guerre 1939 - 1945 - Souvenir Français

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guerre 1939 - 1945 - Souvenir Français
DÉLÉGATION DU BAS-RHIN
du S ou v e nir f ranç ais
Sommaire :
Le mot de la Déléguée générale.................................................................. 2
Nos peines................................................................................................ 3
Congrès départemental à Truchtersheim...................................................... 4
Conférence de Jean-Laurent Vonau sur le camp de Schirmeck........................ 6
Mémoire de guerre 1939-1945. Albert Hagemann.........................................10
Plan «Sussex 1944»................................................................................. 20
Connaissez-vous le site Internet « Le Souvenir Français » ?......................... 22
Hommage : souvenons nous du 6 juin 1944, par Hubert Denys..................... 23
BENFELD
Sortie à Sigolsheim............................................................................. 24
BISCHWILLER
Cérémonie du 8 mai............................................................................ 24
BRUMATH
Escapade en Haute-Vienne................................................................... 25
MARMOUTIER
Perpétuer la mémoire.......................................................................... 25
OBERNAI
Inauguration de la stèle des aviateurs anglais, forêt du Willerhof............. 26
SELESTAT
Devoir de mémoire
Châtenois au camp du Struthof............................................................ 28
Avec le Souvenir Français sur les traces des Passeurs.............................. 30
Une tranche d’histoire bien vivante.......................................................31
Jebsheim : Le Souvenir Français explique aux jeunes l’histoire du petit Jérôme.....31
STRASBOURG - Ville
Port du Rhin. Fusillés il y a 65 ans
Une stèle en mémoire du Réseau «Alliance»........................................... 32
VALLEE de la MOSSIG
Chanter l’Europe avec le Souvenir Français............................................ 33
Stèle du Kronthal : inauguration solennelle........................................... 33
WOERTH
Quatre projets phares.......................................................................... 34
Lembach : en souvenir des Diables Bleus............................................... 35
Sur les traces des Turcos...................................................................... 36
La commémoration du 6 août 1870....................................................... 37
Paroles d’un ascète.................................................................................. 38
Sagesse.................................................................................................. 39
SEPTEMBRE 2008
N° 11
Le mot de la Déléguée générale
Certes le Souvenir français existe depuis 1872
Certes nous sommes l’association la plus vielle de France,
Mais nous savons nous adapter aux technologies actuelles ..
Une nouvelle impression de notre journal départemental.
La création d’un site sur Internet
Ces nouveautés reflètent notre adaptation au monde actuel, mais les missions proposées par notre fondateur restent les mêmes..
Bon courage à tout le monde à l’occasion de cette nouvelle rentrée.
Votre dévouée
Mireille Hincker
2
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Nos peines
Mon ami Othon DAHL
(1934-2008)
par Louis MORGAT
Jeudi 14 février, notre ami Othon
DAHL nous a quitté à l’âge de 74
ans.
Souvenons-nous.
Othon Dahl était le fils d’un jeune
militant chrétien du Palatinat ayant
quitté le Reich en 1933 à cause du
nouveau régime pour s’installer dans
le nord de l’Alsace. Ce qui se passa
en 1939-45, était dur à vivre pour ce
père et pour sa famille (arrestation
par les Français en 1939, par les Allemands en 1941, Stalingrad).
Othon, né en 1934, fut donc officier de réserve dans l’Armée française : major d’une promotion de…
800 élèves-officiers environ. Pendant
la guerre d’Algérie, il fut affecté à
l’Ecole d’Enseignement Technique
installée à Issoire (Puy de Dôme) au
profit de jeunes Algériens sélectionnés. Il faut préciser qu’il était enseignant et qu’il deviendra le directeur
adjoint du collège de Woerth.
Il se rendait en mission en Algérie (en principe tous les deux mois)
pendant une à deux semaines pour
«jauger» les garçons, entre 12 et 15
ans, présélectionnés par des officiers
des S.A.S. Conduit par un chauffeur,
avec leur seul armement individuel,
sans autre protection ni accompagnateurs, il parcourait le pays (quartiers
musulmans des villes, plaines, djebels) pour aller vers les SAS (Sections
Administratives Spécialisées). Othon
Dahl poussait plus loin la sélection
initiale opérée par ces sections sous
la direction de leur capitaine ou de
leur lieutenant (des officiers d’élite
souvent en danger) et il dressait la
liste définitive des futurs élèves d’Issoire.
Ces missions «diront quelque
chose» à ceux qui se sont parfois
trouvés isolés dans quelque endroit
«sensible» de l’autre côté de la Méditerranée... Éventualité : mine, rafale. Othon parlait peu de ces «raids»
à deux. Je tiens à en sauvegarder
une trace.
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Othon Dahl fut donc Maire après
avoir été Adjoint à son prédécesseur
(1971-1977). Un maire remarquable.
Quand je fis sa connaissance, en décembre 1983, pour effectuer ma 2e
enquête publique, j’ai découvert un
homme volontaire, sympathique compétent et dévoué, ayant préparé un
dossier parfait (projet de construction d’une caserne de pompiers et
d’une station de bus à Woerth). Rarement, au cours des 77 enquêtes
suivantes, je devais trouver une telle
perfection. A la fin de la 5e et dernière séance, j’eus droit à une visite
du Musée et à une reconnaissance
sur la colline en haut de laquelle le
Kronprinz Frédéric de Prusse donnait
ses ordres, le 6 août 1870.
En 1995, je savais à quoi m’en
tenir sur la qualité du guide-historien quand j’ai proposé la visite de
ce champ de bataille à l’occasion de
la venue en Alsace de nos camarades
varois, l’année suivante.
Othon a déployé une activité
débordante au service de ses concitoyens et de ses camarades :
- Délégué général adjoint du Souvenir Français du département du
Bas-Rhin : ses conseils ont toujours été appréciés et jusqu’à son
dernier souffle il est resté soucieux de l’avenir du Souvenir Français voyant l’érosion des effectifs
et malheureusement le désintérêt
des jeunes pour les missions de
notre Association. C’était un plaisir de le retrouver dans les congrès
et autres réunions.
Naturellement
de
nombreux
membres de cette association,
dont la Déléguée générale,
Madame Hincker, et des présidents
de comité étaient présents aux
obsèques.
Entre autres, il avait été :
- Président fondateur du S.I.V.O.M.
de la Haute Vallée de la Sauer,
- Président de l’Institution «Le Liebfrauenberg», un lieu de conférence
et de séjour avec méditation (version protestante du Saint-Odile),
- Membre fondateur de l’A.O.R. de
Haguenau-Wissembourg.
Modeste, il ne recherchait pas les
honneurs. En récompense de tout ce
qu’il a fait en Alsace, à Issoire, en
Algérie, dans l’enseignement et les
réserves il n’était …que chevalier de
l’Ordre National du Mérite et, cela depuis 2004 seulement sur demande de
camarades et amis motivés.
L’église protestante de Woerth
était déjà pleine, le 14 février, plus
d’une demi-heure avant le début
de l’office de «La Remise à Dieu».
Derrière sa chère épouse Alice, ses
enfants et petits-enfants : des maires,
des élus, des professeurs et autres
enseignants, des officiers et des sousofficiers de réserve ou en retraite,
la Délégation départementale du
Souvenir Français (dont les colonels
Schenk et Durupt, anciens délégués),
de nombreux habitants de Woerth et
surtout des dizaines d’anciens élèves
d’Othon Dahl, certains avec les yeux
humides.
Othon avait demandé qu’aucune
intervention élogieuse ne soit prononcée. Le faire-part portait un petit texte du pasteur martyr Dietrich
Bonhoeffer. La cérémonie fut célébrée dans un grand recueillement
par Madame le Pasteur, de Woerth,
Adrienne Robivelo, originaire de Madagascar, ancienne étudiante de la
Faculté de Théologie de Strasbourg
(avec une année à Göttingen), donc
parfaitement bilingue.
Un être d’une qualité exceptionnelle vient de nous quitter. Il croyait
au Ciel. Alors il nous observe, de
là où il est, avec son sourire bienveillant. «Ordne unsern Gang, Jesu,
lebenslang» et «Prends ma main dans
la tienne»…
3
CONGRèS DÉPARTEMENTAL
L’assemblée, au nombre d’environ
250 participants, est ouverte à
9 h 30.
Le colonel G. Beyl, président du
comité de Truchtersheim présente le
déroulement de la journée ainsi que
l’équipe qui a préparé celle-ci.
La Déléguée Générale Mad. Hincker
donne le programme du congrès
lui‑même.
Elle remercie M. Justin Vogel,
maire de Truchtersheim, vice-président du Conseil régional d’Alsace et
son conseil municipal ainsi que la population de Truchtersheim pour l’accueil réservé au Souvenir Français. et
se dit impressionnée par le pavoisement du village.
Elle remercie également le comité
de Truchtersheim et son président
pour la préparation d’une journée qui
va se révéler très réussie. et qui, cette
année,est placée sous la présidence
du Général Gérard Delbauffe président général nouvellement nommé.
Au nom de l’ensemble des participants elle lui souhaite la bienvenue.
Après avoir remercié les nombreux
membres du Souvenir Français ainsi
que les 38 porte-drapeaux une minute
de silence est observée en mémoire
des Déportés dont c’est la Journée
Nationale ainsi que des membres
Arrivée des officiels
de l’association décédés depuis le
dernier Congrès Départemental.
Elle expose les activités du Souvenir Français du Bas-Rhin qui
compte 4 135 membres répartis en
38 comités et félicite la création
du comité de Bischwiller piloté par
M. Bartholomé.
Elle rappelle les principaux temps
forts de l’association :
• Edification du «Mur des noms» de
Kilstett
M. Justin Vogel, maire de Truchtersheim – Mme Hincker, déléguée pour le Bas-Rhin
Gl G. Delbauffe, président général – Col G. Beyl, président du comité de Truchtersheim
4
• Cérémonie à l’occasion du départ
du Gl de Percin, président national
pendant une décennie.
• Accueil et pilotage de 19 jeunes
tunisiens du Lycée Flaubert de La
Marsa guidés par leur professeur
alsacien venus sur les « Traces des
soldats tunisiens pendant les combats de la libération de l’Alsace »
• Inauguration d’une stèle à Ranrupt rappelant le crash d’un bombardier de la RA.F. en présence des
enfants du navigateur
• Inauguration d’une autre stèle à
Hochfelden en mémoire d’un bombardier britannique en présence
d’officiers RAF
• «Concert de la Fraternité» grâce
à la municipalité de Strasbourg et
les musiciens de l’Armée de Terre
du Nord-Est en présence de 1 100
invités issus du monde combattant et de la garnison militaire de
Strasbourg
• Inauguration par la municipalité
allemande de Pforzheim d’une
stèle en mémoire de 25 martyrs du
réseau «Alliance» exécutés dans
la proche forêt le 30 novembre
1944 en présence de 58 proches
des disparus.
• Remise du drapeau au nouveau comité de Bischwiller
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008
S’ajoutent les activités de certains
comités qui s’investissent en déplaçant des scolaires sur des lieux
de mémoire, comme par exemple :
• Brumath qui est allé à Oradoursur-Glane,
• le «Sentier des passeurs» SalmMoussey,
• le ravivage de la Flamme de l’Arc
de Triomphe par le comité d’Illkirch (avec l’UNC),
• les sorties avec des scolaires par les
comités Val de la Mossig, Sélestat,
Benfeld, Wissembourg, Woerth,
Geispolsheim, Ostwald, Saales et
Sarre-Union. avec en préliminaire
une conférence sur le sinistre camp
de Tambow.
Des projets sont présentés :
• Voyage à Paris le 17 octobre avec
passage au quai Branly devant le
Monument aux Morts des opérations en Afrique du Nord (19541962), visite de l’Historial Charles
de Gaulle aux Invalides et ravivage
de la Flamme de l’Arc de Triomphe
• Voyage du comité de Brumath
dans la région toulousaine.
• En 2009 sera célébré le centenaire
de l’inauguration du monument
du Geisberg près de Wissembourg.
Il y a lieu de souligner l’autorisation donnée en 1909 par le Kaiser
Guillaume II au Souvenir Français
pour réaliser le monument et pour
organiser la cérémonie.
Le 17 octobre 2009 une cérémonie
sera organisée ; vu la forte symbolique de ce monument elle devrait
avoir une portée dépassant largement la section du Bas-Rhin.
• En vue de la création par le Mémorial d’Alsace-Moselle d’un «Mur des
noms» des Alsaciens morts lors du
deuxième conflit mondial, un recensement sera organisé. Cette action doit être soutenue activement
par le Souvenir Français.
• Parmi les projets 2008 il y a la
constitution d’un « Conseil des
Sages » qui devrait résoudre les
conflits à quelque niveau que ce
soit dans l’association.
M. Justin Vogel, maire de Truchtersheim se déclare honoré d’avoir vu
sa commune choisie par le Souvenir
Français pour accueillir son Congrès
départemental 2008. Il salue le
Général Delbauffe, président général
de l’association, la Déléguée générale
du Bas-Rhin Mireille Hincker ainsi
que Gilles Beyl, président du comité
de Truchtersheim
M. Marc Ephritikhine présente un
DVD portant sur un inventaire mémoriel du Bas-Rhin faisant suite au
travail entamé par le Colonel Schenk
dans les années 90. Le comité de Sélestat a servi d’exemple. En fonction
Page d’accueil du site internet
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
des disponibilités de M. Ephritikhine,
l’ensemble des comités de la section
du Bas-Rhin devrait bénéficier de
cette nouvelle forme d’information
qui peut être utilisée, non seulement
par les comités, mais également par
les établissements scolaires et les bureaux d’information.
Après la mise en place du site Internet de la section Bas-Rhin par M.
Christian Ball, M. Ephritikhine a accepté d’alimenter le contenu du site.
Le général Delbauffe procède à
la remise de distinctions à quelques
adhérents particulièrement actifs au
sein de l’association
Col Schenck
Lt-Col Lefevre
5
CONGRèS DÉPARTEMENTAL
M. Jean-Laurent Vonau, professeur à l’Université Robert Schumann
de Strasbourg, conseiller général du
canton de Soultz sous Forêts et vice-président du conseil général du
Bas-Rhin, un des instigateurs du Mémorial d’Alsace-Moselle de Schirmeck
présente une conférence de grande
qualité sur
le Camp d’internement
de Schirmeck
(Sicherungslager
de Schirmeck-Vorbrück)
M. Justin Vogel
On pense généralement que le régime de ce camp était doux, comparé
au régime du camp « d’en haut » Or,
parfois, c’était aussi horrible qu’au
Struthof.
L’emplacement fut retenu depuis 1930 pour servir un programme
d’évacuation des communes situées
en avant de la ligne Maginot. Six
baraques en bois furent édifiées. En
juin 1940 cela devint un camp allemand, désigné sous le nom de Sicherungslager Vorbrück.
Le gauleiter Wagner va s’en
servir,alors qu’en Moselle, son « collègue » Bürckel expulse les opposants,
lui, veut rééduquer par le «travail».
Il y expédie d’abord des Alsaciens,
puis, à partir de 1942 ce sera le tour
d’Allemands, de Mosellans et enfin de
M. Jean-Laurent Vonau
Polonais. Le régime de ces derniers
est particulièrement dur et assimilable à une entreprise d’extermination,
comme au Struthof.
Les 6 baraques sont mises en service dès le 2 août 1940. Le «chef» du
camp Karl Bück est arrivé en juillet
et il a fait entreprendre aussitôt des
travaux et met en place une garnison
de «gardiens» en vue du fonctionnement de son «Erziehungslager»
(camp de rééducation).
Les durées d’internement vont
d’abord de 15 jours à 3 mois. En 1941
ce sera 6 mois et en 1944 9 mois.
Karl Bück renouvelle son contingent
de détenus, (les nouveaux arrivant
le mercredi), des anciens étant
libérés (et surveillés) ou ayant cessé
de vivre.
M. Ch. Muller, 98 ans
Mme Dominique Romain-Carcy,
directeur départemental
des Anciens combattants,
remet l’insigne de porte-drapeau
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Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008
Les futurs détenus arrivent
des prisons de Strasbourg, Colmar
et Metz.
À l’arrivée au camp on est d’abord
tondu avant la présentation à Karl
Bück. Il faut alors «débiter» une
formule allemande, même pour les
francophones. La moindre faute dans
l’expression du texte entraîne une
série de coups pour le malheureux.
Karl Bück est un ancien officier de
l’Armée allemande de la 1ère Guerre
mondiale au cours de laquelle il a
été blessé grièvement (amputation
de la jambe gauche). C’est un nazi
fanatique.
L’alimentation des détenus est
pauvre : ceux qui font des travaux
forcés reçoivent 1 400 calories ; les
autres détenus mangent encore moins.
Il y a naturellement des accidents de
santé. Un jour, un Polonais réussit à
dérober un lapin au clapier et il le
mange cru. Surpris par des gardiens, il
reçoit une bastonnade mortelle. Une
sinistre brute qui s’appelle Weber,
forgeron de métier, avec une force
herculéenne, oblige ses victimes à
compter les coups.
Le camp est agrandi à la fin de
1943 de 11 nouvelles baraques. Les
n° 12, 13 et 14 sont réservées aux
femmes. Elles compteront jusqu’à
300 personnes.
Il y a une salle des fêtes en dur
celle-là. Chaque dimanche Bück
s’adresse aux détenus.
Périodiquement il envoie des
détenus au Struthof où ils seront
exécutés. Le camp est entouré d’une
double rangée de barbelés électrifiés
avec des miradors aux 4 coins du site.
Des chiens formés à la méchanceté
«patrouillaient» dans le camp. Bück
roulait aussi à l’intérieur du camp en
traction-avant 11 CV et n’hésitait pas
à heurter les détenus.
Avec les alsaciens, outre les
Lorrains en 1941, les Polonais et
aussi les Hollandais et quelques
allemands arrivèrent à partir de
1942, les maquisards des Vosges (en
partie alsaciens) capturés de l’autre
côté de la Ligne des crêtes et aussi
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Photo Essor 1994
des parachutistes britanniques, des
S.A.S venus soutenir les maquis, mais
écrasés sous le nombre et le matériel
de l’armée allemande.
Il y aura aussi 107 membres
du réseau «Alliance» qui seront
transférés au Struthof à l’approche
des Alliés pour être massacrés dans la
nuit du 1er au 2 septembre.
En 1944 il y avait 2 000 détenus
dont 300 femmes. D’autres femmes
étaient de l’autre «bord» : certaines
de ces volontaires venaient de la
vallée de la Bruche et parmi elles
se «distinguaient» les deux sœurs
Lehmann.
