LE CAMION SCANIA
Transcription
LE CAMION SCANIA
Edition spéciale 1902–2002 LE CAMION SCANIA – Un routier centenaire 1902 : DÉBUT DE SIÈCLE, ère de pionniers. A Malmö, la société Maskinfabriksaktiebolaget Scania construit un camion muni d’un moteur bicylindre de 12 chevaux et chargeant 1,5 tonne. A Södertälje, Vagnfabriks-Aktiebolaget essaie sur route un camion à moteur de 9 chevaux, en charge et à vide, sur des chaussées pavées et sur des routes rurales déplorables. UN SIÈCLE PLUS TARD, le progrès technique a engendré des véhicules de transport qui réalisent des performances dont les pionniers du poids lourd n’auraient jamais osé rêver. LE CAMION SCANIA est donc centenaire. Cette édition spéciale nous relate son évolution sur les plans de la technique, du design, de la capacité de transport, du service et de l’entretien, mais jette aussi un bref coup d’œil vers un avenir prometteur. Texte: CONNY HETTING et ANDERS TUNBERG Photos: SCANIA PHOTO ARCHIVE Illustrations: SCANIA STYLING DEPARTMENT Un siècle mémorable DE LA TRANSMISSION À CHAÎNE À L’OPTICRUISE T out siècle a son cortège d’événements ! En 1902, deux entreprises, Scania fondée à Malmö en 1900 et Vabis à Södertälje en 1891, sortent leur premier camion. Une cinquantaine de véhicules automobiles de toutes sortes roulent alors en Suède. Le monde a encore devant lui deux guerres mondiales, les premiers pas de l’homme sur la Lune, l’énergie nucléaire, les pétroliers géants, les ordinateurs personnels et l’Empire State Building. Le prix Nobel a tout juste un an et il reste à Rudolf Diesel onze années à vivre. La simple idée de voir des camions motorisés remplacer chevaux et charrettes est si audacieuse qu’il faudra plusieurs années pour l’ancrer dans l’esprit des entrepreneurs et du public. Ce n’est donc qu’en 1907 que Scania 2 – Le camion Scania 100 ans et Vabis commencent à produire des camions en série. Néanmoins, très vite, les deux jeunes constructeurs proposent la benne basculante en option et par souci de rentabilité et de fiabilité des véhicules, ils commencent à monter les roues sur des roulements à billes à partir de 1912 puis de série en 1923. Scania et Vabis fusionnent en 1911, mettant ainsi en commun le meilleur de leurs compétences techniques. Huit ans plus tard, Scania-Vabis décide de se concentrer sur les poids lourds, dont les nouveaux moteurs, économes en carburant, et la boîte de vitesses à 4 rapports conçue vers 1920 vont constituer le fondement. Scania-Vabis explore bientôt les moyens d’optimiser encore davantage ses moteurs déjà sobres. En 1922, la société fait breveter un nouveau car- En 1909, un IL Scania de 24 chevaux muni de roues sur roulements à billes remporte un succès d’endurance après avoir roulé trois jours et consommé plus de 400 litres de carburant. se cependant d’un tout nouvel atout : le moteur Hesselman. Conçu et présenté en 1926 par Jonas Hesselman, ce moteur était basé sur celui à carburateur mais l’essence pouvait y être remplacée par du fioul, moitié moins cher que l’essence, d’où une forte baisse des coûts d’exploitation. A la différence des moteurs à carburateur, le Hesselman comportait une pompe d’injection qui, via des tubes injecteurs, distribuait le carbu- Le premier camion Vabis chargeait 1,5 tonne et roulait à 12 km/h, contre environ 1 tonne et 5-6 km/h pour les charrettes à chevaux. rant aux cylindres respectifs. La pompe réglait le débit de carburant en fonction de la charge du moteur. L’allumage, de type électromagnétique, utilisait des bougies standard et le point optimal d’allumage et d’injection était fixé à l’aide d’un régulateur centrifuge. Le moteur utilisait d’abord un peu d’essence pour démarrer puis pouvait fonctionner au fioul. Le premier moteur diesel Ce moteur permit aux clients de ScaniaVabis d’abaisser encore leurs coûts d’exploitation mais il présentait tout de même quelques inconvénients : charge requise élevée pour une température de service suffisante, forte consommation de bougies et fumées d’échappement gênantes au démarrage à froid. Scania-Vabis mit très vite à l’étude un propre moteur diesel. Signe de la pénurie, des essais eurent lieu aussi avec du gaz de gazogène pendant quelque temps. En 1936 est lancé le premier diesel maison. Il s’agit d’un six-cylindres de 120 chevaux à chambre de précombustion et vilebrequin à 7 paliers. Le moteur de base est également livrable en version essence qui développe 140 chevaux avec un mélange à _ d’essence et _ d’alcool et 115 chevaux en moteur Hesselman. Trois ans plus tard, Scania-Vabis lance une nouvelle famille de moteurs modulaires à 4, 6, et 8 cylindres. Livrables en version carburateur et diesel, ils ont beaucoup de composants communs tels que culasse, pistons, bielles, paliers et tuyau d’échappement. Les années de guerre vont contraindre Scania-Vabis à réaliser en interne de nombreux organes essentiels. Son Le camion Scania 100 ans – 3 ▼ burateur conçu par August Nilsson et lance un peu plus tard une nouvelle gamme de moteurs adaptables à différents carburants. Par échange des pistons, il était possible d’obtenir différents taux de compression, ce qui permettait aux clients d’adapter leurs moteurs au carburant le plus économique : essence, mélange essence-alcool ou alcool pur. On peut dire que cette famille de moteurs a jeté les fondements du concept modulaire qui au fil des ans a permis à Scania d’offrir à ses clients une large palette de choix et d’avantages. En 1929, le crash boursier de Wall Street n’a pas d’incidence directe sur Scania-Vabis dont les activités commerciales sont bien gérées et bénéficiaires depuis le milieu des années 20. Mais en 1932, une grave crise économique affecte la Suède et les ventes chutent de 60 %. Scania-Vabis dispo- Le premier Scania exporté fut un IL vendu en 1910 à St Pétersbourg pour la maintenance de lignes électriques de tramway. série. D’importants moyens