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Ce volume devait sortir en 1994. Malheureusement, vers cette
AVIS Ce volume devait sortir en 1994. Malheureusement, vers cette époque, après des années de service, M. Daniel Nizet a décidé de fermer boutique place de la Sorbonne. Pour cette raison et pour des raisons personnelles, le projet de publier la correspondance de Beaumarchais fut mis de côté. Nous le reprenons en février 2010 avec l’intention de mettre en ligne toutes les lettres que nous avons collectées et transcrites depuis plus d’un quart de siècle. Beaumarchais mérite mieux qu’il n’a reçu jusqu’ici et peut-être que cet échantillon électronique remplira un tout petit peu une lacune qui existe dans la publication de ses oeuvres complètes. M. Nizet a eu l’amabilité de nous donner la permission de mettre en ligne les quatre premiers volumes publiés chez lui entre 1969 et 1978. Voici le cinquième tome de cette série. N.B. Si Beaumarchais vous intéresse et si vous voulez participer à la publicatiion de sa correspondance, veuillez m’écrire à d.spinelli@wayne.edu BEAUMARCHAIS CORRESPONDANCE DONALD C. SPINELLI BEAUMARCHAIS CORRESPONDANCE TOME V (1779) INTRODUCTION Le professeur Brian N. Morton, qui commença à publier la correspondance de Beaumarchais en 1969, a décidé récemment de prendre sa retraite et de se consacrer à d’autres travaux. Comme je l’avais aidé à préparer le volume IV, il m’a demandé s’il m’intéresserait de continuer la publication de la correspondance. Bien que ce projet m’ait tout d’abord paru nécessiter un travail et une responsabilité énormes pour une seule personne, je l’acceptai dans l’espoir de trouver par la suite un co-éditeur. Après avoir rassemblé, trié et classé les documents que m’avait remis le professeur Morton et les avoir combinés avec d’autres matériaux que j’avais réunis de mon côté, j’ai pu obtenir une base de données informatisée d’environ 2200 lettres. Ce chiffre est donc nettement plus élevé que les “quinze à seize cent lettres” mentionnées au tome I (p. xxxiii), bien que sans doute loin de ce qu’une véritable correspondance complète contiendrait s’il était possible d’en produire une. Le volume présenté ici comprend une année bien remplie de la vie de Beaumarchais. Il y a 72 lettres de plus dans ce volume que dans celui consacré à l’année 1778. Comme il faut s’y attendre, certaines lettres écrites par Beaumarchais et ses correspondants en 1779 reprennent des discussions ou des topos précédemment traités, juxtaposés à des préoccupations et sujets introduits pour la première fois. viii CARON DE BEAUMARCHAIS Il est à propos que l’argent soit le sujet par lequel commencent les lettres de cette année-là, car c’est un thème récurrent dans toute la correspondance de Beaumarchais. Dans la première lettre il est question de sommes prêtées par Francy, avec l’accord de Beaumarchais, au marquis de Lafayette, mais d’autres aussi auront recours à sa bourse: par exemple, Mme de Godeville, sa maîtresse et la comtesse Fanny de Beauharnais qui lui demandera de venir en aide à son ami Dorat. Beaumarchais secourra aussi financièrement le prince de Nassau-Siegen, le chevalier Preudhomme de Borre, et il ne sera jamais remboursé par von Steuben malgré les promesses répétées de ce dernier de lui régler ce qu’il lui doit. Naturellement Beaumarchais est très préoccupé par sa propre situation financière: les Américains, en dépit d’une lettre de John Jay, le nouveau président du Congrès, qui semble reconnaître leur dette, ne font pas grand’chose pour rembourser leur bienfaiteur; le différend entre Beaumarchais et son associé Chevallié se soldera par une assez lourde perte pour Beaumarchais; ses comptes avec la Comédie-Française sur sa part des revenus apportés par les représentations du Barbier de Séville ne seront pas réglés dans l’année. Enfin la destruction d’une grande partie de la flotte et de la cargaison qu’il envoie en Amérique en mai est une catastrophe financière qui l’occupera pendant plusieurs années à venir. Des commissions d’enquête seront formées, de nombreux mémoires et lettres seront rédigés avant que Beaumarchais ne touche la moindre indemnité pour ces pertes. Malgré tous ces déboires Beaumarchais trouvera cependant le temps de s’élever contre la pratique scandaleuse de la Ferme générale qui consiste à acheter des tabacs enlevés par les Anglais et à les introduire en France à un tarif ruineux pour les importateurs français. Il luttera en vain pour faire supprimer les barrières économiques en France. Il soutiendra les négociants protestants contre la Chambre de Commerce de Bordeaux dont ils sont exclus uniquement à cause de leur religion, et il se fera le champion d’un Juif dont la conduite actuelle mérite qu’on lui pardonne certaines fautes de jeunesse. CORRESPONDANCE ix Une cause déjà ancienne qui continue à l’occuper est celle de la Société des Auteurs Dramatiques. Les querelles entre auteurs et acteurs ne seront toujours pas résolues à la Révolution, mais Beaumarchais ne transigera jamais sur ses revendications concernant les droits d’auteur. Deux entreprises nouvelles seront la publication des oeuvres complètes de Voltaire et la défense dans laquelle se lance Beaumarchais contre le Mémoire justificatif pour servir de réponse à l’Exposé de la Cour de France d’Edward Gibbon; celui-ci attaque la France et Beaumarchais lui-même. La première commence en février par une suggestion faite à Beaumarchais d’acheter les presses de Baskerville. Ce projet est bientôt suivi d’un contrat passé avec Panckoucke qui vend à Beaumarchais un certain nombre de manuscrits de Voltaire. La seconde aboutira aux Observations sur le Mémoire justificatif de la Cour de Londres rédigées par Beaumarchais vers la fin de l’année. Il va sans dire qu’il existe d’autres sujets d’intérêt dans ce volume et l’on invite le lecteur à les découvrir au fur et à mesure de la lecture de ce recueil de lettres pour l’année 1779. Note sur l’Edition On a fait de très légers changements dans les pratiques éditoriales en vigueur pour les volumes précédents. Toutes les lettres authentifiées sont incluses, qu’elles soient rédigées par un secrétaire de Beaumarchais au nom de son employeur, ou dictées par celui-ci; même les simples lettres d’introduction typiques adressées à, ou venant de personnages connus. Par souci d’uniformité on a parfois changé la présentation de la datation. Quand une lettre est datée à la fin, la date est également indiquée entre crochets à son début. Les mots et phrases illisibles ou à l’orthographe douteuse pour quelque raison que ce soit sont mises entre crochets et suivis d’un point d’interrogation à l’intérieur des crochets. Nous avons essayé d’éviter l’emploi de sic autant que possible et au lieu de souligner on a choisi les italiques. Nous avons renvoyé le lecteur à certaines autres lettres du même volume aussi bien qu’à des lettres se situant dans des volumes précédents de cette édition. Il sera fourni au début de ce x CARON DE BEAUMARCHAIS volume et des suivants une liste d’abbréviations, de sources manuscrites et de titres . Remerciements Une tâche de cette envergure serait très difficile à accomplir sans l’appui de nombreuses personnes de bonne volonté. Je suis reconnaissant à toutes de la courtoisie et l’aide qu’elles m’ont accordées au cours de la préparation de ce volume. En particulier les suivantes méritent ma sincère gratitude: Simone Drouin, de la Bibliothèque de l’Arsenal; feue Nicole Felkay, des Archives Nationales; feue Nicole Coisel, de la Bibliothèque nationale; feue Noëlle Guibert, et Jacqueline Razgannikoff, de la Bibliothèque de la Comédie-Française; feue Fernande Bassan; Charles Wirz de l’Institut et musée Voltaire; et Stanley J. Idzerda, éditeur de Lafayette in the Age of the American Revolution. De nombreux autres bibliothécaires et archivistes comme Marc Durand et Alexandre Cojannot ont pris le temps de répondre à mes lettres et demandes. Mes élèves et collègues m’ont écouté parler sans fin de Beaumarchais. Je les remercie tous de leur patience. Mes recherches à Paris ont toujours été facilitées par des amis comme Gilles Dussert, Rodolphe Trouilleux et Daniel Catan. Je les remercie de leur accueil chalheureux. Je remercie la National Endowment for the Humanities de la généreuse subvention qu’elle m’a octroyée, ainsi que la Fondation Florence Gould et Wayne State University pour leur assistance financière. Sans les fonds offerts par ces organismes, cette entreprise n’aurait pu être continuée. L’aide que m’a apportée mon assistante Norma J. Ott est inestimable. Errol J. Ott a passé maintes heures à résoudre les problèmes d’informatique associés à ce projet ainsi que Michael J. Edelman, Eric Iverson, Trevor Richards, David Lindemann et Rebecca C. Raupp; Josette Wilburn a bien voulu revoir le texte; Marie-Claire Charton a aidé nos recherches à Marseille; Gregory S. Brown était toujours prêt à répondre à mes questions . Je les remercie vivement tous. CORRESPONDANCE xi Sans le travail de base de Brian N. Morton, ses photographies des manuscrits et le don généreux qu’il nous a fait en nous cédant toute la documentation qu’il avait amassée au fil des ans, ce travail aurait été impossible. Enfin, le présent ouvrage est dédié à Emily et à Lisa, à qui j’ai dérobé beaucoup de temps. xii CARON DE BEAUMARCHAIS Abbréviations, sources manuscrites et titres cités dans les notes AF Archives privées de la famille de Beaumarchais. Paris. ALP Arthur Lee Papers, 1777-1793, Relating to the Claim of Beaumarchais against the United States. National Archives and Records, Record Group 76. AN Archives nationales. Paris. APS American Philosophical Society. Arnould E. J. Arnould. La Genèse du Barbier de Séville. Dublin: Dublin University Press; Paris: Minard, 1965. Avis Arbitral Ouvrage imprimé qui se trouve dans les Archives Départementales de la Charente Maritime; cote B 5775. BC Brian N. Morton et Donald C. Spinelli. Beaumarchais Correspondance. 4 vols. Paris: Nizet, 1969-. BHVP Bibliothèque historique de la ville de Paris. CORRESPONDANCE xiii Boatner Marc Mayo Boatner, III. Encyclopedia of the American Revolution. N.Y.: David McKay, 1966. Bonnefon Paul Bonnefon. “Un billet de Beaumarchais.” Revue d’Histoire Littéraire de la France, XVI (1899), pp. 442-3. Bontemps Léon Bontemps. “La Construction du Grand-Théâtre. Une lettre inédite de Beaumarchais à Louis.” Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique de Bordeaux,” LII (1935), pp. 29-32. BPUN Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. Castries [René de la Croix,] duc de Castries. Figaro ou la vie de Beaumarchais. Paris: Hachette, 1972. CE Courier de l’Europe, gazette anglofrançoise. 32 vols. Londres [et Boulogne-sur-Mer]. 1776-1792. Chinard Gilbert Chinard. Lettres inédites de Beaumarchais, de Mme de Beaumarchais et de leur fille Eugénie. Publiées d’après les originaux de la “Clements Library”… Paris: Librairie Historique A. Margraff; Baltimore, xiv CARON DE BEAUMARCHAIS Maryland: The Johns Hopkins Press, 1929. _________. “Beaumarchais et l’Amérique. Une lettre inédite de Beaumarchais.” France Amérique, n.s., année 20 (février 1929), pp. 38-41. Compte rendu Beaumarchais. Compte rendu de l’affaire des auteurs dramatiques et des comédiens français … [1780] se trouve dans presque toutes les oeuvres complètes de Beaumarchais; voir ci-dessous, par exemple, celles de Saint-Marc Girardin, pp. 608-650. Correspondance littéraire Voir Grimm. Correspondance secrète Correspondance secrète, politique et littéraire … 18 vols. Londres: Adamson, 1787-1790; rpt., 3 vols. Genève: Slatkine, 1967. Court mémoire Beaumarchais. Court mémoire en attendant l’autre par M. Caron de Beaumarchais sur la plainte en diffamation qu’il vient de rendre d’un nouveau libelle qui paraît contre lui [1788] se trouve dans presque toutes les oeuvres complètes de Beaumarchais; voir ci-dessous, par exemple, celles de Saint-Marc Girardin, pp. 458-68. CP Correspondance politique. CORRESPONDANCE xv DAB Dictionary of American Biography, edited by Allen Johnson and Dumas Malone. 10 vols. N.Y.: Charles Scribner’s Sons, 1964. Davis Curtis Carroll Davis. The King’s Chevalier. N.Y.: Bobbs-Merrill, 1961. Detcheverry Arnaud Detcheverry. Histoire des théâtres de Bordeaux … ainsi que la biographie artistique du célèbre architecte Louis. Bordeaux: Delmas, 1860. DNB Dictionary of National Biography edited by Sir Leslie Stephen and Sir Sidney Lee. 22 vols. London: Oxford University Press, 1949-50. doc. Document. Doniol Henri Doniol. Histoire de la participation de la France à l’établissement des Etats-Unis d’Amérique. 5 vols. Paris: Imprimerie Nationale, 1886-92. Donvez Jacques Donvez. La Politique de Beaumarchais. Documents de Beaumarchais et notes. Texte de synthèse. Paris: Chez l’auteur, 1980; manuscrit et microfiches se trouvent à la Bibliothèque Nationale à Paris. xvi CARON DE BEAUMARCHAIS DP The Deane Papers, 1774-90. 5 vols. N.Y.: New York Historical Society Collections, XIX-XXIII, 1887-1891. Dull Jonathan R. Dull. The French Navy and American Independence: A Study of Arms and Diplomacy, 1774-1787. Princeton, NJ: Princeton University Press, 1975. Durry Marie-Jeanne Durry. Autographes de Mariemont. Vol. I. Paris: Nizet, 1955, pp. 663-666. Etienne et Martainville Charles-Guillaume Etienne et B. [Alphonse] Martainville, Histoire du Théâtre français, depuis le commencement de la Révolution jusqu’à la réunion générale. 4 vols. Paris: Barba, 1802. Exposé Charles Gravier, comte de Vergennes. Exposé des motifs de la conduite du Roi, relativement à l’Angleterre. [A Paris, De l’Imprimerie Royale, M.DCC LXXIX.] f. Folio. Figaro Voir Castries. Fournier Edouard Fournier. Oeuvres complètes de Beaumarchais. Nouvelle édition … Paris: Laplace, Sanchez, 1876. CORRESPONDANCE xvii Gibbon Edward Gibbon. Mémoire justificatif pour servir de réponse à l’Exposé de la Cour de France. [Londres]. M.DCC.LXXIX. Grimm Correspondance littéraire, philosophique et critique, par Grimm, Diderot, Raynal, Meister… Opuscules, Appendices, Table Générale par Maurice Tourneux. 16 vols. Paris: Garnier, 1877-1882. Gudin [Paul-Philippe Gudin de La Brenellerie.] Oeuvres complètes de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. 7 vols. Paris: Chez Léopold Collin, 1809. Idzerda Stanley J. Idzerda et al., eds. Lafayette in the Age of the American Revolution: Selected Papers, 1776-1790. 5 vols. parus. Ithaca, NY: Cornell University Press, [1977-]. IMV Institut et musée Voltaire. Genève. Inventaire L’Inventaire après décès de Beaumarchais. Etablissement du texte, préface et annotations de Donald C. Spinelli. Paris: Honoré Champion, 1997. JA Diary and Autobiography of John Adams. L. H. Butterfield, ed. 4 vols. parus. NY: Atheneum, 1964. xviii CARON DE BEAUMARCHAIS JCC Worthington C. Ford et al., Journals of the Continental Congress, 1744-1789. 34 vols. Washington, DC: U.S. Government Printing Office, 190437. Jullien Adolphe Jullien. Les Théâtres de société royale pendant le siècle dernier … Paris: Didot, s.d. Karpeles Museum Santa Barbara, California Kite Elizabeth S. Kite. Beaumarchais and the War of American Independence. 2 vols. Boston: Gorham Press, 1918. Lafon Roger Lafon. Beaumarchais le brillant armateur. Paris: Société d’Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1928. Larthomas Beaumarchais. Oeuvres. Edition établie par Pierre Larthomas avec la collaboration de Jacqueline Larthomas. Paris: Gallimard, “NRF” 1988. Lasseray André Lasseray. Les Français sous les treize étoiles, 1775-1783. 2 vols. Mâcon: Imprimerie Protat Frères, 1935. Lee Henry Lee. Memoirs of the War in the Southern Department of the CORRESPONDANCE xix United States. 2 vols. N.Y.: Burt Franklin, 1970. Lettres à Mme de Godeville Beaumarchais. Lettres à madame de Godeville. [“Avertissement” de Maxime de Formont.] Paris: Alphonse Lemerre, 1928. Lintilhac Eugène Lintilhac. Beaumarchais et ses oeuvres. Précis de sa vie et histoire de son esprit … Paris: Hachette, 1887; rpt., Genève: Slatkine, 1970. Loménie Louis de Loménie. Beaumarchais et son temps. Etudes sur la société française au XVIIIe siècle. 2 vols. Paris: Michel Lévy, 1856. Lüthi Herbert Lüthi. La Banque protestante en France … 2 vols. Paris: S.E.V.P.E.N., 1959-1961. MAE Archives du Ministère des Affaires étrangères. Paris. Manne, Talma E. D. De Manne. Galerie historique des comédiens de la troupe de Talma. Lyon: N. Scheuring, 1866. Manne, Voltaire E. D. De Manne. Galerie historique des portraits des comédiens de la troupe de Voltaire … Lyon: N. Scheuring, 1861. Marionneau Charles Marionneau. Victor Louis. Bordeaux: Gounouilhou, 1881. xx CARON DE BEAUMARCHAIS Mathiez Albert Mathiez. La Conspiration de l’étranger. Paris: Colin, 1918. Mémoires secrets [Louis Petit de Bachaumont]. Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des lettres en France, depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours; ou Journal d’un observateur … 36 vols. Bruxelles: Mertens et fils; Paris: Librairie des Auteurs, 1866. MiU-C University of Michigan. Clements Library. Ann Arbor, Michigan Moland Louis Moland. Oeuvres complètes de Beaumarchais. Nouvelle édition … Paris: Garnier, 1874. Morellet Lettres d’André Morellet, publiées et annotées par Dorothy Medlin, Jean-Claude David et Paul Leclerc. Tome I. Oxford: The Voltaire Foundation, 1991. Morison Samuel Eliot Morison. John Paul Jones. Boston: Little, Brown, 1959. Morton, “Prospectus” Brian N. Morton. “Beaumarchais et le prospectus de l’édition de Kehl.” Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, LXXXI (1971), pp. 133-47. Morton et Spinelli, Brian N. Morton et Donald C. CORRESPONDANCE xxi Bibliography Spinelli. Beaumarchais: A Bibliography. Ann Arbor, MI: Olivia and Hill, 1988. Morton et Spinelli BAR Brian N. Morton et Donald C. Spinelli. Beaumarchais and the American Revolution. Lanham, MD: Lexington Books, 2003. MS Manuscrit. n. Note. NBM Bibliothèque municipale de Nantes. no. Numéro. Noailles Vicomte de Noailles. Marins et soldats français en Amérique … Paris: Perrin, 1903. OBL Bodleian Library. Oxford. Observateur anglois [Mairobert, Mathieu-François Pidansat de]. L’Observateur Anglois, ou Correspondance Secrete entre Milord All’Eye et Milord All’Ear … 4 vols. Londres: John Adamson, 1777-1778. Observations sur le Mémoire justificatif Beaumarchais. Observations sur le Mémoire justificatif de la Cour de Londres … [1779] se trouvent dans presque toutes les oeuvres complètes de Beamarchais; voir ci- xxii CARON DE BEAUMARCHAIS dessous, par exemple, celles de Saint-Marc Girardin, pp. 495-507. p(p). Page(s). PAr Bibliothèque de l’Arsenal. Paris. Patterson A. Temple Patterson. The Other Armada. Manchester: Manchester University Press, 1960. PBF The Papers of Benjamin Franklin. 39 vols. parus. New Haven and London: Yale University Press, 1959-2008. PBN Bibliothèque nationale. Paris. PBN, Beaumarchais Paris. Bibliothèque nationale. Beaumarchais. Paris: Bibliothèque nationale, 1966. PCC Papers of the Continental Congress, 1774-1789. 204 rouleaux de microfilm. PML Pierpont Morgan Library. New York City. Proschwitz Gunnar et Mavis von Proschwitz. Beaumarchais et le Courier de l’Europe … 2 vols. Oxford: The Voltaire Foundation, 1990. Proschwitz, Introduction Gunnar von Proschwitz. Introduction à l’étude du vocabulaire de Beaumarchais. CORRESPONDANCE xxiii Paris: Nizet, 1956; rpt., Genève: Slatkine, 1981. Regnier Regnier. “Correspondance de Beaumarchais avec la Comédie Française.” Revue Rétrospective ou Bibliothèque Historique, VII (1836), pp. 433-74; VIII (1836), pp. 5-21. Requête Beaumarchais. Requête A Messieurs les Représentans de la Commune de Paris par PierreAugustin Caron de Beaumarchais, membre de ladite représentation [1789] se trouve dans presque toutes les oeuvres complètes de Beaumarchais; voir ci-dessous, par exemple, celles de Saint-Marc Girardin, pp. 507-19. Revue Rétrospective “Beaumarchais.” Revue Rétrospective, 15 mars 1870, pp. 166-68. RRFSC Records Relating to French Spoliation Claims, 1791-1829. Record Group 76. Saint-Marc Girardin Oeuvres complètes de Beaumarchais. Précédées d’une notice [par Saint-Marc Girardin]. Paris: Firmin-Didot, 1865. Shewmake Antoinette Shewmake. “Un pamphlet clandestin (1779) de Beaumarchais sur la politique contemporaine. Edition critique.” xxiv CARON DE BEAUMARCHAIS Diss. University of Wisconsin, 1971. Spinelli/Garbooshian Donald C. Spinelli and Adrina Garbooshian. “Beaumarchais and Dupaty: Some Unpublished Correspondence.” SVEC, 06(2002), 117-140. SUL, ML Stanford University, Music Library Tourneux Paul-Philipe Gudin de La Brenellerie. Histoire de Beaumarchais. Mémoires inédits publiés sur les manuscrits originaux par Maurice Tourneux. Paris: Plon, 1888. Tucoo-Chala Suzanne Tucoo-Chala. CharlesJoseph Panckoucke & la librairie française, 1736-1798. Pau: Editions Marrimpouey Jeune; Paris: Librairie Jean Touzot, [1977]. Villiers Patrick Villiers. Le Commerce colonial atlantique et la guerre d’indépendance des Etats Unis d’Amérique. 1778-1783. N.Y.: Arno Press, 1977. vol. Volume. von Proschwitz Voir Proschwitz. CORRESPONDANCE Watts xxv George Watts. “Catherine II, Charles-Joseph Panckoucke and the Kehl edition of Voltaire’s Oeuvres.” Modern Language Quarterly, 18 (1957), 59-62. 734. A M. Gérard1 Paris, ce 3[?] Janvier 1779 2 Sur votre lettre, Monsieur, je me suis hâté de vous renvoyer les extraits que vous m’aviez remis relativement aux assurances de vaisseau dues à M. le marquis de La Fayette en Amérique. Si Mesdames son épouse et belle-mère ne m’avaient pas montré devant vous-même d’inquiétudes sur mes assurances et sur l’usure odieuse que M. de La Fayette paraît avoir supportée dans ses besoins d’argent au Continent, je me serais bien gardé de faire aucune offre indiscrète à sa famille, ayant beaucoup trop de mes affaires personnelles pour me surcharger d’aucun soin étranger. Quant à l’argent que je n’ai point prêté à M. le marquis de La Fayette, comme vous le dites dans votre lettre, mais qui lui a été avancé de mes deniers, à mon insu, en Amérique, je vous prie, Monsieur, en réglant avec sa famille et la forme et le terme qu’il lui convient de prendre pour ce paiement, de vouloir bien lui faire lire attentivement l’extrait de la lettre de M. de Francy,3 mon agent au Continent, que j’ai l’honneur de vous envoyer et ceux des diverses lettres de M. de La Fayette à mon jeune ami; vous y verrez qu’un excès d’honnêteté a pu seul engager M. de Francy à échanger des titres sur la république contre une créance sur un mineur et que, n’ayant point d’ordre de moi, il a hésité quelque temps, ce qui prouve qu’on l’a pressé et qu’il a craint de me déplaire. En effet, le doux intérêt que M. de La Fayette inspire à tous les Français et le désintéressement avec lequel mon agent a rendu ce service sont les seuls motifs qui aient pu me faire approuver cette liberté sur mes fonds. 2 CARON DE BEAUMARCHAIS Voilà ce dont il est très bon encore que sa famille soit instruite. Et si j’excuse M. de Francy, c’est qu’à mon sens un homme aussi raisonnable que lui n’a pu être poussé à rendre un pareil service à un mineur que par la sensibilité qu’on ne peut refuser à tout jeune homme d’honneur embarrassé qui se trouve aux prises avec des usuriers. A cette occasion, il me paraît assez étrange, Monsieur, que les personnes, que vous dites chargées par la famille de M. de La Fayette de suivre ses affaires et de lui fournir ses besoins, l’aient abandonné au point de le laisser tomber dans les engagements usuraires auxquels M. de Francy a eu l’honnêteté de le soustraire un moment. Mais à Dieu ne plaise que M. de Francy s’en mêle davantage; mes ordres précis vont arrêter court l’obligeante chaleur d’un jeune homme vertueux pour un autre jeune homme vertueux, parce qu’en effet il ne peut en résulter qu’un abus. Je joins à ces extraits, Monsieur, la copie de l’engagement fait entre M. de Francy et M. le marquis de La Fayette, celle de ses deux billets, où le change est tiré; ce qui nous épargne en Europe toute espèce de soin à cet égard. Le seul qui vous reste est de me faire savoir promptement à quelle époque vous fixez ce remboursement, afin que j’en destine l’emploi, ce que je ne puis faire d’une obligation à terme incertain. J’ai l’honneur d’être, avec la plus haute considération, Monsieur, votre . . . 1Pour ce qui concerne Gérard, le curateur de Lafayette, et l’argent prêté à Lafayette par Beaumarchais, voir tome IV, lettres 696, 697 et 719. 2Beaumarchais, no. 339 a comme date le 2 janvier 1779. 3Voir tomes III et IV. 3 CORRESPONDANCE 735. De John Jay1 To Monsieur Caron de Beaumarchais Philadelphia 15th JanY 1779 Sir, The Congress of the United States of America sensible of your exertions in their favor present you with their thanks & assure you of their regard.2 They lament the inconveniences you have suffered, by the great advances made in support of these States. Circumstances have prevented a compliance with their wishes, but they will take the most effectual measures in their power to discharge the debt due to you. The liberal sentiments and extensive views which alone could dictate a conduct like yours, are conspicuous in your actions and adorn your character. While with great talents you served your Prince, you have gained the esteem of this infant Republic, and will receive the merited applause of a new world. By order of Congress John Jay President 1Voir tome IV, lettre 724 n. 2 et n. 5. lettre est la première qu’a reçue Beaumarchais du gouvernement américain après plus de trois ans de sacrifices de sa part au service des insurgents. Malheureusement le geste ne s’est jamais accordé à la parole et nous savons que Beaumarchais est mort sans avoir jamais reçu ce qui lui était dû. 2Cette 4 CARON DE BEAUMARCHAIS 736. A M. Paulze1 Paris, le 17 janvier 1779. Une foule de lettres, monsieur, que j’ai reçues de différents ports de l’Océan, m’engagent à faire encore une démarche auprès de vous: à répondre à votre dernière, qui n’exigeait point d’autre importunité de ma part. Mais les armateurs français, qui me font la justice et l’honneur de me regarder comme un de leurs plus zélés défenseurs auprès des ministres, s’adressent tous à moi pour savoir s’ils doivent abandonner absolument le commerce de l’Amérique, ou si l’on peut espérer que la ferme générale, seul acheteur des tabacs pour le royaume, cessera d’opposer à ce que vous nommez dans votre lettre la ruse mercantile ce qu’ils appellent, eux, la ruse fiscale, et qui ne devrait exister de part ni d’autre en ce moment. De toutes ces ruses, la plus étrange et la plus funeste sans doute est celle par laquelle les fermiers généraux achèteraient sourdement les tabacs que les Anglais nous enlèvent sur mer. J’eus l’honeur de vous mander qu’on me l’avait écrit de Londres. Vous m’avez répondu que c’était un faux avis, que ce marché n’existait pas; qu’il était même impossible, puisque les Anglais n’avaient pas chez eux de quoi suffire à leur consommation. A la rigueur cela se peut; mais au témoignage d’un Anglais, rejeté par M. Paulze, je pouvais en ajouter un que M. Paulze n’eût pas récusé: c’est une lettre de la main de M. Paulze lui-même, écrite à l’un des préposés de la ferme pour les achats du tabac; et cette lettre, je l’ai vue à Bordeaux, et j’y ai lu en substance: Ne payez pas les tabacs plus de quatre-vingts livres, parce que j’en attends quatre mille boucauts d’Angleterre, venant de New-York avec le premier convoi, et que les Anglais m’en font offrir (ou espérer) dix mille boucauts d’ici à un an, à meilleur prix que les Français ne les peuvent donner. D’un pareil fait à la possibilité du contrat, vous savez, monsieur, si la conséquence est bonne ou vicieuse. Quoi qu’il en soit, et que ce contrat de la ferme avec l’ennemi de l’Etat existe ou n’existe pas, qu’on le nie d’un côté en l’annonçant de l’autre, la conséquence est la même pour le commerce; et l’incertitude en pareil cas n’est qu’un malheur de CORRESPONDANCE 5 plus. Si le contrat existe, et que les Français ne puissent pas soutenir la concurrence anglaise, ils doivent rester chez eux, ne plus aller chercher à grands frais en Amérique du tabac qu’on ne peut vendre en France au seul acheteur, qui s’en pourvoit ailleurs: alors le système politique, absolument fondé sur l’agrandissement et la prospérité du commerce, est détruit. Si le marché n’existe pas, l’espoir et le but de son annonce étant d’alarmer le commerçant pour le forcer, dans sa détresse, à baisser ses prix, à perdre gros sur une denrée qui lui coûte aussi cher, il en résultera le même découragement, le même abandon du commerce, et la destruction aussi certaine du système politique. Or est-il raisonnable qu’une compagnie puissante, et qui de temps immémorial a le bonheur de décimer en paix au sein de l’Etat, sur tous les trésors qu’on y amène, écrase et sacrifie à l’intérêt d’un moment les utiles citoyens qui vont chercher au loin ces trésors avec des périls sans nombre? Est-il juste que ce fermier, qui, sans aucun danger, remet au roi d’une main portion de ce qu’il exige de l’autre, avec des bénéfices immenses, accroisse encore ses gains aux dépens du négociant, qui seul est chargé de rendre à ses périls la vigueur à ce corps d’où le fisc a toujours pompé la substance de ses richesses? Laissons donc de côté, monsieur, les ruses mercantile ou fiscale, pour traiter simplement la plus importante question qu’on puisse agiter devant les ministres. Vous avez bien voulu, dans votre lettre, entrer en discussion, et me dire que si les fermiers du roi ont le patriotisme de faire des sacrifices à l’Etat sur le tabac, le commerce à son tour peut bien se contenter d’un bénéfice de vingt-cinq pour cent sur ses spéculations d’Amérique. Que parlez-vous, monsieur, de bénéfice et de vingt-cinq pour cent? Eh! que vous êtes loin de la question! L’objet de la justice que je demande à la ferme au nom du commerce n’est pas d’obtenir plus de gain sur les tabacs qu’il importe, mais de ne pas supporter des pertes énormes sur les capitaux qu’il exporte. Avant que d’agiter la question des sacrifices mutuels, j’ai voulu m’instruire à fond de tout ce qui pouvait me mettre en état de la traiter avec fruit. Ce qui regardait le commerce ne 6 CARON DE BEAUMARCHAIS m’embarrassait déjà plus. J’ai eu depuis quatre ans de trop grands motifs de l’étudier, pour me tromper aujourd’hui sur son état en plaidant sa cause. Mais n’ayant pas eu le même intérêt à défricher les sentiers épineux de la ferme générale, il m’a fallu beaucoup travailler, monsieur, depuis votre lettre, pour parvenir à connaître à fond les vraies dépenses des fermiers du roi pour le tabac, les frais d’achat, de transport, de fabrication, de régie, de manutention, de surveillance, etc., que cette denrée exige. J’ai dû savoir quelle était, avant la guerre, la différence du prix d’achat entre les tabacs étrangers et ceux du cru du royaume hors la ferme; ce qui résultait pour les uns et les autres d’un impôt de trente sous par livre assis (aux termes de l’édit de 1749) sur les tabacs étrangers seulement, puis étendu bientôt par convenance tacite sur la totalité de la vente au public, sous prétexte qu’il n’y avait plus de tabacs intérieurs, quoiqu’on eût eu grand soin d’en augmenter la culture. J’ai dû m’instruire à quoi s’élevaient la consommation totale de cette denrée en France, le prix du bail au roi, celui de la vente au public; le produit net des tabacs du Brésil; celui des taxes sur les tabacs et sons d’Espagne, et de la différence de leur poids; celui du double emploi sur les ficelages (aux termes de l’arrêt du conseil de 1730); celui du fort-denier abandonné aux débitants; ce qu’il sortait de tout cela en pertes ou bénéfices pour la ferme avant l’augmentation du prix du tabac continental, causée par la guerre; enfin la comparaison des anciens bénéfices avec le gain actuel, en faisant entrer dans celui-ci la diminution des contrebandes, occasionnée par la rareté de la denrée; les bénéfices des nouveaux marchés des côtes de feuille qu’on brûlait, et qu’on ne brûle plus; la livraison du tabac aux distributeurs faite en poudre, au lieu de la faire en carottes; les différences données par l’analyse chimique de ces tabacs altérés, avec les excellents tabacs du Maryland et de Virginie, que nous vous proposons; les plaintes qui s’en élèvent de toutes parts dans le royaume, etc., etc., etc. En vain dirait-on que, la ferme ayant un marché fait avec le roi, nul ne peut y porter atteinte aussi longtemps qu’il subsiste. Ce n’est point à ce marché que je réponds; c’est à votre lettre, monsieur, où vous voulez bien me dire que tout le poids du CORRESPONDANCE 7 sacrifice de l’encouragement ne doit pas tomber sur le fermier acheteur, et que si le patriotisme veut qu’il paye plus cher, il n’exige pas que le négociant vendeur fasse des bénéfices trop considérables. D’après votre lettre et mes travaux, monsieur, tenant comme vous pour principe certain que celui des deux qui gagne le plus entre le négociant et le fermier doit en effet offrir un sacrifice honorable à son pays, je me crois en état d’éclaircir la question au gré des connaisseurs. Nous n’épuiserons point les lieux communs de ces reproches éternels qui, toujours trop généralisés, ne portent sur aucun objet fixe, et sont facilement éludés par les défenseurs de chaque ordre. Réduisant la question à des faits très-exacts, nous prendrons, si vous voulez, pour exemple des gains excessifs du commerce l’expédition du Fier-Rodrigue,2 dont la cargaison a été vendue à quatre cents pour cent de bénéfice en Virginie; ou celle de la Pallas,3 qui a été vendue en North-Caroline de huit à neuf pour un, mais dont les tabacs en retour ont été achetés à un prix beaucoup plus fort que ceux du Fier-Rodrigue: et pour le plus haut terme des pertes du fermier nous choisirons le bail courant de David, et le temps actuel de la guerre: c’est traiter la ferme assez favorablement. Mais, au tableau que vous m’avez fait des prétendus gains du commerce, j’aperçois d’avance que vous êtes moins instruit de nos affaires que nous ne voyons clair dans les vôtres, et que vous connaissez bien moins nos pertes que nous ne pouvons prouver vos bénéfices. Je n’approuve pas plus que vous les petites ruses par lesquelles certains vendeurs américains vous ont frustré des tabacs que vous leur avez payés d’avance. Mais comme aucun Français, que je sache, n’a obtenu de vous cette faveur, aucun aussi ne doit partager le reproche de ces tours de gibecière, ni d’avoir abusé de vos avances: or c’est des Français seulement que je parle, et pour les Français que je plaiderai. Je vous demande encore pardon, monsieur, si je ne pense pas comme vous que ce soit le haut prix des denrées d’Europe qui ait fait monter excessivement celles d’Amérique. Selon moi, l’abondance ou la rareté met seule en tout pays de la différence 8 CARON DE BEAUMARCHAIS dans le prix des denrées: or l’excessive rareté des envois d’Europe en Virginie n’y a pas rendu le tabac moins commun, au contraire. Ce n’est donc point le prix des marchandises européennes qui a fait monter le tabac à plus de cent livres le quintal: avouons, monsieur, que c’est le discrédit où est tombé le papier-monnaie, seul représentatif des denrées au continent, et l’intermédiaire de tous les marchés de ce pays-là. Si ce papier-monnaie éprouve un tel discrédit d’opinion, s’il est tellement déprécié par sa vicieuse abondance, que l’on redoute d’en acquérir ou d’en conserver, alors il en faut beaucoup pour représenter peu de denrées; elles paraissent vendues plus cher, non qu’elles soient montées de prix, mais parce que le signe de la vente ou la matière du payement a baissé de valeur. Voilà, monsieur, ce qui est arrivé dans le continent, où l’on doit regarder aujourd’hui le papier comme un signe idéal, variable et trompeur; et s’en tenir uniquement, pour compter avec soi-même, à ce que produisent en Europe les denrées d’Amérique apportées en retour d’une cargaison d’Europe, en y comprenant les frais d’armement, mises hors, assurances, voyages, relâches, désarmements, frais de vente, etc. C’est le seul moyen de connaître le résultat net d’une telle opération: tout autre compte est chimérique, un rêve de gens abusés, à qui le réveil est toujours funeste. Or, à cette manière exacte et sévère de régler les comptes de retour, il s’en faut beaucoup, monsieur, que les négociants français aient du bénéfice, aux prix même où ils vous abandonnent leurs tabacs en France; et cela est si certain, que les propriétaires du tabac arrivé par la Pallas, quoiqu’ils aient vendu en Amérique à près de dix pour un, vous ont offert de vous remettre toute leur cargaison de retour pour rien, si vous vouliez les rembourser des frais de celle qu’ils ont portée d’Europe. Il n’y a peut-être pas un négociant français qui n’en fît autant. Si vous ne l’avez pas accepté, c’est que vous savez aussi bien qu’eux qu’ils sont loin de bénéficier sur les retours. On peut espérer des temps moins orageux, mais c’est de celui-ci qu’il s’agit. Dans ces premiers moments d’une alliance aussi disputée, où la guerre et le commerce doivent réunir leurs plus grands efforts, et semer laborieusement pour recueillir en des temps plus heureux, il faut CORRESPONDANCE 9 le dire hautement, et mon devoir est de le répéter: tous les capitaux sont tellement compromis dans les spéculations du continent, et le dégoût devient si général en tous nos ports, que personne ne doit plus, ne peut plus, n’ira plus chercher à sa perte du tabac en Amérique, s’il faut encore le tenir en France à la disposition arbitraire et ruineuse du fermier, seul acheteur, seul vendeur, et seul maître, en cette partie. Alors, par une contradiction exclusivement propre à ce royaume, on pourra voir la sage administration soutenir au loin une guerre dispendieuse, encourager ses armateurs à chercher les ports d’Amérique, employer tous les moyens possibles pour augmenter l’émulation et la prospérité de son commerce; et dans le même temps, le monopole et la gêne s’établir, arrêter, garrotter les négociants français au retour, et s’armer intérieurement contre la faveur et la liberté que le gouvernement leur avait promises. C’est ainsi que du tabac arrivé d’Amérique à Bordeaux, n’osant en sortir par mer pour aller à Gênes et Livourne, à cause de l’extrême danger des corsaires, ne peut obtenir aujourd’hui de la ferme une permission de traverser le royaume par le canal de Languedoc pour se rendre à Marseille et passer en Italie, sous prétexte du très-petit danger des versements intérieurs, qu’il lui est si aisé d’empêcher; mais en effet pour forcer le propriétaire d’abandonner son tabac à perte aux fermiers du roi, par l’impossibilité reconnue de l’exportation. C’est ainsi que dans tous les ports de France on a soin de prescrire aux possesseurs de tabac qu’ils aient à prévenir la ferme des offres que les étrangers leur en feront, sous prétexte qu’elle a le droit de préférence à ces mêmes prix; mais en effet pour dégoûter l’étranger de faire aucune offre à nos négociants, certain qu’ils établiraient un prix pour la ferme, et nullement pour eux. C’est ainsi qu’en tous ces mêmes ports les permissions de sortie se font tellement attendre et sont chargées de tant d’obstacles, que toujours les instants favorables se perdent; et qu’il faut en venir à céder le tabac au fermier au prix qu’il en veut donner, faute d’avoir pu l’exporter à temps avec avantage. 