin Agboli.
Un revers qu’il accepte difficilement dans un premier temps. Mais
il va être rapidement recontacté
par l’usine écossaise, qui a vu en lui
une personne intègre, ambitieuse
et déterminée. «J’apprenais que je
pouvais devenir propriétaire d’un
whisky écossais, à condition que
je crée une marque et que je sois
capable de développer mes marchés
pour la distribution de mes propres
whiskies. J’ai mené des recherches
en Ecosse de 2004 à 2006, car, quand
bien même la suggestion faite était
merveilleuse, je reconnaissais que la
« Je pouvais devenir propriétaire d’un whisky
écossais, à condition de créer une marque et de
développer mes propres marchés pour la distribution. »
© VIVIANE FORSON
E
tre le frère de Togbé
Agboli Agokoli IV de
Notsé, le président des
chefs traditionnels du
Togo, n’est pas une
mince affaire. Mais Benjamin
Agboli a su jouer de sa position
de dernier de la famille pour
échapper à un destin tout tracé.
Notsé est la capitale du peuple
Ewé et se trouve dans la région des
Plateaux au Togo. C’est la terre d’un
royaume qui s’est développé autour
du xve siècle. De ce socle familial,
Benjamin Agboli garde le souvenir de
nombreuses vacances passées avec
ses cousins provenant du Bénin voisin
ou encore du Ghana. L’un d’eux va
particulièrement se rapprocher de lui,
David Koffi. Il est ghanéen et parle
donc couramment anglais. À cette
époque, la langue de Shakespeare
fascine le jeune Benjamin et il se voit
bien étudier à Londres, et pourquoi
pas y faire sa vie. Mais selon les
souhaits de sa famille, c’est en France
qu’il doit poursuivre ses études… Il
s’exécute et va rejoindre un oncle.
Une fois sur place, il se rend compte
qu’une échappatoire est encore
possible. Sans le soutien de la famille,
et surtout sans aide financière, il prend
le chemin de la capitale anglaise.
Benjamin Agboli fréquente
plusieurs grandes universités
ţ0$0$548(
'(9$,75$&217(5
81(+,672,5(ť
Michelle et Barack Obama le 1er juillet
dernier, chaleureusement accueillis
lors de leur arrivée à Dar es-Salaam,
en Tanzanie, la dernière étape de la
tournée africaine de la présidence
américaine, après le Sénégal et
l’Afrique du Sud.
tâche ne serait pas facile, bien que
le budget soit en dessous de celui
du rhum de palme. J’avais compris
dès le départ que si je devais créer
un whisky écossais, il fallait que sa
marque s’impose par son nom, sa
prononciation et, surtout, elle devait
absolument raconter une histoire.
La marque Dunadd a d’abord été
déposée et enregistrée au RoyaumeUni puis dans l’Union européenne,
en Russie et en Ukraine.»
FAIRE PREUVE DE CRÉATIVITÉ
Dunadd est le premier whisky
dans cette industrie qui ne vienne
pas d’une histoire familiale. Le
Benjamin Agboli et sa femme PamelaMaud forment une équipe solide et
complémentaire dans la gestion de
l’entreprise Willimott House.
nouveau businessman surprend
son monde en redécouvrant les
fondements de l’histoire de l’Ecosse.
La forteresse de Dunadd... Imaginez
une fortification complexe défendue
par quatre lignes de murs de différents
niveaux, constitués de roche, dont
une paroi plus fine, avec une série
de gravures située sur une dalle
proche du sommet. La mise en avant
par ce jeune Togolais de ce qui est
aujourd’hui l’un des plus célèbres sites
médiévaux d’Ecosse va apporter selon
les spécialistes et distributeurs une
certaine créativité, et donc stimuler
la concurrence dans le secteur.
Les premières démarches
prennent du temps, et demandent
des investissements importants.
«C’est vrai qu’il est très difficile de
convaincre les banques pour les prêts.
Ce n’était pas facile avant la crise
économique globale, et l’avènement
de cette crise n’a fait qu’empirer
les choses. J’ai vendu ma maison
à Richmond, une ville proche de
Londres. Mais cela ne suffisait pas»,
raconte l’homme d’affaires.
Un moment compliqué à traverser
pour Benjamin Agboli, mais il ne
sera pas seul. La rencontre avec
son épouse, à Paris, va marquer le
début d’une véritable aventure à
deux. Pamela-Maud, une AngloCamerounaise de douze ans sa
cadette, laisse tout derrière elle pour
le suivre en Angleterre, apportant
au foyer, en plus d’un petit garçon
issu d’une union précédente, toutes
ses connaissances en gestion. «C’est
elle ma conseillère financière,
car, dans des situations pareilles,
il faut un support non seulement
psychologique, mais dans tous les
domaines, sinon on risque de se
perdre et de dépenser n’importe
comment.» À deux, ils créent un
petit négoce pour exporter des pneus
et des véhicules Land Rover en
Afrique. Les profits de cette société
sont réinvestis dans Willimott House
Ltd, pour financer le projet.
Depuis leur mariage, la famille
s’est agrandie avec la naissance de
deux autres garçons. Plus qu’une
histoire d’amour, Pamela-Maud
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 71
SPIRITUEUX ACTEURS
et Benjamin Agboli forment un
duo complice, complémentaire
et foncièrement optimiste.
72 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Les whiskies douze
et quinze ans d’âge
produits par Benjamin
Agboli forment le haut
de la gamme Dunadd.
Glossaire pour
amateurs de whisky
LE BLEND : Un blend ou blended whisky est un whisky issu de
l’assemblage de whiskies d’une ou de plusieurs distilleries. Il peut contenir
des whiskies de différentes années, de différentes origines (single malt,
bourbon, rye), mélangés à du whisky de grain, voire à de l’alcool neutre.
CARACTÈRE : Le style ou le caractère du blend est défini par des
saveurs dominantes. Celles-ci sont tributaires des lieux d’où les
ingrédients du whisky sont originaires.
JAMBES : Faites tourner votre whisky dans un verre clair et propre. Vous
remarquerez qu’il demeure sur les parois quand vous reposerez votre
verre sur la table. Les rayures qui en résultent sont les «jambes» du
whisky. Elles dépendent de la teneur en alcool et de la viscosité naturelle.
VERRE À NEZ : Afin de savourer pleinement l’arôme d’un whisky, l’équipe
du blending utilise un verre à nez. Celui-ci possède une large coupe, une
ouverture étroite et un petit couvercle pour contrôler l’ouverture. On peut
en partie obtenir le même effet en utilisant un verre à vin.
© VIVIANE FORSON - DUNADD
VENTE DIRECTE ET INDIRECTE
Pour sa production, Willimott
House s’appuie sur les compétences
de master blenders de renom, les
frères Fred et Stewart Laing, réputés
pour la qualité et la variété de leur
sélection. Ils disposent encore de fûts
des distilleries les plus prestigieuses :
Glenfarclas, Talisker, Ardbeg…
La suite logique de cette aventure
pour Benjamin Agboli, c’est la
distribution. Avec deux types de
stratégie : la vente directe et la
vente indirecte. «La vente directe
s’applique aux grandes surfaces.
Cependant, pour les ventes
indirectes, nous sommes condamnés
à choisir des distributeurs et
Cash & Carries pour la plupart
des marchés», détaille le chef
d’entreprise. La vente directe permet
dans un premier temps d’avoir un
accès rapide au marché, le profit
peut être optimisé et la marque est
rapidement exposée au grand public.
En revanche, cela demande beaucoup
de négociations et implique des coûts
supplémentaires de stockage. Pour
la vente indirecte, le distributeur ou
Cash & Carry peut faire du stock,
apporte sa connaissance du marché
et supporte tous les risques.
«A court terme, nous voulons
d’abord maximiser les marchés
déjà acquis, à savoir la France,
le Royaume-Uni, la Belgique,
l’Allemagne et la Russie, et ceux
couverts par notre distributeur en
Afrique, l’Afrique du Nord, le Togo
et le Bénin. Puis nous étudierons
une possible expansion. A long
terme, nous allons lancer le single
malt et notre propre London
gin, dont les deux marques sont
déjà déposées et enregistrées»,
projette Benjamin Agboli.
Le whisky Dunadd est désormais
distribué dans le monde entier. Il
faut compter 11 à 27 euros pour le
trois ans d’âge, y compris en Afrique.
«Bien évidemment, le whisky
Dunadd a de l’avenir en Afrique.
Selon le rapport de la Scotch
Whisky Association (SWA),
le continent représente un
grand marché. Les pays les
plus porteurs sont le Maroc,
l’Algérie, l’Egypte, le Nigeria,
le Cameroun, l’Angola et
l’Afrique du Sud», insiste
Benjamin Agboli.
Le fondateur de Willimott
House se rêve en modèle pour
l’Afrique. Avec son expérience
d’entrepreneur, il souhaite
transmettre les valeurs de
travail, de recherche de marques,
qui ne sont pas assez présentes
dans le business sur le continent.
S’il n’est pas sûr que son projet
initial rebondira un jour,
Benjamin Agboli est convaincu
que son parcours étonnant
devrait en inspirer plus d’un.
FORBES AFRIQUE
TOURISME
ACTEURS
Praveen
Moman
L’artisan de
l’écotourisme
Cet ancien conseiller politique
revenu sur les terres ougandaises
de son enfance a décidé en 1997
de se lancer dans l’écotourisme
en Afrique. Depuis, le succès et
la reconnaissance internationale
sont au rendez-vous.
PAR NADIA MENSAH-ACOGNY
D
© VOLCANOES SAFARI
ans la tradition de migration
indienne en Afrique des années
1850, sa famille arrive au
Kenya en 1930, puis s’installe
rapidement en Ouganda.
C’est là que naît Praveen Moman, d’un
père fonctionnaire et d’une mère directrice
d’école, et qu’il vit de belles années jusqu’à
l’expulsion des Indiens par Idi Amin Dada
en 1972. Cet épisode terrible traumatise
l’adolescent et sa famille, qui tirent un trait sur
l’Afrique et s’installent en Grande-Bretagne.
