GarantieS d`emprunt en faveurdu loGement Social
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GarantieS d`emprunt en faveurdu loGement Social
Garanties d’emprunt en faveur du logement social Synthèse du séminaire de l’Aire métropolitaine de Lille du 21 novembre 2014 SOMMAIRE 4/6 7 adrage réglementaire, éléments de définition et de compréhension C du mécanisme de garantie d’emprunt Un maillon essentiel dans la production des logements sociaux Un dispositif indispensable pour qu’un bailleur soit autorisé à construire et puisse disposer des prêts de la CDC Des dispositifs de contrôle solides qui limitent fortement les risques encourus Du point de vue du bailleur… l’exemple du Groupe SIA Habitat La gratuité de la garantie : un effet levier sur la production de logements et les coûts des loyers Limiter le recours à d’autres types de garanties plus contraignantes (coûts financiers, procédures et délais) qui pourraient impacter la stratégie du bailleur 8/9 Du point de vue de la collectivité territoriale, l’exemple de la Communauté Urbaine d’Arras Un outil au service de la politique de l’habitat Un système "donnant-donnant" Enjeux financiers de la garantie d’emprunt pour la CUA 10/11 Perspectives Favoriser le dialogue pour lever les inquiétudes des élus sur les risques encourus Informer et apprécier le risque aux travers d’indicateurs simples et partagés Simplifier la mise en œuvre de la garantie pour favoriser la production de logements 2/3 Edito Garanties d’emprunt en faveur du logement social Dans le contexte économique actuel, marqué notamment par la réduction des capacités financières des collectivités locales, la frilosité des établissements bancaires vis-à-vis du financement du logement social et la difficulté des bailleurs sociaux à équilibrer leurs opérations, la question de la garantie d’emprunt prend une place de plus en plus importante dans le montage des programmes de logements sociaux. Si du côté des bailleurs sociaux cette garantie est indispensable pour être autorisée à construire et pour bénéficier des prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), bon nombre de collectivités locales s’interrogent aujourd’hui sur les risques qu’elles encourent en multipliant les garanties d’emprunt. Face à ce constat, la commission «Habitat – Renouvellement Urbain Durable» de l’association Aire Métropolitaine de Lille (AML) a engagé, avec l’appui technique de la Mission Bassin Minier, une réflexion sur cette problématique. Cela a donné lieu à un atelier technique visant à mieux apprécier le dispositif de garantie d’emprunt et son rôle dans le système de production du logement social en France. Cela a également permis de mesurer les enjeux et conséquences juridiques, financières ainsi qu’en matière de politique de l’habitat pour les différentes parties prenantes (collectivités territoriales, bailleurs…) Comme pour les autres ateliers techniques organisés dans le cadre de l’Aire métropolitaine de Lille, cette rencontre donne lieu à une publication permettant ainsi de capitaliser et partager les enseignements avec l’ensemble des acteurs de la Région. Bonne lecture ! Christian Poiret Président de la Communauté d’agglomération du Douaisis Président de la commission "Habitat, renouvellement urbain durable" de l’Aire métropolitaine de Lille Cadrage réglementaire, éléments de définition et de compréhension du mécanisme de garantie d’emprunt Depuis 1982, le code général des collectivités territoriales permet aux régions, départements, Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) et communes d’accorder des garanties d’emprunt en faveur du logement social (construction neuve et réhabilitation). Dans la pratique, les collectivités territoriales, et en premier lieu les communes, sont aujourd’hui amenées quasi systématiquement à garantir ces emprunts. Un maillon essentiel dans la production des logements sociaux La garantie d’emprunt ne peut être comprise ou analysée de manière indépendante mais doit être appréhendée dans le système global de financement et de production du logement social. Comme l’a rappelé Stéphane Acquette, Directeur des prêts en charge du financement du logement social à la Direction régionale Nord – Pas de Calais de la Caisse des Dépôts et Consignations, la CDC est chargée, par l’Etat, de la protection de l’épargne populaire. Les sommes déposées sur les livrets d’épargne réglementée et défiscalisée(1) sont