guerre 1939 - 1945 - Souvenir Français
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guerre 1939 - 1945 - Souvenir Français
DÉLÉGATION DU BAS-RHIN du S ou v e nir f ranç ais Sommaire : Le mot de la Déléguée générale.................................................................. 2 Nos peines................................................................................................ 3 Congrès départemental à Truchtersheim...................................................... 4 Conférence de Jean-Laurent Vonau sur le camp de Schirmeck........................ 6 Mémoire de guerre 1939-1945. Albert Hagemann.........................................10 Plan «Sussex 1944»................................................................................. 20 Connaissez-vous le site Internet « Le Souvenir Français » ?......................... 22 Hommage : souvenons nous du 6 juin 1944, par Hubert Denys..................... 23 BENFELD Sortie à Sigolsheim............................................................................. 24 BISCHWILLER Cérémonie du 8 mai............................................................................ 24 BRUMATH Escapade en Haute-Vienne................................................................... 25 MARMOUTIER Perpétuer la mémoire.......................................................................... 25 OBERNAI Inauguration de la stèle des aviateurs anglais, forêt du Willerhof............. 26 SELESTAT Devoir de mémoire Châtenois au camp du Struthof............................................................ 28 Avec le Souvenir Français sur les traces des Passeurs.............................. 30 Une tranche d’histoire bien vivante.......................................................31 Jebsheim : Le Souvenir Français explique aux jeunes l’histoire du petit Jérôme.....31 STRASBOURG - Ville Port du Rhin. Fusillés il y a 65 ans Une stèle en mémoire du Réseau «Alliance»........................................... 32 VALLEE de la MOSSIG Chanter l’Europe avec le Souvenir Français............................................ 33 Stèle du Kronthal : inauguration solennelle........................................... 33 WOERTH Quatre projets phares.......................................................................... 34 Lembach : en souvenir des Diables Bleus............................................... 35 Sur les traces des Turcos...................................................................... 36 La commémoration du 6 août 1870....................................................... 37 Paroles d’un ascète.................................................................................. 38 Sagesse.................................................................................................. 39 SEPTEMBRE 2008 N° 11 Le mot de la Déléguée générale Certes le Souvenir français existe depuis 1872 Certes nous sommes l’association la plus vielle de France, Mais nous savons nous adapter aux technologies actuelles .. Une nouvelle impression de notre journal départemental. La création d’un site sur Internet Ces nouveautés reflètent notre adaptation au monde actuel, mais les missions proposées par notre fondateur restent les mêmes.. Bon courage à tout le monde à l’occasion de cette nouvelle rentrée. Votre dévouée Mireille Hincker 2 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Nos peines Mon ami Othon DAHL (1934-2008) par Louis MORGAT Jeudi 14 février, notre ami Othon DAHL nous a quitté à l’âge de 74 ans. Souvenons-nous. Othon Dahl était le fils d’un jeune militant chrétien du Palatinat ayant quitté le Reich en 1933 à cause du nouveau régime pour s’installer dans le nord de l’Alsace. Ce qui se passa en 1939-45, était dur à vivre pour ce père et pour sa famille (arrestation par les Français en 1939, par les Allemands en 1941, Stalingrad). Othon, né en 1934, fut donc officier de réserve dans l’Armée française : major d’une promotion de… 800 élèves-officiers environ. Pendant la guerre d’Algérie, il fut affecté à l’Ecole d’Enseignement Technique installée à Issoire (Puy de Dôme) au profit de jeunes Algériens sélectionnés. Il faut préciser qu’il était enseignant et qu’il deviendra le directeur adjoint du collège de Woerth. Il se rendait en mission en Algérie (en principe tous les deux mois) pendant une à deux semaines pour «jauger» les garçons, entre 12 et 15 ans, présélectionnés par des officiers des S.A.S. Conduit par un chauffeur, avec leur seul armement individuel, sans autre protection ni accompagnateurs, il parcourait le pays (quartiers musulmans des villes, plaines, djebels) pour aller vers les SAS (Sections Administratives Spécialisées). Othon Dahl poussait plus loin la sélection initiale opérée par ces sections sous la direction de leur capitaine ou de leur lieutenant (des officiers d’élite souvent en danger) et il dressait la liste définitive des futurs élèves d’Issoire. Ces missions «diront quelque chose» à ceux qui se sont parfois trouvés isolés dans quelque endroit «sensible» de l’autre côté de la Méditerranée... Éventualité : mine, rafale. Othon parlait peu de ces «raids» à deux. Je tiens à en sauvegarder une trace. Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Othon Dahl fut donc Maire après avoir été Adjoint à son prédécesseur (1971-1977). Un maire remarquable. Quand je fis sa connaissance, en décembre 1983, pour effectuer ma 2e enquête publique, j’ai découvert un homme volontaire, sympathique compétent et dévoué, ayant préparé un dossier parfait (projet de construction d’une caserne de pompiers et d’une station de bus à Woerth). Rarement, au cours des 77 enquêtes suivantes, je devais trouver une telle perfection. A la fin de la 5e et dernière séance, j’eus droit à une visite du Musée et à une reconnaissance sur la colline en haut de laquelle le Kronprinz Frédéric de Prusse donnait ses ordres, le 6 août 1870. En 1995, je savais à quoi m’en tenir sur la qualité du guide-historien quand j’ai proposé la visite de ce champ de bataille à l’occasion de la venue en Alsace de nos camarades varois, l’année suivante. Othon a déployé une activité débordante au service de ses concitoyens et de ses camarades : - Délégué général adjoint du Souvenir Français du département du Bas-Rhin : ses conseils ont toujours été appréciés et jusqu’à son dernier souffle il est resté soucieux de l’avenir du Souvenir Français voyant l’érosion des effectifs et malheureusement le désintérêt des jeunes pour les missions de notre Association. C’était un plaisir de le retrouver dans les congrès et autres réunions. Naturellement de nombreux membres de cette association, dont la Déléguée générale, Madame Hincker, et des présidents de comité étaient présents aux obsèques. Entre autres, il avait été : - Président fondateur du S.I.V.O.M. de la Haute Vallée de la Sauer, - Président de l’Institution «Le Liebfrauenberg», un lieu de conférence et de séjour avec méditation (version protestante du Saint-Odile), - Membre fondateur de l’A.O.R. de Haguenau-Wissembourg. Modeste, il ne recherchait pas les honneurs. En récompense de tout ce qu’il a fait en Alsace, à Issoire, en Algérie, dans l’enseignement et les réserves il n’était …que chevalier de l’Ordre National du Mérite et, cela depuis 2004 seulement sur demande de camarades et amis motivés. L’église protestante de Woerth était déjà pleine, le 14 février, plus d’une demi-heure avant le début de l’office de «La Remise à Dieu». Derrière sa chère épouse Alice, ses enfants et petits-enfants : des maires, des élus, des professeurs et autres enseignants, des officiers et des sousofficiers de réserve ou en retraite, la Délégation départementale du Souvenir Français (dont les colonels Schenk et Durupt, anciens délégués), de nombreux habitants de Woerth et surtout des dizaines d’anciens élèves d’Othon Dahl, certains avec les yeux humides. Othon avait demandé qu’aucune intervention élogieuse ne soit prononcée. Le faire-part portait un petit texte du pasteur martyr Dietrich Bonhoeffer. La cérémonie fut célébrée dans un grand recueillement par Madame le Pasteur, de Woerth, Adrienne Robivelo, originaire de Madagascar, ancienne étudiante de la Faculté de Théologie de Strasbourg (avec une année à Göttingen), donc parfaitement bilingue. Un être d’une qualité exceptionnelle vient de nous quitter. Il croyait au Ciel. Alors il nous observe, de là où il est, avec son sourire bienveillant. «Ordne unsern Gang, Jesu, lebenslang» et «Prends ma main dans la tienne»… 3 CONGRèS DÉPARTEMENTAL L’assemblée, au nombre d’environ 250 participants, est ouverte à 9 h 30. Le colonel G. Beyl, président du comité de Truchtersheim présente le déroulement de la journée ainsi que l’équipe qui a préparé celle-ci. La Déléguée Générale Mad. Hincker donne le programme du congrès lui‑même. Elle remercie M. Justin Vogel, maire de Truchtersheim, vice-président du Conseil régional d’Alsace et son conseil municipal ainsi que la population de Truchtersheim pour l’accueil réservé au Souvenir Français. et se dit impressionnée par le pavoisement du village. Elle remercie également le comité de Truchtersheim et son président pour la préparation d’une journée qui va se révéler très réussie. et qui, cette année,est placée sous la présidence du Général Gérard Delbauffe président général nouvellement nommé. Au nom de l’ensemble des participants elle lui souhaite la bienvenue. Après avoir remercié les nombreux membres du Souvenir Français ainsi que les 38 porte-drapeaux une minute de silence est observée en mémoire des Déportés dont c’est la Journée Nationale ainsi que des membres Arrivée des officiels de l’association décédés depuis le dernier Congrès Départemental. Elle expose les activités du Souvenir Français du Bas-Rhin qui compte 4 135 membres répartis en 38 comités et félicite la création du comité de Bischwiller piloté par M. Bartholomé. Elle rappelle les principaux temps forts de l’association : • Edification du «Mur des noms» de Kilstett M. Justin Vogel, maire de Truchtersheim – Mme Hincker, déléguée pour le Bas-Rhin Gl G. Delbauffe, président général – Col G. Beyl, président du comité de Truchtersheim 4 • Cérémonie à l’occasion du départ du Gl de Percin, président national pendant une décennie. • Accueil et pilotage de 19 jeunes tunisiens du Lycée Flaubert de La Marsa guidés par leur professeur alsacien venus sur les « Traces des soldats tunisiens pendant les combats de la libération de l’Alsace » • Inauguration d’une stèle à Ranrupt rappelant le crash d’un bombardier de la RA.F. en présence des enfants du navigateur • Inauguration d’une autre stèle à Hochfelden en mémoire d’un bombardier britannique en présence d’officiers RAF • «Concert de la Fraternité» grâce à la municipalité de Strasbourg et les musiciens de l’Armée de Terre du Nord-Est en présence de 1 100 invités issus du monde combattant et de la garnison militaire de Strasbourg • Inauguration par la municipalité allemande de Pforzheim d’une stèle en mémoire de 25 martyrs du réseau «Alliance» exécutés dans la proche forêt le 30 novembre 1944 en présence de 58 proches des disparus. • Remise du drapeau au nouveau comité de Bischwiller Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008 S’ajoutent les activités de certains comités qui s’investissent en déplaçant des scolaires sur des lieux de mémoire, comme par exemple : • Brumath qui est allé à Oradoursur-Glane, • le «Sentier des passeurs» SalmMoussey, • le ravivage de la Flamme de l’Arc de Triomphe par le comité d’Illkirch (avec l’UNC), • les sorties avec des scolaires par les comités Val de la Mossig, Sélestat, Benfeld, Wissembourg, Woerth, Geispolsheim, Ostwald, Saales et Sarre-Union. avec en préliminaire une conférence sur le sinistre camp de Tambow. Des projets sont présentés : • Voyage à Paris le 17 octobre avec passage au quai Branly devant le Monument aux Morts des opérations en Afrique du Nord (19541962), visite de l’Historial Charles de Gaulle aux Invalides et ravivage de la Flamme de l’Arc de Triomphe • Voyage du comité de Brumath dans la région toulousaine. • En 2009 sera célébré le centenaire de l’inauguration du monument du Geisberg près de Wissembourg. Il y a lieu de souligner l’autorisation donnée en 1909 par le Kaiser Guillaume II au Souvenir Français pour réaliser le monument et pour organiser la cérémonie. Le 17 octobre 2009 une cérémonie sera organisée ; vu la forte symbolique de ce monument elle devrait avoir une portée dépassant largement la section du Bas-Rhin. • En vue de la création par le Mémorial d’Alsace-Moselle d’un «Mur des noms» des Alsaciens morts lors du deuxième conflit mondial, un recensement sera organisé. Cette action doit être soutenue activement par le Souvenir Français. • Parmi les projets 2008 il y a la constitution d’un « Conseil des Sages » qui devrait résoudre les conflits à quelque niveau que ce soit dans l’association. M. Justin Vogel, maire de Truchtersheim se déclare honoré d’avoir vu sa commune choisie par le Souvenir Français pour accueillir son Congrès départemental 2008. Il salue le Général Delbauffe, président général de l’association, la Déléguée générale du Bas-Rhin Mireille Hincker ainsi que Gilles Beyl, président du comité de Truchtersheim M. Marc Ephritikhine présente un DVD portant sur un inventaire mémoriel du Bas-Rhin faisant suite au travail entamé par le Colonel Schenk dans les années 90. Le comité de Sélestat a servi d’exemple. En fonction Page d’accueil du site internet Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 des disponibilités de M. Ephritikhine, l’ensemble des comités de la section du Bas-Rhin devrait bénéficier de cette nouvelle forme d’information qui peut être utilisée, non seulement par les comités, mais également par les établissements scolaires et les bureaux d’information. Après la mise en place du site Internet de la section Bas-Rhin par M. Christian Ball, M. Ephritikhine a accepté d’alimenter le contenu du site. Le général Delbauffe procède à la remise de distinctions à quelques adhérents particulièrement actifs au sein de l’association Col Schenck Lt-Col Lefevre 5 CONGRèS DÉPARTEMENTAL M. Jean-Laurent Vonau, professeur à l’Université Robert Schumann de Strasbourg, conseiller général du canton de Soultz sous Forêts et vice-président du conseil général du Bas-Rhin, un des instigateurs du Mémorial d’Alsace-Moselle de Schirmeck présente une conférence de grande qualité sur le Camp d’internement de Schirmeck (Sicherungslager de Schirmeck-Vorbrück) M. Justin Vogel On pense généralement que le régime de ce camp était doux, comparé au régime du camp « d’en haut » Or, parfois, c’était aussi horrible qu’au Struthof. L’emplacement fut retenu depuis 1930 pour servir un programme d’évacuation des communes situées en avant de la ligne Maginot. Six baraques en bois furent édifiées. En juin 1940 cela devint un camp allemand, désigné sous le nom de Sicherungslager Vorbrück. Le gauleiter Wagner va s’en servir,alors qu’en Moselle, son « collègue » Bürckel expulse les opposants, lui, veut rééduquer par le «travail». Il y expédie d’abord des Alsaciens, puis, à partir de 1942 ce sera le tour d’Allemands, de Mosellans et enfin de M. Jean-Laurent Vonau Polonais. Le régime de ces derniers est particulièrement dur et assimilable à une entreprise d’extermination, comme au Struthof. Les 6 baraques sont mises en service dès le 2 août 1940. Le «chef» du camp Karl Bück est arrivé en juillet et il a fait entreprendre aussitôt des travaux et met en place une garnison de «gardiens» en vue du fonctionnement de son «Erziehungslager» (camp de rééducation). Les durées d’internement vont d’abord de 15 jours à 3 mois. En 1941 ce sera 6 mois et en 1944 9 mois. Karl Bück renouvelle son contingent de détenus, (les nouveaux arrivant le mercredi), des anciens étant libérés (et surveillés) ou ayant cessé de vivre. M. Ch. Muller, 98 ans Mme Dominique Romain-Carcy, directeur départemental des Anciens combattants, remet l’insigne de porte-drapeau 6 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008 Les futurs détenus arrivent des prisons de Strasbourg, Colmar et Metz. À l’arrivée au camp on est d’abord tondu avant la présentation à Karl Bück. Il faut alors «débiter» une formule allemande, même pour les francophones. La moindre faute dans l’expression du texte entraîne une série de coups pour le malheureux. Karl Bück est un ancien officier de l’Armée allemande de la 1ère Guerre mondiale au cours de laquelle il a été blessé grièvement (amputation de la jambe gauche). C’est un nazi fanatique. L’alimentation des détenus est pauvre : ceux qui font des travaux forcés reçoivent 1 400 calories ; les autres détenus mangent encore moins. Il y a naturellement des accidents de santé. Un jour, un Polonais réussit à dérober un lapin au clapier et il le mange cru. Surpris par des gardiens, il reçoit une bastonnade mortelle. Une sinistre brute qui s’appelle Weber, forgeron de métier, avec une force herculéenne, oblige ses victimes à compter les coups. Le camp est agrandi à la fin de 1943 de 11 nouvelles baraques. Les n° 12, 13 et 14 sont réservées aux femmes. Elles compteront jusqu’à 300 personnes. Il y a une salle des fêtes en dur celle-là. Chaque dimanche Bück s’adresse aux détenus. Périodiquement il envoie des détenus au Struthof où ils seront exécutés. Le camp est entouré d’une double rangée de barbelés électrifiés avec des miradors aux 4 coins du site. Des chiens formés à la méchanceté «patrouillaient» dans le camp. Bück roulait aussi à l’intérieur du camp en traction-avant 11 CV et n’hésitait pas à heurter les détenus. Avec les alsaciens, outre les Lorrains en 1941, les Polonais et aussi les Hollandais et quelques allemands arrivèrent à partir de 1942, les maquisards des Vosges (en partie alsaciens) capturés de l’autre côté de la Ligne des crêtes et aussi Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Photo Essor 1994 des parachutistes britanniques, des S.A.S venus soutenir les maquis, mais écrasés sous le nombre et le matériel de l’armée allemande. Il y aura aussi 107 membres du réseau «Alliance» qui seront transférés au Struthof à l’approche des Alliés pour être massacrés dans la nuit du 1er au 2 septembre. En 1944 il y avait 2 000 détenus dont 300 femmes. D’autres femmes étaient de l’autre «bord» : certaines de ces volontaires venaient de la vallée de la Bruche et parmi elles se «distinguaient» les deux sœurs Lehmann. Les travaux étaient organisés par des commandos «sérieusement» encadrés. Il y a trois sortes de commandos : 1.les commandos extérieurs envoyés dans des chantiers et des entreprises ; 2.les commandos intérieurs chargés des travaux dans le camp ; 3.les commandos dans les cellules les plus durs. Les bâtiments B6 et B11 étaient disciplinaires (plus encore que les autres !) c’est là qu’étaient enfermés les membres du réseau «Alliance». Le réveil était à 5 h 00 en été, à 6 h 00 l’hiver. Les commandos les plus nombreux étaient envoyés chez DaimlerBenz (Gaggenau-Bade) et dans des entreprises travaillant sur les voies ferrées. Ils comptaient 300 détenus chacun. Plus durs étaient les commandos chargés de ravitailler le camp en bois et en charbon. Encore plus durs les travaux dans les carrières de Hersbach. À signaler les travaux de construction en dur de la piste du terrain d’aviation d’Entzheim ; les jeunes recrues de la Luftwaffe (Flak) eurent pour certaines d’entre elles un comportement odieux. Un groupe de jeunes soldats se distrayaient en enterrant les prisonniers jusqu’au cou et, autour de la tête qui dépassait, ils posaient des canettes vides. Ils tiraient des balles sur ces bouteilles qui partaient en morceaux. Il arriva que le malheureux fût touché à la tête, souvent mortellement. Il y eut, en 4 ans, environ 340 commandos, qui n’existèrent pas tous en même temps. Dans le camp deux chiens de berger féroces étaient lâchés en liberté la nuit. Comme les baraques étaient fermées à clé, l’évasion était carrément impossible. Pourtant quelques évadés la tentèrent. La quasi-totalité des évadés furent repris : alors un régime très dur leur fut infligé et à partir de l’été 1943 ils furent abattus aussitôt. On pense que sur les milliers de détenus au moins quatre réussirent à s’évader sur les quelques 150 qui firent la tentative. 