sont consacrés à l’évolution du cadre de châssis, des essieux et des ressorts pour charges aux essieux élevées tandis que les freins pneumatiques et la direction assistée sont inclus peu à peu à l’équipement standard. Une grande partie des moteurs produits par Scania-Vabis est alors destinée à un usage marin ou à poste fixe. L’entreprise livre aussi des 8-cylindres diesels pour autorails et, en 1951, une petite révolution a lieu dans ce domaine lorsque le diesel suralimenté de Scania-Vabis entre en scène. Le Drabant (L51) et le Regent (L/LS71) sont lancés respectivement en 1951 et en 1954, puis remplacés cinq ans plus tard par le L55 et le L75 qui resteront en production jusqu’en 1980, en gardant à peu près le même aspect extérieur. Puissance encore élevée savoir-faire en carburants de substitution tombe en outre à pic. Ainsi, en 1940, 16 camions suédois sont convertis au gaz de gazogène, et deux ans plus tard, ce carburant fera rouler plus de 90 % des 35 000 camions du pays. L’expérience antérieure permit de convertir assez aisément les ScaniaVabis en service lors de la déclaration de guerre. La gamme Scania-Vabis d’aprèsguerre reflète surtout ce que l’entreprise a dû apprendre durant les hostilités ainsi que les exigences de l’armée. La modularisation des produits continue. Les séries de camions L/F10 et L20/LS20 (4x2 et 6x2) sont proposées avec quatre empattements et le moteur Royal à 4 ou 6 cylindres avec une cylindrée de 5,7 ou 8,5 litres. Ces camions bénéficieront ensuite de nombreuses avancées techniques : 4 – Le camion Scania 100 ans freins à commande hydraulique assistée par dépression, boîte auxiliaire doublant le nombre de rapports (huit) et pignons de boîte à taille oblique. En 1949, les diesels à 4 et à 6 cylindres et chambre de précombustion sont remplacés par des équivalents à injection directe, technique apprise par Scania auprès de Leyland, maître ès diesels de l’époque. Le passage à l’injection directe donne jusqu’à 20 % d’amélioration de la consommation tandis que l’effort de traction bondit de 40 % grâce à la boîte auxiliaire. Les moteurs dérivés seront également plus fiables et réduiront le besoin d’entretien. Scania-Vabis offre alors une gamme moderne de moteurs et de boîtes à l’avenir prometteur, d’autant plus qu’en 1951, elle comporte aussi une boîte à 5 rapports synchronisés de La réduction du besoin d’entretien et la montée en puissance des moteurs se poursuivent à la fin des années 50 avec de nouveaux moteurs de 7 et de 10 litres et l’épurateur d'huile à centrifugation Scania, très efficace et facile à nettoyer lors des vérifications. Le LT75, premier 6x4 construit en série par Scania-Vabis, est lancé, suivi deux ans plus tard du 6x6 LA82 dit « Fourmilier ». Ce camion à six roues motrices est alors une nouveauté intégrale dont les premiers exemplaires sont livrés à la défense suédoise, reconnus comme parmi les plus gros modèles jamais construits dans le pays. Son poids à vide dépasse 11 tonnes et, en tout-terrain, il peut transporter 5 tonnes sur son plateau tout en remorquant une pièce d’artillerie de 10 tonnes. La nouvelle série de moteurs, lancée en 1958, apparaît en 1961 en version suralimentée sur les L/LS/LT75. Le nouveau moteur de 10 litres passe à 11 litres en 1963. Les camions qui en sont équipés portent la mention « Super » sur leur calandre. Avec ce moteur, Scania-Vabis franchit le seuil des 200 chevaux (205 ch) et sa gamme gagne un atout concurrentiel qui s’avérera décisif jusque très loin dans du chauffeur, concernant aussi bien la spaciosité et la facilité d’accès que la simplicité de conduite. La nouvelle boîte comporte une section auxiliaire à commande pneumatique et est suivie en 1971 d’une toute nouvelle génération de boîtes à doubleur de gamme. Cinq plus tard est lancée la boîte automatique tandis que la direction assistée devient de série sur tous les modèles. La suspension pneumatique équipe l’essieu arrière la même année et les trois-essieux avec tandem à essieu porteur en 1978 Roi de la Route L’évolution du châssis et de la suspension continue. Outre des boîtes plus puissantes, le Programme Scania apporte des cadres plus robustes et des freins plus étudiés correspondant mieux aux puissances moteur de plus en plus élevées. A cet égard, un sommet avait été atteint en 1969 lorsque Scania-Vabis avait lancé son V8 turbodiesel de 14 litres. Avec ses 350 chevaux, celui-ci était le plus puissant moteur du marché et, en 1977, sa version modifiée concrétisa clairement le principe Scania du bas régime. Pou- La fin des moteurs uniques En 1958, le lancement de la série L75 sonne l’abandon des moteurs uniques et la commercialisation d’un certain nombre de 6-cylindres de différentes courses et cylindrées, suralimentés et dimensionnés à cette fin. En 1963, Scania-Vabis reprend le concept du camion à cabine avancée. En cinq ans de production, le LB76, livrable aussi avec direction à droite, la première fois depuis 1945, se taille une belle renommée mais il laisse la place en 1968 au LB110 à cabine basculable, bien plus moderne. Durant la même période apparaît aussi le frein pneumatique à double circuit et une boîte de vitesses à sections principale et auxiliaire intégrées au même carter. La nouvelle génération de poids lourds à cabine avancée de 1968 va constituer un progrès considérable dans l’environnement professionnel Le moteur Hesselman était dérivé du moteur à carburateur mais pouvait marcher au fioul. vant tourner à bas régimes tout en fournissant des forces de traction élevées, le moteur consommait très peu et affichait une longue durée de vie. Rêve pour beaucoup, la conduite d’un Scania V8 devint un privilège qui contribua à faire de Scania le « King of the Road » ou « Roi de la Route ». 