L`Eau - UN
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L`Eau - UN
4 6 8 10 12 16 18 20 22 24 26 28 30 Les nécessités qui nous font défaut RÉDACTRICE EN CHEF Claire Hastings (Canada) DESIGNER Daniel Lopez (Équateur) 8 défis pour changer le monde Investir dans le bonheur Le besoin inassouvi Des gens meurent par millions L’eau ne coûte rien pour les uns et tout pour les autres L’eau, le fardeau des femmes et des filles COORDONNATEUR DU PROJET Benjamin Mains (É.-U.) RÉDACTION: Andrea Davidson (Canada) Anika Singh (Inde) Patricia Sudi (Kenya) Connor Youngerman (Canada) Preetam Alex (Inde) Alpha Bacar Barry (Guinée) Nina Best, (Brésil) Olivier Cournoyer Boutin (Canada) Shahrez Khan (Pakistan) Tanya Mowbray (R.-U.) Julien Paquin (France) Alfredo Redondo (Argentine) Matthias Schmidt (Allemagne) COLLABORATEURS: Bart Abbott (É.-U.) Vu Thuy Anh (Vietnam) Francis Anyaegbu (Nigéria) Joshua Awala, (Kenya) Edward Blackie (Libéria) Michael Boampong (Ghana) Olya Chaebyukina (Russie) Samson Gounue (Libéria) Saida Ibragic (Bosnie-Herzégovine) John Koroma (Sierra Leone) Samadhee Malalasekera (Sri Lanka) Darpan Mandal (Inde) Gaby Mavilla (Pérou) Themba Phakathi (Swaziland) Raffia Saleem (Pakistan) Charles Sendegeya (Ouganda) Norman Wai (Papousie Nouvelle-Guinée) Karmel Wong (Canada) Yu Xiang (Chine) Lin Yan (Chine) CONSEILLER AU PROJET David Woollcombe L’espoir est permis Nous payons notre indifférence en vies humaines PARTENAIRES AU PNUD Marisol Sanjines Pedro Manuel Moreno PARTENAIRES À TALKING-BOX Fabián Vázquez Savareikas Gonzalo Sanchez David Une coopération internationale est fondamentale REMERCIEMENTS: Rosey Simonds Bart Ullstein Helen de Mattos Joan Wilson Timothy Hastings Steve Riffkin Manifestations lentes mais inévitables © 2007 Peace Child International The White House | 46 High Street | Buntingford, Herts | SG9 9AH, R.-U. T2l. (+44) 1763 274459 | Fax. (+44) 1763 274460 www.peacechild.org | water@peacechild.org Programme des Nations Unies pour le développement 1 UN Plaza | New York | New York, 10017| É.-U. http://hdr.undp.org Notre passion anime notre volonté Incarnons le changement ! Publié par Celectron Printing Vale Business Park | Cowbridge | Vale of Glamorgan |CF71 7PF R.-U. Le contenu de cette revue peut être reproduit gratuitement, en partie ou dans son intégralité, à des fins éducatives. Cela ne requiert aucune autorisation spéciale à condition d’indiquer clairement la source de l’extrait utilisé (Peace Child International, PNUD ainsi que l’auteur ou le photographe concerné). Une notification écrite doit être adressée aux éditeurs. Cette publication ne peut pas être revendue ou servir à des fins commerciales, sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation écrite du PNUD et de l’éditeur. Toutes les images de ce livre ont été reproduites avec le consentement préalable de leurs auteurs. Le producteur, l’éditeur ou l’imprimeur ne reconnaîtront aucune responsabilité en matière de violation du droit d’auteur ou autre pour le contenu de cette publication. Tout effort a été fait pour veiller à ce que les attributions soient exactement conformes aux informations fournies. Les opinions exprimées dans ce livre ne reflètent pas nécessairement celles de l’éditeur, du PNUD, de Peace Child International ou de ses représentants, mais uniquement celles de leurs auteurs. Imprimé au Pays de Galles avec du papier recyclé. De nos jours, l’eau est beaucoup plus qu’une simple source de vie. La privation d’eau est source de pauvreté, d’inégalité, d’injustice sociale et d’importantes disparités dans les opportunités de la vie. Cette privation est particulièrement importante parce que l’eau est un droit humain et que personne ne devrait fermer les yeux sur la violation des droits humains. Nous ne devrions pas tolérer que des millions d’enfants ‘’meurent pour un verre d’eau ou par absence de toilettes’’. Kevin Watkins Directeur, Rapport mondial sur le développement humain 2006 3 Commencer à construire les fondations L’eau est un élément essentiel à la vie et un des principaux fondements du développement humain. Mais comme vous allez le voir, ces fondements ne sont pas encore une réalité pour une grande partie de l’humanité. Certains attribuent la crise actuelle à l’insuffisance des ressources en eau pour tout le monde. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) rejette ce point de vue, faisant valoir que la crise trouve son origine dans la pauvreté, l’inégalité et dans des rapports de force inégaux. Dans le monde, alors qu’un milliard de personnes sont privées du droit fondamental à une eau potable, ce sont les pauvres qui paient le prix le plus élevé. L’absence d’accès à l’eau crée des cycles de pauvreté qui renforcent les inégalités des genres, la mortalité et les maladies infantiles. On pourrait sauver la vie de deux millions de personnes en faisant de l’eau une question politique prioritaire. Mais ce n’est pas le cas : les stratégies en matière d’eau ne permettent pas de gagner des élections; l’hygiène n’est pas une question fondamentale durant les élections démocratiques. La communauté internationale n’a donc pas réussi à faire de l’eau une priorité. Les pauvres sont souvent privés de la représentation politique nécessaire pour faire valoir leur droit à l’eau. Ce livret est cependant loin de préconiser le désespoir. Nos recherches indiquent qu’en ce début du XXIe siècle, nous avons les moyens financiers, technologiques et les capacités nécessaires pour reléguer la crise de l’eau au rang de souvenir, aussi bien que les pays riches actuels l’ont fait il y a un siècle. Ce qui fait défaut, ce sont des plans d’action bien conçus et financés de façon adéquate. Encore une fois, nous affirmons que le monde n’est pas encore à court d’eau. Tout de même plusieurs millions de personnes parmi les plusvulnérablesdumondeviventdansdesrégionssoumisesdeplus en plus à un stress lié à l’eau. Il faut en faire davantage pour écarter les menaces que représentent les changements climatiques. La 4 concurrence pour l’eau s’intensifiera dans les décennies à venir, avec l’accroissement démographique, le développement industriel et les besoins de l’agriculture, qui pousseront la demande à la hausse. 