10 CARON DE BEAUMARCHAIS C’est ainsi qu’au Havre les fermiers ont ordonné le dépôt dans leurs magasins de tabacs arrivant d’Amérique, et que, voyant enfin qu’on ne voulait pas les céder à leur offre, ils ont signifié à l’armateur de les sortir sous quinze jours, sous prétexte qu’ils avaient besoin de leurs magasins; mais en effet pour forcer le possesseur à les livrer à leur prix, par les difficultés, la gêne et le coût d’un pareil déplacement. Surtout on ne peut lire tranquillement les objections de la ferme contre le transport du tabac demandé par MM. Baignoux et compagnie, de Bordeaux pour Marseille, par le canal; et j’en suis d’autant plus affecté, que ces objections ont arraché contre le commerce un refus net à M. le directeur général des finances,4 qui avait consulté les fermiers du roi. Je les ai sous les yeux, monsieur, vos objections. Comment une ordonnance faite il y a cent ans, et couverte cent fois; comment un dispositif établi sur un commerce tranquille en temps de paix, en 1681, peuvent-ils être cités en 1779, et servir de réponse à des facilités demandées quand la mer est couverte de corsaires en pleine guerre, et lorsque les vaisseaux neutres n’offrent eux-mêmes aucune sûreté pour les transports; quand enfin les tabacs encombrés dans les magasins de Nantes et de Bordeaux n’en peuvent sortir par aucune voie extérieure? N’est-il pas clair que le fermier n’obstrue ainsi tous les débouchés internes que pour forcer le négociant de lui livrer le tabac à bas prix, par l’impossibilité de le porter ailleurs? Et la ferme générale ose avancer, dans son mémoire à M. Necker, que le transport de Bordeaux à Marseille par le canal de Languedoc n’est d’aucun avantage au commerce, quand toutes les autres voies sont fermées! Est-il rien de plus insidieux, de plus dérisoire, que d’invoquer le prétendu système de la balance générale de l’avantage de chacun des ports de la France, à l’instant où la guerre et ses effets accumulent vicieusement les tabacs dans les ports de l’Océan, sans qu’ils en puissent sortir, et où ceux de la Méditerranée, qui, par leur position, en sont absolument privés, n’en peuvent envoyer aucun en Italie? N’est-ce pas ajouter l’ironie à la ruine, que d’accabler d’empêchements réels le port surchargé de tabacs, sous le prétexte vain de favoriser celui qui n’en a point, et ne peut s’en procurer en ce CORRESPONDANCE 11 moment? Et n’est-ce pas surtout se jouer de la confiance que le directeur général des finances montre à la ferme en la consultant, que d’abuser d’une déclaration du roi du siècle passé, faite sur un commerce paisible et en vigueur; de la rapporter à ces temps difficiles, aux commencements d’un commerce ruineux, d’une guerre écrasante; et d’étouffer ainsi dans sa naissance l’émulation des négociants français, que le gouvernement a tant d’intérêt et de désir d’augmenter? Qui ne connaîtrait pas les précautions multipliées du codefermier contre la fraude, et l’armée de commis que la ferme soudoie, pourrait croire en effet qu’il est difficile à cette compagnie d’empêcher des versements dans les passages intérieurs d’un port à l’autre. Mais, je l’avoue avec douleur, à la lecture du mémoire envoyé à M. Necker par la ferme générale, sur la demande des sieurs Baignoux de Bordeaux, pour le transport des tabacs par le canal; à ces insinuations d’un contrat avec l’ennemi, semées sourdement dans un lieu, désavouées dans un autre; à ce plan constamment suivi de détruire le tabac en France et d’en aller acheter en Amérique, quand notre sol en pourrait fournir abondamment, puis de préférer le tabac d’Europe à l’instant où l’intérêt de l’Etat commence à exiger faveur pour celui d’Amérique; à toutes les ruses que je vois employer dans nos ports pour décourager le commerce et nuire à la vente, au transport de ces tabacs, seul retour qu’on puisse apporter du continent; à l’examen de cette foule d’avantages secrets si savamment combinés par la ferme, et qu’elle a su tirer des édits ou déclarations de 1681, de 1721, de 1730, de 1749, etc., dans la seule partie du tabac; en les rapprochant surtout de ses procédés actuels avec les négociants, il est démontré pour moi qu’un bail de six ans est le plus dévorant ennemi d’un règne de cent ans dans ce royaume, et qu’à moins d’un nouvel ordre ou dans la ferme, ou dans les spéculations d’outre-mer, la France, après avoir fait une guerre ruineuse, ne recueillera nul fruit de son système actuel, perdra l’Amérique, que son commerce pouvait seul conquérir, et verra l’Angleterre, son éternelle ennemie, se relever bientôt de ses pertes, et reprendre sur nous tous ses avantages, par cela seul que l’intérêt de la ferme générale en France est toujours contraire à celui de l’Etat. 12 CARON DE BEAUMARCHAIS Il est temps de me résumer. J’ai donc l’honneur, monsieur ou messieurs (car je désire que ma lettre soit lue au comité de la ferme générale), j’ai donc l’honneur de vous réitérer ma demande au nom de tous les armateurs, ou de nous traiter honorablement sur le prix des tabacs, et fraternellement sur les facilités du transport, que l’intérêt de l’Etat et le nôtre exigent, ou de soumettre au jugement des sages qui gouvernent l’Etat nos différentes assertions appuyées de preuves; moi sur les gains et procédés de la ferme, et vous sur les gains et prétentions du commerce. Ceci n’étant point une querelle de particuliers seulement individuelle, mais une question devenue nationale, et d’une importance extrême, à cause des suites, j’ai cru devoir travailler sans relâche à composer un mémoire instructif en forme de requête, que je me propose de présenter au roi sur cette matière intéressante, au nom du commerce, et dont cette lettre sera l’introduction. Et j’ai l’honneur de vous en prévenir, afin que, si nulle voie de conciliation ne peut ramener la ferme générale à tendre une main équitable au commerce de France, écrasé par cette guerre, et prêt à succomber entre les Anglais et les fermiers, vous soyez instruit qu’un négociant français, qu’un citoyen s’est chargé du triste emploi de montrer au gouvernement, à la nation, à sa patrie enfin, d’où vient et à qui l’on doit imputer tout le mal qui va résulter de cet étrange ordre de choses. Et puisse encore, après mes preuves données, ma prédiction n’avoir aucun effet! C’est le voeu le plus ardent de celui qui a l’honneur d’être, avec une grande considération, Monsieur, votre, etc. P.S. Depuis ma lettre écrite, j’apprends qu’un navire à moi, le Ferragus,5 a été pris et conduit à Glascow; qu’une frégate aussi à moi, de vingt-deux canons, le Duc du Châtelet, a sauté malheureusement à sa sortie de Nantes; enfin j’apprends que le Lyon, venant de Virginie, et sur lequel je crois avoir à fret trois cents boucauts de tabacs, a été pris et conduit à New-York. Je laisse à part les réflexions comparatives des gains du fermier et CORRESPONDANCE 13 du commerçant que tout ceci suggère. Mais tant de pertes connues, et dont chaque armateur citerait à peu près les pareilles, pouvant donner à ma lettre un ton d’humeur personnelle qui lui ôterait de sa force, je me crois obligé de vous assurer, monsieur, qu’en aucune affaire qui me fût propre je n’aurais mis la fermeté dont cette lettre est remplie. Mais je parle au nom du commerce, qui souffre, et à qui ses pertes accumulées rendent le système et les procédés de la ferme encore plus insupportables. C’est pour lui, non pour moi, que j’écris, que je veille, que je voyage, que j’étudie, que je travaille enfin depuis quatre ans, bien assuré que la France ayant en elle tous les autres genres de supériorité, celle du commerce maritime, que la fortune lui offrait aujourd’hui de si bonne grâce, allait achever de lui donner sur tous les intérêts du monde une prépondérance universelle, si nul obstacle intérieur n’avait enchaîné l’essor de ses armateurs. Le prix des tabacs en Hollande est coté, du 1er janvier, de cent vingt à cent trente livres. Il y a bien loin de là à quatrevingts livres, et quinze livres pour cent de tare. C’est le prix mitoyen que le commerce demande, cent livres 1Jacques-Alexis Paulze (1723-1794) a été l’un des plus importants fermiers généraux de l’Ancien Régime de 1768 à 1791. Il était le beau-père de Lavoisier et réunissait dans son salon Turgot, Malesherbes, Condorcet et Dupont de Nemours parmi d’autres pour discuter de réformes fiscales, financières et politiques. Il fut condamné et exécuté avec d’autres fermiers généraux le 10 floréal de l’an II (8 mai 1793). Dans cette lettre Beaumarchais s’élève contre la pratique immorale de la ferme générale consistant à acheter des tabacs enlevés par les Anglais et à les faire venir en France à un prix qui ruine les importateurs français. Beaumarchais reviendra sur la ferme et son monopole dans les lettres 753, 761, 770-72, 774, 775, 779, 780, etc., mais sans aucun résultat. 2Voir tome IV. 3La Pallas participa au premier combat naval de la guerre de l’Indépendance américaine le 17 juin 1778 et fut capturée par l’amiral Keppel. Elle faisait partie de l’escadre de John Paul Jones en 1779; voir PBF, XXIX, p. 709 n. 8. 4Necker. 5Voir tome IV, lettre 719 n. 1. 14 CARON DE BEAUMARCHAIS 737. De William Henry Drayton1 January 17, 1779 Sir, Men of virtue and liberality of sentiment generally create to themselves, a certain degree of trouble—that of receiving the acknowledgement of their admirers. Hence, Sir, you have the trouble of reading these lines from an American and a stranger. The happy connection formed between france & these united States, brings the citizens of the latter states, to a knowledge and admiration of the citizens of the former and in particular, of the celebrated MonsR de Beaumarchais, the representative of the generous Hortalez, from whose zeal, America has derived, in the most critical moments of her distress, the most substantial benefits. Your conduct in support of the interests of this New World, has acquired the thanks of Congress. And I not content with having contributed my voice for that purpose, as a Senator, cannot be satisfied, until I have rendered to you, my grateful thanks as a citizen. I now, sir, pay this tribute and I have the pleasure to do it in the most honorary manner to myself, as it enables me to announce & to introduce to Monsieur de Beaumarchais one, who is with the warmest esteem Sir your most obedient and most humble servant Signed William Henry Drayton philadelphia JanY 17t.h 1779 MonsR Caron de Beaumarchais En haut, sur la lettre transcrite ici est écrit: “Duplicata original envoyé dans le paquet remis à Mr Gérard.” Donc, nous pouvons supposer que la lettre a été donnée à Francy qui l’a remise à Gérard en vue de son départ en France. Gérard est bien entendu le ministre plénipotentiaire envoyé par la France à Philadelphie; voir tome IV, lettre 693 n. 13. 1Pour Drayton, voir tome IV, lettre 694 n. 30. CORRESPONDANCE 15 738. De Chevallié M. Caron de Beaumarchais 1779 à Paris Rochefort le 21 Janvier Monsieur J’ai reçu hier la lettre que vous m’avés fait l’honneur de m’ecrire le 12 de ce mois. Je me refére à la mienne du 16 et vous reÿtere ma disposition à nous séparer d’interêt dont vous me rendés l’union insupportable mais sous la condition préalable que je vous ai dite de compter et régler tout ce qui me revient, et de me le payer comptant en quoi j’ai entendu et entends comprendre (reglées aussi qu’elles seront) toutes les indemnités qui me sont duës à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.1 Je crois me devoir à moi même de repondre aujourd’hui à chacun des articles de vôtre lettre du 6 de ce mois; ce que mes occupations ne me permirent pas de faire dans ma precedente, où je vous ai marqué qu’elle me fut envoyée par M. Hébre de Saint Clément, qui l’avoit reçuë à cachet ouvert, comme vous devez le savoir, et en a pris une copie, comme vous devez le luy avoir prescrit ou permis; en quoi vous avez renduës publiques les inculpations que vous m’y faites XA ne pouvant nullement supporter de pareilles inculpations qui attaquent mon crédit et mon honneur, encor moins leur publicité puisqu’elles sont aussi fausses que calomnieuses. J’ai à y opposer et repondre 1O qu’il est faux et supposé que j’ai des engagements et des dettes a Nantes et à Marseille a la vérité j’ai des comptes à régler mais sur lesquels il me sera dû au lieu de devoir, et c’est les grands embarras de vos affaires depuis mon retour qui en ont empêché le reglement; qu’il est même faux et supposé que j’ai des engagements à Paris pour d’autres que pour vous comme il m’est 16 CARON DE BEAUMARCHAIS aisé de le prouver: aussi à raison des effets qui me sont retournés avec protêts et que j’ai tout remboursé vous m’avés mis dans la necessité d’user des voÿes de droit qui me sont ouvertes pour y suppléer et y remédier et c’est ce que je ferai 2O qu’il est aussi faux que calomnieux que dans la conduite que j’ay tenuë en Virginie comme en france j’ai en rien manqué à ma probité ni blessé ma conscience sur laquelle il soit besoin d’i mettre la main, dires vous. 3O quant à notre traité, ce n’est pas l’explication ou le commentaire qu’il vous plaît d’en faire qui doivent et peuvent décider entre vous et moi, mais seulement les conventions et les clauses formelles qui y sont clairement employées, malgré les changements que vous y avés alors faits, à dessein, et que j’ai eû la trop docile confiance d’y souffrir; sans soupçonner l’usage que vous voudriés en faire aujourd’huy, et que cette raison même, ne peut que faire rejetter. quant aux tabacs qui sont dans mes magasins sous la clef du fermier et quant au nouvel armement du fier Roderigue auquel j’ai travaillé et continuë de travailler en bonne régle, je ne peux subir le dépoüillement de l’un ni de l’autre objet dans le cas de la maniere que la demande m’en est faite fut-elle formée en justice où je ne crains point d’etre privé de mes droits pas même de la commission sur les retours &a que mon traité me promet et m’assure à titre d’equité, le plus sacré de tous les titres; sur tout en pareil cas. C’est dans ces sentiments que j’ay l’honneur d’etre très parfaitement Monsieur Votre trés humble et trés obéissant serviteur Chevallié 1Nous n’avons ni la lettre de Beaumarchais du 12 ni celle de Chevallié du 16 mais nous connaissons le mécontentement de Beaumarchais sur ce qui s’était passé en Amérique (voir tome IV, lettre 693). En bref, Chevallié avait commis l’erreur de vendre trop vite et à un prix très bas toute la cargaison du Fier Rodrigue à l’état de la Virginie, cargaison que Francy destinait au Congrès. En plus, dans son contrat avec l’état pour du tabac, Chevallié n’avait pas stipulé qu’il devait être de haute qualité—un détail CORRESPONDANCE 17 très important que Francy a réussi à changer en faisant appel au gouverneur Patrick Henry. Selon Beaumarchais, Chevallié lui devait des remboursements. Ils durent soumettre leur différend à une commission afin de le résoudre (voir lettre 806). 739. A Mme de Godeville1 Samedi matin 23. je.r 1779 ce vingt deux jer J’ai recu, Madame, hier matin la belle lettre de chiens dont vous m’avés honoré. Si je n’y ai pas répondu sur le champ; c’est que j’avais alors, comme on dit, bien d’autres chiens a etriller. J’y ai lu avec reconaissance la dissertation raisonée que vous faites sur les differens sexes des enfans de votre chienne, et sur leurs divers procédés dans l’action diurétique. Il est certain Madame que les dessendans de Lisette qui sont du beau sexe respecteront bien plus dans cet acte et les rideaux et les meubles, en sacroupissant modestement, que leurs petits gaillards freres, toujours aspergeant ou aspersant les parties latérales de tous les lieux quils habitent. Cependant il y a quelque chose de plus libre, de plus joli, je ne sais quoi de galantin, de leste en ce paillard lévement subit et fortuit de la petite cuisse pelue, et de la patte crochue. On ne sait sils ont appris des hommes, ou s’ils leur ont montré l’art de pisser contre les bornes, et de chasser loin d’eux, avec grace et propreté, d’un jet rapide et net, ce qui peut les empécher de mieux jouer de l’instrument au double usage. Car, comme vous savés Madame, tout ce qui vient de cette flute n’etant pas fait pour retourner au tambour que vous savés aussi; il faut bien dégager la voie de ce qu’on y destine. Ah! si dans la répartition du double jeu de cette flute a bec la nature avait daigné traiter les femmes seulement comme les bornes, avec cette tendresse et profusion maternelle qu’elle a pour les dernieres, 18 CARON DE BEAUMARCHAIS c’est bien alors que les poëtes auraient brillé dans les chansons de table, et qu’il eut été vrai de dire que pour bien aimer, il ne sagit que de bien boire! Au lieu d’une avare et courte émission qu’elle garde au plaisir, de quels flots abondans et délicieux elle eut aπaisé les feux de l’amour! Quelle angoisse prolongée eut tenu les amans en extaze! Eh! que c’eut eté bien le cas encore de dire d’une femme très amoureuse; qu’elle l’aurait fait le cul dans l’eau! Mais puisque, malheureusement, dans les chiens, comme dans les hommes, l’effet le plus généreux du canal a deux fins n’est pas destiné pour les belles, et que dans les premiers de ces animaux, cet effet se dirige contre les rideaux, les jupons et les commodes, ce qui ne laisse pas d’avoir son incomodité; je m’en tiens, pour mon choix, au sexe modeste qui ne fait que mouiller sa chemise, ou gater le parquet en pissant. Quant a la couleur; je préfére celle qui ressemble a celle qui m’a fait desirer l’autre: une vraie Lisette enfin. Je suis comme frontin moi; j’ai toujours aimé les Lisettes. 2 On y va plus gai. Dans leurs amours moins empézées que leurs maitresses et disant toujours oui, la demande, l’accord, les fiancailles, l’epousaille, l’himen et le veuvage sont l’affaire d’un moment. Vraies, franches, libres, en un mot bonnes petites chiennes, sont elles saisies dans une garde robe, ou dans un couloir; en un tour de main, elles vous ont baisé, ouvert leurs cuisses, tourné les yeux, dardé la langue, agité la ceinture, avalé tortillé la chose, arraché le plaisir, et, secouant leur jupe, elles courent a la sonette qui les appelle, il n’y parait plus. Que d’honêtes gens elles ont consolés des rigueurs minaudieres d’une Aminthe a l’empoix. C’en est fait, je suis décidé, cest une Lisette qu’il me faut. Quant a ma lettre que mon ami vous a montrée, elle vous etait destinée. Blessé jusqu’au coeur du noir projet que la folie avait enfanté contre l’amitié, je l’avais écrite a tout jamais. N’en parlons plus, et puissai-je en oublier le motif! 23 jer CORRESPONDANCE 19 Nayant pas trouvé d’occasion hier de vous faire parvenir cette lettre je la mets ce matin a la petite poste en vous remerciant de nouveau de votre jolie petite Lisette. En général, la date du jour est indiquée par Beaumarchais; c’est Madame de Godeville qui note l’année et le jour et parfois même l’heure de réception de la lettre. 1Voir tome III, lettre 453 n. 1. 2 Voir Les Serments indiscrets de Marivaux où Frontin, le valet, est amoureux de Lisette, la suivante. 740. A Mme de Godeville dimanche matin 24. je.r 1779. Comme je ne me rends point le parain banal de tous les chiens qui naissent, trouvés bon Madame que je ne baptise que la Lisette qui m’est destinée et que j’aimerai beaucoup. Je vous envoye une lettre de Mr De La Touche1 que je viens de recevoir, et que vous voudrés bien remettre a mon ami ce soir dans la visite quil compte vous faire. Vous y verrés que le défaut des gens vifs est de s’impatienter trop tot. Je suis si préssé que je n’ai que le tems de vous assurer qu’en conservant la plus douce de toutes les compassions possibles pour les ecarts que l’infortune ou la colere vous font faire j’aime mieux les ecarts de l’amour dans les femmes tant au moral qu’au phisique. Bonjour a Lisette puisqu’elle le voit; cest le jour que je veux dire. 1L’oncle de Mme de Godeville; voir lettres 742 et 755. 20 CARON DE BEAUMARCHAIS 741. De Mademoiselle Ninon1 Aix, ce 25 janvier 1779. Quelle tâche pénible, Monsieur, j’ai à remplir! Ils s’agit de justifier une démarche que vous avez trouvée dénuée de prudence et de bon sens; il s’agit de vous convaincre de la solidité d’un projet que vous désapprouvez. Fille présomptueuse, quelle est ta témérité, et que vais-je entreprendre! Vouloir justifier ce que vous avez condamné, vous, Monsieur! Ah! n’importe. Je vais écrire. Vous me le permettez? Vous me pardonnerez? Allons, me voilà rassurée. Premièrement, ce n’aurait pas été pour moi seule que j’eusse entrepris ce que j’osais vous communiquer. Trois objets m’attiraient au pied du trône: la gloire de mon roi, celle de mon sexe et la mienne. Il y a trop longtemps que nous sommes victimes malheureuses de la perfidie des hommes. Leur despotisme s’étend tous les jours davantage, et, ce qui est plus cruel, c’est qu’ils parviennent, par leurs séductions, à nous faire sacrificateurs et victimes. A qui nous sacrifions-nous? Est-ce à des hommes? Non, à des barbares qui abusent et se rient sans cesse de la faiblesse et de la crédulité d’un sexe dont ils sont adorés, malgré le cruel acharnement avec lequel ils le persécutent. Ils ne rougissent plus de rien, ils ne rougiront pas d’employer tous les moyens pour séduire une fille vertueuse qu’ils devraient respecter. Ils l’arrachent à la vertu, qu’avant de les connaître elle chérissait et révérait. Et quel est le prix d’un si douloureux sacrifice? Le dédain dont ils nous accablent, voilà tout ce que nous devons espérer; n’attendons rien de plus. L’honneur, qu’estce que cela pour eux? une vaine chimère. L’honneur, le beau mot! il sonne bien à l’oreille; mais qu’il remplit peu les coeurs! Il n’est plus d’honneur, il n’en est plus. Qu’est devenu ce temps heureux où une fille pouvait même de son amant se faire un rempart, où il daignait être le soutien de sa vertu?2 Nous étions respectées, nous ne le sommes plus. Nous n’avons plus d’amants, il ne nous reste que d’indignes suborneurs. CORRESPONDANCE 21 Ah! c’est le libertinage qui nous a fermé tous les coeurs! Ils ont commencé par être libertins; qu’il y a à craindre qu’ils finissent par être scélérats! Ce fut ainsi que la décadance de Rome commença, et qui la causa? Le luxe; oui, voilà la source de tous les vices, voilà d’où naissent tant de désordres, voilà tout ce qui corrompt tant de coeurs faits pour être honnêtes, voilà enfin, Monsieur, les raisons qui avaient pu m’induire à entreprendre une démarche que je n’eusse point exécutée sans le secours d’autrui. A présent, condamnez-moi, je n’en serai pas moins soumise à tout ce que vous déciderez. 1Voir tome IV, lettre 717 n. 1; dans les pages consacrées à Mlle Ninon, Loménie décrit l’extrême influence exercée par Rousseau sur elle. Séduite à 12 ans, elle se sent cependant toujours vertueuse. Bien que ses parents n’aient rien su de son aventure, ils la surveillent constamment. Elle écrit à Beaumarchais pour lui demander son aide parce qu’elle avait l’intention de se plaindre de son destin auprès du roi. En réponse à cette lettre, Beaumarchais lui conseille (tome IV, lettre 725) d’oublier son projet et son amant. 2Note de Loménie: “Ici encore Mlle Ninon pille la Nouvelle Héloïse. Julie aussi, après avoir fait à Saint-Preux, avec la plus merveilleuse facilité, l’aveu de son délire, prétend que c’est lui qui doit se charger d’avoir de la vertu pour elle: ‘Tu deviendras, lui ditelle, ma sauve-garde, tu protégeras ma personne contre mon propre coeur.’ Pitoyable sophisme qui tendrait à enlever à la femme précisément l’unique avantage qu’elle a sur l’homme tant qu’elle n’a pas été corrompue par lui, c’est-à-dire la faculté de résister mieux que lui aux impulsions des sens.—Que serait la femme dépouillée de cette prérogative de délicatesse et de pudeur? un être sous tous les autres rapports plus faible que l’homme et comme tel condamné à lui servir de jouet.” 22 CARON DE BEAUMARCHAIS 742. A Mme de Godeville mardi matin 26. jer 79. ce 25 je.r 1779. Si je voulais croire Madame aux notions que vous m’avés données de Mr De La Touche,1 je n’aurais rien a vous remettre en ce moment; car vous m’avés bien assuré qu’il ne me paierait jamais. Vous voyés donc quil est quelquefois utile de ne pas en etre crue. Plus confiant que vous dans son honèsteté, je vais vous payer en avance et sur sa parole, la pension qu’il arrange pour vous. Mais fidèle au principe qui me l’a fait solliciter, je ne suis plus qu’un exact intendant, et je n’ai d’autre choix a vous proposer que celui d’etre payée, ou tous les huit jours, ou tous les 15, ou tous les mois; mais pas un sou au dela. Ceci est l’aliment de votre vie journaliere, et non le pouvoir de dépenser d’avance ce denier arraché a votre famille. Si vous voulés etre payée 8 jours seulement en avance, j’y consentirai volontiers; et pour vous prouver que c’est mon coeur qui fait le dur arrangement de ne jamais vous donner aujourdui ce qui doit vous substanter dans trois mois je consens encore, a cause de votre détresse actuelle a vous payer et le mois de janvier echu et le mois de fevrier a echeoir. Mais de ce moment n’esperés plus rien que la plus stricte et sevére exactitude a mon plan. Ceci bien entendu. Jurés, pestés, après moi; quand vous me trouverés dur; je ne puis vous donner selon moi une preuve plus touchante de mon attachement pour vous. Signés, en rechignant, cette quittance et me la renvoyés. Et surtout que la petite Lisette ne souffre pas je vous prie de mes mauvais procédés. 1Voir lettres 740 et 755. 23 CORRESPONDANCE 743. De Mme de Godeville [26 janvier 1779] Copie. Ceci était de la main d’un commis L. 300 J’ai recu de Monsieur Caron de Beaumarchais d’ordre et pour compte de MonsR de la Touche trois cent livres tournois lesquelles sont pour ma pension du mois de janvier courant et du mois de fevrier prochain, dont quittance à Paris le 26. janvier 1779. J’ai mis au bas: approuvé lécriture cy dessus—et signé. 744. Du comte de Vergennes1 Lettre de Mr le Cte de Vergennes [28 janvier 1779] Je joins ici, communiquée, elle surpris qu’on hésite Ne doutes pas, pour vous. Monsieur, la lettre que vous m’avés est interressante a lire et je ne suis pas a y repondre.2 Monsieur, de la sincerité de mes sentimens 28. janvier 1779 M. de Beaumarchais 1Voir 2Nous tomes II, III et IV. n’avons pu trouver cette lettre. 24 CARON DE BEAUMARCHAIS 745. Au duc de Richelieu1 [28 janvier 1779] Lettre à M. le duc de Richelieu, du 28 janvier 1779, pour qu’il s’intéresse à M. Pereyra, contre lequel il y avait eu une lettre de cachet pour avoir donné l’existence à une faible créature. A Monseigneur le maréchal duc de Richelieu, gouverneur de la Guyane. Monseigneur, J. de Jacob Pereira,2 de la religion juive, né à Bayonne, ayant toute sa famille à Bordeaux, amoureux en 1768 de la D lle P***3, nièce du sieur P***, banquier, en eut un enfant. Dans la première chaleur du ressentiment des familles, on menaça le jeune Pereira d’une lettre de cachet. Il sortit de France, et dès qu’il fut en Angleterre, il écrivit au sieur Jacob P***, père de la demoiselle, que, toujours épris de sa fille, il allait tâcher de la mériter par des travaux suivis; qu’il serait cinq ans sans prendre de femme. Il a tenu parole. Et, ce temps écoulé, il a récrit au père pour lui demander encore une fois sa fille, en lui envoyant l’état de sa fortune et lui faisant part de l’occasion prochaine qu’il trouvait de se marier avantageusement à Londres. Il a vainement attendu six mois une réponse qui n’est point venue. Il s’est enfin marié. Maintenant qu’il désire aller à Bordeaux embrasser sa mère et revoir sa famille, il vous supplie humblement, Monseigneur, de vouloir bien l’assurer qu’il n’existe point contre lui de lettre de cachet, laquelle n’aurait pu être obtenue que par vous, ou lui accorder votre puissante protection pour la faire lever, si elle existe, la faute excusable de l’amour, commise en sa jeunesse, n’ayant été que trop punie par onze ans d’exil et par la privation absolue de celle qu’il aimait.4 CORRESPONDANCE 1Louis-François-Armand 25 de Vignerod Du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788); voir tome III, lettre 522 n. 1 et tome IV, lettre 684 n. 1. 2Jacob Pereyra (Pereira ou Pereire) nacquit en 1743. Gracié de l’incident mentionné ici, il retourna à sa famille à Bordeaux où il fit part des événements de la Révolution en 1789. Il alla à Paris en 1790 et “se vante . . . de n’avoir jamais manqué une séance des Jacobins.” (Mathiez, p. 7) Il fut attaqué comme Proly et Dubuisson comme “agents de l’étranger” et en mars 1794 fut condamné et exécuté. 3Lintilhac supprime le nom. 4Lintilhac écrit: “Beaumarchais était le sauveur attitré de la famille. Voyez, en effet, dans la requête à la Commune (Gudin, V, 98), comment un autre malheureux israélite, Joseph Pereira, fut tiré des griffes de l’Inquisition et sauvé de l’autodafé par Beaumarchais ‘pleurant à genoux’ devant M. le comte de Vergennes. On sait d’ailleurs avec quelle ardeur il défendit, en tous temps et en tous lieux, la cause des protestants (voy. Gudin, IV, 477, et [Tourneux,] Histoire de Beaumarchais p. 233). Mais ici son zèle est moins méritoire; il se souvenait que sa famille paternelle était d’origine calviniste. Il est vrai qu’en cas pareil d’autres se hâtèrent d’oublier” (p. 438). On reviendra à ce que Beaumarchais a fait pour les Protestants dans les lettres 760, 761, et 767. Voici la citation de la Requête à Messieurs les Représentants de la Commune de Paris dont parle Lintilhac: “Parlez, vous, Joseph Péreyra, négociant de Bordeaux, qui m’écrivîtes, en frémissant, du fond des cachots de l’inquisition, près Cadix, où votre état connu de juif vous avait fait jeter, vous exposait à être brûlé vif! Vous vous souvîntes de mon nom, et trouvâtes moyen de me faire tenir une lettre. Mes cheveux, en la recevant, se hérissèrent sur ma tête. Je courus à Versailles, où, pleurant à genoux devant M. le comte de Vergennes, je le tourmentai tant, que j’obtins qu’on vous redemandât, comme appartenant à la France; et je vous arrachai au feu, en vous fesant passer tout l’argent pour votre voyage. Vous êtes un des hommes que j’ai trouvés les plus reconnaissants; toute votre nombreuse famille m’a écrit pour me rendre grâce. Cette aventure mérite bien que je la cite en mon honneur” (Gudin, V, pp. 98-99). 26 CARON DE BEAUMARCHAIS 746. De Francy1 Philadelphie le 5 fevrier 1779 Je vous envoye cy joint des duptTa de lettres que j’ay eu l’honneur de vous ecrire depuis que je suis a philadelphie comme j’aurais œques changemens a y faire je les mets yci par suplément afin que vous n’ayés que ce supplément à lire en cas que vous ayes reçu les prEs ou secondes. MR le Marquis de Lafayette qui est party le 8 du mois diEr vous porte une lettre fort detaillée a laquelle je me refere dans celle du 10 9bRe2 cy jointe. Je ne vous envoye pas une copie de cette pr.e lettre parce que je compte beaucoup sur l’arrivée de MR de Lafayette. Dans ma lettre du 10 9bRe je vous parle (page 2) d’une liaison d’interet entre Mr.s Moris,3 Deane, 4 Duer5 & Holker,6 je dois me rectifier la dessus, MR Holker7 n’y est pour rien et cette histoire des retours qu’il faisait, disait on, a Mr.s Chaumont & autres interessés est fausse; j’ay eu occasion de le voir souvent depuis son retour de Boston et je suis bien assurré qu’il est incapable de rien faire qui soit prejudiciable aux interets qui lui sont confiés. Ce bµent de transport americain dont je vous parle (page 4) n’étoit pas pret a partir avec la Bergere qui est partie seule le mois dernier, il a besoin d’un radoub mais je ferai en sorte qu’il soit pret pour s’en aller avec le fier Rodrigue que j’esperois voir arriver avant ce moment cy. Ce que je vous dis (page 6 et 7) relativement au Baron de Stuben8 etoit un faux rapport qui m’avoit été fait, il ne songe pas a s’en aller actuelement, il a eu quelques desagremens a son arrivée, mais il est tres aimé aujourdhuy; le GAl Washington9 a beaucoup de confiance en luy, il n’est pas intriguant ni tres ambitieux (et c’est la ce qui a nui a presque tous les etrangers qui ont passé yci) ainsy je ne doute pas qu’il ne fasse la compagne prochaine avec beaucoup plus d’agrement qu’il n’en a eu la derniere. Il est tres occupé depuis 3 mois a faire un code CORRESPONDANCE 27 militaire,10 s’il parvient a le faire adopter cela l’attachera vraisemblablement pour toujours a ce service cy. Je crois que le contract dont je vous parle (page 7) a été proposé de nouveau par MR Penet11 qui est yci depuis environ 2 mois. Il est interessé luy meme a la manufacture de Charlesville et il s’est joint a ce MR Savary.12 Il a ammené des ouvriers de Nantes avec les quels il se propose d’etablir yci une manufacture d’armes, je doutte tres fort qu’il y reussisse. Je vous dis (page 9) que l’emission du papier monnoye se monte a 90 millions de dollars, elle est a peu pres à 108 DS dans ce moment cy, le congres s’occupe des moyens de reduire cette circulation, mais jusques a present tous les moyens qu’il a employés n’ont pas été heureux, la depreciation augmente journelement, le change est aujourdhuy a 950 £. Pensi.e money pour 100 £ sterl. ou a peu près 12666£13~4% pour 2250‹ toutes les marchandises et surtout les provisions sont hors de prix & elles augmentent encore, de maniere que si l’on n’etablit pas un crédit en europe au moyen du quel le congrés puisse luy meme jouir du change qui a cours et [ ? ] tout le papier qu’il en retireroit, il nous sera impossible de faire aucun commerce avec l’Amerique pendant la guerre. Il n’y a pour ainsy dire qu’une seule denrée a charger en retour que le tabac, il est deja a un prix tel qu’il n’est plus possible d’en exporter sans perte et si les demandes etoient considerables, le prix augmenterait au lieu que celui de nos marchandises diminueroit en proportion, Je vous en ay dit ailleurs la raison. C’est que 4 a 5 bµens suffisent presque pour satisfaire a tous les besoins les plus pressans des americains pendT une année et s’il en arrive d’avantage le prix des marchandises exportées diminue immancablement. Je vous avoue que je ne conçois plus rien au discredit du papier, la trop grande circulation meme ne peut pas etre assignée comme une raison suffisante et tous les jours j’aplaudis a l’arrangement que j’ay fait par lequel le congres s’engage a vous payer en france. (Pages 10 et 11) 13 Je vous parle de Galvan14 comme cherchant a m’eviter, c’etoit aussi une fausse nouvelle car 2 jours apres le départ de ma lettre il arriva icy et il y est encore me promettant toutte espece de satisfaction, ce dont je me permets encore de doutter parceque dans tous les cas il a le plus grand tort de 28 CARON DE BEAUMARCHAIS n’avoir pas employé pour v/ct.e l’argent qu’il avoit reçu et aujourdhuy la meme somme en papier monnoye n’a pas le tiers de la valeur qu’elle avoit lorsqu’elle lui fut remise pour vous faire passer des retours cette somme evaluée en argent de france au pair est a 231562£ l0s—.. Si MR Galvan l’eut employé dans le tems en ris ou tabac, vous auriés encore gagné sur les achats, mais aujourdhuy il y a une perte assurée d’au moins 200 p% et cette somme est restée entre les mains du frere du sieur Galvan qui s’en est servi pour speculer (ce qu’il a fait tres heureusement a ce qu’on assurre. Je vous donne le detail (pages 12, 13, 14 et 15) de ce qu’il m’a dit et des mesures que j’ay prises pour lui faire rendre le compte le plus exact possible: Il a envoyé un exprés en Virginie pour chercher tous les papiers relatifs a cette affairre a fin de faire signer la facture par MR Deane, cet expres est party 1 depuis 2 mois 2 on n’en a pas encore des nouvelles et cela commence a m’inquieter. J’avois le projet d’aller cet hyver a Charlestown pour terminer moy meme cette affairre avec le conseil de cet etat, mais vos autres affairres me retiennent a philadelphie beaucoup plus longtems que je ne l’avois imaginé et d’ailleurs les anglais se sont portés du coté du sud, ce qui me force a remetre a un autre moment mon voyage dans cette partie du continent. (au milieu de la page 15) Je vous annonce que le Baron aura vraisemblablement une affairre avec le GAl Lee,15 mais leur differend s’est arrangé a l’amiable, le GAl Lee a ecrit une lettre d’excuze au Baron qui n’en a pas exigé d’avantage. Vous aures sans doutte appris avant la reception de cette lettre cy que le Conseil de Guerre a trouvé le GAl Lee coupable et qu’il a été suspendu pendant un an de tout commandement. Ce jugement a été confirmé par le congrés. (page 16) Je vous annonce le départ de votre neveu pour france. effectivement il devoit etre porteur de ces lettres cy mais apres de nouvelles reflexions, il s’est determiné a faire encore une campagne et il est rentré avec le Baron: quelque soit le party qu’il prenne apres cette campagne, son sejour yci pendant un an de plus ne sera pas un tems perdu sil en profitte pour se perfectioner dans la lanque qu’il commence a fort bien entendre et a parler courament. CORRESPONDANCE 29 Vous aves (page 17)16 le duptTa d’une lettre que je vous ecrivis le 19 XbRe par le dernier va.u qui partit de ce port ci pour france, depuis ce moment la la navigation a été entiereµt interrompue par les glaces, ce qui m’a empeché de vous ecrire depuis six semaines. (Page 19) Je vous parle du change a 775 £ argent de pensilvanie pour 100 £ st le change actuel vous donnera une idée de la rapidité avec laquelle ce papier se discredite on vient de me dire a l’instant qu’on a negotié hier a £1000 pour 100 £ st. Le premier plan dont je vous fais part (page 19) a été proposé et agrée par le congrés qui a donné des ordres le 15 JiEr dernier pour faire achetter 3000 boucauds de tabac qui seront livrés a ma requisition des que j’aurai des bµens pR les charger, on m’authorisera avant mon depart de philadi.e a tretter pour le compte du congrés les batimens que je pourrai rencontrer en Virginie où je retournerai des que j’apprendrai l’arrivée de quelques uns de vos vaisseaux. il est tres interessant pour vos affairres que je ne quitte Philadelphie que le plus tard possible car malgré leur bonne disposition Mr.s du Congrès ont grand besoin d’etre pressés pour agir. On n’a encore rien determiné sur le second plan qui est de faire un emprunt en europe, les differens membres du congrés ne sont pas d’accord sur les moyens et quoiqu’il ne soit pas possible de retablir autrement le credit du papier monnoye, selon leur louable coutume, ils ne prendront un party que lorsque le mal sera presque irreparable. plusieurs senateurs auroient envie d’aller solliciter eux memes cet emprunt pres d’une puissance etrangere, et cela suffit pour empecher qu’aucun party soit pris a tems. Les uns ont envie de s’adresser a la hollande d’autres a MR Gerard, et œques uns (mais des meilleures tetes) approuvent un plan que je leur ay proposé qui est de vous authoriser par une resolution du congrés a faire un emprunt en leur nom, s’engageant de payer un interet a 6% & le capital au bout de 6 ou 10 ans selon les conditions que vous feries, cet argent a quelque somme qu’il se montat resterait entre vos mains et seroit employé par vous a la fourniture des etats unis qui en outre tireroient sur vous toutes les fois qu’ils auroient besoin de negotier œques traittes sur france. par ce moyen vous n’auries 30 CARON DE BEAUMARCHAIS rien a demeler avec Mr.s de Passy dont la conduite a votre egard coµence a etre hautement blamée par ceux qui n’etant d’aucun party desirent le bien et sont convaincus que vous avez ete extremeµt maltraitté.... malheureusement le nombre de ces derniers est le plus petit, mais au moins ce sont ceux qui sont generalement recconus pour etre les plus honnettes et qui ont le plus d’influence dans les affaires publiques, ainsy j’espere qu’a la fin vos services seront recconus.... Je travaille dans ce moment cy a un memoire dans lequel je rapporterai tout ce que vous avez fait depuis 1775. Je donnerai l’extrait de toutte votre correspondance avec le committé des affaires etrangeres & avec moy, j’y insererai ce memoire ecrit par vous a MR de Sartines17 au mois de XbRe 1777 relativement a votre va.u le fier Rodrigue, ce qui sera d’un tres grand poids pour prouver la legitimite de vos demandes et le zele infatigable avec le quel vous avez servi l’Amerique. Il ne me sera pas difficille de prouver que c’est vous seul qui avez formé le grand projet de secourir les americains et d’etablir une alliance entr’eux & nous, MR Deane sentant qu’il ne pourrait pas se soutenir sans vous a cherché a etablir sa propre importance sur la votre. Il vous a enfin rendu justice en congrés mais trop tard pour ses interets. la lettre dont je vous ay envoyé un extrait par le fier Rodrigue et ce qu’il dit aujourdhuy sont si contradictoires que cela ne peut servir quà vos interets et je saurai bien en tirer party. d’un autre coté MR Gerard s’est expliqué dans les termes les plus flatteurs sur v/ct.e (je vous dirai dans un moment quelles ont été ses raisons) mais n’importe je tacherai de faire bon uzage de sa declaration, il s’agit maintenant de prouver que Mr.s les Agens ont tous les uns apres les autres voulu se faire un merite des services que vous seul avez rendu a la Republique. Je vous ai deja dit quà mon arrivée dans le continent votre vrai nom ny etoit connu que par les libelles du GAl Du C[oudray]18 & quelques lettres anonimes envoyées par le DeUr Lée,19 Il me fut impossible alors de refuter par des preuves touts les propos qui avoient été tenus, je me contentai d’exposer simplement la verité et d’expliquer autant que je le pus tout ce que cette affairre de commerce offroit d’obscur & de misterieux, mais aujourdhuy instruit comme je le suis, de tout ce qui a été dit & intenté contre vous, muni de CORRESPONDANCE 31 beaucoup de papiers qui prouveront sans replique tout ce que vous avez fait en europe pour accelerer la declaration de la france qui assurre l’independance de l’Amerique et appuyé de temoignanges qu’on ne peut revoquer je mettrai en oposition les services que vous avez rendu a la cause et la conduite des agens americains a votre egard.....