centralisées à la Caisse des Dépôts sur le fonds d’épargne. Le fonds d’épargne transforme, en toute sécurité, une partie de l’épargne populaire en prêts de très long terme pour financer des programmes d’intérêt général désignés prioritaires par l’Etat, tel le logement social, la politique de la ville, les investissements structurants des collectivités locales… Les prêts de la CDC ont deux caractéristiques majeures : des taux d’intérêt faibles et de durées très longues (jusqu’à 60 ans). Ces conditions financières privilégiées sont en effet indispensables pour permettre aux 4/5 organismes de logement social, d’une part, d’équilibrer leurs comptes et, d’autre part, de faire bénéficier leurs locataires de niveaux de loyers nettement inférieurs à ceux du marché, et donc compatibles avec la vocation sociale des logements financés. La garantie des prêts est la clé de voûte du dispositif puisque les ressources prêtées n’appartiennent pas à la CDC. Responsable de l’équilibre à long terme du système, cette dernière ne peut s’exonérer d’une garantie sur chaque euro prêté qui s’inscrit dans le mandat de gestion du fonds d’épargne confié par l’Etat et qui est encadré par la loi. De ce fait, l’obtention de la garantie des collectivités territoriales (ou à défaut de la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social – CGLLS-(2)) sur les emprunts contractés par les bailleurs sociaux est un élément indissociable du dispositif de financement du logement social. Ainsi, comme l’a souligné Luc Legras, Président d’Habitat du Nord, le système de production du logement social en France est basé sur la garantie publique et la confiance. L’activité de l’opérateur de logement social est financée par l’emprunt. C’est une logique globale et cohérente qui rend le système de production du logement social robuste. (1) Livret A en particulier ainsi que le Livret Développement Durable (LDD) et le Livret d’Epargne Populaire (LEP). (2) CGLLS (cf. encart spécifique). (3) Le fait qu’un EPCI soit délégataire des aides à la pierre n’impose pas à celui-ci de garantir les emprunts des bailleurs sociaux en lieu et place des communes. Le code général des collectivités (Article L2252-5) stipule que « nonobstant le transfert, volontaire ou de plein droit, de tout ou partie de ses compétences en matière de politique du logement ou d’habitat à un EPCI, la commune conserve la possibilité d’accorder une garantie d’emprunt ou son cautionnement pour les opérations de construction, d’acquisition ou d’amélioration de logements sociaux visées à l’article L.2252-2 et d’apporter à ces opérations des subventions ou des aides foncières ». (4) PLUS – PLAI – PLU et prêt à la réhabilitation Un dispositif indispensable pour qu’un bailleur soit autorisé à construire et puisse disposer des prêts de la CDC Lors du montage de son dossier de financement pour la construction de logements sociaux, l’organisme dépose une demande de garantie d’emprunt auprès de la collectivité territoriale ; en règle générale auprès de la commune sur le territoire de laquelle l’opération est prévue ou à défaut des collectivités territoriales de rang supérieur (EPCI(3) – Département – Région). Définition La garantie d’emprunt est indispensable pour qu’un bailleur soit autorisé à construire et puisse disposer des prêts de la CDC. Si la demande est acceptée, le montage du dossier de financement se poursuit ; le prêt de la CDC est accordé et l’opération financée (sous réserve de l’obtention des prêts bancaires complémentaires si besoin). Lorsque la garantie des collectivités territoriales ne peut être obtenue, les organismes HLM peuvent avoir recours à la CGLLS pour les prêts dits «réglementés(4)». Le coût du montant de la commission varie selon la nature du prêt : - gratuit pour le Prêt Locatif Aidé d’Insertion (PLAI) et le Prêt Logement d’Urgence (PLU), - 0,5% du montant du capital emprunté pour les prêts relais, - 2% du montant du capital emprunté pour : • le prêt «construction» : Prêt Locatif à usage Social (PLUS), • les prêts «réhabilitation» : Prêt à l’amélioration (PAM), Prêt pour la réhabilitation thermique (ECO PRET) et le Prêt pour le désamiantage (PAM-Amiante). Si la demande de garantie est acceptée par la CGLLS, le montage du dossier peut se poursuivre. Si elle est refusée, dans ce cas, l’organisme social doit avoir recours à une caution bancaire ou à une hypothèque conventionnelle. La Caisse