7 CONGRèS DÉPARTEMENTAL Photo Essor 1994 Le recrutement des 70 gardiens a été effectué parmi des Allemands ayant eu des ennuis avec la justice. 5 d’entre eux, condamnés de droit commun, étaient de véritables brutes. Une trentaine de gardiens sont compréhensifs : ils ferment volontiers les yeux sur les « fautes » des détenus. L’infirmerie manque de moyens. Le médecin SS Blanck se livre en 19421944 à des expériences médicales sur les prisonniers en leur faisant des piqûres qui entraînent souvent la mort dans les 15 minutes. On peut le comparer au sinistre Dr Hirth, plus «célèbre» avec ses «expérimentations à la Faculté de Strasbourg et au Struthof sur des détenus du camp «d’en haut». Les chiens étaient dressés à l’image de leur maître. Le plus violent fut sans doute le chien «Alf» de Walter Muller. Paul Malaisé et un co-détenu furent ainsi déchiquetés par l’animal et ils durent être abattus par deux autres gardiens. L’évacuation du camp eut lieu en septembre 1944 vers Gaggenau près de Baden-Baden. Le 17 septembre eut lieu un 8 bombardement aérien qui fit un tué (gardien). Le 20 novembre, à l’approche de la VIIème Armée américaine(Gal. Patch) Karl Bück part pour Gaggenau. Le camp est libéré le 23 novembre alors qu’il reste encore 300 femmes détenues. Les installations sont intactes, comme au Struthof. La Wehrmacht va s’accrocher en Alsace de la fin novembre à la mimars, mais assez loin de Schirmeck. Le camp de La Broque servit ensuite à interner ceux qui étaient favorables au IIIème Reich en Alsace. Il s’agissait d’étrangers, d’Allemands et aussi de nazis et de collaborateurs locaux. Ces internés appartenaient à 40 nations différentes ; il y eut même 5 américains qui avaient pour seul tort de porter un nom à consonance allemande. Bien entendu, ces derniers furent rapidement libérés. En février 1945, on comptait dans le camp 191 Allemands, 700 Français et 375 étrangers (total 1258) En automne le camp devint un espace pénitentiaire, dont les détenus étaient là pour des raisons n’ayant rien à voir avec la guerre ou la politique. En 1954, le camp fut désaffecté, puis le terrain fut vendu en 1992 à un particulier qui y construit un lotissement. La salle des fêtes où Bück faisait ses discours du dimanche fut détruite. Quant à Karl Bück, condamné à mort à trois reprises, il fera seulement 10 ans de prison et mourra dans son lit en 1971. Photo Essor 1994 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008 Clôture du congrès par le Général G. Delbauffe. Le Congrès départemental de Truchtersheim est l’un des premiers congrès qu’il préside depuis sa nomination il y a un an. Il évoque la commission Kaspi, du nom de l’historien, voulue par le chef de l’Etat : il s’agit de faire connaître les travaux de mémoire auprès du public, des autorités et des élus. Pour le moment, la Commission travaille sur le 90e Anniversaire de la fin de la guerre 1914-18. Il dénonce aussi le rôle d’une «association» qui voulait exploiter l’opération «Bougies de la mémoire» à des fins commerciales. L’idée est bonne, car elle amène les spectateurs d’une cérémonie à en devenir des acteurs. L’opération «Flammes de la Mémoire» que le Souvenir Français a rejetée devient l’opération «Flammes de l’Espoir». L’essentiel des travaux est la remise en état de tombes de morts pour la France, c’est-à-dire en-dehors des nécropoles et des cimetières militaires. Le cas le plus délicat concerne des tombes de corps restitués aux familles si celles-ci disparaissent. Il y a là un éparpillement et un risque de Mireille Hincker et le Général Gérard Delbauffe disparition de toute trace de morts pour la Patrie. Il conseille d’effectuer des regroupements dans des petits carrés militaires établis au chef-lieu de canton. Le président général pense que les stèles ne devraient pas être édifiées trop longtemps après l’évènement qu’elles rappellent et qu’une stèle pourrait rappeler plusieurs évènements à la fois. Enfin, il évoque le nouveau règle- ment intérieur et les statuts qui vont être revus et devraient éviter les querelles de personnes, notamment à l’occasion du renouvellement des présidents de comité, parfois source conflit. Il reconnaît qu’il manifeste «une méthode assez directive» mais qu’il faut s’y habituer… La venue par la venue de l’ensemble des maires de la Communauté de communes de Truchtersheim, tous ceints de leur écharpe, est une agréable surprise. L’ensemble des participants accompagné par le corps de sapeurspompiers et de la Fanfare municipale de Truchtersheim traverse le village pavoisé pour aller faire un dépôt de gerbe au Monument au Morts. Après le Vin d’Honneur offert par la municipalité de Truchtersheim et un sympathique déjeuner, chacun rentrera chez lui, très content d’avoir pris part à cette belle journée à Truchtersheim. L’année prochaine le congrès départemental se tiendra à Wissembourg. Dépôt de gerbe au monument aux morts Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Lt-Col Louis MORGAT 9 GUERRE 1939 - 1945 MÉMOIRE de GUERRE de HAGEMANN Albert La Seconde Guerre mondiale éclata le 1er septembre 1939, quand l’appariteur et les cloches des deux églises nous annoncèrent, vers 17 heures, et par un temps radieux, l’évacuation du village. Dans le courant de la matinée, des rumeurs avaient couru dans le village au sujet d’une éventuelle évacuation. Le village était trop près de la frontière allemande, et au cours de l’été, des masques à gaz nous avaient été remis par la mairie. Cette évacuation, on l’attendait déjà depuis plusieurs jours, des valises avec le strict nécessaire étaient prêtes. L’appariteur passa dans le village vers 17 heures, et au son de sa clochette nous annonça l’ordre d’évacuation : la population devait avoir quitté le village dans les deux heures. Pour un premier septembre, ce fut une très belle journée, très chaude, mais pleine de tristesse. Mes parents préparèrent la voiture et deux vaches comme attelage. Le nécessaire fut chargé, matelas, couvertures, valises, vêtements, bijoux, souvenirs, de quoi vivre pour quelques jours sur la voiture ; les autres bêtes, cochons, poules, lapins, furent lâchés dans la nature. Après un dernier regard vers la maison, en pleurant, moi sur la charrette à côté de ma mère, mon père fit partir les vaches en direction de la sortie du village, vers le sud-ouest, route de Sarre-Union, Sarrewerden. Au milieu du village, nous chargeâmes encore notre grand-mère, qui habitait une autre maison, et n’avait pas de moyen de locomotion. Mon frère aîné, Auguste, partit sur le vélo. D’autres personnes avaient leurs motos ou autos, non réquisitionnées par l’autorité militaire. Le jour levé, nous repartîmes vers Niederstinzel ; c’était le deuxième jour .Là, nous avons couché dans une grange sur de la paille et des visiteurs nocturnes, rats, souris, nous ont tenu compagnie en nous passant dessus ! Le lendemain, troisième jour, départ pour Bisping. L’avance pendant la journée était très lente; il y eut des bouchons, des arrêts et des croisements de convois militaires qui allaient vers le front. A Bisping, nous fûmes plus gâtés, puisqu’on nous donna la salle de la mairie; la nuit fut plus confortable et nous couchâmes sur nos matelas étendus par terre. A partir du deuxième jour , un ravitaillement avait été organisé par les troupes françaises et on touchait du pain frais, des sardines, conserves, chocolats, boissons, etc... Mon père qui travaillait comme cheminot a dû nous quitter entre-temps, réquisitionné par la S.N.C.F. La dernière étape nous amena à Tarquimpol, près de l’Etang du Stock, étape finale, d’où nous aurions dû être chargés dans les trains en gare de Mulcey ou Blanche-Eglise, en Moselle. Là, une famille du village mit une chambre à coucher à notre disposition et ce fut une première nuit dans un bon lit chaud. La veille du départ en train direction Limousin -à Bersac sur Rivalier, HauteVienne; à 40 km au nord-est de Limoges, mon père, qui avait été affecté à la gare de triage de Berthelming, trouva un logement chez des particuliers et vint nous chercher avec une camionnette, ce qui nous a permis de rester dans la région. Vaches et voiture sont restées sur place chez le cultivateur, cette dernière nous la récupérâmes après le retour au village en juin-juillet 1940. A la gare de Berthelming où travaillait mon père, ma grand-mère faisait la cuisine pour une vingtaine de cheminots dans un wagon S.N.C.F. et nous l’aidions. Au bout d’un mois, mon père fut affecté à Fénétrange-Schalbach et région. A Fénétrange, il trouva un logement chez la famille Bricka, rue de Sarrebourg. Nous avons donc déménagé dans ce grand immeuble avec plusieurs logements et une ancienne teinturerie de laines. Nous habitions au premier étage et y restâmes jusqu’à la fin des hostilités dans notre région, juillet 1940. C’est à Fénétrange que j’ai appris à fabriquer des maquettes d’avions en bois de balsa, chez un copain du village. L’hiver 1939-40 fut très froid, après une inondation à l’automne, nous faisions du patinage à côté de la Sarre, tout était gelé. Au printemps, par un temps splendide, j’allais me promener à Niederstinzel, à quelques kilomètres de Après notre départ, les soldats français prirent place dans nos maisons, couchèrent dans nos lits et dégustèrent le bon vin de nos caves. Le premier arrêt fut à la sortie de Sarre-Union pour laisser reposer les vaches, leur donner à manger et à boire au pâturage, et pour nous restaurer, pique-nique forcé. La première étape, la nuit tombée, était à Bistroff-sur-Sarre. On dormit sur les matelas étalés sur la voiture, tellement la nuit était douce, même chaude. C’est seulement vers quatre heures du matin qu’on sentit une petite fraîcheur, et il fallut se couvrir pour se rendormir. 10 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 là, pour retrouver un ami d’enfance et de classe, Altmeyer Louis, dont la famille logeait chez un cultivateur dans le village voisin, Diedendorf. On se retrouvait de temps en temps sur les hauteurs de Niederstinzel, chacun faisant sa part de chemin. C’est sur ces hauteurs que j’ai vu les premiers combats d’avions dans le ciel de France, un Lundi de Pentecôte, et entendu les premiers tirs de canons. C’est à Fénétrange que je vis le passage et la retraite des troupes françaises, l’entrée des troupes allemandes qui envahirent notre pays le 15-16 juin, le premier avion allemand, un FieselerStorch, qui atterrit dans les prés derrière le village. A ce moment-là, on songeait au retour dans notre village; C’est en juin-juillet 1940, que nous pûmes enfin retrouver notre village meurtri par le retrait des troupes françaises. Il était en piteux état, maisons détruites, ponts sautés, carrefours et maisons environnantes détruits par minage par les soldats français pour retarder l’avance des troupes allemandes, laissant des cratères d’une vingtaine de mètres de large et 5 à 8 mètres de profondeur .Dans d’autres quartiers, maisons détruites ou brûlées, toitures démolies par tirs d’obus. Dans les maisons mêmes, meubles détruits, chambres délabrées, etc... Nous avons retrouvé la nôtre avec un grand trou dans le mur du pignon côté nord, direction de l’Allemagne; un canon y avait été placé dans le fenil pour combattre les Allemands au cas où ils arriveraient de ce côté. La maison avait été vidée, de certains meubles que nous avons retrouvés par la suite dans d’autres habitations ou abris militaires. Les premiers jours, mon ami Louis Altmeyer et Ernest Ehrhardt, qui étaient rentrés eux-aussi, et moi-même, passions notre temps à courir dans les champs et forêts, à visiter les abris militaires pour ramasser des boîtes en fer pleines de plaquettes de poudre, avec lesquelles nous faisions des feux d’artifice. Nous en remplissions des boîtes de conserve vides, avec une mèche, cela faisait une bombe que nous allumions pour obtenir un grand boum. C’était dangereux, mais l’inconscience de la jeunesse qui ne connaît pas le danger nous donnait ce plaisir . Les autorités civiles allemandes s’installèrent et ce fut le début de l’occupation allemande, du régime nazi, de la jeunesse hitlérienne, de la politique Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 de Hitler, de la méfiance des S.A., des cartes alimentaires et de certaines restrictions . Au début, nous mangions à la cuisine militaire installée dans la cour de la maison des sœurs par l’autorité allemande. Les premières soupes populaires -Eintopfgericht, où tout était mélangé, viande, légumes, pommes de terre, etc - nous furent servies par cette «Gemeinschaftsküche» - cuisine communautaire - sous les ordres de la sœur allemande «Schwester Meda», célibataire mais qui avait déjà «donné un enfant au Führer». Nous nous installions au fur et à mesure qu’on nous fournissait meubles, outils de travail, etc. La «Gemeinschaft» (travail collectif) fut instaurée. Tous les habitants du village devaient y participer selon leur métier et compétences : après le retour des évacués de Haute-Vienne au mois de septembre, les champs ont été cultivés en communauté (Arbeitsgemeinschaft) et tous les hommes et jeunes filles furent réquisitionnés pour ce travail. Je fus affecté aux réparations et à la remise en état de marche des machines agricoles, faucheuses et autres, aux Etablissements Rudolph Ernest à Diemeringen, du fait que j’avais fait une année d’apprentissage comme ajusteur et que la mécanique m’intéressait. C’est là que j’ai gagné mon premier salaire, distribué à la mairie dans la grande salle, et que je fis la connaissance de mon épouse, car c’était aussi l’âge où on commençait à regarder un peu les filles Je m’intéressai à l’une d’elles, qui plus tard devint ma femme, Irène Specht. Elle travaillait aussi dans les champs avec l’Arbeitsgemeinschaft et les jours de paye on se voyait à la Mairie, ainsi que les dimanches, lors des promenades sur la route de Voellerdingen avec d’autres copains et copines, ce qui était notre passetemps du dimanche après-midi. Plus tard, en automne 41, quand l’Arbeitsgemeinschaft fut dissoute, je travaillais dans l’organisation Todt (O. T.) travaux publics, dans une forge à SarreUnion, puis à Herbitzheim au barrage de la Sarre. L’hiver 1940-41 fut très rigoureux et il tomba tant de neige qu’il y eut des congères de 1,5 à 2 rn de haut sur la route de Herbitzheim et Dehlingen, et que tous les jeunes hommes furent réquisitionnés pour déblayer les routes: un jour mon ami Louis était dans mon équipe sur la route de Herbitzheim, c’était un petit bonhomme qui s’amusait à faire le singe en marchant sur les congères et d’un seul coup la neige céda et mon petit Louis disparut. A toute vitesse nous avons creusé un chemin de plus de deux mètres pour le libérer ! L’hiver suivant fut très froid aussi, mais avec moins de neige. Je travaillais au barrage à Herbitzheim, à briser la glace d’une épaisseur de 20 à 30 cm. Plus tard, ce fut la démolition du barrage sur la Sarre : le béton miné une fois sauté à la dynamite, nous devions enlever les gravats avec des brouettes toute la journée par un froid rigoureux. Pour me rendre au travail, matin et soir , je prenais mon vélo, une pédale fabriquée en bois, un pneu troué rembourré avec un autre bout de pneu et ligaturé avec une ficelle. Les temps n’étaient pas toujours