1,4 milliard d’individus vivent dans des bassins hydrographiques où la consommationd’eauestsupérieureauxtauxderecharge.Lesfleuves s’assèchent, les nappes phréatiques baissent et les écosystèmes aquatiques se dégradent rapidement. Le monde est en train de piller une de ses ressources naturelles les plus précieuses et de contracter des dettes écologiques insoutenables - dont vous, les générations à venir, hériterez - et qui constitueront un problème de plus en plus ardu. Deux choses se produiront. Premièrement, les plus faibles verront leurs droits à l’eau diminuer par la présence de groupes plus puissants. Deuxièmement, les conflits transfrontaliers s’intensifieront et se transformeront en guerre ouverte, s’ils ne sont pas maîtrisés par des politiques publiques et une coopération internationale. Le Rapport mondial sur le Développement humain 2006 visait à encourager un débat entre les décideurs sur ces questions cruciales. J’espèrequecerésumédurapportparlesjeunesentraîneraundébat tout aussi stimulant au sein de la prochaine génération. Si l’inertie actuelle sur la politique en matière d’eau persiste, cette prochaine génération devra faire face à une crise de l’eau qui fera paraître dérisoire celle à laquelle les dirigeants d’aujourd'hui sont confrontés. Kemal Derviş Administrateur, programme des Nations Unies pour le développement Il faut se mettre à la tâche aujourd'hui pour sauver le monde demain … « Ils l’ont mis dans un sac en plastique et l’ont jeté dans la rue? C’est incroyable ! » Les six jeunes assis autour de la table manifestent en chœur leur incrédulité. « Non, je te dis que c’est vrai ! » Une voix perce à travers cette incrédulité. « Que faire d’autre ? Il n’y a ni canalisations, ni toilettes. Où aller alors ? » S’enfonçant dans sa chaise, attendant que son point de vue produise son effet, Patricia examine les visages autour d’elle. « Vraiment, nous n’avons pas idée de la chance que nous avons ». Pour résumer le Rapport mondial sur le développement humain 2006 en 28 pages destinées aux jeunes, il faut énormément se remuer les méninges, faire des recherches, écrire et faire des récits. La réunion éditoriale en est à son deuxième soir, et de jeunes rédacteurs, artistes et éditeurs du monde entier discutent en profondeur de la crise de l’eau et de l’hygiène. Les détails des toilettes volantes à Kibera (Kénya) entraînent un débat animé parmi les éditeurs sur les mérites de creuser un puit, de construire des latrines et d’irriguer au goutte-à-goutte. tistiques et de comptes rendus rédigés par ceux qui subissent directement la crise de l’eau et de l’hygiène dans le monde. Il compte 400 pages et examine en profondeur des questions politiques complexes, qu’on pourrait difficilement donner à lire aux jeunes d’aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle le PNUD a invité des jeunes du réseau mondial de Peace Child International à résumer le rapport, illustrations à l’appui, pour qu’il soit spécifiquement destiné aux jeunes. Autour de la table, la discussion s’est transformée en plus de 500 propositions. Des piles de textes, de poèmes, de dessins et de photographies se constituent en quelques minutes. On entend dans la pièce un bruit de pages froissées et des murmures d’excitation, tandis que les jeunes éditeurs s’informent et font part de ce que les jeunes du monde entier pensent de la pénurie d’eau. Le résultat est le manuel que vous êtes en train de lire. Le Rapport mondial sur le développement humain (RMDH) est une des publications les plus connues et les plus lues de l’Organisation des Nations Unies. Le rapport de 2006 évoque une des questions les plus ardues et les moins étudiées auxquelles l’humanité fait face : l’eau potable et l’hygiène adéquate. Le fait d’assurer de l’eau potable et une hygiène dans le monde permettrait de sauver 1,8 million d’enfants par an et de sauvegarder la dignité de 2,6 milliards de personnes. Le RMDH est un document fascinant, truffés de faits, de sta- Avant-Propos 5 Au Sommet des Nations Unies pour le Millénaire de 2000, les chefs d’État et de gouvernement ont énoncé une série d’objectifs destinés à réduire l’extrême pauvreté et à accroître la liberté de l’homme. Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont fondés sur la gouvernance démocratique, l’état de droit, le respect des droits humains, la paix et la sécurité; ils doivent être atteints d’ici à 2015. Ils peuvent l’être si tous les acteurs unissent leurs efforts. Les pays pauvres doivent améliorer la gouvernance et aider leurs populations en investissant dans les soins de santé et dans l’éducation. Les pays riches doivent accepter d’octroyer une aide étrangère, d’alléger la dette et d’instaurer des pratiques commerciales plus équitables. 8 défis pour changer le monde Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies Réduire l’extrême pauvreté et la faim Assurer l’éducation primaire pour tous Réduire la mortalité infantile Améliorer la santé maternelle Assurer un environnement durable Mettre en place un partenariat mondial pour le développement Il ne s’agit pas de savoir si nous pouvons nous permettre d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement… 6 Les OMD reposent sur une idée simple: l’extrême pauvreté et les grandes disparités sur le plan des possibilités ne sont pas des fatalités dans le monde, mais des problèmes qui peuvent être résolus. Si nous y réussissons, nous aurons accompli un pas de géant en direction du développement humain. Si nous ne parvenons pas à réaliser les OMD, notre sécurité et notre prospérité collectives s’en ressentiront. La double question de l’eau potable et d’une hygiène adéquate est inextricablement liée au succès des OMD. Des progrès soutenus dans les deux domaines sont nécessaires à la réalisation de chacun des objectifs. Assurer la durabilité de l’environnement et réduire de moitié le nombre de personnes qui n’ont pas d’accès durable à de l’eau potable et à une hygiène de base d’ici à 2015. 900 millions de personnes 1,3 milliard millions de journées de fréquentation scolaire 272 3,2 milliards de journées de travail d’économiser 1,7 milliard de dollars par an d’éviter 2 millions de décès Daniel Lopez Nina Best Olivier Cournoyer Boutin Shahrez Khan Julien Paquin ...mais si nous pouvons nous permettre de ne pas faire l’investissement. HORIZON 2015 : 8 DÉFIS POUR CHANGER LE MONDE 7 La liberté de réaliser son potentiel Le développement humain est lié à ce que les hommes peuvent faire et devenir – à leurs capacités – ainsi qu’à la liberté d’exercer de véritables choix dans leur vie. La sécurité de l’approvisionnement en eau fait partie intégrante du développement humain. Elle consiste à garantir que chaque individu ait un accès fiable à une quantité suffisante d’eau potable à un prix raisonnable, afin de lui permettre de vivre de manière productive, en bonne santé et dans la dignité. Viser un monde meilleur La sécurité et le développement humains représentent bien davantage que la croissance économique. Le développement humain jette les bases d’un monde meilleur, un monde sans pauvreté, qui met l’enseignement et les soins de santé à la disposition de tous. L’eau