de Garantie du Logement Locatif Social Créée en décembre 2000 par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU), la CGLLS est un établissement public à caractère administratif (EPA), opérateur de l’Etat, et une institution financière spécialisée, chargée de : - garantir les prêts réglementés accordés par la Caisse des Dépôts et Consignations aux bailleurs sociaux, en l’absence d’une garantie des collectivités territoriales ; - prévenir les difficultés financières des bailleurs sociaux (qui y cotisent) et aider au rétablissement de leur équilibre (mutualisation du financement du risque). Elle est principalement financée par deux cotisations prévues par les articles L.452-4 et L.452-4-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Institution financière spécialisée, la CGLLS doit se conformer aux mêmes exigences que l’ensemble de la profession bancaire. Des dispositifs de contrôle solides qui limitent fortement les risques encourus Depuis une dizaine d’années, 75% des emprunts pour la construction et la réhabilitation des logements HLM sont attribués par la CDC et seulement 2 à 3% de ces emprunts sont garantis par la CGLLS (essentiellement pour les Sociétés d’Economie Mixte d’outre-mer et les Entreprises Sociales pour l’Habitat). Le système de garantie d’emprunt fonctionne bien et il est assuré. Preuve en est, aucune garantie d’emprunt n’a été appelée par défaut d’un bailleur social (Offices Publics pour l’Habitat ou Entreprises Sociales pour l’Habitat) depuis 30 ans et ce dans un contexte marqué notamment par une augmentation du volume de la construction HLM depuis 10 ans liée notamment au Programme de Rénovation Urbaine (PRU). Comme le rappelle Éric Naepels, Directeur administratif et financier en charge de l’analyse financière et du risque à la Direction régionale Nord – Pas de Calais de la CDC, plusieurs niveaux de contrôle existent en ce qui concerne la «santé» financière des organismes HLM : rapport d’audit, appelant si nécessaire l’aide de la CGLLS(5) aux organismes en situation de fragilité. Cette aide peut prendre la forme de subventions en complément des actionnaires et d’un protocole de garantie sur 5 ans. > la Caisse des Dépôts et Consignations La CDC se livre à des analyses approfondies de la situation financière à long terme du bailleur ainsi que de son programme de développement et de son impact. La CDC dispose de nombreux indicateurs de projection et de mesure du risque. > L’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) Comme prévu dans la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR), l’Ancols fusionne au 1er janvier 2015 les anciens organismes de contrôle du logement social, la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos) et l’Agence nationale de participation des employeurs à l’effort de construction (Anpeec). Cette nouvelle agence reprend notamment les missions antérieures de la Miilos qui était chargée de contrôles et d’évaluations auprès des organismes intervenant dans le secteur du logement social, y compris les sociétés d’économie mixte. Elle pouvait aussi être chargée d’enquêtes, d’études, d’audits ou d’évaluations dans ce même domaine. L’objet du contrôle était de vérifier l’emploi conforme à leur objet des subventions, prêts ou avantages consentis par l’État et le respect par les organismes contrôlés des dispositions législatives et réglementaires qui régissent leur mission de construction et de gestion du logement social. L’administration pouvait également procéder à une évaluation d’ensemble de l’activité consacrée à cette mission, dans ses aspects administratifs, techniques, sociaux, comptables et financiers. La MIILOS contrôlait l’application des conventions donnant notamment droit à l’aide personnalisée au logement. Certains opérateurs ont connu des périodes de fragilité. Dans ce cas, il existe des processus d’accompagnement financier et de réaménagement de la dette. Une demande de prêt est toujours étudiée par la CDC au regard des 3 critères suivants : • la qualité de l’opération ; analyse du marché, analyse prévisionnelle de l’exploitation locative, • la qualité de l’emprunteur ; analyse financière rétrospective et prospective, • la qualité de la garantie ; analyse financière du garant et partage de garantie éventuel. > les organisations professionnelles ; en l’occurrence l’Union Sociale pour l’Habitat qui regroupe notamment la Fédération Nationale des