& je ne doutte pas que cela ne fasse le meilleur effet pres de ceux qui ne sont pas prevenus. Il y a dans le congres 2 partis dont l’un soutient Mr.s Lee & Izard,20 l’autre soutient le DR Frank[lin]21.... et par contre coup MR Deane l’un et l’autre de ces deux partis est egalement interessé a vous enlever le merite de ce que vous avez fait, mais comme ils ne sont pas d’accord entr’eux sur le fond de la question, j’espere demontrer à l’aide de ce que chaque party dira pour suporter ses protegés que vous seul avés reellement et essentielement servi l’amerique lorsque ses deputés intriguaient et cabalaient les uns contre les autres ainsi que contre vous. Je vous ay deja dit que le DR Lée pretend que tous les envoys faits sont un present obtenu par luy des l’année 1775, MR Deane appuyé par le temoignage honorable que vous lui aves remis au moµt de son départ, laisse ses amis dire et insinue luy meme que sans lui l’Amerique eut manqué de tout, MR Franklin n’a jamais parlé de vous, ainsy a les laisser dire et faire vous joueries dans tout ceci un role fort ridicule, il devient de la plus grande importance que vous soyez bien connu; le congres ne peut plus se dispenser (apres ce qu'a écrit MR Deane contre les Lee) de les rappeler, une fois arriver yci, ils ne manqueront pas de vous attaquer personelement, leur party est tres puissant, ils se muniront a coup sur avant de sortir d’Europe des certifficats XcA XcA Je n’ai que trop prouvé avec quelle facilité ces gens cy se laissent prevenir contre vous, ainsy je vous prie de me fournir tous les moyens possibles pour repondre aux nouvelles noirceurs et aux calomnies que je m’attends a entendre debitter sur votre compte, je souhaiterois que vous puissiez me faire passer copie ou seulement un extrait de votre correspondance avec le Ministere de france sur les affairres de l’Amerique, elle prouveroit incontestablement toutte l’influence que vous aves eu et le zele que vous aves mis dans ce qui a été fait. Je serois bien aise que vous ecrivies une lettre detaillée a ce sujet au congres, j’ay la preuve que plusieurs membres de ce 32 CARON DE BEAUMARCHAIS corps font tout ce qui en leur pouvoir pour vous nuire, Rien ne peut les dissuader que tous vos envoys eussent été un present, si MR Deane n’avoit pas été en france, mais que cet agent de commerce ayant droit a une commission surtout ce qu’il acheterait en europe, vous avoit persuadé de vendre les objets que vous aviez ordre (a ce qu’ils disent) d’expedier sans reclamer aucun payement. ils n’ont d’autre titre pour fonder cette assertion que le certifficat du comte de Lauragais 22 que je vous envoye cy joint (sous la marque A) copié de l’original avec la lettre impertinente que le SR A. Lee a ecrit en conséquence de ce certifficat. il y a pres de 4/m. que je suis a philadelphie, j’ai eu des frequentes occasions d’eprouver ceux avec qui j’ai affairre, mais je les ai toujours trouvé tels que je vous les depeins dans ma lettre emportée par le fier rodrigue..... a la première occasion sure que j’aurai j’entrerai dans des details qui vous en convaincront: Je n’ai pu me procurer le chiffre du Baron de Stub.... il l’a perdu.....dans la réponse qui a été faitte a MR Deane le sieur Payne auteur du pamphlet common sense 23 dit positivT que tous vos envoys sont un present de la cour de france, qu’il en a la preuve dans des papiers et il signe cette assertion comme secretaire des affaires etrangeres, MR Gerard s’est plaint de cette assertion au congrés qui a desavoué le sieur Payne et recconu qu’ils avoient du les secours qui leur etoient arrivés, avant que le traitté ne fut signé, a des particuliers; pouves vous concevoir qu’apres une declaration aussi formele, on entretient encore les memes doutes, et hier on commençait a se plaindre de ne pas voir arriver les 1eRs vaisseaux qui doivent apporter la fourniture de la campagne ou nous allons entrer. de leur coté ils n’ont rempli aucun des articles qui les regarde dans le contract que j’ay fait avec eux et ils veulent paraitre ettonés de ce que vous ne tenés pas vos engagemens, une pareille conduite seroit si absurde et si ridicule que j’espere toujours que ce sont des propos vagues de quelques vieilles tetes a perruque. les membres du committé de commerce m’ont chargé de vous dire qu’ils sont tres disposé a vous rendre toutte la justice qui vous est due; mais que je les quitte deux ou 3 mois, j’ay a traitter avec de nouveaux membres qui sont imbus de prejuges defavorables et il faut recommencer ab ovo. le party de MM Lee est tres attentif a prevenir tous les CORRESPONDANCE 33 nouveaux venus, c’est pourquoy il me faut des preuves pour opposer a leur bavardage et je vous demande la grace de vous occuper serieusement a m’en faire passer. Votre affaire a le rapport le plus immediat a d’autres d’une bien plus grande importance..... Vous deves mentendre..... Ceux qui sont vos ennemis n’aiment pas les français et s’ils sont les plus forts..... Juges vous meme des conséquences..... Je suis bien inquiet pour les suites de tout ceci..... la confiance du peuple n’est pas merveilleusement bien établie, le discredit inconcevable du papier en est une preuve bien evidente..... Je n’ose pas vous dire tout ce que je crains... vous le devineres sans peine. MR Deane m’a prié de vous dire qu’il serait desesperé si cette lettre signée de luy dont je vous ay fait passer l’extrait alterait vos sentimens a son egard, il m’a dit qu’il n’avait pu se refuser pour des raisons de politique et pour conserver une bonne intelligence entre luy et ses collegues a la signer mais que son intention alors etait de regler effectivement vos comptes en france afin que vous ne soyés pas exposé a toutes les difficultés qu’on vous eleve aujourdhuy. nous sommes fort lies yci en apparence, il me fait part de tout ce qui lui arrive et de tout ce qu’il croit pouvoir servir vos interets. Il parait avoir renoncé aux employs publics, il m’a dit ce matin qu’il ne desirerait plus qu’un bon vaisseau pour repasser en france ou il a le projet de se fixer jusques a ce que la guerre soit finie et peut etre sy etablira til? Cette société de commerce dont je vous ai parlé plusieurs fois est formée. Je vous en enverai les details par la pr.e occasion ferme, J’ai pris un onzième dans cette société pour 2000 pounds monnoye de virginie, si elle est bien conduite je crois que j’aurai tres bien placé mon argent... mais en verité ma confiance dans ces gens cy est bien diminuée..... Je vous dis (page 5 de ce suplement ci) que MR G...a eu ses raisons pour parler de vous d’une maniere tres avantageuse les voici: je crois en piEr lieu qu’il a recu des ordres de MR de M.....de presser la liquidation de vos comptes et de vous faire tirer tout l’avantage possible des envoys que vous aves fait: il l’a laissé entendre a votre ami Carmik24...qui me l’a dit. En second lieu, il a senti combien il etoit important pour MR Deane que vous fussies representé comme ayant eu la plus grande confiance en luy et que 34 CARON DE BEAUMARCHAIS c’etoit a cette confiance que les Americains etaient redevables de tous les secours que vous leur avies fait passer et a ce sujet la il a dit les choses les plus honnettes. (Comme je vous le marque, page 20, de mes lettres cy jointes.) au sujet de l’assertion du sieur Payne que toutes les munitions etoient un present de la cour de france, MR Gerard a qui j’en portai le premier mes plaintes ecrivit au congres la declaration que je vous envoye (sous la marque B) ce qui acheva de convaincre ceux des membres du congrés qui etoient disposés a croire la verité et en consequence un resolvet unanime declara l’assertion du sieur Payne fausse et calomnieuse..... mais ceux dont cette assertion servait les vues secrettes ont cherché a lui donner une explication moins sujette a des consequences defavorables en apparence et ils insinuent la meme chose sous une autre forme, en disant que sans l’arrivée de MR D... en france, ces envoys eussent été un present et vous sentes qu’on cherche a en tirer la meme consequence c’est a dire que vous n’aves jamais eté qu’un agent secondaire.... peu importe a ces gens la s’ils exposent par de pareilles insinuations et par les lettres qu’ils ecrivent en Europe sous la meme forme, le Roi de france a des reproches qui seroient bien fondés si ce qu’ils insinuent etoit vrai, peut etre n’en sentent ils pas toutte l’importance, mais je suis assurré qu’il n’y a rien qu’ils ne fassent pour servir leur vues particulières: si ceux qui ont cru jouer le premier role comme republicains se voient trompés dans leurs esperances, je ne doutte pas qu’ils ne sacrifient l’interet public au leur. Il existe une lettre du committé de commerce ecritte il n’y a pas 6/m au DR F.... dans la quelle on lui reccomande de s’informer exactement des objets qui avoient été envoyés par vous et de distinguer soigneusement ceux dont la cour avoit fait present quoique expediés par vous en apparence, d’avec les draps & autres objets qui vous regardaient personelement; si une pareille lettre est interceptée (et on croit qu’elle l’est) cela ne suffira til pas a la cour de Londres pour prouver aux puissances du nord pres desquelles elle sollicitte de secours que le Roy de france a le premier enfreint la neutralité Xc. Xc. quoique MR mauleon25 porteur de cette lettre m’a promis de ne la remetre qu’a vous, je n’ose cependant pas vous dire a ce sujet tout ce que je crains, mais j’espere que vous le devineres sans peine..... Dieu veuille CORRESPONDANCE 35 seulement que nos flottes ne soient pas battues..... Je dois cependant vous repeter yci que les gens sensés et les meilleures tetes dans le congrés sont tres disposés a suporter l’alliance, mais rien que les plus brillans succes n’enleveront au peuple ce prejugé de naissance que nous ne sommes pas en etat de tenir tete aux anglais..... d’un autre coté ils se trouveront trompés dans leur esperance, ils s’etoient persuadés que la france apres avoir recconu l’independance ferait la guerre a elle seule et comme les anglais paraissent determinés a pousser rigoureusement la campagne prochaine puisqu’ils ont deja attaques & pris la Georgie et qu’ils marchent vers Charlestown, je crains bien que le decouragement n’augmente..... C’est ce que j’ay vivement representé a 2 ou 3 membres du congrés dont je connais les bonnes dispositions et ils pensent comme moi que rien ne peut apporter un remede efficace et prompt aux evenemens facheux dont nous sommes menacés qu’en etablissT un credit en Europe au moyen du quel le congrés retablirait en un instant celui du papier monnoye. Je crois que MR G.... ne voit pas le mal d’aussi près, la confiance particuliere que me temoignent quelques senateurs me met a meme d’etre quelque fois mieux instruit qu’il ne le peut luy meme, avant de quitter Philadi.e je crois devoir le prevenir de ce qui me paraitra interesser essentielement la france. il me parait depuis quelque tems un peu plus froid a mon egard qu’il ne l’etait au mois de 9bre et XbRe diEr et je crois en savoir la raison. Je vous dis (page 20) qu’il a fait une proposition au congrés relativT au payement par compensiOn de ce qui est du par la cour de france aux etats unis; lorsque nous nous sommes entretenus de la maniere dont cette compensation s’executerait, il m’a dit que je lui ferai plaisir de luy remetre une notte de tout ce qui vous avoit été fourni par le département de l’artillerie et des prix auxquels ces objets se montaient parce que pour le moment il ne vouloit se charger que de ce que vous devies vous meme a l’artillerie..... je lui representai qu’en mentionant cette compensation sous cette forme, cela donnerait immancablement lieu a de nouveaux propos de la part de ceux qui paraissaient si disposés a comprometre le ministere et que d’un autre coté etant chargé de la liquidation de vos affairres en Amerique, il ne me conviendrait pas de me meler de vos Affairres d’Europe, que je 36 CARON DE BEAUMARCHAIS savais que vous avies eu des Affairres d’interet avec le Departement de l’artillerie, mais que j’ignorois absolument ce que vous avies fait a ce sujet depuis mon depart de france, considerant en outre qu’il seroit imprudent que je confiasse sans votre Aveu, vos factures & les prix aux quels vous aves porté les objets y denomés; j’ay ecrit a MR Gerard le lendemain matin (vous aves (sous la marque C) copie de cette lettre: lorsque je le vis dans l’apres midy, il me parut tres changé a mon egard, il me parla du ton le plus froid & le plus ministeriel, je lui representai de nouveau ma situation et l’impossibilité ou j’etais de me pretter a ses arrangemens; il me dit alors que son but etoit d’empecher qu’il n’y eut un agiotage des lettres de change, qu’il etait assurré que vous devies encore les objets d’Artillerie, qu’il avoit a ce sujet un pouvoir a discretion et qu’il etoit necessairre que l’arrangement se fit sans que la cour put etre exposée a payer la somme qu’il prendrait a son compte: je luy ay repondu que je ne me pretterois a un pareil arrangement que lorsqu’il m’auroit ecrit qu’ayant des pouvoirs a discretion pour cet objet; il exigeait que cela se fit de telle maniere Xca..... Je serais tres faché que cela l’indisposat, mais je crois que vous ne me blameres point de la réponse que je lui ai faite et les precautions que je prends pour eviter tout reproche mérité de votre part; honoré par vous de la confiance la plus entiere, tout ce qui m’importe est de vous prouver que j’en suis digne et certainement aucune consideration ni aucun interet personel ne me fera dévier. J’ay cru et je suis encore persuadé que l’arrangement tel qu’il est proposé par MR G..... vous est desavantageux sous tous les points, ainsy je ne m’y pretterai que lorsque prudement il ne me sera pas possible de faire autrement. nous en sommes la; depuis un mois MR Gerard a continuelement été indisposé. ce qui l’a empeché de s’occuper de cette affairre, je desirerais bien sincerement qu’il y renonçat car si cette compensation se fait, le congres en me passant les traittes que tirera MR Gera.... croira vous avoir fait des retours considerables et consequement il ne sera pas pressé de vous en faire d’autres..... Je sens bien que ma resistance deplaira a MR G.....peut etre meme en ecrira t’il? mais je le repete je nai intention de plaire qu’a vous; pourvu que je vous serve bien et que vous soyez content, je me soucierai fort peu CORRESPONDANCE 37 si je plais a d’autres. a propos de cela je dois vous prevenir que vous alles recevoir vraisemblablemt des plaintes tres graves sur mon compte, voici ce qui les occasionne et sur quoy elles portent.... Mr.s les officiers français instruits que je faisois vos affaires dans ce pays cy et que je pouvais commander des fonds considerables se sont persuades que je serois leur thresorier et en consequence presque des mon arrivée sur le continent plusieurs s’adresserent à moy pour avoir de l’argent.....comme j’avois quelques fonds et que ces prEs demandes n’etoient pas considerables, je me laissai aller.....quelques tems aprés Mr.s DeLafayette & De La Rouerie26 s’adresserent aussi a moy. mes fonds n’eussent pas suffi, mais je me servis des votres (comme vous l’aves vu par mon ct.e cn.t personel que je vous ay fait passer par le fier Rodrigue) Je crus n’avoir aucun risque a courir et quoique vous ne m’y eussies pas authorizé j’en pris l’evenement sur moy; j’espere que vous aures eté exactement payé des effets que je vous ay remis pour le montant des sommes que je leur ai avancées a l’arrivée de votre gros vaisseau. Je partis pour la virginie ou je ne vis aucun officier pendT le sejour que j’y fis, mais a Philadi.e j’en ai trouvé 50 au moins qui presque tous courts en especes, et tres disposés a la depense se sont imaginés que je fournirois a tous leurs besoins reels ou imaginaires..... Je n’avois apporté de Virginie que ce dont je croyais avoir besoin pour le tems que je destinois a rester en Philadi.e mais j’aurois eu le produit et la cargaison du fier Rodrigue que je crois qu’il n’auroit pas suffi aux demandes qui m’ont été faites; vous sentes bien que je ne me suis pretté a aucunes et des ce moment la j’ay eu autant d’ennemis que de demandeurs c’est a dire presque autant que de françois a philadi.e J’ay cherché a les ramener en leur donnant de tems en tems a diner et en les traittant avec la plus grande honneteté partout ou je les ay rencontré, Ils ont appellé cela duplicité et prendre un ton qui ne me convenait pas. J’avois recu des politesses de tous les membres du congrés et de plusieurs cytoyens distingués de cette ville ci, J’ay voulu y repondre par un diner public auquel MR Gerard, le GAl Washington, le gouverneur de l’etat,27 tout le congres &ca sont venus, Mr.s les francais et ceux memes qui y etaient ont traitté cela d’une insolence soutenable dans un homme comme moy ce repas 38 CARON DE BEAUMARCHAIS m’a coutté fort cher, il est vrai, mais outre que je le devais a toutes les honnetetés que j’avois reçues de ceux que j’y avois invitées, vous ne sauriés croire le bon effet qu’il a produit, ce fut le surlendemain que vous fut ecritte la lettre que je vous envoye incluse et que fut prise la resolution de livrer a ma requisition 3000 boucauds de tabac, mais ces depenses extravagantes, (comme il plait a Mr.s les francais de les appeller) ne sont pas les seuls crimes dont on m’accuse, j’ay trouvé a acheter a tres bon compte une voiture et comme je suis dans la necessité de garder partout ou je vais au moins 3 chevaux, j’ay calculé qu’il ne m’en coutteroit pas un sol de plus si je m’en servois pendant le sejour que je peux faire dans les differens endroits ou je me trouve, en consequence je me suis defait d’une petitte voiture de voyage que j’avois et je’n ai achetté une dans la quelle je me donne les airs de rouler quand il fait de la neige ou qu’il pleut; ce train qui maffiche a ce que pretendent mes chers compatriotes n’augmente ma depense pour toute l’année que de la difference du prix de voiture et je prendrai avec grand plaisir cet exedent sur m/cte ainsi que toutes celles de mes autres depenses que vous imagineres avoir été superflues; je tiens le compte le plus exact de toutes et dans la reddition de mes comptes j’en passerai partout ce que vous voudrés; je vous assurerai seulement yci que je ne fais pas un sol de depenses qui ne me paraisse utile, je sens tous les jours le bon effet qu’ont produit celles que j’ay cru necessaires, un peu de luxe en impose infiniment ici dans un etranger surtout si j’avois joué comme ces messieurs dont j’ay refusé d’etre le thresorier qui tous les soirs font des parties a perdre deux mille piastres (quoiqu’ils n’ayent pas le sol) j’aurois été un homme de societé aimable &c. &c. mais j’ai fui leur compagnie, je me suis entierement livré a mes affairres, ainsi je suis indigne de votre confiance, je vous ruinerai par mes depenses extravagantes &c.&c. MR de la Rouerie surtout qui a toujours voulu prendre avec moy des airs de marquis et au quel j’ay refusé 4000 piastres pour jouer, (doutant tres fort que MR de la Belinaye paye toutes les traittes qu’il a tirées sur luy) ce monsieur là, dis je, a qui j’avois été toujours tres attaché, au quel meme j’avois rendu de petits services est un de ceux qui se permet le plus de propos sur m/ct.e il m’en eut coutté ou plutot a vous beaucoup trop cher pour CORRESPONDANCE 39 empecher ces propos, ainsy j’ay pris le party de les mepriser; les gens honnettes de qui seul l’estime me touche rendront quand vous l’exigeres un temoignage de ma conduite bien different de celuy des français, mais surtout ce qui parlera toujours en ma faveur sera le compte que je vous rendrai de vos affairres; mes livres seront toujours tellement en regle qu’en 2 heures de tems je serai a meme de vous satisfaire sur tous les details que vous pourres me demander. MR le Baron de Stub.... a qui ces propos sont revenus a voulu vous ecrire un mot a ce sujet que vous trouveres cy joint. MR Deane qui s’est particulierement informé des details de ma conduite pres de ceux de ses amis qui m’ont vu depuis mon arrivée dans le continent & qui a été temoin de tout ce que j’ay fait a Philadelphie ayant entendu parler de ces propos m’a dit qu’il vouloit vous ecrire a ce sujet: je ne m’adresserai a personne pour me justifier, parce que j’imagine qu’apres la confiance sans bornes que vous me temoignés, vous ne vous laisseres pas prevenir contre moy sans avoir des preuves. vous aves eté trop exposé a vous meme a tous les traits de la calomnie pour ajouter legerement foi a des propos[.] J’ay néamoins été bien aise de vous prevenir moy meme parce que des rapports defavorables quand ils sont faits de mille lieues font toujours une certaine impression, et vous etes si interessé a etre instruit de touttes mes demarches quelconques que n’eussé je pas eu a redouter tous les propos que l’on tient sur mon compte, je vous aurai toujours fait ces details ci...... et a ce sujet la permetes moi de vous renouveller la prière que je vous ay souvent faitte qui est de ne jamais me juger sans m’avoir entendu: le refus que j’ay fait de pretter de l’argent et la consideration personnelle que je me suis acquise, voila mes deux grands torts..... je me flatte qu’ils trouveront grace aupres de vous...... si j’ai qques succés, comme je l’espere, dans la mission dont vous m’aves chargé, ce sera un tort de plus, mais je m’armerai en patience pour supporter tous les reproches que j’aurai merité. dans tout cela il n’y a qu’une chose qui m’affecte un peu c’est de voir que votre neveu s’est laissé entrainer par le torrent et quoique j’aye fait tout ce qui a dependu de moy pour lui prouver mon amitié & l’interet que je prends a luy, on lui a persuadé qu’il etait honteux pR luy que l’agent de son oncle eut un train a etre remarqué, tandisque luy 40 CARON DE BEAUMARCHAIS ne pouvoit pas faire toutes les depenses d’agrement qui seroient excuzables dans le neveu du plus riche negT de France. D’abord Desepiniers28 a ri de ces propos avec moy, il etait le premier a me dire que rien ne luy paraissait plus essentiel pour le succés de vos affairres que les depenses que je faisois, mais m’etant permis de lui dire franchement mon avis sur quelques points ou nous n’avons pas été d’accord, sa confiance en moy m’a paru diminuer et je sais qu’il s’est plaint que je luy refusois le necessairre; voici le fait: a son arrivée a Philadelphie, il y a environ 3/m, je lui demandai ce quil pretendait faire desormais, puisqu’il etait disposé a quitter le service; (je vous ai dit ailleurs qu’il etait rempli de bonnes qualités, mais qu’il est tres inconstant et un peu jeune) il me repondit qu’il nen savoit rien, et qu’il etait tres disposé a suivre mes conseils: je lui dis alors que puisque le militaire ne lui convenait plus, il ne pouvait mieux faire que de retourner pres de vous, qu’il vous serait utile pr l’anglais et qu’en peu de tems avec de l’assiduité & du travail, il se mettrait a portée de vous servir reellement. Ce plan lui plut d’abord beaucoup et il demanda un congé pour aller vous consulter et rester pres de vous s’il lui etait possible d’etre utilement employé. J’aurois été charmé qu’il fut porteur de la lettre du congres et de tout ce que j’avois a vous dire de vos affairres, en consequence je l’engageai a attendre œques jours, pendant ce tems il forma un nouveau projet a chaque 24 heures, lui etant tres sincerement attaché, je lui ay souvent fait des reproches de cette legereté et de son peu d’application a l’etude soit de son metier, soit du pays et des habitans ou de la langue, je lui ay souvent dit qu’il avoit eu tort de quitter le Baron de St.... et enfin voyant qu’il ne pouvait pas se resoudre a prendre un party decidé, je lui ai donné a entendre que n’ayant pas d’ordre de vous pour lui avancer de l’argent, je ne pouvois pas prendre sur moy de le faire sans vous en prevenir avec d’autant plus de raison que vous n’imaginies pas qu’il eut de grandes depenses a faire, etant attaché a un general et ses appointemens pouvant suffire à son entretien; mon intention etait de le degouter de cette vie oisive a la quelle il se livrait et de le decider a faire quelque chose; neamoins je lui avançais tout l’argent dont il avait besoin, mais sans jamais lui rien offrir, a la fin il m’a prié de parler au Baron de St....et de le CORRESPONDANCE 41 faire rentrer pres de luy, j’y ai tres aizement reussi & depuis 3 jours il est derechef aide de camp de ce digne ami qui lui est tres sincerement attaché; cette reconciliation operée, je croyois avoir essentielement servi Des Epiniers et alors je lui annoncai qu’il pouvait derechef compter sur moy pour tous ses besoins, me chargeant de vous representer que la depreciation du papier etait telle que ses appointemeñs ne pouvaient lui suffire, mais j’ay eté bien ettonné d’apprendre que mes avis & ma maniere d’agir avec luy lui avoient infiniment deplu et qu’il vous avait ecrit, il y a œques jours en se plaignant tres amerement de sa situation, je le defie de dire que je lui aye jamais fait un refus mais je n’ai cessé de luy representer que vous regretteries plus 100 piastres mal employées que 1000 dont il pourroit demontrer l’utilite; j’ai cru vous devoir cette explication detaillée afin que vous sachies sur quoy sont fondées ses plaintes au cas qu’elles vous soient parvenues, du reste je ne lui suis pas moins attaché, je ne cesseray de dire qu’il a des qualités infiniment aimables, qu’il est tres brave, et que s’il le veut, il peut se distinguer & vous donner beaucoup de satisfaction s’il s’applique, une campagne de plus lui fera beaucoup de bien, car il ne possede pas encore parfaitement cette langue cy et il a beaucoup de connaissances locales a acquerir Notre cher Baron se promet de le tenir un peu plus de court cette campagne cy que la derniere et il ne faut que cela pour en faire un tres bon sujet. malgré ses plaintes soyes bien persuadé qu’il ne manquera de rien et dans toutes mes lettres je me permetrai de vous dire ce que je pense de luy. le Bo.n De St....m’ayant promis de me faire part exactement de tout ce qui pourra vous interesser a son sujet. J’espere que vous lui aurez envoyé la pacotille que je vous demande pour luy; je ne lui en veux pas de tout ce qu’il a pu dire parce que je suis assuré qu’il n’a eté que l’echo de MR de la Rouerie et autres &c. &c. MR Latil29 a qui vous aviez donné une lettre a Marseille dans le mois de juin diEr pr Lestargette30 a ete pris pres de Charlestown et conduit a New York d’ou il est venu a Philadelphie, je l’ai vu et j’espere pouvoir luy rendre les services que vous demandiez pR luy a lestargette; la circonstance ou il se trouve d’avoir été pris et depouillé de tout joint a l’interet qu’il inspire & a votre 42 CARON DE BEAUMARCHAIS reccomandation me fera certainement faire pour luy tout ce qui sera en mon pouvoir. MR Girous31 est en Virginie, il y est arrivé trop tard pour l’affairre de vos tabacs, mais je ne doutte pas que je n’obtiene justice du conseil meme, ou j’attendrai la pr.e assemblée qui se tiendra dans le commencement de may. S’il arrive œques unes de vos vaUx dans la Baye de Chesapeak, MR Girous m’enverra sur le champ un exprés et je me rendrai de suite au port ou ils seront arrivés. Assures je vous prie mes De.s vos soeurs de mon respect ainsy que Madame V32..... J’ecris a notre ami MR Gudin33 si MR Mauleon ne part pas ce matin j’ecrirai un mot a MR de Monthieu34....faittes s.v.p. mes complimens a M.M. Durand Comtini [Cantini] Leveigneur &c.&c. et croyes moy bien sincerement & bien respectueusement 8 fevrier 1779. Vos canons 35 ne sont pas encore vendus mais cela ne m’inquiete pas, on en a besoin et j’espere en tirer un bon party./. MR Mauleon vous donnera les nouvelles du jour, il n’y en a aucune de bien interessante. MR Tessier36 m’a annoncé le gain de votre procés,37 vous deves savoir tout l’interet que j’ai pris a cette agréable nouvelle, recevez en mon compliment. 1Dans la marge: “L’origAl remis a MR Mauleon party sur le brik le jeune achille cap Picon 2tta a MR Vitry Sr.e de MR Gerard.” 2Voir tome IV, lettre 711. 3Robert Morris; voir tomes III, lettres 422 n. 3, 581 n. 1 et tome IV. 4Voir tomes II, III et IV. 5Voir tome IV, lettre 694 n. 29. 6Voir tome IV, lettre 710 n. 2. 7Voir tomes II, III et IV. 8Steuben; voir pages suivantes et tomes III et IV; voir aussi lettre 802. 9Voir tomes II, III et IV. 10Voir lettre 802 n. 151 et 152. 11Voir tome II, lettre 348 n. 1. 12Voir tome IV, lettre 711, p. 263. 13Voir tome IV, lettres 711, 712 et 723. CORRESPONDANCE 14William 43 Galvan est allé acheter en France des provisions militaires pour la Caroline du sud. Pour ses affaires avec Beaumarchais voir le tome IV. 15Voir tome IV, lettre 715 n. 1. 16Voir tome IV, lettre 724. 17Voir tomes II, III et IV. 18Voir tome II, lettre 382 n. 3; tome III, lettre 421 n. 2 et 455 n. 1; tome IV, lettre 694 n. 2. 19Arthur Lee; voir tomes III et IV. 20Ralph Izard (1742-1804) fut élu commissaire à la cour de Toscane par le Congrès mais la Toscane ne voulant pas recevoir un représentant d’un gouvernement qu’elle ne reconnaissait pas. Izard se joignit à Arthur Lee à Paris pour ennuyer Deane et Franklin. William Lee et Izard furent rappelés en juin et Arthur Lee en septembre. 21Voir tomes III et IV. 22Voir tome IV. 23Voir tome IV, lettre 724 n. 4. 24Carmichael; voir tomes III et IV. 25Epelé Maullon dans le tome IV. 26En ce qui concerne l’argent prêté au marquis de Lafayette voir lettre 734; pour le marquis de La Rouerie voir tome III, lettre 436 n. 4. 27Joseph Reed, gouverneur de la Pennsylvanie du 22 décembre 1778 jusqu’au 15 novembre 1781. 28Voir tome III n. 1. 29Monbos et Latil étaient les agents de Beaumarchais à Baltimore. 30Un agent de Beaumarchais en Amérique; voir les tomes III et IV. 31Voir tome IV, lettre 690 n. 4. 32Villers ou Willers, la compagne de Beaumarchais; voir tome IV, lettre 636 n. 8. 33Voir tome III, lettre 548 n. 4. 34Montieu, un associé de Beaumarchais (voir tomes III et IV); pour Cantini et Durand voir tome IV, lettre 636 n. 9 et 10. A partir de 1783 Leveigneur remplacera Francy comme agent de Beaumarchais en Amérique, Francy étant retenu en France pour cause de maladie. 35Laissés en Virginie l’année précédente par le Fier Rodrigue; voir tome IV, lettre 711. 36Teissier de La Tour, armateur de Nantes. 37Le 21 juillet 1778 l’arrêt du Parlement de Provence a donné gain de cause à Beaumarchais dans son procès avec le comte de La Blache. Cet arrêt termine une affaire qui date de la fin de 1770; voir tomes I et II. 44 CARON DE BEAUMARCHAIS 747. De Silas Deane Philadelphia Feby 6th 1779 Dear Sir This will be delivered to you by Count Montford1 a gentleman who has served with reputation in the armies of America, untill his private affairs obliged him to return to France; I take the liberty of introducing him to your acquaintance as a person who is able to give you good information on many subjects which you wish to be acquainted with; He informs me that his views are to get into the service of France, and I know of no person that can so effectually serve him as yourself, nor of any one that is a better judge of merit, or more ready to do justice to the deserving. hoping this will find you & yours perfectly happy I have the honor to be with the most perfect attachment & respect dear sir Your most obed t and very humble servt S Deane Monsr Beaumarchais 1Le 21 mars 1777 le Congrès a envoyé un certain comte de Montfort au général Washington pour lui servir de lieutenant; voir Lasseray, p. 75. 748. De Francy Philadi.e 8 feve.r 1779. 45 CORRESPONDANCE Je vous envoye ci jointes plusieurs lettres qui m’ont eté remises pour vous faire passer; MR De Mauleon qui veut bien s’en charger vient d’etre echangé et il s’en retourne en france. S’il est pris il recouvrera sur le champ sa liberté ainsy je le prie de garder ces lettres pour vous les remetre lui meme des qu’il sera rendu a paris ou il va en droiture. Il vous porte outre ce paquet ci la copie de mes lettres depuis le 10 9bRe1 jusques au 19 XbRe et une tres longue lettre relativT a vos affairres du 5 de ce mois cy. Comme ce 2 d paquet contient beaucoup de details qui ne sont que pR vous je le prie de ne les remetre qu’a vous seul. je vous enverai copie de cette dre lettre par la pr.e occasion sure que j’aurai parce que MR Mauleon la brulera en cas de mal encontre. 1Voir tome IV, lettres 711, 712, 715 et 724. 749. Au comte de Vergennes Copie de ma lettre à Mr Le Comte de Vergennes en lui envoyant celle que j’écris aux Députés américains Paris ce 10 février 1779 Monsieur Le Comte J’ai l’honneur de vous envoyer ma lettre a Mrs Les Députés de l’amérique. 1 Lisés la je vous prie, avec cet esprit de reflexion qui rend vos decisions si sures. J’ai l’air en cette lettre, d’ecarter entierement tout ce qui touche à la politique; mais il ne vous sera pas difficile de voir que j’y reviens insensiblement, et que ma lettre, dont je vais envoyer une copie au congrès, est très propre à consommer le pénible ouvrage entrepris par Mr Deane, de faire chasser ce misérable Lee, le plus dangereux ennemi de la france. Je reçois à l’instant des nouvelles de Philadelphie qui me confirment dans le projet de porter mes plaintes même au 46 CARON DE BEAUMARCHAIS congrès assemblé. Une attaque ainsi combinée d’amérique et D’europe doit avoir enfin le succès desiré. L’on y regarde la guerre a peu près comme finie; mais ce n’en est que plus le tems de l’intrigue et des caballes. Mr de Francy me parait inquiet des suites de la querelle de ce Lée avec Mr Deane; nous ne devons donc, je crois, negliger aucun moyen de renforcer la cause de ce dernier qui est la nôtre; et c’est ce que je me suis proposé en ce moment où le congrès compte beaucoup sur la continuation de mes envois et de mes services. Si j’en crois la lettre de Francy, le congrès est bien convaincu aujourdhui qu’il n’a pas eu d’ami plus chaud en Europe que moi.2 Cette opinion doit lui faire prendre en grande considération le sentiment apuyé que j’ai du caractere et des menées de ce Lee. Voila mon thême. celui de votre bonté, Monsieur Le Comte, est de me relever, si je me trompe, et surtout de ne douter jamais de la vénération que j’ai pour votre sagesse. Je me suis fait une loi de ne plus douter des choses dont vous vous mêlez sérieusement. Je n’enverrai cette lettre que lorsque vous l’aurés aprouvée./. 1Voir lettre 752. tome IV, lettre 724, p. 297: “On commence enfin à croire que vous êtes le meilleur ami qu’ai [sic] jamais eu l’Amérique en France . . .” 2Voir 750. A M. de Sartine A MR de Sartines Au Ministre de la Marine ce 12 février 1779 Monsieur de Sartines est supplié de vouloir bien donner des ordres pour que l’on cherche parmi les prisonniers anglais un nommé Néhémiah Hollond qui a eté pris sur le St Peter ou St Pierre; et d’accorder sa liberté à Beaumarchais qui desire de tout son coeur acquitter l’engagement pris par Mr Mullins1 officier de la 47 CORRESPONDANCE brigade irlandaise, envers un capitaine corsaire anglais qui non seulement l’a remis en liberté sur un navire neutre, après l’avoir pris dans son passage du continent en Europe, mais lui a généreusement offert sa bourse en lui demandant pour toute reconnaissance de tacher d’obtenir l’élargissement de son ami Néhémiah Hollond prisonnier en france. Dans l’horrible métier de la guerre, il semble quon ne peut trop encourager tout ce qui tient à la générosité, et s’ecarte un peu de la férocité anglaise. Le trait du capitaine anglais et la récompense qu’y attachera le ministre francais, seront tous deux consignés dans le Courrier de l’Europe.2 1Voir 2Voir tome IV, lettre 711 n. 3 et ci-dessous lettre 776. lettre 776. 751. A Benjamin Franklin Paris ce 13 fevrier 1779 Je demande bien pardon a Monsieur Franklin si les procédés de Mr Lée m’obligent à me retrancher dans la rigueur de mon droit.1 Je n’en ai pas moins pour Monsieur Franklin tout le respect que son age, son état et ses grandes qualités inspirent; et je m’honorerai d’etre toute ma vie, de l’homme respectable, du ministre d’une république a laquelle je me suis voué, et du savant le plus estimable et le plus eclairé de l’Europe. Le très humble et très obéissant serviteur ://:Caron de Beaumarchais 48 CARON DE BEAUMARCHAIS Si Monsieur Franklin a des paquèts qu’il désire envoyer en Amérique; Le Fier Roderigue escortant dix navires, va partir sous huit jours pour la Virginie.2 MR Franklin. 1Voir 2Voir la lettre suivante. lettre 805. 752. Aux députés des Etats-Unis de l’Amérique Copie MM les deputés des 1779 Etats-Unis de l’Amérique Paris ce 13 février Messieurs M. Pelletier Dudoyer1 mon correspondant de Nantes m’a fait signifier une assignation à lui donnée en votre nom aux fins de délivrer à votre procureur la faible cargaison de ris et indigo venue pour moi de Charlestown, sur le navire La Théreze,2 que M. Pelletier a vendue par mon ordre et dont il m’a fait passer les fonds. 