potable et l’hygiène sont étroitement liées au développement humain. La deuxième cause de mortalité infantile dans le monde est l’eau souillée, associée à l’absence d’hygiène, qui entraîne 4 900 morts par jour parmi les enfants. L’accès universel aux installations les plus élémentaires en matière d’eau et d’hygiène permettrait aux L’accès universel à des installations sanitaires basiques, permettraient d’économiser dans les systemes de santé des pays en développement, presque 1,6 milliards de dollards par an. systèmes de santé des pays en développement d’économiser environ 1,6 milliard de dollars par an. Lorsque les enfants parcourent de grandes distances pour aller chercher de l’eau ou tombent malades en buvant de l’eau insalubre, ils manquent l’école, ce qui nuit gravement à leur éducation. Une éducation incomplète et une mauvaise santé peuvent entraver leur capacité à travailler et les plonger dans un cercle vicieux de pauvreté, dont ils pourront difficilement sortir. Fort heureusement, d’énormes améliorations sont possibles. Le Plan global du Rapport sur le développement humain calcule qu’il nous faut 10 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et élargir dans d’énormes proportions l’accès à l’eau potable et à l’hygiène dans le monde entier. 10 milliards de dollars peuvent paraître considérables, mais les gouvernements dans le monde consacrent ce montant pour huit jours de dépenses militaires ! Imaginez-en les conséquences si nous utilisions une fraction de ces dépenses militaires pour assurer de l’eau potable et une hygiène pour tous. Ce qui donne matière à réflexion, c'est que dans les régions rurales du Bengale occidental, de grandes avancées sur le plan de la santé, de l’hygiène et du développement communautaire ont été obtenues à des coûts incroyablement bas. Grâce à un petit emprunt, les membres de la communauté ont construit des latrines dans plus de six villages. L’argent - 30 dollars par latrine – a été prêté durant un an sans intérêt permettant aux villageois de construire des latrines et de lancer de petites entreprises familiales. Ils se soulageaient auparavant dans les champs, une situation qui nuit à l’hygiène, à la sécurité et à l’intimité. Les solutions locales aux problèmes locaux sont l’amorce d’un changement. 8 Daniel Lopez L’eau donne la vie à tout, notamment au développement et à la liberté humaine. DÉVELOPPEMENT HUMAIN 9 Un préalable à la paix Les droits humains protègent chacun contre les abus politiques, juridiques et sociaux. Nous avons des droits fondés sur la dignité humaine, indépendamment de notre appartenance ethnique, de notre nationalité ou de notre sexe. D’après la Déclaration universelle des droits humains, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». 20 litres par jour... Le strict minimum. Je suis privé de mon droit à l’eau potable « L’accès à l’eau potable est un besoin fondamental et donc un droit fondamental. L’eau contaminée met en danger la santé physique et sociale de tous. C’est une atteinte à la dignité humaine ». Kofi Annan, Secrétaire des Nations Unies Chez moi, à Mushin, une banlieue de Lagos (Nigéria), l’eau coule rarement du robinet. Ma famille et moi devons acheter de l’eau de ceux qui en vendent. Chaque jour, nous dépensons 150 nairas environ (1 dollar américain) pour remplir une citerne de 80 litres. Ceux qui vivent dans les quartiers défavorisés n’ont pas autant de chance. Au lieu d’aller à l’école, les enfants très pauvres passent des heures par jour à collecter de l’eau pour leur familles. J’ai vu des enfants recueillir de l’eau à partir de conduites et de gouttières qui fuyaient. Au cours de la Journée mondiale de l’eau en 2001, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a mis le monde au défi de résoudre la crise de l’eau, poussant le PNUD à réagir : les gouvernements du monde doivent faire de 20 litres d’eau fraîche et potable par jour un droit universel fondamental, étant donné que cela représente le minimum pour permettre à une personne de vivre. Notre absence de progrès est évidente. Dans beaucoup de pays, nombreux sont ceux qui continuent d’avoir accès à moins de 20 litres ou de boire de l’eau insalubre contenant des matières fécales, des insecticides ou d’autres poisons. En outre, lorsque des sources sûres existent, elles ne sont disponibles que pour ceux qui peuvent payer. Remplir un récipient peut coûter entre 25 centimes et 1,25 dollar. Par conséquent, les 660 millions de personnes dans le monde qui vivent avec 2 dollars par jour ne peuvent simplement pas acheter de l’eau. Si l’eau n’est pas reconnue en tant que droit humain, ces situations peuvent durer à l’infini. L’eau doit aujourd'hui faire partie des droits humains et il faut pour cela un engagement total de la part de tous. Les collectivités locales font semblant de dénoncer cette situation dégradante : elles construisent des puits artésiens (des trous étroits et profonds dans le sol où on peut trouver parfois de l’eau), mais elles arrêtent les travaux au bout de deux à trois semaines. J’ai été deux fois hospitalisé parce que j’avais bu de l’eau d’un puits artésien. J’ai besoin d’eau pour vivre, mais tout ce que j’obtiens, c'est de l’eau souillée. J’ai droit à de l’eau potable et j’en suis privé. Pourquoi ? En tant que jeunes, nous avons besoin de sensibiliser à l’importance de l’eau potable et de l’hygiène. Nous devons changer nos mentalités, nos attitudes et nos habitudes à être proactifs. Nous devons travailler ensemble pour faire reconnaître l’eau comme un droit humain et obtenir un accroissement des fonds afin de rendre l’eau potable et sans danger, non seulement pour nous, mais aussi pour toutes les générations futures. Si les droits de chacun à l’eau et à l’hygiène étaient respectés, la santé et le développement s’en répercuteraient dans le monde entier. Les droits humains ne sont pas des options facultatives. 10 Francis Anyaegbu, Nigéria Des canettes d’argent Chaque matin en baillant elle souffre, désirant se rincer la bouche avec des cachets de fluorure. Avec un grand soin, elle incline le seau en plastique fendu comme une cannette remplie d’argent. Ou le retourne. En silence chargée de corvées qui nécessitent de l’eau en abondance. Esprit assoiffé, espoirs à sec. Mère désespérée à la recherche d’eau pour le bouillon. À cause du coût, les assiettes restent sales. Peux-tu juste regarder et nager dans un monde d’argent ? Charles Sendegeya, Ouganda Samadhee Malalasekera 20 litres droits fondamentaux. piliers du développement. Droits humains : des obligations contraignantes reflétant des valeurs universelles. L’EAU, UN DROIT FONDAMENTAL 11 Une urgence silencieuse : des gens meurent par millions Nombre de cas de mortalité infantile (millions) Reste du monde Diarrhée Paludisme Rougeole VIH/sida Asie du Sud Infections respiratoires aiguës 0.25 0.5 0.75 1 1.25 1.5 1.75 Afrique subsaharienne 2 5 milliards de cas de diarrhée sont diagnostiqués chaque année chez les enfants dans les pays en voie de développement et 1,8 million en meurent. De manière générale, la diarrhée causée par des bactéries et des virus dans les eaux polluées fait plus de morts que la tuberculose ou le paludisme. Lorsque le système d’égout fonctionne mal, l’eau forme des flaques stagnantes qui sont vite infectées par des moustiques porteurs du paludisme. Environ 3 600 personnes meurent chaque jour du paludisme, dont 3 200 enfants. 