L`Eau - UN

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L`Eau - UN
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Les nécessités qui nous font défaut
RÉDACTRICE EN CHEF
Claire Hastings (Canada)
DESIGNER
Daniel Lopez (Équateur)
8 défis pour changer le monde
Investir dans le bonheur
Le besoin inassouvi
Des gens meurent par millions
L’eau ne coûte rien pour les uns et tout pour les autres
L’eau, le fardeau des femmes et des filles
COORDONNATEUR DU PROJET
Benjamin Mains (É.-U.)
RÉDACTION:
Andrea Davidson (Canada)
Anika Singh (Inde)
Patricia Sudi (Kenya)
Connor Youngerman (Canada)
Preetam Alex (Inde)
Alpha Bacar Barry (Guinée)
Nina Best, (Brésil)
Olivier Cournoyer Boutin (Canada)
Shahrez Khan (Pakistan)
Tanya Mowbray (R.-U.)
Julien Paquin (France)
Alfredo Redondo (Argentine)
Matthias Schmidt (Allemagne)
COLLABORATEURS:
Bart Abbott (É.-U.)
Vu Thuy Anh (Vietnam)
Francis Anyaegbu (Nigéria)
Joshua Awala, (Kenya)
Edward Blackie (Libéria)
Michael Boampong (Ghana)
Olya Chaebyukina (Russie)
Samson Gounue (Libéria)
Saida Ibragic (Bosnie-Herzégovine)
John Koroma (Sierra Leone)
Samadhee Malalasekera (Sri Lanka)
Darpan Mandal (Inde)
Gaby Mavilla (Pérou)
Themba Phakathi (Swaziland)
Raffia Saleem (Pakistan)
Charles Sendegeya (Ouganda)
Norman Wai (Papousie Nouvelle-Guinée)
Karmel Wong (Canada)
Yu Xiang (Chine)
Lin Yan (Chine)
CONSEILLER AU PROJET
David Woollcombe
L’espoir est permis
Nous payons notre indifférence en vies humaines
PARTENAIRES AU PNUD
Marisol Sanjines
Pedro Manuel Moreno
PARTENAIRES À TALKING-BOX
Fabián Vázquez Savareikas
Gonzalo Sanchez David
Une coopération internationale est fondamentale
REMERCIEMENTS:
Rosey Simonds
Bart Ullstein
Helen de Mattos
Joan Wilson
Timothy Hastings
Steve Riffkin
Manifestations lentes mais inévitables
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développement
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Notre passion anime notre volonté
Incarnons le changement !
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Imprimé au Pays de Galles avec du papier
recyclé.
De nos jours, l’eau est beaucoup plus qu’une
simple source de vie. La privation d’eau est
source de pauvreté, d’inégalité, d’injustice
sociale et d’importantes disparités dans les
opportunités de la vie. Cette privation est particulièrement importante parce que l’eau est
un droit humain et que personne ne devrait
fermer les yeux sur la violation des droits
humains. Nous ne devrions pas tolérer que
des millions d’enfants ‘’meurent pour un verre
d’eau ou par absence de toilettes’’.
Kevin Watkins
Directeur,
Rapport mondial sur le développement humain 2006
3
Commencer à construire
les fondations
L’eau est un élément essentiel à la vie et un des principaux
fondements du développement humain. Mais comme vous allez le
voir, ces fondements ne sont pas encore une réalité pour une grande
partie de l’humanité.
Certains attribuent la crise actuelle à l’insuffisance des ressources en
eau pour tout le monde. Le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) rejette ce point de vue, faisant valoir que la
crise trouve son origine dans la pauvreté, l’inégalité et dans des
rapports de force inégaux. Dans le monde, alors qu’un milliard de
personnes sont privées du droit fondamental à une eau potable, ce
sont les pauvres qui paient le prix le plus élevé. L’absence d’accès à
l’eau crée des cycles de pauvreté qui renforcent les inégalités des
genres, la mortalité et les maladies infantiles. On pourrait sauver la vie
de deux millions de personnes en faisant de l’eau une question
politique prioritaire. Mais ce n’est pas le cas : les stratégies en matière
d’eau ne permettent pas de gagner des élections; l’hygiène n’est pas
une question fondamentale durant les élections démocratiques. La
communauté internationale n’a donc pas réussi à faire de l’eau une
priorité. Les pauvres sont souvent privés de la représentation
politique nécessaire pour faire valoir leur droit à l’eau.
Ce livret est cependant loin de préconiser le désespoir. Nos
recherches indiquent qu’en ce début du XXIe siècle, nous avons les
moyens financiers, technologiques et les capacités nécessaires pour
reléguer la crise de l’eau au rang de souvenir, aussi bien que les pays
riches actuels l’ont fait il y a un siècle. Ce qui fait défaut, ce sont des
plans d’action bien conçus et financés de façon adéquate.
Encore une fois, nous affirmons que le monde n’est pas encore à
court d’eau. Tout de même plusieurs millions de personnes parmi les
plusvulnérablesdumondeviventdansdesrégionssoumisesdeplus
en plus à un stress lié à l’eau. Il faut en faire davantage pour écarter les
menaces que représentent les changements climatiques. La
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concurrence pour l’eau s’intensifiera dans les décennies à venir, avec
l’accroissement démographique, le développement industriel et les
besoins de l’agriculture, qui pousseront la demande à la hausse. 1,4
milliard d’individus vivent dans des bassins hydrographiques où la
consommationd’eauestsupérieureauxtauxderecharge.Lesfleuves
s’assèchent, les nappes phréatiques baissent et les écosystèmes
aquatiques se dégradent rapidement. Le monde est en train de piller
une de ses ressources naturelles les plus précieuses et de contracter
des dettes écologiques insoutenables - dont vous, les générations à
venir, hériterez - et qui constitueront un problème de plus en plus
ardu.
Deux choses se produiront. Premièrement, les plus faibles verront
leurs droits à l’eau diminuer par la présence de groupes plus puissants. Deuxièmement, les conflits transfrontaliers s’intensifieront et se
transformeront en guerre ouverte, s’ils ne sont pas maîtrisés par des
politiques publiques et une coopération internationale.
Le Rapport mondial sur le Développement humain 2006 visait à
encourager un débat entre les décideurs sur ces questions cruciales.
J’espèrequecerésumédurapportparlesjeunesentraîneraundébat
tout aussi stimulant au sein de la prochaine génération. Si l’inertie
actuelle sur la politique en matière d’eau persiste, cette prochaine
génération devra faire face à une crise de l’eau qui fera paraître
dérisoire celle à laquelle les dirigeants d’aujourd'hui sont confrontés.
Kemal Derviş
Administrateur,
programme des Nations Unies pour le développement
Il faut se mettre à la tâche aujourd'hui
pour sauver le monde demain
… « Ils l’ont mis dans un sac en plastique et l’ont jeté dans la
rue? C’est incroyable ! » Les six jeunes assis autour de la table
manifestent en chœur leur incrédulité.