1980 restera une année jalon pour Scania, qui commence alors à modifier radicalement sa gamme. Les travaux amorcés 10 ans plus tôt résultent en une toute nouvelle gamme de poids lourds, dont non seulement les moteurs, les transmissions et les ponts, mais également les cadres et les cabines, sont conçus suivant un système modulaire comprenant trois moteurs de 8, 11 et 14 litres, trois catégories de châssis : M (service moyen), H (service lourd) et E (service extra lourd), quatre modèles de cabine principaux (G, P, R et T), des PTC de 16,5 à 36 tonnes, des camions à toutes roues motrices et quatre essieux. La nouvelle gamme de produits, baptisée aussi série 2, permet aux clients de Scania de définir exactement le véhicule souhaité, tandis que son système modulaire rationnel, à arti- ▼ les années 70. Ce 11-litres allait rester longtemps en lice et bénéficier de beaucoup d’améliorations jusqu’à l’avènement de la série 4. Durant tout le XXème siècle, la concurrence féroce de Volvo sur le marché intérieur a contraint ScaniaVabis à se maintenir continûment à la pointe du progrès en recherche et développement. Cela a fortement contribué à hisser les deux constructeurs suédois à leur rang actuel de leaders mondiaux. Pendant les années 60, Scania-Vabis oriente ses travaux R&D suivant deux axes principaux : d’une part, des moteurs de forte puissance pouvant tourner à bas régime, d’où économie de carburant, moindre bruit et plus grande longévité, suivant le principe Scania du bas régime déjà bien établi qui deviendra une référence pour toute la profession ; d’autre part, la prise en compte systématique dans les conceptions nouvelles des contraintes exercées sur les organes du camion dans toutes les conditions de roulage. Ce savoir-faire allait permettre d’augmenter les charges utiles des camions sans incidence négative sur leur cadre et leurs essieux. cles uniques peu nombreux, réduit les coûts de fabrication et les délais de livraison. Parallèlement, Scania commence à tester en conditions réelles son changement de vitesse assisté par ordinateur (CVAO). Les essais en laboratoire ont débuté quelques années plus tôt et Scania peut lancer son CVAO en 1983. L’ordinateur du système collecte en temps réel des données sur la position de l’accélérateur, la vitesse du véhicule et le rapport enclenché. Il traite ces données puis affiche sur un écran le rapport de vitesse optimal à l’intention du chauffeur, auquel il suffit d’appuyer sur la pédale de débrayage pour passer sur le rapport recommandé. Le système CVAO simplifie fortement la conduite, en réduit les coûts et inaugure l’introduction de l’électronique à bord des camions. Les années 80 verront ainsi l’avènement des commandes électroniques d’antiblocage des roues (ABS), d’injection (EDC) et de freinage (ELB) Peu après le CVAO, est lancé un tout nouveau moteur en ligne de 9 litres en versions 250 et 280 chevaux. Par ailleurs, on continue à développer le moteur de 14 litres qui, présenté en 1982 en une version à suralimentation refroidie développant 420 chevaux, est alors le diesel pour poids lourds le plus puissant d’Europe. Cinq ans plus tard, il est le premier à recevoir une commande électronique d’injection (EDC) qui porte sa puissance à 470 chevaux. La prochaine étape En 1988, la série 3, dont la cabine couchette Topline est l’un des points forts, prend la relève de la série 2. Un an après, en 1989, elle est lauréate du prix « Camion de l’année ». La longue série d’innovations techniques de Scania est suivie en 1991 du moteur turbocompound, nouvelle preuve que le développement des moteurs à combustion conventionnels n’est pas fini. Basé sur le six-cylindres en ligne de 1litres à turbocompresseur, suralimentation refroidie et régulation 6 – Le camion Scania 100 ans En 1991, Scania est le premier constructeur au monde à proposer un moteur turbocompound pour poids lourds, ouvrant ainsi une nouvelle ère dans l’évolution du diesel. électronique d’injection, le turbocompound tire profit de l’énergie autrement évacuée par l’échappement. Une turbine, dite de puissance et située en aval du turbo classique, récupère l’énergie résiduelle des gaz d’échappement après le turbo et la retransmet au vilebrequin par l’intermédiaire d’un coupleur hydraulique et d’un engrenage. Grâce à la turbine de puissance, le diesel à suralimentation refroidie voit son rendement augmenter de 2 %, sa puissance et son couple de 5 % à 400 chevaux et 1 750 Nm, tandis que sa consommation spécifique diminue, baisse à laquelle contribuent aussi la cabine aérodynamique Streamline lancée par Scania la même année que le turbocompound, ainsi que la nouvelle génération de boîtes en 1991. Un CVAO amélioré, rebaptisé CAG, voit aussi le jour et un système de commande intégrée de toute la chaîne cinématique subit ses premiers essais, lesquels aboutissent en 1995 à l’Opticruise. Au sein de ce système interagissent le moteur, la boîte et un ralentisseur (fabrication en interne par Scania à partir de 1993) et permettent ainsi d’effectuer sans embrayage des changements de vitesse pneumatiques à l’aide de la boîte manuelle de série. Parallèlement sont lancés les camions de la série 4 avec un tout nouveau six-cylindres en ligne de 12 litres, lequel sera muni quelques années plus tard d’une unité d’injection qui intègre pompe et injecteurs. Parmi les constructeurs mondiaux, Scania se situe à la pointe du progrès pour harmoniser les besoins croissants de transport et l’amélioration de l’environnement mondial. La protection de l’environnement au sens moderne du terme a commencé dans les années 70. Tout d’abord axée sur les rejets industriels, elle porte aujourd’hui sur l’impact des véhicules sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie. En 2000, le moteur V8 Scania, devenu classique, est mis à la retraite. Son successeur est un nouveau 16-litres comportant des modules communs avec le 12-litres. L’année suivante est lancé un nouveau turbocompound de 12 litres à injection haute pression HPI, système