3 Surpris de cette attaque j’ai chargé mon procureur à Nantes de répondre à l’assignation simplement: que c’est à moi, non à M. Pelletier, qu’on doit s’adresser pour avoir justice de la cargaison de La Théreze; parce que c’est de mon ordre exprès et pour remplir mes besoins pressans que cette cargaison, qui m’appartient, a été retenue; que je fais mon affaire personnelle de l’assignation des nobles députés qui me regarde seul; de même que j’entends faire raison au Congrès national de l’Amérique d’une aussi faible remise envoyée à compte des sommes immenses qui me sont dues par la République, dont j’ai CORRESPONDANCE 49 la parole, la promesse et l’écrit de s’aquitter envers moi par toutes les voyes ouvertes et le plustot possible.4 Or comme il faut enfin que cet acquittement se fasse avec tous les dédomagemens que son retard entraine, malgré les efforts que des esprits inquiets [turbulans] ont fait constament pour l’éluder ou l’éloigner; et que je veux éviter, si je puis d’entamer dans un tribunal d’amirauté à deux cens lieues de Paris une question qui paraitrait peu décente en Europe, entre les nobles députés de l’Amérique et l’homme reconnu par le serviteur le plus zélé de la nation qu’ils représentent, j’ai l’honneur de vous adresser, Messieurs, le compte exact de vente de la cargaison de La Théreze, avec ma reconnaissance au bas, que les fonds m’en ayant été remis je les porte à compte sur mes fortes créances (sauf mon recours sur l’affreteur pour les frais de dèsarmemens Xa) ce qui suffit pour la décharge tant de M. Pelletier Dudoyer envers vous, que de nous, MM, envers vos commettans. J’ay l’honneur d’y joindre aussi les mêmes renseignements sur les cargaisons de retour de l’Amphitrite et du Mercure, celle de l’Amelie,5 n’étant pas encore vendue, et les autres vaissaux n’ayant rien rapporté du continent: au moyen de quoi vous vous serez rigoureusement en règle avec le Congrès sur ces objets. Permettez moi, MM, de vous remercier de votre médiation sur les règlemens de mes comptes et dédomagemens, je ne l’accepte point pour des raisons que je dirai plus bas. des amis zélés6 qui stipulent mes interets en Amérique, se font un devoir d’y soutenir l’honneur de mon caractere, de mes services rendus au Congrès général, & surtout d’y deffendre mes droits, sourdement [bassement] attaqués par certains correspondans [d’affreux intrigans] en Europe. Que si d’après ce que j’ai l’honneur de vous écrire et de vous envoyer MM. vous ne retires pas vos ordres donnés à Nantes de poursuivre mon correspondant, pour la remise d’une cargaison qui m’appartient et que je conviens avoir recu; J’en concluerais que votre objet est de me contraindre à repousser juridiquement moi même une attaque aussi déplacée. Eh! quel chagrin alors pour un ami zélé de l’Amérique si forcé de deffendre mes droits et de justifier ma conduite, qui sera la même en toute occasion, je 50 CARON DE BEAUMARCHAIS me voyais contraint de mettre au jour, dans un tribunal, pour ma défense légitime les faits suivans si bien connus de vous: Qu’en 1776 je fus vivement sollicité, par M. Silas Deane, comme un des plus ardens partisans, que les treize états eussent en Europe, que je fus pressé dis-je par ce député de la République en France de former une compagnie qui consentit à faire de grands envois d’artillerie, de marchandises, et munitions de guerre, aux Américains, absolument denués d’armes et de vêtemens, et sur la parole d’honneur et la promesse expresse de ce député, que des navires chargés de denrées d’Amérique, ne cesseraient pas de croiser mes envois, que toujours adréssés à moi, ces retours me mettraient par une circulation non interrompue, par un aquittement prompt et successif en état de faire de nouvelles avances à l’honorable Congrès, lequel y serait trés sensible. Je prouverais alors que sur ces promesses et sous la raison et signature de Roderigue Hortalez j’ai formé ma Compagnie, et fait des levées considerables en Europe de Marchandises, d’artillerie d’armes et de Munitions de toute espèce. Je prouverais par un traité bien existant, qu’au moment de faire partir ces envois, le même M. Deane embarassé m’avoua que personne ne voulait lui fournir des navires à fret sans de fortes avances, et sans un cautionnement en France pour toutes les sommes qui resteraient en arrière, que désirant suivre le noble et génèreux plan que j’avais enfanté; je fis sur le champ toutes les avances d’argent exigées par l’affreteur, que je me rendis caution envers lui de tout ce qui resterait à payer par les Etats Unis de l’Amérique et que je ne pris aucun repos que tous ces navires enchainés dans nos ports par des motifs supérieurs ne fussent partis pour l’Amérique. Je prouverais qu’un autre agent7 [obscur] à Londres, et ce même M. Silas Deane en France, m’ayant pressé l’un de faire passer des officiers au Continent l’autre de pretter l’argent nécessaire à leurs Traitemens et Passages sans hésiter j’avancai de mes deniers tous les fonds que cette opération exigea; que de cette Epoque, mon zèle ne connaissant plus de bornes, pas même celle de mes facultés, j’ai engagé toute ma fortune, celle de mes amis, mon crédit et le leur pour servir constament l’Amérique, et CORRESPONDANCE 51 que beaucoup de navires richement chargés en Marchandises, Artillerie, habillemens et Munitions de guerre ont été par moi seul expediés au Continent avec des peines incroyables, et les plus violents travaux de corps et d’esprit, pour applanir, ou vaincre les obstacles perpetuels que la politique Européénne opposait à mon activité. Il n’en couterait pas même à ma délicatesse de prouver que j’ai porté plusieurs fois l’attachement, jusqu’à fournir à ce même député M. Deane les fonds nécessaires à sa subsistance, et à ses acquittemens, parcequ’il sait bien que je l’honore et l’aime de tout mon coeur, ni de montrer que traitant enfin tous les Américains comme mes amis et mes freres, il en est peu que je n’aye obligé de mes deniers, ou à qui je n’aye offert ma bourse et mon crédit. Mais que bien loin qu’aucun navire Américain ait jamais croisé mes envois et m’ait apporté ces retours convenus et tant de fois promis du Continent, pendant qu’une nouvelle Députation8 a constament epuisé depuis trois ans toutes les façons d’éluder un payement sacré; tantot en alleguant la détresse de l’Etat, tantot les difficultés de passer la mer XA XA Il n’y pas eu un seul des hommes que je venais de servir, d’obliger ou d’employer (MM. Deane et Carmikael exceptés) qui ne se soit efforcé de me dérober l’honneur de mes travaux en Europe et qui n’ait tenté de s’approprier, s’il eut pû, tous les fruits de mes envoys en Amérique. Alors, MM. le ressentiment me devenant permis en une injure aussi grave je montrerais peut être que des obscurs spéculateurs [tous les obscurs intrigants] dont une affaire aussi dificile était necessairement entourée se sont réunis pour donner le change au Congrès Général sur la nature et les conditions de mes envoys en me faisant faussement passer à ses yeux pour un dispensateur de fonds publics en France envers lequel la République ne devait jamais s’acquitter, comme étant chargé de l’état de donner aux Américains, en pur don, ce que j’avais tant de peine à rassembler et à leur envoyer au titre sacré d’avances d’échange et de Commerce. Peut être même irais-je plus loin, car ne devant alors aucun ménagement à ces ennemis cachés [noirs intrigans], je pourrais 52 CARON DE BEAUMARCHAIS bien les nommer, et prouver qu’ils n’ont cessé par leurs lettres insidieuses, dont j’ai les extraits, d’empêcher le Congrès des Etats unis, de s’acquitter envers le serviteur et l’ami généreux qui s’était devoué pour leur pays, et qui a manqué dix fois de périr, faute de recevoir en retour, de quoi faire face à ses engagemens. Et si le sentiment trop vif de tant d’injustice m’arrachait à la discretion que je me suis toujours imposée, je surprendrais bien les honnêtes gens de mons Pays, en ajoutant que les Nobles députés [meme] reconnus de la République (M. Deane excepté) entrainés par ces illusions [intrigans], ont crû pouvoir se dispenser des moindres égards envers moi, jusqu’a ne me faire jamais parvenir aucune réponse du Congrès, a plus de vingt lettres importantes écrites par moi en Amérique, et passées sur les Navires mêmes qui portaient à la République des secours aussi précieux de ma part. Eh! quel serait, MM, l’étonnement de l’Europe entière si j’allais jusqu’à divulguer que les nobles députes ont porté l’injustice et l’outrage à mon égard, au point de vouloir retenir et me disputer les plus faibles et tardives cargaisons, arrivées d’Amérique en retour des miennes, sous ma propre marque et sur les mêmes navires que j’avais chargés pour eux à mes depens, dont j’avais pour eux payé plus de onze mille louis, qui ne me sont pas rentrés pour les deux tiers [trois quarts] du fret convenu; et cautionné les autres payements ultérieurs, ainsi que tous les accidens possibles. Que dirait-on enfin, MM, si j’ajoutais que sans la résolution vigoureuse que j’ai prise d’envoyer un agent en Amérique, porter mes plaintes amères au Congrès national; et sans l’arrivée au Continent de cet agent; sans celle de MM Deane & Carmikael, de MR Gerard, qui tous ont ouvert les yeux à l’honorable Congrès et m’ont instruit de la surprise ou l’on y était en reconnaissant l’injustice qui m’avait été faite, sur de faux avis d’Europe et sur d’insidieux rapports; et de la résolution prise à l’instant de réparer cette injure au plustot, que dirait-on, MM, quand on saurait que sans toutes ces precautions d’un honnête homme outré de colère, j’ignorerais encore quels ennemis du bien public [affreux intrigans] s’y sont fait un jeu de porter l’erreur, le trouble, CORRESPONDANCE 53 et la ruine sur une affaire devenue aussi funeste pour moi, qu’elle a été utile à la nouvelle République? Telles sont, MM, les Justifications que je serais forcé de donner publiquement, si vous persistiez dans l’injure que vous me faites, et si vous ne retiriez pas la scandaleuse assignation donnée à M. Pelletier Dudoyer par votre ordre. Alors distinguant toujours l’honorable Congrès qu’on a trompé, de ses représentans qui m’outragent, je le dis avec regret; mais vos Procèdés m’y contraignant, je ferais saisir arrêter, dans tous les Ports, chez tous les Banquiers ou dépositaires les Marchandises et les fonds que vous pourriez avoir en Europe, et c’est à mon tour devant les tribunaux de mon Pays, que je vous forcerais d’être justes envers moi; puisque tant de devoûment pour votre Patrie, n’a pû vous porter à la moindre gratitude. Et cette lettre, MM, que votre dur Procèdé m’arrache, si je l’adresse aux trois députés collectivement, c’est que je ne puis les diviser dans une affaire commune et pour un ordre signé de tous trois, car j’atteste icy que mes plaintes et mon ressentiment personel, ne portent que sur M. Arthur Lée, seul auteur des torts qu’on m’a faits et de tout le mal que j’ai souffert. Je déclare aussi qu’autant qu’il dépendra de moi, je n’aurai jamais de communication avec cet agent ambitieux, qui, pour nuire en Amérique à son collegue, M. Deane, y a semé le Doute et le Soupçon sur tout ce que cet homme honorable avait fait en Europe avec moi, pour la République; et c’est la raison qui m’oblige de refuser de vous, MM, toute médiation tout règlement de comptes et d’interèts, dans les quels ce S. Lée pourrait ou devrait entrer. J’ai pris la liberté de l’écrire expressement au Congrès général, en lui envoyant le Commerce chiffré de Londres entre cet agent [ambitieux] et moi. Il prouve évidemment et l’odieux de sa conduite à mon égard, et la fausseté de toutes ses insinuations ultérieures sur la nature et les conditions de mes envois en Amérique. Que si le Congrès trompé, séduit, emporté par des Motifs à moi inconnus, croit devoir continuer de confier ses interets à ce Politique: Je le connais trop bien moi, pour consentir jamais, si je puis l’empêcher, qu’il soit de quelque chose en mes affaires. 54 CARON DE BEAUMARCHAIS Mais ce point de discorde éloigné, gardons nous, MM, de donner aux Anglais le spectacle et le plaisir d’une contestation publique. Il n’est pas bon qu’elle existe entre vous, et le Négociant Français, qui, le premier à tant animé par ses travaux, son exemple, et ses conseils, les vaisseaux de nos ports, à oser prendre le chemin périlleux des votres. Refléchissez je vous prie que l’opinion d’un si mauvais succès détournerait plus nos Armateurs des Spéculations d’Amérique que la Politique, et tous les traités du monde, ne peuvent les y porter. Députes d’une Nation commerçante, et nouvelle, écartez de tous les esprits, l’idée d’une pareille injustice. Vous ne feriez croire à personne, que celui qui a tant echauffé les coeurs pour votre cause, ait le moindre tort avec vous, et le Gouvernement français témoin continuel, et souvent réprimateur avant le traité, de mes efforts, ne verrait qu’avec déplaisance un Procès tendant à relâcher une union fondée sur l’espoir d’un grand commerce entre les deux Peuples, union cimentée par un traité d’alliance honorable à l’Amérique et genereusement soutenue aujourdhuy par la plus grande effusion de l’or et du sang des Français. Tels sont, MM, les nobles [grands] motifs qui m’ont faits souffrir aussi longtems sans me plaindre et c’est dans cet esprit, que, demandant Justice à la députation de l’Amérique, sur une assignation imprudemment donnée à mon Correspondant de Nantes, J’ay toujours l’honneur d’être avec attachement et respect de M. Franklin et de M. Adams 9 Messieurs Le très humble et très obeissant Serviteur./. Signé Caron de Beaumarchais connu en Amérique sous la raison et signature de Roderigue Hortalez & CompE P.S. Laissant àpart, MM, la Justice que j’ai droit d’attendre du Congrès et que j’en espère enfin surtout ce que j’ai envoyé à la République; j’ay l’honneur de joindre aux pièces que je vous adresse, le compte du fret des premiers vaisseaux que j’ai expediés pour le Continent, dont vous avez le Marché signé de M. CORRESPONDANCE 55 Deane pour le Congrès et de moi comme caution du Congrès. Ce Marché a été par vous arrêté depuis avec l’affreteur à 381400. dont j’ai payé en 1776 la somme de 269400 d’avance à cet affreteur, en cautionnant tout le reste, laquelle somme de 269400 devait me rentrer au plustot. Comme il ne faut MM, aucun règlement sur les Marchandises envoyées en Amérique, pour acquitter une pareille avance; faite en France en écus de France et fondée en titre paré; je vous demande aujourdhuy, pour la vingtième fois de me payer ces 269400 avec les intérêts, frais Xa qui me sont dus depuis 8bRe 1776 dont j’ai le plus grand besoin: et voilà pourquoi j’ai appellé en vous écrivant, ces navires affretés par un autre, mes propres navires. Ils seront les Navires de qui vous voudrez, MM, quand cette somme de 269400 me sera payée par vous. depuis près de 3 ans je ne vous ai pas envoyé d’huissier pour vous faire cette demande, ainsi que beaucoup d’autres. est ce donc trop exiger, que de vous prier, MM, de faire cesser le scandale d’une assignation, donnée par vous à mon Correspondant, en reconnaissance de la douceur et l’honnêteté de mes procèdes à votre égard? Et de ma longue patience à languir dans l’attente de vos acquittements? ./. Le lecteur lira entre crochets les mots barrés d’un exemplaire de la lettre. Le copiste écrit: “I do certify that the foregoing letter & postscript were copied verbatim from the original, observing to draw lines across particular words & writing others above them exactly as marked and done in the original.” Ces changements n’existent pas dans tous les exemplaires. 1Voir tomes III et IV. tome IV. 3Ici commence une dispute qui ressemble à celle du vaisseau l’Amphitrite en décembre 1777 quand les Américains se sont emparés de sa cargaison; voir tome III, lettre 621. Les Américains ont voulu faire de même en septembre 1778 avec la cargaison de La Thérèse mais Dudoyer l’avait déjà vendue; les Américains ont pensé intenter un procès contre Dudoyer. 4Voir lettre 735; le Congrès et Francy ont signé un accord en mai 1778 pour rembourser Beaumarchais. 5Voir tome IV pour ces trois vaisseaux appartenant à Beaumarchais. 2Voir 56 CARON DE BEAUMARCHAIS 6Il s’agit probablement de Carmichael, Deane et Gérard. Lee. 8En décembre 1776 Franklin et Lee sont venus se joindre à Deane comme députés en France; voir tome III, lettres 416 et 417. 9John Adams; voir tome III, lettre 663 n. 1. 7Arthur 753. Au comte de Maurepas Paris ce 13 fevrier 1779. Copie de ma lettre a Mr Le Cte de Maurepas Monsieur le Comte, Après une aussi longue discussion que celle d’hier au soir; Il me semble qu’un bon résumé peut seul reposer votre esprit; bien asseoir et classer tous les objets que vous avez eu la complaisance de m’entendre soumettre à votre décision. Il est clair que, dans l’etat chancelant où sont tous les esprits en Amérique, l’affaire de la france y est totalement perdue si nous cessons tout à coup de commercer avec ce pays, quelque dificile que cela devienne aujourdhui. Questions à se faire Est-il utile à la france que ses negotians continuent de porter à l’Amérique tous les objets dont elle ne peut se passer? Tout homme éclairé doit répondre: cela est indispensable. Mais les Négotians français ne pouvant y faire qu’un commerce d’échange de denrées; l’administration de Versailles ne doit elle pas favoriser de tout son pouvoir l’ecoulement de la seule qu’on apporte d’Amérique? CORRESPONDANCE 57 Les gens sensés conviendront que c’est un des objets qui doit le plus occuper nos ministres Mais, n’y ayant qu’un seul acheteur et vendeur de tabac en France, qui est le fermier du Roy, et l’écoulement du tabac devenant aussi necessaire aux armateurs que le pain quotidien l’est au peuple; le gouvernement doit-il souffrir qu’il subsiste dans le royaume un monopole sur le tabac qui en arrête l’écoulement?1 Tout est perdu si le gouvernement ne rend pas la plus grande liberté au commerce de cette denrée; ou s’il ne traite pas le fermier comme il traite le boulanger. Tu vends à tel prix, tu achèteras à tel autre. Mais le fermier dit: Je dois jouir des conditions d’un bail que j’ai fait lorsque j’achettais le tabac 4≥ Si l’on veut aujourdhuy que je le paie 20≥ je ne puis le cèder a 3£ 2≥ comme au temps où je l’avais presque pour rien; surtout s’il faut que j’en rende 24 millions au Roy. A cela le ministère équitable ne peut refuser au fermier de compter de clerc à maître; car le fermier doit être dédommagé si, par un fait étranger à la gestion, il vient à perdre sur le contract. Mais c’est ce qui lui reste à prouver. De ma part je n’en crois rien & je suis bien fondé pour penser ainsi. Mais, dans le cas d’une perte prouvée, le Roy, dont tous les revenus sont engagés d’avance, doit-il se mettre à la gêne en baissant le prix de la ferme du tabac? Ce n’est pas mon avis. Mais qui empêcherait le ministère, à l’instant où il croit la denrée encherie au point de mettre le vendeur banal en perte, de permettre une augmentation sur le prix de la vente au consommateur? Quand les boeufs deviennent rares, la viande à Paris monte à 10 et 11≥ quand le bled ny arrive point, le prix du pain y croit en proportion. Dans ces cas, la nouvelle taxe est affaire de police, comme elle est icy affaire de grande administration; et si vous tolérés ces variantes sur les objets de premiere nécessité; où serait l’inconvenient de les permettre sur ceux de pure fantaisie? Une augmentation sur le tabac contrariera-t-elle plus les consommateurs que nous ne le sommes de voir porter la course du fiacre à 30~ dans Paris par un nouveau contract? et si le bien 58 CARON DE BEAUMARCHAIS d’une compagnie particuliere a pû vous y determiner; à fortiori, lorsqu’une grande raison d’etat vous oblige à soutenir un plan magnifique, et lorsque, pour y reussir, il ne s’agit que d’assouvir l’avidité du fermier; laquelle avidité lui fait mettre aujourdhuy le pied sur la gorge du negociant; lequel négociant, dégouté de tant de pertes et d’entraves, ne veut plus aller chercher du tabac en Amerique en y portant des marchandises de france; d’où il suit que vos manufactures, qui commençaient à doubler et tripler de travaux, vont tomber à l’instant: d’où il suit surtout, que votre nouvel allié trop sollicité par vos ennemis, et chancelant dans son amitié pour vous s’il ne voit plus de pavillion français d’arriver dans ses ports, ne manquera pas de prendre l’abandon de votre commerce pour pretexte de son accomodement avec l’ennemi commun. Alors tout est perdu. On ne commande pas le négociant comme le soldat; on ne peut que l’encourager. Accueillés donc les prières de vos armateurs, aujourdhuy que leur concours est nécessaire au succès de notre systeme politique; et croyez que le fisc regagnera bientôt, pour le haussement des douanes le leger sacrifice qu’il aura fait sur l’achat momentané d’une denrée indispensable. ou rendes lui la liberté d’en commercer librement moyennant une redevance qui équivale au prix de votre ferme; ou permettes une augmentation momentanée du prix de cette poussière ammoniacale et corrosive, un leger impot sur le nez de tous les francais qui permette au fermier d’en donner un prix sortable à l’armateur. C’est un très petit mal pour un très grand bien. Mais sur tous ces objets, Monsieur le comte, le premier point désirable est d’engager M. Neker à faire promptement un travail sérieux avec moi ou tel autre aussi instruit; le moment presse, la saison des armemens se passe, personne ne spécule sur l’amérique, et les anglais font les derniers efforts pour la détacher de nous. Gardons nous d’y fournir un prétexte. Tel est le résumé de tout ce que j’ai eu l’honneur de vous representer hier au soir, et tel sera dans tous les temps le zèle infatigable de celui qui vous a voué une reconnaissance éternelle. Je suis avec le plus profond respect monsieur le comte votre très humble et très obéissant serviteur./. 59 CORRESPONDANCE Signé Caron de Beaumarchais 1Voir lettre 736. 754. Au comte de Vergennes Paris ce 13 fever 1779 Monsieur Le comte Vous envoyer a lire la copie de ma lettre de ce jour a Mr Le Cte de Maurepas; 1 c’est vous instruire du fond de la conférence quil a bien voulu m’accorder hier au soir. Je reviens plusieurs fois a mes assertions, parce que tout en démontre l’importance. Appuyés je vous prie un travail aussi essentiel. Avant que j’envoie mes paquets a Rochefort pour le continent; en avés vous quelques uns pour Mr Gérard? Francy m’ecrit que ce ministre a entouré un plan de compensation de notre artillerie avec des redevances pour les objets fournis a Mr Le Cte d’Estaing.2 Cela est charmant et toujours autant de pris sur une mauvaise paye. Il est necessaire que vous vouliés bien conférer avec moi sur cet objet avant que je ferme mes paquèts; parce qu’en nétoyant le fonds nous ne devons pas altérer la forme adoptée et plus les esprits s’echaufent en amerique; moins nous devons fournir aux malignes interprétations. J’aurai l’honneur de vous montrer ma lettre a Mr Gérard et celle a mon agent quand vous me permettrés de vous aller renouveller l’assurance de mon tres respectueux dévoûment. Le Cte de Vergennes. 60 1Voir 2Voir CARON DE BEAUMARCHAIS tomes II, III et IV. tome IV et ci-dessous lettre 827. 755. A Mme de Godeville Samedi matin 13. fe.r 1779 Je n’ai pu Madame, lire votre lettre a MR l’abé Pommier. Elle remplira mon premier moment de loisir. Je ne vous ai jamais dit, Madame que j’eusse preté de l’argent a quelquun a condition quil vous fit une pension. Dans le desir d’ouvrir le coeur de Mr votre oncle de La Touche le plus honeste des hommes, sur votre sort, et de le persuader, j’ai eté au devant de ce qui pouvait lui etre agréable. Et si ce moyen m’a fait écouter lorsque j’ai parlé de vous, cette espece de reconnaissance de Mr votre oncle ne l’en a que plus honnoré a mes yeux. Sa lettre du XbRe ne me dit pas autre chose que: si je veux bien vous avancer la pension alimentaire qui n’est pas encore assise, il m’en repond lui mesme en attendant quil voye vos autres parens. J’y ai consenti avec plaisir. Je le ferai. Mais ne comptés jamais sur cette ressource pour rien payer de ce que vous devés. Fidele a mon principe, j’entens que cette pension soit le pain quotidien: oubliés la pour tout le reste; car si vous me tourmentiés sans cesse la dessus, je rendrais a Mrs vos parens l’intendance de vos affaires, et vous auriés cette ressource de moins. Pestés maintenant et dites mal de moi. Mais regardés mon petit objet comme nul pour toute autre objet que du pain. Toutes vos jupes seraient vendues et vous seriés nue comme ma main, que je ne vous en trouverais que mieux. Sans robe, Mde vous resterés au lit; il ny a pas de mal a cela, vous avés besoin d’engraisser un peu parce que vous etes grande et fluétte. Moi je ne suis que votre boulanger; un autre peut etre votre tailleur d’habits; tel autre votre payeur d’huissiers. Chacun CORRESPONDANCE 61 autour de vous doit avoir son emploi. Heureux celui a qui vous destinerés la jolie fonction de vous faire faire la chose! car je ne connais pas de femme qui fasse une aussi jolie mine par en haut, pendant que son ame sechape par en bas. J’ai lhonneur d’etre avec beaucoup plus d’attachement que vous ne croyés Madame votre petit pourvoyeur amen 756. A Mme de Godeville 2E du samedi 13. fe.r 1779. A la bonne heure a cause du gain du procès,1 a cause du bal, a cause d’un tems de désordre ou l’on veut tout jeter par les fenetres. Mais quand, après avoir dansé, vous viendrés me demander pour vivre le carême, je vous répondray: Chantés maintenant. 2 Voila cent cinquante livres faites moi passer votre quittance. 1Voir lettre 746 n. 37. à la conclusion de “La Cigale et la fourmi” de La Fontaine: “Eh bien! dansez maintenant.” 2Allusion 757. De Soluvent prêtre [13 février 1779] Monsieur Le zele que j’ai et que j’aurai toute ma vie pour la nation française causé pour plusieurs raisons moblige a en prendre le 62 CARON DE BEAUMARCHAIS parti dans les pays les plus etrangers et éloignés où je me puisse trouver, et etant toujours faché du mal qu’il peut lui arriver, au contraire ne passant pas un jour sans que je ne prie le seigneur qu’il repande sa Ht.e bénédiction sur les armes de la France. c’est pourquoi je voudrais etre digne de faire eviter tous les dangers quelle peut etre menacée, surtout par le misérable quelle a nourrit dans son sein pendant lespace de 5 ans. tel est celui de qui je vais vous avertir par ce qui suit. Un nommé Cornelly de la taille d’environ 5 p ds 4 pouces le visage brun, boiteux, Italien, charlatan, (operateur) agé d’environ 35 ans etant parti de Nante le mois de 7bRe passé pour aller a la guadeloupe en Amerique a été prit par un armateur anglois, et conduit a Bristol en Angleterre. Peu de jours aprés il fut mit en liberté par supplication et promesse quil fit a des messrs de l’amirauté sur plusieurs choses qu’il pouroit faire & qu’il se rendroit necessaire a la nation angloise si on vouloit se fier a sa confiance, comme son metier le fait admettre dans toutes les villes sans exception, quil pouroit avoir de plus belles occasions qu’aucun autre pour prendre connoissance de ce qui se peut passer en france surtout des villes maritimes: de même que des prisonniers anglois ayant promit a deux messrs dici quils leur renvoiroient leurs frères qui sont prisonniers vers Dinan. et pour avoir rester ici aux environs de 4 mois, sans rien faire & pendant ce tems ayant été examiné sur son savoir faire, on lui donna 40 guinets avec la promesse que si il tient sa parole & qu’il fasse comme il dit etre capable que le gouvernement lui fera 5 chelins par jour qu’ils lui seront payé à Paris. apres que j’ai eu par hazard plusieurs conversations avec cet homme, je me suis apperçus qu’il etoit capable de faire plus de mal que de bien suivan son plan, et etant fort instruis des forces &C de france, c’est pourquoi que j’ai l’hR de vous adresser la presente pour que vous la communiquiez a MR de Sartine, ou a Mr le LT de Police afin que l’on se mefie de cet home. de plus sa façon d’agir paroit si niaize, si simple que personne ne peut le douter d’aucun crime. Il doit passer sous peu de jours de Douvre a Calais si il n’est pas encore passé, avec sa femme & un domestique noir. Jai l’hR detre avec respect 63 CORRESPONDANCE Monsr Votre tres humble obeisst Serviteur Bristol ce 13E de Fevrier 1779 Soluvent prêtre 758. Au comte de Vergennes Paris ce 16 feve.r 1779 Monsieur le comte J’ai l’honneur de vous envoyer mes derniers Buletins anglais que j’avais oublié de vous remettre hier. Mr Moreau1 voudra bien me les renvoyer quand vous en aurés pris lecture. S’il vous est possible de ne pas retarder vos paquèts pour l’amérique plus loin que samedi, ils partiront Dimanche sans faute. tous les vaisseaux sont rassemblés a lIle d’aix. Vous connaissés Monsieur le comte le tres respectueux attachement que je vous ai voué il est inaltérable. Mr Le Cte de Vergennes 1Charles-Hubert Moreau, secrétaire de Vergennes. 64 CARON DE BEAUMARCHAIS 758 bis. A Necker Paris 17. fR 1779. Copie de la lettre a M Neker en lui envoyant celle de mon observation adressée aux ministres du Roi1 Je certifie idem que pR la lettre a MR de Sartines ce [blanc] Juin 1788. ://: Caron de Beaumarchais Monsieur Jay lhR de vous envoyer le court travail que je viens de faire parvenir a M de Sartines et dont jay fait remettre copie a MM. les CtEs de Maurepas et de Vergennes. Je ne vous prie pas de l’appuyer, il me suffit que vous l approuvez[.] Votre desinteressement ayant plus de force pR le faire adopter que votre concours meme, et vous devinés bien pourquoy. Mais jay demandé, avec cette grace pour les protestans le transit ou le transeat pour tous les negotians; et voila MR ce quil serait fort genereux à vous dordonner. Il est certain qu’avec ces deux armes, dans le voyage que je vais faire, je puis espérer de vaincre tous les découragemens de nos ports. Les objections de la ferme à cet egard sont plus malhonnestes encore que maladroites; et cest ce que j’ai taché d’etablir dans ma lettre a M. Paulze que je vous ai laissé. Vous avez du voir aujourdhuy quelques uns de leurs defenseurs interessés; mais jay assez compté sur votre fermeté patriotique pour esperer que vous repousseriez par un ordre exprès d accorder le transit, tous les efforts quon fait pour aneantir le commerce d’Amérique. Mais ce tems des armemens s’écoule; la saison se passe; et si quelque chose peut rendre utile et complete la grace que vous accorderez au commerce au nom du roy; cest la promptitude avec laquelle vous voudrez bien decider cette importante question. En mon particulier jen serai si touché que je joindrai la plus vive reconnaissance a tout le respect avec lequel jay lhR ConlLé a Paris le 1e.r juillet 1788 65 CORRESPONDANCE Recu quinze sols [signature illisible] Certifié véritable iVoir lettres 736, 760. 761, et 767. Nous avons trouvé dans un catalogue de vente ces indications: lettre de Necker, mercredi (février 1779) “Relative à des pourparlers concernant le transit du tabac.” Il n’est pas possible de déterminer si cette lettre est une réponse à la lettre que nous donnons ici. 759 A Duval de La Potinière1 Paris ce 18 fevriEr 1779 Copie de ma lettre à Mr Duval J’apprends sans chagrin, Monsieur, que vous vous livriez entierement au service du Roi: celui qui marche à la gloire avec une vocation aussi décidée est à peu près sur de faire une belle moisson de laurier; ce qui est bien plus honorable que tous ces vilains comptes d’intérêts; tous ces gains maussades qui ne paraissent jamais assez considérables pour le tems précieux qu’on leur sacrifie. Je vous souhaite bien du succès. Lorsque je vous ai avancé la moitié passée d’un benefice qui ne vous appartiendra que lorsque les retours entiers de la cargaison du fier Roderigue seront en france; je comptais vous attacher à moi; mais n’étant pas assez presomptueux pour rivaliser avec la gloire; je vais, pendant que vous allez en acquérir, m’occuper laborieusement à regler vos comptes. Les deux boucauts de tabac que vous avez apportés sur mon vaisseau entreront dans une équitable compensation. Mr de Montieu2 qui vous remet cette lettre est prié par moi de revoir votre compte réglé par Mr Chevallié lors de mon séjour à Rochefort. il vous revient après les 66 CARON DE BEAUMARCHAIS retours entiers de la cargaison 6676£-19~-3D de gratification. Quant à present il ne vous est dû qu’au prorata de ce qui de ce qui (sic) est arrivé. ce compte a été aussi mis en ordre par Mr Chevallié. Si je vous ai donné plus d’argent d’avances non dues. c’était pour vous attacher pour un second voyage à mon service. je desire que tout soit remis dans l’état rigoureux puisque vous me quittez. Vos deux boucauts payeront le fret et sur ce qui vous revient du reste de ce tabac, on fera une balance avec ceque vous avez reçu en avance de moi sur votre gratification non due, et Mr de Montieu vous payera cequ’il croira ainsi que vous, être dû pour votre retour de Nantes à bord d’un navire dont vous étiez second et que vous quittez. J’invite Mr de Montieu à ne point mettre de rigueur dans ces comptes, mais de la justice; c’est ce que je vous dois Monsieur, à vous qui me devenez étranger. mais je serai toujours malgré cette instabilité de votre caractere; Monsieur, votre XA 1Duval de La Potinière, second capitaine du Fier Rodrigue; voir tome IV, lettre 695. 2Voir tomes III et IV. 760. A M. de Sartine Paris, ce 19 février 1779. A M. de Sartines, en lui envoyant l’Observation d’un Citoyen1 adressée aux ministres du Roi. Monsieur, En vous faisant mes remerciments du brevet de capitaine que vous m’avez envoyé pour M. de Francy, j’ai l’honneur de vous adresser ma petite motion en faveur des négociants protestants. Vous trouverez les esprits bien disposés. M. le comte de Vergennes, à qui j’en envoie une copie, m’a promis de vous 67 CORRESPONDANCE soutenir fortement lorsqu’il en sera question là-haut. Aucun acte de bonté ne peut vous gagner plus de gens honnêtes, et les protestants le sont beaucoup. Il est grand de les protéger. Puisse mon zèle ardent vous plaire, Et mon travail encourager Le bien que vous voulez leur faire! Mais le temps presse, parce qu’il s’agit de les engager d’armer; et c’est ce que je me propose de faire dans mon trèsprochain voyage à Bordeaux. Vous connaissez, monsieur, mon tendre et très-respectueux dévouement. Signé Caron de Beaumarchais. 1Voir lettre 767. 761. Au comte de Maurepas A M. le comte de Maurepas; en lui envoyant l’Observation d’un Citoyen1 adressée aux ministres du Roi. Paris, le 19 fevrier 1779. Monsieur le comte, Dans le besoin extrême où le commerce est d’encouragements, je creuse mon cerveau, et je me rappelle que, dans mon dernier voyage à Bordeaux, les négociants protestants m’ont parlé avec une grande amertume de leur odieuse exclusion de la chambre de commerce. Je ne pouvais revenir de mon étonnement sur ce reste 68 CARON DE BEAUMARCHAIS d’intolérante barbarie: je vis qu’au prix d’une grâce légère on pourrait bien les engager à mettre des navires à la mer. J’en ai parlé à M. de Sartines, à M. de Vergennes; ils sont absolument de mon avis: car les catholiques, voyant les protestants s’évertuer, ne voudront pas rester en arrière, et tout peut marcher à la fois.2 Qui connait mieux que vous l’art de conduire les hommes? Vous savez bien que c’est avec de tels moyens qu’on les mène au feu, à la mort. Je n’ai pas besoin de vous dire que M. Necker approuve ma petite motion. Elle l’a même un peu ramené à moi, après une conversation assez austère sur la conduite des fermiers généraux, auxquels il m’a promis de parler. Qu’il fasse accorder le transit ou transeat à travers le royaume, que M. de Sartines écrive la courte lettre insérée dans mon Observation ci-jointe, et que vous me mettiez ces deux armes à la main dans mon très-prochain voyage à Bordeaux, je vous promets d’en user assez bien pour inspirer un nouveau zèle à tous ces commerçants découragés. En allant demain chercher à Versailles les paquets de MM. de Vergennes et de Sartines pour l’Amérique, j’aurai l’honneur de vous communiquer une idée aussi simple que lumineuse pour effectuer sans éclat le grand objet dont M. le comte de Vergennes et moi vous avons entretenu lundi. Le zèle de la maison du Seigneur m’enflamme, et vos bontés pour moi renouvellent mes forces, que le travail épuise. Je suis, avec le plus profond respect, etc. Signé Caron de Beaumarchais. 1Voir la lettre 767. du Siècle des Lumières, Beaumarchais croyait que la concurrence entre religions ne pouvait que favoriser le progrès dans tout pays. 2Fils 69 CORRESPONDANCE 762. De Chevallié M. Caron de Beaumarchais 1779. à Paris ./. Rochefort le 20. février Monsieur l’arrivée de M. Montieu à produit à mon egard tout l’effet que vous deviez en attendre la remise qu’il ma fait d’une copie de vos pouvoirs m’ayant fait connoitre votre disposition à traiter de notre différente à l’amiable. Il vous mandera que c’etoit tellement mon intention, que j’avois dépuis 15. jours choisi et nommé M. Suidre Négociant de la Rochelle1 pour etre mon arbitre. si vous aviés eté dans le dessein d’être jugé dans cette ville mais sur ce que lui même à paru y répugner. Je lay laissé le maître de choisir la ville et c’est Bordeaux qu’il a désigné: ainsi nous voila d’accord sur ce point; celuy de l’arrêté de mes comptes au premier voÿage devant fixer plus particuliérement mon attention: d’autant qu’ils sont tout prêts et faits comme vous l’avés déja veriffié vous même, sur les piéces autentiques; j’ay dit à M. de Montieu de vous demander des pouvoirs suffisants pour faire à vôtre place ce que vous feriés si vous eties ici. Ces comptes ne dépendent nullement de ceux de la cargaison, ny de sa vente en Virginie qui forment aujourd’huy l’objet de nôtre différent et qui est soumis à l’arbitrage donc en question, Je m’attend que vous n’eviterez pas à envoyer vos pouvoirs au moÿen desquels tout se terminera bien et à la satisfaction de tout le monde dans ces premiers moments. c’est même avec plaisir que je me vois vis à vis de M. de Montieu, car il est à croire qu’un autre que luy n’auroit pas amené les choses dans si peu de tems au point où elles sont aujourd’huy. occupés vous des moÿens à faire décider promptement les arbitres à Bordeaux & pour cela travaillé au mémoire que vous deviez leur donner et pour que j’en fasse autant de mon côté envoÿes moi tout ce que j’ai demandé à M. de Montieu dans la note qu’il vous fait passer par ce courrier. J’ay l’honneur d’etre 70 CARON DE BEAUMARCHAIS Monsieur trés Votre trés humble & obeissant serviteur Chevallié 1Il était aussi armateur. 763. A Mme de Godeville dimanche matin 21. fevrier 1779. Le detail des besoins, facons et gentillesses de Lisette me fait grand plaisir. Je sens que je l’aimerai beaucoup. Elle aura sur tout une pantoufle pour jouer, un sabot fouré pour coucher, un grillage pour se chauffer. Je ne la donnerai a personne et quand elle sera grande et bien tendre je demanderai à sa nourice de la marier avec un de ses freres; quoi qu’en dise le frère Gudin1 sur le croisement des races. Je salue la bonne de Lisette dont je crois que je verrai le cher oncle2 demain. Nous reglerons s’il se peut la pension. Envoyés moi Lisette tout de suite. 1Gudin de la Brenellerie connaissait bien Mme de Godeville ayant passé quelque temps avec elle en 1778 dans son appartement au Temple; elle s’y trouvait pour dettes et lui pour des vers critiquant le parlement Maupeou (voir Tourneux, pp. 226-33). 2Voir lettre 755. 71 CORRESPONDANCE 764. A M. Le Noir1 Copie M Le Noir 1779 Paris ce 24 fer J’ai l’honneur, Monsieur, de vous faire passer un avis important que j’ai reçu d’angleterre.2 Je l’ai communiqué aux Ministres du Roi, qui, en donnant des ordres à Calais, ont senti comme moi qu’il etait important de veiller à l’arrivée de l’homme à Paris; s’il était entré dans le Royaume avant que l’ordre de Monsieur de Sartines arrivât à la côte. Je joins ici le double de ce que j’ai remis à Mr de Sartines, et je saisis cette occasion de vous renouveller les assurances du très respectueux attachement avec lequel XA Avis recu d’angleterre. le 22 feve.r 1779 Un nommé Cornelly de la taille d’environ 5 pieds 4 pouces; le visage brun, boiteux, italien, charlatan opérateur. agé d’environ trente cinq ans, parti de Nantes au mois de 7bre 1778 pour passer a la guadeloupe et pris par les anglais, conduit a Bristol, repasse en france en ce moment par Calais avec sa femme et un négre. Il est chargé par le gouvernement anglais d’espionner, de faire sauver des prisonniers qui sont a Dinan et ailleurs. Il est chargé mesme de faire pis. Il a recu 40 guinées, avec promesse de 5 Shelings par jour payables a Paris, il doit courir les ports, venir a Paris. Homme, dit on, capable de tout, il faut s’en assurer. Il a, dit on encore, l’air si niais qu’on ne le croirait capable d’aucun crime, et peut les commettre tous. Cet avis est de mesme source que l’avis du 1er. Janvier sur les précautions de surveillance a prendre dans les ports du Roi; il se pourait que cet homme fut un des brandons d’incendie dont nous sommes menacés. 1Voir 2Voir tome III, lettre 441 n. 1. lettre 757. 72 CARON DE BEAUMARCHAIS 765. D’Oatridge et Marindin Birmingham le 24me Fev. 1779 Monsieur Caron de Beaumarchais a Paris Monsieur La raison sociale de Harvey Marindin & Freeth n’éxistant plus depuis Noël passé, le sR Harvey s’etant retiré du commerce, l’écrivain Marindin (qui a l’honneur de vous assurer de son entier devouement) s’est associé avec le sR Oatridge de Londres beaufrére du susdT sR Harvey & continuent les affaires sous la raison de Oatridge & Marindin dont aurés la bonté de prendre notte. Repondant à l’honneur de vôtre lettre qui vient de nous parvenir nous aurons celui de vous dire que Madm.e Baskerville Vv.e du feu Jean Baskerville Imprimeur1 est en possession des poinçons matrices &A de l’imprimerie de feu son mary dont elle demande la somme de Quatre Mille Guinés comptant, l’écrivain qui connoit bien ladt.e dame a vu le tout en très bon état & compose l’imprimerie la plus complette qu’il y aye en Europe consistant en 6100 poinçons & plus, matrices à proportion & les moules qui en dependT Le sR Baskerville peu de tems avant sa mort en refusa £6000.-.-L’on en a fait demander le prix derniérement de Londres quelle fixa à la personne qui vint exprès à £4500. Si vous êtes dans le dessein d’en faire spéculation il n’y a pas du tems à perdre. Nous nous estimerons fort heureux si dans cette occasion comme dans toute autre nous pouvons vous être utils & mériter la continuation de vôtre chére bienveillance. ayant l’honneur d’être avec une parfaite consideration. Monsieur Vos très hbl.es & très Obts servS ://: Oatridge & Marindin Cy inclus un echantillon de la dt.e imprimerie CORRESPONDANCE 73 Nous ecrivons à Mr Loup au sujet des Ms.e retirées [à?] la belle alliance il y a 2 mois qu’il dit à l’ecrivain (qui se trouvoit à Londres) qu’il n’avoit pas pu venir a bout de régler avec le courtier [pour?] l’avarie. Verso: “Birmingham 24 fe.r 1779 Oatrigde [sic] & Marindin Rep le 26 avril.” 1Les ouvrages imprimés par John Baskerville (1705-1775) à l’aide des caractères typographiques de sa propre fabrication étaient considérés parmi les chefs-d’oeuvre de l’imprimerie. La Société Philosophique, Littéraire et Typographique a acheté tout le matériel à Mme Baskerville le 11 décembre 1779 au prix de £3700. Cette société, fondée par Beaumarchais, qui s’était donné le titre de “correspondant général,” se composait de lui seul. D’une façon ou d’une autre, l’entreprise et l’édition de Kehl des oeuvres de Voltaire allaient empoisonner la vie de Beaumarchais jusqu’à sa mort. Le 25 février Beaumarchais signe un contrat avec Panckoucke pour acheter tout ce que ce dernier a réuni pour l’édition de Voltaire qu’il projetait de publier. Il est intéressant de noter que Beaumarchais pensait déjà à l’achat des caractères de Baskerville avant même de posséder le matériel nécessaire pour la publication des oeuvres de Voltaire. 766. De M. Le Noir Ce 26 fr 1779. J’ai recu, Monsieur, l’avis joint à votre lettre du 24 de ce mois, 1 et j’ai aussitot donné des ordres qu’il m’a paru exiger. Recevés en mes remerciements et les assurances du très parfait attachement dans lequel j’ai l’honneur d’etre, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Lenoir M. Beaumarchais 1Voir lettre 764. 