Offices Publics pour l’Habitat et la Fédération Nationale des Entreprises Sociales pour l’Habitat. Une obligation statutaire est faite aux organismes HLM de communication de leurs comptes à leurs tutelles. Il s’agit du Dossier Individuel de Situation (DIS) qui est une photographie de la situation de chaque organisme sur les 5 dernières années. Il permet d’objectiver les comptes des bailleurs sociaux et offre une vision rétrospective de leur situation financière. Par ailleurs, un outil de simulation commun à l’ensemble des organismes existe, en l’occurrence le logiciel VISIAL, qui permet de mener des analyses de prospectives financières à horizon des 10 ans et donc de mesurer les risques pris par les organismes HLM. Cet outil est disponible auprès de l’USH. Si une fragilité est observée chez un organisme, l’organisation professionnelle diligente une mission d’expertise sur place avec obligation : • de projections à moyen terme de la situation financière de l’organisme, • de prise de mesures internes suite au Il convient également d’ajouter à ces trois niveaux de contrôle spécifiques les interventions plus classiques : >d es Chambres Régionales des Comptes qui peuvent contrôler les comptes des Offices Publics pour l’Habitat. > des commissaires aux comptes pour les Entreprises Sociales pour l’Habitat. Compte tenu des différents niveaux de contrôle qui sont tous autonomes les uns des autres, il ne peut y avoir de collusion entre un organisme HLM en difficulté et l’un des organismes de contrôle. Ce système de prévention et de traitement des risques a pour objectif notamment d’éviter le recours à la garantie des collectivités. (5) Ce n’est pas le cas pour l’accession sociale qui a enregistré des défaillances d’organismes, ce qui a amené la création de la Société de Garantie de l’Accession des organismes HLM (SGAHLM) le 13 décembre 2000 (loi SRU). La SGAHLM a pour vocation de délivrer une garantie aux organismes d’HLM (OPH, ESH, coopératives d’HLM) exerçant une activité d’accession sociale sécurisée à la propriété (hors Ccmi et lotissement). Il s’agit d’une obligation légale qui s’impose à tout organisme d’HLM souhaitant développer cette activité. La garantie est délivrée pour l’exercice d’une activité et non pas opération par opération. (6) La CGLLS intervenant sur le principe d’une mutuelle, chaque organisme d’HLM y cotisant. 6/7 Du point de vue du bailleur… l’exemple du Groupe SIA Habitat La gratuité de la garantie : un effet levier sur la production de logements et les coûts des loyers Comme le souligne Guy Oniar, responsable des financements au sein de SIA Habitat, pour un bailleur social, la garantie d’emprunt constitue une pièce maitresse dans le montage du dossier financier d’une opération de construction de logements sociaux puisque son rôle est de couvrir le financement. Les opérations de construction de logements sociaux étant aujourd’hui confrontées à un renchérissement du coût du foncier aménagé et à l’augmentation du coût de construction (prix des matériaux et impact des normes), l’absence de garantie d’emprunt gratuite peut rendre le montage d’une opération financièrement plus difficile et obliger l’opérateur à mobiliser davantage de fonds propres. Ainsi le bailleur s’assure de l’obtention de la garantie d’emprunt, le plus souvent accordée par la commune concernée par l’opération, et vérifie, au travers d’un service juridique que la commune ou l’EPCI est en mesure de garantir l’emprunt. La garantie d’emprunt doit être sollicitée lorsque l’opération de construction est en phase de bouclage. Dès lors, un dossier de demande de garantie est déposé auprès du garant reprenant les éléments financiers de l’opération concernée, accompagné de l’accord de principe de financement délivré par le prêteur. En contrepartie de la garantie le bailleur s’engage à réserver au profit du garant un contingent de vingt pour cent des logements construits ou réhabilités à l’aide des prêts couverts par le garant. Chaque année, les partenaires garants sont informés de la situation financière du bailleur et un état de la dette garantie est adressé à l’attention de chaque garant. Le risque est quasiment inexistant pour le garant puisque des mécanismes de prévention sont effectifs dans ce secteur. Par ailleurs, Guy Oniar rappelle que le Groupe SIA Habitat possède un parc immobilier de 42 000 logements. Son patrimoine s’étend sur 300 communes du Nord – Pas de Calais et de Picardie. Le groupe gère plus de 4 000 emprunts pour un montant de 1.3 milliard d’euros. 