« Non, je te dis que c’est vrai ! » Une voix perce à travers cette
incrédulité.
« Que faire d’autre ? Il n’y a ni canalisations, ni toilettes. Où
aller alors ? » S’enfonçant dans sa chaise, attendant que son
point de vue produise son effet, Patricia examine les visages
autour d’elle. « Vraiment, nous n’avons pas idée de la chance
que nous avons ».
Pour résumer le Rapport mondial sur le développement
humain 2006 en 28 pages destinées aux jeunes, il faut énormément se remuer les méninges, faire des recherches, écrire
et faire des récits. La réunion éditoriale en est à son deuxième
soir, et de jeunes rédacteurs, artistes et éditeurs du monde
entier discutent en profondeur de la crise de l’eau et de l’hygiène. Les détails des toilettes volantes à Kibera (Kénya)
entraînent un débat animé parmi les éditeurs sur les mérites
de creuser un puit, de construire des latrines et d’irriguer au
goutte-à-goutte.
tistiques et de comptes rendus rédigés par ceux qui subissent directement la crise de l’eau et de l’hygiène dans le
monde. Il compte 400 pages et examine en profondeur des
questions politiques complexes, qu’on pourrait difficilement
donner à lire aux jeunes d’aujourd'hui. C'est la raison pour
laquelle le PNUD a invité des jeunes du réseau mondial de
Peace Child International à résumer le rapport, illustrations à
l’appui, pour qu’il soit spécifiquement destiné aux jeunes.
Autour de la table, la discussion s’est transformée en plus de
500 propositions. Des piles de textes, de poèmes, de dessins
et de photographies se constituent en quelques minutes. On
entend dans la pièce un bruit de pages froissées et des murmures d’excitation, tandis que les jeunes éditeurs s’informent et font part de ce que les jeunes du monde entier
pensent de la pénurie d’eau. Le résultat est le manuel que
vous êtes en train de lire.
Le Rapport mondial sur le développement humain (RMDH)
est une des publications les plus connues et les plus lues de
l’Organisation des Nations Unies. Le rapport de 2006 évoque
une des questions les plus ardues et les moins étudiées auxquelles l’humanité fait face : l’eau potable et l’hygiène
adéquate. Le fait d’assurer de l’eau potable et une hygiène
dans le monde permettrait de sauver 1,8 million d’enfants
par an et de sauvegarder la dignité de 2,6 milliards de personnes.
Le RMDH est un document fascinant, truffés de faits, de sta-
Avant-Propos
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Au Sommet des Nations Unies pour le Millénaire de 2000, les chefs d’État et de gouvernement ont énoncé une série d’objectifs destinés à réduire l’extrême pauvreté et à accroître la liberté de l’homme. Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont
fondés sur la gouvernance démocratique, l’état de droit, le respect des droits humains, la paix et la sécurité; ils doivent être atteints
d’ici à 2015. Ils peuvent l’être si tous les acteurs unissent leurs efforts. Les pays pauvres doivent améliorer la gouvernance et aider leurs
populations en investissant dans les soins de santé et dans l’éducation. Les pays riches doivent accepter d’octroyer une aide
étrangère, d’alléger la dette et d’instaurer des pratiques commerciales plus équitables.
8 défis pour
changer le
monde
Promouvoir l’égalité des
sexes et l’autonomisation
des femmes
Combattre le VIH/sida,
le paludisme et
d’autres maladies
Réduire l’extrême
pauvreté et la faim
Assurer l’éducation primaire pour
tous
Réduire la mortalité
infantile
Améliorer la santé
maternelle
Assurer un
environnement
durable
Mettre en place
un partenariat
mondial pour le
développement
Il ne s’agit pas de savoir si nous pouvons nous permettre d’atteindre les objectifs du Millénaire
pour le développement…
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Les OMD reposent sur une idée simple: l’extrême pauvreté et les grandes disparités sur le plan des possibilités ne sont pas des fatalités
dans le monde, mais des problèmes qui peuvent être résolus. Si nous y réussissons, nous aurons accompli un pas de géant en direction
du développement humain. Si nous ne parvenons pas à réaliser les OMD, notre sécurité et notre prospérité collectives s’en ressentiront.
La double question de l’eau potable et d’une hygiène adéquate est inextricablement liée au succès des OMD. Des progrès soutenus dans
les deux domaines sont nécessaires à la réalisation de chacun des objectifs.
Assurer la durabilité de l’environnement et
réduire de moitié le nombre de personnes qui
n’ont pas d’accès durable à de l’eau potable
et à une hygiène de base d’ici à 2015.
900 millions de personnes
1,3 milliard
millions de journées de fréquentation scolaire
272
3,2 milliards de journées de travail
d’économiser 1,7 milliard de dollars par an
d’éviter 2 millions de décès
Daniel Lopez
Nina Best
Olivier Cournoyer Boutin
Shahrez Khan
Julien Paquin
...mais si nous pouvons nous permettre de ne pas faire l’investissement.
HORIZON 2015 : 8 DÉFIS POUR CHANGER LE MONDE
7
La liberté de réaliser son potentiel
Le développement humain est lié à ce que les hommes peuvent faire et devenir – à leurs capacités – ainsi
qu’à la liberté d’exercer de véritables choix dans leur vie. La sécurité de l’approvisionnement en eau fait partie
intégrante du développement humain. Elle consiste à garantir que chaque individu ait un accès fiable à une
quantité suffisante d’eau potable à un prix raisonnable, afin de lui permettre de vivre de manière productive,
en bonne santé et dans la dignité.
Viser un monde meilleur
La sécurité et le développement humains représentent
bien davantage que la croissance économique. Le
développement humain jette les bases d’un monde
meilleur, un monde sans pauvreté, qui met l’enseignement et les soins de santé à la disposition de tous.
L’eau potable et l’hygiène sont étroitement liées au
développement humain. La deuxième cause de mortalité
infantile dans le monde est l’eau souillée, associée à l’absence d’hygiène, qui entraîne 4 900 morts par jour parmi
les enfants. L’accès universel aux installations les plus élémentaires en matière d’eau et d’hygiène permettrait aux
L’accès universel à des
installations sanitaires
basiques, permettraient
d’économiser dans les
systemes de santé des
pays en développement,
presque 1,6 milliards de
dollards par an.
systèmes de santé des pays en développement d’économiser environ 1,6 milliard de dollars par an. Lorsque
les enfants parcourent de grandes distances pour aller
chercher de l’eau ou tombent malades en buvant de l’eau
insalubre, ils manquent l’école, ce qui nuit gravement à
leur éducation. Une éducation incomplète et une mauvaise santé peuvent entraver leur capacité à travailler et les
plonger dans un cercle vicieux de pauvreté, dont ils pourront difficilement sortir.