Il y terminera sa scolarité, puis étudiera à
Cambridge, avant d’embrasser une carrière
de conseiller politique du gouvernement
britannique, puis de l’Union européenne.
ALLIANCE DU TOURISME ET DE L’AIDE
Praveen Moman ne remettra les pieds sur
le continent africain qu’au milieu des années
1990, à l’occasion d’une visite politique en
Afrique du Sud et en Ouganda. Il ne peut
alors réprimer un coup de foudre mêlé
de nostalgie pour sa terre natale. Après
plusieurs allers-retours et le constat d’un
Praveen Moman a
été distingué cette
année par le magazine
américain Departures
pour son œuvre pour la
conservation des espèces
animales en Afrique.
apaisement politique dans la région, il décide
en 1997, avec un associé, de créer en Ouganda
Volcanoes Safaris, pour faire revivre le safari
des grands singes. Il poursuit sur sa lancée
et, en 2000, il sera le premier à implanter une
société internationale au Rwanda. Il tentera
également une ouverture en République
démocratique du Congo, sans succès.
Praveen Moman centre son activité sur
l’écotourisme de luxe, pratiqué de manière
Après son départ pour la Grande-Bretagne à
l’adolescence, Praveen Moman ne remettra
les pieds sur le continent africain qu’au milieu
des années 1990, à l’occasion d’une visite
politique en Afrique du Sud et en Ouganda.
Il ne peut alors réprimer un coup de foudre
mêlé de nostalgie pour sa terre natale.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 73
TOURISME ACTEURS
74 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
immuable : départ pour le safari dès 6 heures
du matin et retour pour un déjeuner tardif.
L’après-midi, les écotouristes peuvent partir
à la découverte d’autres animaux ou s’investir
dans un projet caritatif. En Ouganda, on
trouve tous les animaux, sauf le rhinocéros.
Le pays abrite notamment 1200 espèces
d’oiseaux, tandis que le Rwanda en compte
700. Le safari consiste à marcher dans la
forêt ou la jungle à la recherche des gorilles.
On ne peut les approcher à moins de sept
mètres. Généralement, on les trouve en
groupes composés de nombreux individus.
L’observation dure environ une heure.
Le Mount Gahinga
Lodge de Volcanoe
Safaris. Il est situé au
sein du Mgahinga Gorilla
National Park, au pied des
montagnes volcaniques
des Virunga, à la frontière
de l’Ouganda, du Rwanda
et de la République
démocratique du Congo.
UNE SOIF DE RÉUSSIR
La fierté de Praveen Moman, c’est de
voir le chemin parcouru par ses employés
en termes d’apprentissage et de qualité des
« Aider est une démarche très délicate,
car il s’agit d’apporter un soutien sans
être paternaliste, sans trop protéger. »
© VOLCANOES SAFARI
intelligente : sans mettre les gorilles en danger,
et en venant en aide aux communautés
locales. «Les riches s’intéressent aux singes,
les pauvres s’intéressent au pain quotidien»,
explique-t-il. Aussi cherche-t-il le moyen
d’instaurer une connexion entre les touristes
et les populations, et pas simplement à bâtir
des lodges pour les nantis. Les indigènes
considèrent les animaux sauvages comme de
la nourriture potentielle. Mais en travaillant
de près avec eux, ils finissent par adhérer et
collaborer aux projets. Selon le fondateur de
Volcanoes Safaris, «aider est une démarche
très délicate, car il s’agit d’apporter un soutien
sans être paternaliste, sans trop protéger, sans
orchestrer un spectacle des pauvres pour
les riches. Il faut savoir préserver la dignité
des populations». Pour chaque touriste
reçu, les lodges versent 100 dollars au
Volcanoes Safaris Partnership Trust, une
organisation caritative qui finance de
nombreux projets communautaires.
Les lodges reçoivent un maximum de
huit personnes à la fois. Le séjour dépasse
rarement quatre jours, avec un rituel
démographique et l’accroissement
exponentiel de la consommation. Pour
Praveen Moman, il faudrait réfléchir
ensemble au bon équilibre entre les besoins
du développement économique et la
conservation de l’environnement en Afrique.
prestations, compte tenu des conditions dans
lesquelles ils vivent. Cette soif d’apprendre
et de réussir avec leurs équipes les motive,
son épouse et lui, tous les jours. Sans
compter l’association entre tourisme et
conservation, et ce lien qui se crée entre les
clients très aisés, en majorité américains, et
la population locale, qui est fort touchant.
Praveen Moman réalise au quotidien
à quel point l’environnement naturel en
Afrique est terriblement menacé. Son rêve
est de pouvoir faire passer le message
aux autorités gouvernementales et aux
entreprises, afin qu’elles y prêtent plus
d’attention, car nombre de projets sont basés
sur une vision dangereuse à court terme. La
destruction des forêts pour des constructions
touristiques de masse tue les écosystèmes,
avec des conséquences dramatiques.
Cela est encore aggravé par l’explosion
Les safaris partant à la
découverte des grands
singes sont la principale
activité des touristes qui
fréquentent les lodges de
Praveen Moman.
FAIRE UNE DIFFÉRENCE
Est-il aisé de faire du business en
Afrique? Praveen Moman sourit avant de
répondre. «Ce n’est pas simple. Je suis
revenu en croyant que je pouvais recréer
l’Afrique de mon enfance. J’étais très naïf et
plein d’enthousiasme. La réalité est autre.
Les niveaux de compétences sont très bas
dans ma région. Il a fallu commencer avec
le B. A. BA et progresser pas à pas. Tous
les employés des lodges sont des Africains
noirs. Dans les bureaux, il y a plus de
mixité. Nous motivons le personnel et les
aidons à faire des progrès. Il faut éviter les
clichés. L’objectif est de donner à chacun
la possibilité de faire une différence dans
l’entreprise, dans sa propre famille et dans
sa vie. Gérer une entreprise d’écotourisme
en Afrique est un casse-tête.» Praveen
Moman et son épouse ont vendu leurs biens
pour investir dans ce projet de vie, car il
leur était difficile d’obtenir un prêt. Ils ont
créé trois entités distinctes pour éviter
les complications, une en Ouganda, une
au Rwanda et une troisième au RoyaumeUni. Le Rwanda a le plus gros chiffre
d’affaires avec 65% d’occupation annuelle.
L’Ouganda emploie le plus de monde avec
une équipe d’environ 180 personnes. Le
bureau londonien est tout petit et gère
essentiellement le marketing.
Et si c’était à refaire? Il rit de bon cœur :
«Il est plus facile de construire et de gérer
un grand hôtel en ville qu’un petit lodge en
brousse. Chez nous, tout est petit, fait main,
sur mesure et donc très cher. Ce secteur ne
convient qu’à des entrepreneurs passionnés,
travaillant sur le long terme, et pour qui
l’objectif premier n’est pas de s’enrichir,
mais de servir.» Praveen Moman vient de
rénover entièrement le Mount Gahinga
Lodge. L’aventure continue.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 75
LE DÉFI
ÉNERGÉTIQUE
DE L’AFRIQUE
L’énergie constitue l’un des principaux enjeux pour un véritable décollage
économique durable du continent. Comparée aux autres grandes régions
de la planète, l’Afrique accuse un réel retard. Mais certaines régions plus
que d’autres. Etat des lieux à la lumière du « Choiseul Energy Index », qui
mesure et compare la compétitivité des pays en matière énergétique.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARC JÉZÉGABEL
76 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
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DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 77
FORBES AFRIQUE : Votre étude, le Choiseul
Energy Index, concerne l’ensemble de la
planète. Comment se situe le continent
africain en matière de politique énergétique
par rapport aux autres continents ?
PASCAL LOROT : L’énergie représente
un défi majeur pour l’Afrique. L’essor
économique d’un pays est directement
corrélé à l’accès libre et sans entrave à des
sources d’énergie. L’accès à l’énergie, aux
énergies, il faut le souligner, conditionne
lui-même l’amélioration du niveau de vie
Président de l’institut
Choiseul, docteur en
économie et en sciences
politiques, Pascal Lorot a
été directeur des études
économiques du groupe
Total, membre de la
Commission de régulation
de l’énergie (en France) et
conseiller ministériel. Il est
le conseiller de plusieurs
Etats et grands groupes
internationaux.
En comparaison de son poids démographique,
l’Afrique consomme très peu d’énergie. Elle
compte pour 15 % de la population mondiale et
seulement 3 % de la consommation énergétique.
78 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
des populations; il est aussi la source du
développement. Or, force est de constater que
beaucoup reste encore à faire sur un continent
où la majorité de la population recourt au
bois de chauffe pour faire face à ses besoins.
Aujourd’hui, un Africain sur deux n’a pas
accès à l’électricité. Le chiffre est de un sur
quatre à l’échelle de la planète, c’est dire le
retard de l’Afrique en ce domaine.
En comparaison de son poids
démographique, l’Afrique consomme très
peu d’énergie. Elle compte pour 15% de la
population mondiale et seulement 3% de
la consommation énergétique. Un Africain
consomme en moyenne dix fois mois d’énergie
qu’un Européen… et vingt fois moins qu’un
Américain. Et encore ne s’agit-il là que d’une
moyenne. En effet, si l’on exclut l’Afrique du
Nord et l’Afrique du Sud, la consommation
d’un habitant d’Afrique subsaharienne sera
elle-même inférieure des deux tiers à la
consommation moyenne du continent.
Pour en revenir à notre étude, ses
résultats reflètent le constat que je viens de
faire. L’Afrique reste clairement en retrait
par rapport aux autres grands ensembles
géopolitiques. Elle est le continent offrant le
© P. 76-77 : CRAIG MAYHEW ET ROBERT SIMMON/NASA GSFC - P. 78 : DR - SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
ÉNERGIE DOSSIER
La centrale hydroélectrique de Bujagali
Falls, en Ouganda. Elle a
produit 250 MW en 2012.