74 CARON DE BEAUMARCHAIS 767. Aux ministres du Roi [26 février 1779] Observation d’un Citoyen adressée aux ministres du Roi1 (Remise, le 26 février 1779, à chaque ministre du roi.) L’administration la plus active et la plus éclairée ne pouvant tout voir, moins encore deviner ce qu’on a souvent intérêt de lui cacher, ne saura pas mauvais gré au citoyen voyageur qui aperçoit quelques abus, de les lui mettre sous les yeux, lorsqu’ils sont aussi faciles à réprimer que pernicieux au bien national. De tous ces abus celui qui m’a le plus indigné dans mes voyages, par son injustice et le mal qu’il apporte aux affaires, est l’usage absurde par lequel un négociant protestant, quelles que soient sa fortune et sa considération, n’est jamais appelé ni admis dans bien des chambres de commerce. Lorsque les Anglais, plus acharnés contre les papistes que nous ne le sommes contre les anglicans, adoucissent aujourd’hui le sort des malheureux catholiques dans les trois royaumes, et nous donnent un si bel exemple sur la tolérance civile; et surtout lorsque le roi de France a daigné confier l’administration de ses finances à un homme de génie qui n’est ni Français, ni de la religion du prince,2 n’est-ce pas le moment de présenter à son conseil la réclamation que je fais d’office pour tous les négociants protestants du royaume, du droit de concourir avec les catholiques au bien qui résulte de l’institution et des assemblées d’une chambre de Commerce en chaque ville opulente? La religion ni l’état civil du citoyen n’entrant pour rien dans le but de ces assemblées, et leurs délibérations ne portant jamais que sur des objets de haut négoce, ou sur les ordres du ministre à transmettre au commerce, ou sur les observations respectueuses des négociants à soumettre au ministre un grand concours de CORRESPONDANCE 75 forces et de lumières, n’est-il pas la seule chose que l’administation puisse et doive désirer en tous ceux qui composent les chambres du commerce? Or, quand il ne serait pas d’expérience reconnue que dans nos ports, les maisons protestantes sont les plus riches et les mieux fondées; de toutes: quand il ne serait pas prouvé que personne n’y contribue plus gaiement, plus abondamment et de meilleur grâce, au soulagement des malheureux, à toutes les charges imposées à cet effet, et quand il ne serait pas certain qu’en toute occasion ces maisons donnent aux autres sujets du roi l’exemple du dévouement et du patriotisme, un simple raisonnement convaincrait que ces utiles familles, éloignées par la différence du culte de tout ce qui s’offre à l’ambition des catholiques, et forcées par cette exclusion de chercher la considération dans une continuité de travaux du même genre, doivent devenir, en peu de temps, les colonnes du commerce, et les plus fermes soutiens de cet état honorable. Dans nos grandes villes, mais notamment à Bordeaux, si l’on rassemblait les biens de tous les négociants protestants, on trouverait que la masse et l’étendue de leurs affaires forment un capital immense, et que leur industrie augmente considérablement les revenus de l’Etat. Les enfants y succédant aux pères, et consolidant de plus en plus le crédit, les ressources et les richesses de ces maisons, ils perfectionnent la branche que leurs parents ont embrassée; et tels que les Télussons, les Audibert, les Vanrobais, les Cottin, les Sémandi, les Jauges,3 et mille autres, ils contribuent beaucoup plus au progrès du commerce et des arts que les maisons catholiques, lesquelles ont à peine acquis un peu de fortune, qu’elles songent à tirer leurs enfants du négoce qui les enrichit, pour les attacher aux emplois, les élever aux charges, et leur assigner sottement un milieu presque nul entre la classe honorable des utiles négociants et la classe honorée des nobles inutiles. Ce n’est donc pas la bienfaisance connue de Sa Majesté que j’implore ici pour des hommes honnêtes qui ne m’en ont pas chargé; c’est la politique éclairée de son conseil que j’invoque, pour attacher de plus en plus à leur état, au commerce, à la patrie, les chefs des maisons protestantes, par leur admission 76 CARON DE BEAUMARCHAIS dans les chambres de commerce: j’offre ici le moyen facile d’augmenter ou de récompenser leur émulation par la plus juste et la plus simple des grâces, la seule qu’on puisse accorder peutêtre aux négociants protestants, jusqu’à ce qu’un temps plus heureux permette enfin de rendre à leurs enfants la légitimité civile, qu’aucun prince de la terre n’a droit d’ôter à ses sujets.4 J’offre donc un moyen facile d’attacher à l’Etat une foule de familles dont le gouvernement a de tout temps éprouvé le zèle, et qui brûlent de concourir de leurs travaux, de leurs lumières et de leur fortune, au bien général du commerce, dont il est reconnu qu’elles sont le plus solide appui. De même qu’on ne s’informe pas, en les sacrant, si nos prélats sont calculateurs, ne peut-on pas ignorer, en les nommant aux chambres, si nos armateurs sont orthodoxes, et garder pour les synodes théologiques ces distinctions de catholiques et de protestants qui divisent tout dans les affaires? Eh! le premier moyen de réunir enfin les sujets de l’Etat à la même doctrine est de les rapprocher dans tous les cas permis, de limer tant qu’on peut ces petites aspérités qui rendent les hommes si raboteux, et si injustes les uns envers les autres. Il n’est pas besoin d’arrêt du conseil pour faire le bien que je sollicite; une lettre du ministre au nom du roi suffit; laquelle, sans s’expliquer sur des points de division étrangers au commerce, dirait simplement que “Sa Majesté désirant augmenter la concorde et l’union parmi les négociants de ses villes et ports de mer, et sachant que, dans les gens du même état, la jalousie qui naît des préférences éternise les haines et nuit toujours au bien public, elle veut que tous les hommes reconnus pour honorables dans le haut négoce puissent jouir désormais de l’admission dans les chambres de commerce, sans autre distinction que celle qui naît de la considération que chacun s’acquiert dans la partie qu’il a embrassée.” Et moi qui l’ai bien étudié, j’ose répondre aux sages ministres qui me lisent, que cette légère faveur va devenir un puissant aiguillon dans nos ports, et qu’elle suffit, quant à présent, pour porter les maisons protestantes à seconder avec joie les vues du gouvernement, par des équipements pour l’Amérique, ou des armements de corsaires contre nos ennemis; ce qui est fort à CORRESPONDANCE 77 considérer, et ce qu’il importait de dire en cet instant marqué de découragement général. Signé Caron de Beaumarchais. 5 1Cette lettre fait partie du Court mémoire rédigé en juillet 1788 par Beaumarchais pour se défendre contre plusieurs attaques dans l’affaire Kornman. Voici comment Beaumarchais présente cette lettre: “En 1779 la guerre venait de s’allumer. Le commerce découragé n’envoyait plus en Amérique; aucun corsaire n’armait plus. Nos parages étaient infestés. Les ministres du roi me demandèrent si je savais quelque moyen de ranimer cette vigueur éteinte. Je leur offris l’observation suivante; et j’ai le bonheur aujourd’hui de voir le roi et la nation d’accord sur le touchant objet que je traitais avec chaleur en 1779” (Saint-Marc Girardin, p. 462). Gudin cite cette lettre presque en entier et ses extraits ressemblent au texte donné ici sauf pour le paragraphe suivant qu’il ajoute au début: “Un fanatisme barbare interdit aux négociants protestants l’entrée de cette chambre [de commerce de Bordeaux], tandis que, dans d’autres villes plus sages, telles que Marseille et la Rochelle, on fait si peu d’attention à la diversité des cultes sur un objet qui n’y a nul rapport, qu’en ce moment le député même du commerce de la Rochelle est protestant” (Tourneux, p. 234). 2Necker; voir tome IV, lettre 647 n. 2. 3Ici Gudin a écrit: “les Thélusson, les Audibert, les Van Robais, les Cottin, les Gradis” et Tourneux ajoute la note suivante: “Thélusson a été l’un des associés de la maison de banque de Necker; Audibert, de l’Académie de Marseille, correspondait avec Voltaire; la famille Van Robais a tenu pendant plus d’un siècle le premier rang parmi les fabricants de soieries d’Abbeville; elle y a encore des représentants, de même que Gradis à Bordeaux; il est question de ce dernier (Israélite et non protestant), dans les Mémoires de Bernis et dans ceux de Marmontel; Cottin était originaire de Tonneins” (Tourneux, p. 236). Les Thellusson étaient une famille célèbre de banquiers au dixhuitième siècle. La famille Audibert venait de Gex, près de Genève; Dominique Audibert fut le premier à signaler l’affaire Calas à Voltaire. Les Van Robais étaient une famille de Courtrai 78 CARON DE BEAUMARCHAIS comptant des manufacturiers, et des banquiers à Paris. Certains membres de la famille Cottin étaient banquiers et négociants à Saint-Quentin et à Paris; Beaumarchais eut affaire avec Josias Cottin, banquier à Londres au sujet du Kehl-Voltaire. Les Seimandi étaient une famille de négociants à Marseille. Simon et Benjamin-Simon Jauge étaient négociants à Bordeaux; Théodore, banquier à Paris, épousa une des filles Cottin; voir Lüthi. 4Note de Beaumarchais: “Ce temps heureux vient d’arriver, grâce au coeur généreux du roi.” Cette phrase du texte est citée par Beaumarchais en septembre 1789 dans sa Requête pour se justifier contre un libelle diffamatoire: Beaumarchais a été nommé commissaire au district de Sainte-Marguerite mais les autres élus refusent de siéger avec lui. Pour se défendre Beaumarchais montre, en citant cette phrase de son passé parmi d’autres, qu’il s’est toujours opposé au despotisme; voir Saint-Marc Girardin, p. 514. 5Beaumarchais note: “Les copies déposées au greffe de ces lettres, de celles écrites à ce sujet à M. le comte de Vergennes, à M. Necker, et la copie de ce mémoire, sont de la main de deux de mes anciens commis établis depuis cinq années au continent de l’Amérique.” 768. De Chevallié Mr Caron de Beaumarchais a Paris Rochefort ce 27 fevrier 1779 Monsieur Par mes letres de samedi & de mardi dernier, j’ai eu l’honneur de vous faire part de ma position envers M. De Montieux; lui & moi attendons les différents points sur lesquels vous pretendez trouver des motifs de blâme sur ma conduite, et qui forment aujourd’huy le sujet de notre division; je désire & il convient que vous ayés la bonté de les arrêter pour pouvoir drésser notre compromis, car vous n’ignoré pas sans doute que 79 CORRESPONDANCE tous les points sur lesquels nous ne sommes pas d’accord, doivent être nommément expliqués dans ce compromis & soumis aux arbitres pour en décider. puisqu’ils n’ont (de droit) que l’étenduë de juridiction et de décision que le compromis leur attribuë formellement & non au dela, tout comme il est a propos de leur présenter tous les points sur lesquels nous serons daccord pour qu’ils n’ayent point a y prononcer. Je vous prie Monsieur d’envoyer a Mr de Montieux. ces différents points aussitot ma létre recuë pour que je puisse avec lui dresser notre compromis, si vous même ne l’avés pas fait. Je travaillerai tout de suite a mon mémoire, & si vous en faites autant de votre côté nous serons promptement & avant long tems réglés & jugés. Les comptes d’armement & désarmement du fier Roderigue. au premier voyage sont tous finis & prêts a être arrêtés & signés, ainsi que tous ceux antérieurs au nouvel armement, avec mon compte courant et celui d’interêt qui en dépend. MR De Monthieux n’attend que vos pouvoirs ad’hoc pour le faire & il m’a assuré vous les avoir demandé samedi dernier; il est essentiel a vos interêts que vous ne mettiez pas aucun retard a l’envoy de ces mêmes pouvoirs. aussi j’ose esperer que vous vous rendrés a mes raisons, & a mes instances a cet egard. ce qu’attendant, J’ai l’honneur d’être bien parfaitement, Monsieur Votre trés humble & trés obéissant serviteur Chevallié 769. De Chevallié M Caron de Beaumarchais 1779 à Paris Monsieur Rochefort le 27 février 80 CARON DE BEAUMARCHAIS Cette lettre particulière est pour vous accompagner copie de la derniere lettre de Mr Gradis 1 sur l’affaire d’arbitrage avec le S. Montaut2 et l’objet des deux lettres de change qu’ils ont de moi sur vous. Je me propose de leur réppondre demain qu’elles seront paÿées chés M Teissier de la Tour3 si vous persistés dans vôtre refus à l’echéance de ne pas vouloir les paÿer. ce que je vous prie de me mander en réponse pour que je puisse, où les emploÿer au crédit du nouvel armement, où les annuller à raison du parti que vous prendrés. J’ay l’honneur d’être Monsieur Votre trés humble & trés obéissant serviteur Chevallié Coppie de la lettre ecritte a M. Chevallié par Mr David Gradis et fils de Bordeaux en datte du 24 fev 1779 vos arbitres perséverant irrevocablement dans leur refus de se porter pour juges dans votre affaire avec M. Montaud, nous ont en consequence renvoyé tous vos papiers. Nous allons charger une personne de confiance qui est sur son départ pour chez vous de vous les apporter, afin de vous eviter le sort qui pourroit vous en couter. M. de Beaumarchais nous a informé, Monsieur, lui meme du refus quil a fait d’accepter vos traittes et il nous donne pour motif de ce refus de ne vous avoir point autorisé à nous demander pour lui l’avance de leur montant. ainsi il vous restera à nous en faire le payment sauf le recours que vous donnera contre lui l’employ que vous en avez fait. Nous avons Xa 1Grand armateur bordelais. tome IV, lettre 695, p. 192 et lettre 707; Montaut, le capitaine du Fier Rodrigue, était aussi furieux que Beaumarchais après Chevallié; la vente trop précipitée de la cargaison effectuée par ce dernier (voir lettre 738 n. 1) ayant occasionné une lourde perte au capitaine comme à l’armateur. 3Voir lettre 746 n. 36 et 841. 2Voir CORRESPONDANCE 81 770. A M. Necker Copie de ma lettre a Mr Neker Samedi 27 fever 1779 Monsieur J’ai l’honneur de vous informer que le résultat de ma conversation avec Mr Paulze 1 a été de sa part les deux offres suivantes. 1O Que la ferme générale consent à m’accorder le Transit à travers le Royaume; mais pour moi seul et comme une préférence. Vous savez, Monsieur, ainsi que tous les Ministres du Roi, si la demande que je fais est individuelle; je rougirais d’employer autant de force et de solliciter des personnes aussi considérables pour mon seul intérêt. Puissé-je être toujours dans la peine, et le commerce de france autant utile au système actuel que nous savons qu’il l’est, toujours marcher en plein succès! Que dirait-on de moi si, plaidant pour la cause générale, je me trouvais satisfait d’en voir tourner les fruits à mon profit particulier? Mr Paulze ne trouve pas plus d’inconvénient que vous et moi dans l’accord du Transit pour tous les négocians; mais il dit qu’il s’en faut bien que ses confreres pensent comme lui. Tous opinent pour se retrancher dans la rigueur du texte qui interdit en leur faveur ce transit au commerce. Votre fermeté nous est bien necessaire, Monsieur, pour emporter ce point capital. En attendant cet honorable effet de vos bontés pour le commerce, j’ai refusé le transit de faveur qui m’était personnellement offert; vous en auriez fait autant. 2O Mr Paulze se charge de faire consentir sa compagnie à porter le prix du tabac dont il offre 80£, au prix de 90£ qui est le moindre auquel il soit possible aux négocians de le céder à la ferme. Il s’en charge, dis-je, si de mon coté je puis obtenir que 82 CARON DE BEAUMARCHAIS l’administration, venant au secours du commerce, consente à supporter le sacrifice de 5£, ou de moitié, sur cette pistolle d’augmentation, et en tienne compte à la ferme: Ici toute ma chaleur patriotique a moins d’influence que l’importance même de l’objet bien senti par Mr Le Comte de Maurepas et par vous. Je me renferme dans un desir silencieux de voir cet encouragement donné aux armateurs pour l’Amérique, dans un instant où il paraît à craindre que le commerce maritime ne reçoive avant peu les nouvelles les plus désolantes sur le sort des vaisseaux partis en décembre et janvier de nos Iles sur et sous le vent.2 Mais je pense que la ferme est plus en état qu’il ne faut de faire le sacrifice entier de la pistolle sans y perdre. Le Transit, premier objet de mes prieres, dépend de vous seul, Monsieur; le partage du léger sacrifice entre la ferme et le Roi, ou le sacrifice entier par la Ferme, est un point à traiter entre Mr le Comte de Maurepas et vous. Je me propose d’avoir l’honneur de le voir Lundi; et vous, si vous l’approuvez mardi matin. Je suis XA (signé) Caron de Beaumarchais Mr Neker./. lettre 736 et 758bis. petites Antilles, la partie française de Saint-Domingue et quelques îlots. 1Voir 2Les 771. Au comte de Vergennes Paris ce 28 fever 1779 Monsieur le comte Je me plais a marcher sous vos yeux inaccessible a la sote vanité de bien faire, je n’en suis pas moins jaloux et fier de votre 83 CORRESPONDANCE aprobation. J’ai l’honneur de vous envoyer ma derniere lettre a Mr Neker:1 Vous y verrés qu’on ruse autour de moi. Mais, a travers les dégouts, les embûches et les obstacles, il faut pourtant marcher sans relache, si l’on veut arriver a un but raisonable. Le mien est de concourir a la conservation, au maintien d’une alliance tres utile pour l’avenir; Mais qui exige en ce moment des éfforts et des sacrifices. Ceux qui peuvent encourager le commerce sont si peu de chose auprès de ceux que la guerre nécessite, qu’on ne peut s’empécher de gémir de les voir eluder de tant de manieres! Mon respectueux dévoument est inaltérable. Le Cte de Vergennes. 1Voir la lettre précédente. 772. A M. Necker Mémorial instructif pour M. le Contrôleur général1 [fin février 1779] Lorsqu’une compagnie d’armateurs français eut le courage de porter à tous risques, aux Américains, les premiers secours qu’ils aient reçus d’Europe, elle ne demanda au gouvernement aucune autre faveur que celle de traiter ses vaisseaux, pour les frais maritimes, comme transports du roi—facilité nécessaire alors et qui leur fut accordée. En conséquence, M. le comte de Vergennes ordonna plusieurs fois, en présence d’un des chefs de cette compagnie, aux fermiers généraux, de regarder toutes les opérations de cette compagnie, d’un commerce alors forcément mystérieux, comme hors de leur inspection et absolument étranger au bénéfice de leur bail. 84 CARON DE BEAUMARCHAIS La Ferme générale eut l’air de concourir patriotiquement au zèle qui animait ces armateurs. Elle laissa tout passer en silence. Les armateurs eurent soin de se munir d’expéditions pour nos îles, seule forme qui pût être alors ouvertement accueillie. Mais en quelque lieu du monde qu’ils portassent les marchandises et munitions de guerre qui formaient les cargaisons, ils ne devaient pas s’attendre que la Ferme générale exigerait, à leur retour, la preuve de leur déchargement à nos îles, sous peine de payer le quadruple droit. En effet les fermiers, en vertu des ordres reçus du ministre, ont gardé pendant quatre ans le silence. Mais depuis peu de temps, ils ont imaginé qu’ils réussiraient à forcer cette compagnie d’armateurs à leur payer un droit énorme de sortie, ou que, se faisant un titre de leur refus, ils obtiendraient de Sa Majesté des indemnités sur un objet absolument étranger à l’intérêt de leur bail. En conséquence, la Ferme générale a fait actionner les correspondants de la compagnie, dans tous les ports de France, à ce qu’ils eussent à remettre à la Ferme la preuve de leur débarquement à nos îles ou à lui payer les droits quadruples tels qu’on les supporte en fraude manifeste. Cela était d’une iniquité révoltante et l’un des chefs de la compagnie prit le parti d’observer au comité de la Ferme qu’elle exigeait l’impossible pour faire une vexation, puisqu’elle avait su très bien, dans le temps, qu’aucune de ces cargaisons n’était destinée pour nos îles. L’ardente Ferme générale se retournant alors a demandé qu’on lui payât au moins les droits sur ces cargaisons, comme exportation étrangère. On s’est permis de lui représenter que la compagnie n’ayant pu employer, dans aucune de ses factures, de frais maritimes qu’elle n’avait point payés, elle ne pourrait aujourd’hui les réclamer contre personne. C’est sur cette réponse que les fermiers généraux poursuivent tortionnairement les correspondants maritimes de la compagnie. Le sieur, Belon, de Marseille, qui a fait partir de ce port, entre autres navires, le Flamand et le Hardi et le Comte de Sabran,2 l’un pour Boston, les deux autres pour Charleston avec des expéditions pour nos îles, vient d’être obligé de s’enfuir au moment d’être mis en prison par 85 CORRESPONDANCE l’ordre des fermiers généraux. Tous les autres correspondants de la compagnie en sont également menacés. Monsieur le Contrôleur général est instamment prié de vouloir bien ordonner aux infatigables fermiers généraux de cesser d’élever, pour des droits qui ne leur sont point dus, une question étrangère aux fruits de leur bail et que la politque et l’équité leur défend également d’agiter, et de donner les ordres les plus prompts, à leurs commis, dans nos ports, de cesser les vexations qu’ils y font essuyer aux correspondants d’une compagnie de commerce qui a eu le courage d’entamer celui du continent (dont ils) retirent les premiers fruits et, notamment d’ordonner au sieur Campion, leur directeur des Fermes à Marseille, de rendre la liberté de vaquer à ses affaires au sieur Belon, l’un des correspondants de la compagnie en cette ville, qu’il fait chercher pour le mettre en prison, uniquement pour l’objet de ces droits abusifs. 1Etant protestant et étranger, Jacques Necker n’a jamais eu ce titre. De 1777 à 1781 il était directeur général des finances; voir tome IV, lettre 647 n. 2. 2Ils appartenaient tous trois à Beaumarchais; voir tome IV. 773. Au Président du Congrès de Philadelphie1 Paris, le 1er mars 1779 Monsieur le Président, Après vous avoir marqué respectueusement ma surprise de n’avoir encore reçu, depuis trois ans que j’ai sacrifié ma fortune et celle de mes amis pour le service du Congrès, aucune espèce de réponse à toutes mes lettres qui me fît connaître au moins si ma conduite était agréable à la nouvelle République, j’aurai l’honneur de vous représenter que le contrat, que la nécessité a forcé mon agent, M. de Francy, de signer en mon nom, dans un 86 CARON DE BEAUMARCHAIS temps où l’on portait en Amérique l’injustice à mon égard jusqu’à douter même si l’on me reconnaîtrait pour créancier des marchandises que j’avais envoyées au Congrès général, que ce contrat, dis-je, est rempli de clauses qui exigent des modifications en ma faveur sans lesquelles il me serait impossible de le ratifier. Nulle maison de commerce, Monsieur, ne peut s’engager à des fournitures aussi considérables si le temps des remboursements n’est pas exactement fixé, surtout si l’on n’y est pas fidèle. Une commission de deux et demi % ne peut être offerte en retour des peines innombrables que je me suis données pour parvenir à faire au Congrès général mes premiers envois, dans un temps où la politique me forçait, par des obstacles infinis, de recommencer souvent quatre fois la même opération et de couvrir de louis d’or toutes les brèches que cette politique faisait sans cesse à mon plan. Quand j’ai eu l’honneur, Monsieur, d’offrir au Congrès général le choix de me payer sur prix de factures avec les retards d’argent à six %, tous les frais et faux-frais et une commission raisonnable dont je laissais la fixation à sa justice, je ne m’attendais pas qu’il me serait offert à deux et demi % à moi qui, pour ces mêmes envois, ai payé en France cinq % de commission sur les premiers achats et envois dans nos ports, qui ai payé deux % dans ces mêmes ports à mes correspondants pour leurs soins, cinq % sur l’allée des marchandises d’Europe, autant sur la venue des retours d’Amérique à mes correspondants de Saint-Domingue et autres îles pour tout ce qui passerait par cette voie; à moi qui ai assigné trois % à mon agent à l’Amérique pour les peines et soins qu’il prendrait à me faire parvenir mes rentrées; à moi qui n’ai pu faire mes différents embarquements qu’en cachette et souvent la nuit à grand frais, qui les ai recommencés jusqu’à quatre fois, comme je l’ai dit, sur certains navires que l’autorité politique faisait décharger ouvertement; à moi qui ai donné des gratifications très fortes aux capitaines pour les engager à exécuter honorablement leur commission épineuse; enfin à moi qui ai répandu l’or comme de l’eau pour parvenir à vous faire ces envois dans des temps aussi difficiles. CORRESPONDANCE 87 Permettez-moi, Monsieur, de refuser cette commission; elle est injuste pour moi et me ferait rougir pour la main qui me l’offrirait. Si le Congrès n’entend pas me traiter honorablement à cet égard, je ne veux rien du tout; alors on me payera tous mes envois suivant la valeur courante de ces marchandises au continent au jour de leur arrivée; on laissera pour mon compte toutes celles que la mer a submergées ou que les Anglais ont prises, et l’on y ajoutera les assurances sur le pied où elles étaient lors du départ de ces marchandises en Europe. Je ne crois pas, Monsieur, qu’on puisse exiger, pour me faire cette justice, que je rapporte les polices d’assurance. La loi du commerce en Europe soumet au payement de ces assurances les marchandises envoyées, soit que les armateurs les aient fait assurer, soit que se rendant eux-mêmes assureurs, ils aient couru les risques de la prise et de la mer. Alors ce sont les factures des cargaisons reçues qui fixent la valeur sur laquelle on assied l’assurance et le prix courant des chambres d’assurance est celui qui doit se payer. Ce n’est qu’après avoir bien consulté cette question dans toutes nos villes maritimes que je prends la liberté de l’établir en fait, par cette lettre. Lorsque je vis qu’aucun vaisseau d’Amérique ne croisait mes envois, ainsi que M. Deane me l’avait promis, ainsi que je l’avais exigé de M. Arthur Lee dont vous avez vu, Monsieur, la correspondance chiffrée avec moi dans les mains de M. Deane, à qui je l’ai remise à son départ de France, lorsque je vis qu’il ne m’arrivait aucuns retours du Congrès au temps où je les attendais, c’est-à-dire dans les mois de janvier et février 1777, je consultai mes amis et associés qui, tous, furent d’avis d’assurer. Plusieurs étant assureurs dans différents ports proposèrent de se charger de l’assurance; enfin, par un dernier avis, la compagnie que je représente se rendit assureur elle-même. Et nous convînmes que les frais et pertes à cet égard seraient portés au compte général des fournitures et supportés en commun entre nous. D’où il résulte, Monsieur, que si le Congrès général ne m’alloue pas une commission qui me dédommage d’un retard aussi long de mes fonds avancés (six % n’étant une proportion 88 CARON DE BEAUMARCHAIS juste à cet égard que pour les affaires courantes et qui se soldent dans l’année), s’il ne m’alloue pas cette commission assez avantageuse pour me tenir lieu d’un autre emploi de ces mêmes fonds en affaire de commerce et de tous les risques courus, je vous supplie, Monsieur, d’agréer la préférence que je donne au parti d’être payé de tout ce que le Congrès a reçu par ses divers agents à Boston, à Charleston, etc, au prix courant de ces livraisons au temps où elles ont été faites en Amérique, avec les assurances sur le pied où elles étaient en Europe et dont je joins l’état à cette lettre. Les retards de payements, Monsieur, et tous les doutes injurieux du Congrès sur la légitimité de mes créances n’ont point refroidi mon zèle ardent pour les intérêts de la République; toutes ces irrésolutions, je le sais, étaient inspirées par quelques intrigants qui tentaient de s’établir auprès de vous à mes dépens, la réputation et l’honneur d’avoir obtenu en pur don de la cour de France toutes les cargaisons que je vous envoyais à si grands frais. Mais je suis épuisé, Monsieur, je ne crains pas de vous dire que, quel que soit le parti auquel vous vous arrêterez pour mes remboursements, vous ne réparerez jamais le tort que leur retard m’a fait. Nulle commission ne saurait compenser les opérations ruineuses qu’il m’a fallu accumuler pour me soutenir et ne pas manquer vingt fois à mes payements. L’effort que je fis d’envoyer l’an passé le fier Roderigue avec une superbe cargaison était le dernier auquel je pus atteindre. J’avais ordonné au sieur Chevallié, mon supercargue, de ne rien faire que de concert avec M. de Francy auquel j’écrivais de vous offrir la préférence de cette cargaison, mais au prix courant des marchandises au Continent et avec des retours au comptant, parce que mes facultés ne me permettaient pas de manquer plus longtemps des retours d’Amérique. Le malheureux supercargue, au mépris de mes ordres et sans consulter M. de Francy, a vendu toute ma cargaison en Virginie. A son retour je l’ai chassé de mes affaires. Ainsi tout a concouru à augmenter les embarras où mon zèle pour l’Amérique m’a plongé. Mais je suis toujours le même homme. Vous jugerez, Monsieur, à la lecture de ma dernière lettre écrite à votre députation établie à Passy,2 laquelle je joins CORRESPONDANCE 89 ici, que ce n’est pas faute de bien sentir toutes les injures qui m’ont été faites que je les écarte de ma mémoire pour continuer à vous faire mes offres de service. Jamais un citoyen généreux qui s’est dévoué à la cause de la liberté qu’il aime et que vous soutenez dignement, n’a été payé de tant de mépris et d’ingratitude. Je suis loin de le reprocher au Congrès parce que je sais qu’on l’a trompé sans cesse; mais je n’en ai pas moins souffert dans ma personne que dans mes biens. M. de Francy, Monsieur, est chargé de vous présenter mes observations sur le contrat que la nécessité l’a forcé de signer et d’après les détails que vous venez de lire vous ne serez pas surpris que je ne l’aie ratifié que pour les parties qui assurent au moins ma créance sur le Congrès. Toutes les modifications et changements que j’y désire et sans lesquels il me serait impossible de m’y soumettre sont ceux que l’équité demande de vous et que l’honneur exige de moi. Si le Congrès, mieux instruit ou plus attentif aux choses que j’ai eu l’honneur de lui écrire, n’eût pas laissé mes envois sans retours et vingt lettres sans réponses et s’il eût daigné juger l’homme honnête qui servait la république aussi chaudement en Europe, sur le bien qu’il faisait à l’Amérique et non sur les sottises qu’on y débitait de lui, mes premiers efforts doivent vous faire juger, Monsieur, que profitant de l’enthousiasme auquel j’avais beaucoup contribué dans mon pays, j’aurais pu faire passer toutes les richesses de l’Europe en Amérique. La nation française noble et généreuse était prête à regarder les Américains comme ses frères. Et la réception que l’on a faite à Paris à tous ceux que vos affaires y ont attiré vous prouve que je ne vais pas trop loin dans mes supputations. Mais la conduite étrange du Congrès à mon égard a commencé par tout refroidir et a fini par me valoir le souris moqueur des indifférents et les reproches amers de mes amis et associés. Vous jugerez aussi de l’opinion qu’on en a prise en Angleterre par le papier anglais que j’ai l’honneur de joindre à cette lettre et qui est le millième du même genre. Enfin, Monsieur, en continuant d’assurer le Congrès général de mon attachement respectueux, je me contente de lui demander une justice rigoureuse puisque ma conduite n’a pu lui inspirer le plus léger sentiment de bienveillance pour celui qui 90 CARON DE BEAUMARCHAIS s’était dévoué au service de la république et qui s’honore d’être avec un très profond respect de vous et du noble Congrès, Monsieur le Président, le très humble et très obéissant serviteur, Caron de Beaumarchais, connu en Amérique sous la raison de Roderigue Hortalez et Compagnie. 1John 2Voir Jay; voir lettre 735. lettre 752. 774. A M. Necker Paris, le 2 mars 1779 Monsieur, Vous ne doutez pas du désir que j’ai d’obtenir une courte audience de vous, après ce que j’ai eu l’honneur de vous mander samedi.1 De nouvelles notions que j’ai reçues de Nantes rendent ma prière encore plus pressante. Et surtout mes nouvelles de l’Amérique exigent que l’objet capital de son commerce soit extrêmement favorisé; sans quoi . . . car c’est moins la poudre et les canons qui nous le livreront entièrement que les efforts du commerce et les marchandises de France envoyées dans leurs ports. Donc, donc, etc, etc. Accordez-moi encore un moment d’entretien et faites-moi la grâce de me croire un ami du bien public avec tout le respect possible. 1Voir lettre 770. CORRESPONDANCE 91 775. Au comte de Vergennes Paris ce 4 mars 1779 Jeudi Monsieur Le Comte Je ne pus hier trouver un moment pour vous présenter mes respects. Je venais la teste et la poche pleine, engager Mr Le Cte de Maurepas de faire marcher la ferme, par l’entremise de Mr Neker. Je lui apportais la preuve écrite d’une nouvelle ruse, qui est la menace de faire payer 40. m. L. de droits, pour du tabac déposé chez eux, par une maison de Nantes, si le propriétaire ne le laisse pas a 80‹ Il m’a ecouté avec bonté, et cette matiére en ayant amené une autre nous avons repris la conversation ou nous l’avions laissée, le jour que vous eutes la bonté d’y venir avec moi. Elle fut assés importante pour que je n’aye pas besoin de vous en raπeller le sujet. Après un assés long plaidoyer, dont je vous rendrai la teneur, j’ai enfin obtenu le point important et très important de l’examen secret des preuves, dont quelques unes vous ont déja passé sous les yeux. Bref, sous la condition réciproque du silence, pour tout autre que vous; convenu que la marche d’un examen impartial et prompt reste pour adoptée, convenu que vous etes le commissaire, moi le Raporteur, et que, pour comencer, je vous remettrai sous les yeux cette semaine la partie déja prouvée, avec les pièces probantes; que votre conviction opérera la sienne, dans un court travail avec vous, que ce premier point bien reconnu, il donnera les ordres secrèts que je lui ai indiqués, pour parvenir promptement a la preuve de quelques autres. Car mon grand argument est, qu’en affaire aussi grave, la découverte mesme d’une erreur dans les données, est un pas important vers la vérité. En supposant mesme qu’un homme studieux eut été trompé dans quelques instructions si difficiles a obtenir sur ces matières, ses travaux peuvent etre si beaux, si pleins, si méthodiques, qu’il 92 CARON DE BEAUMARCHAIS soit, mesme en se trompant, jugé digne et capable de tout réparer. La conaissance profonde des lois et des revenus d’un royaume sont deux points très rarement réunis dans le mesme sujet. Faites moi donc la grace de me mander, (sans autre explication, pour plus de sureté), quel jour le plus prochain vous pourés m’accorder moins d’une heure d’entretien. Il n’en faut pas davantage sur des objets deja débatus. Mais le tems presse; car j’ai promis qu’on serait au fait de tout le reste, sous trois mois, et, jusque la, on m’a promis de tout laisser in statu quo. Il m’a paru que les différentes fautes qui le chagrinent sur les autres, augmentaient sa confiance en vous qui n’en faites point. O Vous! l’ami éclairé du bien public, ne lui manqués pas en cette grave occasion! Je vous epargnerai tout le dégout des longs travaux en les faisant a Paris, et vous n’aurés que de bons résultats a vérifier et les piéces justificatives a inspecter. Forcé de m’en aller a Rochefort faire des matelots, 1 que je n’ai point, je vais, a grands coups de louis d’or, tacher de rassembler de quoi faire partir dix vaisseaux chargés depuis trois mois, qui me ruinent par leur retard,2 et qui auraient empéché les commandans de nos Iles de chasser les navires marchands sans convois, comme bouches inutiles, si les farines que j’ai embarquées des le mois d’8bRe etaient parties dans le tems et arrivées en janvier, comme elles le pouvaient aisément. En vous ecrivant ceci, de gros soupirs sortent de ma poitrine, etc. Je ne sais si je commèts une indiscretion en vous demandant votre franche recomandation auprès du grand Maitre de Malte3 pour le fils d’un de mes bons amis qui a besoin d’une petite dispense de preuves maternelles. Car tout le reste de la famille est bon. Je joins ici son Mémoire double, afin qu’il parvienne a Malte par Duplicata ainsi que votre lettre, si vous nous l’accordés. Ce que je puis ajouter en faveur de l’enfant; c’est que jamais personne ne fut plus digne d’une faveur que ses bons et honêstes parens, pour que je tache de vous intéresser. 93 CORRESPONDANCE Vous connaissés inaltérable. mon respectueux attachement, il est Le Cte de Vergennes. 1Chevallié avait informé Beaumarchais (tome IV, lettre 718) que les trois nouveaux vaisseaux en chantier: le Pluton, le Scipion, et l’Hercule avaient la priorité en approvisionnement, en ouvriers et en équipages. 2Le convoi partira le 24 mars, mais il y aura encore des délais à Brest et à La Rochelle; enfin, on met les voiles de l’Ile d’Aix pour la Martinique entre le 10 et le 12 mai [Beaumarchais dit le 12 (lettre 806), Montaut dit le 10 (lettre 826), Lafon (pp. 131 et 133) en lisant Gudin (Tourneux, p. 251) dit le onze]. 3Emmanuel de Rohan-Polduc a été le Grand Maître de Malte de 1775 jusqu’à 1797. 775bis. A Francy Mr de Francy Paris, ce 5 mars 1779 1 A Théveneau de Francy, à Philadelphie, envoyée par le fier Roderigue et par la frégate française partie de Brest pour Boston, par duplicata. 2 J’ai remis au dernier moment, mon cher Francy, à vous écrire afin que toutes mes idées fussent plus rassemblées et mieux consolidées. J’ai reçu votre paquet envoyé sur le fier Roderigue arrivé à l’Ile d’Aix, le ler 8bre 1778. en bon état. Ce n’est pas sans indignation que j’y ai vu le détail de la conduite de M. Chevallié, lequel après m’avoir écrit pendant la route de retour, des miracles de vous; n’a pas manqué, avec son inconséquence ordinaire, de jetter feu et flame contre votre iniquité, sitôt que je lui ai lû devant l’Etat Major du vaisseau, les graves reproches que vous lui faites, et dont tout l’Etat Major est 94 CARON DE BEAUMARCHAIS convenu, comme vous les ayant entendu faire à ce supercargue infidèle à votre arrivée au vaisseau. Sa contestation avec M. de Montaut3 pour l’affaire Zantzinger4 est devant quatre négotians de Bordeaux. Je fais ce que je puis pour y porter aussi mes difficultés avec lui, sur la contravention formelle qu’il s’est permise a mon ordre exprès, de ne rien faire sans vous en Amérique; de laquelle contravention est résulté tant de pertes pour moi. Il craint cette décision arbitrale il aimerait bien mieux un procès, dont il espèrerait tirer plus de fruit, en me lassant par les longueurs et les détours de la chicane, dans laquelle j’ai depuis appris qu’il était fort habile. Mais ses propres lettres et mes ordres l’ameneront toujours à la condamnation qu’il mérite. J’ai lû en riant le chaud plaidoyer que M. Giroud,5 dans son ressentiment a fait sur cette affaire; il est le complément des instructions que j’ai recues de vous. J’ai fait ajouter à ces deux pièces par le Capitaine et l’Etat Major, leur déclaration qu’aucun danger n’avait forcé le supercargue de hâter la vente de sa magnifique cargaison, puisqu’on l’a toujours assuré que le navire était plus en sureté au port ou il etait abordé que partout ailleurs. Il se fonde comme je vous l’ai dit dans ma précédente lettre, pour éluder une condamnation sur ce que vous ne vendrez, dit-il, pas mieux que lui les réserves que vous en avez recues en partant. Il voudrait bien que je fisse de nouvelles pertes, pour excuser celles qu’il m’a causées. Tel est cet homme. J’ai reçu hier au soir votre lettre du 19.6 XbRe 1778 7 et j’y vois que vous avez envoyé M Giroud en Virginie pour réparer s’il se peut la negligence du contract Chevallie sur la quantité des tabacs, mais vous ne me dittes pas s’il a eu du succès. Peut-être me l’aviez vous mandé dans les lettres que M. Mullens était chargé de me remettre: mais il a été pris par un corsaire anglais, a tout jetté à la mer, et est revenu en France sur un vaisseau neutre, grace à la très rare honesteté du capitaine capteur.8 Ainsi, me voilà sans détails. Ceux de votre dernière du 19. 9 XbRe me confirment dans le projet de répondre aux outrages de la députation (toujours armée par M. Arthur Lée) par un procèdé ferme, mais franc honeste et libre. Ils ont fait assigner M. Pelletier, mon correspondant de CORRESPONDANCE 95 Nantes à leur remettre la cargaison de la Thereze que j’ai fait retenir à son arrivée. Outré de cette hostilité je leur ai écrit la lettre dont je vous envoie copie, et que je vous prie de communiquer au Congrès général en remettant au nouveau Président10 celle que j’ai l’honneur d’adresser au Congrès. Il est bien étrange que l’Amérique s’obstine à tenir à la Cour de France un député qui nous est aussi suspect, et suspect est un mot très faible pour exprimer ce que l’on pense et sait de lui dans ce pays. Depuis ma lettre écrite il a quitté la députation.11 Je joins à cette lettre une copie du contract, que l’injustice, la force ou la nécessité vous ont apparemment obligé de signer. Mais aujourdhuy que le Congrès est mieux instruit, je crois devoir lui présenter en marge du contract mes répugnances et mes observations sur cet acte,12 que je ne puis ratifier qu’avec les modifications qui me remettent à ma vraie place dont l’intrigue et la mauvaise foi m’ont voulu chasser. Si je ne les obtiens pas de l’equité de la République, je secoue la poussière de mes pieds, et ne veut [sic] plus avoir d’autres communications avec ses représentans, que celle indispensable pour en arracher ce qui m’est dû. Jusqu’à ce que ce contract soit ratifié,13 je ne puis m’engager dans de nouvelles avances, et vous avez très bien fait d’assurer le Congrès que je ne le ferais pas. Mes amis et moi sommes outrés de nous voir traités comme les plus suspects fournisseurs, surtout mes amis qui m’ayant permis de me livrer là dessus à la générosité de mon caractere, se voyent payés ainsi que moi, par la plus injuste méfiance, par les plus insultantes précautions, et enfin par un traitement si mesquin, si économique qu’il ny a pas un seul des préposés de la République à qui l’on ne rougit d’en proposer un pareil. La flotte14 que je vous adresse, mon ami, est le fruit d’une combinaison sage et bien réflèchie entre M. de Montieux et moi. L’état de langueur et de non recette où m’a réduit le Congrès ne m’a pas permis de faire cette entreprise seul. Mais loin de regretter de m’être plus particulièrement lié d’affaires avec M. de Montieu, le connaissant bien aujourdhuy et l’aimant de tout mon coeur, je m’en félicite, comme du seul moyen capable de faire aller et venir en ces temps orageux une flote avec un peu de sécurité. 