Fort heureusement, d’énormes améliorations sont possibles. Le Plan global du Rapport sur le développement
humain calcule qu’il nous faut 10 milliards de dollars par
an pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le
développement et élargir dans d’énormes proportions
l’accès à l’eau potable et à l’hygiène dans le monde entier.
10 milliards de dollars peuvent paraître considérables,
mais les gouvernements dans le monde consacrent ce
montant pour huit jours de dépenses militaires !
Imaginez-en les conséquences si nous utilisions une fraction de ces dépenses militaires pour assurer de l’eau
potable et une hygiène pour tous.
Ce qui donne matière à réflexion, c'est que dans les
régions rurales du Bengale occidental, de grandes
avancées sur le plan de la santé, de l’hygiène et du
développement communautaire ont été obtenues à des
coûts incroyablement bas.
Grâce à un petit emprunt, les membres de la communauté ont construit des latrines dans plus de six villages.
L’argent - 30 dollars par latrine – a été prêté durant un an
sans intérêt permettant aux villageois de construire des
latrines et de lancer de petites entreprises familiales. Ils se
soulageaient auparavant dans les champs, une situation
qui nuit à l’hygiène, à la sécurité et à l’intimité.
Les solutions locales aux problèmes locaux sont l’amorce d’un changement.
8
Daniel Lopez
L’eau donne la vie à tout, notamment au développement et à la liberté humaine.
DÉVELOPPEMENT HUMAIN
9
Un préalable à la paix
Les droits humains protègent chacun contre les abus politiques, juridiques et sociaux. Nous
avons des droits fondés sur la dignité humaine, indépendamment de notre appartenance
ethnique, de notre nationalité ou de notre sexe.
D’après la Déclaration universelle des droits humains, « la reconnaissance de la dignité
inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
20 litres par jour...
Le strict minimum.
Je suis privé de mon droit
à l’eau potable
« L’accès à l’eau potable est un besoin fondamental et donc un
droit fondamental. L’eau contaminée met en danger la santé
physique et sociale de tous. C’est une atteinte à la dignité
humaine ».
Kofi Annan,
Secrétaire des Nations Unies
Chez moi, à Mushin, une banlieue de Lagos (Nigéria), l’eau
coule rarement du robinet. Ma famille et moi devons acheter
de l’eau de ceux qui en vendent. Chaque jour, nous dépensons 150 nairas environ (1 dollar américain) pour remplir une
citerne de 80 litres. Ceux qui vivent dans les quartiers défavorisés n’ont pas autant de chance. Au lieu d’aller à l’école,
les enfants très pauvres passent des heures par jour à collecter de l’eau pour leur familles. J’ai vu des enfants recueillir
de l’eau à partir de conduites et de gouttières qui fuyaient.
Au cours de la Journée mondiale de l’eau en 2001, le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a mis
le monde au défi de résoudre la crise de l’eau, poussant le
PNUD à réagir : les gouvernements du monde doivent faire
de 20 litres d’eau fraîche et potable par jour un droit universel fondamental, étant donné que cela représente le minimum pour permettre à une personne de vivre. Notre
absence de progrès est évidente. Dans beaucoup de pays,
nombreux sont ceux qui continuent d’avoir accès à moins de
20 litres ou de boire de l’eau insalubre contenant des
matières fécales, des insecticides ou d’autres poisons. En
outre, lorsque des sources sûres existent, elles ne sont
disponibles que pour ceux qui peuvent payer. Remplir un
récipient peut coûter entre 25 centimes et 1,25 dollar. Par
conséquent, les 660 millions de personnes dans le monde
qui vivent avec 2 dollars par jour ne peuvent simplement pas
acheter de l’eau.
Si l’eau n’est pas reconnue en tant que droit humain, ces situations peuvent durer à l’infini. L’eau doit aujourd'hui faire
partie des droits humains et il faut pour cela un engagement
total de la part de tous.
Les collectivités locales font semblant de dénoncer cette situation dégradante : elles construisent des puits artésiens
(des trous étroits et profonds dans le sol où on peut trouver
parfois de l’eau), mais elles arrêtent les travaux au bout de
deux à trois semaines. J’ai été deux fois hospitalisé parce que
j’avais bu de l’eau d’un puits artésien. J’ai besoin d’eau pour
vivre, mais tout ce que j’obtiens, c'est de l’eau souillée. J’ai
droit à de l’eau potable et j’en suis privé. Pourquoi ?
En tant que jeunes, nous avons besoin de sensibiliser à l’importance de l’eau potable et de l’hygiène. Nous devons
changer nos mentalités, nos attitudes et nos habitudes à être
proactifs. Nous devons travailler ensemble pour faire reconnaître l’eau comme un droit humain et obtenir un accroissement des fonds afin de rendre l’eau potable et sans danger,
non seulement pour nous, mais aussi pour toutes les générations futures.
Si les droits de chacun à l’eau et à l’hygiène étaient respectés,
la santé et le développement s’en répercuteraient dans le
monde entier.
Les droits humains ne sont pas des options facultatives.
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Francis Anyaegbu, Nigéria
Des canettes d’argent
Chaque matin
en baillant
elle souffre,
désirant se rincer la bouche
avec des cachets de fluorure.
Avec un grand soin,
elle incline
le seau en plastique fendu
comme
une cannette remplie d’argent.
Ou
le retourne.
En silence
chargée de corvées
qui nécessitent de l’eau
en abondance.
Esprit assoiffé, espoirs à sec.
Mère désespérée
à la recherche
d’eau pour le bouillon.
À cause du coût,
les assiettes restent sales.
Peux-tu juste regarder
et nager dans un monde d’argent ?
Charles Sendegeya, Ouganda
Samadhee Malalasekera
20 litres
droits
fondamentaux.
piliers du
développement.
Droits humains : des obligations contraignantes reflétant des valeurs universelles.
L’EAU, UN DROIT FONDAMENTAL
11
Une urgence silencieuse :
des gens meurent par millions
Nombre de cas de mortalité infantile (millions)
Reste du
monde
Diarrhée
Paludisme
Rougeole
VIH/sida
Asie du
Sud
Infections
respiratoires aiguës
0.25
0.5
0.75
1
1.25
1.5
1.75
Afrique
subsaharienne
2
5 milliards de cas de diarrhée sont
diagnostiqués chaque année chez les
enfants dans les pays en voie de
développement et 1,8 million en
meurent.
De manière générale, la diarrhée
causée par des bactéries et des
virus dans les eaux polluées fait
plus de morts que la tuberculose ou
le paludisme.
Lorsque le système d’égout fonctionne mal, l’eau forme des flaques
stagnantes qui sont vite infectées
par des moustiques porteurs du
paludisme. Environ 3 600 personnes meurent chaque jour du
paludisme, dont 3 200 enfants.
12
Bart Abbott
L’eau non traitée mélangée à de l’eau
potable est le meilleur moyen d’attraper
le choléra.