En haut : Annonce d’un projet de valorisation
énergétique des déchets dans la capitale nigériane.
On prévoit des productions allant jusqu’à 50 MW
dans les années à venir. Ci-contre : Le réseau
électrique de la capitale nigériane. La majorité des
Nigérians n’ont toujours pas accès à cette énergie.
© THOMAS KOEHLER/PHOTOTHEK/GETTY IMAGES - AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
score le moins élevé, après l’Asie et en dessous
de la moyenne mondiale. Il convient toutefois
de faire une distinction entre l’Afrique du
Nord, dont les résultats approximent la
moyenne mondiale, et l’Afrique subsaharienne
qui reste, elle, encore très en deçà.
Comment se définit la qualité d’un
bouquet énergétique ?
P.L. : Le bouquet énergétique est une notion qui
tend à quantifier et qualifier le bon équilibrage
entre les différentes ressources et inputs
énergétiques auxquels un Etat a recours pour
faire face à ses besoins. Un pays présentant
un mix (ou bouquet) énergétique équilibré
sera caractérisé par une situation où le déficit
en matière énergétique est peu important, où
les gaspillages sont contenus, où la part des
énergies renouvelables est significative ou en
croissance, où enfin la dépendance au pétrole
ressort plutôt faiblement. A cette aune, à
l’échelle de l’Afrique, plusieurs pays bénéficient
d’un «bon» bouquet et sortent du rang. C’est
le cas, par exemple, des deux Congos, de la
Guinée équatoriale, de l’Angola ou encore du
Gabon, et, côté Afrique du Nord, de l’Algérie.
L’accès à l’électricité reste un grave problème
dans la plupart des pays africains. A quelle
échéance et à quelles conditions ce déficit
peut-il être résorbé, au moins en partie ?
P.L. : L’Afrique reste le continent le moins
électrifié. Plus de 500 millions d’Africains
n’ont pas accès à cette source d’énergie. C’est
notamment le cas en Afrique subsaharienne,
où les infrastructures sont généralement assez
vétustes et peu en phase avec les variations de
la demande. Ce qui conduit à des interruptions,
à des pertes en ligne et à des délestages
fréquents, qui pénalisent l’activité économique.
Le système électrique africain se caractérise
par une électrification avant tout urbaine,
celle des grands centres, alors que les zones
rurales sont peu concernées. Il est également
caractérisé par le manque d’interconnexions
au niveau des grandes régions et sous-régions,
Institut
Choiseul
BASÉ À PARIS, L’INSTITUT
CHOISEUL EST UN
CENTRE DE RECHERCHE
INDÉPENDANT,
spécialisé dans
l’analyse des grands
enjeux économiques,
énergétiques
et stratégiques
internationaux.
Au carrefour du
monde politique et
institutionnel, du
monde de l’économie
et de celui des idées, il
publie de nombreuses
études, ainsi que la
revue bimestrielle
de référence
Géoéconomie.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 79
ÉNERGIE DOSSIER
Un continent dans la pénombre
EN MATIÈRE DE PERFORMANCES ÉNERGÉTIQUES, C’EST L’EUROPE QUI MÈNE LE BAL,
DEVANT LES ETATS-UNIS ET LE CONTINENT ASIATIQUE, qui en vingt ans a rattrapé
un important retard. Si la moyenne mondiale se situe juste sous la barre des
42 (sur 100), l’Afrique du Nord (38,9) est pratiquement parvenue à se hisser au
standard mondial. Toutefois, la moyenne du continent (33,7) masque mal des
disparités contrastées, puisque l’Afrique de l’Est – la sous-région la moins bien
notée – et l’Afrique de l’Ouest ont dix points de retard sur le Maghreb. Et avec
des consommations plus faibles et donc potentiellement moins de déperdition.
Pour l’Afrique subsaharienne, réduire ce handicap est un défi majeur.
NON DÉFINI
PAYS
INTERMÉDIAIRES
PAYS LES PLUS
PERFORMANTS
PAYS
DÉFICIENTS
PAYS
PERFORMANTS
PAYS
DÉFAILLANTS
Un atelier de Greenpeace à Durban, en 2011 :
le projet vise à expliquer aux jeunes Sud-Africains
le fonctionnement des énergies renouvelables
et à les promouvoir au sein de la population.
80 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Performance
énergétique
par continent
Note sur 100,
les notes les
plus élevées
correspondant
aux régions
les plus
performantes.
48,5
EUROPE
43,6
41,9
41
33,7
AMÉRIQUE
MONDE
ASIE
AFRIQUE
En matière d’empreinte environnementale,
qu’est-ce qui fait la différence ?
P.L. : L’environnement est évidemment un
sujet clé. Il est au cœur des problématiques
Présentation et méthodologie
LE CHOISEUL ENERGY INDEX EST UN CLASSEMENT UNIQUE, RÉALISÉ PAR
L’INSTITUT CHOISEUL. Il mesure la compétitivité et la performance des
politiques publiques en matière énergétique de 146 Etats. Pour sa
réalisation, il s’appuie sur l’exploitation de données officielles issues des
principales bases statistiques internationales qui, une fois sélectionnées,
font l’objet d’appréciations et de pondérations aboutissant à une
classification globale. L’étude complète 2014 ainsi que les résultats
détaillés du continent africain peuvent être obtenus auprès de l’Institut
Choiseul (www.choiseul.info, simone.ditonno@choiseul.info).
© ROGAN WARD/REUTERS
ce qui empêche toute convergence entre
Etats et systèmes nationaux.
Ce que je dis concerne moins l’Afrique
australe, où l’électrification est plus développée
et touche une proportion bien plus importante
de la population locale. Et encore moins
l’Afrique du Nord qui, elle, a pratiquement
achevé son processus d’électrification.
Dès lors, pour en venir aux conditions
nécessaires pour résorber ce déficit, il est
clair qu’un effort d’investissement doit
être entrepris. Celui-ci doit privilégier, me
semble-t-il, lorsque cela est possible, la
création d’infrastructures hydroélectriques.
L’Afrique dispose de ressources en eau
colossales, partout sur le continent, dont
bien peu sont toutefois exploitées. Le coût de
l’investissement est certes important mais,
ensuite, les capacités sont là pour longtemps.
Les capacités de production dites
centralisées doivent aussi être renforcées,
notamment dans les centres urbains, surtout
lorsque ceux-ci sont éloignés des sources
hydroélectriques. Enfin, il faut permettre aux
zones rurales d’accéder à l’électricité.
Pour cela, il faut privilégier le
développement rapide de sources
électriques alternatives, bien adaptées
aux ruralités d’Afrique subsaharienne,
comme les minicentrales solaires,
la géothermie, voire de petits
groupes électriques. Il faut le
comprendre, il existe un formidable
potentiel de développement des
énergies renouvelables en Afrique,
aujourd’hui largement inexploité. Saiton par exemple que 30% des ressources
éoliennes mondiales se situent en Afrique?
Et que dire du potentiel solaire thermique et
photovoltaïque, lorsque l’on sait que la moitié
du continent bénéficie d’un ensoleillement
supérieur à 2000 kWh/m2?
100
Afrique sub-saharienne
AFRIQUE
DU NORD
Tunisie
Maroc
Algérie
Cap-Vert
Libye
Égypte
Mauritanie
Mali
Niger
Sénégal
Érythrée
Gambie
Guinée-Bissau
Tchad
Burkina
Faso
Sierra
Leone
Liberia
AFRIQUE
DE L’OUEST
Côte
d’Ivoire
Soudan
Djibouti
Nigeria
Éthiopie
RCA
Ghana
Cameroun
Togo
Guinée
Bénin équatoriale
Gabon
Rép. dém.
du Congo
Ouganda
Rép. du
Congo
AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
AFRIQUE
CENTRALE
Somalie
Kenya
Tanzanie
Angola
Rwanda
Burundi
Madagascar
Zambie
internationales et personne, aujourd’hui,
ne peut faire l’impasse sur cette question.
L’Afrique pas plus qu’un autre continent.
Si l’Afrique a encore des efforts à faire
pour se hisser vers les plus hautes marches
du podium en matière de compétitivité
énergétique, il faut reconnaître qu’en
ce qui concerne la compatibilité des
politiques suivies avec la préservation de
l’environnement, elle recueille des résultats
honorables. Notre étude révèle que six pays
africains (le Botswana, le Congo-Brazzaville,
le Kenya, le Maroc, l’Angola et le Cameroun)
se situent parmi les 25 pays les mieux
positionnés en ce domaine. C’est bien mais,
objectivement, l’Afrique peut mieux faire.
Surtout lorsque l’on connaît, ainsi qu’évoqué
précédemment, le formidable potentiel
de ce continent en matière d’énergies
renouvelables, hydrauliques bien sûr,
mais pas uniquement.
Si l’on resserre la focale sur les grandes
régions du continent, l’Afrique de l’Ouest
et celle de l’Est semblent à la traîne en
matière de compétitivité énergétique,
notamment par rapport aux autres
Malawi
Zimbabwe
Namibie
AFRIQUE
DE L’EST
Mozambique
Botswana
Afrique du Sud
Swaziland
Lesotho
Île Maurice
AFRIQUE
AUSTRALE
ET MADAGASCAR
sous-régions de l’Afrique subsaharienne.
Comment cela s’explique-t-il ?
P.L. : C’est la surprise de l’étude. Il est de bon
ton de dire que l’Afrique de l’Est et l’Afrique
australe, toutes deux anglophones, sont plus
performantes dans le domaine économique
que ne l’est l’Afrique francophone. Mais
en matière énergétique, cette assertion
est en partie infirmée. Le score de l’Afrique
centrale (Angola, Cameroun, CongoBrazzaville, Congo-Kinshasa, Gabon,
Personne, aujourd’hui, ne peut faire
l’impasse sur la question de l’environnement.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 81
ÉNERGIE DOSSIER
Le parc éolien de Ngong Hills,
au Kenya. Sa puissance nominale
totale est estimée à 14 MW.