96 CARON DE BEAUMARCHAIS Nous n’adressons rien au Congrès, parce qu’il s’agit de me tirer de presse et que des acquîttemens promis sans 15 termes fixes ne laissent que de l’incertitude et du danger de faillir aux engagemens que de tels armemens exigent. Le Congrès pourra juger par l’état de notre flotte si aucun négotiant de l’Europe est plus en état que nous de faire avec luy de grandes affaires sa réponse et le traitement qu’il me fera décidera du oui ou du non pour l’avenir. De quelque côté que je me tourne, je n’ai essuyé que de l’ingratitude et des horreurs de l’Amérique. Je vous envoye toutes les pièces qui se rapportent à l’envoy que j’ay fait au Président du Congrès de la Caroline16 par le Hardy. Je vous prie et vous recommande comme une chose qui me blesse au fond du coeur de poursuivre le S. Galvan sous toutes les formes après avoir lû ce que je vous envoye à ce sujet. Il a remis pour tout fruit de mes avances 30. m. L. à M. Varage17 qui les a mangés au dela dans son séjour de la Martinique, en frais de relâche et désarmemens, sans compter ce que j’ai eté obligé de compter à ce même M. Varage pour ses honoraires. Je ne sais si c’est M. de Rutlége qui m’a fait injure ou ce Galvan mais sur la lettre de M. Lestargette du [un blanc] dont je vous envoye copie il paraît que Galvan s’est joué de tous les principes d’honneur et qu’il est punissable comme frippon dans tous les tribunaux du monde. J’avais reçu une lettre de luy par laquelle il me mandait de m’adresser à son frère M. Galvan de [un blanc]18 à Domcieux en Virginie. Je vous envoie copie de cette lettre sous le No [un blanc] et de celle que j’écrivais à ce frere par mon navire le Ferragus qui a eté pris par les Anglais et conduit en Ecosse. Quand j’ecrivis cette lettre à M. Galvan de [un blanc] j’ignorais encore les détails que j’ai appris depuis. Mon ami, votre conduite honête vous assure à jamais une place dans mon coeur. Les témoignages que chacun me rend à son retour d’Amérique de votre personne, et de vos opérations confirment l’idée que je me suis formée de vous. Ne variez jamais dans ce principe et soyez sur de moi. Laissez agir les hommes et la fortune au gré du hazard ou de l’intéret. Je n’existe avec la franche gaieté que vous me connaissez, que parce que je me suis toujours tenu aussi indépendant des évènemens étrangers, que CORRESPONDANCE 97 fidèle au principe de m’asservir sans cesse au jugement rigoureux de mon maitre intérieur. En as tu moins été vexé, tourmenté, appauvri; me direz vous? Non, mais comme le bonheur n’est pas dans la poche et qu’il est dans la tête; le seul moyen mon cher Francy de la tenir toujours seraine est, qu’elle ne soit jamais en tracasserie avec le coeur et l’honnêteté. Je viens d’obtenir pour vous, après bien des sollicitations, une commission de capitaine d’infanterie.19 Je vous l’envoye. Le plaisir que cette nouvelle vous donnera me cause à moi même une joye pure qui s’est répandue sur cet article de ma lettre. Bonjour mon officier. Revenons aux affaires. Je vous envoye cy joint une nouvelle expédition des factures dont vous avez reçu la première; les faux frais n’i sont point ajoutés parce que cela doit faire un article absolument séparé. Quant aux assurances que je demande dans le cas ou l’on ne me passerait pas une commission convenable sur la totalité de mes avances. Et où l’on reviendrait à se contenter de me payer les objets qu’on a reçus uniquement. Je ne dois pas être tenu de présenter des polices, puisque selon toutes les loix du commerce d’Europe soit que j’assure aux chambres établies à cet effet, soit que ma compagnie se rende assureur elle même il est bien décidé que l’assurance est due quand le risque a eté couru. Sans avoir donc égard au contract que la nécessité vous a forcé de faire avec le Congrès général et ne le rectifiant20 que dans la partie qui assure la légitimité de mes créances, et l’obligation contractée de me payer: sans vouloir traiter en Europe un point qui peut se discuter en présence du Congrès, puisque vous Mr.s Deane et Carmikael, êtes à Philadelphie [un blanc] je demande ou le payement des marchandises envoyées et reçues en Amérique par les agents du Congrès dans les ports au prix courant des tems où elles sont arrivées avec l’assurance, telle qu’on la payait en Europe à ces mêmes époques. Alors je suppporte les pertes que j’ai faites sur tout ce qui a eté submergé ou pris par l’ennemi ou le remboursement net à prix de fabrique des marchandises parties d’Europe avec tous les frais, faux fraix de voyages, de commissions partielles, dans les ports de France à la Martinique, à St Domingue, au continent d’Amérique. L’intéret ou retard de l’argent à 6 pr %21 tant sur les marchandises 98 CARON DE BEAUMARCHAIS fournies, que sur les batimens pris ou perdus et une commission 1 non telle qu’on me l’offre de 2 2 pr % qui n’a nulle espèce de proportion avec tous les travaux et les opérations dispendieuses et pénibles que j’ai faites pour mettre en mer tout ce que j’ai envoyé au Congrès (laquelle commission est presque dérisoire lorsque sur les objets mêmes que le Congrès a reçu de moi il a payé22 à ses agents d’Amérique 5. pr % et de même sur les retours à ses agents dans les ports de France). Mais une commission équivalente à la nature du service que j’ai rendu des travaux innombrables que j’ai fait pour y parvenir et qui sont égallement connus de vous, de M. Deane, et de M. Carmikael. Si je ne fixe point cette commission c’est qu’il ne m’appartient pas de juger cette question. Je puis la sentir et solliciter: mais c’est au Congrès général à prononcer là dessus. Ces 1er.es affaires23 ne pouvant être assimilées à tout ce qui se fera par la suite entre cette puissance et moi, soit en tems de paix, soit à leurs risques et périls. Les conditions de l’avenir ne ressembleront point à celles du passé. Nous marcherons ensemble sur le taux ordinaire de leur commerce; à une commission modérée me suffira quand les termes de payemens seront fixés et qu’on y sera fidèle. Mais y a t-il une seule maison de commerce, qui consente au retard de ses fonds pendant 3. ou 4 ans avec toutes les sollicitudes que ce retard entraine pour en recevoir après ce long terme l’interet à 6 pr %24 avec une commission telle qu’on me l’offre. Je n’en veux point. Mon zèle pour l’Amérique s’est soutenu malgré tous les dégouts que j’en ai reçu. Mais la coupable négligence de ne pas même répondre à une seule de mes lettres, l’odieuse l’étrange absurdité de me contester le payement de ce que je leur ai envoyé avec tant de générosité, m’a valu le sourire moqueur des indiférens, et les reproches amers des amis que ma chaleur avait enchainé à mes spéculations d’Amérique. Il me faut donc un engagement convenable pour la solidité et la fixation des termes. Alors je réchaufferai les ames que l’incroyable conduite du Congrès à mon égard a glacé pour ses interets. Et je parviendrai peut être à ouvrir un bon crédit en France à la république. CORRESPONDANCE 99 J’ai reçu de votre ami Emmery fils,25 la somme de 600£-6s au lieu de luy payer celle que vous croyez lui devoir, votre petite spéculation a prospéré, vous en prendrez les fonds sur la cargaison à prix de facture. Vous prendrez aussi sur cette cargaison les apointemens de M. Girou sur le pié où il les avait chez moi à Paris lesquels sont de dix-huit cent Livres argent de France.27 Vous remettrez à M. Roubeau28 qui passe par le fier Roderigue une pacotille de deux mille écus que j’ai consenti de luy avancer. Et si sa pacotille se vend bien et qu’il soit possible de retirer ce capital en lui laissant le bénéfice de la vente, vous me ferez plaisir de façon que mes deux mille écus me reviennent en Europe. C’est un honnête homme qui n’est pas heureux. Il a désiré faire cet essay. Je souhaite fort qu’il luy tourne à compte, et vous m’obligerez d’avoir des égards pour luy, et de luy rendre tous les bons offices qui pourront lui rendre son séjour et sa spéculation moins à charge. Je ne vous envoye pas les comptes des quatre batimens bermudiens que M. Carabasse 29 avait achetés pour faire le cabotage du Cap Français au Continent, qui ont porté à Charlestown une grande partie des marchandises que j’avais à St Domingue, et qui ont eté pris en revenant de Charles-town; parce que tous les vaisseaux qui m’apportaient ces papiers, ont aussi eté pris par les Anglais. Mais qu’importe plus ou moins d’articles à mon compte, ce n’est pas cela qui doit fixer mon état vis-à-vis du Congrès. Il est clair qu’il me sera redevable de tout ce que les évènemens me forcent à laisser en arrière, et que devant leur faire de nouveaux envois, si leurs conditions me conviennent, les objets en retard seront payés avec ces nouveaux débets. Arrêtés seulement les conditions, et qu’on entre en payemen, voilà le principal. Les objets que vous ferez entrer en compensation des débets de M. d’Estaing,30 de concert avec M. Gérard, ne pourront y entrer que mon sort avec le Congrès ne soit fixé. Parce que c’est aux conditions que vous arrêterez pour la masse de ma créance, et non autrement que cette partie doit être compensée. Le prix courant du tems de leur arrivée au Continent et l’assurance sur le 10 d, 26 100 CARON DE BEAUMARCHAIS pié du tems de leur départ d’Europe avec les retards à 6 pR% ou31 le prix de facture. Les fraix faux fraix retard, &A et une commission honnorable et qui me dédomage de mes peines incroyables. Ne vous écartez pas de ces bazes. Vous avez crû trop légerement que j’avais de la méfiance de vous, quand j’ai envoyé Chevallié. Mon ami j’ignorais ou vous etiez. Je lui avais ordonné d’aller à Boston. Et enfin dans le cas où il n’eut pû vous rejoindre, il me paraissait plus prudent de lui confier ma cargaison, que de la remettre à un capitaine presqu’inconnu de moi alors. Mais mes ordres les plus réitérés lui avaient enjoint de ne rien faire sans vous. Et c’est sur quoi je me fonde pour lui refuser la comission de 3 pR %32 que je lui avais promise. La cause est en arbitrage et mon intention est de verser sur vous tout ce que j’arracherai par le jugement à ce méchant supercargue. Ma lettre particuliere vous en dira d’avantage. J’ai vu M. de La Fayette et M. De Gimat. 33 Ils se louent beaucoup de vous. Je ne suis pas encore remboursé du marquis mais je ne crois pas que ce soit sa faute. M. De Conway34 vient d’arriver aussi à Amsterdam mais il ne m’a pas encore envoyé le paquet qu’il a de vous, pour moi. Je n’ai reçu que ceux que vous avez remis à M. De Gimat, de sorte que je n’ai point cette lettre que vous m’annoncez de la Martinique, et qui doit me servir à confondre Chevallié sur ses procèdés à votre égard. Je vous salue, mon cher Francy, et je souhaite que le découragement ne vous prenne pas à la gorge. Il est impossible que vous souffriez autant que moi de tous ces retards et malentendus, et la vie que je mène icy est la plus dure possible./. Caron de Beaumarchais 35 Vous connaissez l’attachement sincère avec lequel je suis, P.S. L’erreur des couvertures est relevée sur les grandes factures; vous avez dans No 480-481-482 le nombre de 149 couvertures d’officier et 123 de soldat, mais partiellement, dans les numéros, nous ignorons comment la division en a été faite dans chacun, parce qu’ils ont été livrés par accolade et tous trois sont sur le fier Roderigue; ainsi ce qui manque dans l’une se trouve dans l’autre. 101 CORRESPONDANCE Voici comment est figurée la facture de livraison 480 couvertures pour soldats 481 482 couvertures pour officiers 100 23 100 49 De même les numéros 381-382 aussi de couvertures parties sur le fier Roderigue sont accolées en cette forme 381 couvertures pour soldats 50 44 382 couvertures pour officiers 44 Retrouvez-vous maintenant. Ce post-scriptum n’est pas dans ma lettre sur le fier Roderigue; je l’ajoute après coup sur le duplicata. Il y a de légères différences entre le manuscrit et d’autres exemplaires de cette lettre; nous en noterons les plus importantes. 1La lettre que Donvez a trouvée dans AF est datée du 5 mars 1779. 2Cette phrase est dans un autre exemplaire. 3Voir tome IV, lettre 652 n. 1. 4Un exemlaire a Zantzingue. Le nom est épelé d’une façon différente presque chaque fois qu’on le voit (voir tome IV, lettre 698 où on lit Zauzinger, Zanzinger). C’est peut-être Paul Zantzinger, capitaine dans la garde nationale de la Pennsylvanie en 1776, qui en 1777 a demandé au Congrès de l’argent pour acheter des habillements pour ses troupes et en 1780 a été Chief Burgess de la ville de Lancaster; voir PCC. 5Voir lettre 746. 6Ce chiffre n’est pas dans l’autre exemplaire. 7Voir tome IV, lettre 724. 8Voir la lettre suivante, 9Ce chiffre n’est pas dans Donvez. 10John Jay. 11Cette phrase est écrite dans la marge et n’est pas dans Donvez. 12Ce contrat et les observations se trouvent après cette lettre. 13Un autre exemplaire a rectifié. 14Voir lettre 775. 15L’autre exemplaire a sous. 16John Rutledge; voir tome IV, lettre 621 n. 4. 17Voir tome IV, lettre 693 n. 23; en 1779 Joseph Varage était enseigne de vaisseau dans la marine française mais capitaine 102 CARON DE BEAUMARCHAIS temporaire dans la marine américaine; son navire s’appelait Le Cerf et faisait partie de l’escadre de John Paul Jones; voir Morison, pp. 191, 194 et 198. 18L’exemplaire ajoute Vernoux. 19Dès son arrivée en Amérique, Francy demande à recevoir une commission (tome IV, lettre 636) et von Steuben le soutient (tome IV, lettre 637); voir aussi les lettres 792 et 793 où Mme Villers fait des épaulettes pour Francy. 20L’autre exemplaire a ratifiant. 21L’autre exemplaire a 6,5 %. 22L’autre exemplaire a a été payé. 23L’autre exemplaire a sous-affaires. 24L’autre exemplaire a 6% à 6,5%. 25Emmery père et fils sont amis et correspondants de Beaumarchais à Dunkerque. Francy a commencé “une petite société” avec le fils (tome IV, p. 153). 26L’autre exemplaire n’a pas ces chiffres. 27L’autre exemplaire n’a pas ce chiffre. 28Voir lettre 797. 29Voir tome IV, lettre 693 n. 20. 30Charles-Hector, comte d’Estaing (1729-1794) servit en Inde pendant la guerre de sept ans et fut gouverneur aux Antilles entre 1763 et 1766. Il commanda la première flotte française envoyée pour soutenir les Américains en 1778. A cause de son amitié avec la famille royale et parce qu’il rendit témoignage en faveur de Marie-Antoinette en 1793, il fut guillotiné; voir lettres 825, 826, 827, 856, 858, 861, 862, 907, 909 et le tome IV. 31L’autre exemplaire a sur. 32L’autre exemplairen’a pas ce chiffre. 33Premier aide de camp de Lafayette; voir tome IV. 34Voir tome III, et surtout lettre 699 n. 3 du tome IV. 35Ici termine un exemplaire; ce qui suit est pris à l’autre. 776. A Serres de La Tour1 Au redacteur du courrier de l’europe Paris ce 7 mars 1779 2 CORRESPONDANCE 103 C’est avec regret, Monsieur, que je vous prie d’insérer dans votre feuille le procès verbal ou la réclamation d’un capitaine français echapé des prisons de New York et faite au nom de quatre cens malheureux qu’il y a laissés attendant la mort. Si le fait que je raporte n’était pas appuyé d’une déclaration juridique, on aurait peine à croire qu’une nation passionnée pour la liberté éprise de l’amour de la gloire et du désir des succès, se portat a commettre des actes d’oppression qui la dégradent; et qui ne peuvent que faire echouer tous ses projets. Dans les guerres précédentes on s’est plaint de la manière dure dont les anglais traitaient leurs prisonniers. On verra par l’acte que je publie qu’ils ont encore aggravé le sort de ces infortunés. Il n’y a point d’exemple d’une telle barbarie dans lhistoire de france. Aucun officier ne prendrait sur lui d’en exercer une semblable. Il se perdroit & si le ministére était assez irrité pour ordonner que par represailles, on traitat ainsi des captifs, peut être ne se trouverait-il pas un français, qui, en exécutant de tels ordres, n’en adoucit infiniment la rigueur. Se venger sur des matelots sur des soldats, sur des passagers, du tort que fait à l’angleterre l’alliance du congrès avec la france et renoncer aux moeurs des peuples policés pour adopter les coutumes des sauvages n’est ce pas faire sans utilité, un mal qui ne produit que du mal, qui n’apporte que de la honte, et qui ne peut que révolter en amérique les coeurs que les anglais auraient tant d’intérèt de se concilier. Malgré la vigilance des gardes, le désespoir rompt quelque fois les chaines qui le retiennent. alors tous ceux qui s’échappent, sont autant de témoins qui vont déposer contre les anglais et qui affermissent les Américains dans le noble dessein de mourir, plutot que de renouer avec des ennemis privés de toute humanité. Puisse une telle barbarie retomber sur ses véritables auteurs! Que si la nation anglaise avouait de pareilles horreurs, il en faudrait conclure qu’elle attend pour ses prisonniers, les durs traitements qu’elle prodigue aux notres. Mais la barriere sacrée que la civilisation a mise entre la guerre et la férocité une fois rompue, qui peut prévoir où s’arrêterait la représaille? Le monde 104 CARON DE BEAUMARCHAIS entier deviendrait le théâtre et l’assemblage de tous les crimes! heureusement pour l’honneur du siècle, et le bien de l’humanité, l’administration française est si loin d’adopter cette politique atroce, que, même après avoir lu cet affreux procès verbal, elle n’a cessé de renouveller ses ordres d’adoucir, autant qu’il est possible, l’état des prisonniers anglais, que la guerre a mis dans nos mains. Avis au rédacteur 3 Ici Mr de Lesser est prié de mettre le procès verbal du capitaine francais, et immédiatement après le procès verbal il est prié d’insérer l’article suivant.4 “L’an mil sept cent soixante dix-huit, le sixieme jour de Décembre, par devant Nous Martin Oster,5 Vice-Consul de France, résident à Philadelphie, dans l’Amérique des Etats-Unis, soussigné, est comparu le Sieur Alexis Remouit, Capitaine du snow6 l’Annette Marguerite, de Marseille, disant que s’étant heureusement sauvé des prisons de New-York, il se seroit chargé de venir réclamer la protection du Ministre Plénipotentiaire de France auprès desdits Etats-Unis, en faveur de ses malheureux compatriotes restés gémissant sous le poids du plus horrible & révoltant esclavage des Anglois, & qu’en consequence il nous requeroit de vouloir recevoir ses dires, déclarations & dépositions relatifs à leur cruelle détention pour lui être adressés. Ce à quoi déférant, ledit Sieur comparant nous auroit dit, déclaré & déposé, que le 11 Octobre dernier, faisant voile pour France, venant du Cap François, il avoit été arrêté, saisi par un vaisseau employé au service de la Grande-Bretagne, & conduit prisonnier avec son équipage à New-York, où le 20 dudit mois d’Octobre à son arrivée on l’avoit aussi-tôt précipité dans la prison du navire Good Hope, de la continence d’environ 250 à 60 hommes, & où néanmoins il en auroit vu, tant François qu’Américains jusqu’au nombre de 400 entassés sans distinctiion de grade, ni de traitements, & sans séparation des malades, mourants, blessés & bien portants, ce qui occasionnoit des maladies épidémiques & pestilentielles, dont les suites avoient eu jusqu’à ce moment les plus funestes conséquences. CORRESPONDANCE 105 Qu’aucun traitement médicinal, ni aucun soin particulier n’étant administrés aux malades, il en périssoit de misere, & suivant les rigueurs du temps 1, 2, 3, 4, 5 journellement. Que l’inhumanité à cet égard étoit poussée si loin, qu’on empêchoit mêmes les prisonniers de se secourir entre eux; que le cas se seroit rencontré dans la personne du nomm[é] Martin, tonnelier du navire que commandoit le déposant, lequel ayant été attaqué d’une hémorragie, & baignant dans son sang pendant la nuit, il eût été impossible à un Chirurgien François aussi prisonnier, couchant à son côté, d’obtenir la permission de lui donner les secours qui dépendoient de son ministere. Qu’à cette privation de traitement, étoit ajoutée la plus mauvaise & la plus modique nourriture dont la composition en ration par jour pour 6 hommes seroit: Le Lundi. D’un morceau de boeuf salé de trois livres à trois livres & demie. De trente à trente-deux onces de biscuit, en majeure partie pourri. Et des trois quarts d’une bouteille de trois chopines de rum. Le Mardi. Mêmes quantités de porc salé, de biscuit & de rum. Le Mercredi. Toujours pour la subsistance de 6 hommes: Une livre un quart environ de farine souvent gâtée, destinée à faire du potin, tenant lieu de viande avec la ration de biscuit & de rum ci-dessus, & ainsi continuant de deux jours en deux jours. Que le navire servant de prison n’ayant qu’une cheminée, il étoit de toute impossibilité que tout le monde y puisse faire cuire sa denrée; que l’usage du feu ne s’y obtiendroit que par des batteries toujours fâcheuses, & que beaucoup de prisonniers 106 CARON DE BEAUMARCHAIS seroient réduits à la dure nécessité de s’en passer, & manger cru le peu d’aliments qu’on leur donne. Qu’à compter du 30 Octobre dernier la ration de biscuit seroit retranchée à tous les prisonniers qui recevroient en place trois quarts de riz, trois livres à trois livres & demi de viande salée, & les trois quarts d’une bouteille de trois chopines de rum par plat de 6 hommes. Et qu’enfin toutes les représentations étant expressément interdites aux prisonniers François, de la part des Chefs de la Nation Angloise, & ne pouvant résister (quelques sentiments vertueux qu’ils aient en faveur de leur patrie) aux traitements barbares & inhumains qu’on exercoit envers eux, un grand nombre de matelots dépouillés, presque nuds, désespérés, se verroient forcés pour se soustraire à l’affreuse misere où ils se trouveroient plongés, de prendre le fatal parti de s’enrôler au service du Roi d’Angleterre, pour lequel des Recruteurs Anglois viendroient chaque jour solliciter des engagements. De toutes lesquelles déclarations & dépositions duement affirmées véritables dudit Sieur Remouit, comparant, Nous, ViceConsul de France susdit, avons dressé le présent procès-verbal, pour servir à telles fins que de raison, & notamment à être communiqué dans le jour à Son Excellence, Monsieur GERARD, Ministre Plénipotentiaire de S.M.T.C. auprès des Etats-Unis de l’Amérique, dont acte. Fait à Philadelphie en notre hôtel ledit jour, six Décembre mil sept cents soixante & dix-huit, & a ledit Sieur Déposant, après lecture faite, signé avec Nous en la Minute des présentes restées en la possession dudit Vice-Consul de France soussigné. (Signé) Oster. Et scellé de son Sceau. Certifié conforme à l’original resté dans mes mains, à Paris le 7 mars 1779. Caron de Beaumarchais.” CORRESPONDANCE 107 Je me hâte, Monsieur, d’offrir en opposition à tant de cruautés, un autre article que je vous prie d’insérer aussi dans votre feuille. En parlant de l’affreux métier de la guerre, on ne saurait trop louer ce qui est généreux et s’écarte un peu de la férocité dont je viens de citer des traits si invraisemblables. Tous les hommes généreux en angleterre (et il y en a beaucoup) apprendront sans doute avec plaisir que le S. Percy capitaine du corsaire anglais Le Bess ayant pris le 5 janvier dernier dans le snow le Jarotess de Philadelphie, M Mullens officier irlandais au service de france,7 il a eu la générosité de le déposer sur un vaisseau neutre, et de lui offrir sa bourse, en le priant, pour toute reconnaissance de tâcher d’obtenir la liberté de son ami Néhémiad Hollond, fait prisonnier par les français sur le navire le St Peter.8 Ils apprendront avec plaisir qu’à son arrivée en france M Mullens ayant à coeur de dégager sa parole a confié à mes soins la douce sollicitation dont il était chargé que je n’ai rien eu de plus pressé que de le mettre sous les yeux de M de Sartine, si renommé par sa douceur et l’oubli généreux qu’il a toujours fait des injures personnelles; et qu’enfin ce ministre, touché d’un trait qui décèle une ame noble et sensible dans le capitaine anglais, a sur le champs donné des ordres pour qu’on cherchat dans tous les dépots de prisonniers le nommé Néhémiad Hollond et qu’on le met en liberté, en joignant à ce bienfait toutes sortes de facilités pour son retour en angleterre. Ainsi chez nous, l’administration offre sans cesse aux particuliers, l’exemple de la modération et de la douceur, pendant que chez nos ennemis, où la haîne a tout corrompu, c’est dans le coeur d’un corsaire que se réfugie la générosité9 bannie des bureaux du Ministére. Mais combien, O anglais! faut il de traits pareils à celui du capitaine Percy pour laver votre nation ou vos ministres du traitement inhumain des prisons de New York et de St Augustin? Signé Caron de Beaumarchais Paris ce 7 mars 1779 1Le rédacteur du Courier de l’Europe est Antoine-Joseph Serres de La Tour. Il a quitté la France pour l’Angleterre en 1772 et était 108 CARON DE BEAUMARCHAIS collaborateur du Courier de 1776 jusqu’en 1784; voir von Proschwitz, CE, I, p. 28 n. 1. 2Dans le CE la date indiquée est le 7 mars 1774 [sic]. 3Serres de la Tour. 4Ce qui suit entre guillemets vient du CE et ne se trouve pas dans cet exemplaire. 5Nommé par Gérard en 1778. 6Senau. 7Voir tome IV, lettre 711 n. 3. 8Voir lettre 750. 9Les mots suivants qui terminent ce paragraphe ne se trouvent pas dans le CE. 776bis. Extrait d’une lettre de Paris1 [après le 8 mars 1779] Le 8 de mars dernier, c’est-à-dire le jour mesme que l’on s’est permis d’insérer à Londres dans les papiers anglais des bruits tendans à détruire le credit des correspondans du congrès en Europe et notament celui de Mr De Beaumarchais qu’on y nomme ironiquement, le grand agent américain, le premier moteur du traité d’Amérique, (the great American Agent, and the prime mover of the American treaty.) ce dernier détachait d’une flote qu’il a dans les ports de France un vaisseau de 60 canons et un de 22, bien armés en guerre, et les envoyait croiser contre les ecumeurs anti américains. 2 Les bons plaisans de notre paÿs ne sont pas etonnés de voir les rusés Anglais rire aux eclats dans les tavernes de Londres de l’excélent tour qu’ils ont joué à la pauvre France et au congrès général d’echanger tout le continent de l’Amerique contre le rocher de Ste Lucie gardé par 35 hommes effectifs, parce qu’en effet ce tour est délicieux.3 Mais qui aurait osé soupçonner aux Anglais un assés grand fond de gaité, pour se consoler de la perte entiere de leur crédit,4 CORRESPONDANCE 109 par la joviale supposition que l’Amérique a fait subito banqueroute à l’ouverture du budget anglais, qu’à l’ouverture du dit budget tous les amis du congrès en Europe ont fait banqueroute aussi subito, et qu’enfin tout juste à cette mesme ouverture du budget la France au desespoir est subito forcée à la banqueroute generale par la seule raison qu’elle a fait un traité de commerce avec l’Amérique un peu contraire aux interets du dit budget. Telles sont pourtant les puérilités dont les feuillistes ministériels endorment les bons Anglais chaque fois qu’on a besoin de fouiller dans leurs poches. 5 Pendant que les charlatans huchés sur leurs presses extasient le peuple avec des enluminures en criant ouzé! les détrousseurs font doucement leur main et ce n’est qu’après la farce jouée, que chacun, frapé du camouflet, s’en va jurant god-dem de sentir sa teste aussi pleine de fumée que sa bourse epuisée d’argent. Par un Francais qui entend les affaires. 1Von Proschwitz, I, p. 88; les notes suivantes font partie des commentaires des von Proschwitz, p. 89. 1 “Ce qui a mis la plume à la main de Beaumarchais, ce sont des articles hostiles publiés en mars 1779 dans la presse anglaise. Les journalistes anglais ont maille à partir tant avec lui qu’avec les correspondants en Europe du Congrès.” 2“Il s’agit du Fier Roderigue et du Zéphyr, comme il ressort entre autres d’une lettre en date du 14 mars 1779 . . . ” Voir la lettre 779 ci-dessous. 3“Beaumarchais cherche à minimiser la victoire remportée en Amérique, le 18 décembre 1778, par les amiraux Barrington et Byron sur le comte d’Estaing et le marquis de Bouillé. Elle eut pour résultat la capitulation de l’île française de Sainte Lucie, le 30 décembre 1778. Le Courier de l’Europe rapporte la relation officielle anglaise dans son numéro du 26 mars 1779 . . . ” 4“[C]e début de phrase est du Beaumarchais tout pur. Les difficultés financières des Anglais exigent de grands sacrifices de la part de cette nation. Les journalistes anglais situent cependant ces problèmes en Amérique et en France. Beaumarchais ne se laisse pas duper.” Voir le paragraphe suivant. 5“Par cette phrase ironique, Beaumarchais montre qu’il suit de très près le débat parlementaire anglais. Il voit clairement les sacrifices 110 CARON DE BEAUMARCHAIS que la guerre demande aux Anglais. Les trois Budgets du 24 février, du Ier mars et du 31 mai 1779 sont éloquents. Il n’y est parlé que de subsides importants à voter par le Parlement pour mettre le roi en état de fournir aux dépenses extraordinaires déjà faites ou à faire.” 777. De Pelletier Dudoyer1 MR Beaumarchais Paris Nantes Le 11 Mars 1779 repe le 15. Monsieur Il y a un acharnement singullier contre vous et moi dans l’affaire de la thérese, le procureur adversse que je connois beaucoup, m’a dit qu’on le pressait de poursuivre,2 J’en ai prévenu MR Lamotte, votre procureur qui doit vous en écrire par ce courrier. Je présume que c’est Lee qui était ici cette semaine qui a renouvellez cette affaire que je croyais bien finie; Si MR Franklin, qui est seul maintenant, ne veut pas faire cesser, envoyez-moi vos pouvoirs, J’arrête et saisis partout. Il n’y a pas de tems a perdre. Il y a deux Nres prets a partir qui les regardent, et des indigo. Vous savez sans doutte les opérations de rochefort ainsi Je ne vous en dirai rien, les Nres manquent un bon vent.3 J’ai l’honneur d’étre bien sincerement Monsieur votre très humble servt Peltier Du Doyer 1Voir tome IV, lettre 719 n. 3. lettre 752. 3C’est-à-dire le convoi du Fier Roderigue. 2Voir 111 CORRESPONDANCE 778. A Benjamin Franklin Copie Mr franklin Paris ce 14 mars 1779 Monsieur Je reçois une lettre de mon correspondant de Nantes qui m’apprend que le Procureur de Mrs les Députés des treize etats unis a reçu un nouvel ordre de me poursuivre sur la vente de la cargaison de la Therese. 1 Comme Mr Arthur Lee a paru à Nantes à l’instant où le Procureur a declaré qu’il avait un nouvel ordre de me poursuivre, on présume que l’ordre est émané de lui. Mais moi qui sais que vous etes, Monsieur, le seul Ministre en droit de donner aujourdhui un pareil ordre; avant de présser mon correspondant de me defendre juridiquement, mon respect pour vous m’engage à vous donner avis de ce qui se passe à Nantes, et de vous prier de vouloir bien me dire si votre intention est que j’aye le chagrin de soutenir un procès public contre la Députation en France d’une Nation à qui j’ai montré tant de devoûment. Comme je ne puis me laisser poursuivre et condamner par défaut, il est essentiel, Monsieur que vous daigniez me répondre par le porteur même de cette lettre.2 Je me plais à vous donner cette nouvelle marque de ma déférence parceque je suppose qu’il y a ici quelque malentendu causé par l’animosité de Mr Lee. Je suis avec le plus profond respect Monsieur Votre XA 1Voir la lettre précédente. ne répond que le lendemain; voir lettre 781. 2Franklin 112 CARON DE BEAUMARCHAIS 779. Au comte de Vergennes Paris le 14 mars 1779 Monsieur Le comte J’ai lhonneur de vous adresser l’exposé fidèle de notre derniere conférence. L’obligation de me copier moi mesme sur ma minute, a cause du secret imposé, a retardé mon envoi jusqu’a ce moment. J’ai donné un ton elémentaire a ce compte rendu, afin que si Mr De Maurepas veut le montrer au Roi son inéxpérience en affaire aussi compliquée ne l’empéche pas d’en saisir toute la verité. Cette maniere a rendu necessairement mon 1e.r extrait plus long mais les autres n’en seront que plus courts. Notre premier travail sera sur les fermes de Lorraine il est tout prèt; aussi net pour les preuves et d’une disproportion encore plus chatouilleuse que le sel, entre la recette des fermiers et ce qu’ils payent au Roi. Les entrées de Paris viendront ensuite. Et je vous assure que notre inquisiteur m’a fort bien expliqué comment avant trois mois il aurait remis au Roi 40 millions sans impot, emprunt, ni saçade et comment il desirait que le plan de reforme commençat par faire venir le Roi tenir un lit de justice pour oter un demi vingtieme et promettre de plus grandes remises. Grand moyen d’attirer la confiance pour une administration nouvelle. Je me propose de saluer demain Mr Le Cte de Maurepas et de le prier de faire différer un certain arret du conseil concernant la caisse d’escompte, 1 qui doit nous mettre absolument dans la dépendance des Banquiers administrateurs. Je n’entens plus rien du tout aux idées de Mr Néker; peut etre est ce ma faute. CORRESPONDANCE 113 Vous conaisses Monsieur Le comte et mon respect et mon tres inviolable attachement. ______________________________________ Le fier Roderigue de 60 canons et le Zéphir2 de 20 canons mettaient a la voile, a linstant ou les deux vaisseaux de 74 rentraient, n’ayant pu tenir la mer.3 Cette facheuse lacune ne rendant que plus utile la croisière de mes deux vaisseaux; je me console, par l’amour du bien public, du tort affreux que me fait le retard forcé du départ de ma flotte. Je ne puis me figurer autre chose sur la rentrée des deux vaisseaux du Roi, sinon qu’on s’est trop pressé pour les jetter en plein océan, et quils ont été mal arrimés, ce qui n’est qu’un retard. Mais c’est le pauvre commerce qui en patira. ______________________________________ Pardon de ma mauvaise ecriture j’ecris dans mon bain ou je tremble de toutes mes forces. ______________________________________ Je joins ici la liste qui m’est venue de Londres de leurs dernieres prises sur nous du 5 mars. Mr le Cte de Vergennes. 1Voir tome II, lettre 378 note 2. tome IV, lettre 714 n. 2. 3Trois nouveaux vaisseaux (voir lettre 775 n. 1) étaient trop lourds du haut et ont failli chavirer. On a raccourci les mâts du Scipion et de l’Hercule et on a ajouté du lest au Pluton; voir Dull, p. 146. 2Voir 114 CARON DE BEAUMARCHAIS 780. Au comte de Vergennes A Mr le Cte de Vergennes Versailles ce Lundi 14 mars 1779 1 La ferme refuse le transit au commerce, et me l’accorde a moi seul si je veux en user. Je le demandais pour le commerce et l’ai réfusé pour moi seul. D’autre part la ferme consent d’accorder une prime de 5£ sur le prix de 80£, pour tout le tabac existant aujourdui dans les ports de france, si le Roi accorde au commerce la mesme prime de 5‹ Si le Roi pouvait faire ce sacrifice qui est d’environ 200 m.L., il n’y aurait plus de question, le commerce recevant 90£, aurait vendu a un prix mitoyen. Il s’evertuerait et j’en tirerais bon parti, aujourdui qu’il devient un instrument si nécessaire au systeme politique. Mais il est certain que si le Roi ne donne pas les 5£; la ferme n’augmentera de rien ses achats, parcequ’elle craint de payer le tabac plus cher en hollande, si l’on y sait qu’elle en a haussé le prix en france. Elle entend donner de la main a la main les mesmes 5£ que le Roi donnera comme prime d’encouragement, et laisser le prix public du marché à 80£. Mais comme voila 6 mois de perdus a batailler sans que rien se termine, et que le tems presse, je propose ici le seul moyen que j’aye trouvé de faire avancer la ferme a peu près malgré elle. Que le Roi m’accorde par une lettre ministérielle et ostensible la prime de 5£ a moi seul et comme recompense de mes travaux passés, ou comme encouragement pour l’avenir. Je dis a moi seul parce que mon intention n’étant point d’exiger cette prime accordée, cela ne tire pas a consequence: au lieu quil faudrait que le Roi la payat sérieusement s’il l’accordait au commerce. Voila la ferme bien forcée de me donner 85£ de tout le tabac qu’elle recevra de moi. Alors tel négotiant qui perd trop a 80£ mais que la douleur et la nécessité va forcer de vendre recevra de moi l’abandon de cette demie pistole de la ferme. Il me cèdera son CORRESPONDANCE 115 tabac que je lui payerai 85£, et que je rendrai pour le mesme prix a la ferme. Ainsi faisant jouir le comerce d’un avantage qui me semblait reservé; j’aurai le double bonheur d’avoir tiré d’embarras les armateurs, et de les encourager a suivre mon exemple en armant de nouveau. La ferme criera que je suis un homme adroit qui lui arrachant une demie pistole dont je favorise le commerce n’en met pas moins la demie pistole du Roi dans ma poche. Eh bien! qu’elle crie! Les sages ministres du Roi qui connaissent mon désintéressement, sauront que je fais par patriotisme ce que les fermiers croiront que je fais avec intérêt et cela me suffit. Qu’importe encore un coup pourvu que l’obstruction generale se leve et que le commerce recommence de nouveau à armer et nos manufactures a battre. [Si Mr le Cte de Maurepas approuve mon idée, il suffit d’une lettre ministérielle qui m’apprenne que l’on m’accorde une demie pistole de prime pour tout le tabac que je vendrai a la ferme XA]2 Si quelquun ne suivait pas avec une ferme volonté de reussir une affaire aussi epineuse elle serait dix ans arettée. Je me dévoue, si mon idée plait, il ny a pas un moment a perdre parceque le commerce est au dernier terme de ses embarras et de son desespoir. Mr Le Cte de Vergennes est suplié de me faire passer au plutot la réponse. 1Beaumarchais se trompe ou de date ou de jour; le 14 était un dimanche. 2Ce paragraphe entre crochets est barré dans la minute. 116 CARON DE BEAUMARCHAIS 781. De Benjamin Franklin M. Beaumarchais Passy, March 15 1779 Sir I know of no new Order being given relating to the Action against MR Peltier. I never heard of any being commenced against you.1 I am at present confined by the Gout; but should be glad to see you when convenient to you, that I may better understand the Affairs between us. I have the honor to be with much esteem, Sir, Your most obedient & most humble Servant B. Franklin M. de Beaumarchais 1Voir lettre 777. 782. Du comte de Vergennes [17 mars 1779] Si vous voulez bien, Monsieur, vous rendre ici demain jeudi à six heures du soir avec votre assistant, 1 je pourrai vous donner une bonne séance pour continuer le travail entamé la semaine dernière. Je vous préviens que j’aurai un adjoint qui a toute la confiance du mentor;2 je l’ai désiré, parce que dans une matière 117 CORRESPONDANCE d’une aussi grande importance on ne peut trop multiplier les observations. C’est toujours avec plaisir, Monsieur, que je vous renouvelle tous mes sentiments. Mercredi, 17 mars 1779. 1Note de Loménie: “C’était sans doute quelqu’autre financier associé à Beaumarchais dans ce plan de réorganisation de la ferme, qui n’eut pas de suite.” 2Note de Loménie: “Le mentor est M. de Maurepas. C’est une qualification que M. de Vergennes lui donne souvent dans ses lettres.” 783. De la comtesse de Beauharnais1 [avant le 20 mars 1779] Quoique je n’aie pas l’avantage d’être connue de vous, Monsieur, une âme telle que la vôtre a trop de droits à l’estime, pour que ma confiance puisse vous étonner. L’énergie qui vous caractérise honore votre siècle, autant qu’elle justifie la démarche que je fais; et, croyez-moi, dans ce siècle d’égoïsme et de pusillanimité, vous seul, Monsieur, pouviez me rendre l’espoir. Un ami souffrant, malheureux, digne d’un sort contraire; un ami que le chagrin accable (puisse l’amitié le sauver!), est l’objet de ma lettre. Et ne pensez pas surtout qu’il ait des torts, sa position n’en aurait que plus d’amertume, mon zèle n’en serait pas moins actif: je lui connais assez de vertus pour racheter bien des fautes: mais il est, ce zèle, il est de ma part un devoir, et non un procédé. M. Dorat,2 je ne crains point de vous nommer un de vos admirateurs les plus sincères et un des hommes du monde que méritent le plus d’intérêt, sans avoir à se reprocher rien, victime respectable d’un revers cruel, d’un de ces événements qu’on ne 118 CARON DE BEAUMARCHAIS peut prévoir, d’une banqueroute de libraire, dont sa délicatesse a voulu porter seul les embarras, après avoir satisfait à tout, se trouve aujourd’hui dans une gêne si affreuse et dans de telles inquiétudes, que sa santé s’altère, que la douleur le consume, et qu’une amie tremblante, même pour ses jours, ose, Monsieur, sans vous connaître, confier à votre honnêteté ses vives alarmes. Non, non, vous ne trouverez jamais plus de reconnaissance, ni une plus belle occasion d’exercer la noblesse et la générosité de vos sentiments; mais, hélas! Monsieur, il n’y a qu’une somme de vingt mille francs qui puisse le tirer de cette crise. Il les payerait en six ans, trois mille et quelques cents livres chaque année. Sa probité vous répond de son exactitude. L’honneur, et tout ce qui est sacré a un coeur sensible, n’ont pas besoin d’autres garants. Mais je le ferais, s’il le fallait... Mon Dieu, il n’y a rien que je ne signasse pour constater l’acte du service le plus important que vous puissiez jamais avoir rendu. Et, s’il vous était impossible de prêter cette somme, en cas que vous voulussiez bien en être la caution, je me chargerais, Monsieur, de la lui faire avoir. Ah! comment vous dire quelle joie je ressentirais en apprenant à M. Dorat que ses peines sont finies! Le calme, la sécurité, le sentiment si doux de la reconnaissance succéderaient, dans son âme, aux plus douloureuses agitations. Je vous conjure du moins, si une fatalité inouïe s’opposait à ce que je ne peux attendre que du coeur le plus rare, d’y renfermer le secret et les malheurs d’un ami bien précieux. Je vous avoue, Monsieur, qu’un refus, dans des circonstances aussi pressantes, me ferait tant d’impression, que pour l’adoucir, s’il est possible, il vaudrait mieux que vous rendissiez la réponse à ma lettre à un de vos amis et des miens, qui doit vous en parler. Cet ami est bien aimable, et il vous apprécie. J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante, La Csse de Beauharnais. 1Marie-Anne-Françoise Mouchard, dite Fanny de Beauharnais (1737-1813). Elle avait épousé le comte Claude de Beauharnais qui avait 20 ans de plus qu’elle. Elle se sépare à l’amiable de son époux vers 1762 et s’installle chez son père, rue Montmartre à Paris. Elle 119 CORRESPONDANCE y ouvre un salon littéraire fréquenté par Bitaubé, Dussaulx, Mably et surtout Dorat. Elle correspond avec Voltaire et le roi de Prusse. 2Voir tome II, lettre 534 n. 2. En 1779 Beaumarchais lui versa 9000 livres qui n’ont jamais été remboursées (Inventaire, p. 158, n. 275). Malgré ces secours de Beaumarchais, Dorat laisse 60,000 livres de dettes à sa mort en 1780; voir la lettre suivante. 