au beau fixe; nous apprîmes à connaître la tyrannie hitlérienne, la Jeunesse hitlérienne, le Heil Hitler, l’évasion de beaucoup de nos camarades vers l’intérieur de la France, le R.A.D. (Reichsarbeitdienst) et l’incorporation de force dans la Wehrmacht et la guerre en tant que soldat. Tout doucement les lois allemandes avaient été instaurées en Alsace et en Lorraine. Nous avons dû faire le service des travaux RAD ainsi que le service militaire et avons été incorporés de force dans la Wehrmacht. Au mois de mars-avriI 1942, nous avons passé la visite médicale : «K V, der Nächste» - Bon pour le service, au suivant. Le 17 avril 42, premier grand départ pour moi, au R.A.D., avec rassemblement à Saverne à la Halle au Blé. Ma destination était la ville de Munster dans le nord-est de l’Allemagne, en Westphalie. De la gare de Munster à notre camp à Handolf-Hornheide, nous allâmes à pied, nos valises encore lourdement chargées de vivres, vêtements, et autres articles. Il faisait très chaud pour un mois d’avril et une sueur acide nous coulait sur le visage. En cours de route, nous eûmes droit à une halte sur le côté de la route pour une pause-café, café fait avec de l’orge grillé. Ah, que ça avait bon goût ! Arrivé au camp, premier rassemblement et affectation à nos baraquements, distribution d’uniforme et droit au déjeuner militaire «Eintopfgericht». Nos vêtements civils furent renvoyés à la maison dans nos valises, de suite, sur ordre de nos supérieurs. Le goût de l’exer11 GUERRE 1939 - 1945 cice et de la discipline nous fut inculqué très vite, lors de la distribution de notre outil de travail et d’exercice, qui était la bêche. Avec cette bêche, nous travaillions la terre, faisions des exercices et des parades. Cette bêche qui servait à tout devait luire lors des parades. Alors c’était l’astiquage au papier émeri et produits spéciaux pour faire miroir...Si elle n’était pas astiquée à 100%, c’était la consigne, pas de sortie le samedi ou dimanche, qui était le moment d’écrire une lettre à mes parents, frère, Irène et copains. Tous les jours, il y avait la théorie, l’exercice et les travaux manuels à la bêche : travaux de terrassement, aplanir les terrains, irriguer les ruisseaux, faire des canalisations et irrigations dans les terrains marécageux où l’on souffrait des piqûres de moustiques, étant donné que nous travaillions en short et torse nu. Non loin de notre camp se trouvait le terrain d’aviation militaire de Munster, d’où décollaient les Heinkell 111, bombardiers, et les Messerschmitt 109, avions de chasse qui escortaient les Heinkell lors de leurs raids vers l’Angleterre. C’est là que nous avons été affectés par la suite pour l’entretien de ce terrain. Le premier contact de chez nous fut l’envoi de paquets avec des friandises, gâteaux, et autres choses rares, chocolats, bonbons, etc que nous devions partager avec tous les autres «Arbeitsmänner» (travailleurs) de notre chambre. Les Alsaciens recevaient plus de paquets que les Allemands, étant donné que l’Alsace-Lorraine était encore mieux lotie du point de vue ravitaillement. La première, visite de nos parents après 2 ou 3 mois, fut un grand jour, et qui passa trop vite, le soir même de leur arrivée. Les premiers signes d’une gastrite firent leur apparition après trois mois, lors de travaux au terrain d’aviation. Je ne digérais pas bien le pain noir de tous les jours. D’abord ce furent des crampes d’estomac et des renvois, qui disparaissaient encore assez vite. De jour en jour, ces maux augmentèrent jusqu’au jour où j’eus tellement mal que je me roulais sur la piste d’envol des avions et qu’on me transporta à l’infirmerie et à l’hôpital de Munster, où l’on constata après avoir fait des radios, une légère gastrite qui me donna droit à un régime pendant huit jours avec cuisine légère et pain blanc. 12 Au bout de huit jours, de nouveau pain noir et cuisine comme tout le monde. A la longue l’estomac s’habitua, mais non sans mal. Au bout de quatre mois, notre compagnie fut transférée en Poméranie, à Falkenburg qui appartient aujourd’hui à la Pologne. Les travaux que nous faisions, hors des exercices journaliers, étaient la récolte des pommes de terre pour les cultivateurs qui manquaient de main d’œuvre. Enfin le grand jour arriva où on nous annonça la fin de notre service de 6 mois et le 24 septembre 1942, c’était la rentrée dans nos foyers. Mais, ô catastrophe, à peine rentrés, on nous annonça l’incorporation de force dans la Wehrmacht. Après trois semaines de congé, c’était de nouveau le départ. Le 16 octobre, je pris la direction de Borna, près de Leipzig, via Sarrebrück -Francfort -Erfurt -Weimar -Leipzig et Borna, où j’ai été affecté chez le «Panzer Jäger Ausbildungsabteilung 4 Antichar». Là, ce n’était plus la bêche qu’on maniait, mais le fusil et le canon antichars 37 sur roues. Le matin, réveil à 6 heures, toilette, prise du café, sport, exercices physiques, course d’endurance, appel, exercices, tir à balles réelles, tir au canon antichar sur cible mobile, nettoyage, instruction, etc C’était notre menu journalier, midi, déjeuner et le soir à 19 H , souper et le repos était bien mérité. Le soir j’en profitais pour écrire les lettres à la famille et à Irène. Pendant toute cette période d’exercices en 1943 j’ai eu la chance d’avoir plusieurs permissions de 8 à 15 jours. Quel plaisir de revoir la famille et sa chère amie qu’on aimait, mais moment malheureusement toujours trop court et laissant des larmes au départ. Ma plus belle permission a été du 14 au 30 septembre 1943. Là, pour la première fois, j’ai eu le droit avec Irène de faire une sortie en vélo pour aller au cinéma à Sarralbe, le dimanche 19 septembre, car dans ce temps-là, les sorties des filles étaient strictement contrôlées par leurs parents. C’était la ballade des amoureux en vélo par un temps merveilleux pour voir le film «Die goldene Stadt», film d’amour dramatique, qui se terminait par le suicide par noyade dans un lac, d’une jeune fille enceinte et délaissée par son amant. C’était l’avant-dernière permission avant de partir au front russe, et la plus amoureuse. De retour à l’armée, un matin on est parti pour un exercice de tir à longue distance 50-100 m et plus, au champ de tir distant de 14 kilomètres. Départ à 6 heures par un temps de brouillard et pluvieux. Arrivés sur place après une marche de presque trois heures, nous étions mouillés jusqu’aux os, et le brouillard persistait toujours. A 10 heures, l’ordre du retour fut donné sans avoir tiré une balle. Au retour , nous chantions toujours, et vers 11 heures le soleil revint et nous sécha jusqu’à l’arrivée au casernement. En arrivant à ce dernier, l’ordre vint pour une nouvelle chanson, et ça ne marchait plus, ça chantait mal, tellement nous étions essoufflés. «Ah, vous ne voulez plus ! » s’écria le sous-officier, et ce fut l’alerte aux gaz. il fallait mettre les masques à gaz, chanter, marcher jusqu’à ce que l’un d’entre nous tombe à terre à moitié mort. On lui enleva le masque à gaz, lui fit des mouvements de respiration jusqu’à ce qu’il reprît connaissance et vie. Cet exercice rapporta un gros blâme pour le sous-officier de la part de ses supérieurs, qui considéraient que cet exercice était inhumain, ce qui nous fit à tous un grand plaisir . Plus tard, je passai le permis de conduire sur une voiture à chenillettes. Après l’avoir réussi, je fus nommé pour l’école de conducteur de char parce que notre compagnie allait être dotée de canons antichars 88 sur châssis. J’ai passé mon permis de conducteur de chars sur un châssis Skoda (tchèque) qui avait une boîte de vitesses automatique avec 21 vitesses. Je le réussis avec mention «bien». Par la suite, je fis des exercices avec des chars antichars sur châssis du Panzer II, III et IV au champ de manœuvres de Zedlitz à 3-4 kms de Borna. Tous ces exercices étaient la préparation au départ pour les combats en Russie et en Italie et le reste du front de l’est. J’aimais la conduite des chars, les exercices, le nettoyage et le contrôle de mon moteur pour le prochain exercice. La mise en état du moteur fut effectuée par les «Panzerwart» mécaniciens. De temps en temps, il arrivait d’un de nos engins qu’il restât sur le terrain suite à une panne de moteur, carburateur obstrué, allumage défaillant ou autre, ce qui n’a jamais été le cas sur notre char. De ce fait, j’ai eu la chance de rester en caserne en Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 Allemagne jusqu’en mai 1944 parce que mon supérieur, un sous-officier de mon groupe, ne m’a jamais mis sur la liste de départ pour le front jusqu’au jour où lui-même partit au front russe. Avant de partir, il me fit venir à son bureau et m’avertit que maintenant je devais m’attendre à partir au front ; c’est ainsi que j’appris que c’était lui qui m’avait retenu aussi longtemps que possible, et je l’en remerciais chaleureusement. Pour me récompenser en plus, il me fit encore une demande de permission de week-end, qui me fut accordée pour 5 jours avec trajet, ceci en mars 1944. Le dimanche matin, je reçus un télégramme de mon unité qui demandait mon retour immédiat à la caserne. Pour retarder le départ de ce dimanche au soir, je fis un faux tampon en bois - j’étais assez bricoleur – que j’apposai par-dessus d’autres et je partis le soir. A Sarrebrück, le train était bourré de soldats et je dus attendre le suivant, encore un tampon en plus de la Bahnhofskommandatur , et le départ se fit seulement le soir vers 21 heures. En arrivant le lendemain matin vers 11 heures, je constatai que le gros de notre compagnie était déjà parti et je dus me joindre au «Nachtruppe» qui emmenait les caisses de papiers et documents. C’était le départ pour la Russie, un voyage de 3000 kilomètres. Le 28 mars, départ pour Mielau en Pologne, via Dresde - Cottbus - Deutsch -Eylau. Le 30 mars, arrivée au baraquement près de Mielau. En avril, on avait encore de la neige et de la pluie. De temps en temps, on avait droit à une sortie pour Mielau ou dans le village Nosaschewo (Borosne), village très pauvre. Début mai, nous étions toujours à Mielau. Les jours passèrent, avec des exercices antichars, etc, à lire des romans et écrire des lettres, jusqu’en juin. Dans ces baraquements, les punaises faisaient la foire la nuit. A peine la lumière éteinte, ça piquait de partout et on se grattait inlassablement. Un soir, je me couchai sur la table qui se trouvait au milieu de la pièce, croyant que là les punaises ne m’atteindraient pas. Dès qu’il a fait nuit, re-belote, ces bestioles tombaient du plafond pour nous sucer le sang. Le lendemain matin, on décida à trois de monter une tente à l’extérieur pour y dormir. Après excavation d’une dizaine de centimètres de terre, montage de la tente, nous fîmes une rigole autour de la tente pour laisser écouler l’eau de pluie en cas Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 d’orage, ce qui arriva la même nuit. Nous avons dormi comme des loirs, tandis que nos camarades se marraient, en croyant que nous étions inondés dans notre tente. Nous avons passé une bonne nuit, tandis que les autres veillaient ! Début juin, ce fut de nouveau le départ vers le front. Nous fûmes cantonnés en arrière position près de Smolensk, à Starap-Bischow, non loin de la Bérésina, un fleuve comme le Rhin et qui est un affluent du Dniepr. Là nous avons reçu 10 tanks antichars et 3 chars russes T34 pris aux Russes, lors de leur retraite. Les trois chars T34 furent confiés aux Alsaciens-Lorrains ou Autrichiens, qui euxaussi avaient été incorporés dans l’armée allemande et qui tous ne semblaient pas très fiables pour notre commandant. Je devins donc conducteur d’un T34 dont l’équipage se composait de 4 hommes : le conducteur, le radio, le tireur et le commandant du char qui était en même temps viseur. De suite, nous sommes partis en position d’attente près de la rive de la Berezina. Nous avons enfoui nos chars dans la terre, une sorte de large tranchée. il y avait juste la tour avec le canon qui sortait de la terre. La nuit, nous couchions à tour de rôle dans le char, deux qui dormaient et deux qui montaient la garde. Nous nous sommes retirés pendant deux à trois jours et avons pris une nouvelle position. Nous dormions dans les maisons vides, pleines de poux et de punaises partout. Je couchais sur la table pour éviter les punaises, mais impossible de dormir : lumière allumée, c’était le repos ; lumière éteinte, c’était la ruée des punaises sur moi et je m’enfuis dehors avec un copain pour dormir sous une tente : enfin le repos, mais pas pour longtemps. A 4 heures du matin, l’ordre est venu de contre-attaquer l’avance des chars russes, sauf les trois T34 parce que le commandement n’avait pas confiance en l’équipage (Honneur). A six heures, soit deux heures après le départ pour l’attaque, un motard de renseignement nous fit savoir que déjà six de nos antichars avaient été abattus et les équipage brûlés vifs ou abattus en sortant du char. Alors que nous croyions que maintenant notre tour d’attaquer était venu, un nouvel ordre de retraite nous parvint pendant que nous attendions les quatre antichars rescapés. Sa mère était restée à la maison alitée et malade du cancer. Elle me faisait part de son chagrin et de son désespoir. Je lui répondis que j’allais me plaindre auprès des autorités pour la faire rapatrier, étant donné qu’elle était ma fiancée, mais tous ces espoirs prirent une autre tournure. C’était la dernière lettre qui lui parvenait et moi non plus ne recevrai plus de courrier. Pendant cette retraite les Russes nous poursuivaient et les chars allemands P4 restaient enlisés dans les marécages et nos T34 les en sortaient. Il m’est arrivé d’accrocher deux chars allemands à mon T34 et de les désembourber. Lors d’un recul dans un sentier en forêt, mon commandant donna l’ordre d’arrêter et de faire demi-tour sur place, me donna des positions de placement précises, donna l’ordre au tireur d’orienter le canon et le mot «feu» nous fit basculer un peu : c’était mon baptême du feu et le premier char russe abattu qui explosa et brûla. De nouveau, demi-tour et la fuite sans arrêt pendant plusieurs jours. Au bout de 4 ou 5 jours, nous avons dû passer le pont d’un grand fleuve et juste après notre passage le pont a sauté et le dernier char T34 est resté de l’autre côté et a été fait prisonnier. Le jour suivant, le canon du deuxième T34 a éclaté par suite de surchauffe et l’équipage a quitté le char pour faire retraite sur un camion. Après huit jours d’attente, les Russes attaquèrent au nord et au sud de notre position et ont avancé très vite pour nous encercler. Ordre fut donné par notre Haut-Commandement de nous replier et de battre en retraite. C’était maintenant au tour des Allemands de fuir les Russes et c’est à ce moment-là que commencèrent des péripéties qui durèrent 15 mois. Au bout de deux jours, mon char aussi s’arrêta, par manque de fioul. Nous l’avons fait sauter et brûler avec tous nos effets personnels. Nous n’avions plus que nos vêtements de combat et le strict nécessaire dans une musette et de quoi manger pour un ou deux jours, mon revolver et des munitions, et la retraite continuait avec nos camions tant qu’on avait de l’essence, ce qui venait à nous Pendant la journée, j’eus le temps d’écrire la dernière lettre à la maison et à Irène pour lui dire que j’avais reçu sa lettre où elle m’informait que son père et elle avaient été déportés en Allemagne à Schelklingen près de Stuttgart pour y travailler. 