La plate-forme pétrolière à Limbe, au
Cameroun. Le continent représente 10
à 12% de la production mondiale.
Guinée équatoriale) devance légèrement celui de l’Afrique australe et
plus encore celui de l’Afrique orientale. Il faut y voir la conséquence
d’un bon mix énergétique et d’une stratégie qui prennent davantage
en compte les problématiques environnementales. Cela découle
aussi – et cela relativise en partie notre assertion – d’une plus faible
industrialisation et de besoins, de fait, moins importants.
Compte tenu des découvertes récentes de nouvelles réserves
en pétrole et en gaz, la hiérarchie continentale va-t-elle
beaucoup bouger dans les années qui viennent ?
P.L. : Oui, sans doute. Bien sûr, et hors événements tragiques (comme
la guerre en Libye par exemple), la plupart des grands acteurs le
resteront encore longtemps. L’Algérie, la Libye, le Nigeria, l’Angola
et divers autres pays du golfe de Guinée sont appelés à demeurer
des producteurs d’hydrocarbures de premier rang.
Il est vrai cependant que
l’on enregistre de nouvelles
L’Afrique peut basculer
découvertes qui pourraient
directement vers
nous forcer à revisiter la carte
des pouvoirs. Les réserves
un système où les
en gaz du Mozambique sont
énergies renouvelables
présentées aujourd’hui comme
seraient au cœur de sa
aussi importantes que celles
politique énergétique.
du Nigeria, si ce n’est plus.
Des découvertes de pétrole,
82 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
parfois significatives, ont été faites en
Ouganda ou dans la région des Grands
Lacs. La Mauritanie compte bien elle aussi
avoir confirmation de son potentiel en
hydrocarbures… Des réserves sont là, bien
présentes. Maintenant, il va falloir investir
massivement pour les mettre en production,
et cela prendra nécessairement du temps.
Un peu à l’image de ce qui s’est passé avec
la téléphonie mobile, le retard en matière
énergétique ne peut-il devenir une chance
pour engager cette transition énergétique ?
P.L. : L’Afrique a clairement la chance de
son retard. Elle est en mesure de basculer
directement vers un système où les énergies
renouvelables pourraient être au cœur de
sa politique énergétique. C’est bien sûr
davantage le cas pour l’Afrique subsaharienne
que pour les pays du Maghreb, tant les
disponibilités en eau (grands fleuves),
l’ensoleillement (énergie solaire), les couloirs
de vent (énergie éolienne), les ressources
géothermiques, mais aussi les déchets
végétaux (agrocarburants et biomasse)
sont abondants. Reste aujourd’hui à mettre
en œuvre une politique d’investissements
qui traduise cette opportunité et ce dessein.
Le plus dur commence…
© THOMAS MUKOYA/REUTERS - BRENDAN VAN SON
L’Afrique du Nord fait encore mieux. Pourquoi ?
P.L. : L’Afrique du Nord bénéficie d’une vraie tradition en matière
d’infrastructures. Cela est le cas notamment dans le domaine
énergétique. Il y a des sociétés nationales puissantes, des institutions
très professionnelles, dont l’origine remonte aux premières grandes
découvertes pétrolières. Même s’il souffre encore de carences,
le réseau électrique est plutôt bien développé et satisfait une
grande partie des besoins de cette région. Les ressources locales,
abondantes, couvrent aussi l’essentiel de la demande.
FORBES AFRIQUE
RESSOURCES HUMAINES
CARRIÈRE
Management : tenir compte
des spécificités africaines
Mondialisation oblige, une question taraude les entreprises : le
management est-il une science universelle ? Autrement dit, y a-t-il non
pas un, mais des styles de management, adaptés aux cultures locales ?
PAR MYRIAM DUBERTRAND
LA GESTION D’ÉQUIPE
Les jeunes diplômés en management
devront donc passer du registre du savoir
à celui du savoir-être. Si au niveau des
formations techniques, il n’y a aucun
problème de transposition, la situation
devient différente dès qu’il s’agit de gestion
d’équipe. Les exemples ne manquent pas.
Ainsi, si l’individu seul est mis en avant
aux Etats-Unis et dans de nombreux
84 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
autres pays anglo-saxons, en matière de
politique de motivation et d’évaluation
des performances, il vaut mieux penser
et agir au niveau du groupe en Afrique.
Conséquence : «La mise en place d’un
système de primes individuelles serait une
grosse erreur qui ne ferait que semer la
zizanie, avertit Evalde Mutabazi. Avec, à
la clé, la création de résistances très fortes,
voire un risque de conflit ouvert. Parfois, la
révolte peut être silencieuse et les salariés
peuvent, par exemple, lever le pied. Les
coûts cachés de la démotivation peuvent
alors être énormes.» La solution? Mettre
en place une part de récompense collective.
Dans ces conditions, il sera possible
de concilier l’exigence de productivité
Total bouscule la culture
LE GROUPE PÉTROLIER COMPTE 97000 SALARIÉS DANS PLUS DE 130 PAYS,
DONT PRÈS DE 10000 EN AFRIQUE. Sa philosophie? Que l’ensemble des
collaborateurs du groupe ait accès à des avantages de même nature – que
ce soit en matière de rémunération, de protection sociale ou d’épargne
salariale –, mais adaptés aux situations locales. Quitte à bousculer certains
aspects culturels. «Alors que nos collaborateurs africains n’étaient pas
demandeurs et qu’ils souhaitaient une augmentation immédiate en
espèces sonnantes et trébuchantes, nous avons réussi à mettre en place un
système de retraite complémentaire, financé aux deux tiers par l’entreprise,
afin de compléter les faibles retraites publiques, explique Tony Brisset,
directeur de la gestion des carrières de la branche marketing et services,
ancien DRH de Total Afrique Moyen-Orient. Il nous a fallu convaincre. Cela
n’a pas toujours été évident, mais aujourd’hui, le taux d’adhésion à ce
système basé sur le volontariat est proche de 100%.» Créé en 2008, il est
en vigueur dans 33 pays africains sur les 40 où Total est implanté.
© AFRICAIMAGES
A
la question : «L’enseignement
du management dispensé
sur les bancs d’universités
américaines ou européennes
s’applique-t-il tel quel
en Afrique ou ailleurs?», la réponse
d’Evalde Mutabazi, docteur en sociologie
des entreprises et professeur consultant
à l’EM Lyon Business School, qui a la
double nationalité française et rwandaise,
est claire et nette. «Non. Si les managers
ne tiennent pas compte des spécificités
locales, ils vont au-devant de sévères
difficultés.» Ce que confirme Emmanuel
Kamdem, sociologue de l’organisation et
directeur de l’Ecole supérieure des sciences
économiques et commerciales (Essec) de
l’université de Douala : «Dans le cadre de
la mondialisation, la question se pose, en
effet, de façon urgente. Il faut raisonner à
la fois en termes d’universalité managériale
(hiérarchie, délégation, prévision…) et de
contingences, c’est-à-dire ne pas transférer
intégralement les outils.»
et la culture africaine, où la solidarité
de groupe est très forte.
COMPRENDRE LES RISQUES
Autre exemple de spécificités
managériales : «L’Afrique est un continent
à grande distance hiérarchique», note
Emile-Michel Hernandez, professeur à
la faculté de sciences économiques et de
gestion de Reims, qui a enseigné les sciences
de gestion en Côte d’Ivoire et au Togo. Un
leadership très autoritaire n’est pas rare et
peut très bien passer auprès des troupes.
«Le manager est considéré comme une
sorte de père à qui l’on doit une très forte
loyauté», explique Evalde Mutabazi. Dans
ce contexte, le paternalisme a largement
droit de cité. Pour Emmanuel Kamdem, ce
style de management a des effets positifs :
«Cela signifie que l’entreprise est gérée en
bon père de famille et que le lien personnel
et affectif entre le manager et les salariés
n’est pas détruit par la relation productive.
Le patron est soucieux du bien-être de ses
salariés.» Le danger, selon le directeur de
l’Essec de Douala? Aller trop loin et tomber
dans l’infantilisation.
Autre risque : que le leadership vire à
l’omnipotence. Un jeune cadre sénégalais
ne décolère pas en racontant une récente
expérience : «J’ai eu une demande de devis
d’un important client étranger à laquelle je
me devais de répondre en vingt-quatre ou
quarante-huit heures maximum. Cela m’a
En Afrique,
l’enseignement du
management et sa
pratique doivent tenir
compte de multiples
spécificités culturelles,
telles que l’importance
du groupe par rapport
à l’individu. Mais si
certaines valeurs
demeurent solidement
ancrées, d’autres sont en
pleine évolution.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 85
RESSOURCES HUMAINES CARRIÈRE
basé essentiellement sur
l’écrit, à travers des fiches
/(6&+26(6‹92/8(17b/(6
d’objectifs par exemple, a
SPÉCIFICITÉS DU MANAGEMENT
toutes les chances d’échouer.
EN AFRIQUE NE SONT PAS
La communication directe
est indispensable. «Si un
GRAVÉES DANS LE MARBRE.
responsable reste dans son
bureau, il ne peut pas être un
pris très exactement un mois et neuf jours…
bon manager, ajoute-t-il. La pause-café est
Pourquoi? Parce que le directeur, qui est à
aussi importante qu’une réunion formelle.»
la fois propriétaire, directeur des ressources
humaines et directeur administratif et
LA QUESTION DU RECRUTEMENT
financier, a, pendant ses vacances, mis à
Parmi les problèmes de management,
l’arrêt tout le bureau commercial. Alors
celui du recrutement est essentiel. «La
même qu’un responsable export et grands
pression pour embaucher un membre
comptes, une directrice commerciale et
de sa famille, de son village ou de son
un directeur financier étaient là pour faire
groupe ethnique est encore forte, note
fonctionner le service! Face à l’urgence
Emile-Michel Hernandez. Et il n’est pas
de la situation, j’ai demandé une réunion
évident d’y mettre un frein.» Une pression
aux cadres du bureau commercial pour
communautaire que confirme Emmanuel
ce dossier important. Mais personne n’a
Kamdem. «Le manager a tendance à se
voulu se mouiller. En somme, l’entreprise
voir comme un redistributeur social des
se résume à une seule et unique personne.
ressources, mais il faut qu’il ait le courage
Je pense, comme pas mal d’amis de mon
de résister à cette pression.»