12 Bart Abbott L’eau non traitée mélangée à de l’eau potable est le meilleur moyen d’attraper le choléra. Daniel Lopez Yu Xian UNE CRISE SILENCIEUSE 13 2,6 milliards de personnes ne bénéficient pas d’hygiène Asie de l’Est et Pacifique 958,2 millions de personnes Asie du Sud 925,9 millions de personnes Afrique subsaharienne 436,7 millions de personnes Pays Arabes 80,1 millions de personnes Amérique Latine et Caraïbes 119,4 millions de personnes Au Cambodge, le salaire journalier des travailleurs ruraux ne couvre même pas les besoins nutritionnels fondamentaux d’une famille. Il faudrait 20 journées de salaire pour acheter une simple latrine à fosse sèche. C’est impossible quand il faut consacrer l’argent à la nourriture, aux vêtements ou au logement. 2,6 milliards de personnes, près de la moitié de la population totale des pays en voie de développement, n’ont pas accès à une hygiène adéquate. Cela représente un tiers de la population mondiale. La mortalité infantile peut être réduite de 50 % en rendant l’eau potable. 14 1,1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable Asie de l’Est et Pacifique 406,2 millions de personnes Asie du Sud 228,8 millions de personnes Afrique subsaharienne 314 millions de personnes Pays Arabes 37,7 millions de personnes Amérique Latine et Caraïbes 49,4 millions de personnes 1/6 de la population mondiale n’a pas accès à de l’eau potable. Dans le monde en développement, 1 personne sur 5 vit sans eau potable. 660 millions d’individus vivent avec moins de 2 dollars par jour, sans accès à une source d’eau potable. 385 millions d’entre eux vivent dans la pauvreté absolue, avec moins de 1 dollar par jour. 700 millions de personnes vivent dans des pays où l’eau se fait rare; d’ici à 2025, elles seront au nombre de 3 milliards. UNE CRISE SILENCIEUSE 15 L’eau ne coûte rien pour les uns et tout pour les autres Les pauvres paient des sommes considérables d’argent pour de faibles quantités d’eau. Pour l’obtenir, ils parcourent de grandes distances, attendent des heures et se l’arrachent avec d’autres personnes qui recherchent cette précieuse ressource avec le même désespoir. Pour lutter contre cette inégalité, il faut non seulement veiller à ce que chacun reçoive 20 litres d’eau par jour, mais que ceux-ci soient potables, abordables et même gratuits pour les pauvres. Prix de l’eau (dollars en mètre cube) 0 1 2 3 4 5 6 Si vous vivez dans un taudis à Manille, vous payez davantage pour votre eau que les habitants de Londres. New York (É.-U.) Londres (R.-U.) Manille (Philippines) Accra (Ghana) Barranquilla (Colombie) Du robinet ou de la bouteille... Ayant vécu toute ma vie dans une grande ville de Russie, j’étais habitué à acheter de l’eau minérale en bouteille. Boire de l’eau du robinet ne me traversait pas l’esprit, car c’était le meilleur moyen de tomber malade. Chaque matin, j’utilisais de l’eau minérale pour me brosser les dents. Quand nous en n’avions plus, j’utilisais des filtres spéciaux et je faisais bouillir l’eau, ce qui me prenait une éternité. J’allais parfois à l’école sans me brosser les dents. Aujourd’hui, je suis étudiante dans le cadre d’un programme d’échange aux Etats-Unis. Imaginez ma surprise en voyant les adultes qui m’ont accueillie, boire de l’eau du robinet. Mais ils continuent d’acheter de l’eau minérale, j’ignore pourquoi. Olya Chebykina, Russie L’inégalité de l’accès à l’eau : un système d’apartheid fondé sur la richesse et l’emplacement géographique. 16 Karmel Wong Avoir conscience des canalisations qui gèlent L’hiver est arrivé aujourd’hui au Canada et les canalisations ont gelé dans notre grange. À 6 heures du matin, mon frère Eric et moi commençons à traîner des seaux de 20 litres d’eau de la maison à la grange pour donner à boire aux animaux. Sous mes couches de vêtements, j’ai encore froid : aujourd'hui est une vraie journée du Nord. Pendant que j’attends que les seaux se remplissent, je me dis : C’est drôle de faire quelque chose que l’être humain a abandonné depuis longtemps. Puis je me reprends : Ceux qui transportent encore chaque jour de l’eau sont encore nombreux dans le monde. Les seaux remplis, je retourne à la grange. Le premier trajet est revigorant. Je suis en plein air, je fais de l’exercice, je suis investi d’une mission : acheminer de l’eau aux animaux. A l’intérieur, je suis accueilli par une vache et un lama assoiffés, qui ont la politesse de ne pas se plaindre, contrairement aux moutons et aux chèvres, qui me font sentir que leur situation actuelle est entièrement de ma faute. Retournant vers la maison, je m’aperçois que j’ai mal aux bras. La matinée sera dure. Une fois dans la maison, je réfléchis de nouveau, me disant : Je ressemble aux habitants de la planète qui transportent chaque jour leur eau. Puis je pense : Non, mes vaches sont des animaux domestiques. Ma vie ne dépend pas de leur survie. Et elles comptent rarement sur moi pour avoir de l’eau. Normalement, tout ce que je fais, c’est leur ouvrir le robinet. Les seaux remplis interrompent le fil de mes pensées. Je parcours les derniers cinquante mètres jusqu’à l’abreuvoir des vaches et je vide immédiatement les seaux. Je leur dis combien elles ont de la chance, avant de retourner à la maison pour recommencer. Je suis habitué aux durs travaux de ferme, mais marcher dans la neige en transportant 40 litres d’eau nécessite des muscles rarement utilisés. Marchant côte à côte, Eric et moi nous disons qu’il faudrait le faire chaque jour pour renforcer notre musculature. C'est ce que font des milliers de personnes chaque jour dans le monde. Normalement, tout ce que je fais, c’est tourner le robinet... J’essaie d’imaginer à quoi ressemblerait tout ce travail, chaque jour, pour chaque gorgée d’eau. En passant devant les vaches, je remarque que l’abreuvoir est sale et qu’il faudra bientôt le nettoyer. L’eau qui coule de mon robinet est limpide. Mais qu’aurais-je fait si elle provenait d’une rivière boueuse ou d’une marée