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Revue des étudiants en linguistique
du Québec
Quebec Student Journal
of Linguistics
Vol. I, No. 2, Printemps/Spring 2006
www.relq.uqam.ca
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Revue des étudiants en linguistique du Québec
Quebec Student Journal of Linguistics
Vol. I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Introduction
À propos de la RÉLQ/About the QSJL..................................................................... iv
Orientation éditoriale/Editorial Focus....................................................................... vi
Éditorial/Editorial
Davy Bigot et/and Adel Jebali ................................................................................. vii
Articles/Papers
Louis-Félix Bergeron
Typologie de systèmes écrits pour les langues signéés ....................................... 1
Laëtitia Constant
Syndète, asyndète et ambiguïté ......................................................................... 25
Danh Thành Do-Hurinville
La cooccurrence du passé simple et du passé composé dans la presse française 54
Ana Ibáñez Moreno
The codification of movement in language an analysis of English and Unish . 74
Cécile Petitjean
Plurilinguisme et politique linguistique éducative en Europe : de la théorie à la
pratique ............................................................................................................. 98
Etleva Vocaj
Quatre façons de traduire parce que. Analyse contrastive des connecteurs de
cause en français et en albanais ........................................................................ 126
Livres disponibles/Available for review ............................................................ 143
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
La publication de cette revue a été
rendue possible grâce au financement
partiel du BEP de l’UQAM.
Publication of this journal has been
made possible in part by funding from
the BEP of UQAM
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
À propos de la RÉLQ
La RELQ/QSJL est l’initiative d’étudiants de doctorat en linguistique des
universités du Québec (plus spécifiquement de l’Université du Québec à Montréal,
de l’Université de Montréal, de l’Université Laval, de l’Université de Sherbrooke et
enfin, de l’Université Mc Gill), mais elle concerne tous les étudiants de toutes les
universités quel que soit leur niveau.
Compte tenu de l’importance des publications dans le domaine de la recherche
universitaire (notamment aux niveaux du deuxième et du troisième cycle), mais
également des difficultés des étudiants à publier dans des revues scientifiques, il
nous est apparu qu’une revue dédiée exclusivement à la publication de travaux
d’étudiants pourrait permettre une diffusion plus simple et plus large d’articles de
qualité. Nous attendons donc dès maintenant vos contributions.
Nous tenons tout particulièrement à remercier les personnes suivantes : Louisette
Emirkanian (professeure et directrice des cycles supérieurs au département de
linguistique et didactique des langues à l’UQAM) pour son soutien tout au long de la
création de cette revue, Robert Papen (professeur associé au département de
linguistique et didactique des langues de l’UQAM) pour ses précieux conseils en
matière d’édition et d’organisation d’une revue scientifique, le centre HumaniTic de
l’UQAM pour la création du site web, enfin, le Bureau de l’enseignement et des
programmes de l’UQAM pour leur appui financier. Nous remercions également
Simon Boisjoli pour ses talents de créateur. Il nous a fourni, gratuitement, un
magnifique logo. Un dernier merci aux différents responsables des départements de
linguistique qui nous ont permis de rentrer en contact avec leurs étudiants. Merci à
tous!
La rédaction.
About the QSJL
The QSJL/RÉLQ is an initiative of doctoral students in linguistics attending
universities in Quebec (more specifically the University of Quebec at Montreal, the
University of Montreal, the University of Laval, Sherbrooke University and finally,
McGill University), but it concerns all students of all universities, no matter what
their level of education.
Taking into account the importance of publications in the university research
setting (especially at the post-graduate levels), but also the difficulty students have
in being published in scientific journals, it became apparent to us that a journal
dedicated exclusively to the publication of student work could permit simpler and
broader distribution of quality articles. We are, from this moment on, accepting
contributions.
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
We would particularly like to thank the following people: Louisette Emirkanian
(professor and Director of Graduate Studies of the Department of Linguistics and
Didactics of Languages at UQAM) for her continuing support during the creation of
this journal; Robert Papen (associated professor of the Department of Linguistics
and Didactics of Languages at UQAM) for his precious advice on publishing and
organizing a scientific journal; the HumaniTIC centre of UQAM for the creation of
the web site; finally, the BEP (Bureau de l’enseignement et des programmes of
UQAM) for their financial support. We would like to express thanks to Simon
Boisjoli for the logo. One final thanks to the many people in charge of various
linguistic departments that allowed us to get in touch with their students. Thank you
all!
The Editorial Board
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Orientation éditoriale
La revue des étudiants en linguistique du Québec est une revue de linguistique
bilingue (français et anglais), électronique et totalement gratuite. Elle a pour but de
favoriser la diffusion d’articles d’étudiants en linguistique, et cela, directement via
son site Internet. Pour des raisons logistiques, les domaines concernés sont, pour
l’instant, les suivants : la phonologie, la phonétique, la syntaxe, la morphologie, la
sémantique, la sociolinguistique (incluant les langues en contact, l’étude des Créoles
et la linguistique variationniste), la dialectologie, l’analyse du discours, la
pragmatique, la lexicologie, la lexicographie, le traitement automatique des langues
naturelles, les langues signées, et l’acquisition des langues. Cette orientation n’est
cependant pas définitive, et elle évoluera au gré des étudiants qui nous rejoindront
dans cette entreprise.
Les différents numéros publiés deux fois par an (à l’automne et au printemps)
comprendront des articles libres ou organisés occasionnellement selon des thèmes de
recherche, des actes de conférences qui ne seraient pas publiés, mais aussi des
comptes-rendus d’ouvrages récemment publiés.
La rédaction
Editorial Focus
The Quebec Students Journal of Linguistics is a completely free online bilingual
linguistics journal (in French and English). Our goal is to distribute articles of
students in linguistics directly on our web site. For logistic reasons, the domains
concerned are the following: phonology, phonetics, syntax, morphology, semantics,
sociolinguistics (including languages in contact, creole studies, and variationist
linguistics), dialectology, discourse analysis, pragmatics, lexicology, lexicography,
natural language processing (NLP), sign languages and language acquisition.
However, this orientation is not definitive and will evolve as it pleases the students
that join us in this enterprise.
The different issues, published twice a year (fall and spring), will be made up of
independent or occasionally organized articles according to research themes,
unpublished conference summaries and reviews of recently published works.
The Editorial Board
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Éditorial
Ce deuxième numéro de la RELQ est riche sur plus d’un plan. Tout d’abord, les
auteurs qui y ont contribué viennent de plusieurs universités, réparties sur les deux
continents européen et américain. Les langues étudiées sont diversifiées (les langues
signées, le français, l’anglais, l’unish et l’albanais). Cette diversité touche aussi les
sujets traités et les approches théoriques privilégiées par les auteurs, et représente
avec fidélité certaines des orientations de recherche dans la communauté
linguistique.
En ouverture, l’article de Louis-Félix Bergeron traite d’une question qui touche
la LSQ, et à travers cet exemple les langues signées en général : comment peut-on
convenablement mettre en place un système d’écriture pour ces langues? Si les
langues parlées ont commencé à être écrites depuis des milliers d’années, les langues
signées n’ont pas ce privilège. Aussi, l’auteur nous propose une typologie des
différents systèmes d’écriture, proposés pour ces langues, avec une extrême minutie
et un effort remarquable en vue de vulgariser les caractéristiques des langues signées
pour le grand public qui n’y est pas habitué.
Le deuxième article, rédigé par Laetitia Constant, pose essentiellement des
questions d’ordre sémantique, qui touchent à la présence et à l’absence de
connecteurs dans le discours et à l’effet de cette présence ou absence sur
l’ambiguïté. L’auteure procède en comparant des énoncés dotés de connecteurs
sémantico-logiques (des énoncés syndétiques) à des énoncés asyndétiques pour
répondre à la question suivante : est-ce que les connecteurs sont indispensables? En
fait, si nous pouvons construire le sens sans ces connecteurs, alors nous pouvons en
déduire qu’ils sont redondants, voire inutiles.
Dans une analyse d’un corpus journalistique cette fois-ci, Danh Thàh DoHurinville nous propose une étude détaillée de l’usage des deux formes simple et
composé du passé dans la presse française. Cette étude vise à démontrer que le passé
simple n’est pas en train de disparaître face au passé composé, comme on pourrait le
croire. Le passé simple serait, au contraire, en train de subir une mutation qui lui
permettrait de survivre face à son « rival ». Cette approche met donc en question la
théorie dichotomique (histoire/discours) de Benveniste (1966) et se propose pour but
ultime de la nuancer.
Le quatrième article, écrit par Ana Ibáñez Moreno s’inscrit dans un cadre
sémantique. La question soulevée par cette auteure est la suivante : comment peuton classer les verbes de mouvement induit? Pour parvenir à une réponse et donc
fournir un classement adéquat, une comparaison entre les verbes de mouvement de
deux langues (l’anglais et l’unish) est menée dans le cadre de l’Analyse
componentielle. Cette comparaison ne permet pas seulement de proposer une
typologie des verbes de mouvement, elle démontre, en outre, que l’étude des langues
artificielles peut s’avérer importante pour la compréhension de la syntaxe et de la
sémantique des langues naturelles.
Cécile Petitjean part d’un cadre quelque peu différent. L’étude qu’elle nous
présente dans ce cinquième article est de nature sociolinguistique et elle traite la
question de la place des différentes langues que parlent les Européens dans la
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construction de l’Union européenne. Autrement dit, le problème soulevé est celui de
l’unité à travers la diversité et la préservation, voire la défense, des différences. La
question est vitale pour l’Europe, d’autant plus qu’il faudrait, selon l’auteure,
instaurer une politique linguistique commune dans le cadre d’un enseignement
pluriel des langues et le respect des spécificités culturelles et linguistiques des pays
membres.
En cloture de ce numéro, l’article de Etleva Vocaj est rédigé sur une note
comparative entre les connecteurs de cause en français et en albanais. Cette
comparaison démontre que les différences observées dans l’emploi de ces
connecteurs sont en rapport avec ce que l’auteure appelle « les instructions
pragmatiques » de ces expressions linguistiques, et plus précisément avec les
conditions d’emploi et les schémas inférentiels. Cette approche fournit une
explication convaincante des difficultés de traduction du connecteur français parce
que vers l’albanais. Cette explication, il va sans dire, permet en même temps de
faciliter la tâche du traducteur entre ces deux langues.
La rédaction
Editorial
This second issue of the QSJL is rich in more ways than one. First of all, the
authors that contributed to this issue come from several universities, spread out over
the European and American continents. The languages studied are diverse (sign
languages, French, English, Unish and Albanian). This diversity also influences the
subjects addressed and the theoretical approaches favoured by the authors, and
faithfully represents a number of research orientations in the linguistic community.
Opening this issue, the article of Louis-Félix Bergeron addresses a question
concerning QSL, and through this example, sign languages in general: how can a
writing system for these languages be established properly? Sign languages do not
have the advantage of spoken languages, which began to be written thousands of
years ago. The author also puts forward a typology of different writing systems
proposed for these languages with extreme attention to detail and remarkable effort,
aiming to popularize the characteristics of sign languages for the general public who
is not accustomed to them.
The second article, written by Laetitia Constant, asks essential questions of a
semantic nature, which address the presence and absence of connectors in discourse
and the effect of this presence or absence on ambiguity. The author proceeds to
compare statements containing logical and semantic connectors (syndetic
statements) to asyndetic statements in order to answer the following question: are
connectors indispensable? If, in fact, we can construct meaning without connectors,
we could deduce that they are redundant, if not useless.
With an analysis of a journalistic corpus, Danh Thành Do-Hurinville proposes a
detailed study of the use of the two passé simple and passé composé forms in the
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French press. This study aims to demonstrate that the passé simple is not on its way
to disappearing in favour of the passé composé, as some believe. The passé simple
is, on the contrary, in the midst of going through a transformation that will allow it
to survive in the face of its “rival.” This approach puts the dichotomist theory
(history/speech) of Benveniste (1966) into question and proposes to nuance this
theory as its ultimate goal.
The fourth article, written by Ana Ibáñez Moreno, falls within a semantic
framework. The question raised by this author is the following: how can we classify
verbs of induced movement? In order to arrive at an answer and therefore provide an
adequate classification, a comparison between movement verbs of two languages
(English and Unish) is undertaken within a Componential Analysis framework. This
comparison not only permits us to propose a typology of movement verbs, it shows,
moreover, that the study of artificial languages can prove to be important in
understanding the syntax and semantics of natural languages.
Cécile Petitjean hails from a slightly different framework. The study she presents
to us in this fifth article is of a sociolinguistic nature and addresses the question of
the place of different languages spoken by Europeans within the construct of the
European Union. In other words, she raises the problem of unity through diversity
and preservation, indeed the defense, of differences. The question is vital for
Europe, all the more because we must, according to the author, establish common
linguistic policies within the structure of a pluralistic teaching of languages, as well
as respect for the cultural and linguistic particularities of member countries.
To close this issue, the article of Etleva Vocaj is written on a note of comparison
between causal connectors in French and Albanian. This comparison demonstrates
that the differences observed in the use of these connectors are related to what the
author calls the “pragmatic instructions” of these linguistic expressions and, more
precisely, to their conditions of use and inferential models. This approach provides a
convincing explanation of the difficulties in translating the French connector parce
que into Albanian. This explanation, it goes without saying, also simplifies the task
of translating between these two languages.
The Editorial Board
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TYPOLOGIE DE SYSTÈMES ÉCRITS POUR LES LANGUES SIGNÉES
Louis-Félix Bergeron
Université du Québec À Montréal
Résumé
Au cours des 40 dernières années, la multiplication des besoins de transcription
des langues signées a amené la création de plusieurs systèmes écrits conçus pour
différents objectifs comme la description des unités phonologiques ou la
représentation des relations syntaxiques entre les signes. Par ailleurs, alors que les
langues des signes ne sont pratiquement pas écrites par leurs utilisateurs, il existe
pourtant quelques systèmes pouvant servir à l’écriture courante. Pour y voir plus
clair dans toutes ces possibilités peu connues, nous présentons d’abord quelques
caractéristiques des langues des signes à prendre en considération pour leur
représentation écrite, telles que l’iconicité, l’utilisation de l’espace et la simultanéité.
Nous proposons ensuite une typologie de systèmes écrits pour les langues des
signes, classant ces systèmes selon leur niveau de représentation, les caractéristiques
de leurs graphèmes et leur arrangement.
Abstract
During the last 40 years, the growing needs for sign language transcription led to
the creation of several writing systems designed for different goals such as the
description of phonological units or the representation of syntactical relations
between signs. In addition, whereas sign languages are practically not written by
their users, there are however some systems that could be used for everyday writing.
In order to have a clearer view of all these little known possibilities, we initially
expose some characteristics of sign languages to be taken into account for their
written representation, such as iconicity, use of space and simultaneity. Then, we
propose a typology of writing systems for sign languages, classifying these systems
according to their level of representation, the characteristics of their graphemes and
their layout.
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Introduction
Depuis plus de 5000 ans, l’être humain écrit et différents systèmes d’écriture ont
été créés pour représenter des langues orales. La « découverte » de l’existence de
langues des signes (LS) pose maintenant de nouveaux défis à l’écriture. Une
première tentative d’écriture de la langue des signes française (LSF) voit le jour en
1825 avec la Mimographie d’Auguste Bébian. Mais ce n’est qu’à partir des années
1960, avec les travaux de William Stokoe et de ses collaborateurs, que se multiplient
les systèmes écrits pour les LS, principalement créés en fonction des différents
besoins de la recherche. Paradoxalement, les LS du monde sont très peu écrites par
leurs utilisateurs et, même si des systèmes d’écriture ont été créés de façon à offrir
une véritable modalité écrite d’usage courant pour ces langues, ces systèmes restent
encore peu connus par les sourds. Pourtant, ce ne sont pas les raisons qui manquent
pour se mettre à écrire et à lire en LS, comme l’éducation bilingue des sourds, la
reconnaissance des LS et de la culture sourde, etc. Il est possible que parmi les
obstacles qui retardent l’adoption et l’utilisation d’une modalité écrite pour les LS, il
y ait la difficulté de s’imaginer comment des LS pourraient être écrites, étant donné
qu’on associe depuis longtemps l’écriture aux langues orales.
Dans le cadre de nos recherches sur l’écriture de la langue des signes québécoise
(LSQ), nous nous sommes intéressés aux différentes possibilités de systèmes écrits
pour les LS. Voyant à quel point les propositions de systèmes de transcription et
d’écriture sont construites selon des contraintes et des buts différents, nous avons
cherché à dresser un portrait d’ensemble de ces systèmes. Cet article présentera
d’abord quelques caractéristiques des LS à tenir compte dans leur représentation
écrite. Puis, nous proposerons une typologie de systèmes d’écriture et de
transcription actuellement disponibles pour les LS. Cette typologie nous permettra
de faire un tour d’horizon des moyens proposés jusqu’à présent pour représenter les
LS à l’écrit selon différents objectifs et différents critères.
1. Quelques caractéristiques des langues signées
L’étude des LS est encore très jeune et la description de ces langues n’est que
partielle. Cependant, jusqu’à présent, on a identifié les niveaux de représentation
linguistique des LS et décrit les principaux composants, notamment leur système de
représentation phonologique. Par exemple, dans le premier tome de la Grammaire
descriptive de la LSQ (Dubuisson et al., 1999), on décrit cette langue en fonction
des sept paramètres de formation des signes suivants :
•
•
•
•
La configuration manuelle : la forme de la main;
Le lieu d’articulation : l’emplacement de la main dans l’espace ou sur le
corps du signeur. Il peut s’agir d’un point de départ ou d’arrivée d’un
mouvement, lorsque le signe comporte deux lieux d’articulation;
Le mouvement : le déplacement de la main ou le changement d’état des
articulateurs lors de la production d’un signe;
L’orientation : les directions vers lesquelles sont dirigés les mains et les
doigts;
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
•
•
•
Le contact : le lieu de rencontre entre la main qui exécute le signe et une
autre partie du corps (incluant l’autre main);
L’arrangement : la disposition des deux mains l’une par rapport à l’autre;
Le comportement non manuel : l’état des autres parties du corps
impliquées dans la production d’un signe (tronc, tête, visage, yeux, etc.).
La figure 1 nous montre le signe ANNÉE-PASSÉE formé d’au moins un élément
de chaque paramètre. Dans ce signe, alors que la main non dominante n’a qu’une
configuration (poing fermé), la main dominante en a deux : d’abord le poing fermé
puis l’index tendu. Cette main fait un mouvement arrière de l’espace neutre (lieu
d’articulation de départ) vers l’épaule (lieu d’articulation d’arrivée). Pendant ce
mouvement, l’orientation de la main dominante passe de la paume orientée vers à la
gauche à la paume orientée vers l’arrière. L’index de cette main est également
orienté vers l’arrière. Juste avant le mouvement, les deux mains font contact l’une
sur l’autre. Au moment de ce contact, l’arrangement des deux mains est de telle
sorte que la main dominante est placée au-dessus de la main non dominante. Enfin,
pendant le mouvement de la main vers l’arrière, la tête se tourne vers l’épaule
(comportement non manuel).
Figure 1 : Anné-Passée
Cet exemple nous montre qu’un même signe peut être composé d’une ou de
plusieurs configurations, d’un ou de plusieurs lieux d’articulation, d’un ou de
plusieurs mouvements, etc.
Chaque paramètre constitue en fait ce qu’on pourrait appeler un inventaire de
phonèmes (qui sont aussi parfois appelés chérèmes dans l’étude des LS), c’est-à-dire
les unités minimales non porteuses de sens de la langue. Par exemple, on a recensé
116 configurations manuelles utilisées en LSQ (Dubuisson et al., 1999). Toutefois,
il n’est pas simple de constituer une liste fermée de ces phonèmes pour chacun des
sept paramètres. Ainsi, même si on parvient à identifier des mouvements et des lieux
d’articulation spécifiques (surtout lorsqu’ils sont en lien avec des parties du corps),
leur dénombrement est moins évident quand il s’agit de mouvements ou de lieux
d’articulation associés à un endroit quelconque dans l’espace neutre. Liddell (2000)
discute de ce problème pour la description des lieux d’articulation de l’espace
devant le signeur et de son impact, entre autres, sur la notion d’accord verbal.
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L’espace dont dispose le signeur pour la production des LS est très vaste
comparativement à l’espace disponible dans la cavité orale des locuteurs de langues
orales. Cette première spécificité articulatoire, attribuable à la modalité, multiplie les
traits phonologiques possibles, ce qui rend difficile l’inventaire des phonèmes de
chacune des LS. Cette difficulté a mené quelques chercheurs, dont Cuxac (1997,
2000), à remettre en question la pertinence de l’analyse des LS selon des paramètres
strictement phonologiques. Cuxac propose plutôt de considérer cette analyse du
point de vue morphologique par le biais de l’iconicité (c’est-à-dire le lien entre la
forme des signes et la forme de ce qu’ils représentent) dans la structure des signes et
dans leur réalisation en énonciation.
Dans le signe, tous les paramètres, qu’on appelle aussi constituants structurels,
n’ont pas la même importance et ne sont pas traités de la même façon. Les
chercheurs s’entendent généralement pour considérer quatre paramètres majeurs,
soit la configuration manuelle, le mouvement, le lieu d’articulation et l’orientation
(Stokoe, 1976). Les unités minimales comprises dans chacun de ces quatre
paramètres ont été les premières à être décrites et identifiées comme des phonèmes
de la langue. Ce sont aussi les quatre paramètres qui interviennent dans la
reconnaissance mentale des signes (Emmorey, 2002). On peut également rendre
compte du contact et de l’arrangement dans la description de ces constituants. Par
ailleurs, alors que tous les signes manuels requièrent nécessairement au moins une
configuration, un mouvement, un lieu d’articulation et une orientation, le contact,
l’arrangement et le comportement non manuel ne sont pas toujours présents en
forme de citation. Par exemple, le comportement non manuel joue rarement un rôle
lexical dans des signes comme ANNÉE-PASSÉE, que nous avons vu dans la figure
1. Cependant, le contexte d’un ou plusieurs signes peut impliquer la superposition
d’un comportement non manuel à ces signes. Les sourcils relevés, par exemple,
peuvent indiquer la surprise ou marquer la forme interrogative d’une phrase.
Mis à part le mouvement, l’ensemble des paramètres implique la simultanéité de
la production des phonèmes dans les LS. Contrairement aux langues orales, qui sont
produites par concaténation de phonèmes vocaliques et consonantiques, les signes
d’une LS sont produits avec des séries de phonèmes simultanés, réalisés par
plusieurs articulateurs à la fois, dont les mains, les bras, les épaules, le tronc, le
visage. Cette simultanéité de phonèmes est très productive et suscite des
phénomènes linguistiques absents en langues orales. Par exemple, sur le plan
syntaxique, les LS permettent l’encodage parallèle, c’est-à-dire la production
simultanée de deux signes, à raison d’un par main (Miller et Dubuisson, 1992). Sur
le plan morphologique, on peut également produire simultanément plusieurs
morphèmes dans la composition, la flexion ou la dérivation. Par exemple, on
compose le signe GARAGE1 (figure 2) à partir de deux classificateurs sémantiques,
soit le CL-/V’/ dont le sens est un véhicule et le CL-/B’/ dont le sens est une surface
plate. On peut aussi fléchir un verbe en en modifiant les lieux d’articulation en
fonction de la personne grammaticale tout en conservant la même configuration
manuelle, comme avec le verbe DONNER (figures 3 et 4).
1
Les exemples de cette section sont tirés de Dubuisson et al. (1996 et 1999).
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Figure 2 : Garage
Figure 3 : 1-Donner-2
Figure 4 : 2-Donner-1
Les caractéristiques des LS soulèvent des questions différentes de celles
auxquelles est confrontée la représentation écrite des langues orales. Par exemple,
d’un point de vue physiologique, la parole est produite par un complexe articulatoire
dont les articulateurs ne sont pas autonomes les uns par rapport aux autres dans la
production des sons. L’indépendance des articulateurs impliqués dans la production
des LS permet une plus grande simultanéité dans la production des différents
niveaux de représentation de la langue : phonologique, morphologique, lexical,
syntaxique et discursif. De plus, l’utilisation de l’espace pour établir les relations
référentielles est aussi une stratégie propre aux LS. La localisation des éléments dans
l’espace ou l’utilisation de marqueurs non manuels tels que la direction du regard, de
la tête, des épaules et du tronc sont différents moyens d’encoder les relations entre
les éléments syntaxiques en utilisant la matrice spatiale.
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2. Proposition de typologie de systèmes écrits pour les langues signées
Il existe différents types de systèmes écrits pour les langues de signes. Ces
systèmes se divisent principalement en deux catégories : les systèmes de notation et
de transcription, d’une part, et les systèmes d’écriture pour un usage courant, d’autre
part. Un système de transcription vise à rendre à l’écrit un ou plusieurs aspects
linguistiques de la structure d’une LS. Dans les systèmes de transcription, on ne vise
pas la convivialité, mais plutôt la précision. En ce sens, ils sont comparables à
l’Alphabet phonétique international (API) utilisé pour rendre compte de la
phonétique et de la phonologie des langues orales. Ces systèmes sont généralement
très descriptifs et n’ont pas pour objectif l’économie de lecture ou d’écriture. La
nécessité d’employer de tels systèmes est apparue dès le début des recherches en LS.
Le pionnier de ces recherches, William Stokoe (1960), a créé son propre système qui
a connu par la suite plusieurs versions au fil des nouvelles LS étudiées et à mesure
que les besoins de représentation écrite se sont précisés (Miller, 1994). À la suite de
Stokoe, d’autres chercheurs ont proposé leurs propres systèmes, ce qui a enrichi
l’inventaire des systèmes disponibles pour la transcription des LS (Miller, 1994) :
•
•
•
•
•
•
•
•
le système LaMont West;
le système Papaspyrou;
HamNoSys;
le système Jouison;
le système de notation de danse Laban-Benesh;
le système Liddell-Johnson;
SignFont;
etc.
Cependant, la pluralité de ces systèmes et les fonctions particulières pour
lesquelles ils ont été créés peuvent compliquer la diffusion et l’accessibilité des
recherches de chacun, comme le note Miller (1994).
En ce qui a trait aux systèmes d’écriture, ils se distinguent des systèmes
précédents par leur objectif d’utilisation usuelle par l’ensemble des locuteurs d’une
langue plutôt que par des spécialistes seulement. Par cet objectif, ces systèmes se
comparent à l’orthographe d’une langue orale. Ces systèmes visent explicitement à
constituer une modalité écrite pour une LS et sont créés dans cette optique. Certaines
propositions, comme celle de Gérald Tilkin (Tilkin, manuscrit), cherchent à
employer les mêmes graphèmes que les systèmes pour les langues orales. Par
exemple, avec le système de Tilkin, le signe ÉCRIRE de la LSF (tel qu’illustré dans
Moody, 1986) s’écrit de cette façon : s28dd+!F-l7. La graphie de ce signe rend
compte des éléments suivants :
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Figure 5 : Écrire (en LSF) tiré de Moody (1986)
s28 : Configuration /S/ (s) ; variante
digitale de l’index (2) ; paume de
la main orientée vers le bas (8)
dd+ : Mouvement tout droit répété deux
fois (deux fois d) ; vers l’avant (+)
!F : Contact de la main dominante (!) ;
avec l’autre main (F)
-:
Changement de main
l7 :
Main non dominante tendue,
doigts non écartés (i) ; paume
orientée vers le haut (7).
Ce système est composé d’une soixantaine de lettres, de chiffres et de symboles
typographiques divisés en sept groupes :
•
•
•
•
•
•
•
les lettres-formes (18 lettres représentant chacune une configuration de la
main);
les lettres-mouvements (9 lettres représentant chacune un type de
mouvement de la main);
les lettres-corps (6 lettres représentant chacune un lieu d’articulation);
les lettres-visages (12 lettres représentant chacune une expression faciale);
les lettres-directions (6 caractères, dont 4 chiffres et deux symboles
typographiques, représentant chacun une direction);
les lettres-parties (5 chiffres qui, associés aux lettres-corps, précisent une
partie du corps);
les « autres lettres » (4 symboles typographiques qui représentent le
changement de main, le parallélisme ou la symétrie des comportements
manuels, ou le contact).
Dans le système de Tilkin, toutes les associations entre les graphèmes et ce qu’il
nomme des « part-de-gestes » (c’est-à-dire un chérème) sont totalement arbitraires et
n’ont rien à voir avec la forme des graphèmes ou la forme des chérèmes.
D’autres propositions, comme le Sutton’s SignWriting, emploient des graphèmes
iconiques plus particuliers aux caractéristiques des LS. Ces graphèmes sont bien
différents de ceux utilisés pour les langues orales. La figure 6 illustre la graphie du
signe ÉCRIRE (en LSF) dans ce système.
7
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Figure 6 : Écrire (en LSF) écrit en Sutton’s SignWriting
tiré de Moody (1986), graphèmes tirés de SignBank Online Database
Cette graphie se décompose en trois graphèmes :
•
•
•
Ce graphème représente la configuration /Bs/ exécutée par la
main non dominante sur le plan horizontal, la paume tournée vers
le haut, avec les doigts orientés à 45 degrés entre l’avant et le
côté droit.
Ce graphème représente la configuration /1o/ exécutée par la
main dominante sur le plan horizontal, la paume tournée vers le
bas, avec les jointures métacarpiennes orientées vers l’avant.
Ces deux flèches représentent un mouvement linéaire sur le
plan horizontal à 45 degrés entre l’avant et le côté droit, exécuté
deux fois.
Ce signe a été écrit en fonction du point de vue du signeur, c’est-à-dire que
l’image écrite du signe correspond à ce que le signeur perçoit lorsqu’il exécute ce
signe et non à ce que l’interlocuteur perçoit lorsqu’il regarde le signeur. C’est
pourquoi le mouvement du signe écrit semble être contradictoire avec le mouvement
du signe illustré.
Devant des possibilités aussi variées de représentation écrite d’une LS, nous
proposons dans le tableau 1 une typologie qui nous permettra de mieux comprendre
et comparer les caractéristiques des systèmes d’écriture et de transcription
disponibles pour les LS.
8
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Tableau 1 : Typologie des systèmes d’écriture et de transcription pour les langues
signées
Types de
systèmes
Niveaux de
représentation
Caractéristiques
des graphèmes
Exemples de systèmes
Systèmes de
transcription
Phonologique
Alphanumériques unilinéaires
Liddell-Johnson
Iconiques unilinéaires
HamNoSys
Semi-iconiques unilinéaires
Jouison
Mixtes dactylologiques
unilinéaires
Alphanumériques unilinéaires
Stokoe
Gloses, Berkeley TS
Alphanumériques multilinéaires
Gloses
Alphanumériques unilinéaires
Proposition Tilkin
Iconiques unilinéaires
SignFont
Iconiques bidimensionnels
Sutton’s SignWriting
Sémantique
Systèmes
d’écriture
Phonologique
2.1. Types de systèmes
Parmi les types de systèmes possibles, nous retrouvons les systèmes de
transcription et les systèmes d’écriture. Cette distinction est importante à faire
puisqu’elle conditionne directement l’ensemble des autres caractéristiques. Un
système de transcription est généralement utilisé pour la description d’une langue,
principalement dans les recherches en linguistique. Que ce soit pour des études sur
la phonologie, la syntaxe, la morphologie ou la sémantique des LS, les chercheurs
doivent avoir recours à un moyen quelconque de représenter la langue par écrit afin
de pouvoir traiter leurs données et diffuser leurs recherches, leurs données et leurs
résultats. De plus, avec l’utilisation croissante de l’informatique, notamment pour la
saisie et le traitement des données et pour la synthèse des LS, le besoin d’un support
écrit ne cesse de croître.
Le premier objectif des systèmes de transcription est de pouvoir rendre à l’écrit
tous les détails pertinents pour la recherche et la description de la langue. La liste de
ces détails peut être longue. Par exemple, on peut vouloir transcrire tous les
phonèmes d’une langue, tous les traits des phonèmes, toutes les informations
morphologiques et sémantiques contenues dans un mot ou un signe, etc. Ces
systèmes sont donc susceptibles d’être modifiés et révisés régulièrement afin de
s’adapter aux besoins de la recherche et aux données analysées.
Pour leur part, les systèmes d’écriture destinés à un usage courant par les
locuteurs d’une langue ont été conçus dans un but de communication dans cette
langue. Dans ce type de système, la représentation de la langue par écrit doit être
assez détaillée pour que les liens soient relativement évidents entre la modalité orale
et la modalité écrite. Cependant, peu de systèmes d’écriture représentent une langue
avec une grande précision. Le niveau de détails de la représentation doit être
9
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
suffisant pour la compréhension sans alourdir la communication. Pour les langues
orales, ces systèmes équivalent à des conventions pouvant être issues d’une analyse
plus ou moins approfondie de la langue à représenter et possiblement conditionnées
par des facteurs politiques, historiques ou sociologiques. Une fois établies et fixées,
ces conventions sont peu susceptibles de subir de changements. Avec le temps, elles
tendent à s’éloigner de la langue orale représentée si aucune mesure n’est prise pour
adapter régulièrement la modalité écrite à l’évolution de la modalité orale. Ce
phénomène explique en partie le décalage fréquent qui existe entre une langue écrite
et une langue orale.
Quelques systèmes d’écriture ont été proposés pour représenter les LS. Tout
comme les systèmes d’écriture des langues orales, les systèmes d’écriture des LS ont
été conçus pour représenter les signes à l’écrit avec un niveau de détails relativement
limité afin de ne pas compromettre l’économie de ces systèmes et leur apprentissage
par les locuteurs. Par conséquent, les systèmes d’écriture des LS comportent souvent
beaucoup moins de graphèmes que ceux utilisés en transcription.
2.2. Niveaux de représentation
Les systèmes de transcription et d’écriture s’articulent sur un niveau de
représentation, c’est-à-dire l’unité linguistique de base représentée par un graphème,
comme le mot, la syllabe, la consonne, le phonème. Tout comme les systèmes
d’écriture et de transcription pour les langues orales, les systèmes écrits pour les LS
peuvent aussi avoir différents niveaux de représentation. Dans l’état actuel des
recherches sur les LS, on distingue principalement deux niveaux de représentation
pour les systèmes écrits, soit le niveau phonologique et le niveau sémantique. Dans
les systèmes basés sur le niveau phonologique, les graphèmes représentent des
phonèmes. Par conséquent, un signe doit être écrit avec des graphèmes représentant
l’ensemble des phonèmes de ce signe. On aura alors dans un même système une
série de graphèmes pour représenter les configurations manuelles, une autre série
pour les lieux d’articulation, une autre série pour les mouvements, etc.
Les systèmes basés sur le niveau sémantique, pour leur part, représentent
principalement le sens des signes. Ces systèmes sont principalement utilisés
lorsqu’il n’est pas utile de transcrire le niveau phonologique dans une recherche, par
exemple dans des analyses sur des aspects syntaxiques, morphologiques ou
discursifs. Ces systèmes permettent seulement une représentation des unités
porteuses de sens, sans distinguer les unités non porteuses de sens. À notre
connaissance, aucun système d’écriture proposé pour les LS n’est basé sur le niveau
sémantique. Ce niveau de représentation semble exclusivement utilisé en
transcription.
2.3. Caractéristiques des graphèmes
Outre le type de système et le niveau de représentation, les systèmes d’écriture et
de transcription pour les LS présentent d’autres caractéristiques quant à l’aspect et à
l’arrangement des graphèmes utilisés. L’aspect des graphèmes réfère à la forme
graphique des caractères utilisés par un système. Cette forme peut découler du type
de relation (arbitraire ou motivée) entre les graphèmes et les unités linguistiques
10
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
représentées. Dans notre analyse, nous aborderons les aspects alphanumérique,
dactylologique, iconique, semi-iconique et mixte.
Alphanumérique
Un système d’écriture ou de transcription peut être considéré alphanumérique
quand son inventaire de graphèmes est composé de lettres, de chiffres et parfois
d’autres caractères typographiques courants comme la barre oblique, le tiret, etc.
Ainsi, dans un système alphanumérique, les graphèmes sont souvent limités à ce
qu’on peut retrouver dans la norme ASCII (American Standard Code for
Information Interchange), c’est-à-dire la table de codage de 128 caractères utilisée
couramment en informatique. Les raisons qui motivent le choix de ce type de
graphème pour un système d’écriture ou de transcription d’une LS découlent surtout
du souci de disposer d’un système pouvant être utilisable sur un ordinateur avec des
logiciels courants de traitement de texte ou de données, sans nécessiter de logiciels
spécialisés et spécifiques à l’écriture ou à la transcription en LS. Dans les systèmes
alphanumériques, la forme des graphèmes a généralement peu ou pas de lien avec la
forme des phonèmes.
Dans les systèmes de transcription, le recours à des caractères alphanumériques
induit souvent des références à la langue orale des chercheurs. Par exemple, le
système de Liddell et Johnson décrit certaines caractéristiques du mouvement avec
des abréviations comme « str » (straight, en ligne droite), « rnd » (round, arrondi),
« arc » (en arc de cercle) ou « acc » (accéléré). Les systèmes à gloses, pour leur part,
font franchement référence à la langue orale en y empruntant des mots ayant un sens
similaire aux signes décrits. Par exemple, dans les figures 5 et 6, nous avons
identifié le signe illustré par le mot ÉCRIRE écrit en majuscules. Cette glose peut
donc représenter ce signe par le recours à un mot d’une langue orale ayant le même
sens. Les systèmes alphanumériques, en plus d’être conçus pour des fins de
compatibilité avec les outils informatiques servant aux recherches, peuvent donc
aussi inclure des indications mnémoniques, comme des références à des mots de
langues orales, pour en faciliter l’apprentissage et l’utilisation. La représentation des
LS par ces systèmes peut donc passer par une description des signes à l’aide de
références provenant de langues orales. Il est à noter que dans les systèmes
alphanumériques que nous connaissons, seuls les systèmes de transcription utilisent
des références à des langues orales. Le système d’écriture alphanumérique (la
proposition de Tilkin) que nous avons inclus à notre typologie ne comporte pas de
références aux langues orales. Le choix de caractères alphanumériques dans ce
système répond seulement à des besoins de compatibilité informatique. La relation
entre les graphèmes et les phonèmes est généralement arbitraire.
Dactylologique
Les systèmes dactylologiques, regroupés dans notre typologie dans l’ensemble
des variantes du système de Stokoe, représentent certaines configurations manuelles
servant pour l’alphabet manuel (c’est-à-dire l’ensemble des configurations
manuelles choisies pour représenter les lettres de l’alphabet) ou pour signer des
chiffres à l’aide de caractères alphanumériques (des lettres et des chiffres)
correspondant à ces configurations. Par exemple, comme le montre la figure 7, on
11
RELQ/QSJL
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peut représenter en LSQ la configuration avec les doigts fermés et le pouce ouvert
sur le côté de la main par la lettre A puisque cette configuration représente la lettre
A dans l’alphabet manuel de la LSQ. La configuration formée des doigts ouverts et
collés avec le pouce fermé sur la paume de la main est représentée par B puisque
cette configuration représente cette lettre dans l’alphabet manuel de la LSQ. Ainsi,
pour noter ces configurations par écrit, on peut utiliser des caractères
alphanumériques qu’on associera aux configurations correspondant à ces lettres dans
l’alphabet manuel de la LS à écrire. Ce type de système peut aussi comporter des
diacritiques afin d’identifier des configurations voisines de celles qu’on retrouve
dans l’alphabet manuel. C’est le type de système de transcription des configurations
manuelles qu’utilisent Dubuisson et al. (1999) dans la Grammaire descriptive de la
LSQ. Dans ce cas, la lettre représente les doigts sélectionnés (ou les doigts jouant un
rôle primaire dans la configuration), un diacritique précise le comportement des
doigts (pliés, courbés, etc.) et un autre diacritique représente le pouce (ouvert sur le
côté, en parallèle avec la main, fermé sur la paume ou sur les doigts, etc.). Par
exemple, comme on le retrouve dans la figure 7, on distinguera une configuration
avec les doigts fermés et le pouce fermé sur les doigts en la représentant par /As/ (le
« A » représente les doigts fermés et le « s » représente le pouce fermé) d’une autre
configuration avec les doigts fermés et le pouce fermé sur le côté de la main en
notant celle-ci par /A"/ (le « A » représente les doigts fermés et le guillemet
représente le pouce collé sur le côté). Il est à noter qu’un système ne peut être
exclusivement dactylologique puisque cet aspect ne sert qu’à représenter les
configurations manuelles et ne peut s’appliquer aux autres paramètres du signe
comme le lieu d’articulation ou le mouvement.
Figure 7 : Notations dactylologiques de quelques configurations
A
B
/As/
/A"/
Iconique
L’aspect iconique d’un système d’écriture ou de transcription découle du fait que
le graphème représente un phonème en en illustrant la forme. Ainsi, la forme du
graphème réfère à la forme du phonème représenté. Il est important de distinguer le
caractère iconique ou arbitraire de la relation entre un graphème et un phonème du
choix arbitraire d’un graphème pour représenter une unité linguistique quelconque.
Dans notre analyse et notre discussion, lorsque nous parlons d’iconicité ou
d’arbitraire, nous ne le faisons qu’en fonction de la relation entre un graphème et ce
qu’il représente. La notion de choix arbitraire entre plusieurs graphèmes possibles,
qu’ils soient iconiques ou non, pour représenter une unité linguistique n’est pas
pertinente pour notre propos puisque ce choix est invariablement arbitraire, peu
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
importe le type de relation (arbitraire ou motivée) entre les graphèmes et ce qu’ils
représentent.
Le degré d’iconicité peut être variable selon le système. Par exemple, les
systèmes SignWriting et HamNoSys représentent les configurations manuelles par
des dessins de la main ayant une forme similaire à celle des configurations
représentées, ce qui exprime l’iconicité relativement directe de ces systèmes. Les
figures 8 et 9 illustrent des configurations dans ces systèmes. Le système SignFont,
pour sa part, opte pour une iconicité plus métonymique, c’est-à-dire que le graphème
tend à représenter la partie la plus signifiante (comme les doigts sélectionnés) ou la
plus saillante du phonème. Par exemple, dans les configurations manuelles illustrées
dans la figure 10, seuls les doigts significatifs des configurations sont représentés
par les graphèmes, sans que l’ensemble de la main ne soit nécessairement inclus
dans la représentation. En fait, tout ce système est conçu en fonction de maintenir un
compromis entre une certaine iconicité et une économie du nombre de graphèmes
représentant les constituants les plus signifiants des signes. Le système SignFont
constitue réellement un système d’écriture, au sens où il cherche à représenter à
l’écrit les aspects importants d’une langue sans offrir une représentation
phonologique détaillée, alors qu’un système de transcription comme HamNoSys
vise au contraire à transcrire tous les détails du comportement des articulateurs, sans
considérer l’importance du facteur de l’économie de lecture et d’écriture.