âge, avoir affaire à un style de management
Alors, quel management pour demain?
complètement dépassé.»
Ces spécificités ne sont pas gravées dans
le marbre. Ainsi, Emile-Michel Hernandez
PRENDRE LE TEMPS D’ÉCHANGER
pressent une tendance à l’individualisation
Un point d’achoppement fondamental,
des comportements liée à l’urbanisation
selon Evalde Mutabazi, concerne la gestion
galopante, même s’il ne s’agit pas d’un
du temps. «C’est une question de priorité. Le
individualisme de même nature qu’en
temps ne s’investit pas que dans le travail,
Occident. D’autre part, l’arrivée dans
contrairement aux Américains, pour qui
les entreprises de nouvelles générations
“Time is money”». Mais, si une équipe fait
– décrites comme plus réfractaires à
sienne un projet, elle ne comptera pas son
l’autorité – pourrait mettre à mal une
temps et l’investissement sera très fort.
certaine forme de management. De quoi
«Le temps n’est pas considéré comme une
rebattre les cartes? Certes, mais sans pour
ressource limitée. Il est important de se
autant changer le fond des valeurs et des
laisser le temps nécessaire pour négocier»,
règles de conduite sociale.
explique Emmanuel Kamdem. Bref, échanger
n’est jamais considéré comme une perte
En Afrique, un management trop formaliste,
de temps. «Il est fondamental de prendre
et notamment basé essentiellement sur
le temps de se parler et de rencontrer
l’écrit, à travers des fiches d’objectifs par
les personnes d’abord», résume Evalde
Mutabazi. Les e-mails ne viennent qu’après
exemple, a toutes les chances d’échouer. La
cette phase. «La tradition orale est très
communication directe est indispensable.
forte», confirme Tony Brisset, directeur de la
gestion des carrières de la branche marketing Si un responsable reste dans son bureau, il
ne peut pas être un bon manager.
et services du groupe Total. Aussi, un
management trop formaliste, et notamment
86 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
FORBES AFRIQUE
LA CHRONIQUE DE
NADIA MENSAH-ACOGNY
LA MÉLODIE
DU BONHEUR
© DR
L
e bonheur. On
court tous après.
Mais qu’est-ce
que le bonheur?
Comment peut-on le
mesurer? Est-ce à l’aune de nos
biens? A celle de notre propre
santé ou du bien-être de nos
proches? Est-il proportionnel à
notre succès professionnel?
Vaste question, car la notion
de bonheur est subjective. Elle
couvre tout aussi bien les petites
joies que les grandes émotions.
Le marketing capitaliste nous
bombarde d’images de gens souriant à pleines
dents dans un cadre opulent, ce qui sousentendrait que le bonheur est dans l’abondance
matérielle. Et tandis que la morale chrétienne
oppose richesse et bonheur, le Bhoutan est le
seul pays à ce jour à s’être doté d’un ministère du
Bonheur. Pour autant, ce bonheur est-il palpable
et mesurable? Peut-on déterminer un taux de
bonheur de la même manière qu’on parle de taux
de natalité ou de mortalité? Il est des individus
à forte propension au bonheur, qui affichent leur
joie de vivre envers et contre tout. Et d’autres
dont le mal de vivre ternit tout, même la fortune.
Devant cette quadrature du cercle, j’ai choisi de
partager avec vous ma vision du bonheur.
Le bonheur est un rêve d’absolu. Jamais
atteint, toujours en devenir. A chaque fois que
nous nous en rapprochons, nous éprouvons une
émotion plus ou moins intense. Ces parcelles
de bonheur nous irradient d’un sentiment de
plénitude. Elles jonchent le chemin de la vie.
Mais certains passent à côté. Et pour cause,
elles sont minuscules, il faut ouvrir les yeux.
Quid du bonheur au travail? C’est le grand
sujet de notre époque : comment rendre ses
employés heureux? Comment
de ce fait maximiser leur
rentabilité? Les entreprises
commencent enfin à voir la forte
corrélation entre le bonheur
de leurs employés et leurs
performances. Plus les gens sont
malheureux, insatisfaits, frustrés,
inoccupés, minimisés, ignorés,
mal équipés, mal installés,
confrontés à une atmosphère
conflictuelle… plus ils souffrent
de déprime, de dépression, de
maladies psychosomatiques
dont la manifestation peut être
physique : maux de ventre, ulcères, éruptions
cutanées, maux de tête, affections malignes…
De ces symptômes de mal-être résultent
autant d’arrêts maladie, d’absences et de baisse
de productivité. Qui se traduisent en pertes
financières réelles et conséquentes.
Or, il existe des moyens de pallier ce fléau en
veillant au bonheur de vos troupes. Choisissez
de créer un programme d’incentive pour les
employés les plus performants. Offrez-leur par
exemple un voyage de rêve avec leur conjoint.
C’est inoubliable, cela renforce la loyauté et
la productivité du bénéficiaire et lui assure le
soutien de son partenaire lorsqu’il se donne
entièrement à son travail. Ou encore, améliorez
l’espace de travail, faites attention à l’ergonomie
des bureaux, mettez de la lumière, de la couleur.
Proposez un abonnement à la salle de gym ou
chez le coiffeur, créez un coin détente… La
liste est longue : communiquez avec des mots
positifs, impliquez vos employés, soyez créatif.
Faites quelque chose. Cela vous coûtera un peu
d’argent, mais vous ne le regretterez pas.
Le bonheur soit avec vous et avec vos
équipes, maintenant et toujours.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 87
LA VIE FORBES
CULTURE
Manu Dibango
Le père de la renaissance
musicale africaine
A 80 ans, Manu Dibango n’est pas seulement le
plus grand saxophoniste africain de sa génération.
Il est aussi et surtout l’homme par qui la musique
du continent est sortie du folklore.
C
’est un peu comme Noël / Noël
et ses trésors / qui s’arrêteraient
chez nous aux équinoxes d’or».
Ainsi chantait Jacques Brel dans
Les Bergers. C’est ce que Manu
Dibango a dû ressentir quand il a découvert
cette année le résultat d’une enquête du
magazine américain Watch and Listen : Soul
Makossa y était sacrée plus belle chanson
de tous les temps avec 45% des voix, devant
Imagine de John Lennon (25%) et Like a rolling
stone de Bob Dylan (17%). Pourtant, rien,
absolument rien, ne présageait au musicien
camerounais un parcours aussi exceptionnel.
Sans en
déterminer
les contours
exacts, Manu
Dibango
rêve d’une
renaissance
africaine dans
laquelle il
jouerait un rôle
essentiel avec
la musique.
UNE BALADE CONQUÉRANTE
1949. L’hivernage bat son plein à Douala,
avec des averses comme on n’en trouve que
dans cette ville de l’estuaire du Wouri. Là-bas,
c’est tout sauf l’été indien, et en août et en
septembre, il pleut sans arrêt. Mais ce jour-là,
le ciel est radieux. Un enfant de 15 ans, vêtu
d’un beau costume blanc, la raie impeccable,
embarque vers la France pour accomplir
les rêves de son père : poursuivre ses études
et rentrer auréolé du titre de médecin ou
d’ingénieur. Il choisira la musique et le père,
furieux, lui coupera les vivres. Mais l’enfant
se nomme N’Djoké, «l’éléphant», et un
éléphant, ça trompe énormément. Alors, armé
de sa trompe-saxophone, il entreprend une
balade conquérante qui en fera le plus grand
musicien africain, le premier à introduire la
musique business sur le continent.
88 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Il commence en écumant le Saint-Germaindes-Prés jazzy de l’après-guerre, puis Bruxelles,
où il rencontre Joseph Kabasele. Le musicien
congolais est un homme d’affaires hors pair.
Il engage Manu, le met dans ses bagages pour
une tournée de quelques semaines dans son
pays. Elle durera deux ans. Manu découvre une
Afrique insoupçonnée, où le musicien n’est pas
un baladin famélique, mais un être adulé, loin
de l’idée que s’en faisait son père. Il invite celuici au Congo et le laisse ébloui. Son fils vit dans
le quartier chic, dirige un orchestre avec des
«ouvriers» à son compte. Il doit s’installer au
Cameroun, pour l’honneur du clan.
Manu était bien au Congo. En France,
l’adolescent avait rencontré une jeunesse
africaine de toutes les origines, Ivoiriens,
Sénégalais, Guinéens... Il s’était forgé un
univers panafricain et l’image d’une Afrique
sans frontières. Sans en déterminer les
contours exacts, il rêve d’une renaissance
africaine dans laquelle il jouerait un rôle
essentiel avec la musique. Léopoldville,
comme on appelait alors la capitale du Congo,
est l’Eden de la musique en ce début des
années 1960. C’est là qu’est sa place. Mais les
désirs d’un père sont sacrés. Alors, un jour de
1963, il met le cap sur le Cameroun.
Il rentre au bercail pour écrire son «cahier
d’un retour au pays natal», comme l’avait fait
© LAMINE DIAKITÉ - WAGRAM
PAR GASTON KELMAN
Aimé Césaire, cet autre père de la renaissance
nègre. La suite de la «balade en saxo dans
les coulisses de [sa] vie» – titre du livre de
réflexions qu’il vient de publier – est un
séjour mitigé d’un an au pays, puis le retour
en France. Là, il vit une belle aventure à la
télévision avec Impulsions, une émission
hebdomadaire diffusée à une heure de grande
écoute. Il est le premier Africain à occuper la
celle du Mondial ou des Jeux olympiques. Au
verso du 45-tour support de l’hymne, il commet
un morceau qui fait rire son père et les enfants,
qui l’entendent répéter dans la maison familiale.