stagnante ? Ou si la seule eau à laquelle j’avais accès était sale ? Je regarde les chevaux, les vaches – mes animaux domestiques – se désaltérer avec de l’eau salubre. De l’eau bien plus propre que celle que boivent des millions de personnes. Pourquoi ont-ils cette richesse et ce luxe ? Pourquoi ai-je autant d’eau, alors que d’autres ont soif ? Pourquoi tant de gens se demandent comment ils vont obtenir leur prochain verre d’eau ? Que puis-je faire ? Connor Youngerman, Canada 385 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour et n’ont pas accès à de l’eau non polluée. FAIRE FACE A L’INEGALITETE 17 Le fardeau des femmes et des filles Les femmes et les filles dans le monde paient un prix bien plus élever dans la crise de l’eau et de l’hygiène. Dans plusieurs régions, leur culture leur dicte de s’occuper des tâches ménagères; il leur incombe donc d’aller trouver et de chercher de l’eau pour la famille entière. Pour les filles, l’absence d’eau potable et de toilettes près de la maison signifie qu’elles n’ont pas autant la possibilité d’aller à l’école, d’acquérir des compétences utiles et de participer pleinement à leur communauté. Temps perdu, avenirs gâchés C’est un problème assez simple : lorsque les femmes et les filles doivent recueillir de l’eau et la transporter, ou parcourir de grandes distances pour trouver un endroit où se soulager, elles perdent un temps qu’elles pourraient consacrer à autre chose, comme aller à l’école, jouer avec des enfants ou travailler. Les liens sont clairs : « Bien sûr que j’aurais souhaité aller à l’école » explique Maria, une jeune fille de dix ans d’El Alto (Bolivie). « Mais comment le pourrais-je ? Ma mère a besoin que j’aille chercher de l’eau, et les colonnes d’alimentation ne sont ouvertes que de 10 heures à midi. Il faut y aller tôt pour se mettre dans la file, en raison de l’affluence ». En Tanzanie, où les filles vivent à moins de 15 minutes d’une source d’eau, la scolarisation est plus élevée de 12 %. La corvée d’eau n’est pas la seule barrière à l’éducation des filles; celles qui ont la chance d’être scolarisées doivent souvent quitter l’école, parce que les toilettes y sont inadéquates ou inexistantes. Beaucoup de parents, inquiets de l’absence d’hygiène, de sécurité et d’intimité dans les latrines scolaires, retirent leurs filles de l’école dès qu’elles atteignent l’âge de la puberté. Au Bangladesh, lorsqu’un programme de l’UNICEF a amélioré les installations sanitaires à l’école, le nombre de filles scolarisées a augmenté de 11 %. Quand les femmes et les filles ont accès à de l’eau potable et à l’hygiène, les bienfaits sont durables. Les femmes éduquées sont mieux en mesure de participer aux décisions du ménage, de la communauté et du pays. Les filles éduquées ont tendance à se marier et à avoir des enfants plus tard, elles en ont moins, et ils sont en meilleure santé que ceux des mères non éduquées. Il est clair que si nous faisions de l’hygiène et de l’approvisionnement en eau une priorité dans le monde en développement, nous serions en meilleure voie de réaliser le troisième objectif du Millénaire pour le développement : « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ». Beaucoup de parents, inquiets de l’absence d’hygiène, de sécurité et d’intimité dans les latrines scolaires, retirent leurs filles de l’école dès qu’elles atteignent l’âge de la puberté. 40 milliards d’heures sont consacrées chaque année à recueillir de l’eau en Afrique subsaharienne – l’équivalent d’un an de travail pour l’ensemble de la main-d’œuvre en France. 18 Antonio Suarez La moitié des filles qui abandonnent l’école en Afrique subsaharienne le font en raison des mauvaises conditions sur le plan de l’eau et des sanitaires. INEGALITE DES GENRES 19 Un laps de temps de 300 ans: Mumbai, 2007 = Londres, 1707 Il y a de l’espoir ! L’histoire montre que quand les grandes métropoles comme Londres ou New York mettent en place un système sanitaire adéquat, les habitants sont en meilleure santé, les maladies transmises par l’eau, comme le choléra, disparaissent. Comme les citoyens n’ont plus le souci des maladies, ils commencent à avoir des vies plus productives, plus longues et peuvent au fil du temps faire des progrès sur le plan du développement humain. Notre défi consiste à reproduire ces avancées dans les où l’eau et les systèmes de traitement manquent. Réduction du risque de mortalité (%) Egypte Ouganda Pérou Cameroun 0 Les recherches du PNUD montrent qu’un meilleur approvisionnement en eau et un hygiène amélioré peuvent réduire les cas de mortalité infantile à grande échelle. 20 40 60 80 100 Meilleur hygiène Meilleur approvisionnement en eau Investir dans l’eau et l’hygiène peut grandement faciliter la réalisation de l’objectif du Millénaire pour le développement 4, à savoir « réduire la moralité infantile ». Lorsqu’un seul camion de pompage s’est mis à l’œuvre à Orangi (Pakistan), le taux de mortalité infantile est passé de 130 décès pour 1 000 naissances au début des années 1980 à moins de 40 pour 1 000 naissances aujourd'hui. Les collectivités nationales, régionales et locales doivent prendre l’initiative pour s’assurer que l’eau, l’hygiène et la santé publique sont des priorités. 20 Bart Abbott L’eau donne un second souffle de vie Le village de Moturumesi et les régions avoisinantes de Nyamira (Kenya) connaissent depuis longtemps une crise de l’eau, mais, en 2004, les villageois ont obtenu un soutien du gouvernement et d’autres organismes donateurs. Aujourd'hui, l’eau tirée du nouveau puits et du système de canalisation municipal dessert plus de 15 000 personnes et 30 000 animaux. On voit des visages heureux. « Nos animaux sont en bonne santé et je suis sûre d’aller tôt à l’école », dit SusanKwamboka,quiavaitsouventlecholéra,avantqueceprojetne se mette en place. Ma plus grande joie est d’aller voir ma grand-mère, qui habite Moturumesi. Les changements me simplifient la vie quand je vais lui rendre visite. Je n’ai plus à parcourir de grands trajets pour aller chercher de l’eau potable ou accompagner les animaux vers des fleuves éloignés. Ma grand-mère n’a plus à emmener ses enfants et ses petits-enfants à l’hôpital. Elle peut arroser régulièrement ses culturesets’assurerunebonnerécolte.Ladisponibilitésoudainedel’eau lui donne un nouveau visage. Elle aime se doucher chaque jour, ce qu’elle n’avait pas fait pendant des années. Pour elle, la vie vient juste de commencer. Joshua Awala, Kenya Bart Abbott Grâce au Conseil d’administration communautaire de l’eau et de l’hygiène du Ghana, 200 000 personnes de plus par an ont accès à de l’eau fraîche et potable ! LES BIENFAITS DE L’ACTION 21 Nous payons notre indifférence