13 GUERRE 1939 - 1945 manquer aussi. Maintenant, c’est à pied qu’on s’enfuyait, sauve qui peut, plus de commandement, plus de compagnie, chacun pour soi : c’était la pagaille. L’équipage de notre char étant encore au complet, nous arrivâmes un matin à un fleuve grand comme la Sarre, le pont détruit par l’aviation russe. Les soldats allemands du génie étaient en train de mettre de nouvelles traverses et planches pour que les troupes en retraite puissent passer. De temps en temps les chasseurs russes arrivaient et mitraillaient les troupes et les soldats du génie, en même temps que les petites bombes lâchées détruisaient ce qui venait d’être réparé. Des soldats tombaient dans le fleuve, touchés par balles, d’autres sautaient en l’air avec les planches suite à l’explosion des bombes. J’ai eu la chance d’arriver sur l’autre rive sain et sauf avec deux autres équipiers de notre char. A peine cent mètres plus loin, il y avait des officiers de la Feldgendarmerie qui arrêtaient les troupes qui affluaient de tous les côtés, car c’était la pagaille. De nouvelles compagnies furent formées pour la défense. Nous trois, on s’était dit : «plus de bataille, on file, on recule». Quand l’officier de regroupement nous interpella mon tireur, mon radio et moi-même comme conducteur : «Hé là, vous trois, où est-ce que vous allez ?» nous lui répondîmes que nous étions un équipage de char, qui devions nous rendre chez un officier de chars qui se trouvait plus loin sans équipage ; il nous a laissés filer. Evidemment, ce n’était pas vrai et notre devise était devenue: «sauve ta peau n’importe comment», et nous avons continué la retraite, chacun de son côté. Nous étions comme un troupeau de moutons chassés par les loups, sans berger ni chien de garde. Par la suite, notre équipage se décima ; chacun essaya de trouver une solution pour s’en sortir le mieux possible. La chaleur, la soif et la faim nous écrasaient, mais le mal du pays nous fit marcher jusqu’à l’épuisement. Un après-midi, j’étais tellement fatigué que je me couchai à côté de la route, jonchée de cadavres de soldats allemands, dépouillés de leurs vêtements, gonflés par la chaleur et pleins de mouches, et je m’endormis. A peine endormi, je reçus un coup de pied dans le derrière par un officier allemand qui me dit : «Hé là, debout, on continue, si tu veux rester, les Russes sont derrière nous, nous 14 sommes les derniers de la troupe.» Alors là, plus de fatigue et c’est reparti, toujours à pied. Après une ou deux heures de marche, je vis dans un pré à côté d’une ferme délaissée quelques chevaux en train de paître. Je me dis : «tiens, c’est une meilleure solution que la marche». J’attrapais un cheval pour le monter, mais impossible, il se tournait chaque fois que je voulais monter dessus. Je trouvai une autre solution : au-dehors, devant la ferme, traînaient toutes sortes de meubles, chaises, bancs, vieilles armoires, ainsi qu’une table très longue, environ 2,50 à 3 mètres. Quel miracle ! Je vais pouvoir me poser sur la table, le cheval à côté, et il ne pourra pas se tourner; mais adieu le miracle, quand je voulus monter sur le côté droit, le cheval chéri se tourna à gauche le long de la table ; rebelote, je vais monter du côté gauche, il se tourna à droite. Après plusieurs essais infructueux, j’ai lâché le cheval qui prit le large et la marche à pied continua. Tant qu’on avait été en possession de notre char, la nuit on couchait à l’intérieur de ce dernier, trois hommes par terre et le quatrième de garde. Maintenant, les nuits se passaient en forêt, couchés sur la mousse. Un matin, on marchait, des centaines de soldats qui se sont rassemblés, dans une vallée verte, verdure du mois de juillet, et de chaque côté des montagnes, une sorte de chaîne, avec par ci et par là des petits sentiers qui mènent l’un vers une petite forêt, l’autre vers les monts, et nous la troupe marchions sous le beau soleil du matin, direction ouest, vers cette patrie dont nous nous languissions. Mais ce rêve se brisa soudainement dans le crépitement d’une mitrailleuse qui nous prit sous son feu nourri, depuis les monts à notre gauche, et tous se mirent à courir aussi vite que possible. De tous côtés, les soldats tombaient comme des mouches. A quelques mètres à ma droite, un tout jeune soldat d’à peine vingt ans, comme moi-même, reçut une balle dans la trachée artère et la carotide, et le sang sortait comme un jet de fontaine; après quelques mètres de course, criant «aidez-moi, aidez-moi, maman, maman» et avec cette dernière pensée pour sa mère, il s’effondra, raide mort. Malheureusement, il n’y avait plus d’aide à attendre, chacun s’enfuyait pour soi en courant pour sa vie. A ce moment-là, je regardais la mort en face, pris peur, et suppliais la Vierge Marie de me sauver et de me sortir indemne de ce guêpier, en faisant le vœu de faire un pèlerinage à Lourdes si je m’en sortais vivant, ce que j’ai pu faire en 1988. Après quelques centaines de mètres de course, la mitraille venant de la gauche cessa, et nous crûmes être sauvés ; à peine le temps d’y croire, le crépitement commença à nouveau du côté droit, et ce fut la même course à la mort. Pendant que cela mitraillait à droite, nous avons vu du côté gauche une camionnette sur laquelle était montée une mitrailleuse et deux hommes, qui avançait sur les hauteurs. Après quelques centaines de mètres de course, nous étions hors de portée de la mitraille de droite, notre groupe avait diminué par suite de nombreux morts et blessés, les survivants fuyaient toujours dans la vallée, de nouveau de la mitraille de gauche et quand le camion de gauche était derrière nous, le camion de droite s’avançait et envoyait ses salves. De tous les côtés ça tombait comme des mouches. Après une heure de cette course pour la vie, je pris la décision de sortir du groupe qui restait et m’enfuis en solitaire vers la gauche, en direction d’un petit bois à environ 200 mètres. Quand le tireur vit que je sortais du groupe, il me prit en point de mire et les balles sifflèrent autour de moi. Une première balle traversa mon pantalon et une deuxième ma musette. Après cette course affolée, et arrivé à la lisière du bois, je m’effondrais, mort de fatigue derrière le premier gros tronc d’arbre de la forêt, tandis que les balles sifflaient dans les feuilles : Sauvé ! Ah, quel bon ange gardien j’ai eu à ce moment ! J’étais KO. Après un repos mérité et une certaine attente, je sortis du bois, le calme étant revenu. Je me cachai dans un grand champ de blé, comme le firent d’ailleurs beaucoup d’autres. Un nouveau rassemblement se fit, et un général nous commandait pour faire une retraite collective, car seul, on ne pouvait plus : on ne connaissait pas la région et nous n’avions pas de carte. L’ordre fut donné que tous ceux qui étaient blessés, ou qui n’avaient plus d’armes ni de munitions devaient rester sur place et se laisser faire prisonniers. Heureusement, j’avais encore un fusil, un revolver et des munitions. Maintenant la retraite se faisait à travers des forêts denses, plusieurs kilomètres de profondeur et des dizaines de longueur. La nuit on marchait avec cartes et compas, le jour on dormait en forêt. Il était interdit de se procurer de Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 quoi manger et boire individuellement, car un groupe de ravitaillement avait été formé qui devait nous procurer la nourriture et la boisson dans des fermes ou villages. Un soldat passa outre cet ordre de ne pas piller, fut attrapé et condamné à mort sur le champ. Un peloton d’exécution fut formé et à peine à cent mètres de ma position, l‘homme fut exécuté. Quelques coups de feu claquèrent, puis silence de mort. La faim et la soif se firent sentir de plus en plus, car avec deux ou trois tranches de pain sec et un peu d’eau par jour, on était bien affamé. Une nuit un camarade inconnu marchait à côté de moi et me dit : «Eh, toi, tu as une lampe de poche, on pourrait aller se ravitailler nous-mêmes», on traversait un petit village ; ça ne m’a pas plu du tout, alors il me dit: «donne-moi ta lampe, j’y vais moi-même». Je lui donne la lampe de poche, et le suit, de peur et de faim. Alors on rentre dans une maison de paysan, lui, le premier avec la lampe, il scrute l’obscurité et voit le paysan et sa femme, couchés sur le four (les fours étaient dans la pièce d’habitation). Dans un placard, il vit deux ou trois poissons secs, il ne les prit pas et continuait à chercher autre chose, pain, etc, moi toujours derrière lui. A ce moment-là des coups de mitraillettes claquèrent, les partisans ayant vu la lumière dans la maison nous tiraient dessus à travers les fenêtres. Pris de panique, il me donna la lampe de poche, me bouscula pour pouvoir sortir le premier, à la sortie un coup de feu claqua, un cri «ils m’ont eu». C’était vers minuit, une heure et il faisait clair de lune. Un partisan était caché derrière une porte dans l’escalier de la cave et au clair de lune il avait vu passer la silhouette et pu bien viser la tête du premier qui sortirait. Pour le suivant, de peur qu’il ne riposte, il a dû se cacher dans la cave et n’a plus tiré. Le suivant c’était moi : encore une fois, mon ange gardien avait bien travaillé. On s’est tout de suite occupé de mon camarade en revenant vers la troupe. Il avait une balle dans la nuque qui avait traversé la tête et était sortie entre le nez et l’œil gauche, mais il était vivant. On lui a fait un bandage autour de la tête, on l’a installé sur un cheval, parce qu’on savait qu’il ne pouvait plus marcher à pieds, et ne pouvait pas survivre. Le jour on se cachait dans la forêt, alors on lui a fait un tombeau en mettant du branchage dedans, parce qu’il commençait à délirer et perdre la méLien 67 - N° 11 - Septembre 2008 moire. A quelques centaines de mètres de là, nous vîmes plusieurs colonnes de chars russes T34 roulant sur une grande route direction ouest, vers l’Allemagne via la Pologne. A ce moment-là, nous avons su que nous étions encerclés. Le soir, au moment de partir, nous avons dû laisser notre blessé dans son tombeau profond de 30 à 40 cm ; il a fallu le calmer en lui promettant de revenir avec du secours, mais malheureusement c’est là qu’il est mort, d’une mort inhumaine, comme une bête. C’est ça, la guerre. Un autre jour, tôt le matin, on marchait en file indienne le long d’une forêt sur un petit sentier à travers buissons ; à une dizaine de mètres devant moi un pauvre partisan russe qui avait été fait prisonnier le jour précédent, était sur ses gardes, et remarquant que le soldat qui le suivait lui mettait le revolver sur la tempe, se baissa brusquement et prolongea sa vie de quelques minutes, mais peu après un coup de revolver claqua et le pauvre fut abattu lâchement, de peur qu’il n’aille dénoncer la troupe en retraite ; il a été balancé dans les haies à côté du sentier. Encore une folie meurtrière de la guerre. Notre marche continua inlassablement, toujours avec l’espoir de revoir notre chère Alsace, et nous traversions la forêt pour arriver à la lisière du bois, près d’un terrain d’aviation. Les soldats russes stationnés sur le terrain, ayant repéré notre présence, nous attaquèrent. Derrière nous, il y avait une clairière : les Russes d’un côté, nous de l’autre, on se tirait dessus, et pour leur échapper il fallait traverser la clairière. Pour nous avoir, ils ont nourri des tirs de mortier et des avions nous attaquaient avec mitrailleuses et bombes. C’était le sauve-qui-peut, on courait, on sautait dans les trous d’éclatement des grenades et des mortiers, et arrivés au bout de la clairière nous fûmes sauvés. Nous rentrâmes plus loin dans la forêt pour nous reposer. A chaque coin de forêt, un soldat de garde avait été mis en place. J’étais de garde au coin de la forêt, d’où on pouvait observer un village. Après deux heures d’observation, j’ai été relevé par un autre soldat. J’avais à peine marché cinquante à cent mètres vers l’intérieur de la forêt, vers le rassemblement du gros de la troupe, qu’un crépitement se fit entendre dans la cime des arbres derrière moi : c’était un obus qui éclatait et tua net mon remplaçant, les partisans nous ayant de nouveau repérés. Une prière ardente de remerciement monta de ma part vers le ciel, Dieu ayant épargné une nouvelle fois ma vie. Et de nouveau la longue marche vers l’inconnu, cette retraite si pénible, continua. Il n’y avait plus d’eau potable, ni de ravitaillement du tout. Dans la forêt dense, il y avait des marécages qu’il fallait traverser, et c’est là qu’on recueillait de la verdure mouillée qu’on mettait dans le mouchoir, qu’on pressait et dont on buvait le jus ramassé dans un bol. Dans ces mêmes marécages, les chevaux que nous avions encore s’enlisaient et s’enfonçaient tout doucement jusqu’au corps, et impossible de les ressortir. Il fallait leur donner le coup de grâce et les tuer. La faim qui nous tenaillait et nous rongeait l’estomac nous amena à découper le cheval en morceaux. Nous avons mangé cette viande crue avec un peu de sel que je possédais encore, sans pain ni autre chose, car nous ne pouvions pas faire de feu, pour ne pas être repérés par les Russes ou les partisans. En raison de cette mauvaise nourriture, j’ai fini par attraper la dysenterie, et il ne me restait que deux solutions : continuer la retraite au risque de mourir, ou me rendre aux partisans avec toutes les inconnues que cela comportait. Nous étions près de la frontière polonaise, près de Minsk. Je me décidais pour la dernière solution. La nuit du 21 juillet 1944, le soir du départ de la troupe pour la retraite de la nuit, j’ai pris la direction opposée à celle des autres, m’étant placé en dernier dans la file. Vers 10 heures du soir, c’était le départ, les autres en groupe et moi tout seul marchant dans l’inconnu, suivant un sentier qui longeait la forêt, la lune brillait et éclairait le paysage, je n’avais plus peur, il ne s’agissait plus que de s’en sortir vivant. Après 4 à 5 heures de marche solitaire, la fatigue se fit sentir ; le jour commençait à pointer et je distinguai une clairière. Avant d’y pénétrer, je me débarrassai de mon fusil et de mes munitions. Il devait être 4 ou 5 heures du matin, et je vis à une centaine de mètres de moi une sorte de hangar en meules de foin. Je m’en approchais et constatais que c’était une sorte de hangar souterrain circulaire, le toit en chaume avec une petite entrée à l’intérieur du foin, abri qui était à la mode dans les pays de l’Est et qui faisait réserve de foin pour l’hiver. Non loin 15 GUERRE 1939 - 1945 de là se trouvait une sorte d’abreuvoir à moitié plein d’eau. C’était le moment de se désaltérer et de nettoyer pantalon et sous-vêtements, parce que la dysenterie ne pardonne pas : on se salit de haut en bas. Je mis les vêtements sur le toit de la meule de foin pour les sécher, le soleil pointait son nez au-dessus de la colline et j’en profitais pour me reposer quelques heures. Après avoir séché mes vêtements et dormi un peu, il fallut continuer mon chemin. Avant de partir, je me débarrassais encore de mon revolver, que je fourrais à l’intérieur de la meule pour ne pas être attrapé avec une arme. Je partis donc dans l’inconnu, traversais la clairière en montant la colline. A mi-chemin de la colline, j’entendis un aboiement de chien ; je me dis : «Là où aboie un chien, il y a des humains». Je changeais de direction, un peu vers la gauche, en direction de cet aboiement. Arrivé en haut de la colline, et ayant amorcé la descente de l’autre côté, je vis au loin quelques maisons et me dit qu’il y avait là un village. En m’approchant plus près, je vis un homme qui fauchait dans un pré, car c’était la saison de la fenaison. Je l’appelais «Pan ! Pan ! Hé, pan !» (pan = Monsieur). Quand il me vit avec mon uniforme gris, il prit sa faux et partit vers le village. Moi, je l’appelais toujours, mais lui ne s’arrêtait pas, et ainsi je le suivis jusqu’au village. Dans le village, qui n’était qu’un petit hameau, déjà plusieurs bonshommes en armes s’étaient rassemblés pour me recevoir, le faucheur les ayant averti ; c’étaient des partisans polonais. On était le 22 juillet 1944. A la vue de ma misérable créature, amaigri et tout sale, ils ont eu pitié de moi, me laissèrent en vie et me dépouillèrent de mes chaussures, musette, couteau, fourchette et me donnèrent des pantoufles de chez eux. Il devait être 7 ou 8 heures du matin. Les partisans décidèrent de mon sort en discutant entre eux. La décision fut prise de me transférer dans le centre de rassemblement au village d’à côté, à un ou deux kilomètres plus loin. Un jeune homme, grand comme trois pommes, à peine âgé de 14 ans, portant un fusil aussi haut que lui, me fit avancer en me faisant signe avec son fusil et en restant à une dizaine de mètres derrière moi, le trajet vers le camp de prisonniers de Wolozyin commença avec la peur au ventre qu’il me descende et lui avec la peur que je l’attaque, parce que dès que je me retournais vers lui, il me visait, tenant son fusil des deux 16 mains, comme les chasseurs à l’affût de lièvres. Après une demi-heure de marche, j’eus soif ; je lui fis signe que je voulais boire quelque part. Arrivé à une mare à canards, il exauça mon vœu, me gardant toujours en point de mire et le calvaire continua. En passant à côté d’une ferme, une bonne femme me tendit un bol de lait que j’acceptai avec de grands remerciements, le jeune gronda et chassa la femme, mais me laissa quand même boire ce lait, qui n’était pas un bienfait pour moi, mais un régal, bien qu’à peine bu, il fallut faire le nécessaire, mon estomac ne gardant aucune nourriture du fait de la dysenterie. Vers douze heures, nous arrivâmes dans la ville de Wolozyin, juste au moment de la sortie des ouvriers d’une usine. J’eus droit à des coups de poings et des coups de pied dans le derrière. J’eus encore la force de faire quelques mètres, la peur au ventre, entouré d’une cohue de Russes qui voyaient en moi un ennemi, et reprendre le chemin vers le camp, toujours suivi de mon jeune gardien apeuré lui aussi par ce triste événement. Après cette longue marche pénible, le jeune me remit aux mains d’autres partisans qui m’emmenèrent au camp où, dès qu’ ils ont su que j’avais la dysenterie, ils me mirent à part dans une sorte de cave voûtée avec deux ou trois autres soldats allemands atteints de la même maladie ; parmi eux se trouvait un lorrain de Bettborn près de Sarrebourg, nommé Alfred Bader (qui est décédé depuis, après notre rapatriement). Etant les deux plus affectés par la maladie, nous avons été transférés à l’Hôpital Civil de Wolozyin ; la maladie étant très contagieuse, les partisans et les autres prisonniers nous évitaient comme des lépreux. On nous mit dans une chambre à part. Dans cet hôpital, il n’y avait ni médicaments, ni nourriture. Les familles des malades apportaient de quoi manger -légumes, pommes de terre, poules et autres, pain sec, etc, dont nous profitions. Les gens n’avaient pas d’argent pour payer leur séjour à l’hôpital, puisque les Allemands étaient partis et les Russes de passage. Une brave femme polonaise, infirmière à l‘hôpital, qui aurait pu être notre mère et qui avait aussi un fils soldat eut pitié de nous et s’occupa de notre santé. Je la vis comme la Sainte Vierge qui me sauva la vie en me donnant, ainsi qu’à mon copain de misère, des bouts de charbon de bois comme première nourriture et en même temps comme médicament. En le mâchant, ce charbon nous noircissait les dents et guérissait nos intestins. Après deux ou trois jours de ce régime, elle nous donna avec le charbon de bois, quelques morceaux de pain sec noir et nous remit ainsi peu à peu d’aplomb. Ayant repris un peu de forces, nous sortions de l’hôpital pour organiser notre propre nourriture en allant mendier de maison en maison. En nous voyant, les villageois avaient pitié de nous et nous offraient par ci un morceau de pain sec, par là une tomate verte, des choux, concombres, etc, que nous remettions à l’hôpital, mangeant parfois une soupe chaude, gardant le pain