«Mama ko, mama sa… Tu bégaies déjà, mon
Son dernier album, chez
fils?» s’écrie le père. Les commanditaires sont
Wagram, est sorti en
satisfaits de l’hymne, mais écoutent, perplexes,
novembre dernier, de
Soul Makossa. Le titre qui lui ouvrira les portes même que ses mémoires,
Balade en saxo dans
du monde et celles de la renommée.
les coulisses de ma vie
A partir de là, Manu occupe
(Editions de l’archipel).
une place unique dans le sacre
de la musique africaine. Grâce à lui, les Américains la
MANU OCCUPE AUJOURD’HUI
découvrent. On l’invite aux Etats-Unis pour un mois de
UNE PLACE UNIQUE DANS
concerts, ils dureront deux ans. Il a formé des musiciens
LE SACRE MONDIAL DE LA
dans de multiples pays, et notamment en Côte d’Ivoire, où
MUSIQUE AFRICAINE.
il séjourne quatre ans comme directeur de l’orchestre de
la Radio Télévision ivoirienne (RTI). Partout où il passe,
la musique sort du folklore. Au Cameroun, les cabarets,
place de chef d’orchestre. S’en suivront des
dont il a introduit le concept, fleurissent et de jeunes artistes
expériences encore et toujours uniques,
investissent ce créneau. Son succès américain lui ouvre les portes
avec Nino Ferrer, Dick Rivers… Et puis,
de l’Olympia, à Paris, où il sera le premier Africain à se produire.
un beau jour, c’est l’explosion universelle.
En France, à l’avènement des radios libres, la musique africaine
n’avait pas droit de cité. Manu Dibango anime sur Tropic FM
LES PORTES DU MONDE
la première émission française dédiée à la musique du continent.
1972. Malgré les succès sur la scène
Aujourd’hui, on peut comparer son destin à celui de Prométhée,
française, Manu n’a pas oublié sa terre. Le
qui offrit le feu aux hommes, et à propos duquel un chroniqueur antique
Cameroun accueille la Coupe d’Afrique des
a écrit : «Bene meruisse de genere humano.» De même, Manu mérite
nations. On lui confie la composition de
la reconnaissance du genre humain, et de l’Afrique en particulier, qui
l’hymne. L’aura de ce tournoi de football dans
se doit de rendre un vibrant hommage à l’occasion de son quatreune Afrique en quête de fierté n’a d’égale que
vingtième anniversaire au père incontesté de sa renaissance musicale.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 89
FORBES AFRIQUE
TECHNOLOGY
LA VIE FORBES
RUNNING HED
CONSO
Hedis Always30
BOVET
BLANCPAIN
COLLECTION AMADEO
COLLECTION
Ped
que dolorer ereniate quiae estrum venducipsam sitio. Ad ut veliste
Fleurier 0 (209800 $)
Ce tourbillon paré d’une délicate
VILLERET
paribus andandi tatemqu iasitat quatem et et aut platur.
gravure se transforme en un tour de
main en montre de poche, montre de
table ou montre-bracelet réversible,
et révèle un second visage grâce à
son aiguillage inversé.
Montre de poche demi-
savonnette
(64500 $)
BY
FIRST LAST
Tout le plaisir est dans
les détails : le boîtier en
or rouge 18 carats, le
cadran en émail «grand
feu» et les trois motifs
de gravure au choix.
GIRARD-PERREGAUX
C’est dans
la poche !
Une belle idée de cadeau
pour les fêtes de fin
d’année que ces montres
de poche d’inspiration
vintage qui remettent au
goût du jour technique et
esthétique séculaires.
Tourbillon sous trois ponts
d’or (575000 $)
Le cadran de ce modèle
inspiré du tourbillon original
de 1889 rend hommage
au classicisme. Le dos du
boîtier, tout en transparence,
dévoile le mécanisme et
les trois ponts, dignes de
l’imagination de Jules Verne.
BREGUET
VACHERON CONSTANTIN
COLLECTION EXCELLENCE PLATINE
CREDIT RIGHT
Patrimony Contemporaine (69900 $)
Retour à l’âge d’or des montres de gousset avec
ce garde-temps en édition limitée, qui fait la part
belle à un métal noble, le platine.
90 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Equi tem quatempe
aut eum non ea
aut veliquuntia nos
mintur remporecae
nonsernatur aditisin
© DAVID ARKY
Montre de poche à quantième perpétuel
(112900 $)
L’optimisme de ce quantième perpétuel
séculaire aurait pu séduire la reine MarieAntoinette, illustre cliente de Breguet.
Winston Churchill, autre adepte de la
maison, aurait été conquis par la phase
de lune, qui était à l’origine un support de
planification des campagnes militaires.
FORBES AFRIQUE
LA VIE FORBES
BOISSONS
Les ambitions africaines
du champagne
Avec une consommation en pleine expansion,
le continent se positionne comme la destination
montante des exportations de champagne.
A
© MICHEL FAINSILBER/DOM PÉRIGNON
vec près de
900000 bouteilles
en 2012, le pays
du continent qui
consomme le plus
de champagne est le Nigeria. En
Afrique francophone, les plus gros
consommateurs sont le Maroc, le
Gabon, le Congo-Brazzaville, le
Cameroun et la Côte d’Ivoire.
Avec ce nouveau marché en
ébullition, les grands groupes
commencent à s’implanter sur le
continent, comme Pernod Ricard, no 2
des vins et spiritueux dans le monde,
qui a ouvert de nouvelles filiales en
Angola, au Nigeria et au Kenya, ou
la maison Canard-Duchêne, qui
confirme sa croissance à deux
chiffres grâce à l’ouverture
récente de deux nouveaux
marchés majeurs, le Gabon
et la Côte d’Ivoire, avec
l’intégration de réseaux de
distribution bien structurés.
UNE FORTE VALEUR AJOUTÉE
Victimes de la crise, les marques
convoitent de nouvelles terres de
ventes. Ainsi, Mumm (groupe Pernod
Ricard) vise «les marchés à haute
valeur ajoutée, comme les marchés
américain ou africain : le Maroc,
l’Angola, le Nigeria ou l’Afrique du
Sud», a commenté Philippe Guettat,
le nouveau PDG de la marque, dans
le journal champenois L’Union.
Le no 1 en France et dans le top 5
mondial, Nicolas Feuillatte, a quant
à lui triplé ses ventes africaines
PAR SOPHIE LEISER
en dix ans. Omniprésente sur le
continent, la marque propose
aujourd’hui des cuvées d’exception
réservées auparavant aux marchés
plus matures, comme l’Europe
ou les Etats-Unis. Sa dernière
création, la cuvée Bohème chic,
lancée mondialement pour les fêtes
de fin d’année, devrait séduire les
consommateurs africains.
DE NOUVELLES HABITUDES
Avec l’émergence d’une classe
moyenne en Afrique, de nouvelles
habitudes naissent : «Consommer
du champagne est devenu assez
courant», précise Alexandre
Ricard, directeur général adjoint
du groupe Pernod Ricard.
L’élite nigériane serait la plus
friande de fines bulles. A Lagos,
les millionnaires du pétrole et du
cinéma, ainsi que les proches
du pouvoir contribuent au
succès local du champagne.
Ainsi, la boisson d’exception
est surtout consommée lors
de sorties festives dans les
restaurants, les boîtes de nuit
ou les hôtels des capitales
africaines, comme à Lagos,
à Abidjan ou Libreville.
DOM PÉRIGNON
MILLÉSIME ROSÉ 2003
ÉDITION LIMITÉE
Reconnu comme le meilleur champagne du
monde, Dom Pérignon propose ce nouveau
millésime, habillé de la Balloon Venus de l’artiste
Jeff Koons, qui symbolise l’énergie de la
créativité. «C’est le millésime des superlatifs»,
commente le chef de cave Dom Pérignon : une
année inédite avec des gelées printanières et
une canicule. Le bouquet est marqué par le
fruit mûr. Limité à 650 exemplaires, le Balloon
Venus Dom Pérignon by Jeff Koons est
disponible sur commande (15000 € HT).
Le coffret Dom Pérignon par Jeff Koons (sans
la Vénus) est en vente jusqu’à la fin de l’année.
Prix conseillé : 290 € le millésime rosé 2003 et
150 € le coffret millésime blanc 2004.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 91
LA VIE FORBES
BOISSONS
fines bulles
1
2
3
LAURENT-PERRIER
Cuvée Alexandra
2004
GOSSET
Celebris Vintage
2002
KRUG
Grande Cuvée
92 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
Les nouvelles créations des grandes maisons de
Champagne pour les fêtes de fin d’année
La cuvée phare de la maison Laurent-Perrier. Alexandra
rosé 2004 est le septième millésime depuis 1987. Ce
vin d’exception exprime toute la passion, l’exigence
et l’excellence de la maison Laurent-Perrier. Au nez,
des arômes d’agrumes confits s’exhalent, profonds
et gourmands, pour s’épanouir ensuite dans une
succession de saveurs d’épices suaves, de nuances
métalliques, de fruits acidulés, de roses séchées.
Prix de vente conseillé : 340 euros TTC.
2VINGOSSET
CELEBRIS VINTAGE 2002
D’EXCELLENCE
La plus ancienne maison des vins de Champagne est
reconnue pour son style respectueux d’un artisanat de
tradition et ses crus d’excellence. Celebris Vintage 2002
extra brut est le cinquième millésime d’exception de la
maison Gosset. Il dégage un bouquet printanier d’ananas
et de pomme Granny Smith, aux légères notes torréfiées
avec 52% de chardonnay et 48% de pinot noir. A découvrir
dans un écrin haute couture, accompagné d’un duo de
flûtes en cristal gravées du monogramme Celebris.
Prix de vente conseillé : 160 euros TTC.