en vies humaines La crise de l’eau menace l’humanité tout entière. Des nourrissons meurent du choléra; des personnes boivent de l’eau contaminée et les femmes parcourent des kilomètres chaque jour pour atteindre un point d’eau polluée. Notre inaction va nous détruire. Si nous continuons de traîner les pieds, nous condamnerons des milliards de personnes à la pauvreté, à la maladie et à la mort. L’eau n'est pas une denrée, mais une nécessité pour la vie. Malade au niveau des orteils Pendant des années, les propriétaires des immeubles de l’autre côté de la rue ont déversé leurs égouts et leurs déchets humains sur le terrain de jeu d’Ezra Gumbe, une école primaire d’Afrique de l’Est, où Francisca Howalla est enseignante. Se tenant dans la partie la plus sèche du terrain de jeu, elle montre, à l’aide de son doigt, le ruisseau d’eau porteuse de maladies, qui s’écoule en direction de la route, dans de petits fossés creusés à la main. « Cet étang s’est formé en plein milieu du terrain de jeu et rend les enfants malades », dit-elle. « Nous soignons 30 enfants par semaine atteints de diarrhée ou de paludisme ». Dans le monde entier, les enfants succombent à un manque d’hygiène. John Mark, Marcos et Babu sont des élèves à Ezra Gumbe. Ils ont dix ans environ et, comme tous les enfants, ils adorent jouer. Il y a de l’eau à l’école qui n’est pas propre, dit John Mark. « Lorsqu’on court dans le champ, là-bas, on a mal aux jambes au niveau des orteils ». John Mark et Marcos se penchent pour montrer leurs pieds. La maladie dont ils parlent est probablement la bilharziose, causée par des vers parasites qui infestent l’eau contaminée par l’urine ou les matières fécales. Les vers pénètrent dans le pied et entraînent une rougeur et des douleurs, que John Mark, Marcos et Babu disent tous avoir ressenties. Si la bilharziose n’est pas soignée rapidement, elle peut endommager le foie, les intestins, la vessie, les poumons, et peut entraîner la mort. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant stipule spécifiquement que les enfants ont un droit inaliénable « à se livrer au jeu et à des activités récréatives ». Non seulement on vole aux jeunes d’Ezra Gumbe leur santé, on les prive également de leur enfance. Ils ne peuvent pas jouer, courir, s’amuser ou être heureux sans risquer d’attraper une maladie mortelle. Comment être heureux dans ces conditions? Malgré cela, lorsqu’on a demandé à John Mark, à Marcos et à Babu de faire une grimace devant la caméra, ils étaient absolument ravis. C’est la beauté de l’esprit d’un enfant. C'est une des forces les plus pures et les plus puissantes de paix et de tranquillité, et c'est la raison pour laquelle il faut la protéger et l’alimenter. Bart Abbott, États-Unis Toutes les 3 minutes, un enfant meurt de la diarrhée. Dans la plupart des pays en développement, l’eau insalubre représente une plus grande menace à la vie humaine qu’un conflit violent. Pour le moment, près de la moitié de la population du monde en développement souffre de maladies liées à de l’eau insalubre et à une hygiène inadéquate. 22 Darpan Mandal LE COÛT DE L’INACTION 23 Une coopération internationale est fondamentale pour le bien-être de tous Lorsqu’un grand nombre de pays dépend d’une source d’eau unique, la coopération est non seulement logique mais essentielle à la survie humaine. Bien que l’accès à l’eau puisse être une force qui divise, elle peut également unifier. Malheureusement, les pays qui jouxtent la même réserve d’eau ne coopèrent pas souvent et finissent par se battre pour cette ressource. Les gouvernements doivent radicalement modifier leurs perspectives et apprendre à partager. Lutter contre les abus Coopération en vue d’une revitalisation Sur le plateau entre le Pérou et la Bolivie se trouve le Lac Titicaca. Mais il est en train de disparaître. Nous dépendons du lac, mais nous l’avons surexploité, permettant aux déchets provenant de l’extraction minière et de l’agriculture d’entrer dans l’écosystème. Près d’un million de personnes vivent autour du lac, mais ne sont pas conscientes des dégâts qu’elles ont causés. On nous met en garde contre le fait de boire l’eau ou de manger du poisson, alors que c’est mon mets préféré ! Le fleuve du Danube coule à travers un bassin qui s’étend sur 19 pays d’Europe, dont l’Allemagne, mon pays. Pendant longtemps, la gestion du fleuve était difficile, du fait de son utilisation constante par un grand nombre de pays. Mais en 1998, une commission de représentants de tous les pays frontaliers a été constituée pour déployer un effort conjoint visant à protéger le fleuve et les régions avoisinantes. Au cours des quinze dernières années, les gouvernements bolivien et péruvien ont créé des organisations pour mettre fin aux abus. Elles s’efforcent de sensibiliser les habitants de la région à l’impact de leurs méthodes agricoles. Des plans prévoient d’améliorer les centres de traitement des déchets, mais les obstacles sont énormes. Les habitants sont trop nombreux pour que nous puissions rendre les méthodes agricoles traditionnelles durables. Les déchets d’une exploitation agricole n’entraînent pas beaucoup de dégâts, mais ceux de milliers d’exploitations, si. Quand je me promène sur les rives du lac, près de ma maison, je suis malade de voir toute cette pollution. Avant de pouvoir nettoyer le lac, nous devons assainir nos vies. Il nous faut un meilleur traitement des déchets et de meilleurs services de santé, ainsi que des techniques agricoles durables. Le Lac Titicaca constitue une ressource immense, mais nous risquons de le détruire, faute de soins. La coopération entre les gouvernements péruvien et bolivien pourrait nous permettre d’agir avant qu’il ne soit trop tard et de sauver le lac. J’espère pouvoir manger de nouveau du poisson, un jour ! Gaby Mavila, Pérou Le principal obstacle était et continue d’être le réaménagement du fleuve, pour qu’il retrouve sa gloire d’antant (d’antan) et puisse ainsi assurer un système d’eau potable pour l’Europe. Depuis 2001, des milliards de dollars ont été investis dans le nettoyage du fleuve, de ses estuaires et des régions voisines. J’ai organisé le nettoyage d’un estuaire près de ma maison. Les résultats de ces travaux sont très positifs et commencent à être visibles : le nombre d’espèces différentes vivant dans le fleuve a presque doublé depuis les années 1980, l’eau est plus claire et les riverains sont plus heureux et en meilleure santé. Ma mère nous disait de ne pas aller nager dans le fleuve en été, chose que nous pouvons faire, aujourd'hui. Bien que les travaux aient nécessité un important investissement économique et politique, les bienfaits de ces améliorations profitent à chacun. Ils prouvent que les nations peuvent s’unir et résoudre un problème mutuel, montrant ce qui pourrait se produire dans d’autres régions qui ont connu des conflits autour de systèmes d’eau partagés. Nous pouvons tirer du Danube de l’eau et de l’espoir. 