Daniel Lopez
Yu Xian
UNE CRISE SILENCIEUSE
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2,6 milliards de personnes ne bénéficient pas d’hygiène
Asie de l’Est et Pacifique
958,2 millions de personnes
Asie du Sud
925,9 millions de personnes
Afrique subsaharienne
436,7 millions de personnes
Pays Arabes
80,1 millions de personnes
Amérique Latine et Caraïbes 119,4
millions de personnes
Au Cambodge, le salaire journalier des
travailleurs ruraux ne couvre même pas
les besoins nutritionnels fondamentaux d’une famille. Il faudrait 20
journées de salaire pour acheter une
simple latrine à fosse sèche. C’est
impossible quand il faut consacrer l’argent à la nourriture, aux vêtements ou
au logement.
2,6 milliards de personnes, près de la
moitié de la population totale des pays
en voie de développement, n’ont pas
accès à une hygiène adéquate. Cela
représente un tiers de la population
mondiale.
La mortalité infantile peut être réduite de 50 % en rendant l’eau potable.
14
1,1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable
Asie de l’Est et Pacifique
406,2 millions de personnes
Asie du Sud 228,8 millions de
personnes
Afrique subsaharienne
314 millions de personnes
Pays Arabes 37,7 millions de
personnes
Amérique Latine et Caraïbes 49,4
millions de personnes
1/6 de la population mondiale n’a
pas accès à de l’eau potable.
Dans le monde en développement, 1 personne sur 5 vit sans
eau potable.
660 millions d’individus
vivent avec moins de 2 dollars par jour, sans accès à
une source d’eau potable.
385 millions d’entre eux
vivent dans la pauvreté
absolue, avec moins de 1
dollar par jour.
700 millions de personnes vivent dans des pays où l’eau se fait rare; d’ici à 2025, elles seront au
nombre de 3 milliards.
UNE CRISE SILENCIEUSE
15
L’eau ne coûte rien pour les uns
et tout pour les autres
Les pauvres paient des sommes considérables d’argent pour de faibles quantités d’eau. Pour
l’obtenir, ils parcourent de grandes distances, attendent des heures et se l’arrachent avec d’autres
personnes qui recherchent cette précieuse ressource avec le même désespoir. Pour lutter contre
cette inégalité, il faut non seulement veiller à ce que chacun reçoive 20 litres d’eau par jour, mais que
ceux-ci soient potables, abordables et même gratuits pour les pauvres.
Prix de l’eau (dollars en mètre cube)
0
1
2
3
4
5
6
Si vous vivez dans un
taudis à Manille,
vous payez davantage pour votre eau
que les habitants de
Londres.
New York
(É.-U.)
Londres
(R.-U.)
Manille
(Philippines)
Accra
(Ghana)
Barranquilla
(Colombie)
Du robinet ou de la bouteille...
Ayant vécu toute ma vie dans une grande ville de Russie, j’étais habitué à acheter de l’eau minérale en bouteille. Boire de l’eau
du robinet ne me traversait pas l’esprit, car c’était le meilleur moyen de tomber malade. Chaque matin, j’utilisais de l’eau
minérale pour me brosser les dents. Quand nous en n’avions plus, j’utilisais des filtres spéciaux et je faisais bouillir l’eau, ce qui
me prenait une éternité. J’allais parfois à l’école sans me brosser les dents.
Aujourd’hui, je suis étudiante dans le cadre d’un programme d’échange aux Etats-Unis. Imaginez ma surprise en voyant les
adultes qui m’ont accueillie, boire de l’eau du robinet. Mais ils continuent d’acheter de l’eau minérale, j’ignore pourquoi.
Olya Chebykina, Russie
L’inégalité de l’accès à l’eau : un système d’apartheid fondé sur la richesse et
l’emplacement géographique.
16
Karmel Wong
Avoir conscience des canalisations qui gèlent
L’hiver est arrivé aujourd’hui au Canada et les canalisations
ont gelé dans notre grange. À 6 heures du matin, mon frère
Eric et moi commençons à traîner des seaux de 20 litres d’eau
de la maison à la grange pour donner à boire aux animaux.
Sous mes couches de vêtements, j’ai encore froid : aujourd'hui est une vraie journée du Nord.
Pendant que j’attends que les seaux se remplissent, je me dis
: C’est drôle de faire quelque chose que l’être humain a
abandonné depuis longtemps. Puis je me reprends : Ceux qui
transportent encore chaque jour de l’eau sont encore
nombreux dans le monde. Les seaux remplis, je retourne à la
grange. Le premier trajet est revigorant. Je suis en plein air, je
fais de l’exercice, je suis investi d’une mission : acheminer de
l’eau aux animaux. A l’intérieur, je suis accueilli par une vache
et un lama assoiffés, qui ont la politesse de ne pas se
plaindre, contrairement aux moutons et aux chèvres, qui me
font sentir que leur situation actuelle est entièrement de ma
faute. Retournant vers la maison, je m’aperçois que j’ai mal
aux bras. La matinée sera dure.
Une fois dans la maison, je réfléchis de nouveau, me disant :
Je ressemble aux habitants de la planète qui transportent
chaque jour leur eau. Puis je pense : Non, mes vaches sont
des animaux domestiques. Ma vie ne dépend pas de leur
survie. Et elles comptent rarement sur moi pour avoir de
l’eau. Normalement, tout ce que je fais, c’est leur ouvrir le
robinet. Les seaux remplis interrompent le fil de mes
pensées. Je parcours les derniers cinquante mètres jusqu’à
l’abreuvoir des vaches et je vide immédiatement les seaux. Je
leur dis combien elles ont de la chance, avant de retourner à
la maison pour recommencer.
Je suis habitué aux durs travaux de ferme, mais marcher dans
la neige en transportant 40 litres d’eau nécessite des muscles
rarement utilisés. Marchant côte à côte, Eric et moi nous
disons qu’il faudrait le faire chaque jour pour renforcer notre
musculature. C'est ce que font des milliers de personnes
chaque jour dans le monde.
Normalement, tout ce que je
fais, c’est tourner le robinet...
J’essaie d’imaginer à quoi ressemblerait tout ce travail,
chaque jour, pour chaque gorgée d’eau. En passant devant
les vaches, je remarque que l’abreuvoir est sale et qu’il faudra
bientôt le nettoyer. L’eau qui coule de mon robinet est
limpide. Mais qu’aurais-je fait si elle provenait d’une rivière
boueuse ou d’une marée stagnante ? Ou si la seule eau à
laquelle j’avais accès était sale ? Je regarde les chevaux, les
vaches – mes animaux domestiques – se désaltérer avec de
l’eau salubre. De l’eau bien plus propre que celle que boivent
des millions de personnes. Pourquoi ont-ils cette richesse et
ce luxe ? Pourquoi ai-je autant d’eau, alors que d’autres ont
soif ? Pourquoi tant de gens se demandent comment ils vont
obtenir leur prochain verre d’eau ? Que puis-je faire ?
Connor Youngerman, Canada
385 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour et n’ont pas accès à de l’eau
non polluée.