perfectionné conçu et réalisé par Scania et cofabriqué avec Cummins. La modularité, qui vise à utiliser un maximum de composants identiques sur un large éventail de modèles, constitue depuis plus de 60 ans le fondement des succès de Scania, qui a pu ainsi proposer à ses clients des véhicules uniques, adaptés spécifiquement à toute une diversité de conditions de services. Elle a permis aussi une mise en œuvre rapide des nouveautés dans la gamme de modèles existante. Les grands remaniements de celle-ci ont été assez espacés mais le progrès technique n’a jamais cessé. Scania a toujours mis au service de ses clients la technique la plus moderne afin de leur assurer une grande efficacité, une haute fiabilité, un entretien peu coûteux et une excellente rentabilité générale de leurs véhicules. Vérifications et entretien Planification et conception réduisent les besoins de moitié « Plus d’appoint d’huile entre les vidanges. » Tel était l’un des arguments de ScaniaVabis en faveur des moteurs diesels à injection directe lancés en 1949. Ce fut l’un des premiers pas vers des poids lourds moins exigeants en entretien. Le radiateur pivotant facilitait l’entretien du moteur. J usqu’alors, la plupart de ces derniers étaient entretenus par leur propriétaire, qu’il s’agisse d’un patron-chauffeur ou d’une grande entreprise ou administration disposant de ses propres ateliers. Du fait de la relative simplicité des véhicules et de leur haute qualité, il était assez simple d’organiser leur entretien. La gamme de moteurs modulaires lancée en 1939 (4-, 6- et 8-cylindres à essence et diesel, avec composants communs tels que pistons, bielles et culasses) facilita aussi l’approvisionnement en pièces de rechange. Les reconditionnements de moteur restèrent encore très courants, jusqu’au lancement par Scania-Vabis en 1954 de son moteur 400 000-kilomètres, baptisé ainsi parce que son propriétaire, lorsque cette distance avait été parcourue sans reconditionnement, recevait un emblème à apposer sur le radiateur de son Scania-Vabis. Plus de 1350 emblèmes furent distribués avant que l’on réalisât qu’un tel kilométrage sans intervention sur le moteur était devenu banal. A cette époque, Scania-Vabis commençait aussi à mettre sur pied un réseau dense de stations-service. Point plus important : On tablait sur un personnel d’atelier compétent, des espaces bien adaptés et un outillage spécialisé. Les spécialistes du constructeur affinaient les méthodes, qui non seulement aidaient les ateliers à accélérer leur service mais également jetaient les bases de nouvelles constructions qui le facilitaient. Au niveau véhicules, les immobilisations étaient écourtées et le taux d’utilisation augmenté. La planification des ateliers était tellement axée sur l’avenir que beaucoup, datant des années 60, sont encore en activité sans modifications majeures, hormis celles requises par le lancement de nouvelles gammes de produits et de véhicules plus grands. Noveaux programmes d’entretien Dans les années 80, en coopération avec ses gros clients, Scania élabora de tout nouveaux programmes d’entretien basés sur la durée et non plus sur le kilométrage. Les contrats d’entretien et de réparation étaient déjà instaurés sur de grands marchés comme la Suède et les Pays-Bas. Les nouveaux modes d’exécution des vérifications et de l’entretien permirent à beaucoup de camionneurs de supprimer leurs opérations d’entretien courant et de planifier sans difficulté l’exploitation de leurs véhicu- les. Un principe fondamental du service après-vente moderne est en effet d’éviter les besoins de réparation. L’entretien permet de réduire les immobilisations imprévues en inspectant régulièrement les véhicules et leurs organes et en échangeant les pièces d’usure avant leur défaillance. L’entretien préventif du camion peut aussi être programmé en fonction des immobilisations prévues pour d’autres raisons, notamment changements de chauffeur ou pauses. « Au fil des vingt dernières années, le besoin d’entretien et de vérifications a en fait totalement évolué en fonction du développement des huiles moteur. Ou disons plutôt que celui-ci n’a plus progressé. Sur ce point, les industriels de la branche ont atteint un plafond, lequel est en outre inutilement bas sur les marchés où le gazole a une forte teneur en soufre, qui altère plus vite l’huile moteur », estime Håkan Ericsson, responsable après-vente chez Scania. Concernant les besoins de réparation et de révision, l’ampleur du recul des dernières décennies ressort des statistiques Scania. En 1967, un camion de transport longues distances nécessitait 95 heures de réparation et de révision par an. Trente ans après, 48 heures suffisaient. Pour les camions de transports lourds longues distances, les chiffres respectifs étaient de 100 et de 74, pour les véhicules de chantier de 75 et de 28 et pour les véhicules de distribution de 65 et de 26. Le développement de ces services ne peut guère être plus évident. Le camion Scania 100 ans – 7 De 2 à 60 tonnes en Il y a un siècle, le camion n’était guère plus qu’une idée d’ingénieurs clairvoyants. Les transports longues distances se faisaient par train ou bateau. Des charrettes à chevaux assuraient la distribution urbaine. Le pessimiste aurait dit que le camion n’avait aucun débouché. Mais l’optimiste aurait entrevu une idée commerciale inexploitée. P our vanter les mérites du camion, et pour souligner sa fiabilité, Scania fit parcourir le trajet Malmö-Stockholm à l’un de ses poids lourds en 1909. Il fallut trois jours pour abattre les 700 kilomètres. Roulant à une moyenne de 20 km/h, le deux-tonnes à double essieu et pneus pleins consomma plus de 400 litres de carburant, environ 60 litres aux 100 km. Aujourd’hui, en 2002, un camion Scania accomplit ce trajet en un jour (certes avec une distance réduite à 600 km par des améliorations du réseau routier) avec une charge utile de 25 tonnes, consommant 200 litres et rou- lant en moyenne à presque 80 km/h. Jusqu’au milieu des années 30, la capacité de transport des camions progresse assez lentement. En 1929, Scania-Vabis propose un camion de 85 chevaux d’un PTC de 6 tonnes qui consomme 25 litres d’essence aux 100 km. Le lancement du moteur Hessel- Au début de 1909, la brasserie Münchenbryggeriet, à Stockholm, acquit cet IL de 3,5 tonnes qui pouvait tracter une lourde remorque. 