SOURCE : COMITÉ INTERPROFESSIONNEL FRANÇAIS DU CHAMPAGNE (CIVC)
LAURENT-PERRIER
1MILLÉSIME
CUVÉE ALEXANDRA 2004
ICONIQUE
La part de l’Afrique
Evolution des exportations de champagne vers le continent.
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Export total
(en bouteilles)
103 582 951
98 172 497
112 706 991
119 273 475
123 056 480
129 304 879
140 660 196
150 845 967
141 249 644
112 560 485
134 364 880
141 328 649
137 380 641
Export
vers l’Afrique
2 148 929
2 117 632
2 265 658
2 412 461
2 427 489
2 868 679
3 286 125
3 493 776
4 200 418
3 488 346
3 754 977
3 985 090
4 215 580
% du total
export
2,07%
2,16%
2,01%
2,02%
1,97%
2,22%
2,34%
2,32%
2,97%
3,10%
2,79%
2,82%
3,07%
Progression
– 12,7%
– 1,5%
7,0%
6,5%
0,6%
18,2%
14,6%
6,3%
20,2%
– 17,0%
7,6%
6,1%
5,8%
3LEKRUG
GRANDE CUVÉE
MIEUX COTÉ
La célèbre maison de Champagne recrée tous les
ans une cuvée de prestige, indépendamment des
hasards du climat, en constituant une bibliothèque de
vins de réserve. Krug Grande Cuvée naît de plus de
120 vins issus de dix millésimes différents. Ses arômes :
floraisons, pain d’épice et agrumes, accompagnés de
notes de noisette, de nougat, de sucre d’orge, de brioche
et de miel. Grande Cuvée fait de Krug la maison de
Champagne la mieux notée au monde.
Prix de vente conseillé : 140 euros TTC.
© LAURENT-PERRIER - GOSSET - KRUG - TAITTINGER - CANARD-DUCHÊNE
TAITTINGER
4
PRESTIGE ROSÉ
ASSEMBLAGE FRUITÉ
La maison familiale Taittinger se distingue par ses secrets
d’élaboration et son assemblage à forte proportion de
chardonnay. 15% de vin rouge, issu des meilleurs pinots
noirs de la Montagne de Reims et des Riceys, et 30% de
chardonnay donnent à cette cuvée son incomparable
couleur et sa vibrante intensité en bouche. Avec ses
arômes de fruits rouges, Taittinger Prestige rosé se
déguste à l’apéritif ou avec un dessert aux fruits.
Prix de vente conseillé : 49 euros TTC.
CANARD-DUCHÊNE
5VALEUR
CHARLES VII
SÛRE À PETIT COÛT
Pour les fêtes, Canard-Duchêne propose un champagne
royal : les coffrets Charles VII Blanc de blancs et Blanc
de noirs. La maison a voulu rendre hommage au roi de
France, sacré dans la cathédrale de Reims, au cœur des
terres champenoises. La cuvée Blanc de blancs est issue
exclusivement de chardonnay provenant de différents crus
assemblé à 20% de vins de réserve. La cuvée Blanc de
noirs repose sur un subtil assemblage de 70% de pinot noir
et de 30% de pinot meunier. Les deux cuvées sont parées
d’un élégant fourreau pour célébrer les fêtes de fin d’année.
Prix de vente conseillé : 36 et 40 euros TTC.
4
5
TAITTINGER
Prestige rosé
CANARD-DUCHÊNE
Charles VII
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 93
LA VIE FORBES
TOURISME
Le Bulgari Hotel
Un paquebot
au cœur de Londres
Depuis juin 2012, l’hôtel Bulgari fait le bonheur
des amateurs de grand luxe dans la capitale
britannique. Visite guidée.
PAR NATACHA WOLINSKI
94 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
Pratique
Bulgari Hotel
& Residences,
171 Knightsbridge
City of Westminster,
SW7 1DW, Royaume-Uni
Tél. : 00 44 20 7151 1010
www.bulgarihotels.com
PAR AVION :
Service VIP et navette
à l’aéroport d’Heathrow.
TARIFS :
Chambre à partir de
440 £ hors taxes la nuit.
Junior Suite à partir
de 990 £ HT.
Studio Suite à partir
de 1100 £ HT.
Bulgari Suite à partir
de 8500 £ HT.
A l’intérieur,
on se croirait
convié sur
un yacht de
luxe : dallage
en granit noir
poli, acajou
brillant sur les
parois murales
et cloisons en
acier brossé.
© RICHARD BRYANT/ARCAID
O
n n’avait pas vu cela depuis
quarante ans à Londres. Un
palace flambant neuf, construit
sur 15 étages (dont six en
sous-sol), qui surgit dans le
prestigieux quartier de Knightsbridge et
impose tranquillement sa griffe. Pas n’importe
laquelle bien sûr : on parle ici de Bulgari,
la marque italienne de haute joaillerie qui
se diversifie depuis quelque temps dans
l’hôtellerie de luxe. Elle a déjà inauguré
un hôtel à Milan, un autre à Bali et prévoit
pour 2015 un quatrième palace à Shanghai.
A Londres, le Bulgari Hotel & Residences
a ouvert ses portes il y a un an et demi à peine
et le bruit court qu’il est déjà l’un des plus en
vogue de la capitale. De l’extérieur, l’immeuble,
situé à deux pas de Hyde Park, du grand
magasin Harrods et du Royal Albert Hall, n’a
rien de tapageur. La façade est sobrement
revêtue de pierre claire de Portland, celle qui
a également servi à bâtir la cathédrale SaintPaul ou le palais de Buckingham.
A l’intérieur, c’est une autre histoire : on se
croirait convié sur un yacht de luxe. Dallage
en granit noir poli, acajou brillant sur les
parois murales, cloisons en acier brossé ou
tressé, le décor est à la fois ultra-design et
cosy, sans ostentation aucune. Pas de boutique
Bulgari, pas d’œuvres d’art contemporain
aux murs, mais des lignes épurées et des
matériaux nobles, un alliage impeccable
conçu par le cabinet d’architectes Antonio
Citterio, Patricia Viel and Partners, qui a su
jouer en finesse du patrimoine de Bulgari.
Partout dans l’hôtel, des ornements rendent
en effet hommage au passé d’orfèvre de la
marque. Le bar est à lui seul un objet de
collection : impressionnant comptoir ovale
en acier inoxydable martelé sur lequel on
sert d’excellents cocktails italiens, de sorte
qu’à 19 heures, l’Aperol Spritz (prosecco et
Aperol), spécialité du barman, remplace bien
souvent le champagne. Dans l’immense salle
de réception, la coupole de sept mètres de
diamètre est illuminée de deux spectaculaires
lustres en argent massif. Quant aux chambres
et suites, l’atmosphère est encore au yachting,
avec acajou mat en lames de parquet sur le sol
et vernis sur les murs, mais, tradition oblige,
les lampes de chevet rappellent subtilement
les chandeliers Bulgari en argent...
DES ÉQUIPEMENTS EXCEPTIONNELS
Ce cinq-étoiles londonien a donc tout
d’un précieux paquebot. A ceci près qu’on
n’y compte pas l’espace : les chambres sont
vastes (43 m2), et les suites, plus encore (de
55 à 100 m2), avec des détails charmants qui
participent au sentiment d’évasion, comme
ces minibars intégrés dans des malles de
voyage. Les sept suites «Signature» frôlent
quant à elles les 300 m2 et font office de
véritables appartements, avec cheminée,
cuisine, salle à manger, bureau, terrasse et
majordome particulier capable de trouver
dans l’heure un Warhol à accrocher dans une
chambre, une Lamborghini jaune affichant
0 mile au compteur ou d’organiser au pied
levé une cérémonie de mariage… Autant de
requêtes inattendues auxquelles l’hôtel a
fait face cette année sans broncher.
Depuis certaines de ces suites, la vue est
imprenable sur Knightsbridge. Se lasserait-on
du panorama que l’on peut toujours descendre
au deuxième étage, où se trouve une salle de
cinéma 3D avec système son Dolby 8.2. De
quoi faire pâlir d’envie nombre de cinémas
de Londres qui sont moins bien équipés.
D’autant que l’hôtel dispose d’une filmothèque de 200 œuvres qui permet de réviser
ses classiques ou de voir un blockbuster tout
Des suites au spa, en
passant par le bar et la
salle de cinéma, tout dans
cet établissement est
marqué du sceau de la
finesse et de l’élégance.
DEPUIS CERTAINES SUITES, LA
VUE EST IMPRENABLE SUR LE
QUARTIER DE KNIGHTSBRIDGE.
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 95
LA VIE FORBES TOURISME
Trois des atouts de taille du Bulgari Hotel : sa cave
à cigares (ci-dessus), son restaurant italien et sa
superbe piscine de 25 mètres.
juste sorti en salle. Autre exclusivité de ce
palace, le «Cigar Shop» typiquement british,
avec ses confortables fauteuils de cuir : un
salon chaleureux où l’on peut déguster des
raretés tels le Davidoff Dom Perignon ou le
Cohiba Sublimes Ltd Edition 2004. Le maître
des lieux, Eddie Sahakian, est l’un des plus
grands experts en cigares au monde.
Et si, en dépit des frimas londoniens,
l’heure est au bain de minuit, rien n’empêche
de plonger dans la piscine de 25 mètres de
longueur, parée de petits carreaux de verre
émeraude et or. Quant au spa de l’hôtel, qui
occupe deux étages et est ouvert 24 heures
sur 24, c’est l’un des plus spacieux de
Londres et on ne sait pas si on doit opter
pour la double cabine spéciale disposant
d’un vestiaire, d’une douche hydromassante
et d’un espace de massage privé où l’on
peut se relaxer en duo, ou choisir les cours
de musculation personnalisés de James
Duigan, l’entraîneur de célébrités comme
Elle Macpherson ou Hugh Grant. Enfin, si
le devoir, et seul le devoir, appelle le visiteur
dans la City, direction le centre d’affaires, qui
dispose d’une connectique digne d’un film
de James Bond, avec écrans en tous genres
et parfaite insonorisation pour garantir
l’absolue discrétion des échanges.