Figure 8 : Notation iconique de quelques configurations avec SignWriting
(Sutton, 1996)
Figure 9 : Notation iconique de quelques configurations avec HamNoSys
tiré de Prillwitz et Zienert (1990)
13
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Figure 10 : Configurations du système SignFont
tiré de McIntire, Newkirk, Hutchins & Poizner (1987)
Nous n’avons illustré que la représentation écrite des configurations, mais les
graphèmes iconiques de ces systèmes permettent aussi de représenter chacun des
éléments phonologiques (les mouvements, les lieux d’articulations, etc.), comme le
montre la figure 11.
14
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Figure 11 : « Lire » écrit en SignWriting (haut) et en HamNoSys (bas)
Dans cet exemple, on peut remarquer le contraste entre l’approche analytique de
HamNoSys et l’approche synthétique de SignWriting. Dans la première paire de
crochets [ ], la notation HamNoSys rend compte de la configuration de chaque main
et de l’orientation des mains. Par exemple, les quatre graphèmes
signifient
respectivement que la main dominante prend la configuration /Vs/, que les doigts
sont orientés vers le haut et vers la gauche du signeur, et que la paume est orientée à
45 degrés entre l’avant et le bas. La main non dominante est décrite de façon aussi
précise (
: « configuration /B’/ », « doigts orientés vers l’avant-droite »,
« paume orientée vers le signeur »). La graphie en SignWriting comporte moins de
précision et met les graphèmes en relation entre eux pour représenter une part des
composantes du signe. Par exemple, en SignWriting, chaque configuration est
représentée par un graphème ressemblant à la forme des mains, mais l’orientation de
la paume est intégrée à ces graphèmes par la couleur de ceux-ci (noir et blanc, par
contraste à blanc seulement pour « paume vers le signeur » et noir seulement pour
« dos de la main vers le signeur ») plutôt que par des graphèmes supplémentaires.
De plus, l’orientation des doigts est donnée par l’arrangement des graphèmes (les
doigts de la main dominante sont orientés vers la main non dominante) plutôt que
par une description géométrique de cette orientation (« vers le haut et vers la
gauche »). Le même principe vaut pour le lieu d’articulation. En HamNoSys, les
graphèmes
décrivent le lieu d’articulation comme étant « devant le signeur » et
« près du corps », alors que cette information est donnée en SignWriting par la
position des configurations manuelles sous le graphème de la tête (qui indique aussi
la direction du regard vers la main non dominante, une information qui n’est pas
donnée en HamNoSys). L’absence de graphèmes représentant un contact ou une
partie du corps précise implique que le signe est exécuté dans l’espace neutre. Enfin,
le mouvement est représenté en HamNoSys par les graphèmes
. La
flèche pointée vers le bas signifie « mouvement vers le bas », la flèche pointée vers
la droite avec queue en V indique un changement de paramètres à être précisé par les
graphèmes suivants, les deux graphèmes subséquents précisent ce changement en
donnant une nouvelle orientation : « doigts orientés vers la gauche du signeur » et
« paume vers le bas ». De plus, le graphème « + » indique que ce qui est indiqué
entre crochets est répété une autre fois. En SignWriting, les deux flèches à double
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
barre représentent le même mouvement vers le bas répété deux fois, d’où la
répétition des flèches (par contraste, deux flèches à barre simple orientées de la
même façon auraient représenté un mouvement vers l’arrière répété deux fois). Le
changement d’orientation de la main qu’implique ce mouvement n’est pas précisé,
puisqu’il n’ajoute pas de sens au signe.
Semi-iconique
Nous avons identifié le système Jouison (1990) comme étant semi-iconique, car
bien que la forme de ses graphèmes soit déterminée par la forme des phonèmes,
cette iconicité n’est pas aussi transparente et intuitive que celle qu’on peut retrouver
dans des systèmes comme HamNoSys ou SignWriting. En fait, l’iconicité du
système Jouison est plutôt interne au système. Par exemple, comme le montre la
figure 12, les configurations sont représentées sur un patron imaginaire composé de
quatre lignes droites horizontales, un peu à la manière d’une portée en écriture
musicale, et d’une ligne droite verticale. Chaque ligne horizontale sert à ancrer un
doigt, avec l’index sur la ligne la plus haute et l’auriculaire sur la ligne la plus basse.
La ligne verticale sert de division entre les doigts dits « fermés » et les doigts
« ouverts ». À partir de ce patron, on dessine des courbes et des droites selon l’état
des doigts. Un demi-cercle avec la courbure orientée vers la droite sert à représenter
un ensemble de doigts fermés. Cet ensemble est défini par la position de ce demicercle sur le patron de lignes horizontales. Ainsi, dans la figure 12, ce demi-cercle
recoupe les trois premières lignes du haut, ce qui signifie que l’index, le majeur et
l’annulaire sont repliés. De la même façon, un demi-cercle avec la courbure vers la
gauche représente un ensemble de doigts ouverts et écartés. Une droite verticale
représente un ensemble de doigts ouverts et collés. Une ligne oblique représente
deux doigts consécutifs dont l’un est ouvert et l’autre, fermé. Par exemple, une
oblique comme celle-ci « / » signifie que le doigt du haut est ouvert et celui du bas
est fermé, alors que cette oblique « \ » représente le contraire. Sur la figure 12, une
ligne oblique « \ » relie l’annulaire et l’auriculaire, signifiant que l’annulaire est
fermé alors que l’auriculaire est ouvert. Au milieu de cet ensemble de courbures et
de droites peut figurer le pouce. Celui-ci n’est représenté par une ligne droite
horizontale que lorsqu’il est ouvert. S’il est fermé, la configuration ne comporte
aucune indication sur le pouce.
16
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Figure 12 : Représentation d’une configuration avec le système Jouison (1990)
index
majeur
pouce
annul.
auric.
fermé
ouvert
Bien que Jouison explique le fonctionnement de son système de cette façon pour
les configurations, les caractères qu’il emploie sont un peu plus compacts et ne
représentent pas les lignes horizontales et verticales illustrées à la figure 13. Cette
économie a une incidence sur l’iconicité des caractères. En effet, la droite verticale
déterminant l’ouverture ou la fermeture des doigts ne semble plus signifiante dans la
figure 13. Seule la position des courbes et des droites indique la position des doigts.
Figure 13 : Quelques configurations notées avec le système Jouison
Ce n’est qu’une fois qu’on a compris le principe de ce système qu’on arrive à
reconnaître et à prédire les différentes configurations manuelles représentées.
Cependant, sans l’explication du fonctionnement de ce type de représentation, peu
d’indices permettent de deviner qu’il s’agit de configurations manuelles, alors que
les graphèmes de systèmes comme HamNoSys ou SignWriting sont plus explicites
et tendent vers plus de transparence en eux-mêmes. Les autres graphèmes du
système de Jouison nécessitent aussi une certaine part d’explication pour
comprendre ce qu’ils représentent.
Mixte
La catégorie mixte regroupe des systèmes qui utilisent plusieurs types de formes
de caractères. Par exemple, les variantes dérivées du système de Stokoe utilisent des
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caractères alphanumériques pour représenter les configurations, des caractères plus
iconiques pour représenter certains mouvements et certains lieux d’articulation ainsi
que d’autres caractères plus arbitraires ou plus opaques pour représenter d’autres
aspects des signes, comme le contact ou le comportement non-manuel. La figure 14
illustre la phrase « Papa Ours lit le journal » signée en ASL, similaire en LSQ.
Chaque signe est transcrit en système Stokoe. On peut remarquer que les
configurations sont représentées par des chiffres et des lettres (par exemple, la
configuration de PAPA avec tous les doigts ouverts et écartés est représentée par 5,
la configuration de OURS avec les doigts courbés et écartés est représentée par C,
etc.), les lieux d’articulation sont représentés par des caractères plus iconiques (le
front de PAPA par un demi-cercle, le tronc de OURS par une paire de crochets) et
d’autres aspects des signes sont représentés par des graphèmes plus opaques (le
contact glissé des mains sur le tronc dans OURS est représenté par un x minuscule,
le mouvement d’écartement des bras dans JOURNAL est représenté par le symbole
mathématique de division).
Figure 14 : Transcription d’une phrase signée en système de notation Stokoe
(tiré de www.signwriting.org)
PAPA
OURS
JOURNAL
LIRE
Papa Ours lit le journal.
La description des aspects des graphèmes nous amène à aborder le type de
relation qui peut exister entre les graphèmes d’un système et les unités linguistiques
(phonèmes, morphèmes, etc.) qu’ils représentent. Pour notre analyse, nous pouvons
retenir quatre types de relations entre les graphèmes et les unités linguistiques :
l’iconicité transparente, l’iconicité schématique, la mnémonicité et l’arbitraire.
L’iconicité transparente se définit comme une relation évidente entre la forme d’un
graphème et la forme de ce qu’il représente. Le SignWriting fonctionne de façon très
iconique, autant dans la forme des graphèmes que dans leur disposition sur papier
(voir section suivante). L’iconicité schématique s’apparente à l’iconicité
transparente en ce sens que la forme d’un graphème peut permettre de prédire la
forme de ce qui est représenté. Cependant, ce type de relation est soumis à un
ensemble de règles de construction des graphèmes permettant de faire l’analogie
entre la forme du graphème et la forme de l’unité linguistique représentée. Si on ne
connaît pas ces règles, la forme de cette unité peut être difficile à déduire de la forme
du graphème. Le système de Jouison est un bon exemple de système où les
graphèmes sont une sorte de schématisation de la forme des phonèmes qu’ils
représentent. Une relation mnénomique entre un graphème et une unité linguistique
découle d’indices, autres que celui de la forme, portés par le graphème à propos de
18
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
ce qui est représenté. Par exemple, les systèmes utilisant des caractères
alphanumériques pour représenter des configurations manuelles faisant partie de
l’alphabet manuel (comme les systèmes inspirés de Stokoe) peuvent être considérés
mnémoniques, car même si la forme du graphème n’a rien à voir avec la forme du
phonème, ce graphème représente une lettre ou un chiffre également représenté par
cette configuration dans l’alphabet manuel. La mnémonicité découle donc de la
parenté de ce que le graphème et l’unité linguistique représentent respectivement.
Enfin, dans une relation arbitraire, rien ne motive l’emploi d’un graphème plutôt
qu’un autre pour représenter une unité linguistique. Par exemple, dans le système de
Tilkin illustré à la figure 5, l’association des graphèmes et des phonèmes n’est faite
qu’à partir du jumelage de deux listes, chacune étant ordonnée de façon arbitraire.
2.4. Arrangement des graphèmes
En plus de recourir à différents types de graphèmes, les systèmes d’écriture et
de transcription divergent également par leur façon d’organiser et d’arranger les
graphèmes sur papier. Nous avons relevé trois types d’arrangement : unilinéaire,
multilinéaire et bidimensionnel.
Unilinéaire
Un système est unilinéaire lorsqu’il arrange ses graphèmes sur une seule ligne,
comme le font les systèmes d’écriture et de transcription pour les langues orales. La
plupart des systèmes d’écriture et de transcription pour les LS sont aussi
unilinéaires. Cet état de fait découle probablement de deux causes. La première est
que nous avons l’habitude d’écrire de façon unilinéaire et la deuxième est que les
outils informatiques d’emmagasinage et de traitement de données, utilisés dans
l’étude des LS, s’accommodent beaucoup mieux d’un arrangement unilinéaire que
multilinéaire ou bidimensionnel. La figure 15 illustre une transcription linéaire en
HamNoSys. La figure 16 montre l’apparence d’un texte linéaire signé en LSF (dont
nous n’avons pas la traduction) et transcrit avec le système Jouison.
Figure 15 : Transcription unilinéaire en HamNoSys d’une phrase signée
(tiré de www.signwriting.org)
PAPA
OURS
JOURNAL
LIRE
Papa Ours lit le journal.
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RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Figure 16 : Extrait d’un texte signé transcrit avec le système de Jouison
tiré de Jouison (1990)
La linéarité du système engendre une transcription plus descriptive en ce sens
qu’en lisant un graphème après l’autre, on reconstruit le signe étape par étape. La
forme globale du signe n’est accessible que lorsque toutes les informations
transcrites pour ce signe ont été lues successivement. De cette façon, un système
linéaire peut commencer par transcrire la configuration manuelle, puis son lieu
d’articulation, puis son action. En fait, l’ordre des composantes du signe peut
différer d’un système de transcription à l’autre.
Multilinéaire
Un système est multilinéaire quand il permet d’écrire un signe ou un énoncé en
LS sur plusieurs lignes simultanément. Par exemple, on peut avoir un système qui
utilise une ligne pour la main dominante (Md), une ligne pour les deux mains (2m),
une ligne pour la main non dominante (Mnd) et une ligne pour la traduction, comme
dans la transcription en gloses donnée ici et tirée de Parisot (2003).
(2)
Md
PONT(byz)
BICYCLETTETRAVERSER(yz)
2m AUTOROUTE(a)
BICYCLETTE(c)
Mnd
__________
___________________________
Sens : La bicyclette traverse le pont au-dessus de l’autoroute.
Dans un autre exemple, tiré de Dubuisson et al. (1999), la transcription peut
donner le comportement manuel sur la ligne du bas et le comportement non manuel
sur la ligne du haut. On peut noter que, dans cette phrase, le seul moyen de savoir
qu’il s’agit d’une interrogative est de disposer de la transcription du comportement
non manuel, soit les sourcils relevés (SR) et la tête inclinée vers le bas (↓) pendant
toute la durée de la phrase (gloses surlignées). Autrement, elle pourrait être
interprétée comme une affirmative.
20
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(3)
SAVOIR
PTÉ2
Sens : Tu sais que j’étudie?
SR, ↓
PTÉ1
ÉTUDIER
Certains systèmes ont adopté un arrangement multilinéaire afin de pouvoir rendre
compte de l’action simultanée des articulateurs puisque cette simultanéité semblait
moins évidente à transcrire avec des systèmes unilinéaires. Le fonctionnement de
l’écriture multilinéaire rappelle celui de l’écriture musicale sur des portées
permettant de voir aussi bien l’enchaînement des notes que les notes jouées
simultanément. À cet égard, un système multilinéaire peut rendre compte d’une
certaine part de simultanéité dans les signes en regroupant des articulateurs sur
plusieurs lignes.
Bidimensionnel
Un système bidimensionnel représente les signes en disposant les graphèmes sur
un plan à deux dimensions plutôt que sur une seule dimension (comme les systèmes
uni- ou multilinéaires). Dans l’exemple de SignWriting donné à la figure 17, les
différents graphèmes sont disposés sur une surface bidimensionnelle de telle sorte
que leur arrangement rend compte de l’organisation spatiale des phonèmes dans la
production d’un signe. La figure 18 illustre la paire minimale des signes PAPA et
MAMAN, qui se distinguent uniquement par leur lieu d’articulation.
Figure 17 : Transcription bidimensionnelle en SignWriting d’une phrase signée
(tiré de www.signwriting.org)
PAPA
OURS
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Papa Ours lit le journal.
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Figure 18 : Exemple de différenciation de paires minimales en SignWriting
(tiré de www.signwriting.org)
Dans le signe PAPA, le bout du pouce touche le côté du front, alors que dans le
signe MAMAN, il touche le côté du menton. La version écrite en SignWriting de ces
signes rend compte de cette différence précisément par la position de la main par
rapport à celle de la tête (il est à noter que le comportement non manuel peut ne pas
être noté, en SignWriting, s’il n’est pas pertinent au sens du signe). L’arrangement
des graphèmes tend ici à donner une illustration synthétique des signes plutôt qu’une
description analytique et séquentielle comme dans les systèmes linéaires (uni ou
multi). La lecture d’un système bidimensionnel permet d’avoir une vue d’ensemble
de l’organisation des phonèmes entre eux plutôt qu’une description nécessitant une
reconstruction mentale du signe.
Conclusion
Notre typologie met en relief les différences dans la façon de représenter les LS.
Ces différences s’expliquent autant par les besoins de représentation (description
phonologique, représentation syntaxique, écriture courante) et les utilisateurs
potentiels de ces systèmes (chercheurs, signeurs) que par les contraintes humaines
(lisibilité, facilité d’utilisation et de mémorisation) ou techniques (traitement
informatique, échange de données). Le choix d’un système écrit reste donc tributaire
de toutes ces considérations et la justesse de ce choix repose essentiellement sur une
bonne définition des caractéristiques de ce qui doit être représenté et des besoins de
la communauté des utilisateurs.
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24
SYNDÈTE, ASYNDÈTE ET AMBIGUÏTÉ
Laetitia Constant
Université de Paris X Nanterre
Résumé
Il est souvent dit ou écrit que la construction du sens est davantage source
d’ambiguïté lorsqu’il n’y a pas de connecteur. Cependant, la valeur causale, au sens
large, peut-être construite avec ou sans connecteur. Nous entendons par valeur
causale les liens sémantico-logiques de cause, de conséquence et de condition. Il
semble que les connecteurs peuvent être, dans certains cas, source d’ambiguïté et que,
par ailleurs, il est possible de construire des liens sémantico-logiques assez
complexes sans pour autant avoir recours à un connecteur et sans ambiguïté aucune.
Nous pensons, par exemple, à la construction du fictif et aux différents irréels. Reste,
alors, à chercher les paramètres qui rentrent en jeu dans la construction du sens. À
quels types de marqueurs avons-nous alors affaire ? Les connecteurs suffisent-ils à
construire du sens ? Existe-t-il d’autres paramètres que les marqueurs ? Y a-t-il un
paramètre omniprésent ? Il est, dans certains cas, possible de manipuler des énoncés
syndétiques, c’est-à-dire avec un connecteur, pour donner des énoncés asyndétiques
où le sens n’a pas disparu. Les connecteurs sont-ils, alors, essentiels, indispensables ?
Abstract
Meaning construction is often said to be even more a source of ambiguity when
there is no connector. And yet, the causal value, in the broad sense of the term, can
take a construction with or without a connector. When we use the term causal value,
we mean the semantic and logical linkings involving the notions of cause,
consequence and condition. Sometimes, connectors may be ambiguous. Sometimes,
rather complex semantic and logical linkings can be constructed without a connector
and without any ambiguity. Instances are utterances involving irrealis. We need to
find out the different parameters which come in the construction of meaning. What
kind of markers do we deal with ? Are connectors sufficient to construct meaning ?
Are there other parameters other than markers ? Is there a parameter we find in any
case ? Sometimes, utterances with a connector, can be manipulated and turned into
utterances without a connector but with the same meaning. Are connectors always
essential, necessary to construct meaning ?
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Introduction
Bernstein (1971) part du principe qu’un locuteur utilisant une syntaxe complexe
(« code élaboré »), essentiellement hypotaxique, sera moins à même de produire des
énoncés sources d’ambiguïtés que des locuteurs ayant recours à une syntaxe plus
« simple » (« code restreint »), c’est-à-dire asyndétique. Cependant, que penser de
tous ces exemples courants où le locuteur, pensant comme Bernstein qu’il produira un
énoncé plus clair et moins source d’ambiguïtés, utilise une syntaxe complexe et où,
au bout du compte, le sens reste obscur. Nous pensons notamment aux cas des
étudiants qui se voient complexifier leur syntaxe à tel point qu’ils en deviennent
incompréhensibles.
Ainsi, ce « code élaboré » dont Bernstein nous vante les mérites, cette soi-disant
syntaxe complexe qui véhicule un sens clair et limpide, est-il si « élaboré » que
Bernstein veut bien nous le faire croire ? Finalement, les marques de cette complexité
syntaxique que sont les connecteurs ne sont-elles pas, dans certains cas, redondantes ?
Cette syntaxe complexe peut être source d’ambiguïté au même titre qu’une syntaxe
plus « simple », asyndétique. Dans certains cas, cette dernière est même plus efficace,
véhicule un sens plus clair.
Ces quelques constatations nous amènent à nous poser certaines questions,
auxquelles nous tenterons d’apporter des éléments de réponse :
1. Les structures asyndétiques sont-elles, comme semble le laisser entendre
Bernstein, moins « élaborées », plus « restreintes » que les structures
syndétiques ?
2. Les connecteurs sont-ils indispensables à la construction d’un lien sémanticologique clair et sans ambiguïté entre deux propositions ? Le sens naît-il
exclusivement de l’opération qu’ils marquent ? Autrement dit, une syntaxe
complexe et un « code élaboré » sont-ils les seuls garants d’un sens clair ?
3. Les structures asyndétiques sont-elles moins « claires », « élaborées », plus
« restreintes » que les structures syndétiques, qu’une syntaxe complexe ?
Autrement dit, les énoncés sans connecteur sont-ils davantage source
d’ambiguïté que les énoncés syndétiques, avec connecteur ?
Nous nous proposons d’aborder ces questions en rendant compte de la syndète,
dans un premier temps, et de l’asyndète, dans un deuxième temps.
Nous commençons avec le cas de la syndète. Nous avons choisi de nous pencher
plus particulièrement sur le cas de la valeur causale, de la construction du lien
sémantico-logique de cause.
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1. Syndète et valeur causale
Il s’agira, tout d’abord, de nous intéresser à quelques connecteurs de cause et au
problème de la portée. Puis, nous aborderons les connecteurs comme des marqueurs
potentiellement source d’ambiguïté.
Nous commençons avec le problème de la portée, en ce qui concerne quelques
connecteurs de cause ou plutôt, devrait-on dire, quelques connecteurs qui participent
à la construction du lien sémantico-logique de cause.
1.1. Quelques connecteurs de cause et le problème de la portée
Rappelons que nous avons deux types de portée : la portée dite sur le « dit », ou
encore sur l’énoncé, d’une part, et la portée dite sur le « dire », ou sur l’énonciation,
d’autre part. Lorsque nous avons une portée sur le dit, le contenu de la proposition
introduite par le connecteur donne la cause, la justification, la conséquence ou encore
les circonstances du contenu de la proposition dite « principale », que nous appelons
également p. Dans le cas de la portée sur le dire, le contenu de la proposition
introduite par le connecteur donne la justification, la conséquence ou les
circonstances non plus du contenu mais de l’énonciation de la proposition dite
principale, ou p.
Il existe trois tests syntaxiques qui permettent de savoir si l’on a affaire à une
portée sur le dit ou une portée sur le dire. S’il est possible d’antéposer ou de cliver la
proposition introduite par le connecteur ou si cette même proposition peut être une
réponse à une question posée à partir de la proposition dite principale, ou p, alors,
nous avons une portée sur le dit. Ces trois tests syntaxiques ne fonctionnent
cependant pas pour tous les connecteurs. Pour un connecteur comme since où, selon
le contexte, nous pouvons avoir deux effets de sens, la construction d’un lien
sémantique et d’un lien sémantico-logique, alors, ces trois tests syntaxiques ne
permettent plus de savoir quel type de portée nous avons. Ils permettent de distinguer
l’effet de sens de cause, la construction du lien sémantico-logique.
Nous commençons par revenir très rapidement sur le cas des pronoms relatifs.
1.1.1. Pronoms relatifs : deux portées
Nous avons les deux types de portée avec les pronoms relatifs. Nous avons une
portée sur l’énonciation lorsque nous avons des propositions relatives dites
appositives ou encore descriptives ou encore non restrictives. Par ailleurs, lorsque
nous avons une portée sur le dit, la proposition relative apparaît avant le prédicat de la
proposition dite principale alors que, lorsque nous avons une portée sur le dire ou
l’énonciation, la proposition relative apparaît en fin d’énoncé.
Nous souhaitons maintenant aborder le cas du marqueur prototypique de la cause.
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1.1.2. Because : deux portées
Nous avons une portée sur le dire dans les énoncés (1) et (2). Vous remarquerez la
présence de la virgule avant le connecteur. Cette virgule est souvent accompagnée
d’une intonation, d’un contour mélodique particulier et/ou d’une pause. Le contenu
de la proposition introduite par because, à savoir c’est le cas que c’était le cas que
<she-be-there too> justifie l’énonciation de la proposition dite principale, ou p, à
savoir que c’est le cas que c’était le cas que <he-be-there>.
Si nous opérons la manipulation qui consiste à enlever la virgule ainsi que le
contour intonatif et/ou la pause qui l’accompagne, nous avons alors une portée sur le
dit, comme c’est le cas dans les énoncés (1’) et (2’). Nous pouvons opérer les trois
tests syntaxiques : antéposition de la proposition introduite par because : Because you
know the difference between right and wrong, you hesitated, clivage de la proposition
introduite par because : It’s because she was there too that he was there, la
proposition introduite par because a comme statut celui de réponse à une question
construite à partir de la proposition dite principale, ou p : Why was he there ? Because
she was there too.
(1) He was there, because she was there too. (Freaky Deaky, p. 170)
(1’) He was there because she was there too. (Freaky Deaky, p.170)
(2) You hesitated, because you know the difference between right and
wrong. (Hard Revolution, p. 24)
(2’) You hesitated because you know the difference between right and
wrong.
Notons que le connecteur as, quant à lui, ne semble pouvoir donner lieu qu’à une
seule portée.
1.1.3. Since : une seule portée ?
Dans l’énoncé (3), le contenu de la proposition introduite par since justifie le fait
de se demander (wondered).
(3) I wondered if she kept any other stuff there, since Wendell didn’t find
anything. (Freaky Deaky, p. 255)
Il semble, pourtant, que dans les énoncés (4) et (5), le contenu de la proposition
introduite par since, ne donne pas une justification de l’énonciation de p mais bien la
cause du contenu de p, et ce, malgré la présence de la virgule avant since.
Remarquons que l’antéposition de la proposition introduite par since dans
l’énoncé (5), comme nous l’avons dit, n’est pas un indice du fait que nous ayons
affaire à une portée sur le dit mais au lien sémantico-logique de cause et non au lien
sémantique temporel.
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(4) Walker had to bow his head at the foot of the stairway, since the ceiling
there was kind of low. (Soul Circus, p.45)
(5) Since I’ve never been a paragon of moral virtue, I couldn’t say much to
her without sounding like a hypocrite. (Darkness, Take my Hand, p. 32)
Dans l’énoncé (6), nous pouvons nous demander si nous avons réellement une
portée sur le dire, autrement dit sur l’énonciation. En effet, le contenu de la
proposition introduite par since ne porte pas sur l’énonciation de p, ou de la
proposition dite principale, mais sur une partie de cette proposition, à savoir la
proposition complétive ou encore nominale qui a comme fonction complément
d’objet direct du verbe assume.
(6) […] and I assumed the inch of sideburns by each ear were fake, since he
didn’t have them when I saw him last. (Darkness, Take my Hand, p. 408)
Dans sa thèse, Deléchelle (1989) explique que le connecteur ’cause ne peut
qu’introduire une proposition dont le contenu justifie l’énonciation de la proposition
dite principale. Pour lui, on ne peut plus parler de lien sémantico-logique.
En outre, le connecteur se réduit parfois à ‘cause ou ‘cos, cet allégement
morphologique reflétant un affaiblissement sémantique. Certes, justifier un
dire consiste aussi à donner des raisons, mais on s’éloigne de la valeur
initiale de because. (Deléchelle, 1989, p. 431).
1.1.4. ’Cause : une seule portée ?
Dans les énoncés (7) et (8), le contenu de la proposition introduite par ’cause
justifie bien l’énonciation de la proposition dite principale. Nous avons souvent une
connotation agressive ou l’idée d’une menace, comme c’est le cas dans l’énoncé (8).
Par ailleurs, on trouve souvent la proposition introduite par ’cause dans le cadre du
style direct rapporté et précédée d’une proposition interrogative directe qui n’est
vraisemblablement pas une vraie question mais plutôt une question rhétorique.
(7) There’s something in it, ’cause she hid it while you were talking to her.
(Freaky Deaky, p. 202)
(8) “I’m the one you and your partners were crackin’ on, callin’ me Fred
Sanford and shit while I was walking to my car. Y’all were smokin’ herb in a
beige Caprice. You and a boy with cornrows, and another boy, had a long
nose. Remember me now ? ’Cause I sure do remember you.” (Hell to Pay, p.
311)
Pourtant, dans les énoncés (9) et (10), il semble bien que le contenu de la
proposition introduite par ’cause ne justifie pas l’énonciation de p mais donne bien la
cause du contenu de p. Nous remarquons d’ailleurs que la proposition introduite par
’cause est antéposée dans l’énoncé (9). Par ailleurs, nous pouvons appliquer les deux
autres tests syntaxiques : clivage de la proposition introduite par ’cause pour l’énoncé
(10) : It’s ‘cause I’m scared that I’m leaving, proposition introduite par ’cause
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comme réponse à une question construite à partir de p toujours pour l’énoncé (10) :
Why are you leaving ? ‘Cause I’m scared.
(9) “Yeah, ’cause she’s a woman,” Jerry said, “she doesn’t have to worry
about getting hit in the mouth.” (Freaky Deaky, p. 9)
(10) I’m leaving, ’cause I’m scared. (Freaky Deaky, p. 45)
Les connecteurs peuvent introduire une proposition qui portera soit sur le dit, soit sur
le dire. Les connecteurs peuvent aussi participer à la construction de plusieurs liens.
1.2. Ambiguïté des connecteurs : contre l’idée que l’hypotaxe syndétique est explicite
et non ambiguë
Nous commençons par le cas du connecteur while, qui peut participer à la
construction d’un lien sémantique ou bien à celui d’un lien sémantico-logique.
1.2.1. Le cas de while
1.2.1.1. Lien sémantique temporel
Dans les énoncés (11) et (12), les procès des deux propositions ont leurs bornes
qui correspondent. La borne de gauche de play et la borne de gauche de check sont
ouvertes au même moment et la borne de droite de ces mêmes verbes est refermée au
même moment. Nous avons du prétérit simple dans le premier énoncé et l’aspect
be+V-ing pour le verbe de la proposition introduite par while dans le deuxième
énoncé, l’énoncé (12).
(11) In the office, Greco played with a spiked rubber ball while Strange
checked his stock portfolio […]. (Hell to Pay e-book, p. 37)
(12) Well, naturally, you know, I continued to see other girls while I was
dating Linda. (Hell to Pay e-book, p. 253)
Dans l’énoncé (13), nous avons toujours l’aspect be+V-ing sur le verbe de la
proposition introduite par while mais cette fois, le procès steal s’inscrit à l’intérieur
du procès attend. La borne de gauche de attend est ouverte avant la borne de gauche
de steal et la borne de droite de attend est vraisemblablement refermée après la borne
de droite de steal.
(13) It had been stolen from the Union Station parking lot while he was
attending a movie at the AMC. (Hell to Pay e-book, p. 199)
1.2.1.2. Lien sémantico-logique adversatif
En ce qui concerne le lien sémantico-logique adversatif, nous pensons que ce lien
est avant tout construit par le lien des notions entre elles : dans l’énoncé (14), SIT,
dans la proposition dite principale s’oppose à ROCK dans la proposition introduite
par while.
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(14) […] I’m supposed to just sit on my hands while everybody’s world gets
rocked ? (Hell to Pay e-book, p. 32)
Nous passons au cas du connecteur when, qui peut participer à la construction
d’un lien sémantique ou à la construction de trois liens sémantico-logiques.
1.2.2. Le cas de when
Nous ne traitons pas du lien sémantique temporel qui s’apparente au lien
sémantique temporel tel qu’il est construit par while.
1.2.2.1. Lien sémantico-logique de cause
Lorsque nous avons un lien sémantico-logique de cause, when ne peut introduire
qu’une proposition relative comme c’est le cas dans l’énoncé (15), que nous
pourrions gloser avec un énoncé comportant because à la place de when : She timed
her day so that she could have this relatively light chore after lunch BECAUSE she
tended to grow tired after lunch. C’est le lien des notions LIGHT CHORE et TIRED
qui construisent le lien sémantico-logique.
(15) She timed her day so that she could have this relatively light chore after
lunch, when she tended to grow tired. (Hard Revolution, p. 32)
1.2.2.2. Lien sémantico-logique de condition
Nous pouvons gloser l’énoncé (16) avec un énoncé comportant if à la place de
when : if you side with a man, you stay with him.
(16) When you side with a man, you stay with him. (Soul Circus, p. 297)
1.2.2.3. Lien sémantico-logique adversatif
Pour les énoncés (17) à (20), il s’agit d’un lien sémantico-logique adversatif. Dans
l’énoncé (17), BLOCK s’oppose à la notion complexe THERE BE OTHER
SPACES. Dans l’énoncé (18), DISTRACTIONS s’oppose à WORKING. Dans
l’énoncé (19), BED s’oppose à la notion complexe LIE COLD IN THE GROUND.
Il n’est parfois pas évident de savoir à quel effet de sens nous avons affaire, quel
lien est construit, comme c’est le cas dans l’énoncé (20) où il semble que nous ayons
une équipondération du lien sémantico-logique de condition et du lien sémanticologique adversatif.
(17) Dumb ones, too, if they thought he was gonna let them block his way
when there were plenty of other spaces in the lot. (Hell to Pay e-book, p.
190)
(18) He also tended to seek out distractions when he should have been
working non-stop behind his desk. (Hell to Pay e-book, p. 256)
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(19) “There’s no death penalty in the District, if that’s what you mean. But
they’d do long time. They’d get twenty-five, thirty years. Maybe on a good
day they’d get life.”
“And what would that do ? Give those boys a bed and three squares a day,
when Joe Wilder’s lying cold in the ground ? Joe’s gonna be dead forever,
man.” (Hell to Pay e-book, p. 298)
(20) Now I know you already got the details, what you heard, anyway, so I
won’t go into it, and besides, it’s not right to be talkin’ about this boy’s
business when he’s not here. (Hell to Pay e-book, p. 55)
1.2.3. Le cas de where
Where peut participer à la construction d’un lien sémantique ou bien de deux liens
sémantico-logiques.
1.2.3.1. Lien sémantique spatial
Lorsqu’il participe à la construction du lien sémantique spatial, where introduit
une proposition relative. Nous remarquons que dans l’énoncé (21), l’antécédent n’est
pas présent, mais il est facilement reconstructible : I didn’t tell ‘em THE PLACE
where she lived.
(21) I didn’t tell ’em where she lived […]. (Hell to Pay e-book, p. 211)
1.2.3.2. Lien sémantico-logique de cause
Lorsqu’il participe à la construction d’un lien sémantico-logique de cause, where
introduit également une proposition relative. Nous pouvons gloser l’énoncé (22) avec
un énoncé comportant le connecteur because : He made sure to get the area at the
base of the stools BECAUSE grease tended to collect there (sous-entendu at the base
of the stools).
(22) He made sure to get the area at the base of the stools, where grease
tended to collect. (Hard Revolution, p. 42)
1.2.3.3. Lien sémantico-logique adversatif
Dans l’énoncé (23), ce sont avant tout les notions complexes GOOD, d’une part et
GET DROWNED, d’autre part, qui construisent le lien sémantico-logique adversatif
étant donné qu’elles s’opposent.
(23) “It’s all good. Good to be livin’ in a place where you can’t even be
lookin’ at anyone long for fear you’re gonna get drowned…!” (Hell to Pay
e-book, p. 211)
Le connecteur as, quant à lui, peut participer à la construction d’un lien
sémantique temporel ou d’un lien sémantico-logique de cause.
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1.2.4. Le cas de as : construction d’un lien sémantique temporel ou d’un lien
sémantico-logique de cause
Nous ne traitons que du lien sémantique temporel étant donné que le lien
sémantico-logique de cause a déjà été traité précédemment.
Pour les énoncés (24) et (25), les deux derniers, nous pouvons hésiter entre deux
interprétations, comme c’est souvent le cas avec les connecteurs. Nous pouvons
considérer que les deux procès sont concomitants. Dans ce cas, nous avons un lien
sémantico-logique de cause. Nous pourrions également considérer que le procès hear
s’inscrit à l’intérieur du procès open, c’est-à-dire que la borne de gauche de open est
ouverte avant la borne de gauche de hear et que la borne de droite de open est peutêtre refermée après la borne de droite de hear. Dans ce cas, nous aurons affaire à un
lien sémantique temporel. Il n’est pas facile de savoir à quel effet de sens nous avons
affaire. D’ailleurs, nombreux sont les énoncés où nous sommes tentée de parler
d’équipondération de deux effets de sens.
(24) I’ll be with you in a minute, soon as I get settled. (Hell to Pay e-book, p.
28)
(25) He heard them laughing as he opened his toolbox and looked inside of it
[…]. (Hell to Pay e-book, p. 51)
Since peut participer à la construction d’un lien sémantique temporel ou bien d’un lien
sémantico-logique de cause, tout comme nous l’avons vu.
1.2.5. Le cas de since : construction d’un lien sémantique temporel ou d’un lien
sémantico-logique de cause
Nous ne nous traiterons pas, dans cet article du lien sémantique temporel, tel qu’il
est construit par since
Because peut ne pas construire de lien sémantico-logique.
1.2.6. Le cas de because : pas de construction de lien sémantico-logique
Nous empruntons l’énoncé (49) à Schleppegrell, qui le cite dans son article de
1991 intitulé « Paratactic Because ». Nous terminons avec une citation de
Schleppegrell, qui écrit :
In actual use in discourse because often connects sequences which are not
causally related. Instead, it merely indicates further elaboration. We see this
in the following example, spoken by a dance instructor :
(49) the fifth position break is in a lot of dances. Especially in a lot of Latin
dances. Because this is the fifth position break.
This because neither contributes propositional content nor explains in a
discourse-reflexive way why the speaker has made the previous assertion. It
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does not subordinate one clause to another. Instead it paratactically links the
clause it introduces with the prior discourse. Its role can best be explained by
examining the contribution such becauses make to the structure of
conversational interaction. (Schleppegrell, 1991p. 327-329).
Dans l’énoncé (49), il n’y a pas de lien sémantico-logique de cause entre les deux
propositions. Because joue le rôle de structurateur de discours. Il permet au locuteur
et au co-locuteur de gérer l’interaction. Le locuteur, en utilisant because, comme c’est
le cas dans l’énoncé (49), indique qu’il n’a pas fini de parler et qu’il ne souhaite pas
donner la parole au co-locuteur.
Il semble que seule une approche pragmatique permette de rendre compte de ce
fonctionnement de because. Pour Schleppegrell, nous n’avons plus affaire à une
conjonction de subordination, mais à une conjonction de coordination dont le rôle est
de permettre à l’énonciateur de garder la parole, de signaler au co-énonciateur qu’il
n’a pas fini de parler. Because empêche, en quelque sorte, le co-énonciateur de
prendre la parole.
If peut ne pas participer à la construction du lien sémantico-logique de condition,
autrement dit, du plan du fictif.
1.2.7. Le cas de if : comme ne participant pas à la construction d’un plan du fictif
1.2.7.1. If concessif
C’est le cas, par exemple, lorsque if participe à la construction de la concessivité,
comme dans l’énoncé (26). Nous pouvons gloser cet énoncé avec un énoncé
comportant though ou although : THOUGH/ALTHOUGH he was cross-eyed, he
didn’t see it himself.
(26) If he was cross-eyed, he didn’t see it himself. (Right as Rain, p. 44)
If, lorsqu’il apparaît dans la structure what if, peut ne pas participer à la
construction du plan du fictif.
1.2.7.2. Le cas de what if
Dans les énoncés (27) à (29), if participe bien à la construction d’un plan du fictif.
Dans l’énoncé (27), nous remarquons la présence de deux if dans le contexte amont.
Par ailleurs, la réponse, dans le contexte aval direct, nous indique bien que nous
sommes dans le non certain et que sont envisagées les deux zones du domaine
notionnel, à savoir c’est le cas que c’est le cas que <we-find-him first> et c’est le cas
que ce n’est pas le cas que <we-find-him first>. L’énonciateur se situe au niveau du
hiatus. Nous avons bifurcabilité. Dans l’énoncé (28), nous avons à nouveau if dans le
contexte amont et nous remarquons l’auxiliaire de modalité will dans le contexte aval
direct. Finalement, dans l’énoncé (29), nous trouvons également l’auxiliaire modal
will mais au prétérit dans le contexte aval direct.
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(27) “You’re right. If it doesn’t happen today, it’ll happen tomorrow, if you
know what I mean. The police are gonna get those boys soon enough.”
“What if we find them first ?”
“I haven’t figured that out yet, Terry […].” (Hell to Pay e-book, p. 275)
(28) “[…] If you get sight of him, you call me.”
“What if you see him first ?”
“I’ll do the same.” (Hell to Pay e-book, p. 283)
(29) “Ms. Emerson mustn’t know I told you about the boy dating Nadia. I
won’t have to testify at his trial, will I ?”
“That’s not my decision, sir.”
“Perhaps another time.”
“Sir, I’m afraid this can’t wait.”
“What if I refuse to give you your statement ? What if I deny I ever said
anything about Jeremiah and the girl ?”
“That wouldn’t be the truth, would it ?” (Murder at Ford’s Theatre, p. 228)
Dans l’énoncé (30), par contre, if ne participe plus à la construction du plan du
fictif. Nous sommes dans de l’assertif, et même de l’assertif fort de l’ordre d’une
exclamation. Le contexte aval direct nous permet à nouveau de nous faire interpréter
if comme ne construisant pas du fictif. Nous avons affaire à l’opération inverse de
celle du frayage puisque nous avons une rétroaction interprétative. La traduction
d’une telle structure en français passerait par une phrase assertive suivie par et alors
?! Il y a souvent un sous-entendu ou bien une connotation négative. Nous pensons par
exemple à l’exemple suivant : He failed in his exams. So what if he did! Où se cache
l’idée de He deserves it! Ou encore en français : Bien fait pour lui! Il n’a que ce qu’il
mérite! La présence de so juste avant what if, comme dans l’énoncé (32), semble
frayer cette interprétation.
(30) It was his fault, wholly and solely his fault, that they had missed the
train. What if the idiotic hotel people had refused to produce the bill ?
Wasn’t that simply because he hadn’t impressed upon the waiter at lunch that
they must have it by two o’clock. « The Escape » (from Bliss, and Other
Stories, Katherine Mansfield, 1920)
(31) “Lerner’s love of the ladies isn’t exactly news.” “Hell, he’s single. So
what if he has fling with a sexy intern ?” “It’s not like it’s anything new in
this town.” (Murder at Ford’s Theatre, pp. 41-42)
Les connecteurs peuvent exprimer deux sortes de portée et peuvent participer à la
construction de plusieurs liens, comme nous l’avons vu. Il n’est d’ailleurs pas facile
de savoir à quel lien nous avons affaire. Il est parfois impossible de choisir entre deux
liens. Les connecteurs peuvent donc être source d’ambiguïté.