9 pays se partagent l’Amazone; 11 pays se partagent le Nil. 24 Matthias Schmidt, Allemagne Frontières naturelles La lutte autour de l’eau entraîne une guerre sanglante Mais l’eau n’a pas les préjudices épais du sang. L’eau est partout, pour tout le monde. Les fleuves suivent les concours unificateurs de la terre, pas les divisions que nous avons créées. Et par nos désirs aveugles Nous avons tendance à oublier Que le fleuve se trouvait là avant nous, Et que nos frontières ne sont qu’imaginaires. Andrea Davidson, Canada Samson Gounue Conflit du barrage Dans ma localité, en Inde, la lutte pour l’accès à des ressources d’eau communes est courante. Grâce au gouvernement et au système juridique, ces différends sont souvent réglés sur le plan civil, mais comme les jugements aboutissent difficilement et que les affaires prennent des années avant d’être réglées, les crises sont inévitables. de mon père. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Pendant seize ans, les tribunaux et la législature n’ont pas réussi à régler à l’amiable la crise, qui ressurgit chaque été. Et, durant seize années, les habitants du Tamil Nadu et du Karnataka ont eu recours à la violence pour défendre leurs revendications sur les eaux précieuses du Cauvery. In 1991, l’État du Tamil Nadu dont je suis originaire a connu une sécheresse dévastatrice avec l’assèchement du fleuve Cauvery, qui alimente en eau notre État et celui, voisin, du Karnataka. Le Cauvery traverse d’abord le Karnataka avant d’atteindre le Tamil Nadu. Un barrage entre nos deux États permet de transférer une quantité d’eau spécifique du Cauvery aux agriculteurs du Tamil Nadu, tout en préservant une certaine quantité pour les agriculteurs du Karnataka. Le 5 février 2007, la Cour suprême en Inde a enfin trouvé un règlement juridique qui, espérons-le, permettra de résoudre la crise. Le verdict établit des quotas nationaux pour la quantité d’eau reçue par chaque État et veille à ce qu’ils soient respectés durant les mois secs et difficiles de l’été. Le plan du gouvernement représente un compromis raisonnable et, grâce à cette intervention juridique, les agriculteurs de mon État natal du Tamil Nadu et ceux du Karnataka auront suffisamment d’eau chaque été. Espérons que la violence et les querelles cesseront. En raison de la sécheresse, l’eau qui aurait dû être acheminée au Tamil Nadu n’est jamais parvenue à nos agriculteurs, qui n’en avaient plus suffisamment pour irriguer leurs champs. Je n’avais que cinq ans, mais je me rappelle encore la colère Preetam Alex, Inde Darpan Mandal 2 personnes sur 5 vivent dans des bassins hydrographiques communs à plusieurs pays. L’EAU AUX FRONTIÈRES 25 Manifestations lentes mais inévitables Les gaz à effet de serre réchauffent de plus en plus la planète. Notre priorité mondiale dans l’immédiat doit être d’élaborer des stratégies pour écarter les menaces au développement humain. Les effets des changements climatiques : augmentation du niveau de la mer, sécheresses, innondations (inondations) et températures imprévisibles auront des incidences sur la santé, la sécurité et les moyens d’existence de millions de personnes dans le monde. Hausse des températures Évaporation croissante des océans Bouleversement du cycle de l’eau, entraînant des modifications dans le schéma de la pluie Températures plus extrêmes, davantage d’inondations et de sécheresses Un monde en réchauffement Quoi que nous fassions, le monde changera de manière radicale au cours de la prochaine décennie en raison des gaz à effet de serre (principalement du dioxyde de carbone, du méthane et de l’ozone) dont nous avons déjà chargé notre atmosphère. La hausse de la température de l’air accroîtra l’évaporation des océans et accélérera celle de l’eau depuis le sol. Les zones sèches deviendront plus sèches et les zones humides plus humides. Ces changements s’accompagneront de nouveaux schémas de précipitations et de phénomènes climatiques plus extrêmes, comme les récents cyclones tropicaux. Le Protocole de Kyoto de 1997 a été la mesure la plus concrète prise à ce jour pour atténuer les changements climatiques. Les gouvernements ont promis de réduire de 5% d’ici à 2012 les niveaux d’émissions de dioxyde de carbone par rapport au niveau de 1990. Mais ni l’Australie, ni les Etats- Unis n’ont signé le Protocole, qui ne s’applique pas à des pays en développement comme la Chine ou l’Inde. En réalité, Kyoto couvre moins d’un tiers des émissions dans le monde. Un progrès véritable exige un degré sans précédent de coopération internationale. Les pays riches doivent « décarboniser » leurs économies; en même temps, on ne peut pas passer sous silence les importantes empreintes écologiques que laissent les pays en développement. . Les signataires du Protocole de Kyoto ont promis de réduire de 5 % d’ici à 2012 les émissions de dioxyde de carbone par rapport au niveau de 1990. En raison de la sécheresse, de 75 à 125 millions de personnes supplémentaires risquent de souffrir de la malnutrition. 26 En Afrique de l’Ouest, le débit des fleuves a baissé de plus de 40 % depuis les années 1970. Selon les annales, les dix années les plus chaudes se sont produites depuis 1994. Dans les années 1990, environ 201 millions de personnes par an ont été touchées par les catastrophes climatiques. Les années 1990 ont été la décennie la plus chaude depuis le 14ème siècle. La planète se réchauffera de 0,2ºC à 0,5ºC tous les dix ans, au cours des années à venir. De l’eau, de l’eau partout... En janvier 2006, le fleuve Waghi, dans les hauts plateaux de l’ouest de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, est sorti de son lit. Après des mois de sécheresse, ma famille avait prié pour la pluie. Il nous fallait de l’eau pour les potagers qui nous permettaient de nous nourrir et pour les plantations de café où nous travaillions. Lorsque la pluie a commencé à tomber, elle ne s'est pas arrêtée. Le fleuve a débordé de ses rives et a tout inondé dans la vallée. Tous les habitants du village se sont enfuis dans les collines, mais nos maisons, nos jardins, nos animaux, la plantation... Tout était sous l’eau. Nous avons pensé à tort que le pire était derrière nous, lorsque l’eau a reflué. Tout était recouvert d’une épaisse couche de boue, de sable et de débris. Les corps des animaux noyés se sont mis à se décomposer et nous sommes tombés malades à cause du paludisme, parce que les flaques et les étangs