88 % de la dette est indexée sur le livret A qui est un indice peu volatile et sécurisé, car celui-ci est déterminé en fonction d’éléments tenant compte de l’évolution de la conjoncture économique. Aussi, 95 % de la dette est garantie à titre gratuit par les collectivités locales. Si ce n’était pas le cas, plusieurs millions d’euros de frais de garantie d’emprunt devraient être réglés auprès d’organismes bancaires, ce qui ne serait pas sans impact sur le coût des loyers. Limiter le recours à d’autres types de garanties plus contraignantes (coûts financiers, procédures et délais) qui pourraient impacter la stratégie du bailleur L’Etat exige que la CDC bénéficie, pour les prêts qu’elle accorde, d’une garantie publique à hauteur de 100 %. En l’absence de garantie d’une collectivité territoriale, le bailleur peut, dans certains cas à titre subsidiaire, solliciter la garantie de la CGLLS (cf. chapitre 1.2). Le troisième recours demeure la caution bancaire, mais elle ne peut être accordée qu’à des prêts d’une durée maximum de 30 ans. Toutefois, ces deux dernières solutions ne constituent pas la majorité des garanties acceptées par la CDC. Les collectivités locales s’interrogent aujourd’hui sur l’apport de leur garantie d’emprunt au logement social, et en particulier au PLAI. Certaines ont d’ailleurs déjà franchi le pas en ne garantissant plus le financement des logements de ce type dans les opérations neuves. Cette décision, qui est notamment motivée par l’accès à l’emprunt sur les marchés financiers (cf. chapitre 3.3), pourrait avoir des conséquences sur la situation actuelle de la CGLLS et amener cette dernière à faire évoluer sa politique d’intervention. Si la CGLLS prend aujourd’hui en charge gratuitement la garantie d’emprunt pour le PLAI, en lieu et place des collectivités locales quand celles-ci ne le peuvent pas, il convient de rappeler que sa mission première est de venir en aide aux bailleurs en difficulté (et non de garantir les emprunts). Non seulement le recours à la CGLLS allonge le délai d’obtention de la garantie de l’ordre de 12 mois, ce qui n’est pas sans incidence sur le montage d’opérations pour les bailleurs sociaux, mais cela pourrait également amener à terme la CGLLS à se faire rémunérer, à l’image de ce qu’elle pratique pour les PLUS par exemple, au risque sinon de mettre en péril la situation financière de l’organisme dans l’hypothèse d’une multiplication des demandes de garantie. D’ailleurs, les capacités de garantie de la CGLLS commencent, dans le cadre du respect de la loi bancaire, à être limitées compte tenu de la concentration des acteurs du logement social et de la nécessité de répartir les risques. Elles pourraient à l’avenir être réduites, impliquant de ce fait, une obligation pour les bailleurs sociaux de se tourner vers le réseau bancaire, qui est lui-même de plus en plus réticent à financer le logement social. Du point de vue de la collectivité territoriale, l’exemple de la Communauté Urbaine d’Arras Un outil au service de la politique de l’habitat Pour Sylvie Ruin, Directrice de l’habitat, la garantie d’emprunt en faveur du logement social figure parmi la palette des outils communautaires au service de l’habitat. La CUA, qui engage son 4e Programme Local de l’Habitat (PLH), est délégataire de la gestion des aides à la pierre. De ce fait, sa position face à la garantie d’emprunt est quelque peu particulière : en effet, la collectivité programme les opérations de construction de logements, instruit les dossiers de financement, puis enfin contrôle et paie les opérations. La CUA joue un rôle de chef d’orchestre dans le domaine de la politique du logement social sur le territoire. Le sujet de la garantie d’emprunt se présente à la fin d’une longue chaine de décisions. Elle est traitée avec une certaine automaticité car la CUA est délégataire de la gestion des aides à la pierre et les décisions sont prises en amont. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’accorder une garantie d’emprunt, la CUA délibère au cas par cas. Au cours de chaque délibération, elle consulte la commune concernée pour vérifier si des événements sont survenus et pourraient remettre en cause la garantie. Une procédure simplifiée pour alléger la charge administrative a été mise en place. La garantie d’emprunt doit contribuer à attirer les bailleurs sur le territoire au même titre que les aides directes. Plus qu’une «charge», elle doit être considérée comme un outil de valorisation et une opportunité de développement du territoire, d’autant plus que les territoires sont concurrents en matière de production de logement social. 