Ceci nous amène à considérer notre deuxième partie, à savoir l’asyndète et la
valeur causale. Nous nous intéresserons plus particulièrement au cas du lien
sémantico-logique de condition. N’oublions pas que la condition n’est ni plus ni
moins que de la cause/conséquence mais sur le plan du fictif.
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2. Asyndète et valeur causale : le cas du lien sémantico-logique de condition
Nous commencerons par manipuler quelques énoncés syndétiques avant
d’analyser quelques paramètres en jeu dans la construction du lien sémantico-logique
de condition pour finalement nier l’idée de Bernstein (1971) selon laquelle l’asyndète
serait moins « élaborée » que la syndète.
2.1. Manipulations
2.1.1. Etude d’énoncés : construction d’un lien sémantico-logique de cause
2.1.1.1. Because
Nous pouvons gloser les énoncés de ce chapitre 2.1. par un énoncé sans
connecteur, avec un point entre les deux propositions, pour le lien sémantico-logique
de cause/conséquence, et avec une virgule entre les deux propositions, en ce qui
concerne le lien sémantico-logique de condition. Le sens reste clair. Nous avons
toujours le lien sémantico-logique. Ce lien est construit par le lien établi par les
notions ou notions complexes présentes dans les deux propositions.
Dans l’énoncé (32), la notion SPOTLESS peut impliquer la notion complexe
NEVER USED.
(32) Angie’s kitchen is spotless because she’s never used it. (Darkness,
Take my Hand, p. 88)
Dans l’énoncé (33), l’appartement des parents s’oppose à son appartement,
semble-t-il et la notion PARENTS s’oppose à la notion ALONE.
(33) He went back to his parents’ apartment because he couldn’t stand to go
back to his place alone. (Hard Revolution, p. 261)
Dans l’énoncé (34), COLD s’oppose à SOUTH. Il semble que nous devions faire
également appel à la connaissance partagée (« shared knowledge »). Tout le monde
s’accorde à dire que la notion sud rime avec la notion CHALEUR.
(34) He stuffed it with underwear and a few pairs of jeans and some shirts,
and one leather jacket, but he left most of the cold-weather stuff on the
hangers because he had already decided that he was headed south. (Hell to
Pay, p. 272)
Dans l’énoncé (35), la notion OUT s’oppose à IN.
(35) Ray had brought the heroin out because he didn’t want to go back in
that room more than one time tonight. (Right as Rain, p. 302)
Dans l’énoncé (36), la notion SURE implique un doute qui correspond, dans la
deuxième proposition à l’opposition de notions ONE THING/SOMETHING ELSE.
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(36) “I guess I’m not much good tonight,” she said.
“It’s okay. This is good. We can just do this.”
“You sure ?” Stephanie smiled weakly as she reached down and brushed her
fingers down the shaft of his hardening cock. “Because you’re mouth is
saying one thing and your body’s telling me something else.” (Shame the
Devil, p. 154)
Dans l’énoncé (37), la notion SEE associée à la notion ONE DAY, qui implique la
notion de hasard, s’oppose à la notion complexe CALL AND ASK, qui implique la
notion de quelque chose de prévu et qui s’oppose à la notion de hasard. Cette
opposition implique la notion SURE questionnée. Par ailleurs, YOU s’oppose à SHE.
That implique la présence de la validation d’une autre relation prédicative.
(37) “I heard you moved.”
“You did ?” said Carmen in a slightly mocking way.
“Saw your sister one day, on the street.”
“You sure it was like that ? ’Cause she said you called her up and asked
her where I’d gone to.” (Hard Revolution, p. 210)
Dans l’énoncé (38), la notion complexe DO ELSE s’oppose à la notion complexe
THERE BE NOTHING ELSE.
(38) “I don’t know if it is or if it isn’t. But take a look around you, boy. What
else we gonna do ? ’Cause there ain’t nothin’ else.” (Right as Rain, p. 183)
Que l’on ait une portée sur le dit, ou une portée sur le dire, c’est-à-dire de la cause
du contenu de p ou de la justification de l’énonciation de p, le lien sémantico-logique
établi entre les deux propositions est construit, avant tout, par le lien des notions ou
notions complexes des deux propositions et/ou du contexte amont. Rentre également
parfois en ligne de compte, la connaissance partagée (« shared knowledge »). Le
connecteur n’est alors plus là que pour expliciter un lien, un sens déjà construit. Il
devient redondant et non essentiel à la construction du lien sémantico-logique.
2.1.1.2. As
Nous faisons apparaître en gras les notions complexes en jeu dans la construction
du lien sémantico-logique de cause, pour les énoncés (39) à (44).
(39) Errol gets a little nervous, as he doesn’t understand. (God is a Bullet,
p. 155)
(40) Soon the boy grew bored, as he did not understand the meanings of
Dr. King’s words. (Hard Revolution, p. 76)
(41) But this controversy would fade, as this was a part of the city rarely
seen by commuters and generally ignored but the press, out of sight and
easily forgotten. (Soul Circus, p. 81)
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(42) Carmichael talked to the crowd and told them not to initiate any
violence, that it would be harmful to them, as they were outnumbered and
would be outgunned. (Hard Revolution, p. 326)
(43) He was embarrassed to write them letters, as he couldn’t spell for shit.
(Hard Revolution, p. 114)
(44) His legs were spread wide, as he couldn’t hope to fit them under the
desk, and he was fanning them back and forth. (Shame the Devil, p. 195)
Le sens est construit, là encore, par le lien qu’entretiennent les notions complexes des
deux propositions. Le connecteur est redondant et non essentiel à la construction du
sens. Il explicite un lien préétabli.
2.1.1.3. Since
Dans l’énoncé (45), le lien sémantico-logique est construit par le lien entre la
notion complexe NOT MIX et la notion complexe NEVER BE PUT TOGETHER.
(45) The working relationship between their fathers had caused their hookup.
Otherwise they never would have been put together, since most of the time,
outside of sporting events and first jobs, colored boys and white boys didn’t
mix. (Hard Revolution, p. 6)
Nous trouvons de rares cas, comme nous l’avons dit plus haut, où le contenu de la
proposition introduite par since donne la cause du contenu de la proposition dite
principale. Dans l’énoncé (46), la notion complexe CEILING BE LOW implique la
notion complexe BOW ONE’S HEAD.
(46) Walker had to bow his head at the foot of the stairway, since the ceiling
there was kind of low. (Soul Circus, p. 45)
Dans l’énoncé (47), le lien sémantico-logique est construit par le lien entre les
notions complexes HE NOT HAVE THEM WHEN I SAW HIM et THEY BE
FAKE. Il faut également faire entrer en ligne de compte la connaissance partagée
(« shared knowledge »). Nous savons qu’il faut du temps pour faire pousser des
pattes.
(47) […] and I assumed the inch of sideburns by each ear were fake, since
he didn’t have them when I saw him last. (Darkness, Take my Hand, p. 408)
Since n’est pas essentiel à la construction du lien sémantico-logique dans les cas
que nous venons de voir. Il est redondant et ne fait qu’expliciter un lien qui a déjà été
construit par le lien des notions complexes des deux propositions.
Le lien sémantico-logique de cause ou de justification, dans les cas que nous
avons vus, n’est pas construit par le connecteur mais par le lien entre les notions
complexes dans les deux propositions et/ou dans le contexte amont. Notons qu’il nous
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faut également parfois avoir recours au paramètre de la connaissance partagée. Le
connecteur est donc redondant et ne fait qu’expliciter un lien déjà existant.
2.1.2. Construction d’un lien sémantico-logique de conséquence
Nous nous intéresserons aux énoncés avec de l’hypotaxe syndétique, puis ceux
avec de la parataxe syndétique.
2.1.2.1. Hypotaxe syndétique
Nous faisons apparaître en gras les notions complexes en jeu dans la construction
du lien sémantico-logique de conséquence, pour les énoncés (48) à (50).
(48) Their lovemaking had been so physical that when it was over, the bed
was halfway across the room from where it had started. (Hard Revolution, p.
258)
(49) The music was so loud he’d never hear me, so I pulled down the
window instead. (Darkness, Take my Hand, p. 119)
(50) The air-conditioning has been off so long the room is thick with leftover
air. (Freaky Deaky, p. 280)
Les conjonctions de subordination dans les cas précédents ne sont pas essentielles
à la construction du lien sémantico-logique de conséquence. Elles sont redondantes et
ne servent qu’à expliciter un lien sémantico-logique déjà construit par le lien des
notions complexes présentes dans les deux propositions.
2.1.2.2. Parataxe syndétique
Nous faisons apparaître en gras les notions complexes en jeu dans la construction
du lien sémantico-logique de conséquence, pour les énoncés (51) et (52).
(51) There was no wind, so the sheet was still. (God is a Bullet, p. 191)
(52) The April evenings were cool and damp, so he would need the warmth.
(Hard Revolution, p. 37)
La conjonction est redondante. Elle ne construit pas le lien sémantico-logique de
conséquence. Elle n’est là que pour expliciter un sens qui a déjà été établi grâce aux
liens entre les notions complexes des deux propositions.
2.1.3. Construction d’un lien sémantico-logique de condition
2.1.3.1. Hypotaxe syndétique
Dans l’énoncé (53), le lien sémantico-logique de condition est construit par le lien
entre les notions STOP et BASE, d’une part, et les notions CANNOT et RISE,
d’autre part. Le plan du fictif est construit par un frayage dans le contexte amont. Le
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fait que nous sachions que le feu a été arrêté nous fait interpréter notre énoncé non
pas comme une assertion mais comme du fictif.
(53) It’s safe here. We stopped the fire in the low floors. It can’t reach us up
here. If you stop it at its base, it can’t rise. (Darkness, Take my Hand, p. 12)
La conjonction de subordination if n’est pas essentielle dans la construction du
lien sémantico-logique de condition, étant donné que celui-ci a déjà été construit. Elle
ne fait qu’expliciter ce lien qui a été construit au préalable par la cooccurrence de
différents marqueurs et/ou paramètres comme les notions complexes, le frayage du
contexte amont ou bien certains verbes ou auxiliaires exprimant une altérité.
Nous pouvons gloser l’énoncé (54) avec un énoncé sans when, avec une virgule
entre les deux propositions. La fiction est construite par le contexte aval. Nous avons
une rétro-action interprétative. La présence de la conjonction de subordination if nous
force à réinterpréter notre énoncé non pas comme une assertion mais comme de la
cause/conséquence sur un plan fictif.
(54) “When you side with a man, you stay with him,” said Quinn. “And if you
can’t do that, you’re like some animal. You’re finished.” (Soul Circus, p. 297)
When ne construit pas le lien sémantico-logique de condition. Il ne fait
qu’expliciter un sens préexistant. Il est redondant et non essentiel à la construction du
lien sémantico-logique de condition.
Dans l’énoncé (55), la construction du plan du fictif est frayée, dans le contexte
amont, par la présence du point d’interrogation, de la question.
(55) “Ready for prime time ?”
“Sign me up.”
She eyes the place. “I see you redecorated.”
“As long as there’s people and garbage, I’m in business.” (God is a Bullet, p.
73)
Les conjonctions de subordination sont redondantes. En effet, le lien sémanticologique de condition est construit au préalable, notamment le plan du fictif pour la
construction duquel le contexte est très important. Nous avons affaire à un frayage,
avec le contexte amont et/ou une rétro-action interprétative, avec le contexte aval.
2.1.3.2. Parataxe syndétique
Dans l’énoncé (56), la notion complexe BLOW COBWEBS OUT peut impliquer
la notion NEW. Le plan du fictif est construit, entre autres, par l’aspect be+V-ing sur
le verbe GO, dans l’apodose, qui, dans ce contexte, exprime l’avenir.
(56) Blow the cobwebs out, and it’s going to be just like new. (Hell to Pay,
p. 317)
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Dans l’énoncé (57), le fictif est frayé par la présence de la notion DEAL, dans le
contexte amont.
(57) That’s the deal. Find the blonde and you find a witness. (The Big
Blowdown, p. 216)
Dans l’énoncé (58), le fictif est frayé par la présence de l’impératif, dans le
contexte amont, ce qui implique que le co-locuteur n’est pas encore assis et ne peut
donc pas encore se lever. L’impératif sur le verbe sit nie l’interprétation de get up en
assertion.
(58) “Sit there,” said Karras. “Get up and I’ll knock you down myself.” (The
Big Blowdown, p. 254)
Dans l’énoncé (59), nous avons une rétro-action interprétative avec will, dans le
contexte aval.
(59) “Good. You’ll be okay if you move fast and leave nothing behind. The
reverend leaving town, well, it happens. Folks’ll just figure he was throwing it
to one of the parishioners’ wives. Anyway, you bury him deep enough and
they’ll never find him.”
“I’ll do it.”
Farrow looked at Toomey. “See you around, Lee.” (Shame the Devil, pp. 162163)
Dans les énoncés étudiés, les conjonctions ne sont pas essentielles à la
construction du lien sémantico-logique de condition. Elles sont redondantes. La
cause/conséquence est souvent construite par le lien des notions complexes présentes
dans les deux propositions et le plan du fictif, grâce à un frayage, avec le contexte
amont, et/ou une rétro-action interprétative, avec le contexte aval.
Les liens sémantico-logiques de cause, de conséquence et de condition ne sont pas
construits, en ce qui concerne les énoncés que nous avons étudiés par les conjonctions
mais par le lien des notions complexes, paramètre qui peut entrer en cooccurrence
avec d’autres paramètres comme le contexte amont et/ou aval, la connaissance
partagée et des marqueurs comme certains verbes ou auxiliaires qui peuvent
contribuer à la construction du plan du fictif. Les conjonctions sont, dans nos
énoncés, redondantes.
Nous en déduisons que le langage n’est pas à analyser comme étant lié à
l’économie ou la paresse. Nous voyons, au contraire, que l’énonciateur a besoin
d’expliciter les liens sémantico-logiques.
Beaucoup de théories linguistiques, dans le sens général – nous incluons par
exemple la phonétique et la phonologie – font appel au principe d’économie, encore
appelé paresse, pour ériger des règles ou rendre compte de certains faits langagiers.
Pourtant, nous voyons bien que, dans certains cas, le connecteur ne fait qu’expliciter
un lien déjà existant. Le connecteur peut être alors considéré comme redondant, voire
inutile. Le langage est tout sauf économique. L’énonciateur a besoin de se répéter.
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Les raisons en sont diverses. Il passe son temps à redire la même chose autrement, à
expliciter. Les reformulations font partie intégrante de l’acte langagier. Nous
entrapercevons alors quelques rouages du fonctionnement du langage. Ces processus
de reformulation, d’explicitation sont en quelque sorte, une petite fenêtre ouverte sur
le mécanisme complexe qu’est celui de la production du sens. Le frayage (contexte
amont) et les rétro-actions interprétatives (contexte aval) sont autant d’indices que la
langue se répète. Certes, nous trouvons également des cas où il y a ellipse – il est
peut-être trop facile de parler d’ellipse ou d’absence, d’ailleurs – où le sens se
construit sans explicitation d’un lien sémantico-logique par un connecteur, par
exemple. Mais ces structures ne sont pas plus nombreuses que les cas où le langage se
répète. Notons que le langage est redondant, et ce, quel que soit le registre ou niveau
de langue.
Le principe d’économie du langage ou bien celui de la paresse est faux. Le
langage a horreur du vide. Nous pensons à tous les cas de structures réflexives, de
structures méta discursives ou bien à tous les cas de répétitions.
Il est possible de transformer certains énoncés syndétiques en énoncés
asyndétiques sans perdre le lien sémantico-logique, mais on trouve également des
structures asyndétiques telles quelles dans notre corpus.
2.2. Quelques paramètres en jeu dans la construction du lien sémantico-logique de
condition
Nous commencerons par nous demander si la ponctuation est réellement un
paramètre qui participe à la construction du lien sémantico-logique de condition,
comme veulent bien nous le laisser croire de nombreux linguistes et grammairiens.
2.2.1. Ponctuation : un paramètre qui participe à la construction du lien sémanticologique de condition ?
Nous commencerons par étudier quelques énoncés avec un signe de ponctuation
avant de nous pencher sur des énoncés sans signe de ponctuation.
2.2.1.1. Construction d’un lien sémantico-logique avec un signe de ponctuation
Dans les énoncés (60) et (61), nous avons bien une virgule entre la protase et
l’apodose. Pourtant, si nous lisons ces énoncés à voix haute, ou bien si nous les
soumettons à une lecture sublabiale, nous voyons qu’ils ne marquent pas de pause
entre les deux propositions.
(60) “I’m out plenty.” Strange stood, slipping the papers he needed into a
manila folder. He undid his belt, looped it through the sheath of his Buck
knife, moved the sheath so that it rested firmly beside his cell holster on his
hip, and refastened the belt buckle. “You ready ?”
Quinn nodded at the knife. “You are.”
“Comes in handy sometimes.”
“You had a gun, you wouldn’t need to carry a knife.” (Soul Circus, p. 149)
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(61) “You want to question her. You bring her in. She won’t come in, forget
it. Then give her name over to the FBI. You understand ?” (God is a Bullet,
p. 38)
Par ailleurs, nous trouvons des énoncés où nous avons construction d’un lien
sémantico-logique de condition sans que nous ayons de signe de ponctuation entre les
deux propositions, comme c’est le cas dans les énoncés (62) à (64), où d’autres
paramètres entrent en ligne de compte dans la construction du lien sémantico-logique
de condition.
2.2.1.2. Construction d’un lien sémantico-logique avec absence de ponctuation
Ce lien peut être construit, comme dans l’énoncé (62), avec un marqueur de
parcours. Ever marque que l’énonciateur considère toutes les occurrences de
validation de la relation prédicative <they-quit-making clocks […]> sans s’arrêter sur
aucune en particulier. L’opération de parcours peut également être marquée par any
seul ou en composition avec thing ou where. Dans ce cas, l’énonciateur ne passe pas
en revue des relations prédicatives mais des occurrences de notions : CHOSE et
MOMENT.
(62) “It’s ten forty,” Robin said.
“They ever quit making clocks with hands on ‘em I’m out of business.”
(Freaky Deaky, p. 160)
Le lien peut également être construit par un marqueur de renvoi à l’avenir, comme
c’est le cas avec l’énoncé (63), où nous trouvons dans l’apodose postposée gonna.
L’énonciateur se place alors sur un le plan du fictif et non pas de l’assertif, du factif.
GONNA participe donc à la construction du lien sémantique de condition.
L’énonciateur envisage une relation prédicative qui est validable mais non validée. Le
renvoi à l’avenir peut également être marqué par l’aspect be+V-ing, par exemple.
(63) Chris said, “You don’t get your ass out of there right now I’m gonna
pull you out,” and couldn’t believe it when the guy put both of his hands over
the can of peanuts, turned a shoulder to Chris and yelled, “Donnell! Who is
this ?” (Freaky Deaky, p. 90)
Le lien peut également être construit par une expression de la modalité comme
have to, dans l’énoncé (64), le propre des auxiliaires modaux ou expressions de la
modalité étant de ne pas présenter la relation prédicative comme validée. Nous ne
sommes jamais dans le factif, dans l’effectif mais dans le fictif. Nous remarquons que
les marqueurs interagissent souvent. Ici, have to, dans l’apodose antéposée, entre en
cooccurrence avec le verbe à modalité téléonomique want, dans la protase postposée.
(64) “You think that’s bad and that ain’t even the real jail, that’s the police
jail. You have to be in the old Wayne County jail sometime you want to
experience a jail.” (Freaky Deaky, p. 115)
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Nous pensons qu’il est peut-être exagéré de parler d’une plus ou moins grande
sémantisation pour les signes de ponctuation. Nous pensons même qu’ils ne
participent pas à la construction d’un quelconque lien entre les propositions.
S’interroger sur le rôle potentiellement joué par la ponctuation dans la
construction du lien sémantico-logique de condition, c’est immanquablement
s’interroger sur le rôle de l’intonation dans la construction du lien sémantico-logique
de condition, et ce, étant donné que les signes de ponctuation sont souvent un moyen
pour l’écrivain de tenter de reproduire l’intonation de l’énoncé. Rappelons qu’il
n’existe pas de règles en ce qui concerne cette transcription de l’intonation et que les
signes de ponctuation ne sont que des outils approximatifs.
2.2.2. Intonation : un paramètre qui participe à la construction du lien sémanticologique de condition ?
A première vue, il semble que l’intonation, le contour mélodique et/ou les pauses
entre les propositions soient un paramètre essentiel, indispensable à la construction du
lien sémantico-logique de condition. N’oublions pas qu’il y a de très nombreux
énoncés où il y a une ambiguïté potentielle entre du fictif et de l’assertif ou bien du
fictif et de l’injonction, comme nous avons pu le voir dans notre exposé lors du
colloque sur les connecteurs, organisé par l’équipe LILA, fin mai, à Charles V.
Pourtant, nous pensons que l’intonation n’est pas un paramètre essentiel à la
construction du lien sémantico-logique de condition, qu’il apparaît lors d’une
deuxième phase. En effet, lors d’une lecture sublabiale ou encore d’une lecture à voix
haute, le fait de donner la bonne intonation implique la bonne compréhension du sens
de l’énoncé. Pour pouvoir donner la bonne intonation, il faut qu’il y ait déjà eu
construction du lien sémantico-logique.
Il semble que deux hypothèses soient possibles. Soit nous considérons que
l’intonation participe à la construction du sens au même titre que les autres marqueurs
ou paramètres et qu’elle est essentielle (nous sommes toujours dans le cadre de la
lecture, et donc nous ne nous positionnons pas comme auteur mais bien comme
lecteur) soit nous considérons qu’elle participe, certes, à la construction du sens mais
n’est pas essentielle. Rappelons notre position en tant que lecteur et le fait que nous
n’étudions pas un corpus oral, mais bien une transcription de l’oral, telle que l’auteur
s’imagine cet oral. Cette position de lecteur semble clairement donner à l’intonation
un rôle moindre que dans le cas de corpus oraux ou dans le cas où nous nous
positionnons comme auteur. Nous dirons donc que dans tous les cas, elle participe à
la construction du sens, mais qu’elle nous semble néanmoins non essentielle à la
construction de ce sens dans le cas d’un positionnement en tant que lecteur puisque
nous pensons qu’elle n’intervient que lors d’une deuxième phase et qu’elle suit donc
une première phase où se construit le sens. Pour nous, l’intonation n’est là qu’au
niveau de la re-lecture, re-construction du sens. Nous insistons bien sur le fait que
cela ne serait pas le cas dans le cadre de l’étude d’un corpus oral où l’intonation
devient alors, non seulement un marqueur prosodique et/ou intonatif intégré, mais un
paramètre essentiel à la construction du sens. Nous insistons, également, sur les
ambiguïtés de la ponctuation par opposition aux non ambiguïtés de l’intonation à
l’oral. Par ailleurs, la lecture nécessite parfois une relecture, dans les irréels, en
particulier. Se pose alors la question du statut à accorder à l’obstacle dans le la lecture
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et dans la relecture. Nous ne travaillons que les connecteurs et l’absence de
connecteurs à l’écrit, non pas à l’oral, dans la construction du sens et surtout sa
reconstruction.
Le sens est construit par différents paramètres qui peuvent interagir, comme la
présence dans le contexte amont et/ou aval d’une notion ou d’une notion complexe
qui va, dans le cas de la construction du fictif, s’opposer à la notion ou la notion
complexe présente dans l’une des deux propositions de l’énoncé où nous avons
construction du lien sémantico-logique de condition. Par ailleurs, dans le contexte
amont et/ou aval, nous pouvons trouver un élément qui nie ce qui est énoncé dans
l’une des deux propositions – il s’agit souvent de la protase.
2.2.3. Contexte linguistique (négation/opposition)
2.2.3.1. Contexte amont
Dans l’énoncé (65), les notions complexes DOG, TRASH-TALK et ALWAYS
START FIGHTS s’opposent à la notion STRAIGHTEN dans la protase antéposée.
Ce paramètre interagit avec l’auxiliaire de modalité can dans l’apodose postposée.
Par ailleurs, not, dans not welcome back et off, dans off the team, nient CAN PLAY.
(65) “Call her back,” said Strange, “and tell her he’s not welcome back.
He’s off the team. Didn’t like him around the rest of the kids anyway.
Doggin’ it, trash-talking, always starting fights.” […]
“I’m not giving up on him or anyone else. He straightens himself out, he can
play for us next season. […]”(Hell to Pay, pp. 46-47)
Dans l’énoncé (66), la notion complexe KEEP HANGIN’ WITH HIM nie
DIDN’T HAVE DIRTY. Nous précisons que Carlton et Dirty sont la même et unique
personne.
(66) Potter didn’t know why he bothered talking to Carlton. But he figured
he’d keep hangin’ with him anyhow. He didn’t have Dirty, he didn’t have
no one at all. (Hell to Pay, pp. 318-319) (Carlton est Dirty)
Nous avons, pour ces deux énoncés, frayage du fictif.
2.2.3.2. Contexte aval
Dans les énoncés (67) et (68), nous ne pouvons plus parler de frayage. Nous
parlerons plutôt de rétroaction interprétative. Dans l’énoncé (68), la notion WALK,
dans la protase antéposée s’oppose à la notion STAND, dans le contexte aval.
(67) “Anyone of you walks”, yelled Arrington, as they jogged off the line,
and you all are gonna do four more.”
The men stood together in the end zone and watched the sea of faded
green uniforms move slowly around the track. (Hell to Pay, p. 46)
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Dans l’énoncé (68), la notion WORK, dans la protase postposée s’oppose à la
notion complexe NOT HAVE A JOB dans le contexte aval. Nous remarquons la
présence de l’auxiliaire de modalité can dans l’apodose antéposée. In fact, comme
but, est un indice du retour sur le plan de l’assertif. Il nous indique que nous quittons
le plan du fictif.
(68) “You can get your own car like this someday, you work hard like your
uncle.” In fact, Lorenze Wilder hadn’t had a job in years. (Hell to Pay, p.
188)
Les marqueurs fonctionnent rarement seuls. Nous trouvons souvent une
interaction de différents marqueurs. Seul le paramètre des notions complexes peut
suffire à construire un lien sémantico-logique de condition par exemple. Nous avons
vu précédemment que l’un des marqueurs qui participent fréquemment à la
construction du lien sémantico-logique de condition se trouve être le marqueur de
parcours.
2.2.4. Parcours
Le parcours peut être construit par différentes catégories comme any ou ever, ou
bien des verbes avec un sémantisme positionnant l’énonciateur au niveau du hiatus
qui ouvre sur les deux zones du domaine notionnel. On trouve, entre autres, des mots
comme any ou bien encore l’adverbe ever, des verbes avec un sémantisme
positionnant l’énonciateur au niveau du hiatus, les auxiliaires modaux, les verbes
exprimant une modalité ou bien les prédicats marquant une modalité téléonomique,
comme nous avons vus précédemment.
Un autre paramètre participant à la construction du lien sémantico-logique de
condition se trouve être les marqueurs de référence à l’avenir comme gonna ou
encore les groupes prépositionnels.
2.2.5. Marqueurs de référence à l’avenir
Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, étudier tous les marqueurs de
référence à l’avenir, mais nous tenons à citer le marquage par les groupes
prépositionnels.
Dans (69), nous trouvons le groupe prépositionnel Next time I see him dans la
protase antéposée. Ce marqueur entre en cooccurrence avec any, toujours dans la
protase antéposée, maybe, dans l’apodose postposée et l’auxiliaire de modalité will,
toujours dans l’apodose postposée.
(69) “You shot out his car windsurf, Patrick ? Jesus.”
“I was a tad perturbed.”
“Yeah, but shooting out his car window ?”
“Angie,” I said, “he threatened Mae and Grace. He does anything that uncool
next time I see him, maybe I’ll just forget the car and shoot him.” (Darkness
Take my Hand, p.217)
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Dans l’énoncé (70), le groupe prépositionnel introduit par before dans la protase
antéposée interagit avec l’auxiliaire de modalité can au prétérit dans l’apodose
postposée.
(70) “The owner collects,” said Dennis, answering without having to think
on it, knowing then what this was about.
“What I’m saying’. People in the neighborhood got to pay their debt on that
day, otherwise they gonna lose their credit. So we ain’t talking about no
pennies. We get it done before the man goes to the bank, late in the
afternoon, we could walk away with, shit, I don’t know, a thousand dollars.
You do this thing for us, you gonna get yourself a cut.” (Hard Revolution, p.
127)
Nous avons vu que les notions complexes sont omniprésentes. Ce paramètre est
négligé dans les grammaires et autres ouvrages et articles de linguistique alors qu’il
nous semble essentiel à la construction des liens sémantico-logiques puisque c’est le
seul marqueur qui peut se suffire à lui-même pour construire un lien sémanticologique.
2.2.6. Lien des notions complexes
Nous voyons que les notions complexes sont omniprésentes dans la construction
du sens et des liens sémantico-logiques. Ce paramètre peut même, dans certains cas,
suffire à la construction du sens. Il semble que ce paramètre soit le seul paramètre qui
puisse se suffire à lui-même pour la construction d’un lien d’ordre sémantico-logique,
dans le cadre de la lecture. Ceci est différent dans le cas de la production ou bien dans
le cadre de l’oral. Le lien établi entre les notions complexes peut se faire au niveau
des deux propositions ou bien entre une notion ou notion complexe d’une proposition
et une notion ou notion complexe du contexte amont ou aval.
Par ailleurs, il existe différents types de lien entre les notions complexes. Cette
différence de lien semble pouvoir expliquer pourquoi, notamment dans le cas du lien
sémantico-logique de cause/conséquence, le connecteur est indispensable ou bien
redondant, si l’on peut parler de redondance. Il semble que dans le cas du lien
sémantico-logique de conséquence, le lien des notions complexes, de quelque nature
qu’il soit, suffise à construire ce lien sémantico-logique, que l’on ait une portée sur le
dit ou sur le dire. Par contre, en ce qui concerne le lien sémantico-logique de cause, il
semble que le type de lien entre les notions complexes entre en ligne de compte pour
déterminer s’il est possible ou non d’enlever le connecteur. Il semble impossible
d’enlever le connecteur lorsque les notions complexes ne sont pas symétriques et
donc non réversibles. Autrement dit, le connecteur construisant le lien sémanticologique de cause est indispensable, semble-t-il, lorsque les notions ou notions
complexes englobent d’autres notions complexes et que ce sont celles-ci qui
permettent le lien parataxique. Nous citons l’exemple suivant :
? ? I left. It began to rain.
I left BECAUSE it began to rain.
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La seule interprétation possible pour cet énoncé serait que mon départ soit à
l’origine de la pluie. Nous avons besoin du connecteur de cause entre les deux
propositions pour construire un lien sémantico-logique de cause, étant donné que les
notions LEAVE et RAIN ne sont pas symétriques. La notion RAIN ne contient pas,
dans ses propriétés définitoires, la notion LEAVE.
Il est possible de construire de la condition, du fictif sans connecteur, grâce à
l’interaction de différents paramètres. Il est même possible de construire sans protase
du fictif.
2.3. Contre l’idée que l’asyndète est moins « élaborée » que la syndète, plus
particulièrement : exemple de la construction du lien sémantico-logique de condition
sans protase
Nous renvoyons également le lecteur, comme illustration du fait que l’asyndète
n’est pas moins élaborée que la syndète, à l’article à paraître intitulé « Asyndète et
construction du fictif dans certaines variétés d’anglais », cité dans la bibliographie.
Nous pensons que l’asyndète n’est pas moins élaborée que la syndète. Nous en
avons pour preuve les cas où nous pouvons construire du fictif sans avoir de protase.
Nous commencerons par le cas du potentiel. Nous avons de l’altérité, autrement dit,
l’énonciateur se situe au niveau de l’hiatus. Nous avons bifurcabilité. Nous sommes
dans le non certain. L’énonciateur ne choisit pas entre les deux zones du domaine
notionnel, entre p et p’, entre l’intérieur et l’extérieur du domaine notionnel.
2.3.1. Le cas du potentiel
Nous trouvons dans le contexte amont des verbes dont le sémantisme fraye une
lecture fictive.
2.3.1.1. Le sémantisme des verbes dans le contexte amont fraye une lecture fictive
Nous trouvons le verbe exprimant une modalité téléonomique want dans l’énoncé
(71). Nous remarquons la présence de l’auxiliaire de modalité can au prétérit dans ce
que nous serions tentée d’appeler l’apodose.
(71) “Want to go ?” said Karras. “We could probably get you a ticket outside
Turner’s.” (The Big Blowdown, p. 46)
Dans l’énoncé (72), nous trouvons le verbe tempt à la voix passive. Nous
remarquons à nouveau la présence d’un auxiliaire de modalité au prétérit dans
l’apodose supposée.
(72) “[…] I’m tempted to withdraw, leave the theatre, and buy a cabin in the
Maine woods.”
“Wouldn’t help,” Mac said. (Murder at Ford’s Theatre, p. 53)
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Dans l’énoncé (73), nous avons le verbe know, accompagné de not. Ce verbe entre
en cooccurrence avec maybe ainsi qu’avec will au prétérit et le verbe exprimant une
modalité have to dans l’apodose.
(73) “Okay. But what the hell are you going to do if you don’t do this ?”
“I don’t know. I’ll find something. Maybe I’ll take the civil service exam.”
“A government man,” said Recevo. “That’s a laugh. You’d have to get up
before noon, you ever think of that ?” (The Big Blowdown, p. 68)
On trouve aussi parfois dans le contexte amont why associé à une base verbale,
comme c’est le cas dans l’énoncé (74).
2.3.1.2. Why associé à BV, dans le contexte amont, fraye une lecture fictive
Nous notons la présence de l’auxiliaire de modalité will au prétérit dans la
supposée apodose.
(74) “Last week you were in Athens, where the Olympics have gone over
budget and under attended. Why bring the games to New York ?”
“{ } It would be an enormous boon for New York city. We could raise the
money here. It would all be done privately. NYC is the media capital of the
world. And there are a bunch of sport freaks here. The Olympic village would
be housing we desperately need, all funded privately. In terms of spirit, it’s
the chance to tell the world just how safe and open New York is. And that’s
one of the things you’re going to see this week” Michael Bloomberg
answered. (A) – Sept 6, 2004 – 10 questions for Michael Bloomberg
On trouve également énormément de cas d’irréels sans protase.
2.3.2. Le cas de l’irréel
Nous avons de l’altération du réel et non plus de l’altérité. L’énonciateur rebrousse
la branche du domaine notionnel qui correspond à ce qui est/a été validé. Il se place
au niveau de l’hiatus et considère l’autre branche du domaine notionnel.
C’est à nouveau le contexte qui va jouer un rôle dans la construction du lien
sémantico-logique. Il s’agira d’un élément qui entrera en opposition avec un élément
de la supposée apodose ou bien d’un élément qui niera un autre élément dans cette
même apodose.
2.3.2.1. Contexte linguistique (négation/opposition)
Nous faisons apparaître en gras les paramètres participant à la construction du lien
sémantico-logique de condition, pour les énoncés (75) à (80).
Dans l’énoncé (75), la notion RADIO, dans le contexte amont, implique la notion
MUSIC. Le fait que la notion RADIO soit niée implique la négation de la notion
MUSIC. La négation des notions entre en cooccurrence avec d’autres marqueurs
comme l’auxiliaire de modalité will suffixé en -ed, où le prétérit a une valeur modale.
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Ces deux paramètres se combinent avec la présence de l’aspect have+V-en, qui joue
le rôle du prétérit temporel.
(75) The Plymouth started with a cough. Florek pumped the gas a couple of
times, let the engine idle. No heat in this one ever, and no radio. He could
have done without the heater, but he really would have liked some music.
(The Big Blowdown, pp. 106-107)
Dans l’énoncé (76), la notion KILL implique la notion DEAD, dans le contexte
amont. Là encore, nous avons une négation de notions. La négation de notions entre
également en cooccurrence avec un auxiliaire de modalité, le prétérit modal et
l’aspect have+V-en à valeur de prétérit temporel.
(76) “It’s still breathin’.” Perre Angelos spread his fingers wide. “What are
we gonna do, Pete ?”
“It ain’t dead,” Boyle said. “We ought to just kill it.”
“The joker who sold this rifle to us said it was just like a twenty-two,” said
Recevo. “But this here is no twenty-two. A twenty-two woulda killed it.”
(The Big Blowdown, p. 24)
Dans l’énoncé (77), nous avons une opposition de notions. La notion RIGHT, dans
le contexte amont, s’oppose à la notion LEFT. L’opposition de notions entre en
cooccurrence avec les mêmes marqueurs que pour les énoncés précédents.
L’énonciateur sait pertinemment que la relation prédicative <you-watch out for-the
left> n’a pas été validée mais il envisage quand même la validation de celle-ci.
(77) Recevo, his eyes fixed on the right hand of the nun, did not comply. The
nun’s left hand slashed out of nowhere, slapping him sharply across the
cheek. Recevo rubbed the red mark as the children laughed. Sister Cumilliana
walked back to the head of the class, a smile in her eyes.
You shoulda watched the left, Joey, thought Karras. You shoulda watched
out for the left. ( The Big Blowdown, p. 22)
Dans l’énoncé (78), la notion STREET CAR entre en opposition avec la notion
WALK, dans le contexte amont. Nous retrouvons le même faisceau de paramètres
contextuels que dans les énoncés précédents. L’énonciateur rebrousse le chemin qui
mène vers l’effectif, à savoir la non validation de la relation prédicative <you-catch-a
street car>, et considère le chemin qui mène vers l’autre domaine notionnel, à savoir
la validation de cette même relation prédicative.
(78) “Maybe you ought to get yourself a nice, quiet sedan.”
“I got my eye on the new models when they come out. A Hudson, maybe.
Anyway, I don’t need advice from a guy who doesn’t even own a set of
wheels.”
“I like to walk, is what it is.”
“Yeah, you took a good one tonight. You know, you coulda caught a street
car, Pete.” (The Big Blowdown, p. 57)
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Nous remarquons la présence de but dans l’énoncé (79), qui marque le passage au
plan du réel, le fait que nous passons du fictif au factif. Nous retrouvons une
opposition de notions entre la notion complexe GET ON BUS, d’une part, et la notion
WALK, d’autre part, dans le contexte aval, cette fois.
(79) Kay laughed, kissed him once more as the bus pulled to the curb. The
doors opened and she went up the steps. Florek waved her off, thinking he
should have gotten on the bus himself. But he was very happy walking
home, noting as he neared R Street that he had not thought once about the
route he had taken in his journey from downtown to Shaw. (The Big
Blowdown, p. 172)
Dans l’énoncé (80), nous devons remonter à plusieurs chapitres en arrière où nous
avons appris que Cale était mort. Nous voyons avec ce dernier exemple que le
contexte ne doit pas être envisagé comme renvoyant à quelques lignes avant ou après
l’énoncé étudié mais qu’il peut s’agir d’un contexte très large. La notion DEAD, dans
le contexte amont éloigné, implique que la notion WANT, n’est pas envisageable.
(80) Cale would have wanted this interview shown. (Murder on Capitol Hill,
p. 61)
Parfois, le contexte linguistique ne suffit pas et il faut alors se tourner vers la
situation extralinguistique, comme c’est le cas avec l’énoncé (81).
2.3.2.2. Situation extralinguistique
Le fait que le locuteur s’adresse au co-locuteur justifie le fait que ce même colocuteur n’ait pas été open up from ear to ear.
(81) Ike would’ve opened you up from ear to ear. (The Big Blowdown, p.
243)
Il est possible de construire un schéma complexe comme l’est l’irréel, autrement
dit, il est possible d’énoncer le contraire de ce qui s’est passé ou de ce qui se passe, et
cela sans connecteur et même sans repère fictif.
Conclusion
D’autres paramètres que les connecteurs peuvent participer à la construction d’un
lien sémantico-logique. Parfois, le paramètre des notions complexes et des liens
qu’elles entretiennent peut même suffire à construire un lien sémantico-logique. Nous
pensons donc que l’asyndète n’est pas moins « élaborée » que la syndète.
Nous allons un peu plus loin et présentons l’idée que nous pourrions être tentée de
considérer que les connecteurs sont, dans certains cas, redondants – rappelons que,
contrairement à ce que l’on trouve souvent écrit sur le sujet, le langage n’a pas peur
de la redondance – voire inutiles. En effet, les notions complexes suffisent – même si
parfois elles interagissent avec d’autres paramètres – à construire un lien sémantico-
51
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logique et même parfois un lien sémantico-logique complexe comme celui de l’irréel.
Le connecteur n’est alors plus là que pour rendre explicite un lien sémantico-logique
déjà construit. Nous insistons sur le fait que nous ne pouvons pas généraliser et que
nous devons absolument moduler notre propos. En effet, il est possible d’enlever des
connecteurs sans que le sens n’en pâtisse dans certains cas seulement. Nous trouvons,
en effet, énormément de cas où il est impossible d’enlever le connecteur. Par ailleurs,
dire que les connecteurs peuvent paraître, dans certains cas, redondants ne veut pas
dire que le sens de l’énoncé sans le connecteur est exactement le même que le sens
avec le connecteur. N’oublions pas que since, because, for ou as ne participe pas à la
construction de la même valeur causale, si l’on peut parler de valeur causale puisque
les modalités de prise en charge (prise en charge de la relation prédicative des deux
propositions et du lien entre les deux propositions) sont totalement différentes pour
ces différents connecteurs.
Références
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towards a Sociology of Language. Londres, Routledge and Kegan Paul.
Deléchelle, G. 1989. « L’expression de la cause en anglais contemporain : étude de
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Lehane, D. 1997. Darkness, Take my Hand. Londres, Bantam Books.
Lehane, D. 2001. Mystic River. New York, Harper Torch.
Leonard, E. 1988. Freaky Deaky. Londres, Penguin Books.
Pelecanos, G. P. 1999. The Big Blowdown. New York, St Martin’s Minotaur/St
Martin’s Griffin.
Pelecanos, G. P. 1998. King Suckerman. Londres, Serpent’s Tail.
Pelecanos, G. P. 2003. Shame the Devil. Londres, Orion.
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Pelecanos, G. P. 2005. Hard Revolution. Londres, Phoenix.
Schleppegrell, M. J. 1991. « Paratactic because », in Journal of Pragmatics, vol. 16,
no. 4, pp. 323-337.
52
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Teran, B. 2000. God is a Bullet. Londres, Pan Books.