sec dans un petit sac en garantie pour la suite. Tous les jours, c’était la même promenade de mendicité, nous cachant de temps en temps à la vue de partisans en armes. Un beau matin nous avons toqué à une porte, une femme nous accueillit et nous invita à entrer dans la maison pour nous offrir un repas. A notre grande stupéfaction, elle parlait le français et nous apprîmes par la suite qu’elle avait fait des études à Paris. Elle nous offrit une soupe aux légumes et des pommes de terre en robe des champs, la pauvreté régnant là aussi. La table de la cuisine avait un creux au milieu pour mettre les pommes de terre. Nous mangeâmes à notre faim et, à la fin du repas, elle nous offrit des cigarettes, mais n’étant fumeur ni l’un ni l’autre, nous la remerciâmes. Elle en alluma une pour elle après nous en avoir demandé la permission pour ne pas nous déranger et nous remarquâmes qu’elle possédait des allumettes françaises. Avant de partir en la remerciant, elle nous invita pour le lendemain et nous avons accepté avec plaisir. Le lendemain, elle nous proposa de nous cacher chez elle jusqu’à la fin de la guerre et nous étions d’accord. Elle avait déjà un plan tout préparé et la date fut fixée au lendemain. Malheureusement, le lendemain matin, 7 septembre 1944, deux soldats partisans vinrent très tôt pour nous ramener au camp de partisans, ces derniers ayant constaté que notre guérison avait progressé. Notre plan tomba à l’eau. Chacun avait un petit sac en toile de jute plein de morceaux de pain sec grillé. Au camp, il fallait coucher dessus en le cachant sous l’oreiller, pour le protéger contre le vol de nos codétenus allemands et autres. Nous y restâmes une douzaine de jours et notre provision de pain étant épuisée, nous avons dû nous contenter de deux soupes journalières et d’un bout Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 de pain. Le 19 septembre 1944 au matin, nous fûmes réveillés très tôt : c’était le grand départ pour le camp de prisonniers de Minsk qui se trouvait à une quarantaine de kilomètres. Un morceau de pain et de l’eau, voilà notre ration de départ pour la route. C’était une longue file de prisonniers qui se suivaient : les plus costauds à l’avant, les plus faibles à l’arrière, pleins de la poussière qui s’élevait des routes des champs, comme si c’était une caravane de chameaux dans le désert. Au fur et à mesure que le temps passait, la file s’étirait et la fatigue se faisait sentir et les jambes s’alourdissaient. Plus d’un tombait par terre et se relevait de nouveau. Si un malheureux prisonnier ne pouvait plus se relever, un des soldats qui nous accompagnaient de chaque côté de la file, tous les vingt à trente mètres, et fusil en bandoulière, lui donnait le coup de grâce. Plus d’un y est resté sur le carreau. Plus le soleil montait au zénith, plus la soif nous tiraillait et nos gorges s’asséchaient. Vers midi, il y eut une pause et nous avons eu le droit de nous asseoir sur le bascôté, dans l’herbe. Une distribution de pommes de terre cuites à l’eau eut lieu et chacun avait droit à une pomme de terre, les chanceux une grosse, les malchanceux une petite ou une à moitié pourrie. En guise de dessert, nous fut servi un bol d’eau dans une gamelle que nous avions fabriquée avec une vieille boîte de conserves rouillée, avec un bout de fil de fer comme anse. Après une demi-heure de repos, on repartit, ayant repris un peu de forces, et le long calvaire recommença, que plusieurs ne menèrent pas jusqu’au bout. Le soir nous nous reposions dans une vieille grange ou une maison délabrée, pour repartir le lendemain matin, après avoir eu la visite des souris et des rats, ainsi que des puces. Ceci pendant trois jours et, enfin, le 22 septembre 1944, vers quatre ou cinq heures de l’aprèsmidi, nous arrivâmes à Minsk au camp de prisonniers, essoufflés, fatigués, et à moitié morts. Là, tout de suite, on nous rassembla, nous compta et nous cantonna dans des grandes pièces avec des lits en bois superposés. Après un bol de soupe chaude, nous avions droit au repos de la nuit. La vie du camp était programmée, réveil, appel, comptage, distribution d’un morceau de pain le matin, soupe de choux ou betteraves ou poisson ou Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 autre, légumes invisibles, car c’était l’eau qui prédominait, ceci midi et soir. Le 2 octobre 1944, tous les AlsaciensLorrains devaient se présenter pour contrôle d’origine, afin d’être transférés dans le camp des Français à Tambow, à 600 kilomètres au sud-est de Moscou. Quelle joie pour nous de nous savoir en route pour être rapatriés et quelle déception plus tard… Le 6 octobre 1944, départ pour Tambow dans des wagons à bestiaux, où nous couchions par terre sur de la paille, avec un seau pour faire nos besoins et vidange à chaque arrêt du train. Du pain sec et une soupe par jour lors d’un arrêt. Suite au tri dans les wagons, j’ai perdu mon copain Bader que je ne revis plus qu’après la guerre, et qui plus tard est décédé. Après 7 jours de voyage au même régime, nous nous arrêtâmes dans une grande ville et, de bouche à oreille, nous apprenions que c’était la capitale de Russie, la ville de Moscou. Après quelques heures d’arrêt où nous avons pu contempler Moscou de loin, avec quelques grands bâtiments, c’était de nouveau le départ du train vers Tambow, toujours au même régime, soupe et pain, mal de dos et de côté le matin et fatigue le soir pour se recoucher sur la paille. Enfin le 21 octobre 1944 dans l’aprèsmidi, nous sommes arrivés à destination à la gare de Rada, après 1 000 kilomètres de voyage en chemin de fer, pas loin du camp, dans la forêt de Rada. Tout le monde descendit des wagons en emmenant ses quelques effets personnels. Les gardes russes nous ont mis en rangs par quatre, à coups de crosse s‘il le fallait, et tout le monde courut pour rentrer au plus vite dans ce camp d’espoir. Après quatre kilomètres de marche en colonne, nous avons aperçu l’entrée du camp, les deux portes grandes ouvertes et surplombées d’une grande étoile rouge, emblème des Russes. Avant d’entrer, la «proverka», l’appel, le comptage, se fit plusieurs fois avant d’arriver au bon compte, suivi de la fouille. Heureusement, j’avais caché mon «Soldbuch», livret militaire, dans les caleçons autour de la jambe, et ceci jusqu’au rapatriement. Nous voilà en train de franchir le barbelés pour une période de onze mois, en croyant y entrer pour un court séjour. A l’entrée du camp, des deux côtés de l’allée centrale, s’étaient rassemblés d’autres prisonniers, venus avant nous et curieux, dans l’espoir de faire des retrouvailles d’amis ou de connaissances. Nous scrutions cette foule dans cette même perspective et voilà que je crus découvrir le visage d’un ami d’enfance qui lui-même se posait la même question, vu que nous avions l’air de clochards mal lavés, les vêtements sales par suite du long voyage en wagon à bestiaux. Est-ce toi, Albert ? Est-ce toi, Louis ? Ce fut pour chacun la première réaction et une grande joie nous saisit. Mais la marche continuait vers l’entrée d’un autre grillage de barbelés, camp dans l’enceinte du camp principal, et qui s’appelait la quarantaine. Là nous étions isolés des autres prisonniers pendant quatre semaines pour éviter la contamination de maladies. Tout autour de nous émergeaient les toits des baraquements, comme des taupinières au pied de cette forêt qui nous firent une impression lugubre et démoralisante. Nous avons passé tout de suite dans un baraquement appelé le sauna. Là, on se rendait dans un réduit pour se déshabiller et des coiffeurs nous rasèrent les cheveux et tous les poils. Des infirmières russes, pas maigres du tout, nous badigeonnèrent d’un liquide contre les parasites qui sentait mauvais et qui brûlait si on avait une plaie. Les vêtements furent déposés sur une sorte de crochet de fer qui passait sur l’étuve pour être épouillés. Nous avons passé au sauna où l’on suffoquait, où l’air était presque irrespirable, et la chaleur humide insupportable. Après nous être lavés dans une cuvette remplie de deux louches d’eau savonneuse, nous attendions tout nus d’être secs : pas question de serviette, nos vêtements encore humides, mais chauds. Lorsque la porte s’ouvrit pour sortir un vent glacial nous accueillit et plus d’un a attrapé un coup de froid. Nous avons ensuite marché vers le baraquement qui nous était destiné. Après une longue attente, on nous servit la première soupe à l’eau (…) chaude avant de pouvoir nous allonger sur les bat-flancs munis d’un mince «matelas», sac avec des feuilles mortes à travers lequel on sentait tout de suite les planches du lit. Après avoir mangé le bout de pain noir et humide reçu avec la soupe, nous nous endormions, morts de fatigue. La nuit nous fûmes réveillés par les puces qui nous chatouillaient le corps, le matin au réveil, les hanches, 17 GUERRE 1939 - 1945 les côtes et tous les os nous faisaient mal. Durant la quarantaine, la soupe fut distribuée trois fois par jour, chacun ayant droit à la valeur d’une louche, boîte de conserve attachée à un bâton, et le matin on recevait le bout de pain. Le camp étant entouré de quatre rangées de fil de fer barbelé, les visites d’autres prisonniers étaient impossibles, mais les curieux essayant de trouver une connaissance étaient tous les jours au rendez-vous de l’autre côté des barbelés. Mon ami d’enfance Altmeyer Louis, lui aussi, venait tous les jours pour prendre des nouvelles et me communiquer les siennes. La neige fit son apparition et le froid devint de plus en plus vif. Je n’avais comme vêtements qu’un caleçon, pantalon, et veste de treillis, on me donna en plus un manteau bleu de soldat d’avant-guerre. Au fur et à mesure que le temps passait, on s’habituait au froid de plus en plus rigoureux. Après quatre semaines de quarantaine, nous avons eu accès à une baraque du camp central. Il y en avait environ une soixantaine pour les prisonniers et une vingtaine d’autres. Les baraques, enfouies dans la terre, étaient longues de vingt à trente mètres, larges de dix et hautes de deux mètres. Le sol était en terre battue, balayé journellement avec des balais faits de branches de bouleau. Les prisonniers devaient faire divers travaux ou activités. Certains sont devenus coiffeurs, tailleurs, cordonniers ou autres. D’autres ont épluché les pommes de terre, entretenu les bordures des allées et des bancs, évacué la neige. Dans le cadre de la punition, il y avait la corvée de chiottes : malheur à ceux qui y passaient. Main-d’œuvre dans les kolkhoses, couper et transporter du bois, extraire de la tourbe, etc. Un matin, lors de l’affectation des travaux, j’eus la chance d’être mis avec le commando kolkhozes pour la fabrication de la choucroute. De très grands tonneaux de plusieurs hectolitres furent remplis de feuilles de choux que nous tassions pieds nus et en marchant en rond dans le fût, au fur et à mesure qu’il était rempli d’autres choux. Le soir en rentrant, nous cachions un chou entier sous le manteau, qui était mangé cru, si nous ne nous faisions pas attraper en rentrant au camp. Un soir, ça m’est arrivé. Le garde me l’a confisqué et m’a remercié de quelques coups de pieds dans le derrière. L’hiver, la neige et le froid faisaient leur apparition et c’était 18 la corvée de bois pour chauffer les baraquements qui contenaient entre 150 et 300 prisonniers, selon leur grandeur, puisqu’il y en avait deux sortes, grandes et petites. Il y avait un ou deux poêles selon la grandeur de la baraque. La nuit, nous étions réveillés par les punaises qui nous faisaient gratter la peau et nous empêchaient de dormir. Le matin, on sortait en forêt pour chercher des branchages de bouleau pour chauffer nos poêles, et gare à celui qui n’avait que deux branches, c’était les coups de pied au derrière et il fallait en prendre deux ou trois branches de plus pour les traîner jusqu’au camp par un froid rigoureux jusqu’à -30°. En cas de dépassement des -30°, on n’avait plus le droit de sortir. A chaque sortie et rentrée, c’était le comptage, qui durait parfois plus d’une demi-heure et qui nous faisait piétiner sur place pour ne pas nous geler les pieds. Après une quinzaine de jours à ce rythme, je fus affecté au travail dans la cordonnerie pour cause d’affaiblissement. Là, je fabriquais des souliers et des bottes avec des semelles en bois et des jambières de vieilles bottes pour les prisonniers en mal de chaussures. Plus tard, on me nomma chef d’équipe de l’entretien de notre baraque. J’étais responsable de la propreté de cette dernière. Avec 3 à 4 prisonniers affaiblis, nous devions balayer chaque matin les allées et couloirs, contrôler si les lits étaient en ordre, si rien ne traînait, entretenir le feu, etc. Entre temps, après la sortie de la quarantaine, j’avais retrouvé mon ami d’enfance Altmeyer Louis qui lui travaillait comme bûcheron au commando de la forêt et plus tard comme fendeur de bois à la cuisine. C’était un travail plus dur et de ce fait il touchait plus de nourriture, une soupe plus épaisse et une gamelle pleine de kacha, sorte de sarrasin moulu et cuit à l’eau. En amélioration de notre menu, nous recevions avec la soupe de midi, une cuillerée de ce même kacha. Les premiers mois de notre détention, nous obtenions une portion de «mahorka», un tabac russe grossier, que j’échangeais contre du pain ou kacha avec les bûcherons fumeurs ou les fumeurs de la cuisine, ceux-ci ayant toujours du «rabe». Mon ami Louis manquait de chaussettes pour mettre dans ses bottes en feutre. Je lui en fabriquai avec des bouts de tissu, et en retour il me procura de temps en temps une lou- che de kacha, ce qui convenait bien à ma santé. Par la suite, Louis et moi avons retrouvé un autre camarade de jeu de notre enfance, Ehrhardt Ernest, qui lui aussi se promenait dans le camp et qui avait la fâcheuse habitude de boire de l’eau stagnante dans les flaques à côté des allées, ce qui lui ouvrait un chemin direct vers la dysenterie et l’infirmerie ou la morgue. Nous lui donnâmes la consigne de ne plus en boire, sinon nous prendrions des mesures sévères envers lui, parce que nous voulions rentrer tous les trois chez nous. Un beau matin, lors d’une promenade, nous vîmes Ernest en train de boire de nouveau de l’eau stagnante, et nous lui avons mis une bonne raclée en guise de représailles, avec promesse d’une deuxième pour l’en dissuader ; ceci fut suivi d’effet : Ernest n’en buvait plus, ce qui lui sauva la vie et lui offrit la chance de rentrer plus tard avec nous dans notre chère Alsace. Les jours passèrent ainsi, l’un après l’autre. Une ou deux fois nous avons reçu un morceau de papier pour écrire quelques mots à la maison. Nous étions pleins d’espoir de recevoir des nouvelles de la maison, après que les papiers mentionnant l’adresse de notre famille aient été ramassés par le chef de baraque et soi-disant rendus aux autorités russes. Les jours et les semaines passèrent, mais toujours pas de nouvelles de chez nous. Les jours passèrent, le printemps se pointait avec les premiers rayons de soleil à travers les arbres, et ce fut l’été, et toujours le même rythme de vie. Les dimanches, il y avait parfois un match de football pour les bien portants auquel nous pouvions assister. Les mois de mai et juin passèrent ainsi. Un jour la rumeur circula que bientôt nous allions rentrer dans notre pays, mais il fallait attendre encore un mois. Vers la fin juillet, tous les Français devaient se faire inscrire chez les Russes pour être rapatriés. Quelle joie de voir venir ce jour ! Nous avons reçu de nouveaux habits, des uniformes russes. Le 1er août, nous avons été prévenus de notre proche départ et avons eu droit à un meeting d’adieu. Ah, quelle joie ! Le lendemain 2 août, vers 17 heures, s’effectua la sortie du camp et, vers 19 heures, la longue colonne s’en alla vers la gare de Rada. Après un embarquement laborieux, et une longue attente, le train quitta la gare de Rata le 3 août entre 22 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 et 23 heures, pour un long périple de plusieurs milliers de kilomètres qui nous mena à Voronezh le 4 août, Kursk-LiskiKharkow le 6 août, Poltava et Kiev le 7, Vinnitsa le 8 et Tchernovtsy le 9 août. Suite à la destruction de nombreuses voies ferrées, nous prîmes différentes directions et nous avions peur d’aller vers la Sibérie qui nous hantait pendant les derniers mois. Le 10 août nous remontions vers Stanislau, le 11 à Lemberg, Lublin, Siedlee et le 13 nous arrivions à Varsovie, sur la Vistule, et Kutno. A Varsovie, nous fûmes rassurés, nous avions pris la direction de l’ouest. Là, ce fut le premier contact avec la population polonaise qui, elle-même affamée, partageait avec nous le peu qu’elle avait. En cours de route, il fallait parfois s’arrêter pour nous ravitailler ; la locomotive elle-même n’avait plus de quoi se nourrir. Alors, en pleine forêt, c’était l’arrêt : quelques hommes coupaient des arbres et chargeaient à bloc le tender. On chargea même un tas de traverses de rails ! Le 14 août, nous sommes à PoznanSpaszina-Neu-Bentschen, le 15 nous arrivons à Francfort-sur-Oder. Le pont de l’Oder est détruit, nous faisons un arrêt forcé, on change de wagons. On a le temps d’aller dans les champs pour chiper des légumes et pommes de terre, avec mon copain Altmeyer Louis. On fait cuire les pommes de terre sur un feu de bois, dans un seau à deux tiers plein, on en mangea tant qu’on a failli mourir d’indigestion, notre estomac étant trop rétréci. Le 18 août, on quitte Francfort, laissant derrière nous la ville sinistrée, la misère indescriptible, et arrivons vers Berlin, que nous contournons. Le 19 nous passons Belzig et Magdebourg et quittons la zone russe le 20 à Alversdorf. Nous sommes pris en charge par la Croix-Rouge