FAIRE FACE A L’INEGALITETE
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Le fardeau des femmes et des filles
Les femmes et les filles dans le monde paient un prix bien plus élever dans la crise de l’eau et
de l’hygiène. Dans plusieurs régions, leur culture leur dicte de s’occuper des tâches
ménagères; il leur incombe donc d’aller trouver et de chercher de l’eau pour la famille entière.
Pour les filles, l’absence d’eau potable et de toilettes près de la maison signifie qu’elles n’ont
pas autant la possibilité d’aller à l’école, d’acquérir des compétences utiles et de participer
pleinement à leur communauté.
Temps perdu, avenirs gâchés
C’est un problème assez simple : lorsque les femmes et
les filles doivent recueillir de l’eau et la transporter, ou
parcourir de grandes distances pour trouver un endroit
où se soulager, elles perdent un temps qu’elles pourraient consacrer à autre chose, comme aller à l’école,
jouer avec des enfants ou travailler.
Les liens sont clairs : « Bien sûr que j’aurais souhaité
aller à l’école » explique Maria, une jeune fille de dix
ans d’El Alto (Bolivie). « Mais comment le pourrais-je ?
Ma mère a besoin que j’aille chercher de l’eau, et les
colonnes d’alimentation ne sont ouvertes que de 10
heures à midi. Il faut y aller tôt pour se mettre dans la
file, en raison de l’affluence ».
En Tanzanie, où les filles vivent à moins de 15 minutes
d’une source d’eau, la scolarisation est plus élevée de
12 %.
La corvée d’eau n’est pas la seule barrière à l’éducation
des filles; celles qui ont la chance d’être scolarisées
doivent souvent quitter l’école, parce que les toilettes
y sont inadéquates ou inexistantes. Beaucoup de parents, inquiets de l’absence d’hygiène, de sécurité et
d’intimité dans les latrines scolaires, retirent leurs filles
de l’école dès qu’elles atteignent l’âge de la puberté.
Au Bangladesh, lorsqu’un programme de l’UNICEF a
amélioré les installations sanitaires à l’école, le nombre
de filles scolarisées a augmenté de 11 %.
Quand les femmes et les filles ont accès à de l’eau
potable et à l’hygiène, les bienfaits sont durables. Les
femmes éduquées sont mieux en mesure de participer
aux décisions du ménage, de la communauté et du
pays. Les filles éduquées ont tendance à se marier et à
avoir des enfants plus tard, elles en ont moins, et ils
sont en meilleure santé que ceux des mères non
éduquées. Il est clair que si nous faisions de l’hygiène
et de l’approvisionnement en eau une priorité dans le
monde en développement, nous serions en meilleure
voie de réaliser le troisième objectif du Millénaire pour
le développement : « Promouvoir l’égalité des sexes et
l’autonomisation des femmes ».
Beaucoup de parents, inquiets de l’absence d’hygiène, de sécurité et d’intimité dans les latrines
scolaires, retirent leurs filles de l’école dès
qu’elles atteignent l’âge de la puberté.
40 milliards d’heures sont consacrées chaque année à recueillir de l’eau en Afrique subsaharienne
– l’équivalent d’un an de travail pour l’ensemble de la main-d’œuvre en France.
18
Antonio Suarez
La moitié des filles qui abandonnent l’école en Afrique subsaharienne le font en raison des
mauvaises conditions sur le plan de l’eau et des sanitaires.
INEGALITE DES GENRES
19
Un laps de temps de 300 ans:
Mumbai, 2007 = Londres, 1707
Il y a de l’espoir ! L’histoire montre que quand les grandes métropoles comme Londres ou New York
mettent en place un système sanitaire adéquat, les habitants sont en meilleure santé, les maladies
transmises par l’eau, comme le choléra, disparaissent. Comme les citoyens n’ont plus le souci des
maladies, ils commencent à avoir des vies plus productives, plus longues et peuvent au fil du temps
faire des progrès sur le plan du développement humain. Notre défi consiste à reproduire ces
avancées dans les où l’eau et les systèmes de traitement manquent.
Réduction du risque de mortalité (%)
Egypte
Ouganda
Pérou Cameroun
0
Les recherches du PNUD montrent qu’un meilleur
approvisionnement en eau et un
hygiène amélioré peuvent réduire
les cas de mortalité infantile à
grande échelle.
20
40
60
80
100
Meilleur
hygiène
Meilleur approvisionnement en
eau
Investir dans l’eau et l’hygiène
peut grandement faciliter la
réalisation de l’objectif du
Millénaire pour le développement 4, à savoir « réduire la
moralité infantile ».
Lorsqu’un seul camion de pompage s’est mis à l’œuvre à Orangi (Pakistan), le taux de mortalité
infantile est passé de 130 décès pour 1 000 naissances au début des années 1980 à moins de 40
pour 1 000 naissances aujourd'hui.
Les collectivités nationales, régionales et locales doivent prendre l’initiative pour s’assurer que
l’eau, l’hygiène et la santé publique sont des priorités.
20
Bart Abbott
L’eau donne
un second souffle de vie
Le village de Moturumesi et les régions avoisinantes de Nyamira
(Kenya) connaissent depuis longtemps une crise de l’eau, mais, en
2004, les villageois ont obtenu un soutien du gouvernement et
d’autres organismes donateurs. Aujourd'hui, l’eau tirée du nouveau
puits et du système de canalisation municipal dessert plus de 15 000
personnes et 30 000 animaux. On voit des visages heureux. « Nos animaux sont en bonne santé et je suis sûre d’aller tôt à l’école », dit
SusanKwamboka,quiavaitsouventlecholéra,avantqueceprojetne
se mette en place.
Ma plus grande joie est d’aller voir ma grand-mère, qui habite
Moturumesi. Les changements me simplifient la vie quand je vais lui
rendre visite. Je n’ai plus à parcourir de grands trajets pour aller
chercher de l’eau potable ou accompagner les animaux vers des
fleuves éloignés. Ma grand-mère n’a plus à emmener ses enfants et
ses petits-enfants à l’hôpital. Elle peut arroser régulièrement ses culturesets’assurerunebonnerécolte.Ladisponibilitésoudainedel’eau
lui donne un nouveau visage. Elle aime se doucher chaque jour, ce
qu’elle n’avait pas fait pendant des années. Pour elle, la vie vient juste
de commencer.
Joshua Awala, Kenya
Bart Abbott
Grâce au Conseil d’administration communautaire de l’eau et de l’hygiène du Ghana, 200 000
personnes de plus par an ont accès à de l’eau fraîche et potable !
LES BIENFAITS DE L’ACTION
21
Nous payons notre
indifférence en vies humaines
La crise de l’eau menace l’humanité tout entière. Des nourrissons meurent du choléra; des personnes boivent de l’eau contaminée et les femmes parcourent des kilomètres chaque jour
pour atteindre un point d’eau polluée. Notre inaction va nous détruire. Si nous continuons de
traîner les pieds, nous condamnerons des milliards de personnes à la pauvreté, à la maladie et
à la mort. L’eau n'est pas une denrée, mais une nécessité pour la vie.