Les travaux étaient organisés
par des commandos «sérieusement»
encadrés. Il y a trois sortes de
commandos :
1.les commandos extérieurs envoyés dans des chantiers et des
entreprises ;
2.les commandos intérieurs chargés
des travaux dans le camp ;
3.les commandos dans les cellules
les plus durs.
Les bâtiments B6 et B11 étaient
disciplinaires (plus encore que les
autres !) c’est là qu’étaient enfermés
les membres du réseau «Alliance».
Le réveil était à 5 h 00 en été, à
6 h 00 l’hiver.
Les commandos les plus nombreux
étaient envoyés chez DaimlerBenz (Gaggenau-Bade) et dans
des entreprises travaillant sur les
voies ferrées. Ils comptaient 300
détenus chacun. Plus durs étaient
les commandos chargés de ravitailler
le camp en bois et en charbon.
Encore plus durs les travaux dans les
carrières de Hersbach.
À signaler les travaux de
construction en dur de la piste du
terrain d’aviation d’Entzheim ; les
jeunes recrues de la Luftwaffe (Flak)
eurent pour certaines d’entre elles
un comportement odieux. Un groupe
de jeunes soldats se distrayaient en
enterrant les prisonniers jusqu’au cou
et, autour de la tête qui dépassait,
ils posaient des canettes vides. Ils
tiraient des balles sur ces bouteilles
qui partaient en morceaux. Il arriva
que le malheureux fût touché à la
tête, souvent mortellement.
Il y eut, en 4 ans, environ 340
commandos, qui n’existèrent pas
tous en même temps.
Dans le camp deux chiens de
berger féroces étaient lâchés en
liberté la nuit. Comme les baraques
étaient fermées à clé, l’évasion était
carrément impossible. Pourtant
quelques évadés la tentèrent. La
quasi-totalité des évadés furent
repris : alors un régime très dur leur
fut infligé et à partir de l’été 1943 ils
furent abattus aussitôt. On pense que
sur les milliers de détenus au moins
quatre réussirent à s’évader sur les
quelques 150 qui firent la tentative.
7
CONGRèS DÉPARTEMENTAL
Photo Essor 1994
Le recrutement des 70 gardiens
a été effectué parmi des Allemands
ayant eu des ennuis avec la justice.
5 d’entre eux, condamnés de droit
commun, étaient de véritables
brutes. Une trentaine de gardiens
sont compréhensifs : ils ferment
volontiers les yeux sur les « fautes »
des détenus.
L’infirmerie manque de moyens. Le
médecin SS Blanck se livre en 19421944 à des expériences médicales sur
les prisonniers en leur faisant des
piqûres qui entraînent souvent la
mort dans les 15 minutes. On peut
le comparer au sinistre Dr Hirth, plus
«célèbre» avec ses «expérimentations
à la Faculté de Strasbourg et au
Struthof sur des détenus du camp
«d’en haut».
Les chiens étaient dressés à l’image
de leur maître. Le plus violent fut
sans doute le chien «Alf» de Walter
Muller. Paul Malaisé et un co-détenu
furent ainsi déchiquetés par l’animal
et ils durent être abattus par deux
autres gardiens.
L’évacuation du camp eut lieu en
septembre 1944 vers Gaggenau près
de Baden-Baden.
Le 17 septembre eut lieu un
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bombardement aérien qui fit un tué
(gardien).
Le 20 novembre, à l’approche de la
VIIème Armée américaine(Gal. Patch)
Karl Bück part pour Gaggenau.
Le camp est libéré le 23 novembre
alors qu’il reste encore 300 femmes
détenues.
Les installations sont intactes,
comme au Struthof.
La Wehrmacht va s’accrocher en
Alsace de la fin novembre à la mimars, mais assez loin de Schirmeck.
Le camp de La Broque servit
ensuite à interner ceux qui étaient
favorables au IIIème Reich en Alsace.
Il s’agissait d’étrangers, d’Allemands
et aussi de nazis et de collaborateurs
locaux. Ces internés appartenaient à
40 nations différentes ; il y eut même
5 américains qui avaient pour seul
tort de porter un nom à consonance
allemande. Bien entendu, ces derniers
furent rapidement libérés.
En février 1945, on comptait dans
le camp 191 Allemands, 700 Français
et 375 étrangers (total 1258)
En automne le camp devint
un espace pénitentiaire, dont les
détenus étaient là pour des raisons
n’ayant rien à voir avec la guerre ou
la politique.
En 1954, le camp fut désaffecté,
puis le terrain fut vendu en 1992
à un particulier qui y construit un
lotissement. La salle des fêtes où
Bück faisait ses discours du dimanche
fut détruite.
Quant à Karl Bück, condamné à
mort à trois reprises, il fera seulement
10 ans de prison et mourra dans son
lit en 1971.
Photo Essor 1994
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
TRUCHTERSHEIM - 27 avril 2008
Clôture du congrès
par le Général G. Delbauffe.
Le Congrès départemental de
Truchtersheim est l’un des premiers
congrès qu’il préside depuis sa nomination il y a un an.
Il évoque la commission Kaspi, du
nom de l’historien, voulue par le chef
de l’Etat : il s’agit de faire connaître les travaux de mémoire auprès du
public, des autorités et des élus. Pour
le moment, la Commission travaille
sur le 90e Anniversaire de la fin de la
guerre 1914-18.
Il dénonce aussi le rôle d’une
«association» qui voulait exploiter
l’opération «Bougies de la mémoire»
à des fins commerciales. L’idée est
bonne, car elle amène les spectateurs
d’une cérémonie à en devenir des
acteurs. L’opération «Flammes de la
Mémoire» que le Souvenir Français a
rejetée devient l’opération «Flammes
de l’Espoir».
L’essentiel des travaux est la remise en état de tombes de morts pour
la France, c’est-à-dire en-dehors des
nécropoles et des cimetières militaires. Le cas le plus délicat concerne
des tombes de corps restitués aux familles si celles-ci disparaissent. Il y a
là un éparpillement et un risque de
Mireille Hincker et le Général Gérard Delbauffe
disparition de toute trace de morts
pour la Patrie.
Il conseille d’effectuer des regroupements dans des petits carrés militaires établis au chef-lieu de canton.
Le président général pense que les
stèles ne devraient pas être édifiées
trop longtemps après l’évènement
qu’elles rappellent et qu’une stèle
pourrait rappeler plusieurs évènements à la fois.
Enfin, il évoque le nouveau règle-
ment intérieur et les statuts qui vont
être revus et devraient éviter les
querelles de personnes, notamment
à l’occasion du renouvellement des
présidents de comité, parfois source
conflit.
Il reconnaît qu’il manifeste «une
méthode assez directive» mais qu’il
faut s’y habituer…
La venue par la venue de l’ensemble des maires de la Communauté de
communes de Truchtersheim, tous
ceints de leur écharpe, est une agréable surprise.
L’ensemble des participants accompagné par le corps de sapeurspompiers et de la Fanfare municipale
de Truchtersheim traverse le village
pavoisé pour aller faire un dépôt de
gerbe au Monument au Morts.
Après le Vin d’Honneur offert par
la municipalité de Truchtersheim
et un sympathique déjeuner, chacun rentrera chez lui, très content
d’avoir pris part à cette belle journée
à Truchtersheim.
L’année prochaine le congrès
départemental se tiendra
à Wissembourg.
Dépôt de gerbe au monument aux morts
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Lt-Col Louis MORGAT
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GUERRE 1939 - 1945
MÉMOIRE de GUERRE
de HAGEMANN Albert
La Seconde Guerre mondiale éclata
le 1er septembre 1939, quand l’appariteur et les cloches des deux églises nous
annoncèrent, vers 17 heures, et par un
temps radieux, l’évacuation du village.
Dans le courant de la matinée, des rumeurs avaient couru dans le village au
sujet d’une éventuelle évacuation. Le
village était trop près de la frontière allemande, et au cours de l’été, des masques à gaz nous avaient été remis par la
mairie. Cette évacuation, on l’attendait
déjà depuis plusieurs jours, des valises
avec le strict nécessaire étaient prêtes.
L’appariteur passa dans le village vers 17
heures, et au son de sa clochette nous
annonça l’ordre d’évacuation : la population devait avoir quitté le village dans
les deux heures.
Pour un premier septembre, ce fut
une très belle journée, très chaude, mais
pleine de tristesse. Mes parents préparèrent la voiture et deux vaches comme
attelage. Le nécessaire fut chargé, matelas, couvertures, valises, vêtements,
bijoux, souvenirs, de quoi vivre pour
quelques jours sur la voiture ; les autres
bêtes, cochons, poules, lapins, furent
lâchés dans la nature. Après un dernier
regard vers la maison, en pleurant, moi
sur la charrette à côté de ma mère, mon
père fit partir les vaches en direction de
la sortie du village, vers le sud-ouest,
route de Sarre-Union, Sarrewerden. Au
milieu du village, nous chargeâmes encore notre grand-mère, qui habitait une
autre maison, et n’avait pas de moyen
de locomotion. Mon frère aîné, Auguste,
partit sur le vélo. D’autres personnes
avaient leurs motos ou autos, non réquisitionnées par l’autorité militaire.
Le jour levé, nous repartîmes vers Niederstinzel ; c’était le deuxième jour .Là,
nous avons couché dans une grange sur
de la paille et des visiteurs nocturnes,
rats, souris, nous ont tenu compagnie
en nous passant dessus !
Le lendemain, troisième jour, départ
pour Bisping. L’avance pendant la journée était très lente; il y eut des bouchons, des arrêts et des croisements de
convois militaires qui allaient vers le
front. A Bisping, nous fûmes plus gâtés,
puisqu’on nous donna la salle de la mairie; la nuit fut plus confortable et nous
couchâmes sur nos matelas étendus par
terre.
A partir du deuxième jour , un ravitaillement avait été organisé par les
troupes françaises et on touchait du
pain frais, des sardines, conserves, chocolats, boissons, etc... Mon père qui
travaillait comme cheminot a dû nous
quitter entre-temps, réquisitionné par la
S.N.C.F. La dernière étape nous amena
à Tarquimpol, près de l’Etang du Stock,
étape finale, d’où nous aurions dû être
chargés dans les trains en gare de Mulcey ou Blanche-Eglise, en Moselle. Là,
une famille du village mit une chambre à
coucher à notre disposition et ce fut une
première nuit dans un bon lit chaud.
La veille du départ en train direction
Limousin -à Bersac sur Rivalier, HauteVienne; à 40 km au nord-est de Limoges,
mon père, qui avait été affecté à la gare
de triage de Berthelming, trouva un
logement chez des particuliers et vint
nous chercher avec une camionnette, ce
qui nous a permis de rester dans la région. Vaches et voiture sont restées sur
place chez le cultivateur, cette dernière
nous la récupérâmes après le retour au
village en juin-juillet 1940.
A la gare de Berthelming où travaillait
mon père, ma grand-mère faisait la cuisine pour une vingtaine de cheminots
dans un wagon S.N.C.F. et nous l’aidions.
Au bout d’un mois, mon père fut affecté
à Fénétrange-Schalbach et région. A Fénétrange, il trouva un logement chez la
famille Bricka, rue de Sarrebourg. Nous
avons donc déménagé dans ce grand immeuble avec plusieurs logements et une
ancienne teinturerie de laines. Nous habitions au premier étage et y restâmes
jusqu’à la fin des hostilités dans notre
région, juillet 1940. C’est à Fénétrange
que j’ai appris à fabriquer des maquettes
d’avions en bois de balsa, chez un copain
du village. L’hiver 1939-40 fut très froid,
après une inondation à l’automne, nous
faisions du patinage à côté de la Sarre,
tout était gelé. Au printemps, par un
temps splendide, j’allais me promener à
Niederstinzel, à quelques kilomètres de
Après notre départ, les soldats français prirent place dans nos maisons, couchèrent dans nos lits et dégustèrent le
bon vin de nos caves.
Le premier arrêt fut à la sortie de Sarre-Union pour laisser reposer les vaches,
leur donner à manger et à boire au pâturage, et pour nous restaurer, pique-nique
forcé. La première étape, la nuit tombée,
était à Bistroff-sur-Sarre. On dormit sur
les matelas étalés sur la voiture, tellement la nuit était douce, même chaude.
C’est seulement vers quatre heures du
matin qu’on sentit une petite fraîcheur,
et il fallut se couvrir pour se rendormir.
10
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
là, pour retrouver un ami d’enfance et
de classe, Altmeyer Louis, dont la famille logeait chez un cultivateur dans
le village voisin, Diedendorf. On se retrouvait de temps en temps sur les hauteurs de Niederstinzel, chacun faisant sa
part de chemin. C’est sur ces hauteurs
que j’ai vu les premiers combats d’avions
dans le ciel de France, un Lundi de Pentecôte, et entendu les premiers tirs de
canons. C’est à Fénétrange que je vis le
passage et la retraite des troupes françaises, l’entrée des troupes allemandes
qui envahirent notre pays le 15-16 juin,
le premier avion allemand, un FieselerStorch, qui atterrit dans les prés derrière le village. A ce moment-là, on songeait au retour dans notre village; C’est
en juin-juillet 1940, que nous pûmes
enfin retrouver notre village meurtri par
le retrait des troupes françaises. Il était
en piteux état, maisons détruites, ponts
sautés, carrefours et maisons environnantes détruits par minage par les soldats français pour retarder l’avance des
troupes allemandes, laissant des cratères
d’une vingtaine de mètres de large et 5
à 8 mètres de profondeur .Dans d’autres
quartiers, maisons détruites ou brûlées,
toitures démolies par tirs d’obus. Dans
les maisons mêmes, meubles détruits,
chambres délabrées, etc... Nous avons
retrouvé la nôtre avec un grand trou
dans le mur du pignon côté nord, direction de l’Allemagne; un canon y avait
été placé dans le fenil pour combattre
les Allemands au cas où ils arriveraient
de ce côté. La maison avait été vidée,
de certains meubles que nous avons retrouvés par la suite dans d’autres habitations ou abris militaires. Les premiers
jours, mon ami Louis Altmeyer et Ernest
Ehrhardt, qui étaient rentrés eux-aussi,
et moi-même, passions notre temps à
courir dans les champs et forêts, à visiter les abris militaires pour ramasser
des boîtes en fer pleines de plaquettes
de poudre, avec lesquelles nous faisions
des feux d’artifice. Nous en remplissions
des boîtes de conserve vides, avec une
mèche, cela faisait une bombe que nous
allumions pour obtenir un grand boum.
C’était dangereux, mais l’inconscience de
la jeunesse qui ne connaît pas le danger
nous donnait ce plaisir .
Les autorités civiles allemandes
s’installèrent et ce fut le début de l’occupation allemande, du régime nazi, de
la jeunesse hitlérienne, de la politique
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de Hitler, de la méfiance des S.A., des
cartes alimentaires et de certaines restrictions .
Au début, nous mangions à la cuisine militaire installée dans la cour
de la maison des sœurs par l’autorité
allemande. Les premières soupes populaires -Eintopfgericht, où tout était
mélangé, viande, légumes, pommes de
terre, etc - nous furent servies par cette
«Gemeinschaftsküche» - cuisine communautaire - sous les ordres de la sœur
allemande «Schwester Meda», célibataire mais qui avait déjà «donné un enfant
au Führer». Nous nous installions au fur
et à mesure qu’on nous fournissait meubles, outils de travail, etc.
La «Gemeinschaft» (travail collectif) fut instaurée. Tous les habitants du
village devaient y participer selon leur
métier et compétences : après le retour
des évacués de Haute-Vienne au mois de
septembre, les champs ont été cultivés
en communauté (Arbeitsgemeinschaft)
et tous les hommes et jeunes filles furent réquisitionnés pour ce travail. Je
fus affecté aux réparations et à la remise en état de marche des machines
agricoles, faucheuses et autres, aux Etablissements Rudolph Ernest à Diemeringen, du fait que j’avais fait une année
d’apprentissage comme ajusteur et que
la mécanique m’intéressait. C’est là que
j’ai gagné mon premier salaire, distribué
à la mairie dans la grande salle, et que
je fis la connaissance de mon épouse, car
c’était aussi l’âge où on commençait à
regarder un peu les filles Je m’intéressai à l’une d’elles, qui plus tard devint
ma femme, Irène Specht. Elle travaillait
aussi dans les champs avec l’Arbeitsgemeinschaft et les jours de paye on se
voyait à la Mairie, ainsi que les dimanches, lors des promenades sur la route
de Voellerdingen avec d’autres copains
et copines, ce qui était notre passetemps du dimanche après-midi.
Plus tard, en automne 41, quand l’Arbeitsgemeinschaft fut dissoute, je travaillais dans l’organisation Todt (O. T.)
travaux publics, dans une forge à SarreUnion, puis à Herbitzheim au barrage de
la Sarre. L’hiver 1940-41 fut très rigoureux et il tomba tant de neige qu’il y eut
des congères de 1,5 à 2 rn de haut sur
la route de Herbitzheim et Dehlingen, et
que tous les jeunes hommes furent réquisitionnés pour déblayer les routes: un
jour mon ami Louis était dans mon équipe sur la route de Herbitzheim, c’était
un petit bonhomme qui s’amusait à faire
le singe en marchant sur les congères et
d’un seul coup la neige céda et mon petit Louis disparut. A toute vitesse nous
avons creusé un chemin de plus de deux
mètres pour le libérer !
L’hiver suivant fut très froid aussi,
mais avec moins de neige. Je travaillais
au barrage à Herbitzheim, à briser la glace d’une épaisseur de 20 à 30 cm. Plus
tard, ce fut la démolition du barrage sur
la Sarre : le béton miné une fois sauté
à la dynamite, nous devions enlever
les gravats avec des brouettes toute la
journée par un froid rigoureux. Pour me
rendre au travail, matin et soir , je prenais mon vélo, une pédale fabriquée en
bois, un pneu troué rembourré avec un
autre bout de pneu et ligaturé avec une
ficelle. Les temps n’étaient pas toujours
au beau fixe; nous apprîmes à connaître la tyrannie hitlérienne, la Jeunesse
hitlérienne, le Heil Hitler, l’évasion de
beaucoup de nos camarades vers l’intérieur de la France, le R.A.D. (Reichsarbeitdienst) et l’incorporation de force
dans la Wehrmacht et la guerre en tant
que soldat. Tout doucement les lois allemandes avaient été instaurées en Alsace
et en Lorraine. Nous avons dû faire le
service des travaux RAD ainsi que le service militaire et avons été incorporés de
force dans la Wehrmacht.
Au mois de mars-avriI 1942, nous
avons passé la visite médicale : «K V,
der Nächste» - Bon pour le service,
au suivant.