française, en zone britannique. Là nous recevons pour la première fois une nourriture normale et des soins médicaux. Nous assistons à une messe avec communion. L’après-midi, nous nous promenons à Schöningen. Le 22 août à 9 heures, départ en wagons voyageurs via Brunswick-LehrteHanovre, où il y a un ravitaillement avec pain, beurre, saucisse, fromage, marmelade, confiture, pain de guerre, soupe et café offert par la Croix-Rouge. On passe à Stadthagen - Minden sur la Weser - Osnabrück - Munster. Le 23 nous touchons Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 un paquet de la Croix-Rouge avec friandises, cigarettes, de quoi manger, café et dessert, petits pains ; nous passons à Wesel et le soir du 24 nous arrivons à Kevelezr, au camp de Bedburg, près de la frontière hollandaise, où nous recevons à nouveau soupe, colis, etc. La nuit nous couchons assez confortablement sous des tentes. La municipalité nous a offert une petite réception animée par les chanteurs de Tambov, avec de la musique, des danses et chants, le tout sous la direction d’un instituteur haut-rhinois, M. Mitchi. Le 25 août départ avec ravitaillement chocolat, viande en conserve et pain de guerre. Dans la nuit du 25 au 26, nous arrivons à Eindhoven en Hollande, où, sur le quai de la gare, se trouvent d’énormes marmites de café et des stands de pain blanc, gâteaux, etc. Avant de partir après ravitaillement, chacun reçoit encore des cigarettes et un morceau de ruban orange, couleur symbolique des souverains des PaysBas. Nous rentrons en Belgique en passant par Hasselt-Mechelen-SchaerbeckBruxelles où nous recevons un accueil inoubliable et où les larmes se mettent à couler. Dans un grand hall garni de guirlandes et des portraits géants des chefs alliés, de longues tables sont alignées, avec pour chacun un bol de café, sucre, quatre pains blancs avec beurre, saucisse, confiture, gâteaux secs, chocolat, cigarettes. Tout ceci nous a été offert avec une telle bonté et gentillesse que nous en étions bouleversés. Nous passons à Misseran, traversons la frontière et arrivons à Valenciennes dans la nuit du 27 vers 2 heures 30, la nuit. Nouveau ravitaillement dans un camp, pain, café, sardines et un paquet de Belgique, colis et 2 600 Frs. avoir reçu quelques effets militaires français en remplacement des uniformes allemands ou russes que nous avions portés jusque-là, nous sommes libérés. Le 29 au soir, vers 22 heures, départ du camp, et vers minuit et demi, le 30 août, départ en train de permissionnaires via Dijon-Belfort-Mulhouse-Colmar-Sélestat et Strasbourg. De là, je pris le train pour Diemeringen, où j’arrivai vers 2122 heures. Aucune administration, ni la presse, n’avaient jugé nécessaire de prévenir nos familles de notre arrivée, bien que nous ayons été en contact avec les autorités françaises depuis le 20 août 1945. Heureusement, mon copain Altmeyer Louis, pour cause d’ordre alphabétique, avait été libéré un jour plus tôt, a pu prévenir mes parents de mon arrivée le lendemain et eux ont pu organiser ma rentrée de Diemeringen. En sortant de la gare, je vis un attelage, un cheval tirant une charrette appartenant à M. Matt Charles et, à côté, en attente, mon père et ma sœur, que je pus prendre dans mes bras en sanglotant de joie de ces retrouvailles après 13 mois de captivité, amaigri, et ne pesant plus que 49 kilos pour mon mètre 82… Vers minuit, nous arrivâmes à Oermingen, devant la maison de ma jeunesse, et grande fut la joie de revoir et d’embrasser ma mère. La veillée fut longue, car chacun avait beaucoup de nouvelles à raconter. Et ce fut le sommeil du guerrier fatigué. Le lendemain, après avoir dormi du sommeil du juste, je revis ma chère Irène, triste et joyeuse à la fois, des larmes de joie dans les yeux, elle qui se disait pendant quatre mois «rentrera-til, ne reviendra-t-il plus jamais ?». Premier contrôle de notre identité : nous devions défiler devant des jeunes gens munis de gros annuaires qu’ils consultaient après nous avoir fait décliner notre identité. Les volontaires de la LVF qui faisaient partie du convoi, notamment les animateurs du cabaret «Radio Tambov» ont été repérés et immédiatement arrêtés. C’était dimanche, et vers 16 heures, départ via St-Quentin-Laon-Reims-Châlons’surMarne-Saint-Dizier-Chaumont-LangresDijon-Châlons-sur-Saône. Arrivée le 28 vers 17 heures ; nous couchons à la caserne après avoir dîné. Le lendemain, nous sommes soumis à un interrogatoire de la part d’officiers du 2e bureau. Après 19 GUERRE 1939 - 1945 Le lundi, 30 juin la Délégation générale a proposé à ses adhérents une sortie au Musée du Pays de la Zorn à Hochfelden pour visiter une exposition sur le PLAN «SUSSEX 1944» page d’histoire exceptionnelle, mais malheureusement peu connue, de l’une des actions de renseignement des plus importantes de la Seconde Guerre Mondiale, restituée à travers plus de 350 objets, photos documents originaux (diaporama) 20 Une trentaine de personnes ont ainsi été pilotées par l’auteur de l’exposition, Dominique SOULLIER, fils d’un des agents de renseignements. Depuis des décennies, M. SOULLIER s’investit dans cette action de reconstitution afin que cette valeureuse action ne tombe dans l’oubli. Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 GUERRE 1939 - 1945 Remerciements à Dominique SOULLIER d’avoir fait connaître cet aspect peu connu de la 2e Guerre mondiale Dominique SOULLIER Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 21 INTERNET CONNAISSEZ VOUS LE SITE INTERNET DE LA DELEGATION DU BAS-RHIN DU SOUVENIR FRANÇAIS ? Enfin grâce aux possibilités qu’offre ce média moderne et convivial vous pouvez lire ou relire le journal de liaison de la Délégation «LIEN67», huit numéros sont en ligne et n’attendent qu’un simple mouvement de votre souris pour apparaître sur votre écran. A la rentrée, nous ouvrirons une rubrique pour nos jeunes adhérents La Délégation Générale du BasRhin attend votre visite sur son site qui est aussi votre site !! Venez-y périodiquement, apportez-nous vos idées, vos suggestions, faites connaître ce site qui fera connaître à son tour le SOUVENIR FRANÇAIS du BAS-RHIN. Ce site, ouvert en octobre 2007 compte à ce jour plus de 700 visites. Il est l’un des vecteurs de communication de la Délégation Générale, pour y faire connaître les événements qui concernent la vie de la Délégation du Bas-Rhin. Mis à jour plusieurs fois par mois, les visiteurs y trouvent toutes les informations nécessaires pour adhérer, pour connaître l’historique et les missions de notre Association ou simplement pour y chercher les dates et les lieux des manifestations qui se déroulent dans notre département. Un sommaire facile d’accès, permet aux visiteurs et d’un simple clic d’accéder aux coordonnées des présidents des comités dont ils dépendent, ou de joindre directement la Délégation Générale. A partir de ce sommaire chaque visiteur peut se diriger sur les autres sites des comités du département et bien sur le site national. Une rubrique dans laquelle la Délégation fait sa «revue de presse» tantôt pour présenter des articles évoquant le devoir de mémoire tantôt pour se faire l’écho d’articles qui interpellent notre curiosité… Bien d’autres surprises vous attendent lors de la visite de ce site, dont une surprise musicale qui nous n’en 22 doutons pas vous tirera les larmes aux yeux. N’avez-vous jamais écouté «La Strasbourgeoise» ?? Retrouvez là sur votre site !! Enfin chaque mois, nous mettons en ligne la biographie de ceux qui ont fait l’histoire de notre beau pays, combattants de toutes les guerres, Résistants, Compagnons de la Libération, Héros anonymes ou Héros locaux. Chaque début de mois,vous trouvez un nouveau portrait… Bonne visite, bonne lecture….. Je rappelle l’adresse du site : http://www.souvenir-francais67.fr Marc EPHRITIKHINE Webmaster (mcnpi@wanadoo.fr) Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 HOMMAGE SOUVENONS-NOUS, 6 JUIN 1944 QUI T’ES TOI, Et d’abord, qui t’es toi ? Moi ? Je suis pas grand’chose, presque rien De la chair à canon, un G.I’ quoi Ceux qu’on appelle les Ricains Je suis celui qui est venu avec tant d’autres, Qui est entré en Normandie par effraction Pour jouer les samaritains, les bons apôtres, Et qui a contribué à ta libération On est arrivé, du chewing-gum plein les poches, Faisant avec les doigts, le V de la victoire Croyant d’un coup de balai, chasser les boches Et du même coup entrer dans l’histoire On nous critique, on nous éreinte, On est les Ricains, les Amerlos, mais on est venu chez vous sans une plainte, et sans regrets, nous sommes entrés dans l’eau. Nous les avons parcourues toutes ces plages : Gold, Sword, Juno, Utah, et Omaha, Sous le feu de l’ennemi, nous sommes sortis des barges, Et sans hésiter, nous avons livré combat. Aujourd’hui, le 6 juin, c’est notre anniversaire, Le jour sinistre de la plus grande bataille, Le jour qui a fait pleurer tant de mères, et qui nous a bardé la poitrine de médailles. Nous étions fiers de nous battre pour la France, Pour nous, vous avez envoyé La Fayette, Nous avons exprimé notre reconnaissance, Et largement remboursé notre dette. Avec mes copains, on est là sous cette terre, Dans ce coin de Normandie vraiment banal, On a droit, une fois l’an, à une prière, mais on repose dans l’indifférence générale. S’il vous plaît, un peu de reconnaissance, nous sommes tombés pour vous par milliers, Afin que flotte le drapeau de la France, Et que dans le monde revive la liberté. Nous ne demandons pas grand chose : Un peu de respect, une minute de silence, Sur notre tombe, qu’on dépose une rose, C’est peu tout de même pour une délivrance. Hubert Denys Gendarmes d’Hier et d’Aujourd’hui N° 177 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 23 BENFELD - Président : René Eck Sortie à Sigolsheim Les 31 mai et 1er juin 2008 une sympathique réunion a eu lieu avec les anciens du BM 24 venus de Paris, Marseille et Perpignan sur les lieux de leur engagement lors de la Libération de l’Alsace au printemps 1945. Un émouvant dépôt de gerbe a été organisé par le Souvenir Français et les Libérateurs au monument de la 1ère DFL à Obenheim et au carré militaire de Kogenheim où reposent un grand nombre de soldats morts lors de ces engagements meurtriers. Les «anciens du BM 24», accompagnés par les écoliers du CM2 d’Obenheim sont également allés par une belle journée à la nécropole militaire de Sigolsheim pour se recueillir sur les tombes des leurs tombés au Champ d’Honneur. Bischwiller - Président : Maurice Bartholomé Cérémonie du 8 Mai : Le Souvenir Français à l’honneur Bischwiller a commémoré avec ferveur le 63e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945 en se retrouvant autour du monument aux morts local. Après un choral joué par l’orchestre d’harmonie et la lecture d’émouvants textes par deux élèves de l’école Foch, membres du conseil municipal des enfants, le maire Nicole Thomas a salué la présence .des élus locaux et autorités civiles et militaires, tout en remerciant les détachements du 45ème régiment des transmissions et des sapeurs pompiers, ainsi que l’orchestre d’harmonie. Création de l’organisation des Nations Unies, de l’Unesco, de l’Unicef « Nous sommes réuni aujourd’hui dans le recueillement pour deux raisons: pour ‘nous souvenir, mais aussi pour fêter une victoire. Nous voulons d’abord, une fois de plus, nous souvenir. Nous voulons témoigner notre reconnaissance à tous ces combattants qui ont refoulé l’envahisseur, à tous ces soldats qui sont morts pour 24 Remise du drapeau flambeau neuf à la section locale du Souvenir Français. (Photo DNA) la patrie. Nous rendons hommage aussi aux innombrables victimes de la Seconde Guerre Mondiale». Le maire devait évoquer audelà du souvenir de la Victoire du 8 mai, quelques autres victoires de cette année 1945 : création de l’organisation des Nations Unies, de l’Unesco, de l’Unicef mais aussi essor économique, essor de la démocratie, élan de solidarité. La cérémonie a été l’occasion de mettre à l’honneur la section locale de Bischwiller du Souvenir Français, la plus jeune section bas-rhinoise sous la présidence de Maurice Bartholomé. La présidente départementale remit alors officiellement le drapeau au responsable de la section. DNA 10 mai 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Brumath - Président : Léon Ball Escapade en Haute-Vienne 17-18-19 septembre 2007 Le Souvenir Français du Canton de Brumath sous la Présidence de Monsieur Léon BALL a fait dernièrement un voyage en Haute-Vienne. Un arrêt s’imposait dans les caves de Beaune où une dégustation de vin a été organisée pour le plaisir et le palais de tout le groupe. Le bus s’est ensuite dirigé vers Limoges avec halte à la Ganterie, visite d’une ancienne Boucherie et petit tour de train pour visiter cette si belle ville. Fidèle à sa tradition de mémoire le groupe s’est ensuite dirigé sur ORADOUR-SUR-GLANE pour visiter le Centre de la Mémoire. Le Président Léon BALL en présence de l’adjoint au Maire de ORADOURSUR-GLANE, ont déposé une gerbe au cimetière en souvenir de cette si terrible tragédie. Ce fut un moment de recueillement et d’intenses émotions. D’ores et déjà le groupe a sollicité le Président pour visiter un autre lieu de Mémoire l’année prochaine. marmoutier - Président : Raymond Jochem Perpétuer la mémoire L’assemblée générale du Souvenir français s’est déroulée dans une salle de la mairie de Marmoutier. Après la présentation des différentes personnalités et les chaleureuses salutations de M. ]ochem, une minute de silence a été observée à la mémoire des membres décédés dont Michel Zagala, le réviseur aux comptes.. Mme Haettinger a lu le procès-verbal de l’A.G. du 30.11.2.006 qui a été approuvé à l’unanimité. Le rapport financier de l’année 2006/2007 a été détaillé par M. Cunay. M. Demay a signalé qu’il avait effectué 18 sorties avec le drapeau et M. Jochem en a effectué 20. L’efLien 67 - N° 11 - Septembre 2008 fectif au 30.09.2007 s’élève à 142 adhérents dont 5 associations et 4 enfants. Le comité étant sortant a été réélu à l’unanimité. Mme Hincker, déléguée générale départementale du Souvenir français, a souligné le travail fourni. Elle a demandé de continuer dans cette voie afin que la flamme du Souvenir français ne s’éteigne jamais. Le diplôme d’honneur du Souvenir français a été remis à A.M. Dach de Marmoutier. L’assemblée générale s’est terminée par le traditionnel verre de l’amitié. DNA 20 février 2008 25 obernai - Président : Roger Dagorn La stèle des aviateurs anglais Il aura fallu attendre 64 ans et la motivation d’un groupe d’hommes décidés, attentifs à l’histoire, pour que la mémoire de la chute d’un bombardier dans la nuit du 28 au 29 juillet 1944 près de la maison forestière du Willerhof ne se perde dans la nuit des temps. C’est sous l’impulsion d’Étienne Barthelmé, un passionné d’histoire aéronautique militaire d’Obernai, que le Souvenir français, représenté par Roger Dagorn et Raymond Hollerich, a pris l’initiative d’ériger une stèle du souvenir sur les lieux du crash d’un bombardier anglais de retour de mission en Allemagne. L’avion avait été endommagé par la DCA au niveau de Strasbourg et avait fini par tomber près d’Ottrott. L’armée de l’air a rendu les honneurs aux aviateurs anglais Avec l’accord du syndicat forestier d’Obernai-Bernardswiller et avec l’aide du garde-forestier Pierre Chauvin, secondé par les ouvriers forestiers du secteur d’Ottrott, le projet prend forme. Pour ce faire, il faut trouver l’endroit le plus proche de la chute du Lancaster qui soit accessible au public, puis fabriquer et ériger la stèle. Il était logique de choisir la journée souvenir du 8 mai pour inaugurer le monument. La première étape de cette cérémonie se déroula au cimetière du bas à Ottrott en présence des familles et des personnalités anglaises qui avaient fait le déplacement pour honorer la mémoire des aviateurs et fleurir leur tombe. La municipalité d’Ottrott, représen26 La stèle a été érigée en un endroit accessible au public dans la forêt du Willerhhof. (Photo DNA) tée par son maire, Claude Deybach, a déposé une gerbe. Egalement sur place, le docteur Pattison, président de l’amicale des anciens de la Royal Air Forçe, et les membres du Souvenir français. L’inauguration de la stèle a pris naturellement une forme beaucoup moins intime et nettement plus officielle. Pour rehausser cette manifestation, à laquelle participait la musique municipale et une délégation des Pompiers d’Ottrott avec leur chef de corps, un détachement militaire de l’armée de l’air de la base aérienne de Drachenbronn avait fait le déplacement pour rendre les honneurs. De nombreuses personnalités civiles et militaires étaient réunies dans ce valIon, près du lieudit Willerhof. Après les allocutions d’usage, le docteur Pattison et Roger Dagorn dévoilèrent la stèle. Ce fut un grand moment d’émotion pour les membres des familles anglaises présentes. Car il n’est pas courant aujourd’hui que l’on se souvienne encore, au bout de tant d’années. du sacrifice de l’équipage d’un bombardier qui a contribué à sa manière à rétablir la paix. Pour clôturer cette émouvante journée, la ville d’Obernai, représentée par son maire Bernard Fischer, a invité tous les participants à la mairie. C’est avec émotion et en français que le docteur Pattison tint à dire sa satisfaction de voir que «mémoire» n’est pas un vain mot. Le docteur Pattison et Don Hunter, dernier membre survivant de l’équipage, représenté en la circonstance par sa fille Shelley. se sont vu remettre une médaille commémorative d’Obernai gravée à leurs noms tandis que les parents du pilote H. Jones ont reçu un livre-souvenir de cette journée. Lu.B, DNA 11 mai 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 obernai - Président : Roger Dagorn Un