8/9 Par ailleurs, concernant la réhabilitation des logements anciens, la problématique est sensiblement différente, la commune ayant très peu de prise sur ces opérations. Les opérations de réhabilitation de logements anciens sont garanties par la CUA à 100 % de la même manière que les logements neufs. Toutefois, il a été décidé il y a deux ans de demander au bailleur de fournir à la CUA en début d’année la liste des opérations de réhabilitation prévues et nécessitant une garantie d’emprunt afin que les demandes soient approuvées. L’enjeu est de préparer collectivement à produire une analyse d’opportunité de la programmation de réhabilitation. La CUA commence à travailler avec les bailleurs pour piloter une programmation de réhabilitation en utilisant le levier de la garantie d’emprunt. Un système donnant-donnant Depuis 2006, la garantie d’emprunt accordée par la communauté urbaine d’Arras aux bailleurs sociaux couvre 100 % du montant des prêts. A l’époque, avait été imaginée une contrepartie au bailleur pour cette garantie : • d’une part tel qu’inscrit dans le cadre légal, sous la forme d’un droit de réservation de 20 % des logements construits accordé à la commune garante ; • d’autre part le respect d’une charte de peuplement. Mais cette mesure n’a finalement jamais été mise en place. «La garantie d’emprunt en faveur du logement social est un levier d’aménagement du territoire pour répondre aux enjeux de mixité sociale et de démographie. Dans un contexte de restrictions financières, les communes s’interrogent aujourd’hui sur leur capacité à accompagner les opérateurs dans le cadre du développement du territoire. La mise en place de partenariats entre communes et opérateurs n’en devient que plus indispensable.» Patrick Masclet Président des Maires du Nord Néanmoins, il est convenu que le bailleur, la commune garante et la CUA définissent ensemble le plan de gestion urbaine de proximité (gardiennage, surveillance, gestion des déchets) et la stratégie de peuplement des nouveaux logements trois mois avant la livraison de l’opération. La volonté d’avoir une approche très pragmatique de la question a donc été choisie. Enjeux financiers de la garantie d’emprunt pour la CUA La loi Galland La CDC fournit une information annuelle à la direction du logement ainsi qu’à la direction des finances de la CUA, sur la situation financière des bailleurs sociaux auxquels la CUA a accordé une ou des garanties d’emprunt et sur ses propres encours. Cependant, la circulation et la lisibilité de l’information sur la mise à jour des encours sont encore difficiles au sein de la CUA. Actuellement, l’encours de la communauté urbaine s’élève à 194 millions d’euros. La direction des finances considère que le montant de la dette propre, qui doit respecter différents ratios, est un bon élément de comparaison pour évaluer le poids de l’encours. Or, la dette propre de la CUA s’élève à 80 millions d’euros, un montant bien moins élevé que l’encours. Dans le cadre d’une réflexion qui vise à déterminer ce qu’il adviendrait si tous les bailleurs étaient défaillants, un ratio intéressant a été calculé : celui du nombre d’années nécessaires pour désendetter la CUA. Si l’on ne considère que la dette propre de la collectivité, il faudrait huit ans pour qu’elle se désendette. En revanche, si l’on prend en compte également l’encours de garantie, cette durée est allongée à 18 ans. Se pose alors la question de l’encours maximum garantissable par une collectivité ? Dans le cas de la CUA, il faut aussi tenir compte du fait que plus de 60 % du risque est concentré sur un seul et même bailleur. L’encours de garantie n’est pas problématique pour une collectivité lorsqu’il s’agit pour elle de recourir à l’emprunt bancaire puisque celui-ci ne figure pas dans le budget principal (cf. encart «loi Galland»). En revanche, il peut devenir contraignant si cette collectivité décide d’emprunter sur les marchés financiers. L’encours de garantie est en effet pris en compte par les agences de notation dans le taux d’endettement de la collectivité. Ce point peut expliquer la