Le 17 avril 42, premier grand départ
pour moi, au R.A.D., avec rassemblement
à Saverne à la Halle au Blé. Ma destination était la ville de Munster dans le
nord-est de l’Allemagne, en Westphalie.
De la gare de Munster à notre camp à
Handolf-Hornheide, nous allâmes à pied,
nos valises encore lourdement chargées
de vivres, vêtements, et autres articles.
Il faisait très chaud pour un mois d’avril
et une sueur acide nous coulait sur le
visage. En cours de route, nous eûmes
droit à une halte sur le côté de la route
pour une pause-café, café fait avec de
l’orge grillé. Ah, que ça avait bon goût !
Arrivé au camp, premier rassemblement et affectation à nos baraquements, distribution d’uniforme et droit
au déjeuner militaire «Eintopfgericht».
Nos vêtements civils furent renvoyés à la
maison dans nos valises, de suite, sur ordre de nos supérieurs. Le goût de l’exer11
GUERRE 1939 - 1945
cice et de la discipline nous fut inculqué
très vite, lors de la distribution de notre
outil de travail et d’exercice, qui était
la bêche. Avec cette bêche, nous travaillions la terre, faisions des exercices
et des parades. Cette bêche qui servait à
tout devait luire lors des parades. Alors
c’était l’astiquage au papier émeri et
produits spéciaux pour faire miroir...Si
elle n’était pas astiquée à 100%, c’était
la consigne, pas de sortie le samedi ou
dimanche, qui était le moment d’écrire
une lettre à mes parents, frère, Irène et
copains.
Tous les jours, il y avait la théorie,
l’exercice et les travaux manuels à la bêche : travaux de terrassement, aplanir
les terrains, irriguer les ruisseaux, faire
des canalisations et irrigations dans les
terrains marécageux où l’on souffrait des
piqûres de moustiques, étant donné que
nous travaillions en short et torse nu.
Non loin de notre camp se trouvait le
terrain d’aviation militaire de Munster,
d’où décollaient les Heinkell 111, bombardiers, et les Messerschmitt 109, avions de chasse qui escortaient les Heinkell lors de leurs raids vers l’Angleterre.
C’est là que nous avons été affectés
par la suite pour l’entretien de ce terrain.
Le premier contact de chez nous fut
l’envoi de paquets avec des friandises,
gâteaux, et autres choses rares, chocolats, bonbons, etc que nous devions partager avec tous les autres «Arbeitsmänner» (travailleurs) de notre chambre.
Les Alsaciens recevaient plus de paquets
que les Allemands, étant donné que l’Alsace-Lorraine était encore mieux lotie
du point de vue ravitaillement. La première, visite de nos parents après 2 ou
3 mois, fut un grand jour, et qui passa
trop vite, le soir même de leur arrivée.
Les premiers signes d’une gastrite
firent leur apparition après trois mois,
lors de travaux au terrain d’aviation. Je
ne digérais pas bien le pain noir de tous
les jours. D’abord ce furent des crampes
d’estomac et des renvois, qui disparaissaient encore assez vite. De jour en jour,
ces maux augmentèrent jusqu’au jour où
j’eus tellement mal que je me roulais sur
la piste d’envol des avions et qu’on me
transporta à l’infirmerie et à l’hôpital de
Munster, où l’on constata après avoir fait
des radios, une légère gastrite qui me
donna droit à un régime pendant huit
jours avec cuisine légère et pain blanc.
12
Au bout de huit jours, de nouveau pain
noir et cuisine comme tout le monde. A
la longue l’estomac s’habitua, mais non
sans mal.
Au bout de quatre mois, notre compagnie fut transférée en Poméranie, à
Falkenburg qui appartient aujourd’hui
à la Pologne. Les travaux que nous faisions, hors des exercices journaliers,
étaient la récolte des pommes de terre
pour les cultivateurs qui manquaient de
main d’œuvre.
Enfin le grand jour arriva où on nous
annonça la fin de notre service de 6 mois
et le 24 septembre 1942, c’était la rentrée dans nos foyers.
Mais, ô catastrophe, à peine rentrés,
on nous annonça l’incorporation de force
dans la Wehrmacht. Après trois semaines
de congé, c’était de nouveau le départ.
Le 16 octobre, je pris la direction de
Borna, près de Leipzig, via Sarrebrück
-Francfort -Erfurt -Weimar -Leipzig et
Borna, où j’ai été affecté chez le «Panzer Jäger Ausbildungsabteilung 4 Antichar». Là, ce n’était plus la bêche qu’on
maniait, mais le fusil et le canon antichars 37 sur roues.
Le matin, réveil à 6 heures, toilette,
prise du café, sport, exercices physiques, course d’endurance, appel, exercices, tir à balles réelles, tir au canon
antichar sur cible mobile, nettoyage,
instruction, etc C’était notre menu journalier, midi, déjeuner et le soir à 19 H ,
souper et le repos était bien mérité. Le
soir j’en profitais pour écrire les lettres à
la famille et à Irène. Pendant toute cette période d’exercices en 1943 j’ai eu la
chance d’avoir plusieurs permissions de
8 à 15 jours. Quel plaisir de revoir la famille et sa chère amie qu’on aimait, mais
moment malheureusement toujours trop
court et laissant des larmes au départ.
Ma plus belle permission a été du 14 au
30 septembre 1943. Là, pour la première
fois, j’ai eu le droit avec Irène de faire
une sortie en vélo pour aller au cinéma à
Sarralbe, le dimanche 19 septembre, car
dans ce temps-là, les sorties des filles
étaient strictement contrôlées par leurs
parents. C’était la ballade des amoureux
en vélo par un temps merveilleux pour
voir le film «Die goldene Stadt», film
d’amour dramatique, qui se terminait
par le suicide par noyade dans un lac,
d’une jeune fille enceinte et délaissée
par son amant. C’était l’avant-dernière
permission avant de partir au front russe, et la plus amoureuse.
De retour à l’armée, un matin on est
parti pour un exercice de tir à longue
distance 50-100 m et plus, au champ de
tir distant de 14 kilomètres. Départ à
6 heures par un temps de brouillard et
pluvieux.
Arrivés sur place après une marche
de presque trois heures, nous étions
mouillés jusqu’aux os, et le brouillard
persistait toujours. A 10 heures, l’ordre
du retour fut donné sans avoir tiré une
balle. Au retour , nous chantions toujours, et vers 11 heures le soleil revint
et nous sécha jusqu’à l’arrivée au casernement. En arrivant à ce dernier, l’ordre
vint pour une nouvelle chanson, et ça
ne marchait plus, ça chantait mal, tellement nous étions essoufflés. «Ah, vous
ne voulez plus ! » s’écria le sous-officier,
et ce fut l’alerte aux gaz. il fallait mettre les masques à gaz, chanter, marcher
jusqu’à ce que l’un d’entre nous tombe
à terre à moitié mort. On lui enleva le
masque à gaz, lui fit des mouvements
de respiration jusqu’à ce qu’il reprît
connaissance et vie. Cet exercice rapporta un gros blâme pour le sous-officier
de la part de ses supérieurs, qui considéraient que cet exercice était inhumain,
ce qui nous fit à tous un grand plaisir .
Plus tard, je passai le permis de
conduire sur une voiture à chenillettes.
Après l’avoir réussi, je fus nommé pour
l’école de conducteur de char parce que
notre compagnie allait être dotée de canons antichars 88 sur châssis. J’ai passé
mon permis de conducteur de chars sur
un châssis Skoda (tchèque) qui avait
une boîte de vitesses automatique avec
21 vitesses. Je le réussis avec mention
«bien». Par la suite, je fis des exercices
avec des chars antichars sur châssis du
Panzer II, III et IV au champ de manœuvres de Zedlitz à 3-4 kms de Borna. Tous
ces exercices étaient la préparation au
départ pour les combats en Russie et
en Italie et le reste du front de l’est.
J’aimais la conduite des chars, les exercices, le nettoyage et le contrôle de mon
moteur pour le prochain exercice. La
mise en état du moteur fut effectuée par
les «Panzerwart» mécaniciens. De temps
en temps, il arrivait d’un de nos engins
qu’il restât sur le terrain suite à une panne de moteur, carburateur obstrué, allumage défaillant ou autre, ce qui n’a jamais été le cas sur notre char. De ce fait,
j’ai eu la chance de rester en caserne en
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
Allemagne jusqu’en mai 1944 parce que
mon supérieur, un sous-officier de mon
groupe, ne m’a jamais mis sur la liste
de départ pour le front jusqu’au jour où
lui-même partit au front russe. Avant
de partir, il me fit venir à son bureau
et m’avertit que maintenant je devais
m’attendre à partir au front ; c’est ainsi
que j’appris que c’était lui qui m’avait
retenu aussi longtemps que possible,
et je l’en remerciais chaleureusement.
Pour me récompenser en plus, il me fit
encore une demande de permission de
week-end, qui me fut accordée pour 5
jours avec trajet, ceci en mars 1944. Le
dimanche matin, je reçus un télégramme
de mon unité qui demandait mon retour
immédiat à la caserne. Pour retarder le
départ de ce dimanche au soir, je fis un
faux tampon en bois - j’étais assez bricoleur – que j’apposai par-dessus d’autres
et je partis le soir. A Sarrebrück, le train
était bourré de soldats et je dus attendre
le suivant, encore un tampon en plus de
la Bahnhofskommandatur , et le départ
se fit seulement le soir vers 21 heures.
En arrivant le lendemain matin vers 11
heures, je constatai que le gros de notre
compagnie était déjà parti et je dus me
joindre au «Nachtruppe» qui emmenait
les caisses de papiers et documents.
C’était le départ pour la Russie, un
voyage de 3000 kilomètres.
Le 28 mars, départ pour Mielau en
Pologne, via Dresde - Cottbus - Deutsch
-Eylau. Le 30 mars, arrivée au baraquement près de Mielau. En avril, on avait
encore de la neige et de la pluie. De
temps en temps, on avait droit à une
sortie pour Mielau ou dans le village Nosaschewo (Borosne), village très pauvre.
Début mai, nous étions toujours à Mielau. Les jours passèrent, avec des exercices antichars, etc, à lire des romans et
écrire des lettres, jusqu’en juin. Dans ces
baraquements, les punaises faisaient la
foire la nuit. A peine la lumière éteinte,
ça piquait de partout et on se grattait
inlassablement. Un soir, je me couchai
sur la table qui se trouvait au milieu de
la pièce, croyant que là les punaises ne
m’atteindraient pas. Dès qu’il a fait nuit,
re-belote, ces bestioles tombaient du
plafond pour nous sucer le sang. Le lendemain matin, on décida à trois de monter une tente à l’extérieur pour y dormir.
Après excavation d’une dizaine de centimètres de terre, montage de la tente,
nous fîmes une rigole autour de la tente
pour laisser écouler l’eau de pluie en cas
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
d’orage, ce qui arriva la même nuit. Nous
avons dormi comme des loirs, tandis que
nos camarades se marraient, en croyant
que nous étions inondés dans notre
tente. Nous avons passé une bonne nuit,
tandis que les autres veillaient !
Début juin, ce fut de nouveau le départ vers le front. Nous fûmes cantonnés
en arrière position près de Smolensk, à
Starap-Bischow, non loin de la Bérésina,
un fleuve comme le Rhin et qui est un
affluent du Dniepr. Là nous avons reçu
10 tanks antichars et 3 chars russes T34
pris aux Russes, lors de leur retraite. Les
trois chars T34 furent confiés aux Alsaciens-Lorrains ou Autrichiens, qui euxaussi avaient été incorporés dans l’armée
allemande et qui tous ne semblaient pas
très fiables pour notre commandant.
Je devins donc conducteur d’un T34
dont l’équipage se composait de 4 hommes : le conducteur, le radio, le tireur
et le commandant du char qui était en
même temps viseur. De suite, nous sommes partis en position d’attente près de
la rive de la Berezina. Nous avons enfoui nos chars dans la terre, une sorte
de large tranchée. il y avait juste la tour
avec le canon qui sortait de la terre. La
nuit, nous couchions à tour de rôle dans
le char, deux qui dormaient et deux qui
montaient la garde.
Nous nous sommes retirés pendant
deux à trois jours et avons pris une nouvelle position. Nous dormions dans les
maisons vides, pleines de poux et de punaises partout. Je couchais sur la table
pour éviter les punaises, mais impossible
de dormir : lumière allumée, c’était le
repos ; lumière éteinte, c’était la ruée
des punaises sur moi et je m’enfuis dehors avec un copain pour dormir sous
une tente : enfin le repos, mais pas pour
longtemps. A 4 heures du matin, l’ordre
est venu de contre-attaquer l’avance des
chars russes, sauf les trois T34 parce que
le commandement n’avait pas confiance
en l’équipage (Honneur). A six heures,
soit deux heures après le départ pour
l’attaque, un motard de renseignement
nous fit savoir que déjà six de nos antichars avaient été abattus et les équipage brûlés vifs ou abattus en sortant
du char. Alors que nous croyions que
maintenant notre tour d’attaquer était
venu, un nouvel ordre de retraite nous
parvint pendant que nous attendions les
quatre antichars rescapés.
Sa mère était restée à la maison alitée et malade du cancer. Elle me faisait
part de son chagrin et de son désespoir.
Je lui répondis que j’allais me plaindre
auprès des autorités pour la faire rapatrier, étant donné qu’elle était ma fiancée, mais tous ces espoirs prirent une
autre tournure. C’était la dernière lettre
qui lui parvenait et moi non plus ne recevrai plus de courrier.
Pendant cette retraite les Russes nous
poursuivaient et les chars allemands P4
restaient enlisés dans les marécages et
nos T34 les en sortaient. Il m’est arrivé
d’accrocher deux chars allemands à mon
T34 et de les désembourber. Lors d’un
recul dans un sentier en forêt, mon commandant donna l’ordre d’arrêter et de
faire demi-tour sur place, me donna des
positions de placement précises, donna
l’ordre au tireur d’orienter le canon et
le mot «feu» nous fit basculer un peu :
c’était mon baptême du feu et le premier
char russe abattu qui explosa et brûla.
De nouveau, demi-tour et la fuite sans
arrêt pendant plusieurs jours. Au bout
de 4 ou 5 jours, nous avons dû passer le
pont d’un grand fleuve et juste après notre passage le pont a sauté et le dernier
char T34 est resté de l’autre côté et a été
fait prisonnier. Le jour suivant, le canon
du deuxième T34 a éclaté par suite de
surchauffe et l’équipage a quitté le char
pour faire retraite sur un camion.
Après huit jours d’attente, les Russes
attaquèrent au nord et au sud de notre
position et ont avancé très vite pour
nous encercler. Ordre fut donné par notre Haut-Commandement de nous replier
et de battre en retraite. C’était maintenant au tour des Allemands de fuir les
Russes et c’est à ce moment-là que commencèrent des péripéties qui durèrent
15 mois.
Au bout de deux jours, mon char
aussi s’arrêta, par manque de fioul. Nous
l’avons fait sauter et brûler avec tous
nos effets personnels. Nous n’avions
plus que nos vêtements de combat et le
strict nécessaire dans une musette et de
quoi manger pour un ou deux jours, mon
revolver et des munitions, et la retraite
continuait avec nos camions tant qu’on
avait de l’essence, ce qui venait à nous
Pendant la journée, j’eus le temps
d’écrire la dernière lettre à la maison et
à Irène pour lui dire que j’avais reçu sa
lettre où elle m’informait que son père et
elle avaient été déportés en Allemagne
à Schelklingen près de Stuttgart pour y
travailler.
13
GUERRE 1939 - 1945
manquer aussi. Maintenant, c’est à pied
qu’on s’enfuyait, sauve qui peut, plus
de commandement, plus de compagnie,
chacun pour soi : c’était la pagaille.
L’équipage de notre char étant encore
au complet, nous arrivâmes un matin à
un fleuve grand comme la Sarre, le pont
détruit par l’aviation russe. Les soldats
allemands du génie étaient en train de
mettre de nouvelles traverses et planches
pour que les troupes en retraite puissent
passer. De temps en temps les chasseurs russes arrivaient et mitraillaient
les troupes et les soldats du génie, en
même temps que les petites bombes lâchées détruisaient ce qui venait d’être
réparé. Des soldats tombaient dans le
fleuve, touchés par balles, d’autres sautaient en l’air avec les planches suite à
l’explosion des bombes. J’ai eu la chance
d’arriver sur l’autre rive sain et sauf avec
deux autres équipiers de notre char. A
peine cent mètres plus loin, il y avait
des officiers de la Feldgendarmerie qui
arrêtaient les troupes qui affluaient de
tous les côtés, car c’était la pagaille. De
nouvelles compagnies furent formées
pour la défense. Nous trois, on s’était
dit : «plus de bataille, on file, on recule». Quand l’officier de regroupement
nous interpella mon tireur, mon radio
et moi-même comme conducteur : «Hé
là, vous trois, où est-ce que vous allez
?» nous lui répondîmes que nous étions
un équipage de char, qui devions nous
rendre chez un officier de chars qui se
trouvait plus loin sans équipage ; il nous
a laissés filer. Evidemment, ce n’était
pas vrai et notre devise était devenue:
«sauve ta peau n’importe comment», et
nous avons continué la retraite, chacun
de son côté. Nous étions comme un troupeau de moutons chassés par les loups,
sans berger ni chien de garde. Par la
suite, notre équipage se décima ; chacun essaya de trouver une solution pour
s’en sortir le mieux possible. La chaleur,
la soif et la faim nous écrasaient, mais
le mal du pays nous fit marcher jusqu’à
l’épuisement.
Un après-midi, j’étais tellement fatigué que je me couchai à côté de la
route, jonchée de cadavres de soldats allemands, dépouillés de leurs vêtements,
gonflés par la chaleur et pleins de mouches, et je m’endormis. A peine endormi,
je reçus un coup de pied dans le derrière
par un officier allemand qui me dit : «Hé
là, debout, on continue, si tu veux rester, les Russes sont derrière nous, nous
14
sommes les derniers de la troupe.» Alors
là, plus de fatigue et c’est reparti, toujours à pied. Après une ou deux heures
de marche, je vis dans un pré à côté
d’une ferme délaissée quelques chevaux
en train de paître. Je me dis : «tiens,
c’est une meilleure solution que la marche». J’attrapais un cheval pour le monter, mais impossible, il se tournait chaque fois que je voulais monter dessus. Je
trouvai une autre solution : au-dehors,
devant la ferme, traînaient toutes sortes de meubles, chaises, bancs, vieilles
armoires, ainsi qu’une table très longue,
environ 2,50 à 3 mètres. Quel miracle !