panneau explicatif A côté de la stèle commémorant la chute d’un bombardier anglais Lancaster en juillet 1944 est désormais installé, grâce notamment au Souvenir français, un indispensable panneau explicatif mentionnant les noms et les photos de l’équipage et le déroulement de la dernière de l’avion. (Doc remis) DNA 3 juillet 2008 La stèle des aviateurs anglais : Inauguration La Stèle du Lancaster NE 164 a été érigée à l’initiative des membres du Souvenir Français du Canton d’Obernai en mémoire des sept membres d’équipage du bombardier Lancaster qui s’est écrasé près du Willerhof le 28 juillet 1944. De retour d’une mission de bombardement sur Stuttgart, le quadrimoteur anglais a été abattu par la chasse de nuit allemande. Jeudi 8 mai 2008, en hommage à ces aviateurs, la stèle a été inaugurée lors d’une émouvante cérémonie, en présence de nombreuses personnalités, de représentants de l’Ambassade britannique, de la Royal Air Force, de l’Armée de l’Air française et des familles des aviateurs britanniques ainsi que de Roger Dagorn, Président du Souvenir Français d’Obernai, de Claude Deybach, Maire d’Ottrott, de Bernard Fischer, Maire d’Obernai, et du Dr Bryan Pattison, Directeur de la Royal Air Force Association. Après cette inauguration, une réception a eu lieu à la mairie d’Obernai où Bernard Fischer a remis la médaille de la ville d’Obernai à la famille du Sergent Hunter et au Dr Pattison. Le Courrier S’Blattel N° 19 du 15 mai 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 27 sélestat - Président : Col François Jacquot Châtenois - Au camp du Struthof : Devoirs de mémoire Les élèves des classes de 3ème du collège de Châtenois ont rendez-vous cette semaine avec une page particulièrement sombre de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Les collégiens se sont rendus au camp de concentration du Struthof. Deux portes battantes hérissées de barbelés condamnent l’entrée d’un imposant porche en bois. Au-dessus, l’inscription indique un nom : «Konzentrationslager Struthof-Natzweiler». De 1940 à 1944, une piste abrupte de 800 mètres a été l’unique accès pour rejoindre le camp. Le chemin passe devant une demeure bourgeoise avec piscine. La maison réquisitionnée a logé les différents commandants du camp. Les bourreaux aimaient vivre à coté de leurs victimes… Aujourd’hui, les visiteurs passent par un autre chemin. Avant d’entrer dans le camp de l’horreur, les élèves de 3ème du collège de Châtenois ont donc longé un grand bâtiment noir abritant le Centre européen du Résistant déporté, inauguré en 2005. Sept miradors entourent le camp du Struthof. A l’arrière-plan, le mémorial de la déportation surplombe 1 120 tombes de déportés français. (Photos DNA-Franck Delhomme) Accompagnés de François Jacquot, responsable de l’association du Souvenir Français et du résistant Lucien Frey, les collégiens casténitains ont fait leur devoir de mémoire. Il y a quelques semaines, les élèves avaient suivi les explications de François jacquot sur la seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, ils doivent remplir un questionnaire comptant dans leur moyenne d’histoire. L’arrivée des collégiens de Châtenois devant l’imposant porche du camp de Struthof. raison de sécurité. Officieusement, certains pensent qu’il fallait rapidement tourner la page. Il est néanmoins dommage que les autorités n’aient pas laissé aux historiens ne seraient ce qu’un an afin de pouvoir fouiller et analyser les inscriptions laissées sur les parois…», indique François Jacquot. Les baraquements ont été construits en espaliers avec, pour chacun, une place de rassemblement. Lucien Frey est affecté au no 14 début 1942. Le résistant n’a alors que 16 ans. L’adolescent vit neuf mois au rythme du camp. Levé tous les jours à 4 h pour être prêt au rassemblement à 5 h 30. « Tous le monde devait sortir des baraques. Même les morts! Les rassemblements pouvaient durer des heures comme seulement dix minutes. » Lucien Frey participe aux fondations de la prison. Il est transféré avant de voir en activité le four crématoire. Lucien Frey ne retourne au Struthof Les jeunes doivent savoir… On ne doit pas leur dire toute l’horreur. Cela ne servirait à rien. Première surprise dans l’enceinte même, il ne subsiste rien des baraquements ayant abrité les prisonniers. «Elles ont brûlées en 1956 sur commission du préfet du Bas-Rhin Paul Demange, enfant de Sélestat. Officiellement, elles ont été détruites pour 28 Le four crématoire au camp du Struthof permettait de faire disparaître les corps des déportés. Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 sélestat - Président : Col François Jacquot qu’en 1974. « je ne voulais pas venir. Je l’ai fait pour la famille», résume-t-il. «Aujourd’hui, je reviens régulièrement. Les jeunes doivent savoir... » Sa gorge serrée par l’émotion l’empêche d’en dire plus. Silence. Il se reprend. Gêné. «On ne doit pas leur dire toute l’horreur. Cela ne servirait à rien. Ils doivent connaître l’essentiel. C’est bien suffisant! « Lucien Frey se souvient des incessantes brimades. Les détenus ne pouvaient approcher à plus d’un mètre à proximité de la ligne électrifiée. Dans les miradors, les gardiens avaient ordre de tirer à vue. «Un de leur jeu était de donner un coup de pied dans le dos des détenus qui avaient des brouettes. Ceux-ci chutaient près des lignes... » Ce sadisme était bien récompensé. «Les SS avaient des jours de permission, des cigarettes, du schnaps et de la saucisse », indique François Jacquot. Lucien Frey est toujours ému lorsqu’il revient au camp du Struthof. de la tolérance. Il ne faut pas oublier mais surmonter afin que plus jamais ceci ne soit réalité. Cela ne doit pas rester des mots comme lors de ce deuxième dimanche d’août 1939 où même le ministre de la Guerre était présent au Linge pour dire pendant des heures : «plus jamais cela». Deux semaines après, la Seconde Guerre mondiale éclatait… Ce sera à vous le moment venu de dire non !». Vivien Montag, DNA 14 mai 2008 Le résistant Lucien Frey témoigne devant les collégiens de Châtenois. Outre les harassants travaux dans les carrières de granit du Mont-Louise, les détenus pouvaient subir des expérimentations de trois professeurs réalisant des travaux sur le typhus, l’ypérite (appelé aussi gaz moutarde) ou le phosgène. En contrebas du camp, l’annexe d’un hôtel servant de salle de bal sera modifié en chambre à gaz : 87 personnes y périront. Au camp, les détenus ne mourant pas de fatigue et de faim étaient tués par pendaison ou par balle. Leurs corps disparaissaient dans le four crématoire, Le lieu est encore chargé d’émotion. Camille Marbach de Scherwiller aura seulement fait deux pas dans ce bloc et n’aura pas vu la plaque commémorative saluant les 108 disparus du mouvement Alliance. «Je ne peux pas» souffle-t-elle. A côté du block transformé en musée, la potence est toujours dressée… François Jacquot conclut la visite devant elle: «Il ne faut pas avoir de sentiments de haine et de vengeance mais plutôt du pardon et Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 La potence est dressée à proximité du bloc abritant le musée. 29 sélestat - Président : Col François Jacquot Avec le Souvenir français, sur les traces des passeurs Sous l’égide du comité local du Souvenir Français, six classes CM2 des écoles de Saint-Martin et Sélestat (Dorlan et centre) ont découvert, les 16, 20 et 29 mai, le sentier des passeurs, lieu de mémoire. En 1940, l’Alsace est annexée par les Allemands qui rétablissent l’ancienne frontière de 1871. Elle passe sur la ligne de crête, à la limite départementale entre les Vosges et le Bas-Rhin. Cette frontière représentait, pour de nombreux Français et étrangers fuyant la terreur nazie, une limite à franchir pour quitter l’Alsace et accéder à la liberté. Ils étaient déserteurs, Alsaciens réfractaires à l’incorporation de force dans l’armée allemande, prisonniers évadés des camps allemands, officiers britanniques et américains en mission de renseignement revenant d’Allemagne… avec de fausses cartes d’identité Un des itinéraires, celui emprunté par les scolaires, reliait Salm (près de Schirmeck) à Moussey (dans les Vosges), aujourd’hui appelé le sentier des passeurs. Il témoigne du courage de ces hommes qui ont apporté leur aide au péril de leur vie. Une stèle leur rendant hommage est érigée depuis quelques années sur l’ancienne frontière. Des passeurs, mais aussi d’autres résistants, comme le garde forestier de la maison forestière de Salm qui surveillait les mouvements des patrouilles allemandes, le secrétaire de mairie de Moussey qui établissait de fausses cartes d’identité, les gendarmes de la brigade locale qui assuraient leur protection, le curé de la paroisse qui cachait ceux qui fuyaient dans l’église, les familles du village qui les hébergeaient, sans oublier René Farine, qui avait 13 ans en 1944, et qui témoigna devant les scolaires comment il portait les messages cachés dans la doublure de son béret à la barbe des Allemands. 30 Une stèle en mémoire des passeurs érigée sur l’ancienne frontière. Photo DNA En arrivant à Moussey, les élèves ont observé quelques instants de silence devant le monument de la Déportation. En effet, ce village-martyr est le 2ème village de France après Oradour-sur-Glane à avoir subi le plus de pertes civiles pendant la Seconde Guerre mondiale; en août et septem- bre 1944, 187 habitants masculins ont été déportés et 144 sont morts dans les camps. Grâce aux guides, MM Jérôme et Ledig, les élèves ont vécu en direct une leçon d’histoire de France. DNA 8 juin 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 sélestat - Président : Col François Jacquot Une tranche d’histoire bien vivante Comme chaque année, le comité local du Souvenir Français a organisé trois journées «découverte» sur les lieux de mémoire au profit de six classes CM2 des établissements scolaire de Muttersholtz et Sélestat (Jean-Monnet, Sainte-Foy et école annexe). La matinée a débuté par la projection d’un film sur le champ de bataille du Linge. Ce site présente un aspect saisissant: l’infrastructure du solide système de défense allemand bien conservé et les vestiges des tranchées françaises en terre meuble creusées à la hâte. Entre le 20 juillet et le 16 octobre 1915, quelque 17 000 jeunes français et allemands y ont laissé leur vie. Les conditions météorologiques défavorables n’ont pas permis à toutes les classes de se recueillir au cimetière militaire du Wettstein. Après le déjeuner tiré du sac, courte halte à la Croix du Moulin à Jebsheim où se déroulèrent fin janvier 1945, durant cinq jours et cinq nuits, de terribles combats faisant Les jeunes ont découvert le cimetière militaire détruit, dans le cadre de la réduction de la poche de Colmar. La sortie s’est achevée au muséemémorial Maginot de Marckolsheim où les enfants ont été accueillis par M. Klein et le colonel Herrbach qui ont su les captiver par des explications fournies tout au long de la visite à l’intérieur de la casemate comme à l’extérieur. Pendant plus d’une heure, ils ont circulé dans les différentes pièces de l’ouvrage et pu observer aux abords de nombreux matériels d’origine française, américaine et même soviétique (en mémoire aux Malgré nous). Une leçon d’histoire qui restera dans leur mémoire et qu’ils seront peut-être appelés un jour à transmettre. Histoire de ne pas oublier. de nombreuses victimes civiles et militaires et un village au trois quart L’Alsace 19 juin 2008 Jebsheim : Le Souvenir français explique aux jeunes L’histoire du petit Jérôme Le Souvenir français du canton de Sélestat, présidé par François Jacquot, a rencontré les classes de CM2 de Sélestat et de Muttersholtz afin de travailler sur le devoir de mémoire, dans le cadre de leur programme d’histoire scolaire Ce travail de transmission de mémoire aux jeunes générations s’est adressé à quelque 150 élèves au cours du mois de juin au mémorial de la Paix et au jardin du Souvenir, à la Croix-du-Moulin de Jebsheim. Les jeunes ont visité le Linge, lieu des combats sanglants de la Première Guerre mondiale, puis, ont fait une halte en début d’après-midi, sur le site de l’ancien moulin de Bergheim. En présence de Denise Prias et Henri Husser, conseillers municipaux, une gerbe a été déposée au mémorial de la Paix. Celui-ci était entouré des porte-drapeaux des Diables Bleus de Colmar, de Robert Bouillon, accompagné de Baptiste Paillet du CM2 de Muttersholtz, de Morgane Rebhuhn de l’école de Sélestat et du vice-président Albert Scherer, avec son drapeau portant l’inscription «A nos soldats de janvier 1945». Après une minute de silence et le chant de la Marseillaise que les élèves, enseignants et accompagnateurs ont repris en chœur, le pin’s et la médaille de la Croix-du-Moulin ont été offerts à chaque personne présente. Le voyage avait mené les Alsaciens jusqu’à Le Bugue Vendredi, M. Jacquot a profité de ce moment pour leur narrer l’histoire vraie vécue lors de l’exode en septembre 1939 par le petit Jérôme de Marckolsheim. Une histoire toutefois quelque peu romancée, pour que les jeunes comprennent bien ce qu’ont vécu les Alsaciens lors de cet exode. Le voyage avait mené les Alsaciens jusqu’au Bugue en Dordogne, au sud de Périgueux et à l’est de Bergerac. Ce fut aussi l’occasion de leur parler de l’antisémitisme, de la discrimination, de l’hostilité ou des préjugés à l’encontre des Juifs. Hugues Péché, le président de l’association de la Croix du Moulin, fit l’historique de la bataille de Jebsheim, qui fit plus de 1 000 morts et 2 000 blessés parmi les belligérants. DNA 19 juin 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 31 strasbourg ville - Président : Richard Seiler Port du Rhin : Commémoration de la résistance alsacienne Fusillés il y a 65 ans Il y a 65 ans, le 15 juillet 1943, six Alsaciens étaient fusillés par les nazis au stand de tir du Rhin. Mardi dernier, le Souvenir Français et des membres des familles des fusillés, ont déposé une gerbe au monument Desaix, route du Rhin à Strasbourg. Le monument porte six noms : Alphonse Adam, 24 ans, Robert Kieffer, 23 ans, Joseph Seger, 47 ans, Pierre Tschaen, 21 ans, Charles Schneider, 25 ans et Robert Meyer, 28 ans. Ce sont des héros de la résistance 1940-1943, membres du Front de la jeunesse alsacienne (FJA). Ils n’avaient pas accepté l’annexion de 1940. Cette résistance avait commencé dès le printemps 1941. En juillet 1942, ils sont environ 500 jeunes gens ralliés au FJA à Strasbourg et environs. D’autres groupes existent à Saverne, Haguenau, dans la vallée de la Bruche et la liaison est assurée avec Mulhouse et Metz. Alphonse Adam est leur chef. Ils avaient juré fidélité devant le crucifix et le drapeau français. Ils tiennent souvent des réunions au presbytère de Schiltigheim, au restaurant de Joseph Seger (de 20 ans leur aîné), se rassemblent au mont Sainte-Odile, dans les jardins de l’université. Ils assurent le passage de prisonniers évadés par une piste du Hohneck, s’infiltrent dans l’administration, diffusent des tracts qui se terminent par: «Vive l’Alsace, vive la France !» L’exaspération des milieux nazis est à son comble. Le Front est sur ses gardes, renseigné par des sympathisants en place dans l’administration, notamment Micheline Adam, sœur d’Alphonse. Un agent de la Gestapo est introduit dans le réseau et 24 de ses membres sont arrêtés en janvier 1943. Ils comparaissent devant le Volksgerichthof (tribunal du peuple) les 6 et 7 juillet 1943 à Strasbourg. Berlin déplace le cynique procureur Freisler, celui-là même qui enverra à la potence des officiers allemands ayant comploté contre Hitler, le 20 juillet 1944 (groupe von Stauffenberg). Freisler n’est entouré que d’Allemands. L’Allemagne nazie fait le procès de l’Alsace. Les accusés se proclament Français, dénoncent l’incorporation de force des jeunes Alsaciens. L’un 32 Une stèle en mémoire des passeurs érigée sur l’ancienne frontière. Photo DNA d’entre eux a même le culot de citer Hitler qui, dans un discours d’avant 1939 avait renoncé à l’Alsace… Le soir du 6 juillet, retour en prison, rue du Fil. Malgré l’escorte SS la foule applaudit les inculpés: «vive Adam», «Bravo», «Courage». Des passants sont arrêtés pour sympathie à l’égard de «traîtres». Le 7, il y a des manifestations de sympathie dans la salle d’audience. Six peines de mort seront prononcées; les autres sont condamnés à la déportation ou à des peines de prison. Le 13, le recours en grâce est rejeté. Le 15, la sentence est exécutée. Le procès-verbal mentionne : «Tous les condamnés ont fait preuve de calme et de résolution». Le dépôt de gerbe en présence de Mireille Hincker, Richard Seiler, président du comité de StrasbourgVille du Souvenir français, de la sœur d’une des victimes, Alphonse Adam, chef du Front de la jeunesse alsacienne, Pélagie Simon et François Xavier Weibel, vice-président du comité de Strasbourg-ville du Souvenir français. DNA 20 juillet 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 vallée de la mossig - Président : Lt-Col Georges Krantz Chanter l’Europe avec le Souvenir français Ambiance à la fois joyeuse et réfléchie pour des classes d’écoles primaires du Canton de Wasselonne à l’occasion de leur sorties sur les «lieux de mémoire» du Linge et de Turckeim. Concédons que c’étaient des jours de classe sortant de l’ordinaire, des classes de CM2 de Wasselonne et de Westhoffen se sont rendu sur le théâtre des deux dernières guerres pour une leçon d’histoire sur le terrain même des affrontements: au Mémorial du Col du Linge et au musée des combats de la poche de Colmar à Turckheim. Les journées, organisées à l’initiative du comité de la Mossig du Souvenir français et de son président Georges Krantz, en collaboration avec l’Education Nationale et avec l’aide financière du comité André Maginot, ont permis aux jeunes élèves des classes de Pia Morgenthaler, de Sophie Eloy, de Bertrand Plesse et de Christophe Schmitt de découvrir un champ de bataille de la Grande-guerre où un affrontement meurtrier eut lieu de juillet à octobre 1915 tuant 17.000 soldats français et allemands. Après la projection d’un film et la visite du musée-mémorial montrant entre autres des objets trouvés sur place, les enfants ont parcouru par un temps ensoleillé le solide système de défense allemand, encore en bon état, et les vestiges des pauvres tranchées françaises, en contrebas. Visite impressionnante, s’il en fut, car ici et là, reposent encore des corps inconnus. A midi, pique-nique sous les frondaisons d’une belle forêt voisine qui a repris ses droits sur la bêtise des L’école de Westhoffen en visite au Musée de la Poche hommes. Puis, dès 13 h de Colmar à Turcheim. 