100 ans man, puis du diesel, qui offrent tous deux des couples assez élevés à des régimes modérés, permet de porter les PTC à plus de 6 tonnes, tout en réduisant la consommation de presque la moitié par rapport au moteur à essence. Les transports longues distances amorcent alors leur envol : le transport ferroviaire et ses transbordements vont s’effacer lentement devant le porte-àporte du camion. Les camions vraiment lourds resteront cependant assez rares juste après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, en 1950, aucun camion de charge maximale autorisée de plus de 10 tonnes n’était immatriculé en Suède. La même année, le camionnage assurait à peine 20 % des transports intérieurs, dominés par le chemin de fer avec presque 63 %, le reste étant assuré par voie maritime (17 %). En 1954, le lancement du ScaniaVabis L/LS71 Regent amorce une croissance notable des capacités de transport. Les PTC de 17-18 tonnes se répandent et le maximum atteint 22 tonnes quelques années après (LT75 à deux ponts). En 1969, soit dix ans plus tard, Scania repousse encore cette limite, à plus de 22 tonnes, avec son premier moteur V8, dont la consommation spécifique ne dépasse pas 216 g/kWh. Conception modularisée Mais la capacité d’un camion ne dépend pas seulement de la puissance de son moteur mais également du dimensionnement du cadre, de la transmission et des essieux. A cet égard, les poids lourds de Scania-Vabis et de Scania ont fait l’objet d’une actualisation continue, de plus en plus aisée au fur et à mesure de la modularisation de leurs organes. Leur conception ayant été encadrée par des critères très stricts, il a été possible de monter des essieux plus gros ou améliorés ou de nouvelles boîtes sans devoir modifier la construction de base, opération toujours coûteuse. Ainsi, dès 1974, le L111 est livrable en version 40-tonnes (tracteur de semiremorque) et, à partir de 1980, la modularité intégrale de la série GPRT permet au client de dimensionner luimême son Scania en fonction de ses besoins spécifiques. Le choix précis de la capacité suivant le type de transport optimise la consommation de carburant. Dans les années 80, cela s’avère important lorsque les livraisons justeà-temps et les délais serrés deviennent de sérieux atouts concurrentiels. En 1982, pour répondre aux exigences posées : haute fiabilité, immobilisations minimales, consommation modérée, Scania lance notamment son V8 de 420 chevaux. Ce moteur affiche une consommation spécifique de 197 g/kWh tout en pouvant tenir des moyennes élevées, ce qui fera dire que sa forte puissance ”raccourcissait les côtes”. En 1991, le moteur turbocompound consomme encore moins et le V8 de 14 litres et 500 chevaux bat un record à cet égard, tout en pouvant tracter un poids total roulant de 60 tonnes. Le siècle des camions Scania a été témoin d’une évolution toujours soutenue, en accélération à chaque décennie. Les spécialistes de Scania prévoient un rythme encore plus rapide pour le futur proche. Dans dix ans, les performances des camions auront peutêtre doublé grâce à une consommation plus optimisée et des charges utiles accrues. Le trajet Malmö-Stockholm prendra toujours plus d’une journée, mais le passage de la charge utile de 24 à 40 tonnes et l’abaissement de la consommation de 200 à 160 litres sont parfaitement réalistes. Le camion Scania 100 ans – 9 Design, ergonomie et confort De l’essentiel au nec plus Dès 1907, Scania et Vabis (qui n’ont pas encore fusionné) proposent à leur clientèle des camions à benne basculante, de surcroît motorisée sur les Scania. Ce premier exemple montre que l’industrie du poids lourd, prenant vite son envol, avait pris très au sérieux une composante du design, à savoir l’association harmonieuse de la fonction et de la forme. La fonctionnalité a presque toujours pour corollaire une forme esthétique. Aménagement de cabine, modèle 1929. ultra L Le tableau de bord incurvé permet au conducteur de mieux accéder aux commandes sans devoir se pencher en avant. garniture de forme très étudiée qui enveloppait et protégeait le radiateur, tout en donnant à l’avant du véhicule un caractère de puissance. L’évolution du moteur et de la boîte de vitesses facilite déjà depuis longtemps la tâche du chauffeur. Moteurs plus puissants et boîtes bien adaptées rendent la conduite plus aisée. Au début des années 50 apparaît la cabine chauffée. ”L’ergonomie”, ou adaptation de l’outil de travail à l’utilisateur axée sur le confort et sur la réduction des risques de fatigue et de contrainte articulaire, est devenue une composante logique du design suédois en général et de Scania-Vabis en particulier, avec pour conséquence logique une esthétique de caractère. Fonction et design Le styliste qui a dessiné la calandre des premiers Scania-Vabis d’aprèsguerre est maintenant oublié. Mais lors du lancement du L75 en 1958, un nom et un visage lui furent donnés : Björn Karlström avait modifié l’aspect des camions, leur donnant un caractère quasiment classique. A l’avant, il avait conservé les traits principaux de 1944 mais avait intégré les projecteurs aux ailes et redessiné le capot moteur, de même que la grille de calandre. Néanmoins, n’allons pas croire que la série 75 ne fut redessinée que par simple goût du changement. Le cabi- ne, le capot et les ailes (sur les véhicules à cabine livrée par AB BeGe Karosserifabrik i Oskarshamn et montée par Scania-Vabis) formaient