Je vais pouvoir me poser sur la table,
le cheval à côté, et il ne pourra pas se
tourner; mais adieu le miracle, quand
je voulus monter sur le côté droit, le
cheval chéri se tourna à gauche le long
de la table ; rebelote, je vais monter du
côté gauche, il se tourna à droite. Après
plusieurs essais infructueux, j’ai lâché le
cheval qui prit le large et la marche à
pied continua.
Tant qu’on avait été en possession de
notre char, la nuit on couchait à l’intérieur de ce dernier, trois hommes par terre et le quatrième de garde. Maintenant,
les nuits se passaient en forêt, couchés
sur la mousse. Un matin, on marchait,
des centaines de soldats qui se sont rassemblés, dans une vallée verte, verdure
du mois de juillet, et de chaque côté des
montagnes, une sorte de chaîne, avec
par ci et par là des petits sentiers qui
mènent l’un vers une petite forêt, l’autre
vers les monts, et nous la troupe marchions sous le beau soleil du matin, direction ouest, vers cette patrie dont nous
nous languissions. Mais ce rêve se brisa
soudainement dans le crépitement d’une
mitrailleuse qui nous prit sous son feu
nourri, depuis les monts à notre gauche,
et tous se mirent à courir aussi vite que
possible. De tous côtés, les soldats tombaient comme des mouches. A quelques
mètres à ma droite, un tout jeune soldat
d’à peine vingt ans, comme moi-même,
reçut une balle dans la trachée artère et
la carotide, et le sang sortait comme un
jet de fontaine; après quelques mètres
de course, criant «aidez-moi, aidez-moi,
maman, maman» et avec cette dernière
pensée pour sa mère, il s’effondra, raide mort. Malheureusement, il n’y avait
plus d’aide à attendre, chacun s’enfuyait
pour soi en courant pour sa vie. A ce
moment-là, je regardais la mort en face,
pris peur, et suppliais la Vierge Marie de
me sauver et de me sortir indemne de
ce guêpier, en faisant le vœu de faire
un pèlerinage à Lourdes si je m’en sortais vivant, ce que j’ai pu faire en 1988.
Après quelques centaines de mètres de
course, la mitraille venant de la gauche
cessa, et nous crûmes être sauvés ; à
peine le temps d’y croire, le crépitement
commença à nouveau du côté droit, et
ce fut la même course à la mort. Pendant
que cela mitraillait à droite, nous avons
vu du côté gauche une camionnette sur
laquelle était montée une mitrailleuse
et deux hommes, qui avançait sur les
hauteurs. Après quelques centaines de
mètres de course, nous étions hors de
portée de la mitraille de droite, notre
groupe avait diminué par suite de nombreux morts et blessés, les survivants
fuyaient toujours dans la vallée, de nouveau de la mitraille de gauche et quand
le camion de gauche était derrière nous,
le camion de droite s’avançait et envoyait ses salves. De tous les côtés ça
tombait comme des mouches. Après une
heure de cette course pour la vie, je pris
la décision de sortir du groupe qui restait et m’enfuis en solitaire vers la gauche, en direction d’un petit bois à environ 200 mètres. Quand le tireur vit que
je sortais du groupe, il me prit en point
de mire et les balles sifflèrent autour de
moi. Une première balle traversa mon
pantalon et une deuxième ma musette.
Après cette course affolée, et arrivé à
la lisière du bois, je m’effondrais, mort
de fatigue derrière le premier gros tronc
d’arbre de la forêt, tandis que les balles
sifflaient dans les feuilles : Sauvé ! Ah,
quel bon ange gardien j’ai eu à ce moment ! J’étais KO.
Après un repos mérité et une certaine attente, je sortis du bois, le calme étant revenu. Je me cachai dans un
grand champ de blé, comme le firent
d’ailleurs beaucoup d’autres. Un nouveau rassemblement se fit, et un général
nous commandait pour faire une retraite
collective, car seul, on ne pouvait plus :
on ne connaissait pas la région et nous
n’avions pas de carte. L’ordre fut donné
que tous ceux qui étaient blessés, ou qui
n’avaient plus d’armes ni de munitions
devaient rester sur place et se laisser
faire prisonniers. Heureusement, j’avais
encore un fusil, un revolver et des munitions. Maintenant la retraite se faisait
à travers des forêts denses, plusieurs kilomètres de profondeur et des dizaines
de longueur. La nuit on marchait avec
cartes et compas, le jour on dormait en
forêt. Il était interdit de se procurer de
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
quoi manger et boire individuellement,
car un groupe de ravitaillement avait été
formé qui devait nous procurer la nourriture et la boisson dans des fermes ou
villages. Un soldat passa outre cet ordre
de ne pas piller, fut attrapé et condamné
à mort sur le champ. Un peloton d’exécution fut formé et à peine à cent mètres de ma position, l‘homme fut exécuté. Quelques coups de feu claquèrent,
puis silence de mort. La faim et la soif
se firent sentir de plus en plus, car avec
deux ou trois tranches de pain sec et un
peu d’eau par jour, on était bien affamé.
Une nuit un camarade inconnu marchait
à côté de moi et me dit : «Eh, toi, tu as
une lampe de poche, on pourrait aller se
ravitailler nous-mêmes», on traversait
un petit village ; ça ne m’a pas plu du
tout, alors il me dit: «donne-moi ta lampe, j’y vais moi-même». Je lui donne la
lampe de poche, et le suit, de peur et de
faim. Alors on rentre dans une maison
de paysan, lui, le premier avec la lampe,
il scrute l’obscurité et voit le paysan et
sa femme, couchés sur le four (les fours
étaient dans la pièce d’habitation). Dans
un placard, il vit deux ou trois poissons
secs, il ne les prit pas et continuait à
chercher autre chose, pain, etc, moi
toujours derrière lui. A ce moment-là
des coups de mitraillettes claquèrent,
les partisans ayant vu la lumière dans
la maison nous tiraient dessus à travers les fenêtres. Pris de panique, il me
donna la lampe de poche, me bouscula
pour pouvoir sortir le premier, à la sortie
un coup de feu claqua, un cri «ils m’ont
eu». C’était vers minuit, une heure et il
faisait clair de lune. Un partisan était
caché derrière une porte dans l’escalier
de la cave et au clair de lune il avait
vu passer la silhouette et pu bien viser
la tête du premier qui sortirait. Pour le
suivant, de peur qu’il ne riposte, il a dû
se cacher dans la cave et n’a plus tiré.
Le suivant c’était moi : encore une fois,
mon ange gardien avait bien travaillé.
On s’est tout de suite occupé de mon
camarade en revenant vers la troupe. Il
avait une balle dans la nuque qui avait
traversé la tête et était sortie entre le
nez et l’œil gauche, mais il était vivant.
On lui a fait un bandage autour de la
tête, on l’a installé sur un cheval, parce
qu’on savait qu’il ne pouvait plus marcher à pieds, et ne pouvait pas survivre.
Le jour on se cachait dans la forêt,
alors on lui a fait un tombeau en mettant du branchage dedans, parce qu’il
commençait à délirer et perdre la méLien 67 - N° 11 - Septembre 2008
moire. A quelques centaines de mètres
de là, nous vîmes plusieurs colonnes de
chars russes T34 roulant sur une grande
route direction ouest, vers l’Allemagne
via la Pologne. A ce moment-là, nous
avons su que nous étions encerclés. Le
soir, au moment de partir, nous avons
dû laisser notre blessé dans son tombeau
profond de 30 à 40 cm ; il a fallu le calmer en lui promettant de revenir avec
du secours, mais malheureusement c’est
là qu’il est mort, d’une mort inhumaine,
comme une bête. C’est ça, la guerre.
Un autre jour, tôt le matin, on marchait en file indienne le long d’une forêt
sur un petit sentier à travers buissons ;
à une dizaine de mètres devant moi un
pauvre partisan russe qui avait été fait
prisonnier le jour précédent, était sur
ses gardes, et remarquant que le soldat
qui le suivait lui mettait le revolver sur
la tempe, se baissa brusquement et prolongea sa vie de quelques minutes, mais
peu après un coup de revolver claqua et
le pauvre fut abattu lâchement, de peur
qu’il n’aille dénoncer la troupe en retraite ; il a été balancé dans les haies à côté
du sentier. Encore une folie meurtrière
de la guerre.
Notre marche continua inlassablement, toujours avec l’espoir de revoir
notre chère Alsace, et nous traversions
la forêt pour arriver à la lisière du bois,
près d’un terrain d’aviation. Les soldats russes stationnés sur le terrain,
ayant repéré notre présence, nous attaquèrent. Derrière nous, il y avait une
clairière : les Russes d’un côté, nous de
l’autre, on se tirait dessus, et pour leur
échapper il fallait traverser la clairière.
Pour nous avoir, ils ont nourri des tirs de
mortier et des avions nous attaquaient
avec mitrailleuses et bombes. C’était le
sauve-qui-peut, on courait, on sautait
dans les trous d’éclatement des grenades et des mortiers, et arrivés au bout
de la clairière nous fûmes sauvés. Nous
rentrâmes plus loin dans la forêt pour
nous reposer. A chaque coin de forêt, un
soldat de garde avait été mis en place.
J’étais de garde au coin de la forêt, d’où
on pouvait observer un village. Après
deux heures d’observation, j’ai été relevé
par un autre soldat. J’avais à peine marché cinquante à cent mètres vers l’intérieur de la forêt, vers le rassemblement
du gros de la troupe, qu’un crépitement
se fit entendre dans la cime des arbres
derrière moi : c’était un obus qui éclatait
et tua net mon remplaçant, les partisans
nous ayant de nouveau repérés. Une
prière ardente de remerciement monta
de ma part vers le ciel, Dieu ayant épargné une nouvelle fois ma vie. Et de nouveau la longue marche vers l’inconnu,
cette retraite si pénible, continua. Il
n’y avait plus d’eau potable, ni de ravitaillement du tout. Dans la forêt dense,
il y avait des marécages qu’il fallait traverser, et c’est là qu’on recueillait de la
verdure mouillée qu’on mettait dans le
mouchoir, qu’on pressait et dont on buvait le jus ramassé dans un bol. Dans ces
mêmes marécages, les chevaux que nous
avions encore s’enlisaient et s’enfonçaient tout doucement jusqu’au corps,
et impossible de les ressortir. Il fallait
leur donner le coup de grâce et les tuer.
La faim qui nous tenaillait et nous rongeait l’estomac nous amena à découper le cheval en morceaux. Nous avons
mangé cette viande crue avec un peu de
sel que je possédais encore, sans pain ni
autre chose, car nous ne pouvions pas
faire de feu, pour ne pas être repérés par
les Russes ou les partisans.
En raison de cette mauvaise nourriture, j’ai fini par attraper la dysenterie,
et il ne me restait que deux solutions :
continuer la retraite au risque de mourir,
ou me rendre aux partisans avec toutes
les inconnues que cela comportait. Nous
étions près de la frontière polonaise,
près de Minsk. Je me décidais pour la
dernière solution.
La nuit du 21 juillet 1944, le soir du
départ de la troupe pour la retraite de
la nuit, j’ai pris la direction opposée à
celle des autres, m’étant placé en dernier dans la file. Vers 10 heures du soir,
c’était le départ, les autres en groupe et
moi tout seul marchant dans l’inconnu,
suivant un sentier qui longeait la forêt,
la lune brillait et éclairait le paysage,
je n’avais plus peur, il ne s’agissait plus
que de s’en sortir vivant. Après 4 à 5
heures de marche solitaire, la fatigue se
fit sentir ; le jour commençait à pointer
et je distinguai une clairière. Avant d’y
pénétrer, je me débarrassai de mon fusil et de mes munitions. Il devait être
4 ou 5 heures du matin, et je vis à une
centaine de mètres de moi une sorte de
hangar en meules de foin. Je m’en approchais et constatais que c’était une
sorte de hangar souterrain circulaire, le
toit en chaume avec une petite entrée
à l’intérieur du foin, abri qui était à la
mode dans les pays de l’Est et qui faisait réserve de foin pour l’hiver. Non loin
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GUERRE 1939 - 1945
de là se trouvait une sorte d’abreuvoir à
moitié plein d’eau. C’était le moment de
se désaltérer et de nettoyer pantalon et
sous-vêtements, parce que la dysenterie
ne pardonne pas : on se salit de haut
en bas. Je mis les vêtements sur le toit
de la meule de foin pour les sécher, le
soleil pointait son nez au-dessus de la
colline et j’en profitais pour me reposer quelques heures. Après avoir séché
mes vêtements et dormi un peu, il fallut
continuer mon chemin. Avant de partir,
je me débarrassais encore de mon revolver, que je fourrais à l’intérieur de la
meule pour ne pas être attrapé avec une
arme. Je partis donc dans l’inconnu, traversais la clairière en montant la colline.
A mi-chemin de la colline, j’entendis un
aboiement de chien ; je me dis : «Là où
aboie un chien, il y a des humains». Je
changeais de direction, un peu vers la
gauche, en direction de cet aboiement.
Arrivé en haut de la colline, et ayant
amorcé la descente de l’autre côté, je vis
au loin quelques maisons et me dit qu’il
y avait là un village. En m’approchant
plus près, je vis un homme qui fauchait
dans un pré, car c’était la saison de la
fenaison. Je l’appelais «Pan ! Pan ! Hé,
pan !» (pan = Monsieur). Quand il me vit
avec mon uniforme gris, il prit sa faux
et partit vers le village. Moi, je l’appelais
toujours, mais lui ne s’arrêtait pas, et
ainsi je le suivis jusqu’au village. Dans le
village, qui n’était qu’un petit hameau,
déjà plusieurs bonshommes en armes
s’étaient rassemblés pour me recevoir, le
faucheur les ayant averti ; c’étaient des
partisans polonais. On était le 22 juillet
1944. A la vue de ma misérable créature, amaigri et tout sale, ils ont eu pitié
de moi, me laissèrent en vie et me dépouillèrent de mes chaussures, musette,
couteau, fourchette et me donnèrent des
pantoufles de chez eux. Il devait être 7
ou 8 heures du matin. Les partisans décidèrent de mon sort en discutant entre
eux. La décision fut prise de me transférer dans le centre de rassemblement au
village d’à côté, à un ou deux kilomètres
plus loin. Un jeune homme, grand comme trois pommes, à peine âgé de 14 ans,
portant un fusil aussi haut que lui, me
fit avancer en me faisant signe avec son
fusil et en restant à une dizaine de mètres derrière moi, le trajet vers le camp
de prisonniers de Wolozyin commença
avec la peur au ventre qu’il me descende
et lui avec la peur que je l’attaque, parce
que dès que je me retournais vers lui,
il me visait, tenant son fusil des deux
16
mains, comme les chasseurs à l’affût de
lièvres. Après une demi-heure de marche,
j’eus soif ; je lui fis signe que je voulais
boire quelque part. Arrivé à une mare à
canards, il exauça mon vœu, me gardant
toujours en point de mire et le calvaire
continua. En passant à côté d’une ferme,
une bonne femme me tendit un bol de
lait que j’acceptai avec de grands remerciements, le jeune gronda et chassa
la femme, mais me laissa quand même
boire ce lait, qui n’était pas un bienfait
pour moi, mais un régal, bien qu’à peine
bu, il fallut faire le nécessaire, mon estomac ne gardant aucune nourriture du
fait de la dysenterie.
Vers douze heures, nous arrivâmes
dans la ville de Wolozyin, juste au moment de la sortie des ouvriers d’une usine. J’eus droit à des coups de poings et
des coups de pied dans le derrière. J’eus
encore la force de faire quelques mètres,
la peur au ventre, entouré d’une cohue
de Russes qui voyaient en moi un ennemi, et reprendre le chemin vers le camp,
toujours suivi de mon jeune gardien
apeuré lui aussi par ce triste événement.
Après cette longue marche pénible, le
jeune me remit aux mains d’autres partisans qui m’emmenèrent au camp où, dès
qu’ ils ont su que j’avais la dysenterie, ils
me mirent à part dans une sorte de cave
voûtée avec deux ou trois autres soldats
allemands atteints de la même maladie ;
parmi eux se trouvait un lorrain de Bettborn près de Sarrebourg, nommé Alfred
Bader (qui est décédé depuis, après notre rapatriement). Etant les deux plus
affectés par la maladie, nous avons été
transférés à l’Hôpital Civil de Wolozyin ;
la maladie étant très contagieuse, les
partisans et les autres prisonniers nous
évitaient comme des lépreux. On nous
mit dans une chambre à part. Dans cet
hôpital, il n’y avait ni médicaments,
ni nourriture. Les familles des malades
apportaient de quoi manger -légumes,
pommes de terre, poules et autres, pain
sec, etc, dont nous profitions. Les gens
n’avaient pas d’argent pour payer leur
séjour à l’hôpital, puisque les Allemands
étaient partis et les Russes de passage.
Une brave femme polonaise, infirmière à
l‘hôpital, qui aurait pu être notre mère
et qui avait aussi un fils soldat eut pitié
de nous et s’occupa de notre santé. Je la
vis comme la Sainte Vierge qui me sauva
la vie en me donnant, ainsi qu’à mon
copain de misère, des bouts de charbon
de bois comme première nourriture et en
même temps comme médicament. En le
mâchant, ce charbon nous noircissait les
dents et guérissait nos intestins. Après
deux ou trois jours de ce régime, elle nous
donna avec le charbon de bois, quelques
morceaux de pain sec noir et nous remit
ainsi peu à peu d’aplomb. Ayant repris
un peu de forces, nous sortions de l’hôpital pour organiser notre propre nourriture en allant mendier de maison en
maison. En nous voyant, les villageois
avaient pitié de nous et nous offraient
par ci un morceau de pain sec, par là
une tomate verte, des choux, concombres, etc, que nous remettions à l’hôpital, mangeant parfois une soupe chaude, gardant le pain sec dans un petit sac
en garantie pour la suite. Tous les jours,
c’était la même promenade de mendicité, nous cachant de temps en temps à la
vue de partisans en armes. Un beau matin nous avons toqué à une porte, une
femme nous accueillit et nous invita à
entrer dans la maison pour nous offrir
un repas. A notre grande stupéfaction,
elle parlait le français et nous apprîmes
par la suite qu’elle avait fait des études
à Paris. Elle nous offrit une soupe aux
légumes et des pommes de terre en robe
des champs, la pauvreté régnant là aussi.
La table de la cuisine avait un creux au
milieu pour mettre les pommes de terre.