Trévise, A et L. Constant. A paraître. « Asyndète et construction du fictif dans
certaines variétés d’anglais », in Peter Lang (éd.) Les connecteurs, jalons du
discours. Coll. Sciences pour la Communication dirigée par A. Berrendonner.
Truman, M. 2001. Murder on Capitol Hill. New York, Ballantine Books.
Truman, M. 2003. Murder at Ford’s Theatre. New York, Ballantine Books.
53
LA COOCCURRENCE DU PASSÉ SIMPLE ET DU PASSÉ COMPOSÉ DANS
LA PRESSE FRANÇAISE
Danh Thành Do-Hurinville
Université de Paris VII Jussieu
Résumé
Cet article, composé de deux parties, porte sur l’emploi du passé simple et du
passé composé dans la presse française. La première partie, consacrée à l’examen de
la cooccurrence simple du passé simple et du passé composé, met l’accent sur deux
types de structures narratives : ternaire (passé composé - passé simple - passé
composé) et binaire (passé simple - passé composé). La seconde partie, qui étudie la
cooccurrence complexe du passé simple et du passé composé, est pourvue d’extraits
journalistiques où ces deux tiroirs s’entremêlent intimement. Si la théorie
dichotomique de Benveniste (1966) paraît efficace pour interpréter l’emploi de ces
tiroirs dans la première partie, elle ne s’applique plus à l’analyse des textes de la
seconde partie. Le passé simple n’est pas en voie de disparition, mais il serait « en
mutation » pour survivre face au passé composé et à d’autres temps verbaux.
Abstract
The present article is composed of two parts and deals with the use of the passé
simple and the passé composé in the French press. The first part, devoted to the
examination of the simple co-occurrence of the passé simple and the passé composé,
emphasizes two types of narrative structures : ternary structure (passé composé passé simple - passé composé) and binary structure (passé simple - passé composé).
The second part, in which the complex co-occurrence of the passé simple and the
passé composé is studied, contains press excerpts in which those two tenses are
closely mingled. If Benveniste’s (1966) dichotomic theory seems an effective way of
interpreting the use of those tenses in the first part, it cannot be applied to the analysis
of the texts in the second part. The passé simple is not on the road to disappearance
but it is probably changing in order to survive in the face of the passé composé and
other tenses.
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Introduction
Le présent article, qui a pour objectif de décrire et d’étudier la cooccurrence1 du
passé simple (noté désormais PS) et du passé composé (noté désormais PC) dans la
presse française de nos jours, s’appuie sur un corpus2 composé d’une cinquantaine
d’articles empruntés aux journaux, aux revues et aux magazines suivants : L’Equipe,
Le Figaro, Le Monde, Le Monde Télévision, Le Journal de Paris, Le Matin, Le
Marché Immobilier, Le Canard enchaîné, Le Nouvel Observateur, Le Monde de
l’Éducation, Le Monde de la Musique, Radio classique, Télérama, Télé Z, Le Tennis
Magazine, Les Sports, Epok, GEO, HEC, Dossiers secrets de l’histoire, 18-25, Info
Pertinence, J’aime la France, Défense de la langue française.
Selon le dictionnaire Grand Larousse de la langue française (tome 5 : 40394050), le PS est hérité du parfait latin (feci > fei) alors que le PC, forme auxiliée, a
son origine dans les formes périphrastiques du latin parlé (venutus sum, scriptum
habeo), qui se répandent et se fixent comme formes coalescentes en bas latin.
Dans son article intitulé La disparition du prétérit, paru en 1920, Foulet a pour
thème principal de dater la disparition du PS, qu’il appelle le prétérit, de la langue
parlée. Selon ce linguiste, le PC et le PS sont déjà en concurrence, en ancien et en
moyen français, pour l’expression du passé. En effet, le PS, entre le XIIe siècle et le
e
XVI siècle, a été éliminé de l’usage oral par le PC, dont la valeur primitive de parfait
s’était doublée, comme il était arrivé au parfait latin, d’une valeur de prétérit.
Selon Galet (1974, p. 27), dès la fin du XVIe siècle, des grammairiens3 ont étudié la
valeur contrastive entre le PS et le PC en fixant des règles précises relatives à
l’emploi de ces tiroirs4. C’est Estienne qui a signalé la subtilité dès 1569 et a introduit
au XVIe siècle la loi des vingt-quatre-heures : les événements au-delà de la nuit sont
exprimés au PS et ceux en deçà au PC (Riegel et al., 1994, p. 305). Fournier (1998, p.
396) précise que l’opposition entre ces deux tiroirs est « d’ordre aspectuel et
énonciatif, et non pas référentiel, entre un passé éloigné et un passé récent ».
Après avoir présenté la théorie de Benveniste, nous examinerons la cooccurrence
du PS et du PC dans la presse française.
1
Selon la grammaire de Arrivé et al. (1986, p. 186), la cooccurrence « est une relation de
coexistence ou de coprésence d’une ou de plusieurs unités avec une unité donnée à l’intérieur
d’un énoncé ». Nous utilisons ce terme pour indiquer la coexistence du passé simple et du
passé composé soit à l’intérieur d’un paragraphe, soit à l’intérieur d’une phrase.
2
Ce corpus contient des articles parus de 1988 à 2006.
3
Estienne (1569, Traité de la conformité du langage français avec le grec), Maupas (1607,
Grammaire et syntaxe françoise), Oudin (1632, Grammaire françoise rapportée au langage
du temps), Chiflet (1659, Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise), Arnauld et
Lancelot (1660, Grammaire générale et raisonnée), Andry de Boisregard (1692, Réflexions ou
Remarques critiques sur l’usage présent de la langue françoise), Régnier-Desmarais (1705,
Traité de la grammaire françoise), Buffier (1709, Grammaire françoise sur un plan nouveau).
4
Terme proposé par Damourette & Pichon (1911-1936) désignant les temps grammaticaux et
correspondant à tenses en anglais.
55
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1. L’approche de Benveniste (1966)
1.1. L’approche de Benveniste
Dans le chapitre intitulé Les relations de temps dans le verbe français (tome 1, pp.
237-250), Benveniste distingue deux systèmes complémentaires : l’Histoire (ou le
Récit) et le Discours. Dans le premier, qui relève de la « langue écrite » et caractérise
« le récit des événements passés », il n’existe ni locuteur ni narrateur, car « personne
ne parle; les événements semblent se raconter eux-mêmes ». Du critère fondamental
de cette théorie découlent des contraintes sur les personnes et les déictiques : ni je, ni
tu, ni ici, ni maintenant. Outre le PS, tiroir fondamental, on utilise le passé antérieur,
le conditionnel, le « prospectif »5.
Dans le second système, qui appartient aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, il existe un
locuteur qui dit je, un allocutaire qui dit tu, et les déictiques : ici, maintenant. Le
locuteur oppose une « non-personne » (il) à une personne (je / tu). Les tiroirs
fondamentaux sont le PC, le présent et le futur. Le plus-que-parfait et l’imparfait sont
communs à ces deux systèmes.
1.2. Brève présentation des valeurs du PS et du PC
Le PS situe le procès6 dans le passé, comme l’imparfait, mais à la différence de ce
tiroir, le PS donne du procès une vision globale : il en présente tout à la fois le terme
initial, le développement complet et le terme final. Autrement dit, le procès est perçu
de l’extérieur, dans sa globalité, considéré comme un noyau indivisible. Les procès au
PS sont complètement coupés de t°. De ce fait, le PS traduit l’aspect global en
opposition avec l’imparfait qui exprime l’aspect sécant7. À la différence du PC, le PS
n’est pas formellement mis en relation avec t° et il est donc plus apte à rapporter des
faits passés coupés du présent de l’énonciateur. C’est un tiroir narratif par excellence.
Le PC, forme composée du présent, exprime l’aspect accompli8 et marque
l’antériorité par rapport au présent. Mais cette valeur d’antériorité s’oriente vers le
5
Formes périphrastiques aller / devoir à l’imparfait + verbe à l’infinitif : Richelieu allait /
devait en subir les conséquences plus tard (Maingueneau, 1994, p. 76).
6
« On entend par procès, l’action ou l’état décrit par la phrase entière et non seulement par le
verbe » (Martin, 1988 : 5).
7
La distinction entre l’aspect global et l’aspect sécant permet d’opposer deux manières
d’envisager le déroulement du procès. Celui-ci peut être perçu de l’extérieur, dans sa globalité, considéré comme un tout indivisible. C’est l’aspect global, que représente le PS. Le
procès peut être envisagé de l’intérieur, depuis l’une des étapes de son déroulement, sans que
soient prises en compte les limites extrêmes ; autrement dit, on ne voit ni le début ni la fin du
procès. C’est l’aspect sécant qu’exprime l’imparfait.
8
Dans tous les modes français (indicatif, subjonctif, infinitif, participe), l’opposition entre
l’aspect accompli et l’aspect non accompli ou inaccompli se manifeste par celle existant entre
les formes composées et les formes simples du verbe. Les formes simples expriment l’aspect
non accompli qui saisit le procès en cours de déroulement. Autrement dit, le procès est vu en
56
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passé lorsque le PC prend dans l’énonciation de discours une valeur équivalant à celle
du PS dans l’énonciation historique (Benveniste). Sur le plan aspectuel, le PC
s’oppose au présent comme toute forme composée vis-à-vis de la forme simple
correspondante. Riegel et al. (1994, p. 302) distinguent trois emplois du PC.
● Accompli du présent : le PC envisage un procès comme accompli et
marque l’état résultant de l’achèvement du procès au moment de
l’énonciation t°. Dans Paul est arrivé (= Paul est là), le PC indique qu’à t°
Paul se trouve devant le locuteur.
● Antérieur du présent : dans une structure où le PC est utilisé en corrélation
avec le présent, il marque l’antériorité par rapport au présent. « Ce qui est
accompli au moment de l’énonciation lui est inévitablement antérieur »
(Riegel et al.) Dans Quand il a écrit une lettre, il l’envoie (Benveniste), le
procès envoyer ne commence qu’une fois le procès écrire une lettre achevé.
Quand il a écrit une lettre équivaut à après avoir écrit une lettre.
● Temps du passé (« aoriste du discours », Benveniste) : le passé composé
peut situer totalement le procès dans le passé : le repère de l’événement est
antérieur à t° : Mlle Daisy a vu un rhinocéros unicorne (Ionesco).
1.3. Quelques remarques sur le PS et le PC
Le PS et le PC s’opposent sur les deux plans suivants : sur le plan aspectuel, le PS
exprime l’aspect global, tandis que le PC traduit l’aspect accompli. Quant au plan
énonciatif, le PS est un « aoriste du récit », alors que le PC est un « aoriste du
discours ». Les deux premiers emplois du PC (« accompli du présent » et « antérieur
du présent ») ne peuvent pas être remplacés par le PS. En revanche, lorsque le PC
fonctionne comme un « aoriste du discours » (troisième emploi), il peut commuter
avec le PS, mais l’équivalence n’est pas parfaite. Avec le PC, l’événement passé n’est
pas complètement coupé du présent, mais il est envisagé par le locuteur avec une
certaine « proximité psychologique » (Imbs, 1960).
2. Cooccurrence simple du PS et du PC
Nous distinguerons ici deux types de structures concernant l’utilisation du PS et
du PC : la structure narrative ternaire d’ordre PC-PS-PC, et la structure narrative
binaire d’ordre PS-PC. Le schéma ternaire est déjà mentionné dans les articles de
Galet (1977) et de Monville-Burston et Waugh (1985).
2.1. La structure ternaire
(1)
L’aérostier français L. D., âgé de 50 ans, a effectué, dimanche, un envol
qui lui a coûté la vie. Alors qu’il tentait de maintenir au sol sa montgolfière
gonflée d’air chaud, le ballon plus léger que l’air se mit en mouvement et
cours d’accomplissement. Quant aux formes composées, elles traduisent l’aspect accompli qui
envisage le procès au-delà de son terme, comme étant réalisé, achevé.
57
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enleva le pilote suspendu au panier d’osier. Après avoir essayé, vainement,
de saisir une amarre de la nacelle avec ses pieds, il lâcha prise d’une
hauteur de 20 mètres et s’écrasa sur l’aire de départ. Très grièvement (sic)
blessé (fractures multiples, hémorragies internes),
L. D., transporté
d’urgence à l’Hôpital de Belfort, est décédé quelques heures après son
admission. (Envol Tragique, Le Matin, 02/09/1986, cité par Béguelin, 1988)
(2)
Tiberio Fiorilli (1608-1694), l’illustre comédien et génial pantomime, a
diverti le Paris du XVIIe siècle pendant près de cinquante ans. Pilier de la
troupe italienne des comédiens du roi, il savait transformer en rires les cris
de colère de Louis XIV, l’enfant-roi. Applaudi dans le personnage de
Scaramouche, bouffon séducteur et vénal le plus ancien de la commedia
dell’arte, il fut le maître de Molière, avec lequel il partageait la salle du
Petit-Bourbon puis celle du Palais-Royal. Il a laissé des souvenirs vivaces,
que son compère Mezetin, alias Costantini, s’est employé à relater. (La vie
de Scaramouche, Le Nouvel Observateur, no. 1784, 14/01/1999)
La structure ternaire, illustrée par les textes (1) et (2), est pourvue d’une
introduction, d’un développement et d’une conclusion. Dans l’introduction, l’emploi
du PC est quasiment exclusif pour exprimer un fait aussi bien ancien que récent.
L’idée selon laquelle le PS représente un fait ancien, et le PC un fait récent, n’est pas
prise en compte9. Dans le développement, le temps verbal dominant est le PS
permettant de détailler le contenu des textes. Dans la conclusion, le temps utilisé de
préférence est le PC. La théorie de Benveniste peut s’appliquer à l’étude de ces
articles. Par conséquent, l’ordre PC-PS-PC peut correspondre à Discours-HistoireDiscours.
2.2. La structure binaire : PS - PC
(3)
Appréciées depuis plus de cinq siècles, les huîtres de Cancale ravissaient
déjà François 1er, Henri IV et Marie-Antoinette ! Jusqu’au XVIIIe siècle, les
pêcheurs ramassaient jusqu’à 20000 tonnes d’huîtres plates chaque année…
Le banc naturel commença à s’épuiser et il fallut se résoudre à « élever »
des huîtres. C’est ainsi qu’en 1858 débuta l’ostréiculture française.
Aujourd’hui, les plates de Cancale sont devenues une denrée rare : 400
tonnes par an pour 2000 tonnes d’huîtres creuses. (J’aime la France, La
Bretagne, Atlas, 09/1995)
(4)
Cette ancienne colonie française a sa langue officielle, le vietnamien, dont
l’écriture fut latinisée par le jésuite Alexandre de Rhodes en 1646.
Aujourd’hui, quelques francophones perpétuent au Vietnam la pratique du
français, qui n’a aucun statut particulier […]
Point d’histoire : après la Première Guerre du Vietnam (1946-1954), qui
s’est achevée par la défaite de la France, et la seconde (1962-1973), dans
laquelle se sont engagés les États-Unis, la réunification du Nord et du Sud a
9
Cette remarque est confirmée également par Galet (1974), Monville-Burston et Waugh
(1985), et Fournier (1998).
58
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permis d'instituer en 1976 la république socialiste du Vietnam […]
(Vietnam, GEO, no. 138, 08/1990)
(5)
Sydney est la plus vieille ville d’Australie. Elle fut fondée pour être une
colonie pénitentiaire britannique. En 1788, le capitaine Arthur Philip
débarqua là, […], accompagné de 730 bagnards […] Ils furent ainsi
160 000 « convicts » à émigrer par force jusqu’en 1868. Cette population
n’étant pas suffisante pour exploiter toutes les richesses de ce nouveau
continent, on fit également appel à l’immigration libre. Grâce à différents
subterfuges, celle-ci fut très sélective : Anglais et Irlandais étaient autrefois
les candidats privilégiés. Vinrent ensuite les Européens du sud puis ceux de
l’est et finalement, ce sont aujourd’hui les asiatiques (sic) qui constituent le
plus gros du contingent annuel : 40%. Après avoir été soigneusement
évincés durant deux siècles, « les jaunes (sic) » ne sont plus redoutés ;
l’Australie admet enfin qu’elle est tout simplement le sud de l’Asie.
Cependant, ce constat se fait à contrecœur. Tout récemment, les Australiens
ont réaffirmé leur allégeance à la Couronne d’Angleterre et renoncé à
devenir une République. Ce geste purement symbolique prouve à quel point
cette petite nation de 18 millions d’habitants reste attachée à sa culture
originelle occidentale face à 2 milliards d’Extrême-orientaux (sic) […]
(Sydney, Le Marché Immobilier, 07/2000)
La structure binaire, représentée par les textes (3) à (5), est pourvue de deux
parties. Dans la première, on recourt au PS pour évoquer des faits lointains. Dans la
seconde, on fait appel au PC ou au présent, précédé des adverbes aujourd’hui, tout
récemment pour présenter des faits proches de t°. Cette structure met en relief la
chronologie temporelle entre le PS et le PC : le premier tiroir exprime des faits
anciens, le second des faits récents. La théorie de Benveniste peut s’adapter à
l’analyse de ces articles, dans lesquels l’ordre PS-PC peut équivaloir à l’ordre
Histoire - Discours.
2.3. Le PC dans la structure ternaire et la structure binaire
2.3.1. Le PC dans la structure ternaire
L’examen des textes (1) et (2) à structure ternaire montre qu’il existe un lien étroit
entre ce temps verbal et les premières et dernières phrases.
Du point de vue informationnel, la phrase 1 sert de résumé en livrant les
principales informations de l’article. Dans le texte (1), cette phrase informe du nom
du personnage (L.D.), de sa profession (aérostier), de sa nationalité (française), de
son âge (50 ans), du jour de son accident (dimanche), et de la cause de cet accident
(un envol). Dans le texte (2), la phrase 1 contient le nom du personnage (Fiorilli), ses
dates de naissance et de décès (1608-1694), sa profession (comédien et pantomime),
la durée de ses activités professionnelles (divertir le Paris du XVIIe siècle pendant près
de 50 ans).
59
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Du point de vue thématique, (1) et (2) illustrent une progression à thème constant :
le nom propre (L.D. ou Tiberio Fiorilli), thème de la phrase 1, est ensuite repris dans
les phrases suivantes par le pronom anaphorique de la 3e personne.
Du point de vue temporel, dimanche dans le texte (1) sert de cadre ( ) aux faits
racontés. Le texte (2) comprend deux types de circonstanciel : le circonstanciel de
localisation (le Paris du XVIIe siècle), qui situe le procès de la phrase 1 par rapport au
calendrier institutionnel, et le circonstanciel de durée (pendant près de 50 ans), qui
insiste sur la taille de l’intervalle circonstanciel.
Notons que, dans les textes (1) et (2), la phrase 1 est un énoncé autonome qui n’a
besoin d’aucun contexte narratif précédent. Elle est composée en effet des éléments
constitutifs autonomes suivants : noms propres (L.D. ; Tiberio Fiorilli), descriptions
définies (l’aérostier français ; l’illustre comédien et génial pantomime), expressions
temporelles et spatiales autonomes (1608-1694, le Paris du XVIIe siècle).
Compte tenu des éléments temporels et thématiques ci-dessus, la première phrase
est un énoncé « encapsulant » (Saussure, 1998, p. 252), qui englobe les autres phrases
des textes (1) et (2), appelées énoncés « encapsulés ».
L’examen de la phrase 1 des textes (1) et (2) indique que le choix du PC est
indispensable du fait qu’il sert à établir le premier contact entre, d’une part, le lecteur
et l’événement (E), d’autre part, le lecteur et le scripteur (S), et cela quelle que soit la
distance temporelle réelle entre E et S : deux jours dans le texte (1) et trois siècles
dans le texte (2).
Le PC, eu égard à ses propriétés morphologiques (composé d’un auxiliaire au
présent et d’un participe passé), parvient à gommer psychologiquement la distance
temporelle effective entre E et S, comme dans l’extrait suivant :
C’est le temps de celui qui relate les faits en témoin, en participant ; c’est donc
aussi le temps que choisira quiconque veut faire retentir jusqu’à nous
l’événement rapporté et le rattacher à notre présent (Benveniste, 1966, p. 244).
Il ne nous paraît pas possible de commuter le PC avec le PS dans la première
phrase pour les raisons suivantes : le PC, tiroir autosuffisant par excellence (Gosselin,
1996, p. 114), est compatible avec le statut autonome de la phrase 1. Par conséquent,
ce tiroir permet de conférer à cette phrase sa fonction de résumé, de créer une
« proximité psychologique » entre E et S, et de présenter un fait qui englobe
thématiquement et temporellement les autres faits au PS des textes (1) et (2). L’extrait
ci-après soutient notre point de vue :
Le PC est réservé de préférence à l’expression de procès qui présentent un fait
globalement, avant que le PS (ou éventuellement l’imparfait pittoresque) en
détaille les péripéties ; la globalité du fait a plus de chance en effet que la
succession des événements qui la composent de laisser des traces perceptibles
au présent (Martin, 1971, p. 109).
60
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Le PS, quant à lui, n’est pas un tiroir autosuffisant (Gosselin), et de ce fait il ne se
prête pas au statut de la phrase 1. Il est incompatible, théoriquement, avec le
circonstanciel de temps déictique dimanche (texte 1).
Les journalistes recourent également au PC (est décédé, a laissé, s’est
employé) dans la dernière phrase des textes (1) et (2) pour souligner que ces actions
sont encore valables à t°.
2.3.2. Le PC dans la structure binaire
Dans les textes (3) et (5), pour souligner que la conséquence des procès est encore
valable à t°, le scripteur se sert des PC (sont devenus, ont réaffirmé, ont renoncé)
précédés de circonstanciels de temps déictiques comme aujourd’hui (texte 3) et tout
récemment (texte 5). Il n’est donc pas possible de remplacer ces PC par des PS.
Dans (4), les PC (s’est achevée, se sont engagés, a permis), précédés de
circonstanciels de temps absolus comme 1946-1954, 1962-1973, 1976, sont des
« aoristes du discours » ; ils peuvent commuter avec des PS « aoristes du récit ».
Toutefois, le journaliste utilise le PC et non le PS pour deux raisons : le PC peut
créer, d’une part, un impact psychologique à t°, et d’autre part, une opposition d’ordre
temporel avec le fait historique au PS (fut latinisée) daté de 1646.
2.4. Le PS dans la structure ternaire et la structure binaire
Dans (1) et (2) à structure ternaire et (3) à (5) à structure binaire, le PS conserve sa
valeur narrative pour faire progresser le récit. Les procès au PS correspondent à une
série d’événements successifs, où le premier précède le deuxième ( ) et n’est achevé
que lorsque le deuxième commence. Il en va de même pour chacun des événements
suivants qui s’enchaînent ensuite. Cette succession est manifeste lorsque les procès au
PS sont juxtaposés (se mit, enleva, lâcha prise, s’écrasa, texte 1). Les textes (1), (3),
(5) illustrent l’emploi d’une succession de procès au PS.
3. Cooccurrence complexe
Dans certains articles de presse, le PC et le PS sont utilisés dans un même
paragraphe ou dans une même phrase. On peut même rencontrer quelques titres de
textes au PS. Si la théorie dichotomique de Benveniste semble efficace pour l’étude
de la cooccurrence simple, en revanche, elle s’adapte beaucoup moins à l’analyse des
textes qui illustrent la cooccurrence complexe, car il ne serait plus pertinent de
distinguer l’Histoire du Discours.
En nous appuyant sur les structures syntaxiques de la phrase, nous proposerons
une lecture thématique selon le modèle proposé par Combettes (1983) pour tenter
d’expliquer les combinaisons du PC et du PS.
61
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3.1. La progression à thème constant
Cette progression indique qu’un même thème est repris dans des phrases
successives, pourvues de rhèmes différents. Nous examinerons ce type de progression
dans des propositions indépendantes, coordonnées, juxtaposées, conjonctives et
relatives.
3.1.1. Propositions indépendantes
(6)
Ces lieux furent mon terrain de jeu en 1945. Ils ont bien changé, goudron
et voiture ayant envahi l’espace… (extrait d’un prospectus, 1994)
(7)
Leur rencontre, en mars 1992, sur le plateau d’Arte, fut fulgurante. Le
couple Didier Lockwood - Caroline Casadesus en a fait un spectacle, qu’il
a baptisé en paraphrasant Nougaro « le Jazz et la Diva ». (Quand le Jazz vit
heureux avec l’opéra, Le journal de Paris, 25/05/2005)
Dans (6), la progression thématique est assurée par le pronom anaphorique ils
désignant ces lieux (6). Dans (7), l’adjectif possessif leur à valeur cataphorique réfère
au couple Lockwood et Casadesus. Dans ces exemples, le verbe être suivi d’un
syntagme nominal ou d’un adjectif est au PS. On recourt au PS (furent mon terrain,
fut fulgurante) pour décrire des faits appartenant complètement au passé (en 1945 et
en 1992). En revanche, on fait appel au PC (ont changé, a fait un spectacle, a baptisé)
pour souligner que ces procès sont liés à t° : le changement du terrain de jeu dans (7),
et le concert dans (9). Dans ces exemples, il nous paraît difficile de remplacer ces PC
par des PS.
(8)
[…] Arrivé aux Etats-Unis en 1939, Mgr Iakovos a été nommé archevêque
en 1959. Cette même année, il rencontra le pape Jean XXIII, devenant ainsi
le premier archevêque grec orthodoxe à rencontrer le chef de l’Eglise
catholique depuis 350 ans. Il a participé à la marche pour les droits
civiques avec Martin Luther King en 1965. Il prit position contre la guerre
du Vietnam. L’archevêque a également été président du Conseil mondial
des Eglises pendant neuf ans. (Le Monde, 14/04/2005)
L’extrait (8), composé de cinq propositions indépendantes, illustre parfaitement la
progression à thème unique (Mgr Iakovos) avec cinq rhèmes différents (archevêque
en 1959, le pape Jean XXIII, la marche pour les droits civiques, la guerre du
Vietnam, président du Conseil…). Dans ce texte, le journaliste alterne le PC (trois
occurrences) avec le PS (deux occurrences) pour varier son style. Par conséquent, une
permutation de ces tiroirs est tout à fait envisageable.
3.1.2. Propositions coordonnées et juxtaposées
(9)
En politique, François Mitterrand fut d’abord profondément respectueux de
la personne humaine, et c’est pourquoi il a décidé d’abolir la peine de
mort. (Discours de J. Chirac, 10/01/1996)
62
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L’extrait (9) comprend deux propositions coordonnées avec et et c’est pourquoi.
En dépit du décès récent de Mitterrand (par rapport à t°), le choix du PS (fut
respectueux…) montre que l’ancien président défunt est déjà considéré comme un
personnage historique. En revanche, le recours au PC (a décidé) permet de souligner
que l’abolition de la peine de mort est toujours valable à t°.
(10) Brest a payé très cher d’avoir servi de base pour les sous-marins allemands
pendant la Seconde Guerre mondiale : la ville fut totalement détruite par
l’aviation alliée en 1944. (J’aime la France, Atlas, 09/1995)
(11) Les femmes compositeurs ont souvent rencontré préjugés et interdits : elles
ne durent la plupart du temps leur formation musicale qu’à l’initiative de
leur famille et celles qui sont restées les plus célèbres, Clara Schumann et
Fanny Mendelssohn, furent découragées par leurs proches. (Le Monde de
la Musique Radio Classique, no. 237, 11/1999)
Les exemples (10) et (11) sont des phrases complexes, composées de deux
propositions juxtaposées indiquées par les deux points (:). La première proposition au
PC (a payé, ont rencontré) sert à annoncer un fait global. Il est difficile de dater avec
précision ces procès au PC. On peut utiliser souvent dans (11) pour exprimer un fait à
valeur générale, pouvant se vérifier, quelle que soit l’époque. Dans ce cas, le PC (ont
rencontré) peut être accompagné d’adverbes comme toujours, jamais, etc. La seconde
proposition au PS (fut détruite, durent), précédée des deux-points (:) vise à expliquer
ou détailler le procès annoncé au PC.
3.1.3. Propositions subordonnées conjonctives
Il est fréquent de rencontrer, dans des phrases complexes, le PS dans les
propositions subordonnées conjonctives commençant par quand, dès que, etc. et le
PC dans les propositions principales.
(12) Quand Dieu créa le ciel et la terre il a dû finir par l’Australie et sans doute
n’avait-il plus grand-chose sous la main pour planter le décor. (Le Marché
immobilier, 09/2000)
(13) Dès qu’il y eut deux hommes sur terre, tout naturellement, ils se sont
battus. (publicité, 2000)
Nous pensons que le choix du PS dans les subordonnées vise à détacher les procès
de t°, et que le recours au PC dans les principales permet de les rattacher
psychologiquement à t°. Dans (12), l’antériorité du procès au PS (créa le ciel et la
terre) par rapport à celui au PC (a dû finir par l’Australie) est due à l’opposition
sémantique entre les verbes créer et finir. Dans (13), le procès au PS doit être
logiquement antérieur à celui au PC.
Les journalistes se servent du PS dans les subordonnées pour annoncer des faits
passés purs, et du PC dans les principales pour développer la suite de ce qui est
annoncé au PS. Le verbe devoir et les adverbes sans doute dans (12), et tout
63
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
naturellement dans (13), relevant de modalités d’énoncé, constituent autant de traces
de commentaire des journalistes.
3.1.4. Propositions subordonnées relatives
L’un des lieux de rencontre privilégiés du PC et du PS est dans des phrases
complexes, où le PC est situé dans les principales, et le PS utilisé dans les relatives.
Les extraits (14) à (17) en sont des exemples illustratifs.
(14) Celle qui fut donnée comme possible Premier ministre a finalement
conservé, lors du remaniement gouvernemental après la victoire du non au
référendum, son portefeuille de la Défense. Un poste que Michèle AlliotMarie, numéro trois de l’équipe Villepin, occupe depuis plus de trois ans.
(Le Parisien, 07/2005)
(15) En dépit des manœuvres de déstabilisation dont il fut la cible, l’ancien
président a rendu son écharpe aux civils à la date prévue (03/1985). (Joao
Baptista Figueiedo, Le Monde, 12/1999)
(16) Puissance vocale, musicalité parfaite, chaleur du timbre, présence
dramatique irrésistible lui ont assuré pendant quarante ans une suprématie
naturelle, auréolée de la gloire d’avoir chanté à Bayreuth (Kundry et
Sieglinde) et à Salzbourg, où Karajan lui demanda d’incarner une
Brünnhilde humaine et fragile. (Crespin, Le Monde Télévision, 12/1999)
(17) Bernard Vernier-Pallier a ensuite été ambassadeur de France aux Etats-Unis
de 1982 à 1984, date à laquelle il fut élevé à la dignité d’ambassadeur de
France. (Vernier-Pallier, Le Figaro, 12/1999)
Du point de vue syntaxique, nous distinguons deux types de relatives. Dans (14) et
(15), les PS sont utilisés dans des relatives déterminatives (qui fut donnée comme
possible Premier ministre, dont il fut la cible), qui ne peuvent pas être supprimées, au
risque de modifier ou d’obscurcir le sens des principales.
Quant à (16) et (17), les PS sont placés dans des relatives appositives ou non
déterminatives (qui, où, laquelle) à cause de la virgule qui les précède. Ces relatives
peuvent être supprimées sans nuire à la compréhension des principales, mais d’un
point de vue informationnel, elles contiennent des données importantes liées souvent
à la consécration professionnelle d’une personnalité.
Monville-Burston et Waugh (1985, p. 159) confèrent la valeur de « mise en
retrait » au PS dans les relatives des exemples (16) et (17). Cette valeur n’est pas liée
aux propriétés sémantiques du PS, mais vient du fait que le PS est placé dans les
relatives appositives, qui, du point de vue syntaxique, sont moins importantes que les
principales au PC. Mais d’un point de vue informationnel, les renseignements
apportés par les relatives au PS ne sont pas négligeables. Il s’agit d’un emploi isolé
du PS, très fréquent dans le discours journalistique de nos jours.
64
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3.2. La progression à deux thèmes différents
Nous étudierons la distribution du PS et du PC dans des propositions où la
progression ne se fait plus à thème unique, mais à deux ou trois thèmes différents.
3.2.1. Propositions indépendantes
Dans (18) à (22), le PS et le PC se trouvent dans deux propositions indépendantes
successives. Un changement de thèmes entre la première et la seconde proposition
entraîne un changement de tiroirs verbaux.
(18) Les médias ont encensé la princesse (Lady Diana) jusqu’à en faire une
icône, une déesse, un objet de culte. Son enterrement a été retransmis en
France […] Mère Thérésa, la sainte de Calcutta, fut reléguée au second
plan. Les médias ne parlaient d’elle qu’en la liant à la si généreuse Diana,
qui avait tant fait espace de trop pour les mines anti-personnel (sic). Deux
femmes, deux cœurs, c’était le scénario rêvé pour les vampires. (18-25, no.
8, 03/2000)
(19) Le Rhône et la Méditerranée se sont donné rendez-vous en Camargue […].
Les hommes y ajoutèrent les digues, les chemins […] (J’aime la France, La
Provence, Atlas, 08/1995)
(20) D’abord, il y a eu le Journal de monsieur Nabe. Un millier de pages
complaisantes, exhibitionnistes et… parfois antisémites […]. Ensuite, il y
eut les réflexions du même acabit de monsieur Camus dans son Journal de
campagne […] (Epok, n° 8, Edito, 2000)
(21) Au moment du boum économique des années 1970, la décision n’a pas été
prise de décentraliser les zones d’activité, au contraire, on pratiqua la
surconcentration en construisant des tours là où les promoteurs étaient sûrs
d’en tirer profit. (Le Marché Immobilier, 07/2000)
(22) Il paraît qu'à Dubai, il ne pleut que 5 jours par an... Le 23 février fut donc
un de ces 5 jours. Seules Mauresmo et Kuznetsova ont réussi à débuter leur
quart de finale, entre les gouttes. (Les Sports, 23 /02/06)
Dans (18) à (20), il nous paraît que les procès au PC (ont encensé, se sont donné, il
y a eu) sont antérieurs à ceux au PS (fut reléguée, ajoutèrent, il y eut). Cela se vérifie
dans (20) où le PC et le PS sont précédés respectivement par d’abord et ensuite.
Dans (18), ce sont les médias qui ont encensé la princesse Diana et relégué Mère
Thérésa au second plan, et dans (21), c’est le pronom on qui est le sujet du procès
(pratiquer la surconcentration). Les journalistes changent de tiroirs pour mettre en
relief l’opposition sémantique entre encenser et reléguer (18), décentraliser et
surconcentration (21). Ce contraste est accentué ( ) par la locution au contraire dans
(21).
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Dans (22), le procès au PS (fut) appartient entièrement au passé (la pluie est un
fâcheux contretemps qui perturbe le déroulement des matchs), alors que le procès au
PC (ont réussi) conserve un lien direct avec le présent par l’intermédiaire du résultat
du match de tennis entre les joueuses Mauresmo et Kuznetsova. Ce serait moins
pertinent d’inverser l’emploi du PS et du PC dans cet extrait.
3.2.2. Propositions subordonnées conjonctives
Les extraits (23) et (24) sont des phrases complexes dans lesquelles le PS est
utilisé dans les subordonnées et le PC dans les principales. À la différence de (12) et
(13) dont la progression est à thème constant, (23) et (24) sont pourvus de deux
thèmes différents.
(23) Si la finale fut décevante, la quinzaine de Venus Williams a été exemplaire.
(Le Monde, 07/2000)
(24) Même si le premier set fut serré, l’issue n’a jamais vraiment souffert le
moindre doute dans cette finale. (Les sports, Kim Clijsters, 06/2005)
En général, les journalistes font souvent appel au PC pour présenter un bilan avec
une vue globale, et au PS pour un détail unique. Dans (23), la finale et la quinzaine
diffèrent l’un de l’autre en terme de durée. Le sujet la finale désigne le dernier jour de
la compétition, tandis que le second sujet la quinzaine représente les deux semaines
de la compétition d’un grand chelem en tennis. Par conséquent, le journaliste recourt
d’abord au PS dans la subordonnée pour mettre en relief le procès ponctuel (être
décevante), et use ensuite du PC dans la seconde proposition pour faire le bilan de la
prestation sportive, pendant tout le tournoi, de la joueuse américaine V. Williams. Le
changement de tiroirs permet de mettre en contraste l’opposition sémantique des
prédicats entre les subordonnées et les principales : être décevante / être exemplaire
dans (23), être serré / ne pas avoir souffert dans (24).
3.3. La progression à thème linéaire
Nous analyserons l’utilisation du PS et du PC dans des propositions indépendantes
où la progression se fait de façon linéaire : le thème d’une proposition est issu du
rhème de la proposition précédente. Les journalistes recourent souvent au PC dans la
première proposition, et au PS dans la proposition suivante débutant par un pronom
ou un déterminant à valeur anaphorique, comme dans les extraits suivants :
(25) En l’honneur de la fête nationale du Vietnam, le 2 septembre 1996, […] le
centre de langues étrangères de Hue a organisé un concours de français
pour les étudiants et élèves âgés de vingt ans. Cela donna l’occasion, aux
étudiants et élèves participant à ce concours, de tester leur connaissance du
français. (Défense de la langue française, no. 183, 1997)
(26) Affichant des idées progressistes sous le Front populaire, Maurice Papon a
fait ses premiers pas professionnels comme chargé de mission dans
différents ministères. Ce label politique lui permit de rebondir après la
libération. (Le Monde, 03 / 1996, cité par A. Judge, 1998, p. 230)
66
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
(27) De 1972 à 1988, il a été président de l’Académie pontificale des sciences du
Vatican, période durant laquelle il a dirigé les recherches sur la datation du
saint suaire et mené le procès de réhabilitation de Galilée. Ce procès dura
douze ans et la réhabilitation de l’astronome fut annoncée par Jean Paul II,
en 1992. (Carlos Chagas Filho, Le Monde, 02/2000)
(28) L’AN MIL n’a pas eu lieu. C’est Raoul Glaber qui l’a inventé. Ce fut une
année plutôt morne, sans éclat ni drame. Un tremblement de terre, le
passage d’une comète. Pas de quoi noircir le parchemin des annales. Entre
Anjou et Picardie, entre Aquitaine et Champagne, dans ce qui n’est pas
encore la France, l’an Mil est né, a vécu, puis a rejoint sans bruit le cortège
infini des années qui passent. (Le Monde, 07/2000)
Dans (25) à (28), les PC, datés explicitement ou non, servent à annoncer le thème
principal du texte, tandis que les PS, précédés de syntagmes à valeur anaphorique
comme cela, ce label, ce procès, ce, visent à commenter ou caractériser les procès
précédents au PC. Le changement de tiroir est un des moyens efficaces pour attirer
l’attention du lecteur. Si ce et cela sont des reprises anaphoriques neutres, en
revanche, ce label politique (26) est une reprise anaphorique de type conceptuel, qui
résume le contenu de la proposition précédente. Quant à ce procès (27), il s’agit
d’une reprise anaphorique de type fidèle.
3.4. Le PS « démarcateur »
Dans leur article (1985, p. 135), M.-Burston et Waugh soulignent la valeur de
détachement du PS, qu’ils appellent PS « démarcateur », pour marquer les limites
initiales et finales d’un texte. En effet, il est assez fréquent de rencontrer un PS isolé
utilisé soit dans le titre, soit dans la première phrase (PS d’ouverture), soit dans la
dernière phrase (PS de clôture) d’un article de presse.
3.4.1. Le PS dans les titres
Le titre d’un article de presse est aussi un des lieux privilégiés où l’on peut
rencontrer le PS. Dans (29), le titre au PS, qui annonce le thème central, s’oppose au
texte rédigé exclusivement au PC pour développer ce thème.
(29)
L’homme qui voulut devenir roi (du poulet)
Une fois devenu roi du poulet (en produisant de plus en plus, de plus en plus
vite, et de moins en moins cher), Gérard Bourgoin s’est senti pousser des
ailes : il s’est acheté (avec son ami Depardieu) un jet privé, un Falcon 10,
pour la modique somme de 100 millions de francs. « Un simple outil de
travail », a-t-il dit à « Capital » (2/4), qui lui permet d’être partout à temps
et surtout à Auxerre, où le roi du poulet codirige l’équipe de foot avec son
ami Guy Roux. Toujours avec son ami Depardieu, le roi du poulet s’est mis
en tête de trouver du pétrole à Cuba (il faut dire que Fidel est lui aussi un
ami). Ensemble, ils ont donc déboursé 200 millions de francs et n’ont
trouvé que quelques gouttes de fuel. Le coup de la poule aux œufs d’or, ça
ne marche pas à tous les coups.
67
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En politique, après avoir soutenu son ami Chirac, puis son ami Madelin,
puis essayé de se faire soutenir par ses amis Pasqua-Villiers, il a fini par se
faire bombarder patron du CNI, parti croupion de droite, dont il rêvait de
faire le « premier parti des entrepreneurs » (tous des amis). En fait, les
seuls qui ne sont pas vraiment ses amis, ce sont ses salariés et ses
éleveurs… (Le Canard enchaîné, 05/04/2000)
Le PS dans le titre a une très forte valeur de détachement (comme le PS
d’ouverture), d’autant plus que, du point de vue syntaxique, le titre ci-dessus est une
phrase incomplète, qui incite le lecteur à lire le texte pour satisfaire sa curiosité.
Emprunté au journal satirique Le Canard enchaîné, le choix du PS (voulut) recèle de
l’ironie à l’égard de G. Bourgoin ; ce titre fait penser à ceux de Fabliaux, également
au PS (Le Prêtre qui mangea les mûres, Le Larron qui embrassa un rayon de lune,
La Dame qui fit entendre à son mari qu’il rêvait, etc.) ou encore à celui d’un film
américain L’homme qui voulut être roi (d’après Rudyard Kipling). Toutefois, les
titres au PS n’expriment pas toujours de l’ironie. Cela dépend du contexte dans lequel
est utilisé le PS. Examinons un autre titre au PS dans (30).