784. A la comtesse de Beauharnais Paris, ce 20 mars 1779. Votre lettre, Madame la comtesse, m’a vivement pénétré. Jamais la douce amitié n’a peint sa sollicitude avec des traits plus touchants. Je vous connais, vous honore et vous aime sur cette lettre: mais que vous m’affligez en me demandant pour votre ami des secours au-dessus de mes forces! J’estime sa personne et fais le plus grand cas de ses ouvrages; par-dessus tout cela, je crois qu’il faut faire autant de bien qu’on le peut, pour être aussi heureux que notre état le comporte; tel est mon sentiment naturel et le fruit des réflexions de toute ma vie. Je m’y tiens sans faste et sans égard pour ce que les hommes disent ou pensent de moi. Revenons à vous, Madame. Votre confiance excite la mienne, et je dois vous parler sans détour. On se trompe sur la nature de mon aisance comme sur tout le reste de mon être. Je ne suis pas un fort capitaliste, mais un grand administrateur. La fortune de mes amis, confiée à ma prudence, me force dêtre circonspect et scrupuleux sur l’emploi de leurs fonds, d’où il suit que je puis bien venir au secours d’un ami souffrant pour 25, 50 ou 100 louis, en les prenant sur l’argent qui m’appartient dans mes affaires, mais que je ne puis aller plus loin sans déposer à ma caisse, en papier, l’équivalent de l’argent que j’en tire, et je sais trop que les malheureux n’ont point à donner d’équivalents solides aux fonds qu’ils empruntent; ils ne sont gênés que parce qu’ils en manquent. C’est donc avec bien de la douleur que je me vois dans l’impossibilité physique de prêter à votre ami la forte somme dont il a besoin. 120 CARON DE BEAUMARCHAIS Quant aux prêts personnels que ma sensibilité m’arrache sans cesse depuis quatre ans, ma maudite réputation d’homme riche a tellement accumulé ces demandes autour de moi, qu’il semble que tous les infortunés du royaume se soient donné le mot pour peser à la fois sur mon coeur et l’etouffer de déplaisirs. Je n’ouvre pas mes paquets sans oppression, toujours sûr d’y puiser le nouveau chagrin de connaître un infortuné de plus, sans pouvoir souvent le soulager. Telle est ma vie: de grands travaux, peu de succès; un état dispendieux, peu de fortune, et le cercle éternel de la plus douloureuse correspondance avec une foule de malheureux dont les maux sont devenus les miens. Si vous avez un ami qui me connaisse à fond, il vous dira que ce tableau de ma personne et de mon état est le plus vrai que je puisse offrir. Quoi qu’il en soit, Madame, engagez cet ami commun à me voir; puisqu’il a mérité votre confiance, il aura la mienne. Nous causerons de l’affaire de M. Dorat; il m’expliquera la nature de son malaise, ce qu’il craint, ce qu’il espère, et quand je serai mieux instruit, si je puis venir à son secours, soyez sûre, Madame, qu’en enterrant, avec la religion de l’honnêteté, tout ce qu’il veut tenir secret, je ferai l’impossible pour que votre confiance en moi ne lui soit pas tout à fait infructueuse. J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect, etc. Caron de Beaumarchais. [P.S.] Mon ami Datilly1 vient me parler au moment où je ferme ma lettre; son récit me perce le coeur. Il est bien certain que je ne puis disposer des 20,000 livres que vous me demandez; mais, encore une fois, si M. Dorat, qui me connaît peu, ne s’offense pas que vous m’ayez confié son douloureux secret, faites en sorte qu’il vienne en causer franchement avec moi, ou daignez m’en faire passer les détails, et toutes mes ressources sont à son service. CORRESPONDANCE 121 1Voir tome II, lettre 274 où ce vieil ami de Beaumarchais a déjà été mentionné; Gudin dit de lui qu’il était “guerrier brave et instruit, fidèle à ses devoirs, à ses rois, et mort, les armes à la main, dans les jours horribles de notre Révolution” (Tourneux, p. 13). Loménie cite une lettre d’Atilly où celui-ci montre son attachement pour Beaumarchais (II, p. 548). Loménie pense que cet ami est mort le 10 août en défendant la monarchie (p. 548). 785. A Montieu Copie M. de Montieu Paris le 20 mars 1779 Si je n’avais pas été retenu ici, Monsieur et ami, par des travaux majeurs et d’un genre ou ma presence ne peut être suppléee, vous m’auriez déja vu a Rochefort. Tous ces changements subits de partir, de rester, d’aller croiser, puis de n’y plus aller, puis de convoyer a Brest au lieu d’être convoyés nous-mêmes, ont mis dans ma teste un tel desordre que je suis désolé. Comment des affaires ou il va de toute l’existence peuvent elles être soumises à de telles variantes? Et vous me laissez ignorer, mon ami, les details que vous envoyez là dessus à MR de Sartines! de sorte que quand je le vois je ne puis seulement lui dire un mot sur mes affaires, dont il est par vous bien plus instruit que moi! Cette facon de marcher, qui me rend presqu’étranger aux choses qui m’interessent le plus, n’est point du tout a mon usage; et même hier au soir MR de Sartines en me lisant un long article de votre derniere lettre finit par me dire qu’il vous écrirait sur ce que vous lui demandiez en dedommagement, mais il ne m’expliqua rien; de façon que tout cela s’entend et s’agite de vous a lui et de lui a vous; sans que ni lui ni vous m’en disiez un seul mot. Vous avez beau me dire Soyez tranquille, je fais tout pour le mieux. Je ne suis ni tranquile ni content que tout ce qui interesse mon état d’Europe et d’Amérique et toutes les sollicitations ou reclamations ministérielles ne me passent pas par les mains. Quand vous 122 CARON DE BEAUMARCHAIS avez pris, mon ami, le département des ports; j’ai compté retenir celui de Paris et de Versailles et mon existence est telle ici, relativement aux rapports politiques que mes affaires et les votres ont avec celles de l’etat, que vous avez le plus grand tort de traiter autrement que par moi. Je vous ai deja dit que vous marchiez en aveugle sur un terrain que vous ne connaissez pas du tout. Mais enfin, mon ami, après l’avoir si souvent répété, je n’insisterais pas, si nos affaires n’étaient pas aussi importantes pour moi. Je l’exige donc. Vous n’avez pas non plus un seul mot de moi pour l’Amérique. Cette échaufourée de croisiere m’a fait croire que nous avions encore un mois a perdre, et voila que tout-à-coup ce n’est plus cela, nous partons pour Brest, et tous les paquets du ministre des affaires étrangeres et les miens pour francy sont a Paris. Est-ce que les vaisseaux peuvent partir sans tous ces paquets? La tête tournerait a Francy de ne pas recevoir un mot de moi. mon affaire actuelle n’est-elle pas liée avec le passé et l’avenir? Sans me rien expliquer MR de Sartines me dit hier que je vinsse a Versailles demain prendre une lettre pour vous, et que je fisse partir un courrier pour Brest ou pour Rochefort si je ne pouvais y aller moi-même. Cette maniere obscure de marcher dans mes affaires est une chose a laquelle je ne puis ni ne veux me soumettre. Je ne l’ai pas dit au ministre parce que je n’ai rien a lui prescrire et qu’il fait comme il lui plait. Mais vous, à qui l’amitié, la connaissance, et l’interêt me lient si serré; j’ai plus de droits de vous faire mes observations et je vais le faire avec la même franchise que je vous assure que je vous honore et vous aime de tout mon coeur. Marchons d’un pas égal si vous voulez que nous allions loin. Tous les details de commerce vous sont d’une familiarité qui me charme: ayez la bonté de votre part que je fais beaucoup mieux que vous ne le pouvez de 200 lieues de Versailles Jugez ce qui nous est convenable dans ce chaos d’évenement et d’opinions qui se choquent et se croisent dix fois par semaine. Si je ne suis point convoyé pour nos Iles, je ne suis point d’avis d’y aller sur nos forces, le théatre de la guerre est là. C’est ce que je dirai demain au ministre; et si je puis je partirai mardi 123 CORRESPONDANCE matin pour vous porter tous les paquets, et prendre ensemble nos dernieres décisions. Je vous embrasse. . . 786. Au comte de Vergennes Paris ce 21 mars 1779 Monsieur Le comte Recevés avec indulgence le 2e exposé1 de nos conférences et continués moi je vous prie une legére part dans vos bontés. Demain de nouveaux matériaux me mettront a mesme de vous offrir mercredi un nouvel extrait. Mon respectueux attachement est inaltérable. Mr Le comte de Vergennes. . 1Voir lettre 779. 787. A M. de Sartine Paris, ce dimanche 21 mars 1779 J’ai l’honneur de vous présenter un officier qui m’est recommandé par les plus honnêtes gens de la terre. M. Duchemin, colonel commandant de la Légion de Lauzun,1 ami depuis vingt ans de M. Cellier, me prie de joindre mes instances aux siennes pour obtenir ce sujet dans ce corps, si vous l’agréez. Si vous avez quelque chose à envoyer à Rochefort, mon courrier partira le jour de demain et s’en chargera. Je n’ai pas de nouvelle lettre de M. de Monthieu. Vous connaissez mon respectueux attachement. 124 CARON DE BEAUMARCHAIS 1Armand-Louis Gontaut, duc de Lauzun (1747-1793) colonel de l’armée française; il forma une légion en 1778 et en janvier 1779 reprit le Sénégal aux Anglais. 788. De la Société Typographique de Neuchâtel Paris Beaumarchais du 23E Mars 1779. Vous recevrez sans doute avec quelque surprise la lettre qu’ose vous ecrire une Societe qui ne peut point se fatter [flatter?] d’avoir l’honneur d’etre connue de vous. Les raisons autant d’amitié que d’interrest que nous soutenons depuis plusieurs années avec M. Panckoucke1 pourront legitimer cette demarche de notre part. Il ne nous avoit pas laissé ignorer l’acquisition qu’il venoit de faire des manuscrits en porte feuille de M. de Voltaire, et nous avions lieu d’esperer qu’il nous interreseroit dans l’entreprise qu’il avoit d’abord formée de les publier. Une lettre qu’il nous ecrit par ce courrier, nous apprend qu’il a remis tous ces manuscripts a une société qui vous a choisi, a juste titre, pour la diriger dans ces operations relativement a la publication de ces morceaux interresants. Et comme M. Panckouke nous avoit assuré en particuller que si ce [s’il se?] déterminoit a faire imprimer toute la collection pour son compte il donneroit a nos presses la preference sur toutes celles qu’il pourroit employer. Nous avons cru ne pouvoir nous dispenser, M. de vous les ofrir des aujourd’hui pour l’execution de la meme entreprise de vous presenter en peu de mots les raisons qui semblent concourir pour nous faire obtenir cette faveur. Nous nous fonderons d’abord sur la confiance que nous avons eu le bonheur de devenir les objets de la part de M. Panckouke et nous ne doutons point que cet ami ne vous confirme ce que nous [ ? ] et egard. A quoi il est essentiel d’ajouter que nous ne sommes pas des Libraires mais une societe de gens de lettre qui nous sommes chargé de diriger en cette CORRESPONDANCE 125 qualité une imprimerie [ne] consistant que pour ceux qui font les commerces de livres. D’ou il suit que vous pouvez compter M sur d’autres principes que ceux que l’on attribue aux commerce des des [sic] bibiopoles [bibliophiles?]. Nous ne craignons pas de dire que nous sommes connus sur ce pied la dans le monde et que nous avons fait nos preuves depuis l’origine de notre etablissement il ne seroit peut etre pas inutile pour le bien d’une aussi grande entreprise que son exécution Tipographique fut surveillée par gens plus instruits que ne le sont les imprimeurs pour l’ordinaire. Enfin nous alleguerons en notre faveur la singuliere liberté dont nous jouissons dans ce pays dont toutes les entraves sont bannies pour ce genre de travail comme pour tout autre, et la protection marquée dont le roy de Prusse notre souverain favorise la Tipographie neuchatelloise. Tels sont nos moyens M. C’est a vos lumieres superieures que nous osons les presenter mais il en est un encore vos bontés seules pouvant y mettre quelque prix. De tous ceux que vous pourriez employer pour executer l’entreprise en question il n’en est point qui sentit comme nous le ferions la gloire de la preference et lavantage d’etre les imprimeurs d’un ecrivain aussi celebre que vous l’etes connu dans l’europe entiere par des productions qui font l’eloge autant de votre coeur que de votre esprit. N. a. l’h. d’e. tr. r. Lettre difficile à déchiffrer à cause de l’écriture et du français. 1Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), le célèbre imprimeurlibraire, possédait la plus grande maison d’édition au dix-huitième siècle; dès 1777 il projetait une édition des oeuvres complètes de Voltaire avec la collaboration de l’auteur. Les premiers contacts de Panckoucke avec la Société Typographique de Neuchâtel datent de 1770. En 1776 les risques de censure qu’il redoute à cause de la situation politique en France d’une part, et l’importance technique de la librairie de Neuchâtel de l’autre, l’incitent à penser à cette société pour l’édition d’une nouvelle encyclopédie. Il est donc naturel que Neuchâtel lui vienne à l’esprit pour le Voltaire et qu’il propose la Société Typographique à Beaumarchais; voir TucooChala, pp. 353-4. Dans une lettre du 25 avril 1779, Panckoucke écrit à la Société Typographique de Neuchâtel: “J’ai parlé de vos presses à MR De Beaumarchais, qui doit vous avoir repondu. Il vient denvoyer à 126 CARON DE BEAUMARCHAIS Londres pour acheter les caracteres de Baskerville et je ne le crois pas encore bien décidé sur le lieu de limpression.” 789. De Meriwether Smith1 Philadelphia, April 1st 1779 Sir, The person who writes you this letter is unknown to you, but very sensible of the services you rendered to America, wishes to acknowledge the obligation he is under to you for your exertions in support of the Independence of these United States. It is with great concern, Sir, that I reflect on the injurious treatment you have received, in having those just remittances withheld from you, which would have enabled you to serve these States more effectually and secured to you the sensible enjoyment you wished for from essentially contributing to the sucess of so great and hazardous an undertaking, as that which America had begun. I flatter myself that your services are now so well understood by Congress that every possible measure will be adopted to make you a suitable return. I have taken great pains to investigate your transactions and to develop those mysterious representations which had been given of them by all our commissioners at Paris, and which had misled the judgment of Congress. Assisted by M. de Francy who, I assure you, has served you very faithfully and has met with difficulties not easy for you to comprehend, I have at last accomplished it. Permit me now to assure you of my esteem and friendship and to hope for the continuance of your good offices towards this yet distressed country; at the same time to express my wishes for the prosperity of your country and my unalterable attachment to the alliance. I have the honor to be, Sir, with real esteem, your most obedient and most humble servant, 127 CORRESPONDANCE Meriwether Smith 1Meriwether Smith (1730-1794) a été élu trois fois (en 1778, 1779, et 1780) délégué de la Virginie au Congrès; il soutenait Deane contre Lee dans leur fameuse querelle et restait toujours partisan convaincu de l’alliance avec la France. 790. D’Honoré Ganteaume1 [3 avril 1779] Monsieur, Trop jaloux d’être à votre service et résolu d’être entièrement soumis à vos volontés, je n’ai pas osé me refuser aux ordres que m’a donnés M. de Montieu, les regardant comme venir de votre part, d’embarquer sur le Fier Rodrigue, malgré que mon pressentiment m’y annonçât tous les désagréments possibles. Je ne vous cacherai pas cependant que j’ai laissé entrevoir une grande répugnance à cela à M. de Montieu, mais il était trop prévenu déjà contre moi sans doute par M. Montaut pour daigner écouter et se prêter à mes raisons. C’est pourquoi je n’oserais hésiter un seul instant à venir vous prévenir là-dessus et à vous exposer l’infortune que j’éprouve. Je l’appelle infortune, attendu que je me vois ravir, par la politique de M. Montaut, les occasions de vous prouver mon zèle et ma reconnaissance. Il vient de me donner le poste le plus inactif qu’il y ait dans un navire, il m’a fait chef de prise, et non content encore de me mettre par ce moyen dans l’impossibilité de me faire valoir, il me prive encore de toutes les prérogatives attachées au grade qu’il m’a donné. Je suis ici entièrement surnuméraire, ou pour mieux dire, à charge. J’ai eu ce poste parce qu’il m’en fallait un, mais sans autre égard et même moins de relief que si j’eusse été patron de canot, comme j’étais du principe, et cela sans doute parce que vous avez 128 CARON DE BEAUMARCHAIS paru vouloir m’honorer de votre protection. D’ailleurs M. Montaut se rappelle toujours que j’ai été matelot sous lui, et malgré que je l’aie satisfait dans le voyage en cet état, comme j’ai écrit contre sa sévérité au retour, cela m’attire son ressentiment. ...................................................................................................... ........ Cependant, malgré toutes les préventions que peut avoir M. Montaut contre moi, j’ose espérer forcer son équite à me rendre justice au retour de ce voyage. Guidé par le désir de vous prouver mon zèle et mon dévouement, je me propose de vaincre toutes difficultés. J’espère que vous voudrez bien au retour me faire l’honneur de demander des informations de ma conduite à M. Montaut, et l’idée qu’il vous en fera d’avantageuses me soutient et me tient aujourd’hui lieu de bonheur. J’ai l’honneur d’être avec un très-profond respect et une reconnaissance des plus vives, Monsieur, votre, etc. H. Ganteaume. En rade de Brest, le 3 avril 1779. 1Honoré Ganteaume (1755-1818) avait été nommé lieutenant de frégate auxiliaire en 1781. Entre 1781 et 1785 il participa à divers combats aux Indes orientales. Il se distingua sous Napoléon, fut nommé membre du conseil d’Etat et président de la section du Maine en 1800. En 1804 il devint vice-amiral et finalement amiral chargé du commandement de l’armée navale de l’Océan. Decoré du cordon de commandeur de Saint-Louis en 1815, il termina sa carrière comme inspecteur général des classes. 791. A Francy Paris, 3 avril 1779 Cette lettre vous arrivera par la frégate française qui va en droiture à Boston. CORRESPONDANCE 129 Mon Francy, je joins ce mot particulier à la lettre que je vous envoie par M. Holker.1 Le défaut de matelots a retardé le départ du fier Roderigue depuis le mois de novembre jusqu’à ce jour. Il part enfin, avec neuf vaisseaux qu’il convoie.2 Il passe par Saint-Domingue où il porte des troupes et des farines pour le Roi; de là il se rendra en Virginie avec sa petite flotte et puisse-t-elle vous arriver en bonne santé et sans échec!3 Je joins ici copie figurée de votre brevet de capitaine d’infanterie dont l’original part sur le fier Roderigue avec tous mes paquets et je joins cette copie, afin que vous jouissiez plus tôt de cet objet de vos désirs que j’ai plutôt arraché qu’obtenu. Mme de Willers4 veut que vous receviez d’elle votre épaulette; mais je doute qu’on l’ait apportée avant le départ du courrier. Vous connaissez tous mes sentiments. Remetez promptement l’incluse à M. Gérard. Dans le paquet par le fier Roderigue, il y a une lettre très particulière pour vous; ayez soin de la bien chercher. Les tabacs ne peuvent se vendre plus de 80 lt en France et encore avec peine. lettres 775bis., 793 et 794; pour Holker voir lettre 746. lettre 805. 3Ce qui ne sera pas le cas (lettre 827). A cause des événements de la Grenade, la réquisition du Fier Roderigue (voir lettre 806 n. 5) forcera Beaumarchais à réclamer pendant des années les dommages qui lui sont dûs pour la perte de son vaisseau. 4La compagne de Beaumarchais; voir tome IV, lettre 636 n. 8. 1Voir 2Voir 792. A Francy Paris, ce 3 avril 1779 Le courrier était parti, mon cher, mais Mme de W n’entend point de raillerie. Elle veut, si cela est possible, que vous portiez la première épaulette de sa main.1 130 CARON DE BEAUMARCHAIS Je vous en envoie donc de sa part une en or, une en argent, selon que vous choisirez votre uniforme. Je renvoie promptement à la poste, car on a beau être maître chez soi, il faut obéir quand on a de tels compagnons. Le négligent Cantini qui ne vous a pas écrit ne vous en aime pas moins. Il me charge de vous en assurer. Dans cette maison il faut que j’aie la peine de tout. Sur ce que vous m’avez écrit de Des Epiniers, nous comptons le voir arriver de jour en jour et personne ne lui écrit. 1Voir la lettre précédente et lettre 775bis. 794. A Holker Paris, ce 3 avril 1779 M. de Beaumarchais qui a l’honneur de saluer Monsieur Holker, le prie de vouloir bien faire parvenir, par la voie la plus prompte, l’incluse à M. de Francy, laquelle renferme un paquet du ministre pour M. Gérard. Il prie Monsieur Holker d’agréer l’assurance de tous les sentiments respectueux qui lui sont dus. 794. A la comtesse de Beauharnais Paris, 5 avril 1779. Je n’ai point vu votre ami, Madame la comtesse; est-il encore à la campagne, ou désapprouve-t-il la douloureuse confidence que vous m’avez faite? 1 CORRESPONDANCE 131 Il serait bon pourtant que nous eussions une conférence avant mon départ pour Bordeaux, qui sera sous peu de jours. Il ignore peut-être quelle force et quel courage on puise auprès d’un homme sensible et éprouvé par la mauvaise fortune. Je suis cet homme-là, et, très-différent des gens dont le sort a changé en bien, je me plais à consoler les infortunés qui ont du mérite, et à leur rendre ce ressort si nécessaire à l’âme, que le malheur détend toujours. Peut-être à force d’y rêver, ai-je trouvé le moyen de l’aider à sortir de la détresse qui le tue. Enfin je ne sais, mais quelque chose me dit que je ne lui serai pas tout à fait inutile. Je frémis quand je pense qu’un moment de désespoir a coûté la vie à ce pauvre Mairobert,2 qui avait mille voies pour se relever avec éclat du mal que lui causait un jugement un peu léger peut-être. Il avait demandé à me voir; il avait, disait-il, besoin de mes conseils. Sans savoir quelle était sa peine, je lui avais écrit qu’il serait toujours le bien-venu, car je le connaissais depuis vingt ans pour mauvaise tête et galant homme. L’arrêt du parlement est sorti soudainement; il s’est tué. S’il ne méritait pas son jugement, il a mal fait de quitter la vie: on revient de tout avec du courage et de la patience; s’il était coupable, je lui pardonne: on ne survit pas à la honte méritée. Ici le cas est très-différent; mais ce Mairobert m’a jeté du noir dans l’âme, je n’aime pas qu’un infortuné souffre sans communiquer ses peines: on ne sait jusqu’où la tête en cet état peut s’exalter. Encore un coup, Madame, envoyez-moi votre ami, que je le voie, qu’il m’entende! Et, s’il est possible, nous parviendrons à le sauver par la réunion de ses efforts et des miens. J’ai l’honneur d’être avec respect, etc., Caron de Beaumarchais. 1Dorat; voir lettres 784 et 785. Pidanzat de Mairobert (1727-1779) a coopéré au journal manuscrit qu’on rédigeait chez Mme Doublet de Person. Il était grand amateur des nouveautés littéraires et assistait à toutes les premières représentations. Il était censeur royal et tenait aussi le poste de secrétaire des commandements du duc de Chartres. Il avait la confiance de MM. de Malesherbes, Sartine, Albert et Le 2Mathieu-François 132 CARON DE BEAUMARCHAIS Noir. Compromis dans l’affaire du marquis de Brunoy, il s’ouvrit les veines dans un bain chaud, puis s’acheva d’un coup de pistolet. Il a parlé de Beaumarchais dans son Observateur anglois; voir Correspondance secrète, tome VII, p. 99. 795. Au comte de Maurepas Paris ce 9 avril 1779 On renvoye pour plus de sureté à Monsieur de Beaumarchais son billet Il peut venir cette apres midi.1 Monsieur Le comte A l’instant de partir, je recois un avis particulier d’angleterre d’un si doux intéret qu’il est indispensable que je vous en fasse part2 et que je vous prévienne de tout ce qui doit arriver autour de vous pendant mon voyage. J’envoie un postillon exprès pour recevoir de vous l’indication de l’heure a laquelle vous serés libre. Vous savés que je n’insiste pas sur les objets ordinaires; mais celui ci est fort extraordinaire et mérite l’honneur de votre attention. J’attens vos ordres. Je vous suplie de jetter au feu ce billet Mr Le Cte de Maurepas 1Ces mots sont sans doute écrits par le destinataire. 2Dans une lettre du comte de Vergennes à Montmorin datée du 12 avril 1779, on lit: 133 CORRESPONDANCE “Nous avons ici, M., un émissaire anglois. . . . Il ne s’est encore adressé ni à M. le C te de Maurepas ni à moi, mais il a vû une personne qui nous est affidée et lui a fait entendre qu’on nous donneroit tout si nous voulions nous séparer des Américains . . . ” (Doniol, III, pp. 801803). Plus bas Vergennes nous apprend que l’émissaire est le propriétaire du CE donc il s’agit de Samuel Swinton (voir tome IV, lettre 678 n. 1 et lettre 798) et la “personne” à laquelle il s’est adressé est Beaumarchais; voir lettres 798 et 799 et von Proschwitz, CE, I, pp. 75-80. 796. A Roubeau1 à bord du fier Roderigue Paris, le 10 avril 1779 Je vois avec peine, Monsieur, que vous n’êtes pas content du fret que M. Monthieu vous a compté pour les farines qu’il vous a cédées. Je n’ai pas M. de Monthieu sous ma main pour savoir quelles sont ses raisons, mais voici ce que je présume. J’ai prié cet ami de vous donner à prendre sur M. de Francy une somme de 6.000 lt en marchandises d’Europe tirées de ma cargaison. Il pouvait le faire uniquement et ni moi, ni vous, n’avions à nous plaindre de lui. Il me paraît que vous avez désiré de profiter du bénéfice à espérer sur la vente des farines à la Martinique ou SaintDomingue. Mais ces farines, dont le retard de six mois a rendu la spéculation très malheureuse exigeaient de notre part les plus grands soins pour réparer nos pertes. Le premier de tous était sans doute d’en porter le plus possible, au moment où elles sont si chères dans nos îles; vous en prenez une pacotille et cette pacotille tient la place de trente-trois autres barils, donc le bénéfice extrait dans le dédommagement de nos pertes. M. de 134 CARON DE BEAUMARCHAIS Monthieu a dû calculer toutes ces choses et régler le fret en conséquence. Voilà ce que je présume. Si ce parti vous paraît onéreux, je vous offre avec plaisir encore le choix. Laissez les farines et M. de Francy vous remettra net en Virginie les deux mille écus en marchandises d’Europe sans aucun fret: alors le bon office que je me suis fait un plaisir de vous rendre est dans toute son intégrité. Déclarez donc au capitaine, au reçu de cette lettre, que vous vous en tenez à recevoir six mille francs en marchandises d’Europe à la Virginie, et, à votre arrivée, montrez cette lettre à M. de Francy. Sur sa lecture jointe à l’attestation de votre choix par le capitaine fait à la rade de Brest, la somme entière vous sera délivrée. Par cet acte de justice, je relève toute espèce de plainte à faire sur M. de Monthieu; car ayant le choix, il y a apparence que vous préférerez le plus avantageux. Je vous souhaite le plus heureux voyage. Vous rencontrerez dans M. de Francy la même honnêteté que vous avez dû attendre de moi. Et j’ai l’honneur d’être, en attendant de vos nouvelles, avec tous les sentiments que vous me connaissez, Monsieur, . 1Voir lettre 783. 797. Au comte de Maurepas Paris ce 11 avril 1779 Mr Le Cte de Maurepas pour vous seul Monsieur Le comte Mon négotiateur1 qui est réelement un homme fort honèste n’a pas pu s’empecher de voir la négotiatrice que je vous ai CORRESPONDANCE 135 nommée, et il ne l’a pas pu, car elle avait été prévenue de son arrivée par une lettre de Londres et elle avait payé le portier de l’hotel où il devait descendre, pour l’avertir sitot que l’homme serait déboté. Il l’a donc vue. La 1è re chose qu’elle lui a demandée, c’est s’il n’avait parlé a personne de cette affaire. — Non Madame — Me donnés vous votre parole que vous n’en avés rien dit a Mr De B... car vous avés été chez lui en arrivant? Mon négotiateur un peu etonné de se voir si bien dépisté a repondu quil me connaissait beaucoup, et m’avait quelques obligations mais quil me croyait trop partisan de la guerre pour oser m’entretenir de Paix. Et elle le regardant toujours entre deux yeux comme un Juge qui interroge a reprise Prenés y bien garde ce n’est pas que Mr De B... ne soit un homme de sens ou d’esprit... (Je ne sais de quel autre eloge elle a orné mon portrait) Mais, a telle ajouté, c’est qu’il commenceroit par aller tout dire ou a Mr De Maurepas, ou a Mr De Vergennes et alors je ne m’en mèlerais plus du tout. L’homme l’a beaucoup rassurée; mais pour ne pas s’avancer avec elle, il a prétexté que les conditions sur les quelles il avait ordre de sa cour, de sonder les dispositions de la notre lui avait paru a lui mesme si impossibles a obtenir, qu’il avait cru a son arrivée en france devoir l’ecrire a Lord North pour l’engager a modifier ces conditions, Et qu’il attendrait la réponse avant de rien entamer. Il s’est ainsi dégagé. Il ne se fera donc de ce coté ni besogne ni bruit. Je lui ai fait un résumé de mon opinion particulière qu’il s’occupe à mettre en anglais pour l’envoyer au noble lord au ruban bleu2 Je lui ai laissé la liberté de me nommer parce que je ne tire pas a conséquence. Il doit me le rendre a midi comme je compte partir ce soir et que cette affaire seule m’a retenu, J’aurai l’honneur de vous envoyer par votre courrier de demain la copie littérale de ce que je lui ai remis que je vous prierai de montrer a Mr le cte de Vergennes et J’espère que vous ne serés mécontent ni l’un ni l’autre de la façon dont J’ai rompu la sale intrigue d’argent et dont J’ai entamé de plus honnêtes accesoires . Ce premier effort qui ne commet personne pose au moins les seules bases sur les quelles les tres empétrés ministres anglais puissent se flatter de traiter avec la france. 136 CARON DE BEAUMARCHAIS Permettés moi de vous répéter que Mr Neker n’a pas encore ecrit a Mr Paulze 3 J’ai vu ce dernier hier matin. Il me l’a fort assuré. C’est ainsi que lorsqu’on croit tout fini; le Diable trouve au moins le moyen de retarder le bien qu’il n’a plus l’espoir d’arretter entièrement. Mon devoûement respectueux et inaltérable. Je vous suplie de bruler ma lettre 1Swinton; voir lettre 796 n. 2 et la lettre suivante. qui était chevalier de l’Ordre de la jarretière. 3Voir lettres 736, 753, 761, 770 et 772 . 2North, 798. A Swinton Ce 11 avril 1779. Puisque vous me faites l’honneur, mon cher Sw..., 1 de me consulter sur le grand objet qui vous attire en France, je dois à l’estime que je fais de vous de penser tout haut avec vous sur cette affaire: écoutez-moi donc. Laissez là, mon ami, toute espèce d’intrigues et de dépenses qui ne vous mèneraient à rien et pourraient vous nuire, et retenez bien ce que je vous communique. L’Angleterre, accablée sous le poids de la faute qu’elle a faite en s’aliénant l’Amérique, doit extrêmement redouter d’aggraver son mal, en continuant une guerre avec la France, qui ne lui rendra point l’Amérique, et qui, par la réunion prochaine des forces de la maison de Bourbon, et la tournure que prennent les choses en Hollande, peut la jeter dans des embarras dont rien ne pourrait plus la tirer. CORRESPONDANCE 137 La France, absolument sans ambition sur l’accroissement de sa puissance, n’a aucun intérêt à faire la guerre. Le seul qu’elle eût d’abord à la querelle entre l’Angleterre et l’Amérique était de voir son ennemie tellement occupée par le soulèvement de ses colonies, qu’elle n’eût rien à redouter de cette rivale, toujours injuste envers nous, comme on sait, quand elle peut l’être impunément. L’Angleterre n’a pas même le droit de nous reprocher notre traité avec l’Amérique, quoiqu’il soit l’unique prétexte de ses hostilités: 1° Parce que ce traité n’a été conclu qu’à l’instant même où l’Angleterre en allait proposer un semblable à l’Amérique, et nous exposer au ressentiment de cette république, qui depuis trois ans ne cessait de solliciter notre alliance: forcés de traiter avec les Anglais, dont les Américains avaient tant à se plaindre, notre refus obstiné les aurait enfin réunis avec l’Angleterre pour tomber sur nous, et nous punir, s’ils avaient pu, d’avoir refusé leur alliance; 2° Parce que ce traité, le plus modéré de tous, n’est pas exclusif, et n’empêche pas même que l’Angleterre n’en fasse un pareil avec les Américains en faveur de son commerce, le jour qu’elle reconnaîtra les treize Etats-Unis pour une puissance indépendante. Voilà, si je ne me trompe, le véritable état des choses. Maintenant vous désirez savoir à quel prix vous pouvez espérer la paix: voici ce que j’en pense; et, sans être dans le secret de l’administration, j’en connais assez le bon esprit pour croire ne pas me tromper dans mes conjectures: Si l’Angleterre exige, pour base de la paix, que la France abandonne les intérêts de l’Amérique, je ne connais aucun avantage qui pût balancer dans tous les esprits, en commençant par notre jeune roi, l’horreur d’une pareille lâcheté. Mais si l’Angleterre, désirant sincèrement la paix, met à part cette condition à jamais inacceptable, je ne crois pas qu’elle rencontre beaucoup d’obstacles sur les autres conditions: car ce n’est ni par ambition, ni par amour de la guerre ou des conquêtes, que nous guerroyons, mais par le juste ressentiment des procédés affreux des Anglais à notre égard. 138 CARON DE BEAUMARCHAIS En deux mots, le traité avec l’Amérique, qui ne portait d’abord que sur un intérêt de convenance, est devenu pour nous une affaire d’honneur au premier chef: respectez ce traité, vous nous trouverez beaucoup plus accommodants que vous n’osez l’espérer. Que si vous croyez que vos offres puissent recevoir des modifications, n’oubliez pas que l’Espagne s’est rendue en quelque façon médiatrice entre nous; qu’en cette qualité elle a droit aux égards que sa bonne volonté mérite, et que c’est peutêtre la seule voie décente aujourd’hui par laquelle on doive nous faire des ouvertures de paix. Votre mission, mon cher ami, me paraît donc ou tout à fait impossible, ou d’une extrême facilité: impossible, si les droits des Américains ne sont pas à couvert; très-facile, si le ministère peut trouver un milieu pour sauver l’honneur de la couronne d’Angleterre, en laissant à l’Amérique la liberté qu’elle a si bien gagnée; Et surtout si elle nous fait passer des propositions honorables par la cour de Madrid, dont les procédés nous engagent à ne rien écouter ni recevoir que par son canal. Je crois franchement, mon bon ami, que tout le succès, que toute la politique de votre affaire est renfermée dans cette courte instruction, que je vous consacre de bon coeur, 1° Parce que je la crois juste, 2° Parce que l’opinion d’un particulier comme moi ne tire pas à conséquence. Partez avec cela, pour qu’on ne vous accuse pas de faire ici des choses que je sais aussi éloignées de vos principes que contraires au bien même que vous voulez procurer aux deux puissances. 1Swinton (voir lettre 796 n. 2) est peut-être venu préparer le terrain pour un représentant anglais plus important que lui-même parce que la Correspondance secrète dit le 23 juin que: “c’est un fait notoire que le chevalier d’Angleterre est venu ce mois-ci incognito, qu’il a passé trois jours à Versailles, pour traiter d’une paix ou d’une treve, mais il s’en est retourné assez peu satisfait, dit-on, des réponses 139 CORRESPONDANCE du ministère de France, & des conditions qui lui ont été prescrites” (VIII. p. 105). 799. De Dorat Ce 12 avril 1779. Monsieur et cher ami (après vos procédés avec moi, permettez que je vous donne ce titre), quel plaisir j’éprouve à vous assurer que je suis sorti de chez vous avec un poids énorme de moins, pénétré de la plus douce reconnaissance, et consolé pour la première fois depuis trois ans que je lutte avec un courage intérieur bien pénible contre toutes les crises de ma situation! Il n’y avait sans doute que vous au monde qui pouviez m’en tirer; quand on m’a prononcé votre nom, il m’a tranquillisé. La même force d’âme qui vous a fait terrasser tous vos ennemis s’est tournée en sensibilité pour les malheureux, et je m’applaudis, à travers vos talents si brillants et si aimables à la fois, d’avoir démêlé vos vertus. Je vous dis tout ce que mon âme, que vous avez soulagée et qui s’épanche librement avec vous, m’inspire de sentiments vrais sur votre compte; c’est une jouissance pour moi d’avoir des raisons d’aimer ce que j’ai toujours estimé. Vous m’avez demandé l’état actuel de mes affaires, le voici: je dois à peu près soixante mille francs; pour la moitié, j’obtiendrai du temps; mais mon honneur, mon repos, ma santé, disons tout, ma vie, demandent que je paie le reste dans le cours d’un an ou de quinze mois, à différentes époques: tous les engagements que je prendrai avec vous seront sacrés; je les signerais de mon sang. Mme de B...,1 dont la fortune sera considérable, s’engagera au besoin, et deux êtres intéressants vous offriront avec les larmes de la reconnaissance deux âmes qui n’en font qu’une. Pardonnez au désordre de ma lettre et de mes idées j’éprouve en vous écrivant un attendrissement involontaire. Je crois qu’à force de bienfaisance vous m’avez rendu meilleur encore que je ne suis, et 140 CARON DE BEAUMARCHAIS à coup sûr je n’étais pas méchant; revenons et déposons dans votre sein le poids qui m’oppresse et me tue... 1Beauharnais; voir lettres 784, 785 et 795. 800. De M. De Néelle1 le 14 avril 1779 Monsieur, Si je n’avais été très incomodé pendant plus de ces deux mois je vous aurois envoyé plustot les pièces justificatives qui constatent le payement de 912£ que j’ay fait pour vous sur les 19 premieres représentations de votre piece du Barbier de Séville. Je me flate, Monsieur, que vous voudrés bien, et comme vous me l’avés promis, me faire parvenir par la voye de la petite poste, votre mandat sur M. Bellot, caissier de la Comedie Françoise, a compte de la somme, que Les Comediens vous redoivent. Cela ne peut faire aucun inconvient [sic] a vos droits. Je vous avoüeray franchement que je n’ay pas le premier sol pour le payement de 1000£ que je leur dois ces jours cy et je me trouverois dans le plus grand embarras si vous differiez a me l’envoyer promptement, toutes mes resources etant entièrement épuisées. J’ay l’honneur d’estre avec un tres sincère attachement Monsieur, Votre humble et obeissant serviteur, De Néelle rue du fauboug ST Victor 1 Il tenait les registres et contrôlait les droits d’auteur de la Comédie Française. 