Nous mangeâmes à notre faim et, à la fin
du repas, elle nous offrit des cigarettes,
mais n’étant fumeur ni l’un ni l’autre,
nous la remerciâmes. Elle en alluma une
pour elle après nous en avoir demandé la
permission pour ne pas nous déranger et
nous remarquâmes qu’elle possédait des
allumettes françaises. Avant de partir en
la remerciant, elle nous invita pour le
lendemain et nous avons accepté avec
plaisir. Le lendemain, elle nous proposa
de nous cacher chez elle jusqu’à la fin
de la guerre et nous étions d’accord. Elle
avait déjà un plan tout préparé et la
date fut fixée au lendemain.
Malheureusement, le lendemain matin, 7 septembre 1944, deux soldats partisans vinrent très tôt pour nous ramener au camp de partisans, ces derniers
ayant constaté que notre guérison avait
progressé. Notre plan tomba à l’eau. Chacun avait un petit sac en toile de jute
plein de morceaux de pain sec grillé.
Au camp, il fallait coucher dessus en le
cachant sous l’oreiller, pour le protéger
contre le vol de nos codétenus allemands
et autres. Nous y restâmes une douzaine
de jours et notre provision de pain étant
épuisée, nous avons dû nous contenter
de deux soupes journalières et d’un bout
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
de pain. Le 19 septembre 1944 au matin,
nous fûmes réveillés très tôt : c’était le
grand départ pour le camp de prisonniers
de Minsk qui se trouvait à une quarantaine de kilomètres. Un morceau de pain
et de l’eau, voilà notre ration de départ
pour la route. C’était une longue file de
prisonniers qui se suivaient : les plus
costauds à l’avant, les plus faibles à l’arrière, pleins de la poussière qui s’élevait
des routes des champs, comme si c’était
une caravane de chameaux dans le désert. Au fur et à mesure que le temps
passait, la file s’étirait et la fatigue se
faisait sentir et les jambes s’alourdissaient. Plus d’un tombait par terre et se
relevait de nouveau. Si un malheureux
prisonnier ne pouvait plus se relever, un
des soldats qui nous accompagnaient de
chaque côté de la file, tous les vingt à
trente mètres, et fusil en bandoulière,
lui donnait le coup de grâce. Plus d’un
y est resté sur le carreau. Plus le soleil
montait au zénith, plus la soif nous tiraillait et nos gorges s’asséchaient. Vers
midi, il y eut une pause et nous avons
eu le droit de nous asseoir sur le bascôté, dans l’herbe. Une distribution de
pommes de terre cuites à l’eau eut lieu
et chacun avait droit à une pomme de
terre, les chanceux une grosse, les malchanceux une petite ou une à moitié
pourrie. En guise de dessert, nous fut
servi un bol d’eau dans une gamelle que
nous avions fabriquée avec une vieille
boîte de conserves rouillée, avec un bout
de fil de fer comme anse. Après une demi-heure de repos, on repartit, ayant repris un peu de forces, et le long calvaire
recommença, que plusieurs ne menèrent
pas jusqu’au bout.
Le soir nous nous reposions dans une
vieille grange ou une maison délabrée,
pour repartir le lendemain matin, après
avoir eu la visite des souris et des rats,
ainsi que des puces. Ceci pendant trois
jours et, enfin, le 22 septembre 1944,
vers quatre ou cinq heures de l’aprèsmidi, nous arrivâmes à Minsk au camp
de prisonniers, essoufflés, fatigués, et à
moitié morts. Là, tout de suite, on nous
rassembla, nous compta et nous cantonna dans des grandes pièces avec des
lits en bois superposés. Après un bol de
soupe chaude, nous avions droit au repos de la nuit.
La vie du camp était programmée,
réveil, appel, comptage, distribution
d’un morceau de pain le matin, soupe
de choux ou betteraves ou poisson ou
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autre, légumes invisibles, car c’était
l’eau qui prédominait, ceci midi et soir.
Le 2 octobre 1944, tous les AlsaciensLorrains devaient se présenter pour
contrôle d’origine, afin d’être transférés
dans le camp des Français à Tambow, à
600 kilomètres au sud-est de Moscou.
Quelle joie pour nous de nous savoir en
route pour être rapatriés et quelle déception plus tard… Le 6 octobre 1944,
départ pour Tambow dans des wagons
à bestiaux, où nous couchions par terre
sur de la paille, avec un seau pour faire
nos besoins et vidange à chaque arrêt
du train. Du pain sec et une soupe par
jour lors d’un arrêt. Suite au tri dans les
wagons, j’ai perdu mon copain Bader que
je ne revis plus qu’après la guerre, et qui
plus tard est décédé.
Après 7 jours de voyage au même
régime, nous nous arrêtâmes dans une
grande ville et, de bouche à oreille, nous
apprenions que c’était la capitale de Russie, la ville de Moscou. Après quelques
heures d’arrêt où nous avons pu contempler Moscou de loin, avec quelques
grands bâtiments, c’était de nouveau le
départ du train vers Tambow, toujours
au même régime, soupe et pain, mal de
dos et de côté le matin et fatigue le soir
pour se recoucher sur la paille.
Enfin le 21 octobre 1944 dans l’aprèsmidi, nous sommes arrivés à destination
à la gare de Rada, après 1 000 kilomètres
de voyage en chemin de fer, pas loin
du camp, dans la forêt de Rada. Tout le
monde descendit des wagons en emmenant ses quelques effets personnels. Les
gardes russes nous ont mis en rangs par
quatre, à coups de crosse s‘il le fallait,
et tout le monde courut pour rentrer au
plus vite dans ce camp d’espoir. Après
quatre kilomètres de marche en colonne,
nous avons aperçu l’entrée du camp, les
deux portes grandes ouvertes et surplombées d’une grande étoile rouge, emblème des Russes.
Avant d’entrer, la «proverka», l’appel, le comptage, se fit plusieurs fois
avant d’arriver au bon compte, suivi de
la fouille. Heureusement, j’avais caché
mon «Soldbuch», livret militaire, dans
les caleçons autour de la jambe, et ceci
jusqu’au rapatriement.
Nous voilà en train de franchir le barbelés pour une période de onze mois, en
croyant y entrer pour un court séjour.
A l’entrée du camp, des deux côtés
de l’allée centrale, s’étaient rassemblés
d’autres prisonniers, venus avant nous
et curieux, dans l’espoir de faire des retrouvailles d’amis ou de connaissances.
Nous scrutions cette foule dans cette
même perspective et voilà que je crus
découvrir le visage d’un ami d’enfance
qui lui-même se posait la même question, vu que nous avions l’air de clochards mal lavés, les vêtements sales
par suite du long voyage en wagon à
bestiaux. Est-ce toi, Albert ? Est-ce toi,
Louis ? Ce fut pour chacun la première
réaction et une grande joie nous saisit.
Mais la marche continuait vers l’entrée
d’un autre grillage de barbelés, camp
dans l’enceinte du camp principal, et qui
s’appelait la quarantaine. Là nous étions
isolés des autres prisonniers pendant
quatre semaines pour éviter la contamination de maladies. Tout autour de nous
émergeaient les toits des baraquements,
comme des taupinières au pied de cette
forêt qui nous firent une impression
lugubre et démoralisante. Nous avons
passé tout de suite dans un baraquement appelé le sauna. Là, on se rendait
dans un réduit pour se déshabiller et des
coiffeurs nous rasèrent les cheveux et
tous les poils. Des infirmières russes,
pas maigres du tout, nous badigeonnèrent d’un liquide contre les parasites qui
sentait mauvais et qui brûlait si on avait
une plaie. Les vêtements furent déposés sur une sorte de crochet de fer qui
passait sur l’étuve pour être épouillés.
Nous avons passé au sauna où l’on suffoquait, où l’air était presque irrespirable, et la chaleur humide insupportable.
Après nous être lavés dans une cuvette
remplie de deux louches d’eau savonneuse, nous attendions tout nus d’être
secs : pas question de serviette, nos vêtements encore humides, mais chauds.
Lorsque la porte s’ouvrit pour sortir un
vent glacial nous accueillit et plus d’un
a attrapé un coup de froid. Nous avons
ensuite marché vers le baraquement qui
nous était destiné.
Après une longue attente, on nous
servit la première soupe à l’eau (…)
chaude avant de pouvoir nous allonger sur les bat-flancs munis d’un mince
«matelas», sac avec des feuilles mortes
à travers lequel on sentait tout de suite
les planches du lit. Après avoir mangé le
bout de pain noir et humide reçu avec
la soupe, nous nous endormions, morts
de fatigue. La nuit nous fûmes réveillés
par les puces qui nous chatouillaient le
corps, le matin au réveil, les hanches,
17
GUERRE 1939 - 1945
les côtes et tous les os nous faisaient
mal. Durant la quarantaine, la soupe
fut distribuée trois fois par jour, chacun ayant droit à la valeur d’une louche, boîte de conserve attachée à un
bâton, et le matin on recevait le bout de
pain. Le camp étant entouré de quatre
rangées de fil de fer barbelé, les visites
d’autres prisonniers étaient impossibles,
mais les curieux essayant de trouver une
connaissance étaient tous les jours au
rendez-vous de l’autre côté des barbelés.
Mon ami d’enfance Altmeyer Louis, lui
aussi, venait tous les jours pour prendre
des nouvelles et me communiquer les
siennes.
La neige fit son apparition et le froid
devint de plus en plus vif. Je n’avais
comme vêtements qu’un caleçon, pantalon, et veste de treillis, on me donna en plus un manteau bleu de soldat
d’avant-guerre. Au fur et à mesure que
le temps passait, on s’habituait au froid
de plus en plus rigoureux. Après quatre
semaines de quarantaine, nous avons eu
accès à une baraque du camp central.
Il y en avait environ une soixantaine
pour les prisonniers et une vingtaine
d’autres. Les baraques, enfouies dans la
terre, étaient longues de vingt à trente
mètres, larges de dix et hautes de deux
mètres. Le sol était en terre battue, balayé journellement avec des balais faits
de branches de bouleau. Les prisonniers
devaient faire divers travaux ou activités. Certains sont devenus coiffeurs,
tailleurs, cordonniers ou autres. D’autres
ont épluché les pommes de terre, entretenu les bordures des allées et des
bancs, évacué la neige. Dans le cadre de
la punition, il y avait la corvée de chiottes : malheur à ceux qui y passaient.
Main-d’œuvre dans les kolkhoses, couper et transporter du bois, extraire de
la tourbe, etc. Un matin, lors de l’affectation des travaux, j’eus la chance d’être
mis avec le commando kolkhozes pour
la fabrication de la choucroute. De très
grands tonneaux de plusieurs hectolitres furent remplis de feuilles de choux
que nous tassions pieds nus et en marchant en rond dans le fût, au fur et à
mesure qu’il était rempli d’autres choux.
Le soir en rentrant, nous cachions un
chou entier sous le manteau, qui était
mangé cru, si nous ne nous faisions pas
attraper en rentrant au camp. Un soir, ça
m’est arrivé. Le garde me l’a confisqué et
m’a remercié de quelques coups de pieds
dans le derrière. L’hiver, la neige et le
froid faisaient leur apparition et c’était
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la corvée de bois pour chauffer les baraquements qui contenaient entre 150
et 300 prisonniers, selon leur grandeur,
puisqu’il y en avait deux sortes, grandes
et petites. Il y avait un ou deux poêles
selon la grandeur de la baraque. La nuit,
nous étions réveillés par les punaises qui
nous faisaient gratter la peau et nous
empêchaient de dormir. Le matin, on
sortait en forêt pour chercher des branchages de bouleau pour chauffer nos
poêles, et gare à celui qui n’avait que
deux branches, c’était les coups de pied
au derrière et il fallait en prendre deux
ou trois branches de plus pour les traîner jusqu’au camp par un froid rigoureux
jusqu’à -30°. En cas de dépassement des
-30°, on n’avait plus le droit de sortir. A
chaque sortie et rentrée, c’était le comptage, qui durait parfois plus d’une demi-heure et qui nous faisait piétiner sur
place pour ne pas nous geler les pieds.
Après une quinzaine de jours à ce
rythme, je fus affecté au travail dans
la cordonnerie pour cause d’affaiblissement. Là, je fabriquais des souliers et
des bottes avec des semelles en bois et
des jambières de vieilles bottes pour les
prisonniers en mal de chaussures. Plus
tard, on me nomma chef d’équipe de
l’entretien de notre baraque. J’étais responsable de la propreté de cette dernière. Avec 3 à 4 prisonniers affaiblis, nous
devions balayer chaque matin les allées
et couloirs, contrôler si les lits étaient
en ordre, si rien ne traînait, entretenir
le feu, etc.
Entre temps, après la sortie de la
quarantaine, j’avais retrouvé mon ami
d’enfance Altmeyer Louis qui lui travaillait comme bûcheron au commando
de la forêt et plus tard comme fendeur
de bois à la cuisine. C’était un travail
plus dur et de ce fait il touchait plus
de nourriture, une soupe plus épaisse et
une gamelle pleine de kacha, sorte de
sarrasin moulu et cuit à l’eau. En amélioration de notre menu, nous recevions
avec la soupe de midi, une cuillerée de
ce même kacha. Les premiers mois de
notre détention, nous obtenions une
portion de «mahorka», un tabac russe
grossier, que j’échangeais contre du pain
ou kacha avec les bûcherons fumeurs ou
les fumeurs de la cuisine, ceux-ci ayant
toujours du «rabe». Mon ami Louis manquait de chaussettes pour mettre dans
ses bottes en feutre. Je lui en fabriquai
avec des bouts de tissu, et en retour il
me procura de temps en temps une lou-
che de kacha, ce qui convenait bien à ma
santé. Par la suite, Louis et moi avons
retrouvé un autre camarade de jeu de
notre enfance, Ehrhardt Ernest, qui lui
aussi se promenait dans le camp et qui
avait la fâcheuse habitude de boire de
l’eau stagnante dans les flaques à côté
des allées, ce qui lui ouvrait un chemin
direct vers la dysenterie et l’infirmerie
ou la morgue. Nous lui donnâmes la
consigne de ne plus en boire, sinon nous
prendrions des mesures sévères envers
lui, parce que nous voulions rentrer tous
les trois chez nous. Un beau matin, lors
d’une promenade, nous vîmes Ernest en
train de boire de nouveau de l’eau stagnante, et nous lui avons mis une bonne
raclée en guise de représailles, avec promesse d’une deuxième pour l’en dissuader ; ceci fut suivi d’effet : Ernest n’en
buvait plus, ce qui lui sauva la vie et lui
offrit la chance de rentrer plus tard avec
nous dans notre chère Alsace.
Les jours passèrent ainsi, l’un après
l’autre. Une ou deux fois nous avons
reçu un morceau de papier pour écrire
quelques mots à la maison. Nous étions
pleins d’espoir de recevoir des nouvelles
de la maison, après que les papiers mentionnant l’adresse de notre famille aient
été ramassés par le chef de baraque et
soi-disant rendus aux autorités russes.
Les jours et les semaines passèrent,
mais toujours pas de nouvelles de chez
nous. Les jours passèrent, le printemps
se pointait avec les premiers rayons de
soleil à travers les arbres, et ce fut l’été,
et toujours le même rythme de vie.
Les dimanches, il y avait parfois un
match de football pour les bien portants
auquel nous pouvions assister. Les mois
de mai et juin passèrent ainsi.
Un jour la rumeur circula que bientôt nous allions rentrer dans notre pays,
mais il fallait attendre encore un mois.
Vers la fin juillet, tous les Français devaient se faire inscrire chez les Russes
pour être rapatriés. Quelle joie de voir
venir ce jour ! Nous avons reçu de nouveaux habits, des uniformes russes.
Le 1er août, nous avons été prévenus
de notre proche départ et avons eu droit
à un meeting d’adieu. Ah, quelle joie !
Le lendemain 2 août, vers 17 heures,
s’effectua la sortie du camp et, vers 19
heures, la longue colonne s’en alla vers
la gare de Rada. Après un embarquement
laborieux, et une longue attente, le train
quitta la gare de Rata le 3 août entre 22
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
et 23 heures, pour un long périple de
plusieurs milliers de kilomètres qui nous
mena à Voronezh le 4 août, Kursk-LiskiKharkow le 6 août, Poltava et Kiev le 7,
Vinnitsa le 8 et Tchernovtsy le 9 août.
Suite à la destruction de nombreuses
voies ferrées, nous prîmes différentes directions et nous avions peur d’aller vers
la Sibérie qui nous hantait pendant les
derniers mois. Le 10 août nous remontions vers Stanislau, le 11 à Lemberg,
Lublin, Siedlee et le 13 nous arrivions à
Varsovie, sur la Vistule, et Kutno. A Varsovie, nous fûmes rassurés, nous avions
pris la direction de l’ouest. Là, ce fut le
premier contact avec la population polonaise qui, elle-même affamée, partageait avec nous le peu qu’elle avait.
En cours de route, il fallait parfois
s’arrêter pour nous ravitailler ; la locomotive elle-même n’avait plus de quoi
se nourrir. Alors, en pleine forêt, c’était
l’arrêt : quelques hommes coupaient des
arbres et chargeaient à bloc le tender.
On chargea même un tas de traverses
de rails !
Le 14 août, nous sommes à PoznanSpaszina-Neu-Bentschen, le 15 nous
arrivons à Francfort-sur-Oder. Le pont
de l’Oder est détruit, nous faisons un
arrêt forcé, on change de wagons. On
a le temps d’aller dans les champs pour
chiper des légumes et pommes de terre,
avec mon copain Altmeyer Louis. On fait
cuire les pommes de terre sur un feu de
bois, dans un seau à deux tiers plein,
on en mangea tant qu’on a failli mourir
d’indigestion, notre estomac étant trop
rétréci. Le 18 août, on quitte Francfort,
laissant derrière nous la ville sinistrée,
la misère indescriptible, et arrivons vers
Berlin, que nous contournons. Le 19 nous
passons Belzig et Magdebourg et quittons
la zone russe le 20 à Alversdorf.
Nous sommes pris en charge par la
Croix-Rouge française, en zone britannique. Là nous recevons pour la première
fois une nourriture normale et des soins
médicaux. Nous assistons à une messe
avec communion. L’après-midi, nous
nous promenons à Schöningen.