(30) Et la Terre s’arrêta
Avait-on vu ça depuis le 11 Septembre ? On peut en douter. A dix heures
pile, alors que le cercueil du pape Jean-Paul II est déposé sur le parvis de la
basilique Saint-Pierre, il se passe quelque chose d’inouï sur nos écrans de
télé. Les nôtres et ceux de la planète entière. TV Romania, Bulgaria TV, TV
Montenegro, Abou Dhabi TV, Al-Jazira, Sat 7 (Tunisie), Sky News, CNN,
BBC, toutes les déclinaisons de la RAI, TF1, LCI, France 2, Telepace,
EWTN, Polonia TV, la ZDF… Toutes les chaînes du monde ou presque (à
l’exception notable de la Chine, de la Russie et de quelques autres) sont en
direct du Vatican, et l’exercice du zapping réduit d’un coup la planète à un
seul lieu pendant trois heures : la place Saint-Pierre […] (Télérama, n°
2883, 13/04/2005)
Le PS, qui permet de figer momentanément le procès s’arrêter dans le passé,
s’oppose au présent (de narration) qui relate la cérémonie des obsèques du Pape et ses
conséquences médiatiques. Le titre au PS indique qu’à un moment précis, tous les
regards se tournent vers la place Saint-Pierre, mais qu’à l’heure actuelle (t°), la vie a
repris. Les effets co(n)textuels confèrent au PS (Et la terre s’arrêta) une dimension
historique, détachée de t°, que n’aurait pas le PC (Et la terre s’est arrêtée), puisque le
PC est lié à t°, ce qui n’est pas le cas du PS.
3.4.2. Le PS d’ouverture
L’emploi d’un PS isolé, situé dans la première phrase des extraits (31) et (32), crée
un effet de contraste avec le choix du PC dans (31) et du présent dans (32).
(31) Ce fut d’abord le week-end de retraite à l’abbaye de Mondaye, en
décembre. Malgré les désagréments causés par un froid assez vif, nous
avons pu prendre du recul, réaffirmer notre foi à partir de la relation
fondamentale de l’homme à Dieu. (Hommes et Commerce, 07/1997)
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(32) Ce fut le plus beau Noël de sa vie. Le premier décembre et la nuit du 24,
Bocelli chante devant le Pape, dans la Basilique Saint-Pierre de Rome. Les
arrangements du maestro Renato Setio font ressortir son talent
d’interprétation. (Le petit inédit de Andréa Bocelli, 1999)
Du point de vue informationnel, les journalistes se servent du PS dès la première
ligne pour donner une information ou une appréciation générale sur le reste du texte.
Cet emploi du PS est fréquent dans la presse écrite, où le verbe être au PS, associé au
démonstratif ce à valeur cataphorique, incite le lecteur à entrer directement dans le
sujet « sans lui laisser le temps de s’orienter ». (Imbs, 1960)
Notons que la situation énonciative dans (31) et (32) diffère de celle rencontrée
dans (1) et (2) qui commence par un PC. En utilisant le PS dans (31) et (32), le
journaliste joue le rôle d’un observateur objectif avec une certaine distance
psychologique. Mais, aussitôt qu’il développe son texte, il recourt au PC (31) ou au
présent narratif (32). Voyons maintenant un autre cas de l’opposition PS / PC : le PS
est utilisé dans la question, le PC est employé dans la réponse.
(33) Question : Quel fut le rôle d’EDS au sein de ce projet d’envergure
mondiale ?
Réponse : Le Comité Français d’Organisation a décidé d’externaliser
l’informatique […], EDS a joué le rôle de conseil en gestion de
l’événement. L’entreprise a, par ailleurs, été chargée de la gestion des
opérations […] (Entretien avec Gouillou, Directeur du projet Coupe du
monde 1998, Info Pertinence, no. 5, 09/1999)
L’extrait (33) est une interview, mais il peut être considéré comme un texte écrit,
car les deux parties (le journaliste et l’interviewé) ont probablement préparé leur
texte. Il est intéressant de remarquer l’emploi du PS (fut le rôle) dans la question qui
ouvre l’interview, et le choix du PC (EDS a joué le rôle) dans la réponse. Le PS peut
expliquer l’attitude neutre du journaliste, alors que le PC montre que l’interviewé
(Directeur du projet) s’implique complètement dans son projet.
3.4.3. Le PS de clôture
Dans (34), à la différence de (31) et (32), l’auteur rédige l’introduction et le
développement de son texte uniquement au PC. Dans la dernière phrase de son
article, il choisit le PS.
(34) L’assemblée annuelle du Club a réuni (sic) à l’Association, le 15 décembre
1998, […].
Activités 1998 : M. Bruder a rappelé le rôle d’HEC-RAE […]. Les
réunions mensuelles des premier et troisième mardis ont été très
régulièrement tenues […]. Exposés et conférences ont été repris dans le
Bulletin d’information […]. Après ces exposés et approbation du rapport
financier, il a été procédé à la désignation du Bureau pour 1999. Bureau
HEC-RAE 1999. M. Bruder a proposé P. Wertheimer pour présider […].
69
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L’agenda des réunions du premier semestre a été remis aux participants et
sera diffusé courant janvier avec l’appel des cotisations 1999.
Le principe du programme ayant été adopté, la séance fut levée pour laisser
la place au pot de l’amitié. (P. W, Assemblée annuelle du Club, Revue HEC,
Hommes & Commerce, no. 269, Février 1999)
Nous constatons que les PS d’ouverture dans (31) et (32) et de clôture dans (34)
sont situés dans des phrases relativement courtes. La plupart d’entre elles sont des
phrases simples, dont le style qualifié d’énergique vise à inciter le lecteur à
poursuivre sa lecture pour mieux comprendre le texte dans le cas des PS d’ouverture
(31 et 32). Quant au PS de clôture dans (34), il tend à ramasser le texte sur lui-même
et semble obliger le lecteur à regarder en arrière.
Conclusion
Cet article, qui avait pour objectif de décrire et d’analyser l’emploi du PS et du PC
dans la presse française contemporaine, nous a conduit à distinguer deux types de
combinaisons de ces tiroirs : la cooccurrence simple et la cooccurrence complexe. Si
l’approche énonciative dichotomique de Benveniste s’avère efficace dans l’étude de
la cooccurrence simple du PS et du PC, elle se révèle en revanche beaucoup moins
pertinente dans l’analyse de leur cooccurrence complexe.
Dans la cooccurrence simple du PS et du PC, nous avons constaté deux structures
narratives, ternaire et binaire. Dans la structure ternaire, le choix du PC est
quasiment exclusif dans l’introduction pour représenter des procès aussi bien anciens
que récents par rapport au moment de l’énonciation t°. On recourt aussi à ce tiroir,
dans la conclusion, pour indiquer que les procès sont encore valables à t°. Quant au
PS, il est utilisé dans le développement pour décrire une série de procès successifs.
Autrement dit, la structure ternaire (PC-PS-PC) correspond à l’ordre DiscoursHistoire-Discours. À la différence de la structure précédente, la structure binaire met
l’accent sur l’opposition référentielle du PS et du PC : le premier tiroir exprime des
procès anciens, le second des procès récents par rapport à t°. L’ordre PS-PC dans
cette structure répond à l’ordre Histoire-Discours.
Pour étudier la cooccurrence complexe du PS et du PC, nous avons fait appel à des
structures syntaxiques de la phrase et au modèle de la progression thématique de
Combettes, et avons analysé les combinaisons du PS et du PC dans des textes à
progression à thème constant, des textes à progression à deux thèmes différents, et
des textes à progression à thème linéaire. Notre corpus sur cette cooccurrence
complexe tend à montrer qu’à l’heure actuelle, il est prématuré d’envisager la
disparition du PS notamment dans la presse écrite, car les journalistes continuent à
recourir au PS et au PC pour créer des effets de contraste d’ordres syntaxique et
informationnel : les PS, utilisés dans les subordonnées (conjonctives ou relatives),
fournissent des informations non négligeables, alors que les PC, employés dans les
principales, ont une valeur de bilan. En outre, lorsqu’on change de thèmes, on change
de tiroirs : l’ordre de préférence est PC-PS. Cela a pour but de donner du relief à la
relation des événements.
70
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73
THE CODIFICATION OF MOVEMENT IN LANGUAGE
∗
AN ANALYSIS OF ENGLISH AND UNISH
ANA IBÁÑEZ MORENO
UNIVERSITY OF LA RIOJA
Résumé
Nous traitons dans cet article de la classification sémantique des verbes de
mouvement induit. Nous les organisons en deux groupes, avec des caractéristiques
communes et différentes, selon les types de phrases prépositionnelles qu'ils prennent.
Nous faisons également une analyse comparative des verbes de mouvement en
anglais et en unish. Les résultats permettent d'identifier les caractéristiques
sémantiques universelles des verbes de mouvement dans les deux langues. Nous
défendons l'opinion que les langues artificielles sont utiles dans la communication
cross-countries et globale ainsi que dans l'étude contrastive de la sémantique et de la
syntaxe des langues naturelles. Cette étude est réalisée en suivant le cadre théorique
de l'Analyse Componentielle, selon laquelle différents types sémantiques de verbes
reflètent différentes structures syntaxiques et arguments sémantiques. Ceci explique
la relation directe du type de verbe avec le type d'argument locatif qu'il prend1.
Abstract
This paper deals with the semantic classification of induced motion verbs. We
organise them in two groups, with similar and contrasting features, according to the
types of prepositional phrases they take. This acknowledges the essential role that
locative expressions play in the lexical decomposition of movement verbs, and gives
evidence for the interrelation of verbs with the rest of elements in the clause. Besides,
We make a comparative analysis of these verbs in English and in Unish. The results
allow the identification of the universal semantic features of movement verbs in both
languages. Hence, we argue for the usefulness of artificial languages not only in
global, cross-cultural communication, but also in the contrastive syntactic and
semantic analysis of natural languages. This study is done within the semantic
approach of Componential Analysis, according to which the different semantic
classes of verbs reflect different syntactic and semantic argument structures. This
explains the direct relation of the type of verb with the type of locative argument it
takes.
∗
This paper has been funded through the research grant ANGI 2005/14, awarded by CAR
institution.
1
I would like to thank my colleagues, Belinca Carbajo and Raquel Ureta, for their valuable
help and guidance in the elaboration of this manuscript, especially in the French part of it.
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Introduction
This paper is devoted to verbs of induced movement, here called, in terms of
Aktionsart –as developed by Vendler (1957 [1967]) and later on by Van Valin and
LaPolla (1997)- causative accomplishment movement verbs. These verbs, as it is
described in the ongoing sections, are verbs of motion that evoke a state of affairs in
which a participant causes another participant (either animate or inanimate) to move
from one place to another. An example of this is install in John installed the TV
aerial on the roof, where participant A (John) causes participant B (the TV aerial) to
be on the roof. An analysis of samples from a corpus of 6,100 English verbs and
8,500 locative expressions (spatial prepositions and adverbs) has been carried out.
Their semantic components have been studied at the semantics-syntax interface.
According to the results, causative accomplishment movement verbs have been
organized in two main groups. This paper is organized as follows: in order to
highlight the areas under scrutiny, the first section presents the scope of analysis.
After this, section two constitutes the centre of this piece of research, in which two
subsections are established, according to the two types of verbs investigated. Section
three is dedicated to Unish. Unish is an artificial language created in 2000, which
results from gathering data of different languages. We find mainly English features
regarding vocabulary, Romance languages regarding phonological features and
Oriental languages regarding syntactic and morphological features. Causative
accomplishment movement verbs are analysed in this artificial language in order to
extract the differences and similarities between it and English. This permits the
identification of the common semantic features of both languages, and consequently,
common components in the encoding of induced movement in language. Finally, the
last section presents the conclusions, which are revealing as regards a number of
issues related to complement distribution, thematic relations and the grammatical
organization in languages.
This study has been done within the semantic approach of Componential Analysis,
according to which lexical decomposition is used as a basic device that provides a
description of the meaning components of words (in this case, of movement verbs).
These meaning components permit the organization of verbs into groups and provide
a way to deal with their argument structure. Thus, the view is held that different
semantic classes of verbs reflect different syntactic as well as semantic argument
structures. This explains the direct relation of the type of verb with the type of
prepositional phrase the verb takes2. The description of syntactic structures through
an analysis of the semantic components of movement verbs is reached, which
provides valid criteria for classifying them. In this line, we can state that a word has
meaning components which are relevant to grouping and identifying its
corresponding grammatical processes, and meaning components which contribute to
establishing particular differences of this word from others in its group. Thus, for our
study, we have grouped all the words in English that share the semantic features of
causative accomplishment verbs of motion, such as [+telic], [+induced], etc. All these
features are explained in section 2 below. Then, within this group, we can identify
2
There are a few studies in Componential Analysis, related to the interaction between
semantics and syntax, which are worth seeing: Pinker (1989), Gropen et al. (1991), Levin
(1993) and Levin & Rappaport (1995) among others.
75
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different subgroups of words with certain specific features, such as being [+dynamic]
or [-dynamic], as is also explained below. This distinction has already been identified
by Pinker (1989) in his Grammatically Relevant Subsystem Hypothesis, according to
which those meaning components that are relevant to group words are labelled
semantic markers, and those meaning components that permit distinguishing one
group from another are called semantic distinguishers. This is equivalent to
Grimshaw’s (1994) distinction between semantic structure and semantic content. In
this paper, the metalanguage used for the semantic representation of the verbs
analyzed is the one adopted in Role and Reference Grammar, as developed by the
main authors of such theory, Van Valin and LaPolla (1997).
1. Scope of the analysis and theoretical assumptions
The typology presented here is based on Aktionsart, which in German means
‘form of action.’ This term was originally proposed by Vendler (1957, 1967), and it
has been adopted by Van Valin and LaPolla (1997) to Role and Reference Grammar.3
According to this, verbs are classified in terms of their inherent temporal properties.
There are four basic classes: states, activities, accomplishments and achievements.
Thus, Aktionsart refers to such inherent properties of verbs, and it is defined through
three main features (Van Valin and LaPolla, 1997, p. 93):
(1)
a. State
b. Activity
c. Accomplishment
d. Achievement
[+static], [-telic], [-punctual]
[-static], [-telic], [-punctual]
[-static], [+telic], [-punctual]
[-static], [-telic], [+punctual]
The distinction between static and non-static verbs is essential for this
classification. Hence, states code non-happenings, and so there is no change involved,
while non-static verbs code happenings, and therefore involve internal change. For
example, in a sentence like John believes in fairies there is not an external event
taking place in the outside world. That is, nothing that can alter the state of affairs
occurs. Hence, believe is [+static]. On the other hand, in sentences like John runs in
the park every morning there is an event occurring. In this case, we have a situation in
which one participant carries out an action in a concrete setting, and this action alters
the original features of the state of affairs. If we were witnessing such a non-state we
would be able to identify it very easily. On the other hand, if we witness a state we
cannot easily distinguish when it starts or ends. How can we know that John believes
in fairies just by looking at him? Hence, run is [-static]. Smith (1991) also divides
situations into states, which are [+static], and events, which are [-static]. States hold,
events occur. That is, events have an identifiable beginning and end within the state
of affairs itself.
The feature [+/-telic] refers to whether the verb denotes a state of affairs with an
inherent terminal point or not. Thus, run in the sentence above does not refer to a
3
There are, nonetheless, other Aktionsart typologies. The most recent one is found in Bache
(1997). I have selected the one of Role and Reference Grammar because it is functionally
representative of real facts and because it is economic and reliable, as I show below.
76
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
temporal limit, so it is [-telic]. However, run in John runs to his place of work every
morning implies that there is a terminal point for the activity of running, which will
take place when John arrives to his final destination. Such an alternation, called
activity-active accomplishment alternation, by way of which an atelic verb becomes
telic (Dowty 1979, Levin 1993), is important for the hypothesis posed in this paper.
Note the way this change takes place: it is the prepositional phrase to his place of
work which modifies the verbal Aktionsart. Note that the verbal tense is not relevant
for this alternation. It is the statement of a final location that transforms an activity
into an active accomplishment. Thus, the same alternation holds for John ran in the
park every morning and John ran to his place of work every morning. It is the
expression of a final location where the action ends what makes an action verb such
as run telic and therefore composes an active accomplishment Aktionsart. Dealing
with accomplishment Aktionsarts, we should distinguish active accomplishments
from plain accomplishments, which are those modes of action in which the verb
already has the [+telic] feature, as is seen in (1.c) above. See, then, the difference
between John sat down and the above sentences. In the latter, the verb codes a
happening that is telic, without the need to specify the location in which the event
takes place.
Finally, the feature [+/-punctual] refers to the internal duration of verbs. For
example, the verb run involves a change of location, but it is different from a verb
such as explode in that the former takes place over a certain period of time while the
latter is instantaneous. According to the typology proposed in (1), accomplishments
are [-punctual]. However, in this paper I demonstrate that within this class there are
some differences that should be accounted for, since not all causative
accomplishment movement verbs comply with the three features that are assigned to
them in the same degree.
A further distinction is required before continuing: states of affairs may be
induced or spontaneous. The four Aktionsart classes in (2) correspond to spontaneous
states of affairs. Correspondingly, for each of these classes there is a causative class,
which is related to an induced state of affairs. This is shown in (2):
(2)
a. State
John is angry
a’. Causative state
b. Achievement
b’. Causative achievement
c. Accomplishment
c’. Causative accomplishment
d. Activity
d’. Causative activity
Mary angers John
The bomb exploded
John exploded the bomb
The water freezes
John freezes the water
The ball moves around the park
John moves the ball around the
park
The causative versions of the non-causative ones can be distinguished by applying the
following paraphrases:
(3) a’. Mary causes John to be angry
b’. John caused the bomb to explode
77
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
c’. John causes the water to freeze
d’. John causes the ball to move around the park.
Besides this, Van Valin and LaPolla (1997) distinguish another class, derived from
activities: active accomplishments, which are accomplishment uses of activity verbs,
as noted above when dealing with the feature [+/-telic]. As seen in the previous
example, an activity verb such as run can become an active accomplishment thanks to
the argument-adjunct4 it takes (in this case, the prepositional phrase to his place of
work in John runs to his place of work every morning).
Active accomplishments also have a causative version. An illustration of this
is given in Van Valin and LaPolla (1997, p. 101) :
(4) a. The soldiers marched to the barracks (plain active accomplishment)
a’. The sergeant marched the soldiers to the barracks (causative active
accomplishment)
In the light of the terminological criteria posed above, note that the term active is not
used as opposed to passive, but as opposed to non-active. That is, it refers to those
verbs that are [-static] and [-punctual]. Following all these criteria, I establish a
typology of causative accomplishment movement verbs that completes the one posed
by Van Valin and LaPolla (1997).
It must be pointed out that in this paper, all causative accomplishment movement
verbs are assumed to have a semantic valence of three and a syntactic valence of two
or three. For an example of this, see (5):
(5) a. Mary fixed the switch on the garden wall
a’. Mary fixed the switch
b. Mary looked up the wall
In (5.a) the syntactic valence is three, because the third argument (the garden wall) is
expressed. However, if we say Mary fixed the switch, as in (5.a’), the syntactic
valence is two –that is, this clause has two syntactic arguments: Mary and the switch-,
but the semantic valence is still three, even if the third argument is not overtly
expressed. This is because the semantic valence of a clause is tied to the argument
structure of the verb, which is, from my position, invariable, while the syntactic
valence is related to the actual realisation of the clause, that is, to form. Thus, in (5.a)
we see that there are three arguments expressed: Mary, the switch and the garden
wall, while in (5.b) there are just two: Mary and the wall. Thus, the syntactic valence
of (5.a) and (5.b) is three and two, respectively.
4
Argument-adjunct is the name given in Role and Reference Grammar to those expressions
which stand in the middle between being arguments, that is, being essential for the logical
structure of the clause, and being adjuncts, that is, being additional elements that modify the
clause as a whole. Locative arguments are included within this group, due to the fact that the
locative word that introduces them modifies the Aktionsart and the meaning of the verb as a
whole. That is, saying Put the book on the table is not the same as saying Put the book down
the table.
78
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Another issue that should be noted is that both (5.a) and (5.b) are transitive
constructions. Nevertheless, there is an important difference between them: in (5.a)
the prepositional phrase on provides the new location for the second argument, the
switch. This second argument has undergone a change of location, and this change
has been caused by the first argument, Mary. In (5.b), by contrast, there is no
movement of the second argument, expressed here by the noun phrase the wall. In
this case, up functions as a particle, and such a particle indicates the orientation of the
action predicated by the verb. There is not a causality element, and therefore the first
argument, Mary, does not cause the second argument, the wall, to move. Up is
working at the level of the nucleus (that is, the verb and its Aktionsart), not at the
level of the clause. Thus, in (5.a) we have a causative construction, while in (5.b) we
do not. Note, therefore, that all causative constructions are transitive, but that not all
transitive constructions are causative. Causativity is related to semantics, and
transitivity is related to syntax.
Now that this is clear, my concern focuses on the establishment of an adequate
logical structure5 for causative accomplishment movement verbs. The prototypical
logical structure for the verbs I am studying, according to Van Valin and LaPolla
(1997), is given in (6):
(6) Peter put the book on the table
[do’ (x, Ø)] CAUSE [BECOME be-LOC’ (z, y)]
With regards to the logical representation of the above sentence, it is explained in
section 2 below. For the time being, it is important to note that causative
accomplishment movement verbs are examined here from the perspective of their
interrelation with spatial items. Spatial words perform the essential function of
orientation, which is basic for human cognition. Despite this, spatial constructions
have been usually consigned to a marginal position in grammatical and semantic
theories. Orientating can be realised by two types of elements: situating and linking
elements. Situating is a property of adverbs, while linking is a property of
prepositional phrases. Thus, the prepositional phrase on the table in (6) links the
argument that is represented by the book to the place in which it is finally located,
that is, the table, through the preposition on. On the other hand, in Peter put the book
near we have an adverb, near, that situates the book around a certain location,
although it does not provide a referent to a concrete location such as the table. Apart
from this semantic distinction, they perform the same role in the logical structure of
verbs of movement. This role is that of granting the clause with a complete meaning.
That is, the causative accomplishment verb of motion put has a number of features
that characterize it as such. However, in order for it to function as a whole
accomplishment verb in a clause, a spatial expression has to be included. Thus, *John
put the book is ungrammatical. A spatial expression such as on the table has to be
included in order for the clause to be complete. This example shows the importance
of spatial expressions for accomplishment verbs of movement. Going further, in this
article I show another important role of spatial items when these verbs are concerned:
5
Note that in Role and Reference Grammar the concept logical structure refers to the semantic
argument structure of the verb, not to its syntactic structure.
79
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they permit the distinction of these verbs into two different groups with different
logical structures, as is shown in the following sections.
If one looks at locative words in detail, a very powerful and complex system of
organization arises. This system plays an essential role in human languages and must
therefore be carefully studied. I have analysed these elements with respect to the
types of verbs they are realized with, first in English, and then in Unish, in order to
extract information about the specific behaviour of such verbs both semantically and
syntactically. Due to the limitations of this article, I have only focused on the analysis
of spatial items functioning as prepositional phrases. There is general agreement,
from works like Dik (1978) or Chomsky (1981) onwards, that the semantic and the
syntactic properties of predicates are interrelated. This is followed by the LexicoGrammar Model (Faber and Mairal 1999, Mairal 2001, Mairal and Faber 2002,
Mairal and Cortés 2002), and it is taken as a starting point in this piece of research.
Nonetheless, since this model is still under construction, I have selected the Role and
Reference Grammar’s system of semantic representation as a starting point for my
explanations, as I have mentioned above.
2. A semantic typology of causative accomplishment movement verbs
Although all the verbs of the corpus correspond to the same type of verbs
(causative movement verbs), important semantic differences can be found between
some verbs and others, and such differences in meaning constrain the type of
argument-adjuncts they can take and the number of prepositional phrases they admit
in one clause. All these verbs can be divided into two main groups, and within each
group some features allow for further subdivisions. The differences among each
group are called variables. The two groups of verbs are causative active
accomplishment verbs and causative accomplishment verbs. Both groups are similar
in that they are accomplishments. This is represented in the logical structure by
‘BECOME’. This means that they are “temporally extended (not instantaneous)
changes of state leading to a terminal point” (Van Valin and LaPolla, 1997, p. 92).
The BECOME feature makes them durative in the sense that the event does not take
place in a punctual way. It extends in time, despite having an end. In this sense, note
the difference between explode and freeze. Explode refers to an instantaneous
happening, while freeze implies that the event has an end, but that it happens along a
certain time interval. Therefore, telicity is an inherent feature of all these verbs. The
third verbal argument is the one that carries and expresses such a feature: a
LOCATION argument. Furthermore, they are both [-punctual], that is, the change of
state is not instantaneous, and, evidently, [-static]. Hence, according to the three basic
features that define Aktionsart, both types of verbs coincide.
However, the Aktionsart of each group differs, and the states of affairs they
encode are also different: causative active accomplishments encode a state of affairs
that goes from the point of origin of the UNDERGOER6 to the endpoint. That is, the
6
The semantic macroroles ACTOR and UNDERGOER are generalizations across thematic
roles. That is, under the label ACTOR and UNDERGOER -coded as the participant most
affected by the action- they embrace a number of thematic roles, also called microroles. The
80
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language user can mentally represent any of the moments that compose the activity
from the beginning to the end and express it linguistically through the addition of
many locative prepositional phrases, as seen below:
(7) John escorted the politicians from their hotel, through the city, to the secret
meeting point.
Depending on whether the GOAL7 is specified or not we can have an activity or an
active accomplishment Aktionsart, as already mentioned. On the other hand,
causative accomplishment verbs only encode that state of affairs at the endpoint.
They express the resulting state of a non-active process of change. A change is
understood as extended in time, but it is not the change that is evoked by these verbs;
only the result is. That is, in both kinds of verbs one can imagine the whole process,
but this is a product of epistemic knowledge, since we all know that if an
UNDERGOER is in one location it is due to the fact that an ACTOR has placed it
there. Thus, in (non-active) accomplishment verbs their referring scope is the
endpoint, in time and in space. Consequently, (non-active) accomplishment verbs
always take a GOAL prepositional phrase, which functions as an argument-adjunct
and specifies the endpoint location. They do not admit other locative prepositional
phrases, as active accomplishments do. This is shown in (8):
(8) John placed the picture (*from the box) (*through the corridor) on the
wall.
Nonetheless, up until now there has not been a clear distinction in Role and Reference
Grammar between these verbs of movement as regards their semantic features and
ACTOR is the generalized AGENT-type role, and the UNDERGOER is the generalized
PATIENT-type role. In this way, in an active construction the ACTOR is the subject and the
UNDERGOER is the object, while in a passive construction it is the other way round. With
respect to intransitive verbs, the single argument they have can be either an ACTOR or an
UNDERGOER. One may wonder, if there are various argument-types in a logical structure,
which one will be selected for the ACTOR macrorole and which for the UNDERGOER one.
In fact, there are principles that govern macrorole assignment, which are not going to be
developed here in full. For a complete overview, I refer to Van Valin & LaPolla (1997:144146). In this work I will just mention that the unmarked choice for ACTOR is the ‘argument
of DO’ (AGENT), and that the unmarked choice for UNDERGOER is the ‘argument of pred’
(x)’ (PATIENT). Apart from this, it is important to note that in the case of the verbs under
study here the UNDERGOER is a THEME, because they do not have a PATIENT in their
logical structure. A THEME, in terms of participant roles, is similar to a PATIENT, but with
the difference that it does not suffer an internal change. Similarly, an EFFECTOR is similar to
an AGENT, but the action it carries out is not necessarily willful.
7
In relation to locative expressions, in the clauses we are analyzing they play the role of
argument-adjuncts, as already mentioned. Such argument-adjuncts represent a LOCATION.
Nonetheless, it must be specified which kind of location it is. Thus, spatial prepositions can be
divided into different types, and depending on that, the prepositional phrase they head will
perform one role or another. Bennett (1975) divides them into five basic cases: LOCATIVE,
SOURCE, PATH, GOAL and EXTENT. In the case of the verbs under analysis here, the
LOCATION is expressed by a GOAL argument adjunct. If it is not a GOAL, then it is just an
adjunct, and it consequently does not belong to the logical structure of the verb.
81
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
their logical structure, despite the admittance of their different Aktionsarts. Thus, in
what follows, a detailed analysis of these verbs is carried out. A different logical
structure is proposed for each type, since the common logical structure rendered in
Van Valin and LaPolla (1997) –the one in (6)- does not account for the differences
between them. Furthermore, the feature [+/-] dynamic is applied at a clausal level in
order to account for such differences.
2.1. Causative active accomplishment movement verbs
The verbs that form this group take GOAL prepositional phrases as a third
argument, but they also admit PATH prepositional phrases. However, PATH
prepositional phrases cannot work as LOCATION arguments, since they do not express
an endpoint, but refer to a transitional stage. PATH prepositional phrases are those
headed by prepositions such as through, across or along, while GOAL prepositional
phrases are those headed by prepositions such as to or into. If the movement verbs in
this section take a GOAL prepositional phrase, they are called active
accomplishments. If they are not followed by such prepositional phrase, but only by a
PATH prepositional phrase or by no prepositional phrase at all, they are called
activity verbs. This is because, as noted above, the accomplishments are realised
through the semantic feature of telicity, which is expressed through GOAL
prepositional phrases. For an illustration of this, see the examples below:
(9) a. John guided the tourists through the field (Path prepositional phrase)
[causative active verb]
b. John guided Mary to the house (Goal prepositional phrase) [causative
active accomplishment verb]
c. John guided Mary from the house (Source prepositional phrase)
through the big avenue (Path prepositional phrase) to the school (Goal
prepositional phrase) [causative active accomplishment verb]
Guide is a prototypical8 example of a causative active accomplishment movement
verb. It has the three maximally possible arguments: ACTOR, UNDERGOER and
LOCATION, if we focus on macrorole assignment (ACTOR, UNDERGOER) and
primitive abstract predicates (LOCATION), and AGENT, THEME and GOAL, if we
specify the correspondent microroles. However, as can be observed in (9.a), guide
can also be a causative active verb if the GOAL prepositional phrase is omitted.
Additionally, it may admit more than one prepositional phrase, as in (9.c), although
only the GOAL prepositional phrase is relevant for its logical structure. Van Valin
and LaPolla (1997, p. 182) provide evidence for such activity-active accomplishment
alternations in languages which meet three criteria: morphological evidence,
generality (that is, this alternation is not limited to a small number of verbs) and
predictability according to a putative lexical rule. This is not the case in English,
where there is no morphological evidence. However, according to theory internal
8
The concept of prototypicality is based on Taylor (1989).
82
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
criteria - economy, motivation and predictability - these authors (1997) demonstrate
that English has lexical rules to derive this alternation, as well as lexical rules to
derive the causative version of predicates.
According to Van Valin and LaPolla (1997, p. 101), active accomplishments are not
causative, but there are simply causative versions of active accomplishment verbs, as
seen in the example shown in (4) above. However, in this piece of research, it is
further demonstrated that there are causative active accomplishment verbs, not only
versions of non-causative ones, since all the verbs which have been selected for the
corpus of analysis are only causative, and do not have an alternative non-causative
version from which they (supposedly) derive. For some instances of this fact, see (10)
below:
(10) a. * That man transported to the north of the state
b. That man transported the goods to the north of the state.
c. * John guided to the new house
d. John guided us to the new house
As these examples show, these verbs, together with the ones in (11) below, only have
this causative Aktionsart. For such cases it is not possible to look for any of the three
criteria posed by Van Valin and LaPolla (1997) related to alternations between active
accomplishment verbs and causality, since there is not an alternative non-causative
version. It is true that the causative versions are usually derived from the four basic
types of Aktionsart: states, activities, accomplishments and achievements, but in
many cases use brings about a weakening of the original verbal types. Historically,
English verbs from the Old English period onwards have evolved, in a significant
number of cases, from non-causative (typically strong ones) to causative (typically
weak)9,10. This is a universal tendency of languages. In many cases, verbs maintain
both forms, but in others they have lost their original non-causative version. As a
result, from a synchronic perspective we cannot state that causative verbs are
secondary to non-causative ones. Thus, I defend the view that there are ten classes of
Aktionsart, with a similar status:
(11) states, activities, accomplishments, achievements, active accomplishments,
causative states, causative activities, causative accomplishments, causative
achievements, causative active accomplishments.
9
As has been noted in section 1, transitivity is a different notion from causativity, but both are
interrelated, in the sense that for a verb to be causative it necessarily has to be transitive,
though a transitive verb does not need to be causative. With respect to this diachronic
phenomenon, see Martín Arista (2001).
10
Old English verbs were of two main types: strong or weak. Strong verbs such as sincan
‘sink’ had irregular conjugations (sanc as first person past singular, suncon as first person past
plural, suncen as past particple), and they are the origin of Present Day English irregular verbs
such as sink, while weak verbs such as murnan ‘mourned’ had a regular conjugation (murnde
past simple tense), always adding a dental character to form the past tenses. They are the
origin of regular verbs in Present Day English, which form the past tenses by adding –ed.
83
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Taking this into account, the verbs verbs under analysis in this section are listed
below:
(12) Guide, lead, conduct, escort, accompany, show, direct, draw, tow, usher,
carry, bear, bring, fetch, transport, deliver, ship, dispatch, despatch, take,
propel.
These verbs belong to different lexical fields, in such a way that further subgroups
could be established11. In this paper, however, I focus only on their core sense, related
to their common logical structure, which could be paraphrased as: 'to cause an object
to be on a specific location.'
Jolly (1991, p. 90 and 1993) states that these verbs take GOAL, PATH and
SOURCE prepositional phrases as part of their logical structures. In this line, Van
Valin and LaPolla (1997:161) claim that “there can be more than one argumentadjunct […] They are specifying the range of motion with a verb of motion (e.g. run,
walk) or induced motion (e.g. push, pull, move), which includes specification of a
SOURCE, a PATH and/or a GOAL”. I disagree with this because the feature [+telic],
which is the essence of their logical structure, is just provided by the GOAL
argument-adjunct, so the rest of adjuncts (SOURCE and PATH) are superfluous, and
this should be reflected in semantic representation. Besides, Van Valin and LaPolla
(1997) themselves state that verbs allow for a maximum of three arguments (which
includes argument-adjuncts).
In a nutshell, causative active accomplishment verbs allow for the occurrence of
multiple locational prepositions. That is, PATH and SOURCE prepositional phrases
can be specified, and this is due to their inherent nature as derivations of active
predicates, which are dynamic and therefore provide the verb with a complex
combination of temporal and spatial indeterminacy. However, the only inherent and
necessary prepositional phrase to complete their logical structure is the GOAL
prepositional phrase, which is the one that carries the telicity feature. In order to
finish up this subsection, it must be noted that the logical structure of the verbs
presented here differs from the general logical structure given in Role and Reference
Grammar for causative accomplishment movement verbs, which has been given in
(6). A proposal is provided below:
(13) DO (x, [do’ (x, Ø)] CAUSE [do’(z,[go’(z)]) & BECOME be-at’ (y, z)])
In the first place we have the activity part: DO (x, [do’ (x, Ø)]. This structure is
crucial for distinguishing active from non-active accomplishment movement verbs. In
terms of semantic features, this part provides these verbs with an additional feature
that Van Valin and LaPolla (1997, p. 95) add to distinguish activities from
achievements and accomplishments: dynamicity. Thus, activities are [+dynamic],
while the other two are [-dynamic]. This feature turns out to be essential for the
11
The further subgroups into which they can be divided are: a. guide, lead, conduct, escort,
accompany, show, usher, direct, draw, tow; b. carry, bear, transport, ship, despatch/dispatch;
c. bring, fetch, deliver, take; d. propel. For a deeper analysis to each of them see Ibáñez
Moreno & Ortigosa Pastor (2004) and Ibáñez Moreno (2005).
84
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
distinction between active and non-active accomplishment movement verbs, as is
shown below:
(14) a. Causative Accomplishment
[+induced], [-static], [+telic],[punctual] [-dynamic]
Mary painted the walls green
b. Causative Activity
[+induced], [-static], [-telic],[punctual] [+dynamic] Æ
Mary exercised her students around the tennis court
c. Causative Active
[+induced], [-static], [+telic],
Accomplishment:
[-punctual], [+dynamic]
Mary drove the dog to the park
As can be observed, if we only take into account the three basic features present in (1)
we cannot distinguish active from (non-active) causative accomplishments. This
feature provides active accomplishment movement verbs with the ability to co-occur
with prepositional phrases that do not involve a goal, that is, that do not encode an
endpoint, but that refer to the time that lies between the beginning and the end of the
action encoded by the verb: PATH prepositional phrases. The novelty of this work,
with respect to Van Van and LaPolla (1997), is double: first, I add the quality of
codifying such a transitional period of time to this dynamic feature. For Van Valin
and LaPolla (1997), the fact that a verb is [+dynamic] simply implies that it can
coocur with adverbs such as actively or vigorously. These adverbs modify the action
predicated by the verb, but do not refer to the middle of the bounded action or
process. However, the fact that active accomplishments are dynamic also implies
such a quality - that is, they encode the middle of the action or process - and hence it
has to be represented in the logical structure of such verbs. Note that the fact that this
quality is realised through PATH prepositional phrases demonstrates the importance of
locative expressions for the analysis of the logical structure of movement verbs.
Second, by admitting this feature for active accomplishment verbs I go a step further
than Van Valin and LaPolla (1997), who only recognise it as a property of activity
verbs.
However, the logical structure as a whole, as presented in (13), brings about some
problems that need to be solved: in the first place, there is no specification of the type
of action carried out. In the second place, it must be observed that the predicate
[go’(z)] has been used after (do’) to further represent the fact that these verbs carry
the [+dynamic] feature. With such logical structure, one cannot extract any
differences from any of the verbs in (12). This means that this logical structure is
incomplete. Thus, in order to specify the type of action encoded by each verb, a
logical structure as the following should be used:
(15) DO (x, [do’ (x, [guide’ (x, z)]))
Here, the predicate (go’) has been substituted by a more specific one: (guide’). This
logical representation is more specific, since it is only applied to the verb guide.
However, as can be seen, this logical structure is not complete enough, since guide is
not a primitive verb. Unfortunately, Role and Reference Grammar does not provide
85
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the lexical decomposition of all verbs, but it constitutes an excellent starting point to
develop it. This has been followed by the Lexico-Grammar Model, but it is still in an
evolving process. For my purposes a representation as the one above is enough,
although just as an example in (16) I conjecture about the lexical primitives of the
verb just mentioned, guide, in order for the reader to see more clearly how these verbs
fit into my proposed formula:
(16) DO (x, [do’ (x, [go.with’ (x, z)]) CAUSE [do’(z,[go’(z)]) & BECOME
be-at’ (y, z)])
Nonetheless, further studies on this issue may contribute to enriching the common
logical structure given in (15) and to improving the one given in (16) as a proposal.
2.2. Causative accomplishment movement verbs
Causative accomplishment verbs are the result of a process of change.
Additionally, they are telic. The only feature that distinguishes them from active
accomplishments is dynamicity, as seen in (14). However, this small difference is the
origin of big differences between them. Again, such differences become apparent in
the clause through locative prepositional phrases. As in the case of active
accomplishments, we may suppose that if the GOAL prepositional phrase is not
specified the verb cannot be considered an accomplishment verb. However, the
difference lies precisely in that this is not the case: even if no prepositional phrase is
realised in the clause, these verbs are invariably accomplishments. This fact is shown
in (17):
(17) a. John guided Mary to the house (GOAL prepositional phrase) [causative
active accomplishment verb]
b. John guided the tourists (no GOAL prepositional phrase) [causative
active verb]
c. John placed the book on the table (GOAL prepositional phrase)
[causative accomplishment verb]
d. ?? John placed the book (no GOAL prepositional phrase) [causative
accomplishment verb]12
In (17.a) and (17.b) we have the verb guide, which functions as an active
accomplishment verb when it co-occurs with a GOAL prepositional phrase (17.a) and
adopts a different Aktionsart when it does not (17.b). On the other hand we have
place, which always functions as a causative accomplishment verb. However, note
the question marks in (17.d), indicating that although this sentence is not
grammatically wrong, it is odd. This is because (non-active) accomplishment
movement verbs do not allow for alternations as the activity-active accomplishment
12
Please note that the two question marks are used to show that the sentence is not
grammatically nor semantically fully correct.
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alternation that concerns active verbs, and they are prototypically realised with their
locative prepositional phrases functioning as argument-adjuncts.
As a result, their logical structure is always the same, so when no argumentadjunct is overtly specified a slot should be left empty to show that there may be
some location there. Their logical structure has already been given in (6), and it is
repeated below:
(18) [do’ (x, Ø)] CAUSE [BECOME be-LOC’ (z, y)]
In the semantic field of movement, these are the only verbs accounted for in Van
Valin and LaPolla (1997) because they are more frequent. In fact, these authors
(1997:102) state that in case of doubt, a verb will more likely be an accomplishment
than an active accomplishment:
“Causative accomplishments are derived from a state predicate, whereas
causative active accomplishments are derived from an activity predicate.
[…] It should also be noted that causative accomplishments are much
more common than causative active accomplishments, and therefore in
unclear cases it is more likely that the verb would be a causative
accomplishment rather than a causative active accomplishment.”
Nonetheless, movement verbs are very clearly differentiated. The following verbs
constitute the group under study in this subsection, that is, causative
accomplishment movement verbs:
(19) Fit, fix, install, place, space, clap, locate, situate, site, position, station,
stick, remove, wrench, extract, withdraw, eject, bar, jam, seal, stuff (in the
sense of ‘put into’), scatter, sprinkle, cast, chuck, toss.
Contrary to active accomplishment verbs, they are not derived from an active
verb, but from a state verb. Note that this does not mean that they are [+static]. In
order to show this clearly, let us look at the following example:
(20)
a. The glass is on the cupboard
a’. John has placed the glass on the table
b. The tourists walked in the park
b’. John guided the tourists to the park
[+static]
[-static]
[-static]
[-static]
Clauses (20.a) and (20.b) are non causative versions of (20.a’) and (20.b’)
respectively. As can be observed, the clause in (20.a’) has a causative
accomplishment movement verb, place, and in order for the situation presented in it
to take place there must have been a previous situation such as the one presented by
the clause in (20.a), which contains a state verb, be. The fact that causative
accomplishments derive from state verbs determines their logical structure and the
kind of prepositional phrases they admit. In this case, they are characterized as
causative accomplishment verbs because they do not admit any other directional or
locational prepositional phrase apart from the GOAL prepositional phrase, which
functions as an argument-adjunct. Hence, although they are [-punctual], which
87
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implies that they last in time, their scope of reference only accounts for the last part of
the process of change of location. Consequently, they can not admit PATH
prepositional phrases, which express the transition from one point to another. These
accomplishment verbs express that the action is finished and that the affected
argument of the action has been located in a certain place. They focus on this terminal
point. This explains why Lindstromberg (1997) calls them endpoint verbs. According
to this codification of states of affairs, accomplishments lie in between active
accomplishments and achievements:
(21)
a. Active Accomplishment
b. Accomplishment
c. Achievement
[-punctual], [+dynamic]
[-punctual], [-dynamic]
[+punctual], [-dynamic]
As comes out from this figure, an example of an achievement would be explode,
which evokes a punctual event that codifies an internal change on the part of the
argument(s). For example, in The bomb exploded, the event accounted for by the verb
takes place at a precise moment and the argument the bomb undergoes a sudden
change but, what is more important, the verb does not codify such change. For this,
we cannot say The bomb exploded along the meeting. This codification takes place in
active accomplishments, where verbs such as carry encode all the process of
movement from the original setting to the goal. Thus, in Mary carried the bags all the
way along the path to the house we can include the phrases all the way and along the
path precisely because carry is [+dynamic] and allows for the linguistic
representation of this process. Note the difference with an accomplishment such as
Mary placed the bag on the chair. We can not include a phrase such as all the way
through in it: *Mary placed the bag all the way through on the chair. Another
example of an accomplishment verb would be arrive. Arrive, in John arrived at the
station late, codifies the precise moment in which John is at the station, and
therefore, it does not refer to the entire process that John has undergone to get to the
goal. Thus, arrive is [-dynamic]. However, it is not [+punctual] since the event of
arriving at a place does not take place in a sudden way. It is extended in time,
although the verb only codifies the last part of that process. That is why we can say
The train is arriving. The reason for this is that this verb is not [+dynamic].