Malade au niveau des orteils
Pendant des années, les propriétaires des immeubles de
l’autre côté de la rue ont déversé leurs égouts et leurs
déchets humains sur le terrain de jeu d’Ezra Gumbe, une
école primaire d’Afrique de l’Est, où Francisca Howalla est
enseignante. Se tenant dans la partie la plus sèche du terrain
de jeu, elle montre, à l’aide de son doigt, le ruisseau d’eau
porteuse de maladies, qui s’écoule en direction de la route,
dans de petits fossés creusés à la main. « Cet étang s’est
formé en plein milieu du terrain de jeu et rend les enfants
malades », dit-elle. « Nous soignons 30 enfants par semaine
atteints de diarrhée ou de paludisme ».
Dans le monde entier, les enfants succombent à un manque
d’hygiène. John Mark, Marcos et Babu sont des élèves à Ezra
Gumbe. Ils ont dix ans environ et, comme tous les enfants, ils
adorent jouer. Il y a de l’eau à l’école qui n’est pas propre, dit
John Mark. « Lorsqu’on court dans le champ, là-bas, on a mal
aux jambes au niveau des orteils ». John Mark et Marcos se
penchent pour montrer leurs pieds. La maladie dont ils parlent est probablement la bilharziose, causée par des vers parasites qui infestent l’eau contaminée par l’urine ou les
matières fécales. Les vers pénètrent dans le pied et entraînent une rougeur et des douleurs, que John Mark, Marcos et
Babu disent tous avoir ressenties. Si la bilharziose n’est pas
soignée rapidement, elle peut endommager le foie, les
intestins, la vessie, les poumons, et peut entraîner la mort.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant stipule spécifiquement que les enfants ont un droit inaliénable « à se livrer au jeu et à des activités récréatives ». Non
seulement on vole aux jeunes d’Ezra Gumbe leur santé, on
les prive également de leur enfance. Ils ne peuvent pas jouer,
courir, s’amuser ou être heureux sans risquer d’attraper une
maladie mortelle. Comment être heureux dans ces conditions? Malgré cela, lorsqu’on a demandé à John Mark, à
Marcos et à Babu de faire une grimace devant la caméra, ils
étaient absolument ravis. C’est la beauté de l’esprit d’un
enfant. C'est une des forces les plus pures et les plus puissantes de paix et de tranquillité, et c'est la raison pour laquelle il faut la protéger et l’alimenter.
Bart Abbott, États-Unis
Toutes les 3 minutes, un enfant meurt de la diarrhée.
Dans la plupart des pays en développement, l’eau insalubre représente une plus grande menace à la vie humaine qu’un conflit violent.
Pour le moment, près de la moitié de la population du monde en développement souffre de
maladies liées à de l’eau insalubre et à une hygiène inadéquate.
22
Darpan Mandal
LE COÛT DE L’INACTION
23
Une coopération internationale
est fondamentale pour le bien-être de tous
Lorsqu’un grand nombre de pays dépend d’une source d’eau unique, la coopération est non
seulement logique mais essentielle à la survie humaine. Bien que l’accès à l’eau puisse être une
force qui divise, elle peut également unifier. Malheureusement, les pays qui jouxtent la même
réserve d’eau ne coopèrent pas souvent et finissent par se battre pour cette ressource. Les
gouvernements doivent radicalement modifier leurs perspectives et apprendre à partager.
Lutter
contre les abus
Coopération en vue d’une
revitalisation
Sur le plateau entre le Pérou et la Bolivie se trouve le Lac
Titicaca. Mais il est en train de disparaître. Nous dépendons du lac, mais nous l’avons surexploité, permettant
aux déchets provenant de l’extraction minière et de l’agriculture d’entrer dans l’écosystème. Près d’un million
de personnes vivent autour du lac, mais ne sont pas conscientes des dégâts qu’elles ont causés. On nous met en
garde contre le fait de boire l’eau ou de manger du poisson, alors que c’est mon mets préféré !
Le fleuve du Danube coule à travers un bassin qui s’étend sur
19 pays d’Europe, dont l’Allemagne, mon pays. Pendant
longtemps, la gestion du fleuve était difficile, du fait de son
utilisation constante par un grand nombre de pays. Mais en
1998, une commission de représentants de tous les pays
frontaliers a été constituée pour déployer un effort conjoint
visant à protéger le fleuve et les régions avoisinantes.
Au cours des quinze dernières années, les gouvernements bolivien et péruvien ont créé des organisations
pour mettre fin aux abus. Elles s’efforcent de sensibiliser
les habitants de la région à l’impact de leurs méthodes
agricoles. Des plans prévoient d’améliorer les centres de
traitement des déchets, mais les obstacles sont énormes.
Les habitants sont trop nombreux pour que nous puissions rendre les méthodes agricoles traditionnelles
durables. Les déchets d’une exploitation agricole n’entraînent pas beaucoup de dégâts, mais ceux de milliers
d’exploitations, si. Quand je me promène sur les rives du
lac, près de ma maison, je suis malade de voir toute cette
pollution.
Avant de pouvoir nettoyer le lac, nous devons assainir
nos vies. Il nous faut un meilleur traitement des déchets
et de meilleurs services de santé, ainsi que des techniques agricoles durables. Le Lac Titicaca constitue une
ressource immense, mais nous risquons de le détruire,
faute de soins. La coopération entre les gouvernements
péruvien et bolivien pourrait nous permettre d’agir avant
qu’il ne soit trop tard et de sauver le lac. J’espère pouvoir
manger de nouveau du poisson, un jour !
Gaby Mavila, Pérou
Le principal obstacle était et continue d’être le réaménagement du fleuve, pour qu’il retrouve sa gloire d’antant (d’antan) et puisse ainsi assurer un système d’eau potable pour
l’Europe. Depuis 2001, des milliards de dollars ont été investis
dans le nettoyage du fleuve, de ses estuaires et des régions
voisines. J’ai organisé le nettoyage d’un estuaire près de ma
maison. Les résultats de ces travaux sont très positifs et commencent à être visibles : le nombre d’espèces différentes
vivant dans le fleuve a presque doublé depuis les années
1980, l’eau est plus claire et les riverains sont plus heureux et
en meilleure santé. Ma mère nous disait de ne pas aller nager
dans le fleuve en été, chose que nous pouvons faire, aujourd'hui.
Bien que les travaux aient nécessité un important investissement économique et politique, les bienfaits de ces améliorations profitent à chacun. Ils prouvent que les nations peuvent
s’unir et résoudre un problème mutuel, montrant ce qui
pourrait se produire dans d’autres régions qui ont connu des
conflits autour de systèmes d’eau partagés. Nous pouvons
tirer du Danube de l’eau et de l’espoir.
9 pays se partagent l’Amazone; 11 pays se partagent le Nil.