un ensemble monobloc monté sur des supports en caoutchouc éliminant bruits et vibrations, mariage réussi de la forme et du fonctionnel. Autre progrès en design et ergonomie, les instruments étaient disposés, non plus au milieu du tableau de bord, mais face au conducteur. La pédale de frein était placée de sorte que celui-ci, pour freiner, n’avait plus à lever le pied très haut par rapport à l’accélérateur, les freins pneumatiques étant actionnés par une pédale à hauteur de celui-ci, d’où un confort et une sécurité accrus. En 1961, dans le but d’améliorer la sécurité du conducteur en cas d’accident, la Suède instaure une norme de résistance des cabines. Celles-ci doivent subir des essais de chocs : Un poids d’une tonne suspendu au plafond oscille avec une amplitude de 3 mètres et vient percuter leurs montants de pare-brise. Pour être homologuée en Suède, la cabine testée ne doit pas se déformer au-delà de certaines valeurs. La concurrence prétend alors que l’administration suédoise cherche ainsi à protéger son industrie du poids lourd mais pour ScaniaVabis, l’essai de sécurité des cabines sera un bon argument commercial. Le camion Scania 100 ans – 11 ▼ a benne basculante dope la polyvalence du camion porteur et ménage les forces du conducteur et de ses éventuels assistants.. Durant les premières décennies de Scania comme constructeur de poids lourds, le stylisme consiste surtout à assurer aux véhicules une bonne fonctionnalité. Les années 1910 voient apparaître des protections simples contre les intempéries : pare-brise, pavillon et même portes latérales basses qui, peu à peu, recevront des vitres. Au fil des années 20, le cadre de travail du chauffeur et l’ergonomie continuent de s’améliorer. Les pneumatiques augmentent le confort de conduite et réduisent le bruit. La cabine fermée met à l’abri des pires intempéries et les aérateurs permettent de régler l’entrée d’air. Mais le chauffage reste peu répandu, et tout conducteur a ses propres idées pour adoucir les conditions de conduite hivernales. Même chez Scania, l’aspect extérieur des véhicules reste un point secondaire. Ceux-ci sont livrés sous forme de châssis que le client remet souvent à un carrossier de son choix. Le seul design que Scania-Vabis maîtrise est celui du capot moteur et du radiateur. Néanmoins, après 1920, l’aspect typé de ce dernier confère à la marque une spécificité identitaire qui aujourd’hui encore reste très forte. La fabrication des cabines va cependant évoluer qualitativement. Le bois laisse place à la tôle d’acier, les structures se font plus robustes et donc plus durables. Mais il faudra attendre 1944 et le lancement du programme d’après-guerre avec le modèle L10 en tête, pour que les camions Scania-Vabis soient pourvus d’une calandre au sens moderne du terme. Celle-ci était une En 1968, Scania-Vabis réussit une nouvelle percée décisive en design et ergonomie avec sa seconde génération de camions à cabine avancée, successeurs de la série LB76 couronnée de succès et dessinés par le styliste anglais Lionel Sherrow. La nouvelle forme s’écarte nettement des lignes agréables de son prédécesseur mais la véritable révolution touche le confort des cabines et l’ergonomie. La cabine avancée est accessible par deux marches situées devant la roue, elle est spacieuse et aérée et son grand pare-brise offre une bonne visibilité. Mais pour les chauffeurs, le plus réjouissant est sans doute sa ventilation bien dimensionnée, bientôt com- plétée par un climatiseur montable en postéquipement dans le toit ouvrant. L’aménagement frise le luxe : nouveaux sièges et précâblage pour radio et haut-parleurs. Ces cabines existent en deux versions : normale ou cabine couchette à deux places, penderie et rideau. En 1972, les LB seront pourvus aussi de sièges à suspension, plus aisément adaptables au poids du conducteur.Aux nouvelles formes des Scania-Vabis sont associés de nombreux détails pratiques (mariage de la forme et du fonctionnel). Derrière la grande calandre, avec ses baguettes horizontales, plusieurs fonctions de contrôle et d’entretien sont aisément accessibles : jauges d’huile de moteur et de direction assistée, remplissage Dans les années 80, l’impact de la résistance de l’air sur la consommation de carburant est étudié plus en détail, notamment par des essais en soufflerie sur maquettes à mi-échelle. d’huile moteur, de direction assistée et de servodébrayeur, réservoir d’antigel du système de frein et commande de démarrage à froid. Pour les travaux d’entretien plus importants, la cabine est basculable vers l’avant en quelques minutes par une seule personne à l’aide d’une pompe hydraulique manuelle. Par sécurité, elle doit être ramenée par pompage en position normale, où elle est alors verrouillée par deux dispositifs indépendants. 12 – Le camion Scania 100 ans Associées à des améliorations techniques comme la direction assistée, les freins pneumatiques et le servodébrayeur, les nouveautés de forme et de fonctionnalité des camions des années 70 hissent les Scania au sommet de leur secteur industriel. En 1972 sont lancés les camions à capot à moteur V8 de la série 140, car nombre de camionneurs préfèrent alors à la cabine avancée le concept conventionnel antérieur. Grâce à la suspension trois-points de la cabine et à sa spaciosité, cette nouvelle série offre à l’acheteur un confort de cabine jamais vu à bord des camions à capot. L’aspect des camions 140 à capot reflétait une forte évolution des lignes traditionnelles des Scania. Le large capot plongeant formait un ensemble avec les fortes ailes. Toute l’unité, bien équilibrée et basculable en avant, facilitait l’accès au moteur et à l’essieu avant et était donc fabriquée en plastique armé fibre de verre. Durant les décennies d’après- guerre, Scania a donc réussi plusieurs percées en matière de sécurité, de tranquillité, de confort et de cadre de