30, saut de 30 ans dans 1’histoire, à Turckeim, Ce vendredi restera comme une pour trop rapidement évoquer la dernière guerre et, en particulier, la libération de sensibilisation nécessaire aux drames Colmar, dernière grande ville française vécus par de jeunes hommes -les grands tenue alors par les Nazis, après de pères ou arrières grands pères -pour que rudes et destructeurs combats. Moment les nouvelles générations n’oublient émouvant sur le parvis du mémorial jamais le prix de la Liberté et poursuivent quand les enfants, leurs instituteurs la construction de l’Europe de la Paix. et les parents accompagnateurs se sont Signe encourageant : les jeunes ont groupés autour de Georges Krantz et entonné avec enthousiasme et conviction du drapeau européen pour une photo- l’hymne européen –une ode à la joie. souvenir . DNA 13 juin 2008 Stèle du Kronthal : une inauguration solennelle La stèle du Kronthal, qui avait été détruite récemment par un accident de circulation, a été reconstruite, déplacée et étendue à un appareil Lancaster de la RFA abattu dans la région, donnant lieu à une inauguration solennelle en présence d’un parterre de personnalités civiles et militaires. Parmi l’assistance figuraient, outre de nombreux représentants d’associations patriotiques. le maire de Wasselonne Joseph Ostermann, son homologue de Marlenheim Xavier Muller ainsi que le député Alain Ferry et la conseillère régionale Mariette Sieffen qui ont présidé de concert au dévoilement des nouvelles plaques et au dépôt de gerbe, suivi de la Marseillaise et du God save the Queen joués par la musique Harmonie de Wasselonne. Toute l’assemblée s’est ensuite rendue à la mairie où l’attendait une exposition sur le Lancaster abattu. montée et présentée par Robert Bernhardt, ainsi qu’une exposition sur la 2ème DB mise en place sur l’initiative du Souvenir français. Après avoir souligné les mérites des libérateurs, le maire a remis plusieurs médailles d’honneur de la Ville tandis que le représentant en Europe des Amicales de la RAF rappelait le rôle joué par l’aviation dans le conflit et que John Holland, seul Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 survivant actuel de l’équipage de l’avion remerciait pour l’accueil reçu et se voyait remettre avec une émotion profonde, son propre gant d’aviateur conservé depuis dans la région. Le président du Souvenir Français Bernard Krantz a rappelé les évènements survenus lors de la Libération du secteur, situant les faits dans leur contexte historique, avec le passage en force du Général Leclerc et les escarmouches livrées encore contre les résistances allemandes. L’une d’elles, qui aura lieu le matin du 23 novembre 1944 dans le défilé du Kronthal, «sera meurtrière pour l’équipage d’une AM M8 appartenant au 1er Escadron de Reconnaissance du Régiment Blindé de Fusiliers Marins incorporé au Groupement Tactique du Colonel Rémy». Les noms des trois hommes qui ont perdu la vie ce matin-là figurent sur la stèle inaugurée. Le président a évoqué également les actes de bravoure de l’aviation alliée, se penchant particulièrement «sur l’héroïsme des équipages anglais et sur la 13e mission de l’Escadrille 57 de la Royal Air Force au cours de laquelle un Lancaster JB vint s’écraser entre Romanswiller et Crastatt après avoir effectué une boucle au-dessus du ban communal de Wasselonne». En quelques mots, il a précisé le sort de l’équipage, des hommes blessés, faits prisonniers et internés dans des stalags et parmi eux deux aviateurs retrouvés morts et inhumés au cimetière de ReutenbourgWesthouse où la commune et le Souvenir Français veillent à l’entretien des tombes. Le détail de cette mission et de ces combats a été mis sur le site internet de la ville de Wasselonne afin d’en pérenniser la mémoire car «il faut que les générations successives sachent que face à une idéologie néfaste niant les droits humains les plus élémentaires, des femmes et des hommes se sont levés au péril de leur vie, pour dire non à la barbarie et pour que renaisse le droit, la liberté et la paix.» C’est le sens du monument inauguré ce jour dans le Kronthal. Line Lam, AMI HEBDO 9 décembre 2007 33 woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges Quatre projets phares L’assemblée générale du Souvenir français de Woerth, qui s’est tenue à Biblisheim, a permis au président Arnaud Cabirol de StGeorges de faire l’inventaire des actions menées par l’association : l’entretien des monuments et les actions de mémoire. D’emblée, Arnaud Cabirol a rendu hommage aux membres disparus en 2007-2008, Ursule Aubert, René Moritz et Othon Dahl. Le président du Souvenir français a rappelé la dernière action menée par Othon Dahl qui verra sa concrétisation en juin à Lembach. L’inventaire de tous les monuments du champ de bataille, réalisé par François Guéringer du service de la culture au conseil général, a été la grosse opération de l’année. Le Département compte solliciter des crédits européens pour la rénovation des tombes et des monuments datant de 1870, qu’ils soient français ou allemands, dans le Bas-Rhin. Ces crédits européens financeraient entre 60 et 80% des travaux. « Je regrette que le monument français n’ait pas été pris en compte dans cette opération. Ce monument nécessite de grosses réparations », a déploré le président Arnaud Cabirol. Quatre actions seront menées en 2008 pour transmettre la mémoire. Il s’agira d’abord de faire découvrir à de jeunes Français d’origine algérienne, les faits d’armes des Turcos. Le colonel Méliani, président de l’Union nationale des anciens combattants français musulmans, prépare une délégation de jeunes qui visiteront le musée avant de déposer une gerbe à la cabane des Turcos. Ce projet se concrétisera au mois de mai. La 34 seconde action est devenue routinière: il s’agira de faire visiter aux élèves du canton le musée et le champ de bataille. Arnaud Cabirol a redit son intention de quitter la présidence Le troisième événement aura lieu le dimanche 15 juin à Lembach. «Ce sera l’inauguration d’un monument en l’honneur du 23e BCA qui a combattu autour de Lembach en 1940. Cette manifestation sera marquée par le souvenir d’Othon Dahl. Ce projet était le sien. Il avait fait des recherches historiques, imaginé le monument, son lieu d’érection et pris les contacts administratifs indispensables» a remarqué Arnaud Cabirol. La dernière grosse activité du Souvenir français de Woerth sera l’organisation de la cérémonie du 6 août qui sera montée avec le concours de la commune de Woerth. «Vous faites figure d’un comité phare du Souvenir français» a lancé la déléguée générale. Mireille Hincker. «En ce qui concerne le monument français. il peut être pris en compte pour obtenir une subvention du conseil général», a déclaré Guy-Dominique Kennel. «Sensibiliser les jeunes générations en les faisant participer est une action remarquable, car cela leur permet de mieux percevoir l’histoire» a souligné le député Frédéric Reiss. Avant de remettre diplômes et médailles aux membres méritants de l’association, Arnaud Cabirol a redit son intention de quitter la présidence du Souvenir français de Woerth. Benoit Sigrist, de Woerth, un féru d’histoire, a proposé sa candidature. Il reste aux instances parisiennes à accepter sa candidature. Le diplôme d’honneur a été remis à Alfred Ott, René Mathis, Charles Reibel. Ben Mehdi et Jeanne Stephan. Mireille Cabirol de St-Georges, maire de Biblisheim, et Cécile Schaeffer ont reçu la médaille de bronze. Le porte drapeau du Souvenir français de Woerth, Gilbert Levy a reçu la médaille d’argent. DNA 28 février 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges Lembach - Inauguration au cimetière En souvenir des Diables bleus Au cimetière de Lembach a été inauguré dimanche un monument en l’honneur du 23e Bataillon des chasseurs alpins, dont trois hommes ont été tués dans une embuscade à Lembach en juin 1940. En Alsace du Nord, l’histoire de la Ligne Maginot est relativement bien connue. Mais ce qui l’est moins, c’est que les espaces entre la frontière allemande et les ouvrages étaient gardés par des troupes d’élites qui étaient très exposées au feu de l’ennemi. Dans la zone couverte par les tirs du Four à chaux, les aménagements des barrages antichar et des maisons fortes comme autour de l’hôtel de Tannenbruck furent l’œuvre du 99e régiment d’Infanterie alpine. Elle tombe dans une embuscade et perd quinze hommes Au moment du déclenchement de l’offensive allemande en mai 1940, la position est occupée par le 23ème. bataillon de Chasseurs alpins. Au Nord de l’Alsace. les attaques ennemies se concentrant sur les postes d’observation, les Chasseurs abandonneront rapidement leurs points d’appui – Tannenbruck, Litschhof, Wîngen - trop avancés vers la frontière, pour aménager une zone défensive rapprochée appelée le brisant de Lembach. C’est de ces positions que partiront les patrouilles de reconnaissance pour localiser les positions adverses. Alors que la 23e BCA avait reçu l’ordre de décrocher dans la nuit du 15 au 16 juin, le 15 juin vers 14 heures, une dernière patrouille passe les barbelés pour explorer les crêtes du Riegelsberg (nord-est) qui dominent Lembach. Elle tombe dans une embuscade et perd quinze hommes : prisonniers, blessés ramenés et morts. Parmi ces derniers Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 figure le caporal Albin Coudert, originaire de Marseille, qui laisse derrière lui une femme et deux fils âgés de 2 et 4 ans. Le Souvenir français, avec son président Othon Dahl, décédé dernièrement, avait proposé à la commune de Lembach de graver dans la pierre le souvenir de ce bataillon de Chasseurs alpins, corps dont les hommes portaient le surnom de, «Diables bleus». La réalisation de la stèle en grès des Vosges a été confiée à l’artiste sculpteur local Grigor Popp. Dimanche 15 juin, jour anniversaire, le monument en l’honneur du 23ème BCA a été inauguré au cimetière de Lembach en présence de la veuve d’Othon Dahl et de Jean-Pierre Coudert, fils d’Albin Coudert. Le président des Diables bleus d’Alsace rendit hommage aux anciens Devant une forte délégation de militaires actifs et retraités. de personnalités civiles et d’élus. ainsi que de treize drapeaux et fanions d’anciens combattants, Gérard Forche retraça le passage du 23e BCA en Alsace. Le président local du Souvenir français, Arnaud Cabirol de Saint-Georges, donna la parole à Mireille Hincker, déléguée départementale, qui retraça la mission du Souvenir français, et au lieutenant-colonel Pascal Boës, président des Diables bleus d’Alsace, qui rendit hommage aux anciens de l’arme. Le maire Charles Schlosser mit l’accent sur le «moment émouvant car il nous inspire le recueillement des vivants pour les morts qui sont tombés sur le champ d’honneur pour défendre notre liberté. Moment émouvant car, de l’emplacement ou nous nous trouvons, nous avons vue sur les lieux même où ces jeunes soldats français trouvèrent la mort». Avant le dépôt de gerbe et les sonneries d’usage, le député Frédéric Reiss délivra un message en direction de la jeunesse : «Ne pas tomber dans l’insouciance et passer à côté de l’essentiel. A toute la jeunesse européenne, il incombe, plus que jamais, de construire cette Europe de la paix». DNA 21 juin 2008 Une cérémonie fort émouvante en l’honneur du 23ème BCA s’est déroulée au cimetière de Lembach. (Photo DNA)) 35 woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges Sur les traces des Turcos Tous les deux ans, les responsables du Souvenir français de Woerth organisent des visites guidées au musée 1870 et sur le champ de bataille pour les enfants des écoles du canton de Woerth. Cette année, cinq écoles sur 17 ont répondu à l’invitation des organisateurs. «Le transport des enfants et les entrées du musée sont entièrement pris en charge par la section de Woerth du Souvenir français», souligna Arnaud Cabirol de St-Georges, le président de l’association. 24 enfants du CM2 de Langensoultzbach ont entamé le cycle des visites, l’autre jour. Ils ont été accueilli au musée par Raymond Frey qui leur a présenté les nombreuses pièces, uniformes, armes qui composent les collections du musée historique. Les enfants se sont ensuite rendus sur le sentier des Turcos pour découvrir le champ de bataille. Les nombreux panneaux explicatifs qui jalonnent le sentier, les ruines de la maison des Turcos, les tombes, et les monuments ont permis aux élèves de M. Fahacher de mieux comprendre le déroulement 36 110 marches pour accéder au sentier des Turcos. (Photos DNA) des événements qui ont marqué à jamais les sites de Woerth, de Froeschwiller et d’Elsasshausen. Un détour en bus par la route des monuments a clos la balade historique. DNA 14 juin 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges Une foule de spectateurs est venue mercredi soir assister à la cérémonie commémorative de la bataille du 6 août 1870, devant un parterre de personnalités civiles et militaires qui se sont retrouvées sur les hauteurs de Woerth, à l’emplacement même où le maréchal de Mac‑Mahon commandait les armées françaises. Maniées par les musiciens d’Alta-Musica, les trompettes ont a nouveau sonné 138 ans après les tragiques événements de 1870, sous une chaleur écrasante. «La Charge», «le Réveil», «le Cessez-le-feu», «la Retraite», ont rappelé les événements racontés par Arnaud Cabirol, Benoît Sigrist pour le Souvenir français, Hubert Walther en officier allemand, Bernard Weber, qui tenait le rôle de Mac-Mahon, et Denis Muller, un Turco qui raconta la bataille comme il l’a vécu. Dès la fin du récit, c’est l’«Hymne à la Joie», l’hymne choisi par les pays européens qui retentit. Trois jeunes collègiens s’avancèrent portant les drapeaux français, allemand et européen et précédèrent les personnalités qui vinrent déposer une gerbe au pied du monument. La sonnerie aux morts et la Marseillaise, interprétées par Charles Rutsch et la clique de Woerth-Froeschwiller, clôturèrent la partie officielle de la cérémonie qui fut suivie par un instant d’émotion lorsqu’une petite Alsacienne déposa une cocarde sur le gisant du monument français. Un geste pour rappeler que pendant l’annexion de l’Alsace-Moselle après la guerre de 1870, de nombreuses petites filles alsaciennes allaient déposer, en cachette, des cocardes tricolores sur les tombes des soldats français. DNA 8 août 2008 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Woerth - Bataille de 1870 Une cocarde pour le 138e anniversaire Photo Joël Moyemont Photo Joël Moyemont Photo Raymond Frey 37 Parole d’un ascète On a demandé au Dalai Lama : « Qu’est-ce qui vous surprend la plus dans l’humanité ? » Il a répondu : «Les hommes… parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Et à penser anxieusement au futur, ils oublient le présent de telle forme qu’ils finissent par non vivre ni le présent ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir… Et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu…» Clin d’œil 1943. À Alger, au cours d’un dîner où le général Giraud raconte en l’embellissant, et pour la énième fois, son évasion d’une forteresse allemande, de Gaulle que le coprésident du Comité français de libération nationale irritait au plus haut point, lui demande sournoisement : «Et si vous nous racontiez, maintenant, comment vous avez été fait prisonnier ?»» 38 Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 Sagesse «Un jour viendra» où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. «Un jour viendra» où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. «Un jour viendra» où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. Fermez les yeux… Essayez de trouver l’auteur de ce texte… Ouvrez les yeux C’est notre Victor Hugo «Un jour viendra» où les boulets et les bombes seront remplacées par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le Parlement est à l’Angleterre, ce que la Diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France. «Un jour viendra» où l’on montrera un canon dans les musées comme on montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! «Un jour viendra» où l’on verra ces deux groupes immenses, les EtatsUnis d’Amérique, les Etats d’Europe, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies. Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas et, par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : vous êtes libres. La France a fait un second pas et elle a dit aux peuples ; vous êtes souverains. Maintenant, faisons le troisième pas et ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : «vous êtes frères !» Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008 En 1849 Extrait du discours au Congrès de la Paix Quel visionnaire ! 39 �onserver le souvenir de ceux qui sont morts pour la France �ntretenir les monuments élevés à leur gloire �ransmettre le flambeau du souvenir aux générations successives