In my opinion, neither of these two features alone can explain the Aktionsart of
(non-active) accomplishment movement verbs, that is, the fact that they do invoke the
state of affairs at the endpoint, despite being [-punctual]. It is the interrelation
between not being punctual and at the same time not being dynamic (which accounts,
as I have stated above, for the fact that a verb codifies the internal process of change)
that explains this. Thus, (non-active) accomplishment movement verbs refer to an
extended process of change but only encode the result of this process.
Of course, there are other types of causative (active) accomplishments besides
movement ones. Movement verbs are just one subgroup of verbs that refer to a
specific semantic field, that is, motion. Some examples of other causative
accomplishments are transform, as in Mary transformed that piece of ice into a
beautiful statue; freeze, as in John froze the bread; or corrupt, as in Power has
corrupted the president. In all cases, we have the same structure: we have an ACTOR
(Mary, John, Power) that causes an UNDERGOER (that piece of ice, the bread, the
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president) to change (BECOME a statue, BECOME frozen, BECOME corrupted). The fact
that I analyze only movement verbs is due to the need to limit the field of analysis so
as to get higher accuracy in the description and explanation of data. It is also due to
the idea that movement is a universal event that may not be always be codified in the
same way in different languages. Therefore, a meta-linguistic and cross-linguistic
analysis of how different languages encode movement seems necessary in order to
ensure the validity of the semantic representations being used here, as well as of the
accuracy and naturalness of the languages analyzed.
3. Causative movement verbs in Unish: a role and reference grammar analysis
So far, I have presented the hypothesis that causative movement verbs are divided
into two different groups. I have also suggested that their logical structure must
always include an argument-adjunct that refers to the location where the action
finishes. In this section, then, I re-analyse some of the examples I have provided with
the novelty that I compare them to Unish. This analysis shows that this artificial
language is correctly adapted to language structure and use and that it constitutes a
step further in human communication. Going further, the purpose of this comparative
study is to provide evidence that the system of semantic analysis and representation
used by functional theories - in this case, more specifically, by Role and Reference
Grammar - can be applied to all languages and that it constitutes a highly applicable
tool in the development of artificial languages. In fact, the typology of verbs put
forward by Van Valin and LaPolla (1997) is said to have universal validity. Actually,
examples are provided for more than one hundred languages. Among them, we find
French, Spanish, Icelandic, Barai, Yagua, Georgian, Basque, Russian, Hausa,
Japanese, Piraha, Mandarin, Italian, Lakhota, Tepehua, Qiang, etc. Accordingly,
verbs in Unish should also admit such classification in order to fulfil the requirements
of human natural languages. My aim is also to show that by investigating artificial
languages we can gather further and more useful evidence for the internal processes
that underlie linguistic use. At the same time, Role and Reference Grammar should be
a complete tool that allows the identification and systematisation of these processes,
and that contributes to the further elaboration of Unish.
Unish is an international auxiliary language of very recent creation (2000). It is
based on 16 different languages: Arabic, Chinese, English, Esperanto, French,
German, Greek, Hindi, Italian, Japanese, Korean, Latin, Malay, Portuguese, Russian,
and Spanish. Since it is still under construction, at the moment it is composed of
about 10,000 words. It adopts English word order as a general rule, with the
difference that interrogative and imperative sentences do not vary in word order. It is
only the intonation that changes in the case of spoken Unish. If it is written, a
question mark or an exclamation mark will be added at the end and at the beginning
of the sentence. Unish constitutes, then, an attempt to simplify language so that it can
be easily acquired and communicated.13 This is related to the fact that it is an analytic
13
This statement implies that there are languages that are easier to learn than others. I must
point out, then, that this is just my personal opinion based on certain epistemological beliefs
about the nature of language. For an analysis of language learners’ beliefs and how they
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language with no exceptional rules. In the case of lexical items, they are created
according to frequency of use. The word that is dominant, among the 16 languages
that are surveyed, is borrowed. In many cases, it undergoes phonological and
graphemic changes, in such a way that the created word is simpler and more faithful
to the distinction between form and pronunciation. Thus, the English word house
becomes haus, since this latter item is more representative of how house is
pronounced in English: /haus/. Due to this method, most words in Unish have been
adopted from Present Day English, since English is, as we know, one of the primary
spoken languages in the world and the most widely used as a first or as a second
language.
Other international auxiliary languages are Esperanto, Ido or Interlingua, of which
the most widespread and commonly known in Esperanto. All international auxiliary
languages try to accomplish the same goal: to serve as a common language to
different speaking communities and be used at institutional and educational levels.
That is, they are intended to comply with the requirement of being a tool to transmit
knowledge and information, respecting the cultural richness of other natural
languages and the other functions of natural languages, such as producing literary
works - that is, art through language, beauty - or thought. In a nutshell, they are
“languages for practical purposes” (Gobbo, 2005, p. 7)
Each of these languages has its supporters and its opponents. Gobbo (2005, p. 9) is
one of the supporters of Esperanto: “Structural analysis will reveal how many
European citizens may find the candidate language familiar without studying it due to
its phonology, writing system and lexicon and after non-intensive study because of its
morphology and syntax.” Esperanto is aimed, then, at being a language of the
European Union, according to this author, although it may also be spread all over the
world. In any case, what is important is that all of them have been created deliberately
by man, and as such, they lack the irregularities that natural languages have. Thus, an
artificial language has a phonetic alphabet (which means that words are pronounced
as they are written), contrarily to English, which was originally phonetic but which
underwent a shift in the XVIth century. Besides, English has many vowels (at least
12), which in an auxiliary language are reduced to a maximum of five (Jung 2004:
35). Also, natural languages are full of syntactic and morphological irregularities
which are avoided in artificial languages. For instance, verbs in English can either be
regular or irregular, and depending on this they are conjugated in one way or another.
As regards syntax, there are lots of “illogical” - but diachronically explicable - rules
that have to be followed, such as the use of got in I have got two cars or the use of the
Saxon Genitive in order to express possession. In this sense, all international auxiliary
languages are simple, regular and neutral.
Nevertheless, there are no important differences between the English and Unish
with respect to their internal logical structure. Some of the differences and similarities
are analysed here. First of all, let as compare the sentence given in (22.a) to its
correspondent one in Unish:
influence second language learning, see Horwitz (1988) and Mori (1999). Nonetheless, not
everybody agrees with this.
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(22) a. Mary fixed the switch on the garden wall
[do’ (Mary, Ø)] CAUSE [BECOME be-on’ (garden wall, switch)]
b. Mary fixed switch um garden mur
[do’ (Mary, Ø)] CAUSE [BECOME be-um’ (garden mur, switch)]
As can be observed in (22), the same logical structure can be applied to Unish and
to English. Only the terms vary. This is a proof of the adequacy of Unish to the
internal requirements of a language. Even more, if we pay attention to (22.b), we can
see that the system of semantic representation used for such logical structure is more
faithful to Unish than to English. This is because in Role and Reference Grammar,
articles are not represented in semantic logical structures, and in Unish articles are not
used. This elision of articles seems to be coherent with internal mechanisms of the
linguistic construction of meaning. Articles are functional words that perform a
number of auxiliary functions in the building of meaning of the sentence as a whole.
Nouns, Adjectives, Adverbs and Verbs are content words, and they are thus basic in
the transmission of meaning. Going further, Nouns and Verbs are present in all
languages, while Adjectives and Adverbs are not typologically universal. Then, as
long as an artificial language contains verbs and nouns it can be considered to be
complete.
The omission of articles in Unish also shows that this language is basically a
scientifically objective instrument of communication which gets rid of those elements
of languages that are not essential for this aim. That is, articles are mainly functional
words, and although they are present in many uses of language, with regards to
communication alone they are not strictly necessary. This means that Unish is an
auxiliary linguistic system devised to be mainly used for communication purposes. A
fact that proves this is that it is not possible to distinguish a reference to an already
known entity from one that is firstly introduced into discourse. In the first case we
would use the definite article the in English, and in the second case we would use the
indefinite article a/an. In Unish, since articles are not used, this distinction is not
produced. This may be explained by the fact that such functions of language are not
primary or basic and so are not essential for the transmission of information.
Evidence for this is that the distinction of the definite and the indefinite articles is not
universal. In fact, the Chinese language does not have functional equivalents of the
English definite and indefinite article. This poses problems for Chinese learners of
English, who usually omit the article where native speakers of English would use one.
Moreover, the fact that a referent is already known or not to the addressee(s) can
actually be easily deduced from the context, as already noted in the Unish grammar
which is available online at http://.www.unish.org/STATIC/english/gram_detail.html.
Thus, there is no need to have another device that carries out the same function.
Redundancy is avoided. An example of this is provided in the above web site, and it
is repeated it below:
(23) Albert has a dog. The dog barked last night.
Albert hav dog. Dog barked last nait.
With respect to the use of personal pronouns in causative constructions of
movement, there is a formal difference between English and Unish: in Unish, object
91
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pronouns have the same form as subject pronouns. Only the function of such
pronouns in the clause changes. Thus, word order is essential for the identification of
clausal constituents. This means that Unish is an analytic language, as opposed to
synthetic languages such as Spanish, where the word function is given through
inflections, and therefore word order does not need to be so strict. As an example of
this, see (24) below:
(24) a. John guided us to his new house.
a’. John guided des tu le's neu haus.
b. We guided John to his new house.
b’. Des guided John tu le’s new haus.
This proves to be highly economic, since it reduces the number of words to be
learned an also the forms these words take. Again, word order and the context is
essential for a correct understanding of the word. Apart from this, it must be noted
that the causative active accomplishment movement verb guide possesses the same
meaning and the same argument structure in both languages. That is, its logical
structure is the same. In fact, if we elide the object pronoun, the clause is incorrect in
both of them, as can be observed in (25):
(25) a. * John guided to his new house
b. *John guided tu le's neu haus
With regards to the clause in (25.b), we know that it is ungrammatical even if there
are not native speakers of the language because in order to assess its grammaticality
we apply the rules that have been elaborated in order to construct Unish. Artificial
languages in general cannot be evaluated through native speaker intuitions, as natural
languages can. The only way to test their accuracy is to see whether they fit the rules
that have been designed for them and to compare their internal semantic and syntactic
structures to the internal structures of natural languages. This is what I do in this
study.
Thus, with respect to (25), the reason for these clauses being incorrect is that in the
logical structure of guide, as well as all the verbs under study, we have, as I have
shown above, three arguments: an AGENT, a THEME, and a LOCATION (GOAL).
The THEME is the entity that undergoes the action carried out by the AGENT. It is
equivalent to what has traditionally been called object. Thus, us in (24.a) and des in
(24.b) are the THEME, so they are essential for the logical structure of the verb. This
phenomenon has an important implication for the creation process of Unish. In Unish,
the word guide has been borrowed, together with its meaning. This, consequently,
implies that also the logical structure of guide has been adopted. Therefore, there are
three elements to take into account in the borrowing of a lexical item: its form, its
meaning, and its logical structure. In this sense, it would be possible, for instance, to
borrow the form of a word without borrowing its content, i.e. its meaning. This shows
that the different existing processes in the creation of words are universal, and that
they are the same as the ones used in the creation of artificial languages. In the case
of Unish, such a language follows a basic rule of simplicity, so that the three elements
- form, content, and logical structure - are adopted simultaneously from the pertinent
dominant language, which is, as already mentioned, the language that is most
92
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frequently used in order to represent a certain item out of all the languages from
which vocabulary is borrowed.
To finish up this section, I focus on Unish vocabulary. If we pay attention to the
range of causative accomplishment movement verbs available in English, which
totals 48 as extracted from the Lexicon of Contemporary English (1985), we can
observe that most of them have already been accounted for in Unish. They have been
adopted either from English itself, which is the most frequent case, such as guide or
lead, or from another language, such as dirig. Below we have the verbs in English
and their correspondent ones in Unish. A verb that is not yet in Unish is indicated by
two question marks:
(26)Causative active accomplishment verbs of motion:
Guide-guide, lead-lead, conduct-kondot, escort-eskort, accompany-akompani,
show-sho, direct-dirig, draw-dro, tow-taun, usher-??, carry-kari, bear-forber,
bring-bring, fetch-fech, transport-transport, deliver-deliver, ship-leadit,
dispatch-dispach, despatch-??, take-teik, propel-??.
Causative (non-active) accomplishment verbs of motion:
Fit-fit, fixfix, install-instal, place-plas, space-spas, clap-klap, locate-loki, situate-??,
site-sito, position-poz, station-staso, stick-stik, remove-remuv, wrench-rench,
extract-estrat, withdraw-widro, eject-ejet, bar-bar, jam-jam, seal-selo, stuff??, scatter??, sprinkle-??, cast-gips, chuck-chuk, toss-??
As can be seen, most of the verbs that do not have an equivalent in Unish are of low
frequency of use. One reason for this incompleteness is that this language is still
under construction. Another reason may be that such verbs are not of primary
importance for a language, since they have many synonyms which are more
frequently used and that can perform the same function. That is, there is not a clear
need for creating more terms in order to cover a meaning which has is already been
acknowledged. For instance, dispatch and despatch are explained by a free variation
in spelling in English. In Unish, these two variants are unified into the most frequent
one: dispatch, which is the only one that has an equivalent verb, dispach. As regards
the verbs that have a counterpart in Unish, it can be seen that most of them have been
adopted from English, with some graphemic changes so as to make them more loyal
to their phonological features, as in akompani for accompany, or teik for take. There
are, nonetheless, exceptions, such as leadit for ship, or gips for cast.
At that point, however, it would be necessary to unify the range of
correspondences between one language and the other. The problem is, therefore, that
if one looks up the verb despatch in Unish, no equivalent verb is obtained. The
correct way to get a satisfactory system of equivalences must not be based on creating
a new term that is equivalent to despatch, since the meaning of this verb is already
covered by another term, dispach, adopted from dispatch. Such processes would go
against the rule of simplicity, followed in the construction of Unish. The solution
would be to implement the same equivalent term for despatch in the computerised
database, i.e. dispach. Thus, the term despach in Unish could be translated as both
dispatch and despatch. This would provide Unish with an economic range of
vocabulary that follows the principle of non-synonymy. That is, in Unish just one
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term exists for one meaning, independently of how many terms exist in other
languages to cover that same meaning. Again, this grants such language with a
scientific status, free of ambiguities, so that it can be used as an instrument to
communicate information objectively, and, above all, with a high degree of economy.
In a nutshell, Unish, as it is currently devised, is an artificial language aimed at
fulfilling one specific function of natural languages: communication of information.
That is, this language lacks other devices that are used to achieve other aims, such as
thinking or creating art through language. Unish has not been created to be used for
literary aims. It is just an auxiliary system of communication that could be
internationally applied in order to satisfy specific communicative needs.
Conclusion
In this paper I have demonstrated that causative accomplishment movement verbs
are of two different Aktionsart types, and that, consequently, they respond to two
different logical structures. Going further, I have shown how this is directly reflected
in the types of prepositional phrases they take, which assume different semantic and
syntactic functions. In this sense, the GOAL thematic relation is expressed differently
in causative active accomplishment movement verbs than in causative
accomplishment movement verbs. Active accomplishments can admit multiple
directional or locational prepositional phrases, and accomplishments only admit one,
which can either be a SOURCE or a GOAL prepositional phrase, but never a PATH
prepositional phrase, which encodes the process of extended duration in space and/or
time.
Additionally, causative active accomplishment movement verbs have a
[+dynamic] feature which is not present in causative non-active accomplishment
movement verbs, and it is this feature which influences the verbal logical structure as
a whole. The result of the action or of the process is the same, which is obtained from
their accomplishment Aktionsart. However, the preposition to (and related ones: into,
onto…) as a GOAL for active accomplishment verbs shows that there is a PATH role
to undergo first, either if it is explicitly realised in the clause as a PATH prepositional
phrase or not. All this should be reflected in the logical structure. I have made a
proposal in this line in subsection 2.1.
Furthermore, I have proved that causative accomplishment movement verbs in
Unish possess the same logical structure as those in English, and that they respond to
the same grammatical and semantic phenomena. Moreover, clausal constructions in
Unish are nearer to their semantic representation in the sense that articles are elided
and that pronouns always have the same form, independently of their function. Only
their position in the clause changes. In the same way, articles are omitted in logical
structure and content words are used in their bare form, i.e. without any inflectional
morpheme. Additionally, the place they occupy in logical structure is what
determines their role in the clause, and more importantly, with respect to the verbal
predicate. Thus, the position of the first term is filled by the AGENT, the one of the
second term by the LOCATION, and the one of the third by the THEME, as seen in
Mary (AG) fixed switch (TH) um garden mur (LOC). Word order is therefore of
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primary importance. This shows that Unish follows the principle of simplicity, which
contributes to its status as an auxiliary language.
SOURCE and GOAL are similar in terms of argument-adjuncts - though verbs
which take a SOURCE prepositional phrase as an argument are less frequent -,
because a location is specified. The PATH role cannot be represented as an argumentadjunct because, according to the logical structure of both kinds of induced motion
verbs, a resulting location should be specified. A PATH role does not carry the
telicity feature needed in this case. The case with SOURCE is different: it codes a
state of affairs in which an object has been displaced from its original location, and so
a new situation has begun, leaving the old one behind. For this process to take place,
that old situation must have had an ending. Accomplishment movement verbs which
take a SOURCE prepositional phrase as a general rule instead of a GOAL
prepositional phrase are given in (27), together with their corresponding logical
structure14:
(27) Remove, wrench, extract, withdraw, eject
[do’ (x, Ø) CAUSE [BECOME NOT be-LOC’ (y, z)]
With respect to each of these Aktionsart types in semantic representation, we have
seen that the Role and Reference Grammar typology constitutes a useful tool to
codify states of affairs universally, although it shows some insufficiencies in order to
represent some variables, especially in the case of causative active accomplishment
movement verbs. For this, I have proposed a new logical structure and added some
additional features to explain them. Nonetheless, further proposals that contribute to
complete them would be welcome.
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97
PLURILINGUISME ET POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE EN
EUROPE : DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Cécile Petitjean
Université de Provence
Résumé
La description et l’analyse des politiques linguistiques constituent l’un des
domaines d’application de la sociolinguistique. La problématique relative à la gestion
politique des langues concerne directement le processus de construction européenne.
La réalisation d’une unité dans la diversité au sein d’une Union européenne
composée de 25 États membres, requiert l’apparition d’un sentiment partagé
d’appartenance à cette « maison commune » qu’est l’Europe, cette citoyenneté
supranationale nécessitant une gestion des langues amenant, en premier lieu, à
l’intercompréhension entre des individus participant à cette nouvelle communauté et,
en second lieu, à la garantie pour chacun du respect de ses spécificités linguistiques et
culturelles. Cette connaissance mutuelle des langues et des cultures passe par un
apprentissage diversifié des langues qui soit partagé par l’ensemble des citoyens
européens. Il s’agit de considérer, en partant des situations propres à chaque État
membre, selon quels principes et méthodes l’Europe politique prévoit établir un pont
entre la diversité linguistique qui la caractérise et un enseignement pluriel des
langues, et ce, afin d’éclaircir la faisabilité et la pertinence de ce processus.
Abstract
Sociolinguistics can be applied for the description and the analysis of linguistic
policies. The issue about the political management of languages is directly linked to
the process of a European construction. Carrying out a unity in diversity within
European Union (composed of 25 states) requires the appearance of a shared
awareness, the awareness of belonging to the same community – Europe. Therefore,
this supra national citizenship requires the management of languages, i.e. (1) the
mutual understanding between the individuals that take part in the new community
and (2) the guarantee that the linguistic and cultural specificities of each community
may be respected. The mutual knowledge of languages and cultures implies a
diversified learning of languages, which may be shared by all European citizens.
Therefore, starting from the specific situations of each member state, political Europe
may draw up the principles and the methods that have been used to establish a link
between linguistic diversity – which defines Europe – and the plural teaching of
languages, hence to clear up the feasability and the relevance of this process.
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Introduction
Cet article se situe dans une perspective sociolinguistique, et plus précisément
dans l’un de ses domaines d’application qu’est la description et l’analyse des
politiques linguistiques. Sachant que la sociolinguistique s’intéresse aux rapports
existants entre variables linguistiques et variables sociales, la politologie linguistique
porte sur l’ensemble des choix conscients qui sont réalisés par un groupe d’individus
dans le domaine des rapports entre langue et vie sociale (Calvet, 1997). Ces choix
peuvent concerner le corpus de la langue (imposition de nouvelles terminologies,
réformes orthographiques) ou le statut de la langue (officialisation d’une langue,
d’une situation de bilinguisme, gestion des relations entre plusieurs langues présentes
au sein d’un même territoire). La question relative à la gestion politique des langues
concerne directement le processus de construction européenne. En effet, nous
sommes face, d’une part, à 25 États qui disposent dans leur ensemble, d’après la
Commission européenne (Eurydice, 2005), d’environ 60 langues pratiquées par des
groupes de plus ou moins grande importance. Nous sommes confrontés, d’autre part,
à la construction d’une Union européenne qui a pour finalité d’élaborer une cohésion
dans le cadre même de cette hétérogénéité. L’Europe politique1 se constitue sur des
bases uniques : elle n’est ni une fédération, à l’instar des États-Unis, ni une
organisation de coopération entre les gouvernements, sur le modèle des Nations
Unies. Les pays qui constituent l’Union européenne, ses États membres, exercent leur
souveraineté en commun pour acquérir, au niveau international, une puissance et une
influence auxquelles nul d’entre eux, isolément, ne pourrait prétendre. Le partage de
la souveraineté signifie, en pratique, que les États membres acceptent de déléguer une
partie de leur pouvoir décisionnel aux institutions communes qu’ils ont mises en
place. Cette Union dispose en elle-même de 20 langues officielles, 21 en 2007 avec
l’officialisation de l’irlandais, et bientôt 23 avec celle du roumain et du bulgare. La
réalisation d’une unité dans la diversité2 requiert l’apparition d’un sentiment partagé
d’appartenance à cette maison commune qu’est l’Europe, et ce sentiment
supranational nécessite une gestion des langues amenant, en premier lieu, à
l’intercompréhension entre des individus participant à cette nouvelle communauté et,
en second lieu, à la garantie pour chacun du respect de ses spécificités linguistiques et
culturelles. Cette connaissance mutuelle des langues et des cultures passe par un
apprentissage des langues et cultures qui soit partagé par l’ensemble des citoyens
européens. Les institutions européennes3 réfléchissent donc à la mise en œuvre d’une
politique linguistique éducative qui puisse être opérationnelle au sein des différentes
composantes de l’Union. Il s’agit de considérer de quelle manière l’Europe pourrait
établir un pont entre la diversité linguistique qui la caractérise et un enseignement
pluriel des langues, en élaborant une politique linguistique éducative partagée par
1
Nous parlerons d’Europe politique par opposition à l’Europe géographique, celle-ci
s’étendant, à l’est, jusqu’à l’Oural.
2
L’unité dans la diversité constitue la devise de l’Union européenne.
3
Les institutions européennes reposent sur un triangle institutionnel : le Parlement européen
représente les citoyens européens, le Conseil de l’Union européenne représente les états
membres, tandis que la Commission européenne a pour finalité de défendre les intérêts de
l’Union dans son ensemble.
99
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
l’ensemble des différents États membres, sachant qu’une politique linguistique
éducative correspond à la composante particulière d’une politique linguistique dont le
domaine d’application concerne spécifiquement l’enseignement des langues. Parmi
l’ensemble des choix conscients réalisés dans le cadre d’une politique de la langue,
une politique linguistique éducative se limite à ceux traitant exclusivement de
l’enseignement et de l’apprentissage des langues. En partant des situations propres à
chaque État membre de l’Union européenne, du point de vue de la gestion politique
des langues et de leur enseignement scolaire des langues, nous nous pencherons sur
les principes et les méthodes proposées par les institutions européennes relativement à
une démarche d’homogénéisation des politiques ayant trait à l’enseignement des
langues, et ce, afin d’éclaircir la faisabilité et la pertinence de ce processus.
Les documents de travail utilisés dans le cadre de cet article sont les suivants : Le
Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (2000) du Comité de
l’Education « Apprentissage des langues et citoyenneté européenne » du Conseil de la
Coopération Culturelle ; le Guide pour l’Élaboration des Politiques Linguistiques
Éducatives en Europe (2003) édité par la Division des Politiques Linguistiques du
Conseil de l’Europe ; une première Communication de la Commission au Conseil, au
Parlement Européen, au Comité Économique et Social et au Comité des Régions
s’intitulant : Promouvoir l’apprentissage des langues et la diversité linguistique : un
plan d’action 2004-2006 (juillet 2003) qui constitue un document dont la paternité
revient à la Commission des Communautés Européennes ; une seconde
Communication de la Commission au Conseil, au Parlement Européen, au Comité
Économique et Social et au Comité des Régions s’intitulant : Un nouveau cadre
stratégique pour le multilinguisme (novembre 2005)4.
1. Gestion et enseignement des langues dans les États membres de l’Union
européenne
Le tableau que nous proposons tend à présenter la gestion des langues des
différents États membres de l’Union européenne en se basant, d’une part, sur le type
de politique linguistique mise en place par les États et, d’autre part, sur les modalités
d’enseignement des langues définies par ceux-ci.
4
Ces différents documents, lorsqu’ils seront cités dans le cours du texte, recevront
respectivement les abréviations suivantes : le CECRL (2000), le Guide (2003), la
Communication I (2003) et la Communication II (2005).
100
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Tableau 1. Répartition des États membres de l’Union européenne selon le type de
politique linguistique et le type de politique linguistique éducative
Mesures et
actions en
faveur des
langues
minoritaires Æ
ratification de
la CELROM
Enseignement
obligatoire
d’une ou
plusieurs
langue(s)
étrangère(s) à
partir du cycle
préprimaire
(3-6 ans)
Enseignement
obligatoire
d’une ou
plusieurs
langue(s)
langue(s)
étrangères à
partir du cycle
primaire (6-11
ans)
Enseignement
obligatoire
d’une ou
plusieurs
langue(s)
étrangère(s) au
cours du cycle
secondaire
1 langue
officielle de
facto
Danemark
Hongrie
Suède
Angleterre
République tchè
que (1)
Danemark (1)
Hongrie (1)
Suède (1)
République tchè
que (2)
Danemark (2)
Hongrie (2)
Suède (2)
Angleterre (1)
1 langue
officielle de jure
Slovaquie
Estonie (2)
Grèce (1)
Lettonie (1)
Lituanie (1)
Pologne (1)
Portugal (1)
France* (1)
Estonie (2)
Grèce (2)
France (2)
Lettonie (2)
Lituanie (2)
Pologne (2)
Portugal (2)
Slovaquie (2)
Chypre (1)
Chypre (2)
Malte (1)
Belgique (1)
Luxembourg (2)
Belgique (1)
Luxembourg (3)
Allemagne* (1)
Finlande (1)
Italie (1)
Autriche* (1)
Slovénie (1)
Pays-Bas (1)
Espagne (1)
Allemagne (1)
Finlande (2)
Espagne (1)
Italie (1)
Pays-Bas (3)
Autriche (2)
Slovénie (2)
Enseignement
facultatif de la
langue
étrangère (tout
cycles
confondus)
Irlande
2 langues
officielles de
facto
2 langues
officielles de
jure
3 langues
officielles
Langue(s)
officielle(s)
d’État +
langue(s)
minoritaire(s) à
statut officiel
Malte (1)
Luxembourg
Slovénie
Autriche
Finlande
Allemagne
Pays-Bas
Espagne
Espagne* (1)
Pays-Bas (1)
1.1. Diversité relative aux types de politiques linguistiques mises en place au niveau
européen par les différents États membres
Au vu de ce tableau synthétisant les différentes données concernant la gestion
politique des langues dans les différentes composantes de l’Union européenne, on
note une certaine diversité quant aux solutions choisies par les différents acteurs
européens. L’opposition qui est proposée entre officialisation de facto et
officialisation de jure met en exergue le fait que tous les membres de l’Union
européenne n’ont pas défini de politiques linguistiques au sens strict du terme.
L’officialisation de facto équivaut à une gestion in vivo de la situation linguistique du
101
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
territoire concerné (Calvet, 1993a) : le choix de la langue nationale est engendré par
la pratique même des locuteurs, et non par des décisions de type bureaucratique.
Généralement, la solution qui est apportée aux difficultés concernant la gestion de la
pluralité linguistique par le biais de l’absence d’interventionnisme linguistique profite
aux États dont le paysage linguistique est relativement homogène. Au Danemark,
pour ne citer que lui, on rencontre 98 % de locuteurs dont le danois est la langue
première, les 2 % restant l’ayant comme langue seconde. Cinq États membres de
l’Union européenne ont opté pour le non-interventionnisme linguistique (cf. tableau
1).
Par ailleurs, pour reprendre l’opposition entre officialisation de facto et
officialisation de jure, on constate que la majorité des États membres privilégie la
définition d’une politique linguistique à dominante monolingue5 se concrétisant en
partie par l’officialisation d’une langue unique, ce statut de la langue étant enregistré
dans les textes de loi des États concernés. Au niveau européen, 9 États membres
disposent d’une politique linguistique monolingue (cf. tableau 1). Enfin, le troisième
et dernier type de politique linguistique que l’on peut rencontrer au sein de l’Union
renvoie à la mise en place de politiques linguistiques à dominante plurilingue. Ce
modèle de gestion politique des langues peut se réaliser selon deux formes. D’une
part, il peut s’agir d’officialiser deux ou plus de deux langues, et ce, au niveau
national. En d’autres termes, l’officialisation plurilingue concerne le territoire dans
son entier. D’autre part, il peut s’agir d’officialiser une langue au niveau national et
d’instaurer une co-officialité relative à des langues régionales ou minoritaires au
niveau infranational. Le statut officiel des langues autres que la langue officialisée au
niveau national ne concerne qu’une partie limitée du territoire. Les États privilégiant
la première de ces deux options sont minoritaires : seuls 4 États disposent de
plusieurs langues officielles au niveau national. Par contre, les composantes
politiques européennes ayant préféré une pluri-officialisation linguistique de niveaux
différents (national et infranational) sont plus nombreuses : à l’échelle européenne, 7
États se placent dans cette situation.
Au-delà de cette diversité, trois grandes tendances se dégagent. En premier lieu,
on voit apparaître une nette tendance à l’interventionnisme linguistique, ce dernier se
traduisant majoritairement par l’instauration d’une langue unique, au niveau national
ou infranational. En effet, on peut parler, dans certains États comme la Belgique ou la
Finlande, et ce, malgré une politique linguistique officiellement plurilingue, de
plurimonolinguisme : si plusieurs langues cohabitent officiellement au niveau
national (allemand, néerlandais et français dans le premier cas ; finnois et suédois
dans le second cas), on note au niveau local une situation majoritaire de
monolinguisme6. Enfin, l’École demeure l’outil principal de l’aménagement
5
On préférera parler ici de politique à dominante monolingue ou plurilingue, en raison du
caractère non absolu de ces catégorisations : les types de politiques linguistiques se situent sur
un continuum dont les deux extrémités seraient l’imposition d’une langue unique et le
maintien pacifique de deux ou plus de deux langues (Petitjean, 2004).
6
En Belgique, Bruxelles est la seule ville apparaissant comme bilingue au niveau des
pratiques, avec une parité entre le français et le néerlandais. En Finlande, les communes
unilingues (unilingues finnophones ou unilingue suédophones) sont bien plus nombreuses que
les communes bilingues.
102
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
linguistique – concrétisation d’une politique linguistique – et ce, dans la majorité des
États membres. Les bases de données PISA (2000) et PITRLS7 (2001) fournissent à
ce sujet des données pertinentes. Il semblerait que très peu d’élèves européens parlent
à la maison une autre langue que la langue d’enseignement. La proportion d’élèves de
9 et 10 ans parlant toujours à la maison une autre langue que celle de l’école est
négligeable (les pourcentages les plus hauts se trouvent en Slovaquie et aux PaysBas). La proportion d’élèves de 9 et 10 ans parlant parfois à la maison une autre
langue que celle de l’école est sensiblement plus élevée, mais demeure non
significative (la proportion la plus haute caractérise l’État chypriote avec 15 %
d’élèves parlant parfois à la maison une autre langue que la langue d’enseignement).
Il existe donc une interaction entre politique linguistique (domination du modèle
monolingue), organisation de l’enseignement institutionnel des langues (choix de la
langue d’enseignement, préférentiellement la langue officielle de l’État concerné) et
pratiques des locuteurs (langues des sphères privée et scolaire identiques).
1.2. Diversité des modalités d’enseignement définies par les différents états
membres : apprentissage des langues minoritaires nationales et des langues
étrangères
Concernant l’enseignement des langues minoritaires ou régionales, nous avons
privilégié ce que nous appellerons l’indice de la CELROM. Ce sigle désigne la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires, conçue par le Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe et rédigée par un groupe d’experts nommés
par le Conseil de l’Europe. Cette Charte, ouverte à la signature le 5 novembre 1992,
et entrée en vigueur le 1er mars 1998, a le statut de convention du Conseil de
l’Europe. Son objectif est de « protéger ou promouvoir les langues régionales ou
minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen » (Rapport
explicatif, 1992, p. 5). Elle fonctionne sur la base d’un ensemble de mesures que
doivent respecter les États signataires, sachant que ces derniers ont la possibilité de
choisir parmi une série d’options celles qu’ils estiment être compatibles avec leur
Constitution, ainsi qu’avec leur tradition juridique et politique. L’article 8 de la
Charte concerne l’enseignement des langues régionales et minoritaires, et prévoit un
enseignement préscolaire, primaire et secondaire de la langue concernée. Le
Secrétariat général du Conseil de l’Europe est chargé d’évaluer la conformité des
actions réalisées par chacun des États signataires avec les mesures enregistrées dans
la Charte. La ratification induit la mise en place d’actions précises concernant la
protection et le développement des langues minoritaires, alors que la signature seule
demeure au niveau du symbolique, et peut engendrer une position passive, si ce n’est
attentiste, des signataires. Étant donné que la CELROM prévoit l’établissement d’un
enseignement efficace des langues concernées, évalué par les institutions
européennes, sa ratification apparaît comme étant un indice pertinent pour évaluer le
degré d’implication des différents États membres dans l’enseignement des langues
7
La base de données PISA 2000 résulte d’une enquête réalisée sous l’égide de l’OCDE dans
32 pays à travers le monde dont la finalité réside dans l’évaluation générale des performances
des élèves de 15 ans. La base de données PIRLS 2001 découle, quant à elle, d’une enquête
internationale réalisée sous l’égide de l’Association internationale pour l’évaluation du
rendement scolaire dans 35 pays à travers le monde, dont l’objectif est l’évaluation des élèves
de 4e en compréhension de lecture.
103
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
minoritaires au sein de leurs systèmes éducatifs. Par ailleurs, l’activité des différents
États en matière de défense des langues minoritaires, que ce soit au niveau
spécifiquement éducatif ou plus globalement institutionnel, est très diversifiée
(initiation à la langue minoritaire ou régionale, enseignement bilingue reposant sur la
parité entre langue officielle et langue locale, reconnaissance nationale, signature de
certains traités internationaux…), et les États les plus actifs et les plus performants en
la matière ont naturellement ratifié la CELROM. La ratification de cette charte nous
permet ainsi de synthétiser une masse importante de données qu’il serait trop
complexe d’exposer dans le cadre de cette communication. Douze États membres de
l’Union européenne ont signé et ratifié la CELROM, ce qui induit le fait qu’ils ont
donc établi des actions précises et évaluées relatives à l’enseignement des langues
minoritaires ou régionales traditionnellement présentes au sein de leur territoire. Il est
à noter que seul un État, la Slovaquie, disposant d’une politique linguistique à
dominante monolingue, a ratifié la CELROM. L’officialisation d’une langue unique,
inscrite dans la Constitution d’un État, semble donc freiner, si ce n’est parfois
empêcher, la prise en compte des minorités linguistiques.
Concernant maintenant l’enseignement des langues étrangères, on peut dessiner
des tendances se généralisant à l’ensemble des composantes politiques européennes.
Par langue étrangère, nous entendons une langue qui n’est pas pratiquée par une
population installée depuis plusieurs générations dans une zone géographique donnée.
Par ailleurs, il s’agira ici de l’enseignement obligatoire des langues étrangères tel
qu’il apparaît dans les systèmes éducatifs des différents États membres. En premier
lieu, tous les États membres de l’Union européenne proposent un enseignement
obligatoire des langues étrangères, à l’exception de l’Irlande, qui limite son offre
éducative à un enseignement facultatif des langues étrangères. En second lieu,
l’enseignement des langues étrangères est de plus en plus précoce, et dure un plus
grand nombre d’années. Le nombre d’années au cours desquelles l’enseignement
d’une langue étrangère est obligatoire est passé, entre 1994 et 2003, de 8,4 % à 9 %
du nombre total d’années que dure le cursus scolaire, ce qui équivaut
approximativement à une année scolaire (Rapport Eurydice, 2005). Par ailleurs,
l’enseignement obligatoire d’une langue étrangère débute dès le cycle primaire au
sein de tous les États membres, mis à part en Angleterre et en Slovaquie où cet
enseignement ne débute qu’à partir du cycle secondaire. Il est également à noter que
seuls 3 États proposent un tel enseignement à partir du cycle préprimaire, en sachant
que cet enseignement précoce des langues étrangères n’existe pour l’instant que dans
des États disposant d’une politique linguistique à dominante plurilingue. Enfin, tous
les États membres proposent un enseignement obligatoire des langues étrangères
durant le cycle secondaire (sauf l’Irlande, pour les mêmes raisons, exposées plus
haut). On note également la domination, durant le cycle primaire, d’un enseignement
limité à une seule langue étrangère, tandis qu’à partir du cycle secondaire, la majorité
des États proposent au moins deux langues étrangères dans leur offre éducative. La
seconde tendance commune à l’ensemble des États membres de l’Union européenne
réside dans le fait qu’il existe aujourd’hui une généralisation d’un enseignement de
type « Émile », qui correspond à un Enseignement d’une matière par intégration
d’une langue étrangère. L’enseignement de type « Émile » fournit donc aux élèves
une instruction qui se réalise dans deux langues différentes au moins : soit la seconde
langue d’instruction est une langue non autochtone (aux Pays-Bas, l’anglais et le
néerlandais), soit une langue régionale (en France, le basque, le breton, l’occitan, le
104
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
corse et le français), soit, enfin, une langue minoritaire (en Slovénie, le hongrois,
l’italien et le slovène). Vingt États membres ont souscrit à cette modalité
d’enseignement : l’Espagne , la France, l’Italie, l’Angleterre, l’Irlande, la Belgique,
l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, la Slovénie, la Hongrie, la République
tchèque, la Slovaquie, la Pologne, la Lettonie, l’Estonie, la Finlande, la Suède, le
Luxembourg, et Malte. Dans ces différents États, l’enseignement de type « Émile »
appartient à l’offre éducative établie. En Lituanie, cet enseignement est uniquement
proposé dans le cadre d’un projet pilote. La Grèce, le Portugal, le Danemark et
Chypre ne proposent pas cette modalité d’enseignement. Enfin, la dernière
caractéristique commune aux enseignements de langues étrangères des systèmes
éducatifs européens apparaît dans la nette domination de l’anglais. Cette langue
apparaît comme celle étant la plus enseignée au niveau du cycle primaire. Les
effectifs d’élèves du cycle primaire suivant un enseignement anglophone ont
fortement augmenté. En Italie, la proportion d’élèves suivant un enseignement de la
langue anglaise a évolué exponentiellement de 42,3 % en 1998 à 75,1 % en 2002. En
Espagne, on note un phénomène analogue : en 1998, 72,1 % des élèves du cycle
primaire apprenaient l’anglais, tandis qu’en 2002, cette proportion s’élève à 85,2 %.
De la même façon, en Lituanie, le nombre d’élèves du cycle primaire suivant un
enseignement d’anglais a doublé en l’espace de cinq ans (Rapport Eurydice, 2005).
La domination de la langue anglaise concerne également le cycle secondaire.
L’augmentation des effectifs d’élèves apprenant l’anglais touche particulièrement les
pays d’Europe centrale et orientale, à l’instar de la Slovénie, pays au sein duquel la
proportion d’élèves du cycle secondaire apprenant l’anglais est passée de 64,6 % en
1998 à 85 % en 2002 (Rapport Eurydice, 2005). On rencontre par ailleurs, dans
certains États membres, une proportion maximale d’apprenants anglophones : pour
l’année scolaire 2002-2003, 96 % d’élèves du cycle secondaire apprennent l’anglais
en France, 99,8 % à Chypre.
Cependant, au-delà de ces grandes tendances, on constate une grande
hétérogénéité relative aux modalités d’enseignement des langues étrangères des
différents États membres de l’Union européenne. Cette diversité apparaît au niveau
du temps d’enseignement qui est consacré aux langues étrangères : concernant
l’année scolaire 2002-2003, cette part peut varier de 9 % (Pologne) à 34 %
(Luxembourg) du temps total d’enseignement. L’Autriche, le Danemark et la Suède
se situent dans la moyenne, avec environ 20 % du temps total d’enseignement
consacré à l’enseignement des langues étrangères (Rapport Eurydice, 2005). De façon
analogue, le nombre d’heures annuelles consacrées à l’enseignement obligatoire
d’une langue étrangère durant le cycle primaire (année 2002-2003) peut être fort
variable : le Luxembourg, Malte et la Belgique sont les plus généreux, avec
respectivement 351 heures, 159 heures et 101 heures annuelles consacrées à
l’enseignement linguistique. Le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Suède et l’Italie
se placent dans une moyenne avec respectivement 40 heures, 57 heures, 66 heures, 67
heures, et 80 heures annuelles consacrées à l’enseignement des langues étrangères.