travail du chauffeur. Le lien ergonomie-design a également été souligné par une coopération avec des stylistes de renommée internationale. Un fait marquant à cet égard fut la révélation par Scania, en marge du lancement de sa gamme GPRT en 1980, que l’esthétique de ces camions avait pour auteur Giorgio Giugiaro en personne. Le camion Scania 100 ans – 13 ▼ Au début des années 30, les usines sortaient de gros poids lourds ”semi-remorques” à triple essieu avec cabine couchette. La tribenne fut l’un des premiers perfectionnements apparus sur les camions. Giugiaro était alors le prodige du design automobile et sa société ItalDesign était vite devenue leader de sa branche. Scania avait été mis en relation avec elle par Karmann, fabricant allemand de concasseurs, qui développait avec Scania, à Oskarshamn, des outils et des montages d’usinage pour la fabrication de cabines. Giugiaro contribua fortement à particulariser chacun des camions de la gamme GPRT, malgré la standardisation très poussée des composants de cabine. Le vrai dur de la bande était le T à capot mais le grand confort de conduite des GPRT lui ravissait tout de même la vedette : Porte de cabine à large ouverture (90o), tableau de bord entièrement revu, volant réglable en hauteur et en inclinaison, moteur empiétant moins sur l’espace disponible, levier de vitesses rapproché du chauffeur et filtre à air de cabine monté de série. La Série 3 de 1988 présentait un 14 – Le camion Scania 100 ans espace réaménagé et un tableau de bord incurvé vers le conducteur, élément devenu standard dans la profession et dessiné par Aldo Sessano. Les cabines Streamline En 1991, avec ses cabines Streamline, Scania abaisse le coefficient de pénétration dans l'air (Cd) à environ 0,5. La moindre résistance de l’air, résultat d’un nouveau profil aérodynamique et d’essais de longue durée en soufflerie, se traduit par une baisse de consommation de 4 à 5 %, soit de 2 à 3 litres aux 100 km. A raison de 120 000 km parcourus par an, l’économie réalisée atteint alors entre 2 400 et 3 600 litres de gazole. « La série 4 lancée en 1995 constitue un fait marquant en matière de design. Un constructeur comme Scania ne procède à des modifications de cette ampleur que tous les quinze ans », nous dit Kaj Holmelius, qui fut pendant presque 20 ans chef du dévelop- pement des cabines Scania. Selon lui, Scania n’a toujours disposé en interne que de moyens limités pour l’étude des formes, d’où la mission confiée au styliste italien Bertone. Cela ne veut pas dire que Bertone eut les mains libres. Les cotes de la cabine, ses angles de visibilité, les arrondis de ses angles et plusieurs autres critères furent fixés aux stylistes. Et les études sur le milieu de travail du chauffeur et l’ergonomie, menées dès les années 70, continuèrent. «A cet égard, nous avons toujours disposé de compétences internes et eu notre propre opinion sur ce que souhaitent les chauffeurs et ce qui favorise l’économie des transporteurs. Nous avons associé ce savoir-faire à de nouveaux atouts techniques et esthétiques », dit Kaj Holmelius. Aujourd’hui, le département design de Scania emploie huit stylistes et autant de consultants. Des stylistes industriels scrutent l’avenir Le camion T, le dur de demain M algré des ventes assez limitées en Europe, le T à capot long est un solide support identitaire de Scania qui évoque à la fois puissance et prestige. Il montre que la lourdeur des charges dispense le chauffeur d’exploiter toute la longueur de chargement autorisée et que par ailleurs le propriétaire est sou- cieux d’offrir au chauffeur un plancher plat et le confort et l’agrément d’un poste situé en arrière de l’essieu avant. Mais comment transposer dans le XXIème siècle l’héritage des camions à capot du XXème siècle ? Quelques stylistes industriels de Scania se virent confier une étude de concept pour les 2 à 3 générations à venir basée sur le modèle T. Ola Pihlgren, chef de projet, et son équipe commencèrent par réunir comme base de réflexion un dossier illustré à la fois abstrait et concret. « A ce stade, nous ne pensions ni à des voitures, ni à des camions, mais tentions de distinguer expressions et Le camion Scania 100 ans – 15 ▼ Malgré le nouveau look redynamisé, tout client Scania peut y voir les airs de famille. L’étude de concept sur le camion à capot de demain présentée au Salon IAA de septembre reflétait en effet la tradition et la modernité. sensations. Ainsi, le bateau évoquant un tracteur Scania sera un remorqueur inspirant confiance et puissance plutôt qu’une vedette de tourisme aux 16 – Le camion Scania 100 ans lignes aérodynamiques. » Une source d’inspiration précoce fut aussi la culture « Client » des ÉtatsUnis et de l’Europe, où les camionneurs ne se contentaient pas d’un look de masse mais personnalisaient euxmêmes leur camion, devenu support de leur image. « Nous avons utilisé aussi l’angle d’inclinaison négatif de la calandre et du montant avant, très courant sur beaucoup de camionnettes à plateau des années 60. Le camion n’est pas un TGV fait pour dépasser les 200 km/h. » C’est en fin de compte à cet aspect que l’équipe de stylistes consacra le plus de temps. Mais tout aussi importante que la recherche des nouveaux signaux fut la transposition de l’identité historique des camions à capot Scania. En d’autres termes, il fallait identifier l’âme de Scania et trouver les moyens de l’exprimer dans le futur. « Nous avons examiné les camions T du passé et identifié les points de stylisme qui ont subsisté, importants ou peu importants. » Le résultat final, présenté au Salon IAA de Hanovre, montre un capot plus court mais plus trapu que sur les Avant de concevoir la future cabine, model T, il a fallu faire une maquette. modèles antérieurs. La cabine, le châssis et le capot forment un ensemble plus marqué et les lignes de ce dernier continuent sur le corps de cabine, d’où