Et concernant la discrétion, il existe une
entrée voiture à l’arrière de l’hôtel pour ceux
qui craignent les flashs. C’est l’entrée des
people, mais au Bulgari de Londres, tout le
monde se sent un peu people.
Des mini-panettones servis pour l’«afternoon tea» en plus des traditionnels scones, des panettones
géants empaquetés dans du papier d’argent pour offrir à ses amis, un repas de réveillon de Noël
avec de la burrata fraîche aux truffes et un dîner de Nouvel An avec de la langouste et des raviolis
aux fruits de mer : les fêtes de fin d’année au Bulgari se vivent à l’italienne. En cuisine, Robin Pepin,
Anglo-Ecossais fou d’Italie passé par l’Andana, l’auberge d’Alain Ducasse en Toscane. De fait, c’est
ce dernier qui conseille, officieusement du moins, le restaurant. Le 31 décembre au soir, l’horloge de
Big Ben est projetée sur le mur du bar et le compte à rebours est lancé avant que The Amazonica,
«the» DJ du moment, fasse tourner les platines jusqu’au bout de la nuit.
96 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
© RICHARD BRYANT/ARCAID
Noël italien à Londres
LA VIE FORBES
RESTAURANTS : NOTRE SÉLECTION
God save the British cuisine
Trois restaurants londoniens, trois chefs britanniques, trois bonnes raison d’aimer
la cuisine anglaise. Pour finir l’année en beauté et pour tordre le cou aux préjugés,
ces tables sauront vous séduire par leur qualité made in England.
PAR DEBORA ALTMAN
© GORDON RAMSAY - THE LEDBURY - DINNER BY HESTON BLUMENTHAL
Gordon Ramsay
68 Royal Hospital Road, SW3 4HP, Londres
Tél. : +44 (0) 20 7352 4441
Du lundi au vendredi, 12h-14h15, 18h30-22h15.
L’établissement vedette de Gordon Ramsay
propose encore et toujours une expérience
gastronomique de haut niveau. Ce chef,
présentateur de plusieurs émissions
culinaires à la télévision, compte parmi les
trois cuisiniers ayant été gratifiés de trois
étoiles en une fois par l’édition britannique
du Guide Michelin. Mais depuis 2008, le vrai
chef en cuisine, c’est Clare Smyth, première
femme anglaise à diriger un trois-étoiles.
Elle a travaillé au Louis XV de Ducasse à
Monaco, a été couronnée chef de l’année
par le UK Good Food Guide 2013 et faite
membre de l’Ordre de l’Empire britannique
par Sa Majesté Elizabeth II pour service
rendu à l’industrie hôtelière. Sa cuisine est
faite de précision et de grâce, tels le pied
de cochon braisé, puis frit à la poêle et
sa sauce hollandaise, ou le foie gras rôti
au vinaigre de cabernet-sauvignon au
velouté d’amandes. Deux chefs d’enfer
pour un petit coin de paradis.
Carte : à partir de 45 £ pour le déjeuner.
95 £ pour 3 plats. Menus : 125 £ (menu
Prestige), 155 £ (Seasonal Inspiration,
le soir seulement).
Web : www.gordonramsay.com/
royalhospitalroad
Dinner by Heston
Blumenthal
The Ledbury
127 Ledbury Road, W11 2AQ Londres
Tél. : +44 (0) 20 7792 9090
12h-14h, 18h30-22h15. Fermé le lundi midi.
C’est dans cette salle à manger claire et
lumineuse, au cœur du quartier de Notting
Hill, que Brett Graham séduit depuis
maintenant huit ans le Tout-Londres avec
une cuisine extrêmement recherchée,
usant des meilleurs ingrédients purement
britanniques. Ce qui lui vaut ses deux étoiles
au Michelin et sa 13e place au classement
2013 du World’s 50 Best Restaurants.
Sa cuisine, assez classique avec des
touches de modernité, repose sur des
produits régionaux remarquables, à
l’image du tartare d’huîtres et citron
avec une huître en beignet, ou encore
du cabillaud et petits poireaux.
Carte : 120 £. Menus : 35 £ pour le
déjeuner, 105 £ pour le dîner.
Web : www.theledbury.com
66 Knightsbridge, SW1X 7LA Londres
Tél. : +44 (0) 20 7201 3833
Tous les jours, 12h-14h30, 18h30-22h30.
Heston Blumenthal aime revisiter des plats
britanniques historiques en leur insufflant
un zeste de nouveauté. Après Fat Duck, son
trois-étoiles, lui et son double Ashley PalmerWatts ont réussi leur pari : deux étoiles au
Michelin et une place dans le top 10 du
World’s 50 Best Restaurants cette année.
De cette vaste brasserie contemporaine
avec sa cuisine apparente sortent de plats
ressuscités de l’histoire. A chacun son origine
et son époque estimée de naissance, qui
vous sont précisées sur la carte. On se laisse
guider dans un accord mets et vins sous
la direction d’un sommelier portugais de
génie. On savoure un œuf basse température
accompagné de céleri et de radis ou un
saumon fumé à l’Earl Grey (vers 1730), on fait
un bond de quelques décennies pour atterrir
en 1780 avec un pigeon épicé, sauce légère à
la bière et artichauts, avant de revenir dans la
première partie du XVIIIe siècle avec une barre
au chocolat très cacaotée, sa marmelade de
fruits de la passion et sa glace au gingembre.
Bon voyage dans le passé!
Carte : 50-70 £. Menus : 39 £ pour le déjeuner.
Web : www.dinnerbyheston.com
DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014 FORBES AFRIQUE | 97
ULTIMES RÉFLEXIONS
PENSÉES
Voici venu le temps des cartes de vœux, et les seuls que cette perspective
horripile sont les quelques harpagons que nous comptons parmi nous, et les facteurs.
— MALCOLM FORBES
« L’année 1933 a enseigné une chose à la finance, à l’industrie et aux entreprises
américaines : elles doivent absolument embaucher le Père Noël. Grâce à une petite
partie de son esprit de générosité, qui a permis de réanimer l’activité économique
des Etats-Unis, nous avons pu prévenir une révolution sociale durant les heures
critiques traversées par le pays depuis 1929. L’avenir est quant à lui voué à connaître
soit l’avènement du Père Noël, soit celui du socialisme d’Etat, voire d’une dictature.
Quelles sont l’idée fondamentale, la signification et l’intention originelles, la
dynamique profonde de toutes les expériences menées dans le cadre du New
Deal ? La finance, l’industrie, les entreprises, les travailleurs, l’humanité doivent
réaliser qu’ils sont les gardiens de leurs frères, et agir conformément à ce principe.
Il est nécessaire d’établir une plus juste répartition de l’ensemble des fruits issus du
labeur, de l’ingéniosité et de la réussite de l’être humain. La famine et l’esprit du Père
Noël sont antinomiques dans un pays bénéficiant de ressources suffisantes pour tous les honnêtes gens. Nous ne
nous contenterons pas d’un Père Noël qui règne uniquement sur Washington. » — FORBES, 15 DÉCEMBRE 1933
Le casse-tête des fêtes de fin d’année ? Il
vous faut un verre pour estomper la gêne
issue de l’amalgame entre relations de
travail et festivités, mais vous buvez trop
et vous vous retrouvez le lundi matin dans
une situation qui vous semble encore plus
gênante sous la lumière dégrisante
des néons. — MATTHEW LATKIEWICZ
De tous les grogs,
le rhum chaud au
beurre est, à mon
avis, le pire. Je
pense que sa
consommation
devrait être
autorisée uniquement dans le
passage du
Nord-Ouest [qui
relie l’Atlantique
au Pacifique via
l’Arctique]. Même là,
elle serait réservée
aux romanciers les
plus imaginatifs et
exaltés. — DAVID A.
EMBURY
Le juif que
je suis ne
reconnaît pas
Jésus, mais il
reconnaît Noël.
Noël est l’une
des meilleures choses
que vous, les chrétiens,
nous ayez apportées,
avec les macaronis
au fromage, Bono, le
croquet et la politesse.
— DAVID BROOKS
Autrefois, les gens
buvaient parce qu’ils
souffraient de phobie
sociale ou parce qu’ils
avaient besoin d’évacuer
la pression en fin d’année.
Aujourd’hui, ils le font
avec excès parce qu’on
a réduit leurs primes,
augmenté leur nombre
d’heures ou parce que la
sécurité de leur emploi
n’est plus garantie.
— HARRIS STRATYNER
C’est pourquoi le Seigneur luimême vous donnera un signe.
Voici, la jeune fille deviendra
enceinte, elle enfantera un
fils, et elle lui donnera le nom
d’Emmanuel. — ISAÏE 7:14
Si Noël est une fête de famille, que faire si la vôtre est
disséminée aux quatre coins du pays ? Je suis presque
certaine que Dieu veut s’assurer que je verrai bien tout
le monde, quitte à passer le jour de son anniversaire
dans un avion de Delta Air Lines. — GAIL COLLINS
Aucune méthode
conçue par l’être humain
n’est un tant soit peu aussi
pratique et efficace pour
renverser les barrières,
faire rapidement
connaissance avec le type
d’à côté et briser la glace
que de sombrer dans
l’ébriété, à peu près au
même rythme que votre
ou vos voisins, dans un
cadre plaisant.
— KINGSLEY AMIS
SOURCES : FORBES.COM; GRUBSTREET.COM; NYTIMES.COM; THE QUOTABLE HITCHENS: FROM ALCOHOL TO ZIONISM.
98 | FORBES AFRIQUE DÉCEMBRE 2013 // JANVIER 2014
© DAVID BROOKS : BRENDAN SMIALOWSKI/GETTY IMAGES; - KINGSLEY AMIS : DAVID LEVENSON/GETTY IMAGES
RÉFLEXIONS SUR LES FÊTES DE FIN D’ANNÉE