Enfin, dans d’autres États, le nombre d’heures annuelles consacrées à l’enseignement
des langues étrangères ne dépasse pas le chiffre 40 : Lituanie (13 h), Chypre (24 h),
Allemagne (28 h), Hongrie (28 h), Autriche (30 h), France (32 h), République
tchèque (33 h), Lettonie (35 h), Pologne (37 h), Finlande (38 h), Grèce (39 h),
Slovénie (39 h) (Rapport Eurydice, 2005). La diversité émaillant le contenu
linguistique des systèmes éducatifs des différents États membres découle également
105
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des différents âges auxquels est censé débuter l’enseignement obligatoire d’une
langue étrangère : 3 ans en Espagne, 7 ans en Italie, 8 ans en Allemagne et en France,
9 ans en République tchèque, 10 ans au Danemark… On constate par ailleurs une
certaine hétérogénéité concernant l’obligation, ou non, d’apprendre certaines langues.
Si tous les États membres imposent un enseignement des langues étrangères, certains
d’entre eux imposent précisément quelles devront être ces langues : la Belgique
(anglais et français), le Danemark (anglais), l’Allemagne (anglais), la Grèce (anglais),
Chypre (anglais puis français), la Lettonie (anglais), le Luxembourg (allemand,
français puis anglais), Malte (anglais), les Pays-Bas (anglais), la Finlande (finnois), la
Suède (anglais). Les États restants laissent libres les apprenants de choisir quelles
langues appartiendront à leur formation linguistique qui, elle, demeure dans tous les
cas obligatoire. Tous systèmes éducatifs confondus, 30 langues étrangères sont
proposées aux apprenants à l’échelle européenne, en sachant toutefois que l’anglais,
le français, l’allemand, l’espagnol et le russe constituent à eux seuls 95 % de
l’ensemble des langues enseignées.
Les divergences émaillant les modes d’enseignement linguistique des différents
États membres concernent en outre la possible autonomisation des établissements
scolaires, ces derniers pouvant proposer l’introduction de l’enseignement d’une
langue étrangère supplémentaire dans le cadre de l’offre minimale d’enseignement
(dans ce cas, tous les élèves inscrits dans l’établissement concerné sont dans
l’obligation de suivre cet enseignement). Dix-sept États européens, dont la France,
l’Angleterre, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Belgique, la Slovénie, la
Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, la Finlande, la Lituanie, la
Lettonie, le Danemark et les Pays-Bas, privilégient ce mode d’autonomisation des
établissements scolaires, contrairement à l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, la Suède,
l’Estonie, Chypre, Malte et le Luxembourg. Par ailleurs, les différentes composantes
de l’Europe politique s’impliquent, à des degrés divers, dans la mise en œuvre de
projets pilotes8 dont la finalité est le développement de l’enseignement précoce des
langues étrangères, tous niveaux confondus. Le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la
Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne, la Lettonie et l’Irlande proposent le
développement de plusieurs projets pilotes. Par ailleurs, on note une certaine diversité
relative à la qualification des enseignants : durant le cycle primaire, certains États (la
France, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Slovénie, les Pays-Bas, le
Luxembourg, Chypre, la Belgique, le Portugal, la Suède, l’Estonie et le Danemark)
préfèrent l’emploi d’enseignants dits généralistes. Ces enseignants sont qualifiés pour
enseigner toutes ou presque toutes les matières du programme scolaire, y compris les
langues étrangères.
Cependant, l’enseignement des langues étrangères peut leur être confié, qu’ils
aient ou non reçu une formation spécifique dans ce domaine. D’autres États
(l’Espagne, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne et la Grèce) privilégient
l’emploi d’enseignants dits spécialistes. Ces derniers ont été spécialement formés
pour l’enseignement des langues étrangères, cette formation pouvant également
aboutir à une double compétence des enseignants. Au niveau du cycle secondaire, on
retrouve cette même hétérogénéité, avec toutefois une majorité d’États réclamant une
8
Par l’expression projet pilote, on entend des projets d’expérimentation limités dans le temps,
et en partie mis en place et financés par les pouvoirs publics.
106
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
qualification spécialisée pour les enseignants de langue étrangère. On constate par
ailleurs une diversité relative aux processus pédagogiques définis par les États
membres. En effet, si tous les programmes officiels d’enseignement des langues
étrangères regroupent leurs objectifs autour de quatre macrocompétences (écouter,
parler, lire, écrire), on peut répartir les États membres dans différents groupes selon
le traitement, au niveau du cycle primaire, de ces savoir-faire linguistiques. Le
premier de ces groupes tend à affirmer clairement l’équivalence entre les quatre
macrocompétences : Belgique, Danemark, Estonie, Espagne, Chypre, Lettonie,
Lituanie, Luxembourg, Hongrie, Portugal, Slovénie, Slovaquie, Angleterre. Le
second groupe privilégie les macrocompétences relatives à l’oralité (parler/écouter) :
République tchèque, Allemagne, France, Italie, Malte, Autriche, Pologne, Suède.
Enfin, le troisième et dernier groupe place les macrocompétences orales et l’une des
macrocompétences écrites (lire) comme prioritaires : Pays-Bas, Belgique (zone
francophone). Enfin, les prescriptions ou recommandations relatives au nombre
maximal d’élèves pour les cours d’enseignement des langues étrangères au niveau du
cycle primaire (année 2002-2003) apparaissent comme une autre source
d’hétérogénéisation des systèmes éducatifs européens : les classes de langue doivent
accueillir un maximum de 13 élèves en Hongrie, ce seuil pouvant aller jusqu’à 20
élèves en Espagne, 25 en Italie, 28 en Slovénie, ou encore 36 en Estonie.
Malgré des évolutions communes aux membres de l’Union européenne, on note
donc une très grande hétérogénéité, que celle-ci se matérialise au niveau de la gestion
politique des langues ou au niveau des modalités d’enseignement des langues
nationales et étrangères. Comment dès lors mettre en place une politique linguistique
éducative européenne qui transcende ces particularités nationales ? Est-il possible
d’établir un « concept global » (Guide, 2003, p. 7) pour l’enseignement des langues
qui puisse respecter les spécificités des systèmes éducatifs nationaux et donc entraîner
une adhésion commune des différentes parties à un programme partagé
d’enseignement des langues ?
2. Élaboration d’une politique linguistique éducative partagée au niveau
européen
Les différentes institutions européennes impliquées dans la problématique de la
gestion de la diversité linguistique européenne ont établi un certain nombre
d’objectifs à atteindre et défini des principes et des méthodes permettant de
concrétiser ces finalités. Précisons dès maintenant que, lorsque nous parlerons
d’enseignement ou d’apprentissage des langues, il s’agira des langues non premières
de l’apprenant : les langues européennes, les langues régionales ou minoritaires
traditionnellement implantées sur le territoire d’un État, les langues dites de
l’immigration, ainsi que les langues étrangères (non employées dans les territoires
composant l’Europe politique).
2.1. Les objectifs
L’objectif princeps des institutions européennes est de permettre l’élaboration ou
la réorganisation des enseignements de langues dans les États membres, et ce, en
suscitant l’adhésion autour de principes et de modalités d’actions qui puissent être
107
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
communes aux différents acteurs concernés. Il s’agit de définir une politique
cohérente qui se distingue d’une addition de décisions prises au coup par coup. Les
principes sous-tendant cette homogénéisation de l’enseignement des langues doivent
être compatibles avec les valeurs prônées par le Conseil de l’Europe, garant d’une
entité à laquelle les États ont souscrit. Ainsi, à l’instar de la devise de l’Union
européenne, l’unité dans la diversité, l’un des mots d’ordre à partir duquel doit être
pensée une politique linguistique éducative commune réside dans la notion de
plurilinguisme : « la diversité linguistique est l’un des traits distinctifs de l’Union
européenne. Le respect de la diversité des langues de l’Union est un principe
fondateur de la Communauté européenne » (Communication I, 2003, p. 13). Il est
intéressant de noter que, dans le cadre de cette démarche, les objectifs et les causes
sont sensiblement les mêmes : en effet, si la finalité de l’Europe politique est de
promouvoir un apprentissage cohérent des langues au niveau européen afin de créer
une dynamique de construction identitaire et culturelle partagée par l’ensemble des
citoyens européens reposant sur la diversité linguistique et culturelle constitutive de
l’Europe, la source de cette finalité réside elle-même dans la nécessaire gestion de
cette diversité. En effet, l’Europe s’apparente à une véritable mosaïque linguistique.
Elle regroupe, pour l’instant, 25 membres, dispose de 20 langues officielles pour un
territoire au sein duquel sont pratiquées approximativement 60 langues. Il existe en
outre 380 combinaisons de traduction possibles au niveau des institutions
européennes. Surviennent dès lors deux problématiques étroitement imbriquées l’une
dans l’autre : une première problématique relative à l’intercompréhension entre des
locuteurs censés appartenir à une même entité politique ; une seconde problématique
relative à la construction d’un sentiment d’appartenance à une communauté
supranationale.
L’Europe ne se résume pas seulement à une mosaïque linguistique : elle revêt
également l’apparence d’un puzzle culturel. Si la langue ne détermine pas une vision
de la réalité, elle apparaît cependant comme le médium d’une vision culturelle de la
réalité. Elle tend à refléter les expériences faites par une communauté dans un
environnement spécifique (Mounin, 1968). Outre sa dimension culturelle, la langue
dispose en outre d’une dimension identitaire. La langue n’est pas que la langue, en
cela qu’elle participe aussi de nos identités personnelles et collectives (nation, région,
communauté…). À l’échelle de la collectivité, elle témoigne de notre appartenance à
un groupe et de notre distinction par rapport à un groupe exogène. Au niveau
individuel, être obligé de parler une autre langue que la sienne propre peut être vécu
comme une négation de son identité, comme une « dépossession » (Todorov, 2003).
Le tout est de déterminer si cette hétérogénéité linguistique, cette diversité culturelle,
cette multiplicité, si ce n’est cette infinité, des modes de construction identitaire sont
perçues comme une richesse ou comme une menace (Breton, 1991). On se rend
compte précisément que les citoyens des différents États membres ne se réclament
pas majoritairement de cette diversité culturelle. En effet, lorsque l’on interroge les
Européens sur ce qui leur vient le plus spontanément à l’esprit lorsqu’ils pensent à
l’Europe, 60 % évoquent l’euro, tandis que seuls 36 % citent la diversité culturelle et
17 % la perte de leur identité culturelle. À la question, « le fait que votre pays
appartienne à l’Europe vous donne-t-il le sentiment que votre identité et votre culture
sont plus ou moins protégées ? », 28 % des enquêtés répondent qu’ils estiment que
leur culture et leur identité sont davantage protégées, tandis que 40 % répondent a
contrario qu’ils jugent qu’elles sont davantage menacées. Concernant précisément
108
RELQ/QSJL
Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
l’élaboration d’un sentiment d’appartenance à une même communauté européenne,
45 % des enquêtés considèrent l’adhésion à une économie de marché comme
constituant la valeur rassemblant le plus les Européens, tandis que seuls 25 %
estiment que cette valeur commune réside dans un patrimoine culturel commun.
Enfin, 58 % des enquêtés jugent qu’il est préférable d’adopter des mesures relatives à
l’éducation scolaire au niveau national et non à l’échelle européenne (Sondage Arte /
TNS Sofres, 2005). Conséquemment, l’élaboration de cette maison commune qu’est
l’Union européenne semble difficile, du moins en ce qui concerne les fondations
humaines de cette maison, car, si les fondements économiques de l’Union semblent
bénéficier d’une dynamique et d’une certaine solidité, les fondements culturels et
linguistiques peinent à émerger. Il ne semble pas pertinent de sombrer dans un
euroscepticisme stérile, mais il importe toutefois de prendre en compte le fait que la
gestion des langues, et donc indirectement du paysage culturel de l’Europe, sont en
corrélation directe avec la construction d’un sentiment supranational partagé. Par
ailleurs, sachant que les conflits intercommunautaires proviennent, dans la grande
majorité des cas, de la traduction d’une différence en infériorité, traduction résultant
d’une méconnaissance ou d’une ignorance des différences culturelles et linguistiques,
un enseignement cohérent et partagé des langues au sein de l’Union européenne peut
efficacement contribuer à prévenir l’intolérance et la xénophobie. La noncompréhension d’une langue ne se résume pas à la non-compréhension d’une
structure linguistique : elle peut amener à la non-compréhension d’une structure
humaine, donc à la peur, et conséquemment à des comportements agressifs.
La finalité de l’élaboration d’une politique linguistique éducative européenne
réside dans le fait de développer la compétence linguistique des locuteurs européens,
et de leur faire prendre conscience de leur capacité à développer cette compétence.
Cependant, le développement et la valorisation des apprentissages linguistiques, s’ils
sont nécessaires, ne sont pas suffisants : il importe par ailleurs d’amener les citoyens
européens à faire l’expérience concrète de l’Europe, et donc de sa diversité. Asseoir
le fondement de la communication européenne, en privilégiant la tolérance
linguistique, demeure l’un des objectifs fondamentaux de la mise en œuvre d’une
politique linguistique éducative partagée à l’échelle européenne. Les documents de
travail utilisés dans le cadre de cette communication insistent tous sur le fait que
l’objectif de cette politique partagée n’est pas tant la maîtrise de telle ou telle langue
que le développement d’une compétence plurilingue et pluriculturelle qui conduisent
au respect de la diversité, et amène à une caractérisation des citoyens européens.
Ainsi, les auteurs du Guide (2003) affirment que « les politiques qui ne se limitent
pas à la gestion de la diversité des langues, mais qui adoptent le plurilinguisme
comme finalité sont en effet susceptibles de fonder plus concrètement la citoyenneté
démocratique en Europe » (Guide, 2003, p. 8). Une distinction doit ainsi être établie
entre la formation plurilingue – valoriser et développer les répertoires linguistiques
des locuteurs – et l’éducation au plurilinguisme – valoriser et développer la tolérance
linguistique au travers d’un enseignement, non plus nécessairement des langues, mais
destinés à éduquer les individus à la diversité linguistique et à la citoyenneté
européenne. L’éducation plurilingue correspond à l’association de ces deux modes
éducatifs. L’objectif des institutions européennes réside ainsi dans la volonté de
généraliser en Europe une éducation plurilingue, qui dépasse, tout en l’intégrant,
l’enseignement traditionnel des langues.
109
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
2.2. Les principes
La notion de plurilinguisme est à la base de la démarche de gestion linguistique
telle qu’elle est prônée par l’Union européenne. Ainsi, « avec le respect des individus,
l’ouverture aux autres cultures, la tolérance et l’acceptation des autres, le respect de la
diversité linguistique constitue une valeur fondamentale de l’Union européenne »
(Communication II, 2005, p. 4). De la même façon :
[…] la Commission européenne estime que les principaux domaines
d’action au niveau européen sont : l’adoption d’une approche linguistique
fondée sur l’intégration, la création de communautés plus favorables aux
langues et l’amélioration de l’offre d’apprentissage des langues et du niveau
de participation (Communication I, 2003, p. 13).
Il est par ailleurs acquis que les principes linguistiques en vigueur dans chacune des
composantes politiques européennes ne peuvent être valables pour l’ensemble de ces
composantes. En effet, l’Europe politique ne peut se construire efficacement à la
manière d’un État-nation : il ne suffirait pas de choisir deux ou trois langues
officielles pour définir une identité paneuropéenne et résoudre les difficultés
d’intercommunication. En outre, contrairement à certains États, à l’instar de la
France, au sein desquels l’officialisation d’une langue résulte en partie d’un processus
historique, aucune langue au sein de l’Union européenne n’a occupé de place
dominante dans la longue durée. Par ailleurs, parler de langue dominante et de langue
dominée revient à signifier une hiérarchisation entre les groupes employant ces
mêmes langues. Or, l’Europe fonctionne sur une égalité de principe entre les
différents membres la composant : son organisation requiert un pouvoir décisionnel
équivalent entre les États, qu’ils soient plus ou moins performants d’un point de vue
économique, qu’ils soient une composante historiquement plus ou moins ancienne de
l’Union européenne. Le caractère fondamentalement égalitaire de l’Europe politique
engendre l’impossibilité de définir autoritairement quelle sera la langue ou quelles
seront les langues de l’Union : ainsi, l’Europe a davantage besoin de principes
linguistiques communs que de langues communes. De la même façon, si l’on peut
supposer que la circulation des biens et des personnes pourrait être assurée par la
définition de linguae francae ou de langues véhiculaires, cette démarche ne suffirait
pas pour élaborer une cohésion culturelle entre les citoyens européens.
Au-delà du principe fondateur du plurilinguisme, l’un des fondements de la
construction de l’éducation plurilingue européenne consiste à abandonner une
politique de juxtaposition des langues pour aller dans le sens d’une interaction entre
les langues de l’Europe. En d’autres termes, il s’agit d’éviter l’internationalisation de
certaines langues au détriment des autres, donc de lutter contre l’homogénéisation
linguistique, tout en se prémunissant contre toutes les formes de renfermement
communautaire et le développement de nationalismes à base ethnocentrique. La
définition d’une politique linguistique éducative partagée au niveau européen doit
donc permettre de dépasser ce double mouvement contradictoire : éviter la perte de
soi (abandon des langues premières) et le repli sur soi (refus des autres langues)
(Dalgalian, 2002, p. 218).
110
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
Au vue de la volonté prônée par l’Union européenne de combattre l’exclusion et
de protéger toutes les formes d’altérité et d’extériorité, est également acquise comme
principe européen une fonction de l’enseignement basée sur l’apprentissage premier
de valeurs linguistiques communes devant sous-tendre l’apprentissage des systèmes
linguistiques. Les enseignants impliqués dans la concrétisation d’une éducation
plurilingue européenne ne doivent donc pas remplir le même rôle que celui des
enseignants ayant participé, dans certains États-nations, à la définition d’une unité
nationale par l’imposition de certaines pratiques linguistiques au sein de l’institution
scolaire9.
Ces principes, représentant le soubassement de la définition d’une politique
linguistique éducative partagée par les différentes composantes de l’Union
européenne, ont été officialisés au travers d’une série de documents provenant des
diverses institutions européennes. Ces textes proposent la définition d’orientations
précises relatives à la gestion politique des langues en général, et à l’enseignement
des langues en particulier. La Convention culturelle européenne (19 décembre 1954)
précise, à l’article 2, que :
[…] chaque Partie contractante, dans la mesure du possible, encouragera
chez ses nationaux l’étude des langues, de l’histoire et de la civilisation des
autres Parties contractantes, […] s’efforcera de développer l’étude de sa
langue ou de ses langues, de son histoire et de sa civilisation sur le territoire
des autres Parties contractantes […].
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (5 novembre 1992), qui
participe de la Série des traités européens no. 148, tend à privilégier la protection et la
promotion des langues minoritaires ou régionales, au travers notamment de leur
intégration à l’offre éducative nationale. La Convention-cadre (Titre II, article 5)
pour la protection des minorités nationales (1995), qui participe de la Série des traités
européens no. 157, précise que les États membres du Conseil européen s’engagent :
[…] à promouvoir les conditions propres à permettre aux personnes
appartenant à des minorités nationales de conserver et de développer leur
culture, ainsi que de préserver les éléments essentiels de leur identité que
sont leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel.
Existe par ailleurs une série de résolutions et de recommandations s’orientant dans la
même direction que les documents précédents. Elles constituent des axes pour les
actions des États concernant précisément les enseignements de langues. On peut citer
la Résolution (69) 2, formulée à la clôture du Projet majeur du Conseil de la
coopération culturelle (découlant de la Conférence des ministres européens de
l’Éducation qui s’est tenue à Hambourg en 1961), la Recommandation R (82) 18
découlant du Projet nº 4 du Conseil de la coopération culturelle (« Langues Vivantes
1971-1978 »), ou encore la Déclaration finale du 2e Sommet du Conseil européen
(10-11 octobre 1997). La Recommandation R (98) 6 du Comité des ministres aux
États membres, issue du Projet « Apprentissage des langues et citoyenneté
9
Voir à ce sujet le rôle de l’École et des enseignants dans l’imposition du français comme
langue unique en France : Vargas, 1987 ; Petitjean, 2004.
111
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
européenne » (ressortant du Comité de l’Éducation, 1989-1996), prône quant à elle la
« promotion du plurilinguisme à grande échelle » (annexe à la Recommandation, A.2,
source électronique). La Recommandation 1383 de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe (1998) affirme que :
[…] la maîtrise des langues étrangères, outre ses dimensions culturelle et
utilitaire, est un facteur décisif de compréhension entre les peuples, de
tolérance entres les diverses communautés, qu’elles soient nationales ou
étrangères, ainsi que de la paix entre les nations, et constitue un moyen
privilégié de s’opposer au retour des barbaries de toute nature.
La Recommandation 1539 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,
consacrée à l’Année européenne des langues (2001), est également intéressante en
cela qu’elle propose une définition nouvelle du plurilinguisme européen : « une
certaine capacité à communiquer dans plusieurs langues et non nécessairement
comme maîtrise parfaite de ces langues » (source électronique). Enfin, la Résolution
du Parlement européen du 13 novembre 2001 préconise des mesures pour
l’apprentissage des langues et de la diversité linguistique, tandis que la Décision du
Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 découle de la demande des
chefs d’État et du gouvernement de l’Union européenne d’un apprentissage d’au
moins deux langues étrangères dès le plus jeune âge. Tous ces textes, qui ne
constituent qu’une partie de l’ensemble des mesures officielles de l’Union
européenne, insistent tous sur la mise en œuvre, par tous les États membres, d’actions
visant à favoriser les compétences langagières de leurs nationaux, et placent le
développement de répertoires plurilingues comme la priorité des politiques
linguistiques éducatives des États participants. Ils mettent également en exergue
l’interrelation entre composante plurilingue et composante pluriculturelle : il s’agit de
favoriser les compétences linguistiques des individus pour les amener à mieux
appréhender de nouveaux environnements linguistiques, mais aussi pour leur
permettre de mieux comprendre et, dans la mesure du possible, de s’identifier aux
valeurs et comportements d’autres groupes.
2.3. Les méthodes
Comment organiser concrètement les formations linguistiques fondées sur la base
du principe plurilingue ? L’action prônée par l’Europe repose tout d’abord sur la prise
en compte des situations locales. L’objectif des institutions européennes n’est pas
d’amener tous les citoyens européens à connaître les mêmes langues, mais de
valoriser le développement d’un répertoire linguistique pluriel adapté aux spécificités
de chaque État : « il ne s’agit pas de créer partout en Europe des citoyens disposant
du même répertoire linguistique, mais de valoriser et d’étendre les répertoires en
fonction des situations locales, dans le cadre d’une éducation plurilingue partagée »
(Guide, 2003, p.82). Cette qualification de la politique linguistique éducative
européenne, qui doit donc être partagée, est importante. En effet, cela signifie que les
politiques éducatives ne doivent pas forcément être identiques d’un État à l’autre,
mais qu’elles doivent s’apparenter à des variations centrées sur un même thème, qui
est celui du plurilinguisme. Ainsi, parmi différentes options, chaque État membre
pourrait choisir celles qu’il estime être nécessaires à la réalisation de l’objectif
112
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
commun à l’ensemble des États membres, et ce, en fonction de sa situation
linguistique, culturelle et sociale, de ses traditions éducatives, et des ressources dont il
dispose. Parmi les options qui pourraient être proposées par les institutions
européennes, on pourrait citer la spécification des caractéristiques régionales et
sociales amenant à des formes particulières d’enseignement linguistique (régions
frontalières, implantation des communautés immigrées, formes de régionalisme…), la
spécification de l’articulation entre enseignement de langues et enseignement des
autres disciplines, ou encore la spécification de la forme des programmes éducatifs et
du degré de compétence à atteindre à un moment de la scolarité. La spécification des
contenus thématiques (plus particulièrement des contenus culturels) doit être couplée
à la spécification des institutions éducatives impliquées. Il s’agit par ailleurs de
spécifier les modes de présence des langues enseignées (obligatoire, facultatif), le
format des enseignements (volume horaire, répartition par semestre, année), ainsi que
les méthodologies d’enseignement privilégiées. La spécification des formes
d’évaluation et de certification revêt également une place non négligeable. Cette
réorganisation des enseignements linguistiques nécessite cependant des ressources
spécifiques, parmi lesquelles la création d’instruments de gestion et de coordination.
Ces outils pourraient, au préalable, permettre à chaque État membre d’évaluer la
nature de son offre relative à l’enseignement des langues, et ce, dans une perspective
quantitative (effectif d’enseignants, effectif d’apprenants, parcours longitudinaux,
niveau de compétence atteint à un moment donné de la scolarité) et dans une
perspective qualitative (nature des programmes, variétés linguistiques disponibles,
ordre de leur introduction dans le cursus, considération relative aux réactions des
usagers face à l’offre des institutions éducatives nationales).
Par ailleurs, ces instruments de gestion rendraient possible l’identification des
obstacles administratifs à la mise en place d’une politique linguistique éducative
partagée : coût horaire de la formation, nécessité de créer des postes supplémentaires
pour la première phase de la mise en place d’une éducation plurilingue, qualification
des enseignants et définition de leurs obligations de service, type de recrutement des
enseignants (local ou national), emploi du temps et mobilité des enseignants, place
des langues dans les examens scolaires (connaissance des langues vérifiée ou non
dans les examens nationaux). La diversification du profil des enseignants impliqués
dans les formations plurilingues constitue l’un des moyens également retenus afin
d’optimaliser une politique éducative plurilingue. S’il existe aujourd’hui différentes
catégories d’enseignants (professeur, assistant, lecteur, professeur d’échange), la
domination d’un modèle unique demeure toujours d’actualité : la monocompétence
des enseignants (professeur d’anglais ou d’allemand ou d’italien) est largement
généralisée. D’après le Guide (2003) :
[…] la traditionnelle séparation des langues dans l’enseignement conduit
souvent à la domination d’un modèle d’enseignant : l’enseignant d’une
langue […]. Mais les formations plurilingues impliquent la possibilité de
transférer des compétences et des connaissances d’une langue à l’autre.
Elles invitent donc à élaborer d’autres profils de compétences des
enseignants, qui devraient disposer d’une gamme d’expériences langagières
et de possibilités d’enseignement elles-mêmes variées. (Guide, 2003, p. 86)
113
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Cette diversification pourrait passer par une formation spécifique des enseignants les
amenant à enseigner soit deux ou plusieurs langues étrangères (avec des niveaux de
compétence différents), soit une variété nationale et une variété étrangère, soit une
langue dite vivante et une langue dite classique, soit, enfin, une langue et une
discipline émanant des sciences humaines et sociales. Enfin, la diversification des
contenus pédagogiques pourrait être engendrée par la constitution d’équipes de
réflexions tendant à réunir des acteurs du monde éducatif qui n’entretiennent pas
traditionnellement des relations étroites : personnels administratifs, enseignants de
différents cycles, enseignants de disciplines linguistiques et non linguistiques… En
outre, la création de liens pérennes avec des équipes universitaires rendrait possible la
réalisation d’enquêtes de terrain, permettant ainsi d’asseoir sur des bases objectives
une nouvelle élaboration des contenus pédagogiques. Cependant, au-delà de
l’élaboration de ressources communes permettant aux différents États membres de
réaliser au mieux les objectifs visés relativement à la réorganisation des
enseignements de langues, la Communication I (2003) insiste particulièrement sur le
« partage des responsabilités » (p. 5) : l’établissement d’une politique linguistique
éducative partagée au niveau européen ne peut incomber aux seules institutions
européennes. Si chaque État membre peut spécifier un certain nombre de
caractéristiques dans la définition d’une éducation plurilingue qui soit adaptée et
réalisable dans son environnement, il doit par ailleurs faire en sorte d’appliquer et de
développer des actions favorables aux principes et aux finalités européens : « c’est
aux autorités des États membres qu’incombe avant tout la responsabilité de mettre en
œuvre la nouvelle action en faveur de l’apprentissage des langues en tenant compte
des circonstances et politiques locales, tout en poursuivant les objectifs généraux
européens » (p. 5). Un des exemples de cette co-action entre composantes
européennes et Union européenne réside dans l’engagement pris en 2003 par la
Commission de lancer 45 nouvelles actions destinées à encourager les autorités
nationales, régionales et locales, dans leur participation à une réorganisation profonde
quant à la promotion de l’apprentissage des langues et de la diversité linguistique
(Communication II, 2005).
Par ailleurs, assurer la coordination longitudinale des parcours de formation et de
l’offre en langue des systèmes éducatifs apparaît comme une priorité dans la
concrétisation d’une éducation plurilingue :
[…] l’apprentissage des langues est ouvert à tous les citoyens, tout au long
de leur vie. Que ce soit à la maison, dans la rue, à la bibliothèque et au
centre culturel, de même que dans chaque établissement d’enseignement ou
de formation et dans chaque entreprise, tous les citoyens doivent avoir
l’occasion de mieux connaître, d’entendre, d’enseigner, d’apprendre
d’autres langues. (Communication I, 2003, p. 13)
Il s’agit donc ici de penser la formation plurilingue dans sa globalité et dans sa
continuité :
[…] on pourrait, par exemple, créer, au plus haut niveau, un coordinateur
national pour les politiques linguistiques, dont les fonctions seraient, entre
autres, d’assurer la cohérence et la coordination entre toutes les institutions
impliquées dans les formations en langues. (Guide, 2003, p. 88)
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Le décloisonnement des formations linguistiques participe également de la
méthodologie amenant, selon les institutions européennes, à la réalisation d’une
politique linguistique éducative partagée. En effet, le cloisonnement scolaire conduit
à une hiérarchisation des langues enseignées, selon la modalité obligatoire ou
optionnelle de leur apprentissage, selon la chronologie dans laquelle elles sont
introduites dans le cursus scolaire de l’apprenant :
[…] il est important que les écoles et les établissements de formation
adoptent une approche holistique de l’enseignement des langues établissant
des liens appropriés entre l’enseignement de la langue « maternelle », des
langues « étrangères », de la langue dans laquelle l’instruction est dispensée
et les langues des communautés migrantes ; ces politiques aideront les
enfants à développer l’ensemble de leurs capacités de communication.
(Communication I, 2003, p.10)
Il est posé comme principe pédagogique princeps l’apprentissage d’une nouvelle
langue qui soit fondée sur les connaissances développées lors d’apprentissages
linguistiques antérieurs : la finalité est d’amener l’apprenant à percevoir « l’unicité du
fonctionnement du langage à travers la pluralité des langues naturelles » (Guide,
2003, p. 89). Il est par ailleurs préconisé « l’enseignement d’une matière par
l’intégration d’une langue étrangère » (Communication II, 2005, p. 7).
Au même titre que le décloisonnement des formations linguistiques, la
diversification des parcours de formation revêt une importance non négligeable. Les
institutions européennes insistent sur le rôle du développement de l’autodidaxie, qui
consiste en un apprentissage réalisé en dehors de l’enseignement institutionnel, mais
reconnu cependant dans la formation de l’apprenant. Les séjours linguistiques à
l’étranger sont privilégiés, et participe d’ores et déjà à l’offre éducative de la majorité
des États membres :
[…] à travers les programmes Socrates et Leonardo da Vinci, elle [la
Commission européenne] investit plus de 30 millions d’euros par an dans
des bourses permettant [entre autres] le financement d’échanges de classes
pour encourager les élèves à apprendre les langues, la création de nouveaux
cours de langues sur CD et Internet […]. (Communication II, 2005, p. 5)
Le programme Socrates est un programme communautaire en matière d’éducation
créé en 1995. Nous sommes actuellement dans la seconde phase du programme (1er
janvier 2000 – 31décembre 2006). Son objectif est d’améliorer la connaissance des
langues européennes en développant la coopération entre les établissements scolaires
des différents États membres et la mobilité des apprenants. Il se subdivise en
différents modules : Comenius, relatif à l’enseignement scolaire (de la maternelle au
secondaire) ; Erasmus, relatif à l’enseignement supérieur ; Grundtvig, relatif à
l’éducation des adultes et aux autres parcours éducatifs. Tous les États membres
participent à ce programme commun d’éducation plurilingue. Le programme
Leonardo da Vinci, créé en 1994, est de même facture que le précédent modèle, tout
en orientant son action vers la formation professionnelle. Le Guide (2003) préconise
également, outre le recours pédagogique à la fréquentation des médias (télévision,
presse, Internet…), « l’appropriation des variétés linguistiques par formation
115
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
mutuelle de locuteurs non experts (en tandem/paires, en présentiel ou sur Internet,
dans le cadre de clubs d’échange de savoirs…), tout spécialement, l’apprentissage
mutuel de la variété première de l’autre » (p. 92). Le développement de l’autodidaxie
doit être associé à la mise en place d’un instrument destiné à l’auto-évaluation des
apprenants : les Portfolios européens des langues constituent des outils créés afin de
permettre aux apprenants d’évaluer leurs compétences linguistiques en fonction d’une
liste de savoirs corrélés à des degrés de compétence. Ces instruments contiennent
chacun un passeport de langues que l’apprenant met régulièrement à jour en s’aidant
d’une grille définissant ses compétences linguistiques, et ce, d’après des critères
homogénéisés au niveau européen.
Il importe par ailleurs de moduler les programmes d’enseignement des langues, en
abandonnant premièrement l’idée selon laquelle il n’existerait qu’une seule façon
d’enseigner les langues. La diversification des modes d’enseignements, et des
finalités assignées à ces derniers, découle du constat selon lequel les techniques
d’enseignements ne devraient pas être les mêmes selon que la connaissance d’une
langue à pour visée de lire la presse internationale ou de discuter avec son voisin dans
un hôtel international. Le Comité des ministres a ainsi mis l’accent sur « l’importance
politique aujourd’hui et dans l’avenir du développement de domaines d’action
particuliers tels que les stratégies de diversification et d’intensification de
l’apprentissage des langues afin de promouvoir le plurilinguisme en contexte
paneuropéen » (CECRL, 2000, p. 11). En outre, la diversification des modes
d’enseignements s’accompagne d’une diversification des formes d’évaluation des
savoirs linguistiques : il s’agit dès lors d’abandonner l’idée selon laquelle la
connaissance d’une langue est une connaissance globale (bien/un peu/mal parler une
langue) ou, en d’autres termes, de renoncer à un objectif de perfection. À ce sujet, le
CECRL propose une typologie des compétences ou des éléments de compétence en
langue étrangère. Ce document, élaboré à la suite de recherches scientifiques et d’une
série de consultations, correspond à un instrument pratique permettant de lister les
éléments communs à atteindre lors des étapes successives de l’apprentissage. Il
constitue une base commune pour l’élaboration des programmes de langues, des
manuels d’enseignement des langues et des examens en langues. Il incite également à
la reconnaissance mutuelle des qualifications linguistiques :
[…] en fournissant des bases communes à des descriptions explicites
d’objectifs, de contenus et de méthodes, le Cadre de Référence améliorera
la transparence des cours, des programmes et des qualifications, favorisant
ainsi la coopération internationale dans le domaine des langues vivantes.
Donner des critères objectifs pour décrire la compétence langagière
facilitera la reconnaissance mutuelle des qualifications obtenues dans des
contextes d’apprentissage divers, et, en conséquence, ira dans le sens de la
mobilité en Europe. (CECRL, 2000, p. 9)
Il s’agit en outre de diversifier le contenu des enseignements, en insistant d’une part
sur le caractère transversal des apprentissages linguistiques (« il peut s’agir, par
exemple, d’articuler les formations en langues à une éducation civique, conçue dans
le cadre national, ou à une éducation à la citoyenneté démocratique », Guide, 2003,
p. 101), et, d’autre part, sur la nécessaire interaction entre l’accroissement des
compétences linguistiques (phonétique, prosodique, morphologique, syntaxique,
116
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
lexicosémantique, graphique) et des compétences de communication (Hymes, 1967)
reposant sur la notion d’actes de langage (modes de salutations, compétence
relationnelle, savoir s’informer, savoir interpréter des faits culturels, sociaux,
politiques…). Cette organisation cohésive entre compétences linguistique et
communicative renvoie à la diversification des méthodologies d’enseignement des
langues, privilégiant les méthodologies dites communicatives :
[…] celles-ci sont fondées sur un découpage de la matière verbale à
enseigner non en unités formelles (des catégories comme : article, adjectif,
proposition, subordonnée…) comme jusqu’alors, mais en unités
fonctionnelles (les actes de langage comme : s’excuser, proposer quelque
chose à quelqu’un, donner un conseil). (Guide, 2003, p. 105)
3. L’éducation plurilingue comme point commun à une politique linguistique
éducative partagée : de la théorie à la pratique
Les institutions européennes n’imposent donc pas une forme précise
d’enseignement des langues qui soit la même pour tous les États membres de l’Union
européenne, mais privilégient au contraire l’adoption commune d’un ensemble de
principes s’articulant autour d’une notion qui est celle d’éducation plurilingue.
L’Europe politique, au travers de ses rapporteurs, ne tend pas à proposer une solution
unique. Cela semble plutôt pertinent au vue de l’hétérogénéité que nous avons pu
constater dans la première partie de cette communication : diversité linguistique,
diversité des politiques linguistiques, diversité des modalités éducatives nationales
relatives aux langues. Il s’agit donc de proposer des cheminements différents en
direction d’un seul et même objectif : la connaissance des langues pour une meilleure
tolérance linguistique et culturelle, visant à l’élaboration d’un sentiment de
citoyenneté européenne. On peut donc parler de plurilinguisme pluriel (Guide, 2003)
qui se concrétise au travers d’un triple objectif : que l’apprenant atteigne des savoirfaire linguistiques, des savoir-apprendre (être disposé à découvrir l’Autre : une
langue, un individu, une culture), et des savoir-être culturels. Cependant, les
avantages des principes émis par les institutions européennes peuvent en eux-mêmes
engendrer un certain nombre de difficultés.
3.1. De la souplesse à l’attentisme
On pourrait faire, au sujet des propositions émises par les instances politiques
européennes concernant l’enseignement des langues, les mêmes critiques qui ont été
préalablement formulées à l’encontre de la CELROM. Cette Charte fonctionne elle
aussi sur le refus d’imposer des mesures précises aux États signataires : chaque partie
contractante a ainsi la possibilité de choisir parmi une liste d’options celles qu’elle
estime être compatible avec sa Constitution et ses traditions juridiques et politiques,
ainsi qu’avec la situation linguistique de son territoire. Cette grande souplesse a
engendré de fortes critiques dans le camp des défenseurs de la diversité linguistique,
ceux-ci estimant que ce texte encouragerait la passivité de certains États contractants
tout en leur assurant une image publique positive. Le chef du gouvernement de la
Catalogne, Jordi Pujol, a ainsi publiquement dénoncé en avril 1992 les bénéfices zéro
que pouvait apporter la Charte aux langues minoritaires et régionales. Si la définition
117
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Vol I, No. 2, Printemps/Spring 2006
d’une éducation plurilingue comme dénominateur commun des politiques
linguistiques éducatives en Europe présente un intérêt certain, elle engendre par
ailleurs un certain danger : chaque État membre, de par le choix qui lui est offert
parmi un certain nombre d’options techniques et par la prise en compte de sa
spécificité et de ses traditions éducatives, peut être amené à traduire cette souplesse
en position attentiste.
3.2. Des pratiques linguistiques aux représentations sociales de la langue
Les difficultés inhérentes à la mise en place d’une politique linguistique éducative
partagée ne sont pas du seul fait des pouvoirs politiques : les locuteurs peuvent
également créer une certaine force d’inertie résultant, en partie, de leurs
représentations linguistiques. Cette question soulève en elle-même des difficultés, par
le caractère imprécis et non délimité, qui est rattaché à la notion de représentation
linguistique. En effet, cette dernière est fréquemment utilisée, mais peu ou pas
définie. Nous travaillons actuellement sur cette question des représentations
linguistiques, et, au stade actuel de nos recherches, nous pouvons proposer une
définition de cette notion. L’originalité de celle-ci réside dans l’orientation
interdisciplinaire de notre démarche fondée sur un dialogue entre sociolinguistique et
psychologie sociale10. Une représentation linguistique serait un ensemble de
connaissances non scientifiques, socialement élaborées et partagées,
fondamentalement interactives et de nature discursive, disposant d’un degré plus ou
moins élevé de jugement et de figement, et permettant au(x) locuteur(s) d’élaborer
une construction commune de la réalité linguistique, c’est-à-dire de la ou des langues
de la communauté ou de la ou des langues des communautés exogènes, et de gérer
leurs activités langagières au sein de cette interprétation commune de la réalité
linguistique. Cette définition demeure provisoire, mais, malgré son caractère
imparfait, nous permet de cerner plus précisément un concept qui revêt trop
fréquemment un caractère d’évidence. Par ailleurs, la notion de représentation
linguistique est aujourd’hui très présente dans le domaine de la didactique des
langues, ainsi que dans les travaux portant sur l’acquisition des langues (Matthey,
1997 ; Zarate et Candelier, 1997). Les représentations des langues disposeraient d’une
forte influence quant aux stratégies et procédures établies pour apprendre et employer
la langue ainsi représentée (Dabène, 1997). Cain et Briane (1996) distinguent ainsi les
zones de vacuité culturelle, caractérisées par une très faible quantité de connaissances
chez l’apprenant relativement à la langue apprise et à la culture y répondant, et les
zones de stéréotype, spécifiées par un haut degré représentationnel. Ces travaux
tendent également à mettre en place une démarche comparatiste amenant l’apprenant
à réajuster, au besoin, ses propres représentations. La prise en compte de ces
tendances représentationnelles apparaît donc comme fondamentale dans
l’établissement d’une éducation plurilingue. Cette considération renvoie à son tour à
une quadruple problématique : en premier lieu, il importe de définir une méthodologie
d’enquête permettant de décrire ces représentations, en évitant une projection des
représentations linguistiques de l’enquêteur sur les données à analyser. Une fois ces
représentations décrites, il s’agit d’évaluer la possibilité d’agir sur ces
10
Petitjean C., (2006) : « La notion de représentation linguistique : problèmes définitoires »,
in Actes du 3e Colloque Jeunes Chercheurs en Sciences du Langage sur Intra-disciplinarité et
Extra-disciplinarité en Sciences du Langage, 14-15 juin 2006, Nanterre (à paraître).