Le 22 août à 9 heures, départ en wagons voyageurs via Brunswick-LehrteHanovre, où il y a un ravitaillement avec
pain, beurre, saucisse, fromage, marmelade, confiture, pain de guerre, soupe et
café offert par la Croix-Rouge. On passe
à Stadthagen - Minden sur la Weser - Osnabrück - Munster. Le 23 nous touchons
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
un paquet de la Croix-Rouge avec friandises, cigarettes, de quoi manger, café
et dessert, petits pains ; nous passons
à Wesel et le soir du 24 nous arrivons à
Kevelezr, au camp de Bedburg, près de la
frontière hollandaise, où nous recevons
à nouveau soupe, colis, etc. La nuit nous
couchons assez confortablement sous
des tentes. La municipalité nous a offert une petite réception animée par les
chanteurs de Tambov, avec de la musique, des danses et chants, le tout sous la
direction d’un instituteur haut-rhinois,
M. Mitchi. Le 25 août départ avec ravitaillement chocolat, viande en conserve
et pain de guerre. Dans la nuit du 25
au 26, nous arrivons à Eindhoven en
Hollande, où, sur le quai de la gare, se
trouvent d’énormes marmites de café et
des stands de pain blanc, gâteaux, etc.
Avant de partir après ravitaillement,
chacun reçoit encore des cigarettes et
un morceau de ruban orange, couleur
symbolique des souverains des PaysBas. Nous rentrons en Belgique en passant par Hasselt-Mechelen-SchaerbeckBruxelles où nous recevons un accueil
inoubliable et où les larmes se mettent à
couler. Dans un grand hall garni de guirlandes et des portraits géants des chefs
alliés, de longues tables sont alignées,
avec pour chacun un bol de café, sucre,
quatre pains blancs avec beurre, saucisse, confiture, gâteaux secs, chocolat,
cigarettes. Tout ceci nous a été offert
avec une telle bonté et gentillesse que
nous en étions bouleversés.
Nous passons à Misseran, traversons
la frontière et arrivons à Valenciennes
dans la nuit du 27 vers 2 heures 30, la
nuit. Nouveau ravitaillement dans un
camp, pain, café, sardines et un paquet
de Belgique, colis et 2 600 Frs.
avoir reçu quelques effets militaires
français en remplacement des uniformes
allemands ou russes que nous avions
portés jusque-là, nous sommes libérés.
Le 29 au soir, vers 22 heures, départ du
camp, et vers minuit et demi, le 30 août,
départ en train de permissionnaires via
Dijon-Belfort-Mulhouse-Colmar-Sélestat
et Strasbourg. De là, je pris le train
pour Diemeringen, où j’arrivai vers 2122 heures. Aucune administration, ni
la presse, n’avaient jugé nécessaire de
prévenir nos familles de notre arrivée,
bien que nous ayons été en contact
avec les autorités françaises depuis le
20 août 1945. Heureusement, mon copain
Altmeyer Louis, pour cause d’ordre
alphabétique, avait été libéré un jour
plus tôt, a pu prévenir mes parents de
mon arrivée le lendemain et eux ont pu
organiser ma rentrée de Diemeringen. En
sortant de la gare, je vis un attelage, un
cheval tirant une charrette appartenant
à M. Matt Charles et, à côté, en attente,
mon père et ma sœur, que je pus prendre
dans mes bras en sanglotant de joie
de ces retrouvailles après 13 mois de
captivité, amaigri, et ne pesant plus que
49 kilos pour mon mètre 82…
Vers minuit, nous arrivâmes à
Oermingen, devant la maison de ma
jeunesse, et grande fut la joie de revoir
et d’embrasser ma mère. La veillée fut
longue, car chacun avait beaucoup de
nouvelles à raconter. Et ce fut le sommeil
du guerrier fatigué.
Le lendemain, après avoir dormi
du sommeil du juste, je revis ma chère
Irène, triste et joyeuse à la fois, des
larmes de joie dans les yeux, elle qui se
disait pendant quatre mois «rentrera-til, ne reviendra-t-il plus jamais ?».
Premier contrôle de notre identité :
nous devions défiler devant des jeunes
gens munis de gros annuaires qu’ils
consultaient après nous avoir fait
décliner notre identité. Les volontaires
de la LVF qui faisaient partie du
convoi, notamment les animateurs du
cabaret «Radio Tambov» ont été repérés
et immédiatement arrêtés. C’était
dimanche, et vers 16 heures, départ
via St-Quentin-Laon-Reims-Châlons’surMarne-Saint-Dizier-Chaumont-LangresDijon-Châlons-sur-Saône. Arrivée le 28
vers 17 heures ; nous couchons à la
caserne après avoir dîné. Le lendemain,
nous sommes soumis à un interrogatoire
de la part d’officiers du 2e bureau. Après
19
GUERRE 1939 - 1945
Le lundi, 30 juin la Délégation générale a proposé à
ses adhérents une sortie au Musée du Pays de la Zorn à
Hochfelden pour visiter une exposition sur le
PLAN «SUSSEX 1944»
page d’histoire exceptionnelle, mais malheureusement
peu connue, de l’une des actions de renseignement des
plus importantes de la Seconde Guerre Mondiale, restituée à travers plus de 350 objets, photos documents originaux (diaporama)
20
Une trentaine de personnes ont ainsi été pilotées par
l’auteur de l’exposition, Dominique SOULLIER, fils d’un
des agents de renseignements.
Depuis des décennies, M. SOULLIER s’investit dans
cette action de reconstitution afin que cette valeureuse
action ne tombe dans l’oubli.
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
GUERRE 1939 - 1945
Remerciements à Dominique SOULLIER d’avoir fait connaître
cet aspect peu connu de la 2e Guerre mondiale
Dominique SOULLIER
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
21
INTERNET
CONNAISSEZ VOUS LE SITE INTERNET DE LA DELEGATION DU BAS-RHIN
DU SOUVENIR FRANÇAIS ?
Enfin grâce aux possibilités qu’offre ce média moderne et convivial
vous pouvez lire ou relire le journal
de liaison de la Délégation «LIEN67»,
huit numéros sont en ligne et n’attendent qu’un simple mouvement de
votre souris pour apparaître sur votre
écran.
A la rentrée, nous ouvrirons une
rubrique pour nos jeunes adhérents
La Délégation Générale du BasRhin attend votre visite sur son site
qui est aussi votre site !! Venez-y
périodiquement,
apportez-nous
vos idées, vos suggestions, faites
connaître ce site qui fera connaître à
son tour le SOUVENIR FRANÇAIS du
BAS-RHIN.
Ce site, ouvert en octobre 2007
compte à ce jour plus de 700 visites.
Il est l’un des vecteurs de communication de la Délégation Générale, pour
y faire connaître les événements qui
concernent la vie de la Délégation du
Bas-Rhin. Mis à jour plusieurs fois par
mois, les visiteurs y trouvent toutes
les informations nécessaires pour adhérer, pour connaître l’historique et
les missions de notre Association ou
simplement pour y chercher les dates
et les lieux des manifestations qui se
déroulent dans notre département.
Un sommaire facile d’accès, permet aux visiteurs et d’un simple clic
d’accéder aux coordonnées des présidents des comités dont ils dépendent, ou de joindre directement la
Délégation Générale. A partir de ce
sommaire chaque visiteur peut se diriger sur les autres sites des comités
du département et bien sur le site
national. Une rubrique dans laquelle
la Délégation fait sa «revue de presse» tantôt pour présenter des articles
évoquant le devoir de mémoire tantôt pour se faire l’écho d’articles qui
interpellent notre curiosité…
Bien d’autres surprises vous attendent lors de la visite de ce site, dont
une surprise musicale qui nous n’en
22
doutons pas vous tirera les larmes
aux yeux. N’avez-vous jamais écouté
«La Strasbourgeoise» ?? Retrouvez là
sur votre site !!
Enfin chaque mois, nous mettons
en ligne la biographie de ceux qui
ont fait l’histoire de notre beau pays,
combattants de toutes les guerres,
Résistants, Compagnons de la Libération, Héros anonymes ou Héros
locaux. Chaque début de mois,vous
trouvez un nouveau portrait…
Bonne visite, bonne lecture…..
Je rappelle l’adresse du site :
http://www.souvenir-francais67.fr
Marc EPHRITIKHINE
Webmaster (mcnpi@wanadoo.fr)
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
HOMMAGE
SOUVENONS-NOUS, 6 JUIN 1944
QUI T’ES TOI,
Et d’abord, qui t’es toi ?
Moi ? Je suis pas grand’chose, presque rien
De la chair à canon, un G.I’ quoi
Ceux qu’on appelle les Ricains
Je suis celui qui est venu avec tant d’autres,
Qui est entré en Normandie par effraction
Pour jouer les samaritains, les bons apôtres,
Et qui a contribué à ta libération
On est arrivé, du chewing-gum plein les poches,
Faisant avec les doigts, le V de la victoire
Croyant d’un coup de balai, chasser les boches
Et du même coup entrer dans l’histoire
On nous critique, on nous éreinte,
On est les Ricains, les Amerlos, mais on est venu chez vous sans une plainte,
et sans regrets, nous sommes entrés dans l’eau.
Nous les avons parcourues toutes ces plages :
Gold, Sword, Juno, Utah, et Omaha,
Sous le feu de l’ennemi, nous sommes sortis des barges,
Et sans hésiter, nous avons livré combat.
Aujourd’hui, le 6 juin, c’est notre anniversaire,
Le jour sinistre de la plus grande bataille,
Le jour qui a fait pleurer tant de mères, et qui nous a bardé la poitrine de médailles.
Nous étions fiers de nous battre pour la France,
Pour nous, vous avez envoyé La Fayette,
Nous avons exprimé notre reconnaissance,
Et largement remboursé notre dette.
Avec mes copains, on est là sous cette terre,
Dans ce coin de Normandie vraiment banal,
On a droit, une fois l’an, à une prière,
mais on repose dans l’indifférence générale.
S’il vous plaît, un peu de reconnaissance, nous sommes tombés pour vous par milliers,
Afin que flotte le drapeau de la France,
Et que dans le monde revive la liberté.
Nous ne demandons pas grand chose :
Un peu de respect, une minute de silence,
Sur notre tombe, qu’on dépose une rose,
C’est peu tout de même pour une délivrance.
Hubert Denys
Gendarmes d’Hier et d’Aujourd’hui N° 177
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
23
BENFELD - Président : René Eck
Sortie à Sigolsheim
Les 31 mai et 1er juin 2008 une
sympathique réunion a eu lieu avec
les anciens du BM 24 venus de Paris, Marseille et Perpignan sur les
lieux de leur
engagement
lors de la Libération de l’Alsace au
printemps 1945.
Un émouvant dépôt de gerbe a
été organisé par le Souvenir Français et les Libérateurs au monument de la 1ère DFL à Obenheim et
au carré militaire de Kogenheim où
reposent un grand nombre de soldats morts lors de ces engagements
meurtriers.
Les «anciens du BM 24», accompagnés par les écoliers du CM2
d’Obenheim sont également allés
par une belle journée à la nécropole militaire de Sigolsheim pour se
recueillir sur les tombes des leurs
tombés au Champ d’Honneur.
Bischwiller - Président : Maurice Bartholomé
Cérémonie du 8 Mai : Le Souvenir Français à l’honneur
Bischwiller a commémoré avec
ferveur le 63e anniversaire de la
Victoire du 8 mai 1945 en se retrouvant autour du monument aux
morts local.
Après un choral joué par l’orchestre d’harmonie et la lecture d’émouvants textes par deux élèves de l’école
Foch, membres du conseil municipal
des enfants, le maire Nicole Thomas
a salué la présence .des élus locaux
et autorités civiles et militaires, tout
en remerciant les détachements du
45ème régiment des transmissions et
des sapeurs pompiers, ainsi que l’orchestre d’harmonie.
Création de l’organisation
des Nations Unies, de l’Unesco,
de l’Unicef
« Nous sommes réuni aujourd’hui
dans le recueillement pour deux raisons: pour ‘nous souvenir, mais aussi
pour fêter une victoire. Nous voulons
d’abord, une fois de plus, nous souvenir. Nous voulons témoigner notre
reconnaissance à tous ces combattants qui ont refoulé l’envahisseur, à
tous ces soldats qui sont morts pour
24
Remise du drapeau flambeau neuf à la section locale du Souvenir Français. (Photo DNA)
la patrie. Nous rendons hommage
aussi aux innombrables victimes de
la Seconde Guerre Mondiale».
Le maire devait évoquer audelà du souvenir de la Victoire du
8 mai, quelques autres victoires
de cette année 1945 : création de
l’organisation des Nations Unies, de
l’Unesco, de l’Unicef mais aussi essor
économique, essor de la démocratie,
élan de solidarité.
La cérémonie a été l’occasion de
mettre à l’honneur la section locale
de Bischwiller du Souvenir Français,
la plus jeune section bas-rhinoise sous
la présidence de Maurice Bartholomé.
La présidente départementale remit
alors officiellement le drapeau au
responsable de la section.
DNA 10 mai 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Brumath - Président : Léon Ball
Escapade en Haute-Vienne 17-18-19 septembre 2007
Le Souvenir Français du Canton de
Brumath sous la Présidence de Monsieur Léon BALL a fait dernièrement
un voyage en Haute-Vienne.
Un arrêt s’imposait dans les caves
de Beaune où une dégustation de vin
a été organisée pour le plaisir et le
palais de tout le groupe.
Le bus s’est ensuite dirigé vers
Limoges avec halte à la Ganterie, visite d’une ancienne Boucherie et petit tour de train pour visiter cette si
belle ville.
Fidèle à sa tradition de mémoire
le groupe s’est ensuite dirigé
sur
ORADOUR-SUR-GLANE
pour
visiter le Centre de la Mémoire. Le
Président Léon BALL en présence
de l’adjoint au Maire de ORADOURSUR-GLANE, ont déposé une gerbe
au cimetière en souvenir de cette si
terrible tragédie.
Ce fut un moment de recueillement et d’intenses émotions.
D’ores et déjà le groupe a sollicité
le Président pour visiter un autre lieu
de Mémoire l’année prochaine.
marmoutier - Président : Raymond Jochem
Perpétuer la mémoire
L’assemblée générale
du Souvenir français
s’est déroulée dans
une salle de la mairie
de Marmoutier.
Après la présentation des différentes
personnalités et les
chaleureuses
salutations de M. ]ochem, une
minute de silence a été
observée à la mémoire
des membres décédés
dont Michel Zagala, le
réviseur aux comptes..
Mme Haettinger a lu le procès-verbal
de l’A.G. du 30.11.2.006 qui a été approuvé à l’unanimité.
Le rapport financier de l’année
2006/2007 a été détaillé par M. Cunay. M. Demay a signalé qu’il avait
effectué 18 sorties avec le drapeau
et M. Jochem en a effectué 20. L’efLien 67 - N° 11 - Septembre 2008
fectif au 30.09.2007 s’élève à 142 adhérents dont 5 associations et 4 enfants. Le comité étant sortant a été
réélu à l’unanimité.
Mme Hincker, déléguée générale
départementale du Souvenir français,
a souligné le travail fourni. Elle a
demandé de continuer dans cette
voie afin que la flamme du Souvenir
français ne s’éteigne jamais.
Le diplôme d’honneur du Souvenir
français a été remis à A.M. Dach de
Marmoutier.
L’assemblée générale s’est terminée par le traditionnel verre de
l’amitié.
DNA 20 février 2008
25
obernai - Président : Roger Dagorn
La stèle des aviateurs anglais
Il aura fallu attendre 64 ans et la
motivation d’un groupe d’hommes
décidés, attentifs à l’histoire, pour
que la mémoire de la chute d’un
bombardier dans la nuit du 28 au
29 juillet 1944 près de la maison
forestière du Willerhof ne se perde
dans la nuit des temps.
C’est sous l’impulsion d’Étienne
Barthelmé, un passionné d’histoire
aéronautique militaire d’Obernai,
que le Souvenir français, représenté
par Roger Dagorn et Raymond Hollerich, a pris l’initiative d’ériger une
stèle du souvenir sur les lieux du
crash d’un bombardier anglais de
retour de mission en Allemagne.
L’avion avait été endommagé par
la DCA au niveau de Strasbourg et
avait fini par tomber près d’Ottrott.
L’armée de l’air a rendu les honneurs aux aviateurs anglais
Avec l’accord du syndicat forestier d’Obernai-Bernardswiller et
avec l’aide du garde-forestier Pierre
Chauvin, secondé par les ouvriers
forestiers du secteur d’Ottrott, le
projet prend forme.
Pour ce faire, il faut trouver
l’endroit le plus proche de la chute
du Lancaster qui soit accessible au
public, puis fabriquer et ériger la
stèle.
Il était logique de choisir la journée souvenir du 8 mai pour inaugurer le monument. La première étape
de cette cérémonie se déroula au cimetière du bas à Ottrott en présence des familles et des personnalités
anglaises qui avaient fait le déplacement pour honorer la mémoire
des aviateurs et fleurir leur tombe.
La municipalité d’Ottrott, représen26
La stèle a été érigée en un endroit accessible au public dans la forêt du Willerhhof.
(Photo DNA)
tée par son maire, Claude Deybach,
a déposé une gerbe. Egalement sur
place, le docteur Pattison, président
de l’amicale des anciens de la Royal
Air Forçe, et les membres du Souvenir français.
L’inauguration de la stèle a pris
naturellement une forme beaucoup
moins intime et nettement plus officielle. Pour rehausser cette manifestation, à laquelle participait la
musique municipale et une délégation des Pompiers d’Ottrott avec
leur chef de corps, un détachement
militaire de l’armée de l’air de la
base aérienne de Drachenbronn
avait fait le déplacement pour rendre les honneurs.
De nombreuses personnalités
civiles et militaires étaient réunies dans ce valIon, près du lieudit Willerhof. Après les allocutions
d’usage, le docteur Pattison et Roger
Dagorn dévoilèrent la stèle. Ce fut
un grand moment d’émotion pour
les membres des familles anglaises
présentes. Car il n’est pas courant
aujourd’hui que l’on se souvienne
encore, au bout de tant d’années.
du sacrifice de l’équipage d’un bombardier qui a contribué à sa manière
à rétablir la paix.
Pour clôturer cette émouvante
journée, la ville d’Obernai, représentée par son maire Bernard Fischer, a invité tous les participants à
la mairie. C’est avec émotion et en
français que le docteur Pattison tint
à dire sa satisfaction de voir que
«mémoire» n’est pas un vain mot.
Le docteur Pattison et Don Hunter,
dernier membre survivant de l’équipage, représenté en la circonstance
par sa fille Shelley. se sont vu remettre une médaille commémorative d’Obernai gravée à leurs noms
tandis que les parents du pilote H.
Jones ont reçu un livre-souvenir de
cette journée.