l’impression d’un capot plus long. Ola Pihlgren termine : « Il faut bien savoir qu’il s’agit d’une étude de concept parmi bien d’autres, présentée à l’aube d’un travail sur nos camions qui s’étendra sur plusieurs générations. Mais tel pourrait être l’aspect du Scania T dans 10 à15 ans. » « Les réactions nous seront très précieuses et nous serviront en partie de bases pour d’éventuelles décisions de développement. » Le camion Scania 100 ans – 17 Les chauffeurs au L’expansion du réseau routier entre l’Europe et l’Extrême-Orient va favoriser l’essor des transports très longues distances entre les deux continents. Au Salon du véhicule industriel de Hanovre (IAA), Scania a présenté une étude de fonctionnalité en vraie grandeur sur le cadre de vie à bord des véhicules de l’avenir. Les réactions des professionnels ont été précieuses aux concepteurs de Scania. A vec des trajets de plus de 12000 km durant jusqu’à deux semaines, les chauffeurs de poids lourds exigeront tout autre chose en matière de confort, de fonctionnalité et de sécurité. Les constructeurs vont devoir innover dans l’agencement et l’aménagement de la cabine. Le concept d’intérieur élaboré par le département design de Scania est fondé sur des expériences en clientè- le, avec des chauffeurs qui dorment au moins quatre nuits par semaine dans leur camion. « Ces dialogues ont montré que la vie actuelle des chauffeurs à bord de leur véhicule diffère pas mal de ce qu’ils souhaiteraient », dit Johan Lundén, ergonome et chef de projet. Les longueurs normalisées actuelles et les cabines plutôt courtes qui en résultent sont le premier frein à l’amélioration du confort. A partir de son système modulaire actuel, les ergonomes et les stylistes de Scania ont conçu une cabine couchette de même longueur hors-tout que la cabine dou- ble CrewCab, avec un emploi optimal de la surlongueur. La longueur de cabine est limitée indirectement par les normes mais aussi par la facilité de conduite du véhicule. L’objectif de ce nouvel intérieur de La route de la soie du XXIème siècle ● De Pusan en Corée à Rotterdam en Europe, elle traversait 31 pays. Dans un avenir guère éloigné, des Scania lourdement chargés emprunteront cette nouvelle route de la soie, constituant une alternative routière aux transports transocéaniques. ● Il y a un demi-siècle, plusieurs projets étaient initiés pour faire ressusciter l’ancienne route de la soie. Aucun n’aboutira, mais le tracé d’un nouveau réseau routier asiatique s’est achevé en mai de cette année, soit 43 ans après avoir été envisagé par les États-Unis pour favoriser la prospérité et l’unité de la région. ● Le réseau aura 86 routes, dont la no 1, route de la soie du XXIème siècle, partira de Pusan et traversera la Chine, l’Inde, la Turquie jusqu’en Europe. Le projet pourra passer à une vitesse supérieure si les pays participants signent l’accord prévu en novembre. Cet accord spécifierait les routes plus en détail et normaliserait signalisations et voies pour faciliter le passage des frontières. Ces pays évoqueront aussi la mise en place d’un système de contrôle des véhicules qui permettrait d’aller directement d’Europe en Asie ou inversement. ● Les coûts de ce projet gigantesque seront supportés en partie par la Banque Mondiale et différentes institutions financières internationales. ● Longue de 13 000 km, l’ancienne route de la soie accomplit plus de 1 500 ans de service. Certes, elle favorisa le commerce entre les deux continents : soie, porcelaine, épices, fourrures, pierres précieuses et ivoire, mais les biens les plus influents ne circulaient pas à dos de chameau, ce routier de l’époque. La culture, la technologie de pointe et les grandes religions d’alors, Bouddhisme et Islam, se croisèrent entre Orient et Occident. Les marchands rapportèrent les secrets de l’imprimerie, de la fabrication du papier, de la céramique, de l’astronomie, de la pyrotechnie et de la vinification. La route de la soie fut la première autoroute de l’information, plus de 2000 ans avant la première transmission de signaux électriques sur la Terre. ● Tout comme la future route de l’Asie est un réseau routier, la légendaire route de la soie avait une série de voies s’entrecroisant en Eurasie. Son tronçon le plus connu partait de la capitale chinoise de Chang’an (Xi’an), puis ses branches nord et sud contournaient le désert de Takla-Makan en Asie centrale, se rejoignaient pour traverser le plateau iranien et se terminer sur les rives orientales de la Méditerranée dans des villes comme Antioche et Tyr. Le camion Scania 100 ans – 19 ▼ pouvoir chette muni d’un bon matelas à ressorts à hauteur d’assise, qu’il n’a pas à arranger ni à rabattre chaque matin. Dans une partie conviviale agrandie, il peut s’asseoir confortablement, manger sur une vraie table et se déten- dre. Un téléviseur à écran plat intégré à la paroi et un lecteur DVD lui permettent de se divertir partout. A cela s’ajoutent un four à microondes, une cafetière électrique, une table-lavabo à eau courante et des tiroirs pour les ustensiles de cuisine. L’accès au compartiment à bagages sur le côté de la cabine rend le chargement de ces derniers plus simple et plus pratique. Un coffre-fort intégré à la cabine permet de mettre en sécurité argent, cartes de crédit et objets de valeur. Selon Johan Lundén, le plus important était de créer une cabine spacieuse et l’équipement technique a donc été limité à l’essentiel afin de dégager le maximum d’espace et de compléter ainsi notre gamme actuelle de cabines. Grâce au système modulaire Scania, il est parfaitement possible de lancer une telle cabine en production quand l’heure en sera venue. 1594844 cabine est d’améliorer les conditions de repos et de détente du chauffeur entre ses heures de service et ainsi d’accroître encore la sécurité active. Grâce au surcroît de place, le chauffeur accède aisément à un espace cou-