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représentations, alors même que celles-ci revêtent un caractère d’évidence pour les
locuteurs. En second lieu, le fait que les représentations linguistiques ne renvoient pas
au seul domaine de la langue, mais sont en corrélation avec un processus historique et
les représentations sociales en général complexifie l’interprétation des données.
Enfin, il semble indispensable de comprendre les processus de constitution d’une
représentation linguistique. Une représentation linguistique est-elle fixe ou
dynamique ? Peut-on parler des représentations linguistiques des Français, des
Espagnols, ou bien de celles des Provençaux, des Marseillais, des Catalans, des
Barcelonais ? Il importe donc de tenter de répondre à ces différentes interrogations
avant même d’envisager la prise en compte des représentations linguistiques dans les
réflexions relatives à la définition d’une politique linguistique éducative partagée au
niveau européen.
3.3. La dimension économique de l’éducation plurilingue
La concrétisation d’une politique linguistique éducative partagée reposant sur le
développement du plurilinguisme, et donc sur l’accroissement de l’offre pédagogique
en langue, a un coût financier. L’apprentissage des langues constitue un enjeu
culturel et social fondamental, engendrant l’enrichissement culturel et intellectuel et
favorisant la tolérance linguistique et l’ouverture aux autres cultures. Cependant, les
dirigeants politiques peuvent parfois avoir d’autres priorités, concernant notamment
la gestion d’un budget national. La formation des enseignants, l’augmentation de la
durée en nombre d’années de l’enseignement des langues, l’accroissement du nombre
d’heures hebdomadaires consacrées à cet apprentissage, la création de nouveaux
manuels, le développement des séjours linguistiques : ces différents outils
représentent une charge économique. Il ne s’agit pas ici de remettre en question la
pertinence des mesures relatives à la mise en œuvre d’une éducation plurilingue, bien
au contraire, mais d’insister sur le fait que le poids économique d’une telle démarche
peut représenter un obstacle non négligeable à la participation des États quant à la
mise en œuvre d’une éducation plurilingue à l’échelle européenne.
Seul le Guide (2003) insiste sur cet éventuel obstacle à la concrétisation d’une
éducation plurilingue européenne : « il ne faut […] pas se cacher que tout
investissement accrû pour mettre en place une formation plurilingue impliquera
probablement des créations de postes, au moins pour la période de mise en place »
(p.84). Cependant, on rencontre, a contrario, la valorisation d’un enseignement
pluralisé des langues à l’échelle économique dans la Communication II (2005), qui
parle, non plus d’éducation, mais d’économie plurilingue. L’apprentissage des
langues apparaît comme un apport considérable concernant le potentiel économique
des citoyens européens et des entreprises qui les emploient :
[…] l'Union européenne met en place une économie hautement compétitive.
Les aptitudes à la communication interculturelle jouent un rôle de plus en
plus grand dans les stratégies de commerce et de vente sur le plan mondial.
[…] Pour que le marché unique soit efficace, l’Union doit disposer d’une
main-d’œuvre plus mobile. Des compétences dans plusieurs langues
multiplient les débouchés sur le marché de l’emploi notamment par la
possibilité de travailler ou d’étudier dans un autre État membre
(Communication II, 2005, p. 10).
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L’argument principal réside ici dans le fait suivant : pour commercer avec des
sociétés implantées dans un autre État membre, les entreprises européennes ont
besoin de disposer de personnels connaissant les langues de l’Union, et, plus
généralement, les langues de l’ensemble des partenaires commerciaux au niveau
mondial. Par ailleurs, la Communication II (2005) met en exergue le potentiel
d’emploi des professions et industries liées aux langues (traduction, édition,
technologies linguistiques, formation linguistique, enseignement des langues…). Les
services de traduction et d’interprétation constituent notamment un secteur d’activité
devant probablement bénéficier très prochainement d’une forte expansion, au regard
des 20 langues officielles de l’Union et des 380 combinaisons de traductions
possibles en résultant11. Les États membres sont ainsi invités à « revoir les
programmes de formation dans les universités, de manière à donner aux étudiants des
professions linguistiques les compétences adaptées à des conditions de travail en
évolution rapide » (Communication II, 2005, p. 14). Relativement à la problématique
générale concernant l’économie multilingue, la Commission prévoit en 2006 une
étude sur l’incidence de la pénurie de compétences linguistiques sur l’économie
européenne. Il importe in fine d’évaluer si les dépenses engendrées par la mise en
œuvre d’une éducation plurilingue seront compensées, ou non, par les bénéfices d’un
tel enseignement dans le développement de l’économie européenne.
3.4. Ambiguïté relative à la notion de plurilinguisme
Cette ambiguïté concerne les différentes interprétations qui sont faites de la notion
de plurilinguisme dans le cadre des institutions européennes, et non sa définition
scientifique. Le plurilinguisme est présenté comme le leitmotiv de la définition des
politiques linguistiques éducatives à l’échelle européenne. Mais cette notion, dans
une perspective politique, peut renvoyer à des interprétations sensiblement
différentes. Une conception qualitative du plurilinguisme corrèle la notion de
plurilinguisme à l’amélioration et à la diversification de l’enseignement des langues,
tandis que la conception quantitative du plurilinguisme renvoie à l’accroissement de
l’offre en langue au sein des systèmes éducatifs (nombre de langues proposées, mais
également nombre d’apprenants, volume horaire, nombre d’enseignants). Une autre
perspective dans la conception politique de la notion de plurilinguisme correspond à
une conception patrimoniale de la diversité linguistique, c’est-à-dire à la préservation
de la diversité linguistique de l’Europe et à la protection d’un patrimoine culturel et
anthropologique. Enfin, on peut évoquer une conception cognitive du plurilinguisme,
au travers de laquelle est mise en exergue la compétence non exceptionnelle selon
laquelle tous les locuteurs partagent la même capacité d’apprendre plusieurs langues,
compétence qu’il importe par ailleurs de faire émerger à la conscience des locuteurs
et de valoriser. Il importe d’éclairer précisément ce à quoi renvoie cette notion de
plurilinguisme au niveau politique, et ce, afin de mettre en place des mesures
efficaces. En effet, les objectifs sont difficilement atteignables lorsque les finalités
souffrent d’une certaine ambiguïté.
Par ailleurs, il existe une certaine ambiguïté en ce qui concerne la distinction qui
est faite entre plurilinguisme et multilinguisme. Le CECRL (2000) établit une
11
L’officialisation future de l’irlandais, du roumain et du bulgare engendrera 506
combinaisons de traductions possibles.
120
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différence entre, d’une part, la notion de plurilinguisme, qui renvoie à la compétence
dont dispose tout locuteur de diversifier ses connaissances en langues et de
développer un savoir communicatif au sein duquel les langues sont en corrélation, en
interaction, et le multilinguisme, qui concerne la coexistence de plusieurs langues au
niveau territorial, et s’accompagnant de la connaissance d’un certain nombre de
langues. Le Guide (2003) privilégie la notion de plurilinguisme :
[…] on peut préciser l’interprétation du plurilinguisme retenue dans ce
Guide, en soulignant : qu’il est considéré comme une compétence
d’acquisition […], un répertoire non nécessairement homogène […], un
répertoire de ressources communicatives […], une compétence transversale
aux langues maîtrisées […], un versant culturel, constituant ainsi la
compétence plurilingue et pluriculturelle […] (Guide, 2003, p. 37-38).
D’autres documents, à l’instar de la Communication II (2005), emploient le seul
terme de multilinguisme, celui-ci désignant simultanément la coexistence de plusieurs
langues au niveau géographique et la connaissance de plusieurs langues sur le plan
cognitif : « le multilinguisme désigne à la fois la capacité d’une personne d’utiliser
plusieurs langues et la coexistence de plusieurs communautés linguistiques dans une
zone géographique donnée » (p. 4). Certains textes tendent donc à poser comme
objectif des actions des institutions européennes le développement du plurilinguisme
dans une perspective cognitive sans intégrer la perspective géographique du maintien
de la diversité linguistique des différents territoires composant l’Europe politique.
D’autres documents vont a contrario dans le sens d’une cohésion relative aux deux
perspectives évoquées.
3.5. Le choix des institutions européennes versus le choix des locuteurs européens
L’opposition entre gestion in vitro et gestion in vivo des langues (Calvet, 1987)
renvoie au fait que, face à une situation de multilinguisme, il peut y avoir
confrontation entre les choix réalisés par la communauté (choix d’une langue
véhiculaire, comme le swahili en Afrique orientale ; élaboration d’une langue dite
approximative – les pidgins), et les choix réalisés par les instances politiques
(éradication des langues régionales en France après la Révolution (Petitjean, 2003,
2004) ; officialisation de plusieurs langues en Suisse). Les premiers résultent de la
pratique des locuteurs tandis que les seconds relèvent de décisions de type
bureaucratique. Concernant l’Europe, on peut, en guise d’illustration, prendre
l’exemple de l’anglais.
La diffusion de l’anglais est perçue comme une menace, en cela qu’elle pourrait
amener à l’homogénéisation linguistique de l’Europe. On peut cependant se
demander si cette peur concerne véritablement les responsables des systèmes
éducatifs nationaux et les locuteurs au regard des chiffres relatifs à l’enseignement de
l’anglais dans les États membres. En effet, au niveau de l’organisation des systèmes
éducatifs des différents États membres, on note une tendance à imposer
l’apprentissage de l’anglais. Cette tendance n’est d’ailleurs pas nouvelle : la plupart
des États qui imposent cet apprentissage en 2002/2003 avaient préalablement adopté
cette politique en 1982/1983 (Rapport Eurydice, 2005). Dix États européens imposent
l’apprentissage de l’anglais comme enseignement obligatoire dans le cursus scolaire
121
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de l’apprenant (Belgique – communauté flamande, Danemark, Allemagne, Grèce,
Chypre, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Suède) contre seulement 4 le
français (Belgique – communauté germanophone, Belgique – communauté flamande,
Chypre, Luxembourg). Dix États incluent l’anglais dans l’offre éducative comme
enseignement facultatif et, parmi les exceptions, on compte deux pays anglophones
(Irlande, Angleterre) et trois pays non anglophones (Hongrie, Pologne, Finlande).
Pour ce qui est des locuteurs, 90 % des élèves du secondaire apprennent l’anglais,
tous États confondus, que cet apprentissage soit imposé ou non. L’anglais apparaît en
outre comme la langue la plus enseignée au niveau primaire dans tous les États
membres, à l’exception du Luxembourg et de la Belgique. Dans 10 pays de l’Union
européenne, le pourcentage des élèves du cycle primaire apprenant l’anglais dépasse
les 50 %. En Espagne, ce pourcentage atteint les 85 %, et, en Italie, les 75 % tandis
qu’en Autriche et à Malte, il dépasse les 95 %. Entre 1998 et 2002, l’augmentation du
nombre d’élèves apprenant l’anglais au niveau primaire est commune à tous les États
membres, et ce, sans exception (Rapport Eurydice, 2005). Surviennent dès lors des
difficultés certaines quant à la définition de mesures officielles allant à l’encontre de
cet engouement des locuteurs pour l’apprentissage de l’anglais. Par ailleurs, on peut
légitimement se demander si cela est pertinent. De la même façon qu’il est difficile,
voire impossible, pour les pouvoirs politiques français d’imposer le terme
mâchouillons à la place de chewing-gum aux locuteurs francophones, il paraît
difficile d’accroître la diversité de l’offre en langue à l’échelle européenne alors
même que les locuteurs privilégient par leurs pratiques une langue particulière. Ce
constat est loin d’être propre à l’enseignement de l’anglais : il pourrait concerner
l’enseignement de certaines langues dans certains États en fonction des besoins de la
communauté et de la situation linguistique propre à chaque État. Il s’agit précisément
de mettre en miroir le formidable apport de la connaissance de langues aussi diverses
que l’hébreu, le croate, le romani, ou autres, au niveau de la coexistence pacifique
intercommunautaire, et les choix pragmatiques réalisés par les locuteurs. À ce sujet,
seule la France propose un enseignement de l’hébreu tandis que seuls deux États
assurent un enseignement du croate, l’Autriche et la Slovénie…
On peut constater le degré de difficulté soulevé par la définition, au niveau
européen, d’une politique linguistique en général, et d’une politique linguistique
éducative en particulier. Le choix du plurilinguisme comme dénominateur commun
de la formation linguistique en Europe se retrouve confronté aux mêmes obstacles
que ce qui fait la richesse de la construction européenne : la diversité. Une grande
diversité linguistique et culturelle, une grande diversité éducative, une grande
diversité représentationnelle : cette hétérogénéité pluridimensionnelle amène les
institutions européennes à proposer un plurilinguisme qui soit lui-même pluriel. Il ne
s’agit pas d’imposer un même plurilinguisme à chaque État, mais de permettre à
chaque composante européenne de s’approprier ce principe commun en fonction de
ses spécificités. Les obstacles à la réalisation de cette entreprise sont nombreux, et, en
premier lieu, apparaît le doute suivant : les locuteurs, et les États qu’ils constituent,
sont-ils prêts à assumer le poids de ce plurilinguisme, et ce, afin d’accéder aux
multiples bénéfices de celui-ci, ou préfèrent-ils, au détriment d’un comportement
linguistique humaniste, le choix d’un comportement linguistique pragmatique ?
L’observation et l’analyse des représentations linguistiques des locuteurs européens
pourraient à ce sujet apporter une pierre à cet édifice en construction.
122
RELQ/QSJL
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QUATRE FAÇONS DE TRADUIRE PARCE QUE.
ANALYSE CONTRASTIVE DES CONNECTEURS DE CAUSE EN
FRANÇAIS ET EN ALBANAIS
Etleva Vocaj
Université du Québec à Montréal
Résumé
Dans cet article nous démontrons que les différences observées dans les
paradigmes d’emploi des connecteurs albanais sepse, se, ngase, ngaqë, qui traduisent
le connecteur français parce que, sont dues aux instructions pragmatiques de ces
expressions linguistiques. Ce sont précisément les différences dans les deux
composantes de ces instructions - les conditions d’emploi et les schémas inférentiels qui nous aideront à mieux saisir les nuances fines dans l’emploi de chacun de ces
éléments. L’analyse des connecteurs de l’albanais nous permettra de réaffirmer que
les difficultés de traduction sont, en partie, liées au fait que la particularité de chaque
langue réside dans la mise en correspondance d’un morphème et d’une combinaison
d’instructions, organisées en procédure (Luscher 1994). Ce sont, justement, le
nombre d’instructions que les connecteurs ont en commun ou non (la relation
CAUSE (Q,P), l’instruction pragmatique d’inférence invitée) et l’ordre dans lequel
les instructions interviennent, qui jouent un grand rôle pour différencier les
connecteurs de l’albanais entre eux et, également, pour les différencier par rapport au
connecteur français.
Abstract
This article demonstrates that differences observed between the Albanian
connectors sepse, se, ngase, ngaqë, which translate the French connector parce que
(because), are related to the pragmatic instructions which they express. The subtle
differences in meaning and use between each of those four expressions will be better
understood in light of the very differences present in the two elements that constitute
these instructions: conditions of use and inferential schema. Following our analysis of
Albanian connectors, we reassert that translation challenges are, in part, due to the
fact that one language’s specificity is related to its particular way of linking a
morpheme to a set of instructions, organized into a procedure (Luscher 1994).
Precisely, the number of instructions that connectors have in common (the CAUSES
(Q,P) relation; the invited inference pragmatic instruction) and the specific order in
which these instructions are executed, play a major role in discriminating amongst the
Albanian connectors and, also, between the Albanian connectors and the French
connector.
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Introduction
L’albanais a la particularité de traduire le parce que1 français par se, sepse, ngase
ou ngaqë. Tout comme parce que, ils fonctionnent comme des connecteurs, signalent
une relation causale et la présentent comme issue d’un raisonnement inférentiel. Dans
les grammaires de l’albanais et dans les dictionnaires bilingues, ils sont présentés
comme des synonymes parfaits (1) et on n’insiste pas sur les différences que
présentent leurs paradigmes d’emploi (2).
(1) Treni nuk punon sepse/se/ngase/ngaqë i ka rënë bateria.
‘Le train ne fonctionne pas parce que la pile est déchargée’
(2) Ana është e sëmurë sepse/??se/*ngaqë/*ngase nuk e kam parë sot.
Ana est malade parce que je ne l’ai pas vue de la journée.
Suite à ces observations, nous nous sommes demandé quelle est la relation entre les
valeurs de se/sepse/ngaqë/ngase et comment ces marqueurs se partagent-ils le
‘champ’ de parce que.
Nous débuterons par la présentation des différents emplois et du fonctionnement
du marqueur français, pour passer ensuite à une analyse constrastive qui permettra de
faire surgir les spécificités du fonctionnement de chacun des marqueurs albanais. La
description des marqueurs de causalité en albanais, sera faite à partir des trois
conditions d’emploi principales : la directionalité de la relation CAUSE, le caractère
illocutoire de P (marqué ou non marqué) et le statut énonciatif de P (marqué ou non).
Nous terminerons par la présentation sous forme de procédure (Luscher 1994) des
typologies d’emploi de chacun des connecteurs albanais. L’approche théorique que
nous avons choisie est celle de la pragmatique de la pertinence (Sperber et Wilson
(1986, 1989) et les travaux inspirés de cette théorie (Moeschler 1989, 1994, 1996;
Luscher 1994)), qui nous permet de comprendre le rôle des connecteurs dans la
construction du contexte et dans le processus de l’interprétation du discours réel.
1
Il est important de signaler que les connecteurs de l’albanais qui font l’objet de cette analyse
sont des synonymes du connecteur parce que en français. L’albanais a, lui aussi, d’autres
morphèmes përderisa, si, pasi qui recouvrent respectivement les emplois de puisque, comme,
pour, cependant l’objectif de ce travail étant le paradigme des emplois de parce que et la
façon dont ils sont traduits par l’albanais, nous nous sommes limité à ces quatre connecteurs.
Une analyse plus détaillée de la causalité en albanais serait d’un grand intérêt pour de futures
recherches.
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1. Analyse de parce que
Dans cette première section, nous présentons brièvement les différents emplois2 de
parce que, pour passer à l’analyse pragmatique de Moeschler (1989) qui décrit ces
différents emplois du connecteur parce que à partir d’une description sémantique
unifiée et d’une procédure hiérarchique pragmatique.
1.1. Les emplois de parce que
Les descriptions sémantiques classiques (Groupe λ-1, 1975) ont montré que parce
que avait deux propriétés.
- Il est considéré comme un opérateur sémantique qui connecte deux contenus
sémantiques (propositions), P et Q, à l’intérieur d’un seul acte de langage. Dans cet
emploi P parce que Q est une explication d’un fait.
- De l’autre côté, parce que pouvait relier non seulement un acte de langage, mais
aussi deux actes de langage, enchaînant sur un acte illocutoire, et se comporter
comme car et puisque. Dans cet emploi, il présuppose la vérité de Q et il introduit
en P une information nouvelle.
Dans l’exemple (3), la portée de parce que donne lieu à deux interprétations. Quand
elle est limitée à l’énoncé qu’il introduit, la lecture explicative est la seule possible
(4), tandis que quand elle englobe les deux propositions connectées, la phrase a une
lecture causale (5).
(3)
Marie est heureuse parce que Jean l’aime. (Moeschler, 1996, p. 219)
(4)
L’amour de Jean pour Marie est la cause de son bonheur.
(5)
L’assertion du locuteur que Marie est heureuse est appuyée par le fait
(présupposé) que Jean aime Marie.
La différence entre emploi opérateur et emploi de connecteur est plus marquée avec
les énoncés négatifs et interrogatifs. Dans le cas des négatives, (6a) nie la relation
causale entre l’amour de Jean et le bonheur de Marie, alors qu’en (6b) il est asserté de
Marie qu’elle n’est pas heureuse et que l’amour de Jean pour elle est un argument
appuyant cette affirmation.
(6)
a. Marie n’est pas heureuse parce que Jean l’aime (mais parce que
Pierre l’aime).
b. Marie n’est pas heureuse, parce que Jean l’aime.
2
Pour une analyse plus complète nous recommandons au lecteur de consulter les travaux de
Sweetser (1992), Fornel (1989) et surtout l’analyse de Moeschler (1989).
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Dans le cas des interrogatives, (7a) interroge la relation causale possible entre
l’amour de Jean et le bonheur de Marie, alors que (7b) donne une raison (l’amour de
Jean pour Marie) pour la pertinence de la question.
(7)
a. Est-ce que Marie est heureuse parce que Jean l’aime?
b. Est-ce Marie est heureuse? Parce que Jean l’aime.
- Parce que peut donner lieu à une autre lecture, une lecture épistémique
« inversée » (Fornel, 1989; Sweetser, 1992). Cette lecture est à première vue
paradoxale, puisqu’elle consiste à inverser l’ordre de la relation causale habituelle de
parce que, mais elle est facilitée par l’ordre inverse par rapport à la relation causale
dans le monde réel3. L’interprétation la plus accessible est l’interprétation
d’inférence invitée (Fornel, 1989).
(8)
a. Pierre est malade parce qu’il est à l’hôpital.
b. Lecture :
Q parce que P
- Moeschler (1989) signale un autre emploi de parce que (7), un emploi
« énonciatif », qu’il qualifie, suite aux travaux de Luscher (1989) sur d’ailleurs,
d’emploi de retour sur l’énonciation.
(9)
a. Il y a du poulet dans le frigo, parce que je n’ai pas envie de faire à
manger.
b. Lecture :
Q parce que DIRE (P)
Il s’agit d’un cas hybride: premièrement, les arguments de la relation CAUSE sont
inversés (de P à Q), mais pour compléter la description, il est nécessaire d’ajouter un
prédicat de nature pragmatique DIRE à P, ce qui déclenche l’interprétation retour sur
l’énonciation.
1.2. L’analyse procédurale de parce que
Les différents emplois de parce que ont été l’objet de nombreuses analyses. Pour
arriver à rendre compte de tous les emplois que nous venons de voir, elles ont soit
multiplié les entrées lexicales de parce que, soit eu recours à une suite de règles ou
principes. Dans notre présentation nous nous basons sur l’analyse proposée par
Moeschler (1989), qui s’appuie sur l’analyse logique de parce que proposée par
Blakemore (1987), mais qui insiste sur la manière dont interagissent les informations
linguistiques et les informations non linguistiques, arrivant à donner, ainsi, une
3
Les deux lecteurs anonymes du texte ont souligné que les deux lectures seraient possibles :
CAUSE (P,Q) our CAUSE (Q,P). Nous sommes tout à fait d’accord avec leurs remarques, en
fonction du contexte on peut avoir les deux lectures. Il reste à comprendre pourquoi on ne peut
pas l’avoir avoir avec tous les connecteurs en albanais. Si cela dépendait uniquement du
contenu propositionnel, elle serait possible même avec ngase ou se, cependant seulement
sepse le permet.
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description unifiée des différents emplois de parce que. Moeschler montre que la
distinction entre les emplois de parce que comme opérateur et connecteur ne consiste
pas dans une distinction entre lecture causale et lecture explicative mais elle est une
opposition de niveau d’analyse sémantique vs pragmatique. Plus la distance entre
contenus propositionnels est étroite, plus la lecture est sémantique; inversement, plus
la distance entre contenus propositionnels est grande, plus la lecture est pragmatique.
Selon l’analyse classique, l’interprétation causale est dérivée de l’interprétation
explicative.
(10)
Marie est malade parce qu’elle a trop mangé.
(11)
a. Marie est malade, et la raison qui fait qu’elle est malade est
qu’elle a trop mangé. (interprétation explicative)
b. C’est parce que Marie a trop mangé qu’elle est malade.
(interprétation causale)
Pour Moeschler l’interprétation causale de parce que est la relation de base, mise en
défaut dans certains de ses emplois, et non une relation dérivée. La description
sémantique de parce que serait celle proposée par Blakemore (1987).
(12)
Règle d’élimination de parce que
input : P parce que Q
output : (a) P
(b) Q
(c) CAUSE (Q, P)
Le connecteur donne une instruction générale sur la connexion entre unités, même si
les unités peuvent varier quant à leur statut (contenu propositionnel P, acte illocutoire
F (P) ou acte d’énonciation E(P)).
À ce schéma sémantique générale, Moeschler ajoute un principe d’interprétation
par défaut, qui sera convoqué au niveau pragmatique lorsque la valeur causale
CAUSE (Q,P), est inconsistante avec la garantie de pertinence optimale.
«L’interprétation causale sera donc considérée comme la valeur par défaut, soit
confirmée par l’interprétation explicative, soit infirmée par des énoncées comme (6),
dont l’interprétation la plus accessible est l’interprétation d’inférence invitée»
(Moeschler 1989, p. 191).
(13)
Principe d’interprétation par défaut de parce que
Par défaut, la valeur sémantique de P parce que Q est donnée par
(10.c). Si une telle valeur est inconsistante, elle est remplacée par la
relation inverse : Cause (P, Q).
Le principe d’interprétation par défaut intervient dans les cas suivants :
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(14)
Jacques est tombé à mobylette, parce qu’il a le bras dans le plâtre.
Appliquant la règle d’élimination de parce que, nous aurions les résultats suivants :
Input : Jacques est tombé à mobylette, parce qu’il a le bras dans le plâtre.
Output : (i) Jacques est tombé à mobylette.
(ii) Jacques a le bras dans le plâtre.
(iii) CAUSE (Jacques a le bras dans le plâtre, Jacques est tombé à
mobylette).
L’implication (iii) pose problème, parce que dans la connaissance que nous avons du
monde, cette représentation est fausse (inconstante référentiellement) et il n’existe pas
de postulat de sens pour articuler les propositions connectées (inconstante
théoriquement).
L’hypothèse de Moeschler pour résoudre ce problème est la suivante :
«(l’implication) doit être produite au niveau sémantique et … ce n’est qu’au niveau
pragmatique que la relation est renversée» (Moeschler 1989, p. 202). Le postulat de
sens ne doit pas articuler les propositions connectées, mais les concepts des
propositions de la forme logique. Le concept «bras dans le plâtre» implique le
concept «conséquence d’un accident». Le concept «tomber à mobylette» implique le
concept «accident». Donc, nous avons :
CAUSE ( x est tombé à mobylette, x a le bras dans le plâtre)
Une relation dérivée des informations attachées sous les entrées encyclopédiques des
deux concepts.
Mais comment le système déductif opère-t-il dans un cas pareil? Comment sont
effectuées les modifications à la forme logique fournie par l’entrée logique du
connecteur? C’est le principe de pertinence qui est à la base de la permutation des
arguments de la relation CAUSE.
Moeschler constate aussi que l’enchaînement sur l’acte illocutoire regroupe deux
cas de figure bien distincts :
- les enchaînements sur les actes représentatifs;
- les enchaînements sur un type illocutoire marqué.
Dans le premier cas, la directionalité de CAUSE est simplement inversée, sans
nécessité l’intégration de la force illocutoire attachée à P.
(15)
a. Marie est malade, parce que je ne l’ai pas vue de la journée.
b. CAUSE (Marie est malade, je n’ai pas vu Marie)
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Dans le second cas, la directionalité de la relation Cause est conservée, mais intègre
nécessairement la force illocutoire P.
(16)
a. Est-ce Marie est malade? Parce que je ne l’ai pas vue de la journée.
b. CAUSE (je n’ai pas vu Marie, QUESTION (Marie est malade))
La typologie des emplois de parce que peut être représentée sous forme de
procédure en mettant au centre la relation causale comme relation de base de tous les
emplois. Cette relation CAUSE peut être satisfaite ou inconsistante avec la garantie
de pertinence optimale.
- Quand elle est satisfaite et que la valeur illocutoire de P (notée F) est non marquée
(sous-type représentatif) la question de la lecture connecteur ou opérateur ne se pose
pas; Q est présenté comme CAUSE de P.
- Quand P est marqué illocutoirement sa force illocutoire intervient dans la
représentation de la relation.
- Quand la relation CAUSE, valeur par défaut, est inconsistante avec la garantie de
pertinence optimale, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin; la relation est inversée et
le calcul peut continuer.
- En cas d’interprétation incomplète de la relation CAUSE (P, Q), le prédicat
générique DIRE est automatiquement attaché à P et déclenche l’interprétation retour
à l’énonciation.
Figure 1 : Analyse procédurale des emplois de parce que tiré de Moeschler (1989, p. 201)
P parce que Q
CAUSE
(Q, P)
+
P non –marqué
(P, Q)
-
illocutoirement
P non – marqué
énonciativement
+
(DIRE (P), Q)
+
CAUSE (Q, P)
CAUSE (Q. F (P))
CAUSE (P, Q)
CAUSE (DIRE (P),Q)
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2. Les connecteurs correspondants en albanais.
Nous passons maintenant à l’analyse contrastive qui permettra de faire surgir les
spécificités du fonctionnement des marqueurs albanais se, sepse, ngase, ngaqë4, par le
biais de la description du fonctionnement du marqueur français. Les observations
relatives au fonctionnement de base de parce que sont également valides pour le
fonctionnement de se (dans son emploi causal), sepse, ngase, ngaqë. Nous admettons
par conséquent que se (dans son emploi causal), sepse, ngase, ngaqë partagent les
propriétés basiques de parce que :
- fonctionner comme connecteurs,
- signaler une relation causale,
- présenter cette relation CAUSE comme issue d’un raisonnement inférentiel.
Les divergences apparaissent quand on met en jeu le paradigme d’emploi des
connecteurs.
Dans les grammaires descriptives de l’albanais, il n’y a pas de différences notées.
Des conjonctions comme sepse, ngase, ngaqë selon ces grammaires ont seulement
un sens lexical plus clair et plus concret. Elles n’expriment que la relation de cause.
Pour la description des différents emplois de se, sepse, ngase, ngaqë, nous allons
partir des trois conditions d’emploi principales qui représentaient les différents
emplois de parce que :
- La directionalité de la relation CAUSE
- Le caractère marqué ou non-marqué illocutoire de P
- Le statut énonciatif de P (marqué ou non).
2.1. La spécificité de ‘se’ et son analyse procédurale
La conjonction se (P se Q)5 n’exprime pas seulement la relation CAUSE entre les
contenus propositionnels. Elle est une des conjonctions les plus polysémiques en
albanais (Fjalori i Gjuhës së Sotme Shqipe, 1980) :
4
Pour déterminer les marqueurs équivalents de parce que, nous nous sommes basés sur les
dictionnaires de V. Kokona (Albanais – Français et Français –Albanais) et sur les traductions
que des locuteurs natifs de l’albanais ont fait des exemples avec parce que, tirés du Trésor de
la Langue Française.
5
Il est important de signale au lecteur que même le connecteur që peut être employé pour
marquer la causalité. Il est employé uniquement quand il est sélectionné par un verbe de
modalité dans la principale. Une analyse plus détaillé de ces deux connecteurs dépasse le
cadre de ce travail.
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a. Elle connecte une proposition subordonnée (complétive, sujet ou objet) à une
principale :
(17)
Dihet se Toka
rrotullohet rreth Diellit.
On sait que la Terre tourne
autour du Soleil.
(18)
Të premtoj se nuk do të vonohem.
Je te promets que
je ne tarderais pas.
Le contenu de la subordonnée complète, explique celui de la principale. Il s’agit
d’une affirmation, d’une déclaration.
b. Les deux propositions peuvent être en relation de comparaison :
(19)
Dolën më mirë
se parashikohej.
Ils ont réussi mieux que ce qui était prévu.
(20)
Më mirë të dish
se të kesh.
Mieux vaut savoir qu’avoir.
c. Les deux propositions entretiennent une relation causale.
(21)
E dëgjonin me ëndje
se
kishte zë të bukur.
Ils l’écoutaient avec plaisir, parce qu’elle/il avait une belle voix.
(22)
Kishte harruar t’i thoshte që ironinë ta përdorte me kujdes e masë, se
është thikë me dy tehe që pret tjetrin edhe ty.
(Fjalor Demokratik. R. Qosja 1996, p. 99)
Elle avait oublié de lui dire de se servir prudemment de l’ironie,
parce qu’elle est comme un couteau à double tranchant qui coupe
l’autre et toi même aussi.
Pour les grammairiens albanais, ces trois emplois de se semblent très loin l’un de
l’autre et il semble difficile de déterminer la valeur sémantique de base de tous ces
emplois6. Dans les grammaires descriptives de l’albanais elle est considérée comme
une conjonction dépourvue de sens, étant donné que «… nuk mund të dallojmë sot
një kuptim themelor që të motivonte gjithë kuptimet e tjera…7 (Gramatika e gjuhës
shqipe, 2002). Chaque valeur de se, l’instruction sur la connexion entre unités qu’elle
6
À notre avis une analyse sur la base d’un prototype (Lakoff 1992, Talmy, etc.) pourrait
rendre compte de tous ces emplois et de la désémantisation dont parlent ces grammairiens.
Cependant une telle étude n’est pas l’objectif de ce travail.
7
Nous ne pouvons pas remarquer actuellement un sens de base qui pourrait motiver tous les
autres… (traduction libre).
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effectue, sera déterminée grâce à son contexte d’emploi. Il s’agira soit de compléter
P, soit de comparer l’information contenue en P, soit de donner la cause de P.
Nous pensons que dans tous ces cas, nous avons des constructions d’acte de
langage, qui se trouvent dans des propositions qui expriment différents
raisonnements, parmi lesquels même la raison. Le connecteur dans tous ces emplois
donne une direction constante de la relation entre les unités «de Q à P». Cette
directionalité est maintenue même dans le cas de la relation CAUSE :
(23)
P se Q – CAUSE (Q, P)
Le connecteur se va contenir comme sous-spécification sémantique seulement la
valeur causale «CAUSE (Q, P)». Se, donc, porte toujours en arrière, la directionnalité
de CAUSE ne peut pas être inversée. Se introduit toujours la cause de P, n’acceptant
pas la lecture inférentielle que parce que peut avoir.
(24)
(25)
(26)
a.Gjoni ra se e shtyu Maxi.
Jean est tombé parce que Max l’a poussé.
b. CAUSE (Max l’a poussé, Gjon est tombé)
a.* Maxi e shtyu se Gjoni ra.
Max l’a poussé parce que Jean est tombé.
b. *CAUSE (Gjon est tombé, Max l’a poussé)
a. Maria është e sëmurë se ka ngrënë shumë.
Marie est malade parce qu’elle a trop mangé.
b. CAUSE (Marie a trop mangé, Marie est malade)
La cause de la maladie est le fait d’avoir trop mangé.
(27)
? Maria ka ngrënë shumë se është e sëmurë.
Marie a trop mangé parce qu’elle est malade.
Logiquement cette phrase ne serait pas acceptée. Normalement on ne mange pas
beaucoup parce qu’on est malade.
Tout comme en français la relation CAUSE, exprimées par se, peut intégrer la
force illocutoire P :
(28)
a. Hajde këtu! Se kam nja dy fjalë me ty.
Viens ici! Parce que j’ai deux mots à te dire.
b. CAUSE (j’ai deux mots à te dire, ORDRE (tu viens))
(29)
a. A vjen me mua sonte në kinema? Se ka një film të bukur.
Est-ce que tu viens avec moi au cinéma ce soir? Parce qu’il y a un
bon film.
135
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b. CAUSE (il y a un beau film au cinéma, OFFRE (tu viens avec moi
ce soir))
(30)
a. A është e sëmurë Maria? Se nuk e kam parë sot.
Est-ce que Marie est malade? Parce que je ne l’ai pas vue
aujourd’hui
b. CAUSE (je n’ai pas vu Marie aujourd’hui, QUESTION (Marie est
malade))
(31)
a. Të premtoj se do ta ruaj me kujdes, se e di që e ke kujtim.
Je te promets d’y faire attention, parce que je sais que c’est un
souvenir.
b. CAUSE (je sais que c’est un souvenir, PROMESSE (j’y ferai
attention))
Les calculs interprétatifs déclenchés par le connecteur se peuvent être représentés
selon le schéma procédural ci-dessous (Fig.2).
Figure 2 : Schéma procédural de se
P se Q
RELATION
Q
Q compare P
CAUSE
(Q, P)
P non – marqué
illocutoirement
-
+
CAUSE (Q, P)
CAUSE (Q F (P))
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2.2. La spécificité de ‘sepse’ et son analyse procédurale
Sepse semble être le connecteur qui a les mêmes caractéristiques et les mêmes
instructions que parce que, le connecteur causal par excellence (formé de se + pse
«pourquoi»). La valeur sémantique de base est celle de la causalité.
(32)
a.Kanë dalë faqebardhë sepse punuan me ngulm.
(Fjalori i Gjuhës së Sotme Shqipe, 1980)
Ils ont réussi parce qu’ils ont travaillé fort.
b. CAUSE (ils ont travaillé fort, ils ont réussi)
Cependant sepse semble enchaîner difficilement sur un acte illocutoire marqué,
surtout dans la langue parlée :
(33)
? Hajde këtu! Sepse kam nja dy fjalë me ty.
Viens ici! Parce que j’ai deux mots à te dire.
(34)
? A është e sëmurë Ana? Sepse nuk e kam parë sot.
Est-ce qu’Ana est malade? Parce que je ne l’ai pas vue aujourd’hui.
Sepse tout comme parce que permet la lecture pragmatique «en avant», et permet
à l’interlocuteur d’inférer la vraie cause.
(35)
a. Adi ka bërë aksident me bicikletë, sepse e ka këmbën në allçi.
Adi a eu un accident de vélo, parce qu’il a la jambe dans le plâtre.
b. CAUSE (Adi a eu un accident de vélo, Adi a la jambe dans le
plâtre)
(36)
a. Punuan me ngulm, sepse kanë dalë faqebardhë.
Ils ont travaillé fort, parce qu’ils ont réussi.
b. CAUSE (Ils ont travaillé fort, ils ont réussi)
(37)
a. Ishte larg sepse nuk e pashë.
Il était loin, parce que je ne l’ai pas vu.
b. CAUSE (il était loin, je ne l’ai pas vu)
Le statut énonciatif de P (marqué ou non) joue un rôle dans les emplois de sepse.
Sepse pourrait être employé dans une situation de retour à l’énonciation, pareille à
celle de parce que.
(38)
a. Kemi supë me pulë gati, sepse s’ma ka qejfi të gatuaj.
Il y a de la soupe au poulet, parce que je n’ai pas envie de cuisiner.
b. CAUSE (DIRE (il y a de la soupe su poulet), parce que je n’ai pas
envie de cuisiner)
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Le schéma procédural de sepse qui rend compte de tous ces emplois est le suivant :
Figure 3 : Schéma procédural de sepse
P sepse Q
CAUSE
(P, Q)
(Q, P)
CAUSE (Q, P)
P non – marqué
énonciativement
(DIRE (P), Q)
+
CAUSE (P, Q)
CAUSE
Ces deux connecteurs partagent la propriété de base des connecteurs que nous
analysons : ils expriment la relation CAUSE entre P et Q. Sémantiquement, ngase et
ngaqë ont la même description que celle de parce que en français, la directionalité de
la CAUSE va de Q à P. Les exemples suivants le montrent très clairement.
(39)
a. …(ata) ndjehen keq ngase flasin keq për të keqen”....
(tiré « Metropol », 26 juin 2005)
Ils se sentent mal parce qu’ils parlent mal du mal
b. CAUSE (ils parlent mal du mal, ils se sentent mal)
(40)
a. Federata u shpërbë ngaqë Serbia ishte më i forti entitet.
La Fédération s’est défaite parce que la Serbie était l’entité la plus
forte.
b. CAUSE (la Serbie était l’entité la plus forte, la Fédération s’est
défaite)
Ces deux connecteurs ne permettent pas de lecture inférentielle, c’est-à-dire, par
inférence invitée). La directionnalité de la relation CAUSE ne peut jamais être
inversée (40). Une telle directionnalité de la relation CAUSE (40.b), met à défaut
l’organisation sémantique des connaissances au niveau de la mémoire
encyclopédique.
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(41)
Nuk dolën ngaqë/ngase binte shi.
Ils ne sont pas sortis parce qu’il pleuvait.
(42)
a. CAUSE (Il pleuvait, ils ne sont pas sortis)
b. *CAUSE (Ils ne sont pas sortis, ils pleuvait)
Différemment de se, les connecteurs ngaqë et ngase n’enchaînent pas sur un acte
illocutoire marqué:
(43)
?? Nuk të lejoj të dalësh, ngase bie shi.
Je ne te permets pas de sortir, parce qu’il pleut.
(44)
* Mos u nis! Ngaqë je i sëmurë.
Ne pars pas! Parce que tu es malade.
Il est intéressant de relever, pour conclure la description de ces connecteurs, que
les différences avec les autres connecteurs de causalité, surtout celles concernées la
directionalité de la relation CAUSE, semblent être corroborées par l’étymologie de
ces deux conjonctions. Ils sont construits tous les deux sur la base de la préposition
nga «de – provenance» + les conjonctions se ou që, les conjonctions les plus
anciennes et sémantiquement les plus larges. L’orientation spatiale (provenance d’un
endroit éloigné) qui les caractérise diachroniquement, semble les prédisposer à
présenter la causalité comme provenant de l’unité qu’ils introduisent.
Leur schéma procédural est plus simple que celui des autres connecteurs.
Figure 4 : Schéma procédural de ngase/ngaqë
P ngase/ngaqë Q
CAUSE
(Q, P)
CAUSE (Q, P)
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Conclusions
Au terme de l’analyse que nous avons proposée pour les connecteurs se, sepse,
ngase, ngaqë, comparée à celle de parce que proposée par Moeschler, nous
constatons que, les connecteurs albanais partagent les emplois de parce que. Les deux
facteurs proposés par Luscher, Moeschler et les autres chercheurs du groupe de
Genève :
- le nombre d’instructions que les connecteurs ont en commun
- l’ordre dans lequel les instructions interviennent (ce qui différencie les emplois de
se)
jouent un grand rôle pour différencier les connecteurs de l’albanais entre eux et
deuxièmement pour les différencier par rapport au connecteur français. Sepse, ngase,
ngaqë ont en commun une séquence d’instructions, celle de la relation CAUSE (Q,
P), mais ngase, ngaqë ne partagent pas l’instruction pragmatique d’inférence invitée8.
Sepse semble être le connecteur qui traduirait mieux parce que en albanais, mais lui
non plus ne partage pas la totalité des instructions contenues dans la procédure
proposée pour parce que.
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8
C’est probablement à cause de la séquence d’instructions que ces connecteurs ont en
commun, excluant les instructions de nature pragmatique, que les grammairiens albanais (le
Dictionnaire de la Langue Albanaise, 1980; Mëniku 1998) les considèrent comme des
synonymes et n’insistent pas sur les différences d’emploi entre eux.
140
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