sont le terrain idéal à la reproduction des moustiques. Il nous a fallu quatre mois pour nettoyer et réparer, avant que ma famille puisse retourner chez elle. Edward Blackie Le paradoxe de l’inondation, c'est que nous avions prié pour la pluie et que l’eau était venue, mais que nous souffrions à présent d’une soif aiguë. Après l’inondation, nous n’avions plus accès à de l’eau potable pour boire ou nous laver, parce que les ruisseaux habituels où nous allions nous approvisionner avaient été détruits ou étaient pollués en raison des carcasses d’animaux. Nous avons dû acheter de l’eau en bouteille ! Même un an plus tard, la situation ne s’est pas encore normalisée. Norman Wai, Papouasie-Nouvelle-Guinée Si toutes les émissions prenaient fin aujourd'hui, les températures continueraient de monter, à cause des émissions antérieures. LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 27 Notre passion anime notre volonté Entrain. Tenacité. Passion. Engagement. Courage. Vision. Attitude positive. Voici ce qui définit l’esprit d’activisme des jeunes. Les jeunes ont prouvé à maintes reprises qu’ils sont de bons enseignants et réfléchissent de manière novatrice. Nous vous présentons des exemples de jeunes qui introduisent des changements révolutionnaires dans leur communauté, contribuant à mettre fin à la menace insidieuse des maladies transmises par l’eau, et luttant pour leurs droits à de l’eau non poluée. Des mesures modestes Le miracle des toilettes des réfugiés « Chez moi, je réutilise l’eau du robinet pour les toilettes», dit Lin Yan, de Chine. Le mois suivant, ma mère était surprise de voir la facture de l’eau baisser de 20 % ! En voyant ce qui se passait autour de moi, j’ai décidé de lancer la campagne « Comment économiser de l’eau chez soi ». J’ai imprimé des prospectus et j’ai constitué une équipe de personnes qui ont décidé de m’aider. Chaque année, à la Journée mondiale de l’eau, nous organisons des activités de sensibilisation dans notre communauté. Grâce à une mesure modeste, nous avons le sentiment d’aller dans la bonne direction et veillons à ce que les personnes, surtout les plus pauvres, aient accès à suffisamment d’eau pour moins d’argent ». Après la guerre civile en Sierra Leone, les camps de réfugiés étaient bondés. Mandela Camp, un des plus grands, n’avait, pour 1 000 personnes, que sept toilettes, qui étaient loin d’être propres ! Les déchets se déversaient dans un fossé, devant la porte de John Koroma. Préoccupé par les risques de santé auxquels lui et d’autres étaient soumis, John a décidé d’agir ! A l’aide de ses amis, de ses proches et des membres de la communauté, il a demandé (et obtenu) des fonds pour rénover les toilletes. L’équipe a conçu un plan pour reconstruire les toilettes, a installé des citernes et des cuvettes et les a reliées à un tuyau en plastique de 80 mètres, acheminant ainsi les eaux usées vers la principale canalisation, dans la rue. Pour la somme de 1 045 dollars, John a réussi à faire une énorme différence dans la vie des gens. Nina Best Anika Singh « L’eau sale ne peut pas être nettoyée ». Proverbe africain 28 Daniel Lopez Scolarisation grâce à l’énergie solaire Vu Thuy Anh a été furieuse d’apprendre que les enfants du village dans son Viet Nam natal ne pouvaient pas aller à l’école durant la saison sèche parce qu’ils devaient parcourir 30 km par jour pour aller chercher de l’eau. Elle et un ingénieur ont conçu un système pour puiser de l’eau de la source la plus proche, à 12 km. Le système à énergie solaire utilise une pompe pour acheminer l’eau de la source au village, grâce à une canalisation et à une cuve de stockage. En deux jours, Vu, ses amis et 60 villageois ont creusé le fossé pour la canalisation. À la fin de la semaine, la cuve de stockage était pleine. L’ingénieur du projet, Nguyen Xuan An, a formé les jeunes pour qu’ils huilent les parties mobiles de la pompe et pour qu’ils la surveillent régulièrement. Les jeunes, accompagnés d’autres personnes qui les aident, effectuent chaque jour la vérification requise. Ils viennent voir la pompe qui leur a permis d’économiser tellement de temps et qui leur a permis de retourner à l’école. Je peux faire une promesse et un souhait. Je promets que je ne gaspillerai plus jamais l’eau et je souhaite que chaque habitant de la planète en fasse de même. Raffia Saleem, Pakistan Dan Porges/Still Pictures « Ton eau ne te manquera que lorsque ton puits sera à sec ». Bob Marley L’ACTION DES JEUNES 29 De quoi avons-nous besoin pour mettre fin à la crise… 30 Faire de 20 litres d’eau potable par jour un droit humain inaliénable. Veiller à ce qu’aucun foyer ne consacre plus de 3 % de ses revenus à l’eau. Veiller à ce que les pauvres aient de l’eau gratuitement. Faire en sorte que les gouvernements fassent de l’eau potable et de l’hygiène des priorités nationales et fournissent des fonds aux projets de développement. Les gouvernements et les groupes communautaires doivent travailler ensemble pour élaborer des solutions appropriées sur le plan local aux problèmes de l’eau et de l’hygiène. Les donateurs internationaux doivent financer les projets liés à l’eau et à l’hygiène. Incarnez le changement ! En tant que jeunes, nous nous trouvons dans une situation singulière : nous avons l’énergie, le temps et l’enthousiasme. Le moment est venu d’agir. Impliquez-vous ! Informe-toi sur la crise de l’eau et de l’hygiène. Commence par en parler autour de toi. Dis-le à tes amis, à tes camarades, à tes parents. Fait du bénévolat auprès d’une organisation qui s’occupe des questions d’eau et d’hygiène ! La plupart des organisations donnent de petites subventions aux projets pilotés par les jeunes. Ecris-leur une proposition et prépare-leur un budget. Une simple somme de 300 à 500 dollars peut beaucoup aider dans un grand nombre de pays en développement. Réutilise l’eau qui a servi à laver les légumes pour arroser les plantes ou faire du nettoyage. Ferme le robinet quand tu te brosses les dents. Fais installer chez toi un robinet qui économise de l’eau. Si ta communauté a besoin d’un puits ou de latrines, réunis des amis, cherche des financements et commence à creuser ! Si tu vis dans une région qui regorge d’eau, crée un club pour collecter de l’argent et financer des projets dans des régions qui sont dans le besoin. Envoie des lettres, des cartes postales, des messages électroniques, des pigeons voyageurs à ton gouvernement. Dis-lui que tu t’attends à des progrès et à des investissements importants dans les projets liés à l’eau et à l’hygiène. Sois créatif. Les options sont illimitées... EN AVANT POUR L’AVENIR 31 Darpan Mandal – 20 litres par jour – http://hdr.undp.org www.peacechild.org