24
Matthias Schmidt, Allemagne
Frontières naturelles
La lutte autour de l’eau entraîne une guerre
sanglante
Mais l’eau n’a pas les préjudices épais du sang.
L’eau est partout, pour tout le monde.
Les fleuves suivent les concours unificateurs
de la terre,
pas les divisions
que nous avons créées.
Et par nos désirs aveugles
Nous avons tendance à oublier
Que le fleuve se trouvait là avant nous,
Et que nos frontières ne sont qu’imaginaires.
Andrea Davidson, Canada
Samson Gounue
Conflit
du barrage
Dans ma localité, en Inde, la lutte pour l’accès à des
ressources d’eau communes est courante. Grâce au gouvernement et au système juridique, ces différends sont souvent réglés sur le plan civil, mais comme les jugements
aboutissent difficilement et que les affaires prennent des
années avant d’être réglées, les crises sont inévitables.
de mon père. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Pendant
seize ans, les tribunaux et la législature n’ont pas réussi à
régler à l’amiable la crise, qui ressurgit chaque été. Et, durant
seize années, les habitants du Tamil Nadu et du Karnataka
ont eu recours à la violence pour défendre leurs revendications sur les eaux précieuses du Cauvery.
In 1991, l’État du Tamil Nadu dont je suis originaire a connu
une sécheresse dévastatrice avec l’assèchement du fleuve
Cauvery, qui alimente en eau notre État et celui, voisin, du
Karnataka. Le Cauvery traverse d’abord le Karnataka avant
d’atteindre le Tamil Nadu. Un barrage entre nos deux États
permet de transférer une quantité d’eau spécifique du
Cauvery aux agriculteurs du Tamil Nadu, tout en préservant
une certaine quantité pour les agriculteurs du Karnataka.
Le 5 février 2007, la Cour suprême en Inde a enfin trouvé un
règlement juridique qui, espérons-le, permettra de résoudre
la crise. Le verdict établit des quotas nationaux pour la quantité d’eau reçue par chaque État et veille à ce qu’ils soient
respectés durant les mois secs et difficiles de l’été. Le plan du
gouvernement représente un compromis raisonnable et,
grâce à cette intervention juridique, les agriculteurs de mon
État natal du Tamil Nadu et ceux du Karnataka auront suffisamment d’eau chaque été. Espérons que la violence et les
querelles cesseront.
En raison de la sécheresse, l’eau qui aurait dû être acheminée
au Tamil Nadu n’est jamais parvenue à nos agriculteurs, qui
n’en avaient plus suffisamment pour irriguer leurs champs.
Je n’avais que cinq ans, mais je me rappelle encore la colère
Preetam Alex, Inde
Darpan Mandal
2 personnes sur 5 vivent dans des bassins hydrographiques communs à plusieurs pays.
L’EAU AUX FRONTIÈRES
25
Manifestations lentes mais inévitables
Les gaz à effet de serre réchauffent de plus en plus la planète. Notre priorité mondiale dans
l’immédiat doit être d’élaborer des stratégies pour écarter les menaces au développement
humain. Les effets des changements climatiques : augmentation du niveau de la mer, sécheresses, innondations (inondations) et températures imprévisibles auront des incidences sur la
santé, la sécurité et les moyens d’existence de millions de personnes dans le monde.
Hausse des
températures
Évaporation croissante
des océans
Bouleversement du cycle
de l’eau, entraînant des
modifications dans le
schéma de la pluie
Températures plus
extrêmes, davantage
d’inondations et de
sécheresses
Un monde en réchauffement
Quoi que nous fassions, le monde changera de manière radicale au cours de la prochaine décennie en raison des gaz à
effet de serre (principalement du dioxyde de carbone, du
méthane et de l’ozone) dont nous avons déjà chargé notre
atmosphère.
La hausse de la température de l’air accroîtra l’évaporation
des océans et accélérera celle de l’eau depuis le sol. Les zones
sèches deviendront plus sèches et les zones humides plus
humides. Ces changements s’accompagneront de nouveaux
schémas de précipitations et de phénomènes climatiques
plus extrêmes, comme les récents cyclones tropicaux.
Le Protocole de Kyoto de 1997 a été la mesure la plus concrète prise à ce jour pour atténuer les changements climatiques. Les gouvernements ont promis de réduire de 5% d’ici
à 2012 les niveaux d’émissions de dioxyde de carbone par
rapport au niveau de 1990. Mais ni l’Australie, ni les Etats-
Unis n’ont signé le Protocole, qui ne s’applique pas à des
pays en développement comme la Chine ou l’Inde. En réalité,
Kyoto couvre moins d’un tiers des émissions dans le monde.
Un progrès véritable exige un degré sans précédent de
coopération internationale. Les pays riches doivent « décarboniser » leurs économies; en même temps, on ne peut pas
passer sous silence les importantes empreintes écologiques
que laissent les pays en développement. .
Les signataires du Protocole de
Kyoto ont promis de réduire de 5
% d’ici à 2012 les émissions de
dioxyde de carbone par rapport
au niveau de 1990.
En raison de la sécheresse, de 75 à 125 millions de personnes supplémentaires risquent
de souffrir de la malnutrition.
26
En Afrique de l’Ouest, le débit des fleuves a
baissé de plus de 40 % depuis les années 1970.
Selon les annales, les dix années les plus
chaudes se sont produites depuis 1994.
Dans les années 1990, environ 201 millions de
personnes par an ont été touchées par les
catastrophes climatiques.
Les années 1990 ont été la décennie la plus
chaude depuis le 14ème siècle.
La planète se réchauffera de 0,2ºC à 0,5ºC
tous les dix ans, au cours des années à venir.
De l’eau, de l’eau partout...
En janvier 2006, le fleuve Waghi, dans les hauts plateaux de
l’ouest de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, est sorti de son lit.
Après des mois de sécheresse, ma famille avait prié pour la
pluie. Il nous fallait de l’eau pour les potagers qui nous permettaient de nous nourrir et pour les plantations de café où
nous travaillions. Lorsque la pluie a commencé à tomber, elle
ne s'est pas arrêtée. Le fleuve a débordé de ses rives et a tout
inondé dans la vallée. Tous les habitants du village se sont
enfuis dans les collines, mais nos maisons, nos jardins, nos
animaux, la plantation... Tout était sous l’eau.
Nous avons pensé à tort que le pire était derrière nous,
lorsque l’eau a reflué. Tout était recouvert d’une épaisse
couche de boue, de sable et de débris. Les corps des animaux
noyés se sont mis à se décomposer et nous sommes tombés
malades à cause du paludisme, parce que les flaques et les
étangs sont le terrain idéal à la reproduction des moustiques.
Il nous a fallu quatre mois pour nettoyer et réparer, avant que
ma famille puisse retourner chez elle.