Lu.B, DNA 11 mai 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
obernai - Président : Roger Dagorn
Un panneau explicatif
A côté de la stèle commémorant la chute d’un
bombardier anglais Lancaster en juillet 1944 est
désormais installé, grâce notamment au Souvenir
français, un indispensable panneau explicatif mentionnant les noms et les photos de l’équipage et le
déroulement de la dernière de l’avion. (Doc remis)
DNA 3 juillet 2008
La stèle des aviateurs anglais :
Inauguration
La Stèle du Lancaster NE 164 a été érigée à l’initiative des membres du Souvenir Français du Canton
d’Obernai en mémoire des sept membres d’équipage
du bombardier Lancaster qui s’est écrasé près du
Willerhof le 28 juillet 1944. De retour d’une mission
de bombardement sur Stuttgart, le quadrimoteur anglais a été abattu par la chasse de nuit allemande.
Jeudi 8 mai 2008, en hommage à ces aviateurs,
la stèle a été inaugurée lors d’une émouvante cérémonie, en présence de nombreuses personnalités,
de représentants de l’Ambassade britannique, de la
Royal Air Force, de l’Armée de l’Air française et des
familles des aviateurs britanniques ainsi que de Roger Dagorn, Président du Souvenir Français d’Obernai, de Claude Deybach, Maire d’Ottrott, de Bernard
Fischer, Maire d’Obernai, et du Dr Bryan Pattison,
Directeur de la Royal Air Force Association. Après
cette inauguration, une réception a eu lieu à la mairie d’Obernai où Bernard Fischer a remis la médaille
de la ville d’Obernai à la famille du Sergent Hunter
et au Dr Pattison.
Le Courrier S’Blattel N° 19 du 15 mai 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
27
sélestat - Président : Col François Jacquot
Châtenois - Au camp du Struthof : Devoirs de mémoire
Les élèves des classes de 3ème du collège de Châtenois ont rendez-vous cette semaine avec une page
particulièrement sombre de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Les collégiens se sont rendus au
camp de concentration du Struthof.
Deux portes battantes hérissées de barbelés
condamnent l’entrée d’un imposant porche en bois.
Au-dessus, l’inscription indique un nom : «Konzentrationslager Struthof-Natzweiler». De 1940 à 1944,
une piste abrupte de 800 mètres a été l’unique accès pour rejoindre le camp. Le chemin passe devant
une demeure bourgeoise avec piscine. La maison réquisitionnée a logé les différents commandants du
camp. Les bourreaux aimaient vivre à coté de leurs
victimes… Aujourd’hui, les visiteurs passent par un
autre chemin. Avant d’entrer dans le camp de l’horreur, les élèves de 3ème du collège de Châtenois ont
donc longé un grand bâtiment noir abritant le Centre
européen du Résistant déporté, inauguré en 2005.
Sept miradors entourent le camp du Struthof. A l’arrière-plan,
le mémorial de la déportation surplombe 1 120 tombes
de déportés français. (Photos DNA-Franck Delhomme)
Accompagnés de François Jacquot, responsable
de l’association du Souvenir Français et du résistant
Lucien Frey, les collégiens casténitains ont fait leur
devoir de mémoire. Il y a quelques semaines, les élèves avaient suivi les explications de François jacquot
sur la seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, ils doivent remplir un questionnaire comptant dans leur
moyenne d’histoire.
L’arrivée des collégiens de Châtenois devant l’imposant porche
du camp de Struthof.
raison de sécurité. Officieusement, certains pensent
qu’il fallait rapidement tourner la page. Il est néanmoins dommage que les autorités n’aient pas laissé
aux historiens ne seraient ce qu’un an afin de pouvoir fouiller et analyser les inscriptions laissées sur
les parois…», indique François Jacquot.
Les baraquements ont été construits en espaliers
avec, pour chacun, une place de rassemblement. Lucien Frey est affecté au no 14 début 1942. Le résistant n’a alors que 16 ans. L’adolescent vit neuf mois
au rythme du camp. Levé tous les jours à 4 h pour
être prêt au rassemblement à 5 h 30. « Tous le monde devait sortir des baraques. Même les morts! Les
rassemblements pouvaient durer des heures comme
seulement dix minutes. » Lucien Frey participe aux
fondations de la prison.
Il est transféré avant de voir en activité le four
crématoire. Lucien Frey ne retourne au Struthof
Les jeunes doivent savoir…
On ne doit pas leur dire toute l’horreur.
Cela ne servirait à rien.
Première surprise dans l’enceinte même, il ne
subsiste rien des baraquements ayant abrité les prisonniers. «Elles ont brûlées en 1956 sur commission
du préfet du Bas-Rhin Paul Demange, enfant de Sélestat. Officiellement, elles ont été détruites pour
28
Le four crématoire au camp du Struthof permettait de faire
disparaître les corps des déportés.
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
sélestat - Président : Col François Jacquot
qu’en 1974. « je ne voulais pas venir. Je l’ai fait pour
la famille», résume-t-il. «Aujourd’hui, je reviens
régulièrement. Les jeunes doivent savoir... »
Sa gorge serrée par l’émotion l’empêche d’en dire
plus. Silence. Il se reprend. Gêné. «On ne doit pas
leur dire toute l’horreur. Cela ne servirait à rien. Ils
doivent connaître l’essentiel. C’est bien suffisant! «
Lucien Frey se souvient des incessantes brimades.
Les détenus ne pouvaient approcher à plus d’un mètre à proximité de la ligne électrifiée. Dans les miradors, les gardiens avaient ordre de tirer à vue. «Un
de leur jeu était de donner un coup de pied dans le
dos des détenus qui avaient des brouettes. Ceux-ci
chutaient près des lignes... » Ce sadisme était bien
récompensé. «Les SS avaient des jours de permission, des cigarettes, du schnaps et de la saucisse »,
indique François Jacquot.
Lucien Frey est toujours ému lorsqu’il revient au camp
du Struthof.
de la tolérance. Il ne faut pas oublier mais surmonter afin que plus jamais ceci ne soit réalité. Cela ne
doit pas rester des mots comme lors de ce deuxième
dimanche d’août 1939 où même le ministre de la
Guerre était présent au Linge pour dire pendant des
heures : «plus jamais cela». Deux semaines après, la
Seconde Guerre mondiale éclatait… Ce sera à vous le
moment venu de dire non !».
Vivien Montag, DNA 14 mai 2008
Le résistant Lucien Frey témoigne devant les collégiens
de Châtenois.
Outre les harassants travaux dans les carrières de
granit du Mont-Louise, les détenus pouvaient subir
des expérimentations de trois professeurs réalisant
des travaux sur le typhus, l’ypérite (appelé aussi gaz
moutarde) ou le phosgène. En contrebas du camp,
l’annexe d’un hôtel servant de salle de bal sera modifié en chambre à gaz : 87 personnes y périront. Au
camp, les détenus ne mourant pas de fatigue et de
faim étaient tués par pendaison ou par balle. Leurs
corps disparaissaient dans le four crématoire, Le
lieu est encore chargé d’émotion. Camille Marbach
de Scherwiller aura seulement fait deux pas dans
ce bloc et n’aura pas vu la plaque commémorative
saluant les 108 disparus du mouvement Alliance. «Je
ne peux pas» souffle-t-elle.
A côté du block transformé en musée, la potence
est toujours dressée… François Jacquot conclut la
visite devant elle: «Il ne faut pas avoir de sentiments
de haine et de vengeance mais plutôt du pardon et
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
La potence est dressée à proximité du bloc abritant le musée.
29
sélestat - Président : Col François Jacquot
Avec le Souvenir français, sur les traces des passeurs
Sous l’égide du comité local du Souvenir Français, six classes CM2 des
écoles de Saint-Martin et Sélestat
(Dorlan et centre) ont découvert,
les 16, 20 et 29 mai, le sentier des
passeurs, lieu de mémoire.
En 1940, l’Alsace est annexée par
les Allemands qui rétablissent l’ancienne frontière de 1871. Elle passe
sur la ligne de crête, à la limite départementale entre les Vosges et le
Bas-Rhin.
Cette frontière représentait, pour
de nombreux Français et étrangers
fuyant la terreur nazie, une limite
à franchir pour quitter l’Alsace et
accéder à la liberté. Ils étaient déserteurs, Alsaciens réfractaires à
l’incorporation de force dans l’armée
allemande, prisonniers évadés des
camps allemands, officiers britanniques et américains en mission de renseignement revenant d’Allemagne…
avec de fausses cartes d’identité
Un des itinéraires, celui emprunté
par les scolaires, reliait Salm (près
de Schirmeck) à Moussey (dans les
Vosges), aujourd’hui appelé le sentier
des passeurs. Il témoigne du courage
de ces hommes qui ont apporté leur
aide au péril de leur vie. Une stèle
leur rendant hommage est érigée depuis quelques années sur l’ancienne
frontière.
Des passeurs, mais aussi d’autres
résistants, comme le garde forestier
de la maison forestière de Salm qui
surveillait les mouvements des patrouilles allemandes, le secrétaire
de mairie de Moussey qui établissait de fausses cartes d’identité, les
gendarmes de la brigade locale qui
assuraient leur protection, le curé
de la paroisse qui cachait ceux qui
fuyaient dans l’église, les familles
du village qui les hébergeaient, sans
oublier René Farine, qui avait 13 ans
en 1944, et qui témoigna devant les
scolaires comment il portait les messages cachés dans la doublure de son
béret à la barbe des Allemands.
30
Une stèle en mémoire des passeurs érigée sur l’ancienne frontière.
Photo DNA
En arrivant à Moussey, les élèves
ont observé quelques instants de silence devant le monument de la Déportation. En effet, ce village-martyr
est le 2ème village de France après
Oradour-sur-Glane à avoir subi le plus
de pertes civiles pendant la Seconde
Guerre mondiale; en août et septem-
bre 1944, 187 habitants masculins
ont été déportés et 144 sont morts
dans les camps.
Grâce aux guides, MM Jérôme et
Ledig, les élèves ont vécu en direct
une leçon d’histoire de France.
DNA 8 juin 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
sélestat - Président : Col François Jacquot
Une tranche d’histoire bien vivante
Comme chaque année, le comité
local du Souvenir Français a organisé trois journées «découverte»
sur les lieux de mémoire au profit de
six classes CM2 des établissements
scolaire de Muttersholtz et Sélestat
(Jean-Monnet, Sainte-Foy et école
annexe).
La matinée a débuté par la projection d’un film sur le champ de bataille
du Linge. Ce site présente un aspect
saisissant: l’infrastructure du solide
système de défense allemand bien
conservé et les vestiges des tranchées
françaises en terre meuble creusées à
la hâte. Entre le 20 juillet et le 16
octobre 1915, quelque 17 000 jeunes
français et allemands y ont laissé
leur vie. Les conditions météorologiques défavorables n’ont pas permis à
toutes les classes de se recueillir au
cimetière militaire du Wettstein.
Après le déjeuner tiré du sac,
courte halte à la Croix du Moulin à
Jebsheim où se déroulèrent fin janvier 1945, durant cinq jours et cinq
nuits, de terribles combats faisant
Les jeunes ont découvert le cimetière militaire
détruit, dans le cadre de la réduction
de la poche de Colmar.
La sortie s’est achevée au muséemémorial Maginot de Marckolsheim
où les enfants ont été accueillis
par M. Klein et le colonel Herrbach
qui ont su les captiver par des explications fournies tout au long de
la visite à l’intérieur de la casemate
comme à l’extérieur. Pendant plus
d’une heure, ils ont circulé dans les
différentes pièces de l’ouvrage et pu
observer aux abords de nombreux
matériels d’origine française, américaine et même soviétique (en mémoire aux Malgré nous).
Une leçon d’histoire qui restera
dans leur mémoire et qu’ils seront
peut-être appelés un jour à transmettre. Histoire de ne pas oublier.
de nombreuses victimes civiles et militaires et un village au trois quart
L’Alsace 19 juin 2008
Jebsheim : Le Souvenir français explique aux jeunes
L’histoire du petit Jérôme
Le Souvenir français du canton de Sélestat, présidé
par François Jacquot, a rencontré les classes de CM2
de Sélestat et de Muttersholtz afin de travailler sur le
devoir de mémoire, dans le cadre de leur programme
d’histoire scolaire
Ce travail de transmission de mémoire aux jeunes
générations s’est adressé à quelque 150 élèves au cours
du mois de juin au mémorial de la Paix et au jardin du
Souvenir, à la Croix-du-Moulin de Jebsheim. Les jeunes
ont visité le Linge, lieu des combats sanglants de la Première Guerre mondiale, puis, ont fait une halte en début
d’après-midi, sur le site de l’ancien moulin de Bergheim.
En présence de Denise Prias et Henri Husser, conseillers
municipaux, une gerbe a été déposée au mémorial de
la Paix. Celui-ci était entouré des porte-drapeaux des
Diables Bleus de Colmar, de Robert Bouillon, accompagné
de Baptiste Paillet du CM2 de Muttersholtz, de Morgane
Rebhuhn de l’école de Sélestat et du vice-président Albert
Scherer, avec son drapeau portant l’inscription «A nos
soldats de janvier 1945».
Après une minute de silence et le chant de la Marseillaise
que les élèves, enseignants et accompagnateurs ont repris
en chœur, le pin’s et la médaille de la Croix-du-Moulin
ont été offerts à chaque personne présente.
Le voyage avait mené les Alsaciens jusqu’à Le Bugue
Vendredi, M. Jacquot a profité de ce moment pour leur
narrer l’histoire vraie vécue lors de l’exode en septembre
1939 par le petit Jérôme de Marckolsheim. Une histoire
toutefois quelque peu romancée, pour que les jeunes
comprennent bien ce qu’ont vécu les Alsaciens lors de
cet exode.
Le voyage avait mené les Alsaciens jusqu’au Bugue en
Dordogne, au sud de Périgueux et à l’est de Bergerac. Ce
fut aussi l’occasion de leur parler de l’antisémitisme, de
la discrimination, de l’hostilité ou des préjugés à l’encontre des Juifs. Hugues Péché, le président de l’association
de la Croix du Moulin, fit l’historique de la bataille de
Jebsheim, qui fit plus de 1 000 morts et 2 000 blessés
parmi les belligérants.
DNA 19 juin 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
31
strasbourg ville - Président : Richard Seiler
Port du Rhin : Commémoration de la résistance alsacienne
Fusillés il y a 65 ans
Il y a 65 ans, le 15 juillet 1943,
six Alsaciens étaient fusillés par
les nazis au stand de tir du Rhin.
Mardi dernier, le Souvenir Français
et des membres des familles des
fusillés, ont déposé une gerbe au
monument Desaix, route du Rhin à
Strasbourg.
Le monument porte six noms
: Alphonse Adam, 24 ans, Robert
Kieffer, 23 ans, Joseph Seger, 47
ans, Pierre Tschaen, 21 ans, Charles
Schneider, 25 ans et Robert Meyer, 28
ans. Ce sont des héros de la résistance
1940-1943, membres du Front de la
jeunesse alsacienne (FJA).
Ils n’avaient pas accepté l’annexion de 1940. Cette résistance avait
commencé dès le printemps 1941. En
juillet 1942, ils sont environ 500 jeunes gens ralliés au FJA à Strasbourg
et environs. D’autres groupes existent à Saverne, Haguenau, dans la
vallée de la Bruche et la liaison est
assurée avec Mulhouse et Metz.
Alphonse Adam est leur chef. Ils
avaient juré fidélité devant le crucifix et le drapeau français. Ils tiennent
souvent des réunions au presbytère
de Schiltigheim, au restaurant de
Joseph Seger (de 20 ans leur aîné),
se rassemblent au mont Sainte-Odile,
dans les jardins de l’université. Ils assurent le passage de prisonniers évadés par une piste du Hohneck, s’infiltrent dans l’administration, diffusent
des tracts qui se terminent par: «Vive
l’Alsace, vive la France !»
L’exaspération des milieux nazis
est à son comble. Le Front est sur ses
gardes, renseigné par des sympathisants en place dans l’administration,
notamment Micheline Adam, sœur
d’Alphonse. Un agent de la Gestapo
est introduit dans le réseau et 24 de
ses membres sont arrêtés en janvier
1943. Ils comparaissent devant le
Volksgerichthof (tribunal du peuple)
les 6 et 7 juillet 1943 à Strasbourg.
Berlin
déplace
le
cynique
procureur Freisler, celui-là même qui
enverra à la potence des officiers
allemands ayant comploté contre
Hitler, le 20 juillet 1944 (groupe von
Stauffenberg). Freisler n’est entouré
que d’Allemands. L’Allemagne nazie
fait le procès de l’Alsace.
Les accusés se proclament Français, dénoncent l’incorporation de
force des jeunes Alsaciens. L’un
32
Une stèle en mémoire des passeurs érigée sur l’ancienne frontière.
Photo DNA
d’entre eux a même le culot de citer
Hitler qui, dans un discours d’avant
1939 avait renoncé à l’Alsace…
Le soir du 6 juillet, retour en
prison, rue du Fil. Malgré l’escorte SS
la foule applaudit les inculpés: «vive
Adam», «Bravo», «Courage». Des
passants sont arrêtés pour sympathie
à l’égard de «traîtres». Le 7, il y a des
manifestations de sympathie dans la
salle d’audience. Six peines de mort
seront prononcées; les autres sont
condamnés à la déportation ou à des
peines de prison.
Le 13, le recours en grâce est rejeté. Le 15, la sentence est exécutée.
Le procès-verbal mentionne : «Tous
les condamnés ont fait preuve de
calme et de résolution».
Le dépôt de gerbe en présence
de Mireille Hincker, Richard Seiler,
président du comité de StrasbourgVille du Souvenir français, de la
sœur d’une des victimes, Alphonse
Adam, chef du Front de la jeunesse
alsacienne, Pélagie Simon et François
Xavier Weibel, vice-président du
comité de Strasbourg-ville du
Souvenir français.
DNA 20 juillet 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
vallée de la mossig - Président : Lt-Col Georges Krantz
Chanter l’Europe avec le Souvenir français
Ambiance à la fois joyeuse et réfléchie
pour des classes d’écoles primaires du
Canton de Wasselonne à l’occasion de
leur sorties sur les «lieux de mémoire»
du Linge et de Turckeim.
Concédons que c’étaient des jours de
classe sortant de l’ordinaire, des classes
de CM2 de Wasselonne et de Westhoffen
se sont rendu sur le théâtre des deux
dernières guerres pour une leçon d’histoire
sur le terrain même des affrontements:
au Mémorial du Col du Linge et au musée
des combats de la poche de Colmar à
Turckheim. Les journées, organisées à
l’initiative du comité de la Mossig du
Souvenir français et de son président
Georges Krantz, en collaboration avec
l’Education Nationale et avec l’aide
financière du comité André Maginot,
ont permis aux jeunes élèves des classes
de Pia Morgenthaler, de Sophie Eloy, de
Bertrand Plesse et de Christophe Schmitt
de découvrir un champ de bataille de
la Grande-guerre où un affrontement
meurtrier eut lieu de juillet à octobre
1915 tuant 17.000 soldats français et
allemands. Après la projection d’un film
et la visite du musée-mémorial montrant
entre autres des objets trouvés sur place,
les enfants ont parcouru par un temps
ensoleillé le solide
système de défense
allemand,
encore
en bon état, et les
vestiges des pauvres
tranchées françaises,
en contrebas. Visite
impressionnante,
s’il en fut, car ici et
là, reposent encore
des corps inconnus.