réticence actuelle de certaines grandes intercommunalités qui empruntent sur les marchés financiers à octroyer des garanties d’emprunt aux bailleurs sociaux. La garantie d’emprunt apportée pour les prêts dédiés au logement social n’est pas prise en compte dans le calcul des trois ratios prudentiels conditionnant l’octroi des garanties d’emprunt des collectivités territoriales. En effet, le logement social est exclu du champ de la loi du 05 janvier 1988, dite «loi Galland». Les ratios Galland sont au nombre de trois : - Ratio de plafonnement des garanties apprécié par rapport au montant de recettes réelles de fonctionnement : le montant total des annuités garanties, hors logement social, majoré des annuités de la dette de la collectivité, ne doit pas excéder 50% des recettes réelles de fonctionnement. - Division du risque : le montant des annuités garanties au profit d’un même débiteur, hors logement social, ne doit pas excéder 10% du montant total des annuités susceptibles d’être garanties - Partage du risque : la quotité d’emprunt susceptible d’être garantie par une ou plusieurs collectivités territoriales est limitée à 50% du prêt. Cependant, en application des dispositions de la loi Galland, peuvent être garantis à 100% les emprunts consentis sur Fonds d’épargne dès lors que l’opération financée consiste en la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logement social. En tant qu’engagement hors bilan (c’est à dire non inscrit dans le bilan des collectivités territoriales mais figurant dans les annexes), les garanties d’emprunt ne représentent donc qu’une dette potentielle pour les collectivités ; celle-ci est cependant susceptible de se transformer en dette réelle en cas de défaillance de l’emprunteur. La garantie d’emprunt au logement social n’affecte donc pas en théorie la capacité de la collectivité territoriale à garantir d’autres emprunteurs -hors champ du logement social- et surtout à emprunter elle-même. Perspectives Favoriser le dialogue pour lever les inquiétudes des élus sur les risques encourus Comme le rappelle Sylvie Ruin de la CUA ; la garantie d’emprunt à 100 % pour le logement social ne fait pas débat au sein de la communauté urbaine, mais resurgit comme un objet d’inquiétude de façon récurrente. Pour Luc Legras, le risque zéro en matière de garantie n’existe pas, mais le système de garantie fonctionne bien : les risques sont individuels et non pas systémiques. Tous les ans, quelques organismes de logement social connaissent des difficultés… Lorsque c’est le cas, sa situation se dégrade lentement. Il faut s’interroger sur les scénarios futurs et son activité à long terme afin de mettre en place des mécanismes de prévention. Il s’agit donc d’être attentif pour engager les bonnes procédures suffisamment tôt. Ces processus sont maîtrisés. La garantie d’emprunt s’inscrit dans le contexte de la bonne connaissance de l’organisme et de ses perspectives de développement. «La garantie d’emprunt est la principale contribution que les communes apportent au fonctionnement du logement social. Elle permet pour les collectivités locales de maintenir un dialogue avec les bailleurs sociaux. Bon nombre de communes considèrent que la garantie d’emprunt est une démarche subie. Il en va de la volonté du maire de placer cette problématique au cœur du débat.» Frédéric Chéreau Maire de Douai 10/11 Dans ces conditions, la garantie du risque passe par une connaissance partagée d’un certain nombre d’éléments d’information, tâche qui est rendue difficile par la multiplicité de lieux et d’acteurs. Ce mécanisme de partage de connaissances fonctionne mal aujourd’hui. Les collectivités gagneraient à accroitre leur degré de connaissance sur le sujet. Il n’est pas nécessaire de tout réinventer, les éléments de compréhension et de connaissance existent mais il faut parvenir à les rassembler. Il y a également nécessité d’informer les magistrats de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) sur la réalité que recouvre la garantie d’emprunt en faveur du logement social et le partage du risque, afin que ceux-ci tiennent compte de cette réalité dans leur rapport. Ce n’est pas le cas actuellement puisque la CRC intègre la garantie d’emprunt dans l’endettement global de la collectivité, ce que craignent bon nombre d’élus. La CDC a engagé un dialogue avec la CRC à ce sujet. Informer et apprécier le risque aux travers d’indicateurs