Edward Blackie
Le paradoxe de l’inondation, c'est que nous avions prié pour
la pluie et que l’eau était venue, mais que nous souffrions à
présent d’une soif aiguë. Après l’inondation, nous n’avions
plus accès à de l’eau potable pour boire ou nous laver, parce
que les ruisseaux habituels où nous allions nous approvisionner avaient été détruits ou étaient pollués en raison des carcasses d’animaux. Nous avons dû acheter de l’eau en
bouteille ! Même un an plus tard, la situation ne s’est pas
encore normalisée.
Norman Wai, Papouasie-Nouvelle-Guinée
Si toutes les émissions prenaient fin aujourd'hui, les températures continueraient de
monter, à cause des émissions antérieures.
LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
27
Notre passion anime notre volonté
Entrain. Tenacité. Passion. Engagement. Courage. Vision. Attitude positive. Voici ce qui définit
l’esprit d’activisme des jeunes. Les jeunes ont prouvé à maintes reprises qu’ils sont de bons
enseignants et réfléchissent de manière novatrice. Nous vous présentons des exemples de
jeunes qui introduisent des changements révolutionnaires dans leur communauté, contribuant à mettre fin à la menace insidieuse des maladies transmises par l’eau, et luttant pour
leurs droits à de l’eau non poluée.
Des mesures modestes
Le miracle des toilettes des réfugiés
« Chez moi, je réutilise l’eau du robinet pour les toilettes», dit
Lin Yan, de Chine. Le mois suivant, ma mère était surprise de
voir la facture de l’eau baisser de 20 % ! En voyant ce qui se
passait autour de moi, j’ai décidé de lancer la campagne «
Comment économiser de l’eau chez soi ». J’ai imprimé des
prospectus et j’ai constitué une équipe de personnes qui ont
décidé de m’aider. Chaque année, à la Journée mondiale de
l’eau, nous organisons des activités de sensibilisation dans
notre communauté. Grâce à une mesure modeste, nous
avons le sentiment d’aller dans la bonne direction et veillons
à ce que les personnes, surtout les plus pauvres, aient accès
à suffisamment d’eau pour moins d’argent ».
Après la guerre civile en Sierra Leone, les camps de réfugiés
étaient bondés. Mandela Camp, un des plus grands, n’avait,
pour 1 000 personnes, que sept toilettes, qui étaient loin
d’être propres ! Les déchets se déversaient dans un fossé,
devant la porte de John Koroma. Préoccupé par les risques
de santé auxquels lui et d’autres étaient soumis, John a
décidé d’agir ! A l’aide de ses amis, de ses proches et des
membres de la communauté, il a demandé (et obtenu) des
fonds pour rénover les toilletes. L’équipe a conçu un plan
pour reconstruire les toilettes, a installé des citernes et des
cuvettes et les a reliées à un tuyau en plastique de 80 mètres,
acheminant ainsi les eaux usées vers la principale canalisation, dans la rue. Pour la somme de 1 045 dollars, John a réussi à faire une énorme différence dans la vie des gens.
Nina Best
Anika Singh
« L’eau sale ne peut pas être nettoyée ». Proverbe africain
28
Daniel Lopez
Scolarisation grâce à l’énergie solaire
Vu Thuy Anh a été furieuse d’apprendre que les enfants du
village dans son Viet Nam natal ne pouvaient pas aller à l’école durant la saison sèche parce qu’ils devaient parcourir 30
km par jour pour aller chercher de l’eau. Elle et un ingénieur
ont conçu un système pour puiser de l’eau de la source la
plus proche, à 12 km. Le système à énergie solaire utilise une
pompe pour acheminer l’eau de la source au village, grâce à
une canalisation et à une cuve de stockage. En deux jours, Vu,
ses amis et 60 villageois ont creusé le fossé pour la canalisation. À la fin de la semaine, la cuve de stockage était pleine.
L’ingénieur du projet, Nguyen Xuan An, a formé les jeunes
pour qu’ils huilent les parties mobiles de la pompe et pour
qu’ils la surveillent régulièrement. Les jeunes, accompagnés
d’autres personnes qui les aident, effectuent chaque jour la
vérification requise. Ils viennent voir la pompe qui leur a permis d’économiser tellement de temps et qui leur a permis de
retourner à l’école.
Je peux faire une promesse et
un souhait. Je promets que je
ne gaspillerai plus jamais l’eau
et je souhaite que chaque
habitant de la planète en fasse
de même.
Raffia Saleem, Pakistan
Dan Porges/Still Pictures
« Ton eau ne te manquera que lorsque ton puits sera à sec ». Bob Marley
L’ACTION DES JEUNES
29
De quoi avons-nous
besoin pour mettre fin à la crise…
30
Faire de 20 litres d’eau
potable par jour un
droit humain inaliénable.
Veiller à ce qu’aucun
foyer ne consacre
plus de 3 % de ses
revenus à l’eau.
Veiller à ce que les
pauvres aient de
l’eau gratuitement.
Faire en sorte que les
gouvernements fassent
de l’eau potable et de
l’hygiène des priorités
nationales et
fournissent des fonds
aux projets de
développement.
Les gouvernements et
les groupes communautaires doivent travailler
ensemble pour élaborer
des solutions appropriées sur le plan local
aux problèmes de l’eau
et de l’hygiène.
Les donateurs internationaux doivent
financer les projets
liés à l’eau et à
l’hygiène.
Incarnez le changement !
En tant que jeunes, nous nous trouvons dans une situation singulière : nous avons l’énergie,
le temps et l’enthousiasme. Le moment est venu d’agir. Impliquez-vous !
Informe-toi sur la crise de l’eau
et de l’hygiène.
Commence par en parler autour
de toi.
Dis-le à tes amis, à tes camarades, à tes parents.
Fait du bénévolat auprès d’une
organisation qui s’occupe des
questions d’eau et d’hygiène !
La plupart des organisations
donnent de petites subventions aux projets pilotés par les
jeunes. Ecris-leur une proposition et prépare-leur un budget.
Une simple somme de 300 à
500 dollars peut beaucoup
aider dans un grand nombre
de pays en développement.
Réutilise l’eau qui a servi à
laver les légumes pour arroser
les plantes ou faire du nettoyage.
Ferme le robinet quand tu te
brosses les dents.
Fais installer chez toi un robinet qui économise de l’eau.
Si ta communauté a besoin
d’un puits ou de latrines, réunis
des amis, cherche des financements et commence à creuser !
Si tu vis dans une région qui
regorge d’eau, crée un club
pour collecter de l’argent et
financer des projets dans des
régions qui sont dans le besoin.
Envoie des lettres, des cartes
postales, des messages électroniques, des pigeons
voyageurs à ton gouvernement.
Dis-lui que tu t’attends à des
progrès et à des investissements importants dans les projets liés à l’eau et à l’hygiène.
Sois créatif.
Les options
sont
illimitées...
EN AVANT POUR L’AVENIR
31
Darpan Mandal
– 20 litres par jour –
http://hdr.undp.org
www.peacechild.org