A midi, pique-nique
sous les frondaisons
d’une
belle
forêt
voisine qui a repris ses
droits sur la bêtise des
L’école de Westhoffen en visite au Musée de la Poche
hommes. Puis, dès 13 h
de Colmar à Turcheim.
30, saut de 30 ans dans
1’histoire, à Turckeim,
Ce vendredi restera comme une
pour trop rapidement évoquer la dernière
guerre et, en particulier, la libération de sensibilisation nécessaire aux drames
Colmar, dernière grande ville française vécus par de jeunes hommes -les grands
tenue alors par les Nazis, après de pères ou arrières grands pères -pour que
rudes et destructeurs combats. Moment les nouvelles générations n’oublient
émouvant sur le parvis du mémorial jamais le prix de la Liberté et poursuivent
quand les enfants, leurs instituteurs la construction de l’Europe de la Paix.
et les parents accompagnateurs se sont Signe encourageant : les jeunes ont
groupés autour de Georges Krantz et entonné avec enthousiasme et conviction
du drapeau européen pour une photo- l’hymne européen –une ode à la joie.
souvenir .
DNA 13 juin 2008
Stèle du Kronthal : une inauguration solennelle
La stèle du Kronthal, qui avait été détruite récemment par un accident de
circulation, a été reconstruite, déplacée
et étendue à un appareil Lancaster de la
RFA abattu dans la région, donnant lieu
à une inauguration solennelle en présence d’un parterre de personnalités civiles
et militaires.
Parmi l’assistance figuraient, outre de
nombreux représentants d’associations patriotiques. le maire de Wasselonne Joseph
Ostermann, son homologue de Marlenheim
Xavier Muller ainsi que le député Alain Ferry
et la conseillère régionale Mariette Sieffen
qui ont présidé de concert au dévoilement
des nouvelles plaques et au dépôt de gerbe,
suivi de la Marseillaise et du God save the
Queen joués par la musique Harmonie de
Wasselonne. Toute l’assemblée s’est ensuite
rendue à la mairie où l’attendait une exposition sur le Lancaster abattu. montée
et présentée par Robert Bernhardt, ainsi
qu’une exposition sur la 2ème DB mise en
place sur l’initiative du Souvenir français.
Après avoir souligné les mérites des libérateurs, le maire a remis plusieurs médailles d’honneur de la Ville tandis que le
représentant en Europe des Amicales de
la RAF rappelait le rôle joué par l’aviation
dans le conflit et que John Holland, seul
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
survivant actuel de l’équipage de l’avion
remerciait pour l’accueil reçu et se voyait
remettre avec une émotion profonde, son
propre gant d’aviateur conservé depuis
dans la région.
Le président du Souvenir Français
Bernard Krantz a rappelé les évènements
survenus lors de la Libération du secteur,
situant les faits dans leur contexte historique, avec le passage en force du Général
Leclerc et les escarmouches livrées encore
contre les résistances allemandes. L’une
d’elles, qui aura lieu le matin du 23 novembre 1944 dans le défilé du Kronthal,
«sera meurtrière pour l’équipage d’une AM
M8 appartenant au 1er Escadron de Reconnaissance du Régiment Blindé de Fusiliers
Marins incorporé au Groupement Tactique
du Colonel Rémy». Les noms des trois hommes qui ont perdu la vie ce matin-là figurent sur la stèle inaugurée. Le président a
évoqué également les actes de bravoure de
l’aviation alliée, se penchant particulièrement «sur l’héroïsme des équipages anglais
et sur la 13e mission de l’Escadrille 57 de la
Royal Air Force au cours de laquelle un Lancaster JB vint s’écraser entre Romanswiller
et Crastatt après avoir effectué une boucle
au-dessus du ban communal de Wasselonne». En quelques mots, il a précisé le sort
de l’équipage, des hommes blessés, faits
prisonniers et internés dans des stalags et
parmi eux deux aviateurs retrouvés morts
et inhumés au cimetière de ReutenbourgWesthouse où la commune et le Souvenir
Français veillent à l’entretien des tombes.
Le détail de cette mission et de ces
combats a été mis sur le site internet de
la ville de Wasselonne afin d’en pérenniser
la mémoire car «il faut que les générations
successives sachent que face à une idéologie néfaste niant les droits humains les
plus élémentaires, des femmes et des hommes se sont levés au péril de leur vie, pour
dire non à la barbarie et pour que renaisse
le droit, la liberté et la paix.»
C’est le sens du monument inauguré ce
jour dans le Kronthal.
Line Lam, AMI HEBDO 9 décembre 2007
33
woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges
Quatre projets phares
L’assemblée générale du Souvenir français de Woerth, qui s’est
tenue à Biblisheim, a permis au
président Arnaud Cabirol de StGeorges de faire l’inventaire des
actions menées par l’association : l’entretien des monuments
et les actions de mémoire.
D’emblée, Arnaud Cabirol a rendu hommage aux membres disparus en 2007-2008, Ursule Aubert,
René Moritz et Othon Dahl. Le président du Souvenir français a rappelé la dernière action menée par
Othon Dahl qui verra sa concrétisation en juin à Lembach.
L’inventaire de tous les monuments du champ de bataille, réalisé
par François Guéringer du service
de la culture au conseil général,
a été la grosse opération de l’année. Le Département compte solliciter des crédits européens pour
la rénovation des tombes et des
monuments datant de 1870, qu’ils
soient français ou allemands, dans
le Bas-Rhin. Ces crédits européens
financeraient entre 60 et 80% des
travaux. « Je regrette que le monument français n’ait pas été pris
en compte dans cette opération.
Ce monument nécessite de grosses
réparations », a déploré le président Arnaud Cabirol.
Quatre actions seront menées
en 2008 pour transmettre la mémoire. Il s’agira d’abord de faire
découvrir à de jeunes Français
d’origine algérienne, les faits d’armes des Turcos. Le colonel Méliani, président de l’Union nationale
des anciens combattants français
musulmans, prépare une délégation de jeunes qui visiteront le
musée avant de déposer une gerbe
à la cabane des Turcos. Ce projet
se concrétisera au mois de mai. La
34
seconde action est devenue routinière: il s’agira de faire visiter aux
élèves du canton le musée et le
champ de bataille.
Arnaud Cabirol a redit
son intention de quitter
la présidence
Le
troisième
événement
aura lieu le dimanche 15 juin à
Lembach. «Ce sera l’inauguration
d’un monument en l’honneur du
23e BCA qui a combattu autour
de Lembach en 1940. Cette
manifestation
sera marquée
par le souvenir d’Othon Dahl.
Ce projet était le sien. Il avait
fait des recherches historiques,
imaginé le monument, son lieu
d’érection et pris les contacts
administratifs indispensables» a
remarqué Arnaud Cabirol.
La dernière grosse activité
du Souvenir français de Woerth
sera l’organisation de la cérémonie du 6 août qui sera montée
avec le concours de la commune
de Woerth.
«Vous faites figure d’un comité
phare du Souvenir français» a lancé la déléguée générale. Mireille
Hincker. «En ce qui concerne le
monument français. il peut être
pris en compte pour obtenir une
subvention du conseil général»,
a déclaré Guy-Dominique Kennel.
«Sensibiliser les jeunes générations en les faisant participer est
une action remarquable, car cela
leur permet de mieux percevoir
l’histoire» a souligné le député
Frédéric Reiss.
Avant de remettre diplômes et
médailles aux membres méritants
de l’association, Arnaud Cabirol
a redit son intention de quitter
la présidence du Souvenir français de Woerth. Benoit Sigrist, de
Woerth, un féru d’histoire, a proposé sa candidature. Il reste aux
instances parisiennes à accepter
sa candidature.
Le diplôme d’honneur a été
remis à Alfred Ott, René Mathis,
Charles Reibel. Ben Mehdi et
Jeanne Stephan. Mireille Cabirol de
St-Georges, maire de Biblisheim,
et Cécile Schaeffer ont reçu la
médaille de bronze. Le porte
drapeau du Souvenir français de
Woerth, Gilbert Levy a reçu la
médaille d’argent.
DNA 28 février 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges
Lembach - Inauguration au cimetière
En souvenir des Diables bleus
Au cimetière de Lembach a été
inauguré dimanche un monument
en l’honneur du 23e Bataillon des
chasseurs alpins, dont trois hommes ont été tués dans une embuscade à Lembach en juin 1940.
En Alsace du Nord, l’histoire
de la Ligne Maginot est relativement bien connue. Mais ce qui l’est
moins, c’est que les espaces entre la
frontière allemande et les ouvrages
étaient gardés par des troupes d’élites qui étaient très exposées au feu
de l’ennemi. Dans la zone couverte
par les tirs du Four à chaux, les
aménagements des barrages antichar et des maisons fortes comme
autour de l’hôtel de Tannenbruck
furent l’œuvre du 99e régiment
d’Infanterie alpine.
Elle tombe dans une embuscade et
perd quinze hommes
Au moment du déclenchement
de l’offensive allemande en mai
1940, la position est occupée par le
23ème. bataillon de Chasseurs alpins. Au Nord de l’Alsace. les attaques ennemies se concentrant sur
les postes d’observation, les Chasseurs abandonneront rapidement
leurs points d’appui – Tannenbruck,
Litschhof, Wîngen - trop avancés
vers la frontière, pour aménager
une zone défensive rapprochée appelée le brisant de Lembach. C’est
de ces positions que partiront les
patrouilles de reconnaissance pour
localiser les positions adverses.
Alors que la 23e BCA avait reçu
l’ordre de décrocher dans la nuit
du 15 au 16 juin, le 15 juin vers
14 heures, une dernière patrouille
passe les barbelés pour explorer les
crêtes du Riegelsberg (nord-est)
qui dominent Lembach. Elle tombe
dans une embuscade et perd quinze
hommes : prisonniers, blessés ramenés et morts. Parmi ces derniers
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
figure le caporal Albin Coudert,
originaire de Marseille, qui laisse
derrière lui une femme et deux fils
âgés de 2 et 4 ans.
Le Souvenir français, avec son
président Othon Dahl, décédé
dernièrement, avait proposé à la
commune de Lembach de graver dans
la pierre le souvenir de ce bataillon
de Chasseurs alpins, corps dont les
hommes portaient le surnom de,
«Diables bleus». La réalisation de
la stèle en grès des Vosges a été
confiée à l’artiste sculpteur local
Grigor Popp. Dimanche 15 juin,
jour anniversaire, le monument
en l’honneur du 23ème BCA a été
inauguré au cimetière de Lembach
en présence de la veuve d’Othon
Dahl et de Jean-Pierre Coudert, fils
d’Albin Coudert.
Le président des Diables bleus d’Alsace rendit hommage
aux anciens
Devant une forte délégation
de militaires actifs et retraités.
de personnalités civiles et d’élus.
ainsi que de treize drapeaux et
fanions d’anciens combattants,
Gérard Forche retraça le passage
du 23e BCA en Alsace. Le président
local du Souvenir français, Arnaud
Cabirol de Saint-Georges, donna la
parole à Mireille Hincker, déléguée
départementale, qui retraça la
mission du Souvenir français, et
au lieutenant-colonel Pascal Boës,
président des Diables bleus d’Alsace,
qui rendit hommage aux anciens de
l’arme.
Le maire Charles Schlosser mit
l’accent sur le «moment émouvant
car il nous inspire le recueillement
des vivants pour les morts qui sont
tombés sur le champ d’honneur
pour défendre notre liberté. Moment émouvant car, de l’emplacement ou nous nous trouvons, nous
avons vue sur les lieux même où
ces jeunes soldats français trouvèrent la mort».
Avant le dépôt de gerbe et
les sonneries d’usage, le député
Frédéric Reiss délivra un message
en direction de la jeunesse : «Ne
pas tomber dans l’insouciance et
passer à côté de l’essentiel. A toute
la jeunesse européenne, il incombe,
plus que jamais, de construire cette
Europe de la paix».
DNA 21 juin 2008
Une cérémonie fort émouvante en l’honneur du 23ème BCA s’est déroulée au cimetière
de Lembach. (Photo DNA))
35
woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges
Sur les traces des Turcos
Tous les deux ans, les responsables
du Souvenir français de Woerth
organisent des visites guidées
au musée 1870 et sur le champ
de bataille pour les enfants des
écoles du canton de Woerth.
Cette année, cinq écoles sur 17
ont répondu à l’invitation des
organisateurs.
«Le transport des enfants
et les entrées du musée sont
entièrement pris en charge par
la section de Woerth du Souvenir
français», souligna Arnaud Cabirol
de St-Georges, le président de
l’association. 24 enfants du CM2
de Langensoultzbach ont entamé
le cycle des visites, l’autre jour.
Ils ont été accueilli au musée par
Raymond Frey qui leur a présenté
les nombreuses pièces, uniformes,
armes
qui
composent
les
collections du musée historique.
Les enfants se sont ensuite
rendus sur le sentier des Turcos
pour découvrir le champ de
bataille. Les nombreux panneaux
explicatifs qui jalonnent le sentier,
les ruines de la maison des Turcos,
les tombes, et les monuments ont
permis aux élèves de M. Fahacher de
mieux comprendre le déroulement
36
110 marches pour accéder au sentier des Turcos. (Photos DNA)
des événements qui ont marqué
à jamais les sites de Woerth, de
Froeschwiller et d’Elsasshausen.
Un détour en bus par la route
des monuments a clos la balade
historique.
DNA 14 juin 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
woerth - Président : Arnaud Cabirol de Saint-Georges
Une foule de spectateurs est
venue mercredi soir assister à la
cérémonie commémorative de la
bataille du 6 août 1870, devant
un parterre de personnalités
civiles et militaires qui se sont
retrouvées sur les hauteurs
de Woerth, à l’emplacement
même où le maréchal de
Mac‑Mahon commandait les
armées françaises.
Maniées par les musiciens
d’Alta-Musica, les trompettes ont
a nouveau sonné 138 ans après
les tragiques événements de
1870, sous une chaleur écrasante.
«La Charge», «le Réveil», «le
Cessez-le-feu», «la Retraite», ont
rappelé les événements racontés
par Arnaud Cabirol, Benoît Sigrist
pour le Souvenir français, Hubert
Walther en officier allemand,
Bernard Weber, qui tenait le rôle
de Mac-Mahon, et Denis Muller,
un Turco qui raconta la bataille
comme il l’a vécu.
Dès la fin du récit, c’est
l’«Hymne à la Joie», l’hymne
choisi par les pays européens qui
retentit. Trois jeunes collègiens
s’avancèrent portant les drapeaux
français, allemand et européen et
précédèrent les personnalités qui
vinrent déposer une gerbe au pied
du monument.
La sonnerie aux morts et la
Marseillaise, interprétées par
Charles Rutsch et la clique de
Woerth-Froeschwiller, clôturèrent
la partie officielle de la cérémonie
qui fut suivie par un instant
d’émotion
lorsqu’une
petite
Alsacienne déposa une cocarde
sur le gisant du monument
français. Un geste pour rappeler
que pendant l’annexion de
l’Alsace-Moselle après la guerre de
1870, de nombreuses petites filles
alsaciennes allaient déposer, en
cachette, des cocardes tricolores
sur les tombes des soldats
français.
DNA 8 août 2008
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Woerth - Bataille de 1870
Une cocarde pour le 138e anniversaire
Photo Joël Moyemont
Photo Joël Moyemont
Photo Raymond Frey
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Parole d’un ascète
On a demandé au Dalai Lama :
« Qu’est-ce qui vous surprend la plus dans l’humanité ? »
Il a répondu :
«Les hommes…
parce qu’ils perdent la santé pour accumuler
de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé.
Et à penser anxieusement au futur, ils oublient le présent
de telle forme qu’ils finissent par non vivre
ni le présent ni le futur.
Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir…
Et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu…»
Clin d’œil
1943. À Alger, au cours d’un dîner où le général Giraud raconte
en l’embellissant, et pour la énième fois, son évasion d’une
forteresse allemande, de Gaulle que le coprésident du Comité
français de libération nationale irritait au plus haut point, lui
demande sournoisement :
«Et si vous nous racontiez, maintenant, comment vous avez été
fait prisonnier ?»»
38
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
Sagesse
«Un jour viendra»
où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi
impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg
et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait
impossible et qu’elle paraîtrait absurde entre Rouen
et Amiens, entre Boston et Philadelphie.
«Un jour viendra»
où vous France, vous Russie, vous Italie, vous
Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations
du continent, sans perdre vos qualités distinctes
et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez
étroitement dans une unité supérieure, et vous
constituerez la fraternité européenne, absolument
comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne,
la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont
fondues dans la France.
«Un jour viendra»
où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que
les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits
s’ouvrant aux idées.
Fermez les yeux…
Essayez de trouver l’auteur de ce texte…
Ouvrez les yeux
C’est notre Victor Hugo
«Un jour viendra»
où les boulets et les bombes seront remplacées par
les votes, par le suffrage universel des peuples, par
le vénérable arbitrage universel des peuples, par le
vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui
sera à l’Europe ce que le Parlement est à l’Angleterre,
ce que la Diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée
législative est à la France.
«Un jour viendra»
où l’on montrera un canon dans les musées comme
on montre aujourd’hui un instrument de torture, en
s’étonnant que cela ait pu être !
«Un jour viendra»
où l’on verra ces deux groupes immenses, les EtatsUnis d’Amérique, les Etats d’Europe, se tendant la
main par-dessus les mers, échangeant leurs produits,
leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs
génies.
Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le
premier pas et, par son exemple séculaire elle a
dit aux peuples : vous êtes libres. La France a fait
un second pas et elle a dit aux peuples ; vous êtes
souverains. Maintenant, faisons le troisième pas et
ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne,
Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples :
«vous êtes frères !»
Lien 67 - N° 11 - Septembre 2008
En 1849
Extrait du discours au Congrès de la Paix
Quel visionnaire !
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�onserver le souvenir
de ceux qui sont morts
pour la France
�ntretenir les monuments
élevés à leur gloire
�ransmettre le flambeau
du souvenir aux générations successives