simples et partagés Comme le rappelle Sylvie Ruin, concernant le parc privé, les collectivités utilisent des dispositifs de calculs d’aides. Ne pourraient-elles pas également définir leurs propres critères prudentiels pour évaluer, par exemple, le volume maximum d’emprunt qu’elles peuvent garantir, mais aussi leurs propres critères d’évaluation? La garantie d’emprunt doit en effet être cogérée par la direction du logement et la direction des finances, cette dernière affinant son expertise sur l’appréciation du risque. Pour Stéphane Acquette, concernant l’appréciation du risque, la CDC produit en effet sa propre analyse qui ne peut remplacer celle de la collectivité. Il est d’ailleurs intéressant de confronter l’analyse du prêteur et celle de la collectivité. Certains élus participent aux conseils d’administration d’Organismes de Logements Sociaux (OLS). Néanmoins, il faut organiser un meilleur pilotage sur les territoires, définir des critères d’appréciation simples et éventuellement créer un outil de vulgarisation. La nécessité de rassurer les collectivités sur le niveau de risque et fournir aux élus des indicateurs simples sur la santé financière des bailleurs, en institutionnalisant, par exemple, les rencontres entre les élus et la CDC, semble être un objectif indispensable. Par ailleurs des dispositifs de formation à destination des élus et techniciens des collectivités pour mieux appréhender et comprendre les documents financiers des bailleurs sociaux pourraient être imaginés. Simplifier la mise en œuvre de la garantie pour favoriser la production de logements Pour le bailleur, l’enjeu est de répondre le plus rapidement possible aux demandes des citoyens en logement social. Cela nécessite notamment plus de fluidité dans la procédure de mise en place de la garantie d’emprunt. Un dispositif de garantie simplifiée a été mis en place par la CDC, ce qui allège grandement le processus administratif. La décision récente d’une collectivité de ne plus garantir les PLAI va à l’encontre de la simplification de la mise en œuvre des garanties. Elle oblige en effet les bailleurs sociaux à scinder pour une même opération les emprunts : PLUS avec garantie de collectivité et PLAI avec garantie CGLLS en remplacement de la garantie collectivité. Par ailleurs en ce qui concerne SIA Habitat, la garantie CGLLS n’est accordée pour des emprunts au-delà de 300 K$ qu’à condition qu’une hypothèque légale soit prise. Cela allonge les délais de mobilisation des fonds et peut générer des effets de bord négatifs à moyen terme : en cas de vente de ces logements aux habitants dans le cadre d’un parcours résidentiel ultérieur, il conviendra alors de lever l’hypothèque, ce qui engendrera des frais supplémentaires. Remerciements Pour leur intervention : Frédéric CHEREAU, Maire de Douai Patrick MASCLET, Vice-Président de la Communauté d’Agglomération du Douaisis, Président de l’association des Maires du Nord, Trésorier AML Stéphane ACQUETTE, Directeur des prêts en charge du financement du logement social, Direction régionale de la Caisse des Dépôts et Consignations Éric NAEPELS, Directeur administratif et financier en charge de l’analyse financière et du risque, Direction régionale de la Caisse des Dépôts et Consignations Guy ONIAR, responsable des financements, Groupe SIA Habitat Sylvie RUIN, Directrice de l’Habitat, Communauté Urbaine d’Arras Luc LEGRAS, Président d’Habitat du Nord Pour leur collaboration à la préparation de cet atelier (audition) : Isabelle CAMBRONNE, Chargée de développement territorial, Direction régionale de la Caisse des Dépôts et Consignations Raymond FRACCOLA, Directeur de l’Association régionale pour l’Habitat Pierre CAIN, Professeur de droit, Paris XII-Créteil Jean-Claude PATHE, Directeur adjoint de la Fédération Nationale des Offices Publics pour l’Habitat Atelier technique organisé par la Mission Bassin Minier avec l’appui de l’AML et les partenaires du groupe technique « Habitat et renouvellement urbain durable » de l’Aire métropolitaine de Lille L’atelier était animé par Vincent Froger, Mission Bassin Minier Co-réalisation Aire métropolitaine de Lille et Mission Bassin Minier – mai 2015 Direction de la publication : Catherine Bertram (MBM) et Hervé Decaux (AML) Coordination et rédaction : Vincent Froger (MBM) et Quentin Duvillier (AML) Crédits photos : SIA Habitat, Samuel Dhote, CA du Douaisis, AML Mise en page : studiopolain.fr