141 CORRESPONDANCE 801. Du baron von Steuben1 Rep le 8 avril 1780 A Philadelphie Le 21 Avril 1779 Mon cher & respectable ami Autant qu’il m’est doux de vous ecrire et de vous dire combien je vous aime, autant je suis désespéré quand mes lettres tombent entre les mains des Matelots Anglais, ou qu’elles sont noyés dans l’Atlantique. Il est aussi desagréable d’écrire pour des Pirates, que pour les Poissons. C’est cependant le sort de bien des lettres que je vous ai addressées, et probablement de celles que j’esperois recevoir de vous. Une seule m’est parvenue que notre ami Francy m’a remise — Ce digne Garçon travaille sans relâche pour vos interêts — Qui auroit cru qu’il seroit obligé de prouver par un Mémoire volumineux que R. Hortalez & C ie avoit rendu quelques petits services a l’Amerique? Cependant c’est ici le cas. — Il se trouve des Basiles 2 partout, & il paroit que cette chienne de famille a transplanté de ses neveux même dans la vertueuse Amérique. — Oui, mon ami, cette race se déchaine singluièrement contre vous. Elle vous rend aussi celebre en Amerique qu’en Europe. — Les Baziles vous pendent, et les honnêtes gens vous érigent des statues. Mais j’espère que le Mémoire de Francy enverra coucher les Baziles. Vous voyez donc mon cher ami, que c’est ici tout comme chez nous. Avec tout cela, si jamais vous avez été heureux dans votre choix, vous l’etiez dans celui de confier vos interêts à un homme aussi intègre, aussi habile & aussi actif que Francy. C’est un homme digne de votre amitié, digne de celle de tous ceux qui le connoissent et qui savent avec quelle ardeur il conduit vos affaires. Aussi n’ai je aucun doute que vous ne soyez entierement. Mais mon ami, chaque homme a ses Baziles & Francy n’est pas 142 CARON DE BEAUMARCHAIS sans les siens — Je lui en ai connu plusieurs pendant les cinq mois que nous avons été ensemble dans cette ville[.] Ses propres compatriotes n’ont pas manqué de le déchirer de la belle manière. — Comme il n’a pas jugé a propos de tenir la bourse de Roderigue Hortalez ouverte à tous les Chevaliers Errants qui se sont presentés, personne n’a été plus déchiré que lui. — “Le commis de Mr Beaumarchais roule carosse tandis que nous autres Gens de qualité, Marquis, Barons &c trottons dans la crotte jusq’aux genoux”. On lui a reproché qu’il donnoit à diner au President, aux Membres du Congrès & au Ministre de France3 — enfin mille choses de cette nature, qu’on m’a fait l’honneur de me communiquer malgré qu’on connoisse la liaison dans laquelle je suis avec lui; Je ne doute presque pas, mon cher ami, que des Gens serviables, ou peut être quelques personnes de qualité qui sont retournez en France, parcequ’ils etoient de trop ici ne vous ayent fait des rapports dans ce genre de la conduite de notre ami. Ne les croyez pas, je vous en conjure, je vous donne ma parole d’honneur que Francy est le jeune homme le plus rangé & le plus honnête que je conoisse. Ce sont ces mêmes repas qu’il a donnés, ainsi que la décence qu’il met dans toute sa conduite qui lui ont attiré cette consideration qui est absolument necessaire pour traiter des affaires aussi importantes que celles dont vous l’avez chargé. Il ne falloit pas moins pour le distinguer de la foule de petits speculateurs qui fourmille autour du Congrès & qui s’empressent de faire valoir leurs petites pacotilles au dessus de toutes les riches Cargaisons que vous avez envoyé dans ce pays ci. Confondu avec ces marchands d’allumettes le representant de R.H. & Ci.e auroit eu de la peine a se faire entendre, & je vous assure que vos affaires n’en auroient pas mieux marché, et seroient au contraire fort en arriere. Encore une fois, mon cher ami, soyez bien persuadé que vos affaires sont entre les mains d’un homme aussi honnête qu’intelligent. Renvoyez tous ces gens officieux qui voudront vous persuader du contraire. Ce sont des Baziles —Envoyez les coucher. A present un mot de moi! CORRESPONDANCE 143 Mes Baziles sont peut être aussi déja arrivés à Paris. Laissez les dire, & pardonnez leurs s’ils ne savent ce qu’ils disent. Mes affaires iront bien, elles ne le sont pas encore,4 sans quoi votre trésor seroit déjà un peu augmenté, mais encore un peu de patience et je vous enverroi beaucoup de lauriers et un peu d’argent.5 L’Amerique indépendante, & tout ira bien. — L’Amerique f — & je le seroi avant elle; alors adieu mes lauriers, tout est au Diable. Cet hyver je me suis occupé à écrire la nouvelle ordonnance qui servira de Code Militaire à notre Armée.6 Le premier tome est sous la presse — Me voilà donc Auteur, tout aussi bien que vous mon cher Collegue, à l’exception que mon ouvrage est en anglais, 7 je vous en enverroi un exemplaire. Si vous voulez le mettre en vers, libre à vous. Mais ce n’est pas la ou ma celébrite se borne. Bientot vous pourrez acheter sur le Pont Neuf une figure à deux sols representant l’Inspecteur General des Armées Américaines. Cette figure ressemblera à votre Ami & sera vendue avec la collection qu’on fait de ces honorables Gens que le Roi George 3 a condamné à Etre pendus. Vous souvenez vous de la boutique de la foire St. Ovide ou nous avons vu les bustes de Pugatschew, 8 de la reine Mathilde 9 & de des Ruës.10 C’est dans une collection pareille que vous verrez votre ami. Si vous n’êtes pas trop avare, vous pourrez en faire une belle decoration dans votre billard. Quand arrivera le fier Roderigue, Je desire son arrivée pour plus d’une raison. Demain je pars pour l’armée du Nord, votre neveu11 va avec moi comme Premier Aide de Camp, je ferai tout mon possible pour en faire un soldat avant qu’il devienne Lieut’ ColN Jusqu’ici il n’en a que le courage et l’intrepidité. Cependant, faites mes excuses à sa Maman de ce que son cher Augustin ne couchera pas toutes les nuits sur le duvet. Il depense bravement de l’argent, mais aussi vous enverra til autant de Boucauds de lauriers qu’il tire de Lettres de Change sur Roderigue. Pourvu qu’il s’applique au métier, je serai content, ce n’est pas à moi à le gronder pour quelques milles francs de depense, plus ou moins. Je vous embrasse mon digne ami et je suis avec la plus parfaite estime. 144 CARON DE BEAUMARCHAIS Votre tres humble et obéissant Serviteur S. 1Voir tome IV, lettre 637 n. 1. est, bien entendu, le nom donné au personnage du Barbier de Séville qui incarne la bassesse, la méchanceté, la corruption et qui soutient la calomnie comme moyen légitime d’arriver à ses fins. 3Voir lettre 746 où Francy parle de ce dîner. 4A l’exception de l’argent prêté par Beaumarchais, von Steuben était plus ou moins sans ressource. Bien que Washington l’aimât bien, il hésitat à lui donner un rang trop élevé, craignant de s’aliéner les généraux américains. Mais von Steuben força l’estime des autres officiers et deux semaines après cette lettre, le 5 mai, il fut choisi comme Inspecteur Général et promu Général de division. 5En fait, nous savons d’après l’Inventaire que von Steuben n’a jamais remboursé l’argent emprunté à Beaumarchais en 1777. 6Voir tome IV, lettre 637 n. 1. Connu comme le “blue book” parce que la première édition était reliée en bleu. Il contenait des règlements de manoeuvres pour l’infanterie et le rôle à tenir dans l’armée par chacun de ses membres, du simple soldat aux officiers. On a continué à se servir de ce livre jusqu’à la Guerre de 1812. 7Un officier français, Teissèdre de Fleury, a aidé à préparer le texte français et Duponceau (tome IV, lettre 636 n. 6) et Benjamin Walker, un aide de von Steuben, l’ont traduit en anglais. 8Yemelka Pougatchef (ou Pougatchew) (1726-1775) était un cosaque illettré qui, à un certain moment se disait Pierre III; celui-ci venait d’être mis à mort par sa femme, l’impératrice Catherine. Pougatchef avait mené une rebellion contre Catherine, mais fut pris et décapité à Moscou en 1775. Pouchkine a écrit une étude historique sur son action politique, L’Histoire de la rebellion Pugachev (1834), et s’en est servi pour son chef d’oeuvre en prose, La Fille du capitaine (1836). Il est curieux de noter que dans l’épisode de Vienne (tome II, lettre 284), Beaumarchais fut pris pour Pougatchef; voir Arnould, p. 63). 9Caroline-Mathilde (1751-1775), reine de Danemark qui, après la dissolution de son mariage avec Chrétien VII, roi de Danemark, a été exilée en Hanovre où elle est morte de la petite vérole à l’âge de 24 ans. Sa triste vie a inspiré plusieurs ouvrages qui compatissaient à ses souffrances. 10Antoine-François Desrues. Un criminel condamné à être brûlé en 1777 pour avoir empoisonné deux personnes, et dont l’histoire a donné naissance à un mythe. En 1828 une pièce sur sa vie, Desrues, a connu un certain succès à Paris. 2Bazile CORRESPONDANCE 145 11Des Epiniers; voir lettre 746 où Francy parle de ce neveu de Beaumarchais. 802. De Francy Le 27 avril 1779 philadelphie J’eus l’honneur de vous adresser le 15 1 feve.r diEr des duptTa des lettres sous les dattes des 10 novbRe 24 DO & 19 XbRe La pr.e emportée par MR Mullens aide de camp de Mr De Conway la seconde par MR De Conway luy meme et la 3m.e par un batiµt Americain allant a Nantes. Je joignis a ces DuptTa plusieurs lettres qui m’avoient eté remises pour vous, une du congrés dont vous trouveres cy joint le double, une du Baron de Stub... une de Mr Drayton Membre du congres que veut entretenir une correspondance avec vous, une de MR Deane, une de MR Carmikael et un paquet de votre neveu, mon paquet contenait en outre tous les details de la querelle de M.M. Deane & Lée, et une tres longue lettre relative a vos affaires et a la position ou je me trouvais alors; depuis qœues jours j’ai vu sur la liste des √aUx français conduits à New York le nom de celui sur lequel s’etait embarqué l’officier qui s’etait chargé de mon paquet (c’est le jeune achille2 de Bordeaux) ainsy a moins qu’il n’y ait deux bµens de ce nom la, mon paquet est a l’eau. Je ne crains pas qu’il soit tombé entre les mains des Anglais, mais je suis bien faché qu’il ne vous soit pas parvenu a tems, comme il contient beaucoup de choses qui ne sont que pour vous, je n’ai pu rencontrer depuis ce tems une occasion sure pour vous en adresser le duptTa le batiment qui portera cette lettre cy est americain, et comme je ne connais personne du bord, je n’hazarderai pas a entrer dans des details qui me comprometraient en cas d’accident. dans qœues jours j’espere avoir une occasion tres sure par la quelle je vous ferai 146 CARON DE BEAUMARCHAIS passer l’historique de tout ce que j’ay fait depuis que je suis a philadelphie, d’après la lettre que vous a ecrit le congrés et que vous avez ci jointe vous croiries sans doute que je n’ai plus trouvé d’obstacles a surmonter et peut etre soupconeres vous que c’est en partie ma faute, si vous ne receves pas des retours, mais il me sera tres aizé de vous prouver que je n’ay rien epargné pour vous faire rendre la justice qui vous est si bien dûe, et que depuis que je suis dans ce pays ci je n’ai jamais eprouvé autant de difficultés qu’actuelement. apres le resolvet du 14 jiEr diEr dont je vous envoye cy joint copie et la lettre qui vous a eté ecritte, j’esperais qu’on ne s’occuperait desormais que des moyens de vous faire passer de prompts retours afin de vous mettre a meme de faire de nouveaux envoyes, au lieu de cela le party opposé a vos pretentions a insinué a Payne 3 le marin [malin?] de ce pays cy que ces fournitures n’étaient pas un present du Ministere, mais que des particuliers francais avoient fait une souscription pour faire passer ces sécours aux Americains comme un present et que vous n’avies jamais eté que l’agent de ces genereux particuliers, mais que MR Deane ayant un interet personel a acheter en france et non pas a y recevoir, parce quil devait toucher une commission sur tout ce qu’il acheteroit, vint a bout de persuader a ces etres imaginaires de ne pas paraitre dans cette affairre la et de vous laisser reclamer le prix des fournitures envoyéés. De pareils rapports tout absurdes qu’il ne sont, ne laissent pas que de produire un tres mauvais effet pour vos interets ils servent a entretenir les soupcons des gens faibles (et le nombre en est tres grand) et à empêcher l’exécution de toutes les promesses qu’on m’a si souvent reiterées, il est impossible de vous donner une idée juste de la maniere avec la quelle une affairre d’une aussi grande importance pour le crédit et l’honneur des etats unis est traittée, j’ay pris patience aussi long tems que j’ay pu, j’ay mis en usage tous les moyens doux et honnettes pour démontrer l’injustice des procedés que l’on a pour vous, j’ay sollicité sans relache des retours, j’ay proposé plusieurs plans, en un mot j’ay epuisé toutes les ressources imaginables; et apres avoir toujours recu des reponses asses honnettes, apres avoir obtenu des Resolvets sur les quels je croyois pouvoir compter, je n’en suis pas plus avancé, cela vous paraitra incroyable, mais je suis a meme CORRESPONDANCE 147 de vous en donner toutes les preuves que vous pourres exiger. enfin ennuyé d’etre sans cesse a importuner le congrés et de ne jamais recevoir aucune reponse satisfaisante, j’ay pris le party de reunir tous les details de ce que vous avez fait et de porter mes plaintes au congres des lenteurs inouies que j’eprouve. J’ay d’abord fait l’historique abregé des services que vous avez rendu a la Republique et du desinteressement avec le quel vous l’avez servie en appuyant les faits que j’ay rapporté de vos lettres et des autres preuves que j’ay recueillies depuis que je suis yci, j’ay ensuite repondu a toutes les absurdités debitées par M.M. les commissionnaires et il ne m’a pas été difficille de demontrer la fausseté de leurs assertions par les contradictions continueles dans les quelles ils tombent avec eux memes, enfin je conclus ce memoire qui est long parce que c’est la derniere chose que je veuille ecrire jusques a ce que je sache de vous le party que vous aves pris par signifier au congres qu’ils doivent s’en prendre à leur lenteur et a leur mauvaise volonté s’ils ne recoivent pas les fournitures que je m’étais engagé que vous leur feriez passer, que de leur coté ils n’ont rempli aucune des conditions qu’ils avoient faite et qu’ils ne doivent pas esperer que vous ayies pu remplir les votres puisque vous devies recevoir des rétours avant de faire de nouveaux envoyes, j’ay mis sous un meme point de vue toutes vos operations depuis 1775 et la maniere dont vos services ont ete reconus, souvent l’indignation a fait soulever ma plume (pour me servir de votre expression) j’ay manqué 100 fois sortir des bornes que je m’etois prescrit, mais j’ay etouffé mon ressentiment; j’ay neamoins dit la verité, j’ay rapporté les traitemens que vous avies essayés de M.M. franklin, Lee et meme Deane lorsque vous eties le plus zelé partizan de la cause, je n’ay ménagé personne parce que personne ne veut rendre justice et quil est affreux que ces commissionnaires vous ayent representé comme ils l’ont fait. M. Deane que vous avez accablé de bienfaits et qui connait les services que vous aves rendu a son pays est beaucoup plus coupable envers vous que ses collegues et il vous a fait infiniment plus de tort queux en signant ces deux lettres sous les dates du 7 oct. 1777 et 16 fevrier 1779 ou il est clairement specifié que vous n’avez aucun droit aux reclamations que vous faites... y a t’il rien de plus vil que la conduite de ces 148 CARON DE BEAUMARCHAIS gens la a votre egard, j’ay tout lieu d’esperer que mon memoire fera le meilleur effet, je l’ai communiqué a plusieurs senateurs qui m’ont donné leur parole qu’avant peu vos services seroient recconus d’une maniere digne de vous et que vos ennemis auroient le temps de se repentir d’avoir trompé le congres sur votre compte. Je n’ay pas beaucoup de confiance dans leur promesses mais du moins j’aurai fait tout ce qui aura été en mon pouvoir pour m’aquitter de la mission dont vous m’aves honoré et repondre a votre attente lorsque vous lirez le memoire dont je viens de vous donner l’extrait vous seres a meme de juger de quelle maniere J’ay traitté vos affaires, comme il est extremement long je ne vous l’enverrai pas actuelement, mais il me servira un jour pour justifier ma conduite a vos yeux au cas que les delays incroyables que vous avez eprouvé dans cette affaire puissent vous faire soupconer que je n’aye pas menagé vos interets comme je l’aurois pu et comme je le dois vous pouvez aisément juger d’apres le portrait que je vous ay envoyé des gens avec qui j’ai a traitter et d’apres les prejugés qui subsistent contre vous lors de mon arrivée qu’il ne m’a pas été facile de leur faire entendre raison et cela n’est pas fort extraordinaire; A Lee a des le commencement conduit en erreur le congrés en vous annonçant comme un agent du Ministere et vos marchandises comme un present; pour soutenir cette absurde assertion il a fait uzage de tous les moyens dont il s’est avisé il avait icy un party tres considerable, deux de ses freres étant membres du congrés et presque toujours en la plus grande influence. Les amis du Dr franklin n’etaient pas les votres puisque ses lettres annonçoient a peu pres la meme chose que celles de MR Lee & les amis de MR D... ne savaient qu’en penser, il avait bien dans les pr.s instans de son sejour en france ecrit de tres belles choses a votre sujet, mais aussitot qu’il eut ses collegues, il se joignit a eux pour deposer contre vos pretentions de maniere que vous n’aviez pas un seul ami dans ce pays pour lequel vous aviez sacrifié votre fortune votre crédit & votre repos: je vous ai dit dans mes precedtEs lettres combien j’avais eprouvé de difficultés avant d’obtenir seulement la recconoissance de votre dette, mais depuis que le party Lee a vu que vos pretentions etaient appuyées par le Ministre de France et que les assertions de leur protegé etaient reconues CORRESPONDANCE 149 fausses, ils ont redoublé leurs efforts pour vous nuire aussi long tems qu’il leur sera possible en empechant du moins qu’on ne vous fasse aucun rétour; c’est a ces viles intrigues la qu’il faut que vous attribuiez tous les delays que vous eprouvez... MR D... est bien revenu sur ses pas, il n’y a pas de choses flatteuses qu’il n’ait dittes sur votre compte, mais cela n’a servi qu’a lui nuire en prouvant son inconséquence il s’est entierement ruiné par cette duplicité là. Carmik... a dit de son coté beaucoup de choses fort avantageuses, mais il a peu de crédit et il est un peu sujet a altérer son opinion (maladie du pays) il y a œques jours qu’il a voté en faveur d’une motion qui était directement opposé à vos interets, il a voulu me prouver qu’il avait eu raison, j’ai ri de sa conduite parce que au fait il ne peut ni vous nuire ni vous etre d’un grand service, et je continue a le voir comme auparavant.... cette conduite honnette de tous ces messieurs là est une des raisons qui m’a determiné a ecrire mon memoire, j’ai voulu que vos services parlassent seuls pour vous, dedaignant de briguer les suffrages de gens sur qui il y a si peu a compter. Je ne puis douter que cela ne fasse un tres bon effet, les contradictions evidentes que l’on appercoit dans les differentes assertions des agens contrastées avec l’uniformité de votre conduite, avec votre desinteressement et votre constance, rameneront a coup sur plusieurs personnes qui sont irrittées de voir qu’on les a trompé sur votre compte. On a pris beaucoup d’information pres de MR Gerard qui vous a rendu toute la justice qui vous est due, de maniere que vous avez aujourdhuy un party qui, s’il nest pas encore le plus fort le sera certainement avant peu, on voit clairement que si le congrès avait mis toutte sa confiance en vous depuis 18 mois, on ne manquerait de rien dans ce moment ci au lieu que les marchsEs sont sans prix et le discredit du papier monnoye augmente tous les jours. Pour vous nuire il n’y a rien que vos ennemis n’ayent été capables d’entreprendre aut cezar aut nihil semble etre la maxime d’un des freres d’A Lee, avec de pareils principes et un talent peu ordinaire dans ce pays ci on peut faire beaucoup de mal; on est à présent occupé de rappeller tous les agens si cette resolution passe, alors je ne trouverai plus d’obstacles et je vous répons du succés de vos affairres, si au contraire les amis de la bonne cause n’ont pas encore la majorité, 150 CARON DE BEAUMARCHAIS ce sera œques instans de plus à attendre, mais il faudra toujours en venir là; cette division parmi les membres du congrés fait le plus grand tort aux affairres politiques; le discrédit du papier est aujourdhuy à un point incroyable, on a 15 dollars en papier pour 1 en argent; cela vient de ce que le corps representant de la nation n’adopte aucuns moyens pour empecher cette dépréciation, il faudrait d’abord arretter la presse qui fait des millions par semaine et faire en sorte de se procurer des fonds pour les besoins de l’armée, ce qui eut été tres aizé il y a six mois tant en sollicitant un emprunt en europe qu’on aurait a coup sur obtenu que par une forte imposition de taxes, mais toutes les seances se sont pour ainsy dire passées pendant tout ce tems la en dêbat pour soutenir M.M. Lee ministres plenipotentiaires en europe, cependant leur conduite a été formelement blamée il y a œques jours, je vous envoye cy joint copie de la resolution du 20 avril et d’apres cela on hézite encore si on rappellera ces gens aux quels le congres lui meme vient d’apprendre a l’europe de ne pas avoir confiance. Le vieux DR a été le premier que les amis de Lee aient mis en avant, afin qu’il soit ou rappellé aussi ou que leur protegé soit continué en europe par la meme raison qui fait qu’on y continue le Docteur. La majorité a été en faveur de ce dernier, mais il est tres probable que tous les autres seront rappellés, Les deux freres de Lee quittent le congrés sous quelques jours: D’yci a un mois je vous dirai certaineµt sur quoy vous pouves compter avec ces gens ci. vous avez été excessivement mal traitté mais aussi considere la maniere dont vous avaient representés les seules personnes aux quelles le congrés pouvait avoir confiance. Il y en aura toujours parmi eux quelques uns qui seront intimement persuadés que vos fournitures etaient originairement destinées un présent, mais peu importe, pourvu que la majorité recconaisse le contraire et agisse en consequence. Je suis bien embarrassé sur ce que je dois proposer ou accepter pour l’avenir vous m’aviez authorizé a faire un contract pour la continuation des fournitures,4 voila un an passé que ce contract est fait, je sais que vous en avez recu plusieurs copies & depuis le 17 mai je n’ai pas un seul mot de vous, de maniere que je ne sais à quoy me determiner si l’on me propose œques plans de commerce pour l’avenir, si les Lee sont rappellés, vous pouvez CORRESPONDANCE 151 etre assurré que la preference vous sera accordée dans toutes les affairres que vous proposerez, mais alors je ne saurai a quoy me determiner, je ne conçois rien a votre silence non plus qu’au retard de vos vaisseaux, il y a 4 mois que j’attens le fier rodrigue en compagnie de 2 ou 3 autres, comment se fait il que vous gardiez six mois dans le port un vaisseau qui aurait pu faire la course la plus brillante et après vous avoir enrichi m’amener des vaisseaux vuides pour les charger de tabac, ce retard me donne par fois l’espoir de vous voir arriver ici avec luy alors je serais parfaitement heureux, vous trouveriez vos affairres prettes a etre terminées et vous obtiendriez a coup sur tout ce que vous pourriez demander: tous ceux qui vous connaissent vous desirent yci a la tete de nos affairres, MR G... part sous peu de jours, on ne sait pas encore qui le remplacera mais je fais des voeux bien sinceres pour que ce soit vous, certainement tout irait beaucoup mieux si vous etiez yci; on attend tous les jours des commissaires anglais avec des pouvoirs illimités pour des propositions de paix, il n’y pas d’apparence que les anglais veuillent rendre la campagne bien active cette année, ils ont à peine de quoy se tenir sur la defensive, il n’y a pas plus de 15 mille hommes sur tout le continent et ils sont divisés en 3 corps l’un d’environ 7000 hommes a New York le sD d’environ 3000 hommes a Rhode Island & le 3m.e en Georgie ou il ne fait pas merveille, Charlestown etait menacée d’une invasion, mais les Anglais n’ont pu penetrer au dela de savanah et par mer ils ne s’y hazarderont pas, ainsy il est tres probable que la campagne se passera en deliberations... Je vous envoye cy joint une lettre de MR D.... le double d’une qu’il vous ecrivit il y a 3/m depuis ce tems je l’ay peu vu parce que ayant été obligé de parler de luy dans mon memoire relativement a sa duplicité a votre egard je me suis insensiblement eloginé de luy; je l’ai menagé autant que j’ai pu parce que MR G.... le soutient fortement et parce que je crois qu’il a été plus faible que mechant, mais cette faiblesse est bien coupable et vous a fait le plus grand tort, il la paye bien aujourdhuy, il n’a plus d’amis au congrés et a peine obtiendra til un resolvet qui approuve ce qu’il a fait en france; depuis longtems il aurait voulu repartir pour s’etablir en france, mais il ne peut décement quitter l’amerique 152 CARON DE BEAUMARCHAIS sans que le congrés ait prononcé sur les operations, et il est probable que ce ne sera pas de sitot. Il n’a encor rendu aucun compte d’argent et il est formellement accusé par A Lee d’avoir employé pour son compte les fonds publics de concert avec le vieux DR ces deux agens accusent de leur coté Lee de n’etre pas attachéz a l’alliance et d’entretenir des correspondances en angleterre &ca &ca &ca Les gens sensés veulent les rappeller tous afin que le congres puisse entendre leur raisons de part et d’autre et les juger ici, c’est ce qui sera terminé a ce que j’espere sous quelques jours. MR G... n’attend plus que cela pour partir, tous ses effets sont dejà en partie vendus et en partie embarqués. des que cette question sera terminée, je proposerai plusieurs moyens pour vous faire passer des rétours et si comme je l’espere je reçois de vos nouvelles je serai à meme d’obtenir sans de nouvelles difficultés tout ce que je pourrai demander, mais il est bien essentiel que je recoive des nouvelles, depuis plusieurs mois j’aurais donné mon memoire si j’en avois eû. Je n’ai pas encore terminé votre affairre avec le sieur Galvan,5 il proteste toujours qu’il est infiniment honnette, mais les apparences sont bien contre luy. depuis 3 mois MR Giroud6 est a la suite de son frere pour toucher vos fonds qui sont entre les mains de ce frere et il n’a pu encore en recevoir qu’une partie; en recevant le tout, vous faites une perte d’au moins 60 a 70 pour % sur la difference seule de la valeur du papier, tandis qu’il dependait de Galvan l’ainé de vous remetre vos fonds, lorsqu’il les recut, a au mons 50 % de benefice apres avoir recueilli toutes les pièces concernant cette affairre la et avoir fait attester la facture du hardy par MR Deane, j’ai fait un petit memoire pour le conseil de charlestown au quel j’ai adressé toutes les pieces en regle, je leur ay proposé de reprendre les fonds qui ont été comptés au dit sieur Galvan puisque les retours ne vous ont pas encore été faits & que dans ce moment ci vous feriez une perte immense et de les garder jusques a ce que l’argent ait repris une valeur reelle puisque vous aviez contracté pour etre payé a 100 pour % de benefice en or et non pas dans une monnoye qui n’a 1 pas aujourdhuy le 15 de la valeur qu’elle represente. Un de vos grands partizans MR Drayton delegué de la caroline a ecrit en meme tems au president Rutledge qui est son ami pour l’engager CORRESPONDANCE 153 a accepter ma proposition, je ne crois pas qu’un etat puisse se refuser et par ce moyen la vous n’aurez du moins pas fait une aussi mauvaise affairre, vous n’y gagnerez a coup sur pas beaucoup, mais vous perdriez plus de moitié de votre mise dehors apres avoir couru tous les risques de l’expedition, si l’etat de la caroline refusait de reprendre l’argent compté à Galvan. ce qui a donné beaucoup d’humeur est la qualité des fusils, MR Rutledge a consenti de les payer ce que vous les avez portés sur la facture, mais MR De Monthieu vous doit un dedomagement considerable et vous perdrez asses pour que ce dedomagement vous regarde seul. sur toutte la partie que vous aviez expedié il ne s’en est trouvé que 333 neufs, tous les autres etaient des fusils reparés, il en a crevé plus de 600 a l’epreuve: varage a dit a galvan que Bellon7 avait souvent offert ces memes fusils pour 17£ en general on se plaint du prix que vous portez dans vos factures pour cet objet, tous ceux qui en ont importés les passent de 15 a 21£ & des interessés dans la manufacture de Charlesvile m’ont dit que le prix des fusils des soldats ne passe pas 21£ en france, je ne vous donne pas cela comme un fait mais informez vous en. J’espere neamoins que la caroline acceptera ma proposition et je vais continuer a presser le sieur Galvan jusques a ce qu’il m’ait tout remis ce qu’il a reçu et des que j’aurai une reponse de MR Rutledge je ferai passer cet argent a Charlestown. Je vous envoye copie de la lettre que vous a ecritte MR Drayton8 avec la traduction a coté Je crois la lettre perdue avec mon paquet du 15 fevrier. Comme je me suis particulierement attaché a demontrer la justice de vos demandes aux delegués de la virginie qui etaient le plus prevenus contre vous par les Lee j’ay reussi a les rendre vos plus zelés partizans, ce qui me servira beaucoup pR aplanir cette difficulté elevée au sujet de vos tabacs, et comme cet etat est le plus riche par ses productions, c’est celui de tous avec lequel il vous est le plus avantageux de former des connexions immédiates. Un de ces delegués9 homme d’un jugement sain, bon patriote et honnette homme m’a promis de vous expliquer luy meme les raisons qui ont si long tems empeché le congrés de recconaitre vos services, je lui ai la plus grande obligation depuis qu’il est au congrés, il a appuyé toutes mes demandes et comme 154 CARON DE BEAUMARCHAIS il a beaucoup d’influence, il m’a on ne peut mieux servi. on parle de l’envoyer en france, si cela se verifie et que vous ayez œques affairres a traitter ensemble a coup sur vous serez tres content de luy; il m’envoye a l’instant un mot dont vous trouveres la copie incluse a la quelle est jointe la traduction, je vous ferai passer l’original par une occasion sure, il me marque que dans 8 a 10 jours il entrera dans tous les détails qui peuvent vous satisfaire: je pourais reunir 20 temoignages outre le sien des difficultés que j’ay eu a surmonter et des efforts que j’ay fait pour y reussir mais j’espere que vous aviez bien connu mon zele et mon attachement pour vous lorsque vous m’avez confié vos interests et je vous repons que vous n’aures jamais raison de vous repentir de m’avoir accordé une confiance si entiere; tout mon tems & tout ce que je puis vous est pR toujours devoué. Je ne doute pas que de mes compatriotes aux quels j’ai refusé de pretter de l’argent ne fassent quelques efforts pour vous inspirer de la defiance, on vous dira peut etre que je fais une dépense extravagante que je me donne des airs qui ne me convienent pas &c. &c mais soyez bien tranquille, la possibilité de faire de la depense et de disposer de beaucoup d’argent ne me tournera jamais la tete, je serai toujours a meme de vous rendre un compte satisfaisant de tout ce que j’aurai fait: et d’ailleurs c’est pres des honnettes gens que je vous prie de prendre des informations si jamais vous aviez de l’inquiétude; MR G.... sera bientot pres de vous et je m’en rapporte a tout ce qu’il vous dira quoique nous n’ayions pas toujours été d’accord sur vos affairres, il a voulu s’en meler ministerielement dans un tems, je luy ai representé que je ne pouvais pas me pretter aux arrangemens qu’il proposait, cela lui donna de l’humeur et pendant pres d’un mois il me parlait a peine, je parvins cependant a lui prouver que mes raisons etaient bonnes et depuis ce tems je n’ai eu qu’a me louer de ses procédés a mon egard. Je vous ecrirai tres au long par luy. On m’a ecrit de Virginie que vous aviez un interet sur le vaisseau la comtesse de Brionne expediée de Dunkerque; la cargaison de ce batiment fut chargée a la Martinique a bord d’un vaisseau americain qui a peri sur les cotes de la virginie, une partie de la cargaison a été sauvée mais des miserables en ont pillé une partie & vendu le reste a vil prix, je n’ay reçu aucune CORRESPONDANCE 155 lettre de vous, je ne sais pas meme si les effets que vous aviez à bord de la comtesse de Brionne (si toutefois il est vrai que vous y en eussies) ont été rechargés sur ce batiment americain; prenes des informations a ce sujet & si de mon coté je puis decouvrir quelque chose je ferai toutes les poursuites necessaires pour sauver ce que je pourrai. Le baron de Stuben est retourné au camp depuis qques jours, nous avons passé 5 mois icy ensemble dans la plus etroite liaison, c’est un bien respectable homme qui est aujourdhuy generalement estimé et aimé de tous ceux qui le connaissent, il n’a pas encore fait fortune, mais il a acquis la confiance du general en chef et de tout le congrés, ce qui le mettra a meme d’acquitter bientost luy meme ce qu’il vous doit. il m’a laissé 2 lettres pour vous dont je vous envoye ci joint la premiere, Desepiniers est retourné avec luy au camp; apres bien des irresolutions il s’est determiné a faire encore cette campagne cy. C’est un bon & honnette garçon extremement brave mais un peu inconstant, il ne fait encore ce qu’il veut faire il vous a ecrit plusieurs fois pendant son sejour a philadelphie ou il a passé cinq mois, il y a un peu mangé d’argent que je lui ai avancé parce que reellement ses appointemens ne lui suffisent pas, mais si cette petite pacotille que je vous ai demandée arrive cela lui suffira pour me rembourser et pour l’exedent de ses depenses. Le tabac se vend aujourdhuy 40 a 45 piastres en virginie & en Maryland, ici 60 a 70 le qL Jugez de la perte que vous feriez si je vous fesais actueleµt les retours de la belle vente faitte par MR Chevallié et dont on m’a ecrit qu’il a l’impudence de se vanter en france, il faut la paix ou un emprunt en europe pour rendre au papier sa valeur et diminuer le prix de toutes les marchandises, l’emprunt serait un moyen immanquable, Dans ma premiere je vous ferai des details a ce sujet, je voudrais bien recevoir de vos nouvelles avant que cela ne soit décidé parce qu’il ne me serait peut etre pas tres difficille d’obtenir qu’une partie de l’argent qui sera emprunté fut versé dans votre caisse tant pour vous payer que pour vous fournir les moyens de remplir les conditions de votre contract. Je vous avais annoncé dans la lettre que vous a porté Mr de La Fayette que vous recevriez 150 bau.ds de tabac sur le vaisseau 156 CARON DE BEAUMARCHAIS la bergere, je les avais effectivement obtenu et j’avois donné moy meme les ordres en consequence, mais par une finesse fort extraordinaire de M.M. du Committé du Commerce, les ordres envoyez a leur agent qui a chargé ce batiment, parlaient de faire les connaissemens au nom des commissionaires, ce qui a été executé sans que le congrés l’ait su et sans que j’aye pu le soupconer, cela n’est pas fort ettonant pour ceux qui sont temoins du desordre qui regne dans les affairres publiques, mais vous n’y concevres rien; que je desirerais quà l’arrivée de ce batiment vous ayez fait saisir les 150 bau.ds de tabac a bord, c’est moi qui avais ammené ici le Capne de Baltimore qui avais demandé du tabac pour le charger, j’avais la parole du committé qu’il vous serait consigné, j’avais ecrit en consequence et l’on m’a indignement trompé; au moment ou j’ai decouvert cette supercherie, j’ai porté mes plaintes au congrés, en demandant de me permetre de traitter a l’avenir directement avec eux, afin de n’etre pas exposé a voir altérer une resolution de la majorité du congrés par 2 ou 3 membres qui peuvent y etre opposés..... J’ai insinué dans ma lettre qu’une pareille conduite de leur part ne pourrait jamais etre conçue par vous et qu’il y avait a craindre que vous ne fussiez a la fin forcé de vous servir d’un moyen que vos amis vous avoient conseillé depuis longtems qui etait de faire saisir tous les batimens americains qui arriveraient dans les différens ports d’europe jusqu’a concurrence du parfait payT Je crois bien qu’on ne me trompera plus aussi malhonetement à l’avenir; on doutait encore de vos droits lorsque cet ordre fut donné; mais que la conduite qui a été tenue dans cette occasion vous apprenne a connaitre les gens avec qui j’ai a faire; on me promet tout lorsque je demande, après quoi l’on ecrit furtivement pour detruire l’effet des promesses qui m’ont été faites, et à travers tout cela l’on me fait jouer le role le plus ridicule, car qu’avez vous du penser lorsqu’a l’arrivée de ce batiment, on vous a signifié que le tabac qui etait a bord n’etait pas pour vous, l’on m’a ecrit de Nantes que le vieux Docteur avait enfin recconu ses torts et etait fort lié avec vous, si cela est vrai, il doit vous avoir delivré ce tabac, car l’ordre porte que le produit doit en etre employé par luy a aquitter une partie de la dette continentale, je vous promets qu’on ne m’en imposera plus. La resolution du 15 Janvier que je CORRESPONDANCE 157 vous envoye ci jointe m’en garantit et en [tâche] j’ai tout a esperer qu’avant tres peu de tems le nombre de vos amis au congres l’emportera sur celui de vos ennemis; qu’il doit vous paraitre dur d’entendre dire que vous avez des ennemis dans un pays pour lequel vous avez tant fait. Je vous envoye une petite traitte de 787 [tâches] tirée sur MR De Monthieu par un de ses parens, Le ct.e de pulawsky10 vous doit 360£ pour 15 paires de pistolets que je lui ay vendu du bord du fier Rodrigue a 24£ la paire, vous les preleverez sur le montant de la lettre de change & vous tiendrez le surplus a la disposition du comte. Il est bien impatient de savoir ce que vous avez fait de l’argent qu’il vous avait remis et si vous en avez touché depuis son depart. il est actuelement au sud avec sa legion. P.S. Je vous prie de me rappeller au souvenir de toutte votre societé, de presenter mes repects a mes dames vos soeurs et a Madame W.... j’ecris a notre ami MR Gudin et de Monthieu, voudres vous bien charger de leur remetre mes lettres.11 Je vous prie aussi d’envoyer une lettre que vous trouverez dans votre paquet pour un MR Bobée agent d’affairres par un de vos domestiques, elle est d’un tres honnette officier qui a été prisonier 9 a 10 mois et qui charge ce MR Bobée de vous remetre quelque argent qu’il doit avoir touché pour luy, vous voudrez bien le recevoir et m’en faire passer le montant en marchandises sur un de vos batimens bien armés; cet officier etait Capn.e a la suite du marquis de Bretigni,12 mais il est devenu aujourdhuy un tres honnette marchand et il fait tout ce qu’il peut pour reparer les pertes qu’il a faites en etant pris, je vous prie de vous occuper un instant de lui faire faire le petit recouvrement sur lequel il compte. Et suis [. . . ] Etat des pieces renfermées dans le paquet de MR de Beaumarchais remis au cap. green.13 N° 1. 2. 3. 4. 5. 6. Lettre du congrés a MR de Beaumarchais Lettre de Mr Deane a MR de Beaumarchais Lettre du Baron de Stuben a MR de Beaumarchais Copie de la lettre de Wm Hy Drayton a MR de B. Copie de la lettre de Merriwether Smith a MR de B. Resolvets du congres du 15 Jier et 20 avril 1779 158 CARON DE BEAUMARCHAIS 7. Ma lettre a MR de Beaumarchais une lettre pour MR Gudin une lettre pour MR de Monthieu une lettre pour MR Bobée une lettre de change de MR de Ponthiere passée ordre de MR de Beaum. Dans la marge: “Par Capne Green (voir ci-dessous n. 13) 2tTa a MR Vitry secretr.e de MR Gérard.” 1C’est probablement le 5 février que Francy voulait dire (voir cidessus sous cette date, lettre 746); les autres lettres mentionnées sont dans le tome IV. 2Voir tome IV, lettre 711. 3Thomas Payne; voir lettre 746 n. 23. 4Voir lettre 773. 5Voir lettre 746. 6Voir lettre 746 n. 31. 7Voir tome IV, lettre 697 n. 1. 8Voir lettre 737. 9Meriwether Smith; voir lettre 790. 10Voir tome IV, lettre 696 n. 3. 11Ici, à droite en petits caractères est écrit: ce qui suit ne doit pas être copié. 12Charles-François Sevelinges de Brétigny, naguère officier dans la garde du corps du comte d’Artois. Il passe en Amérique en 1778, est nommé officier en 1779. On lui a confié le commandement de la compagnie organisée par les Français de la Caroline du Sud pour lutter contre les Anglais qui envahissaient l’état. 13John Green, capitaine du Nesbitt, a été capturé par les Anglais vers la mi-juin et a jeté à la mer toutes ses lettres. Il a quitté Philadelphie le 2 mai; voir BFP, XXIX, pp. 737-38 et lettres 817 et 867. CORRESPONDANCE 159 803. A M. Louis1 Bordeaux, ce 3 mai 1779. Vous me demandés encore une fois mon avis, Mon cher Louis. Je ne puis que vous répéter ce que je vous ai déjà dit, et vous l’écrire pour le mieux graver dans votre mémoire. Vous Etes doublement heureux de ce qu’un emprunt vous met a portée de finir dans huit mois ce qui, sans cela, vous eut peutêtre encore dérobé huit années; Et de ce que l’arret du conseil, en exigeant un devis, vous ait fourni l’occasion de montrer aux Jurats de cette ville et votre intelligence et votre désintéressement. L’architecte de la ville2 a fait un devis estimatif de vos travaux, que vous croyés pouvoir éxécuter a cent mille francs de moins que l’estimation de cet architecte. A cela je vous ai dit: courés présenter aux Jurats l’offre de cette énorme diminution. Elle est la plus belle réponse que vous puissiés faire a toutes les accusations de gaspillage et de prodigalité dont on n’a cessé de vous charger auprés des jurats a Bordeaux; et des Ministres a Versailles. Si quelque chose peut faire hésiter les Jurats sur l’acceptation d’une telle offre; c’est sans doute, l’inquiétude que votre zéle n’aille plus loin que vos pouvoirs. Mais personne aussi ne sachant aussi bien que vous l’art d’Economiser sur la batisse; si vous Etes certain que cette Enorme diminution de cent mille livres est possible; moins on y croit, et plus vous devés insister sur la préférence que méritent vos offres. Vous avés beau me dire que les jurats veulent que vous signiés le dispendieux devis de leur architecte; vous ne ferés croire a personne que les magistrats d’une ville, qui doivent compte du loyal emploi d’un emprunt, comme vous devés celui de vos travaux et de votre Economie préférent le plus cher devis au moins couteux: Vous avés mal entendu mon ami. Mon avis est donc que vous divisiés les objets qui regardent la comédie proprement dite, d’avec ceux qui ne sont que des accessoires Etrangers a cette salle, des objets d’une location utile: 160 CARON DE BEAUMARCHAIS parce qu’il vous importe infiniment, pour votre reputation avenir [sic], qu’on ne puisse jamais confondre ce qui tient a la salle de spectacle avec ce que vous n’avés fait entrer dans vos plans que comme des compensations plus que proportionnées aux avances de la ville. Cette division bien faite mettés sur chaque partie la diminution que votre art Economique vous permet d’offrir à la ville, et signés les deux objets sans crainte de reproche: En ceci vous faite l’office d’un homme d’honneur; car, en signant le devis de l’autre architecte, sans observations; il est clair que vous pouviez mettre dans votre poche les 100.m.L que vous rendés généreusement a la ville. Ne craignés pas que vos amis laissent ignorer ou il convient ce trait qui vous honore et qui doit charmer les jurats de Bordeaux. Vous dites qu’on vous demande une caution. Ordinairement on en exige des gens qui veulent trop dépenser; mais jamais de celui qui propose un rabais. Quoi qu’il en soit; j’offre de vous en servir, tant je suis touché de votre honorable désintéressement. Remettés moi le devis sur lequel vous offrés une diminution de cent mille livres, et si, malgré ma garantie, Messieurs les jurats par des raisons à moi inconnues, persistaient à préférer votre signature sur le devis de leur architecte; alors, pour votre honneur demandés leur attestation par écrit de vos offres et de leurs refus et signés ce devis avec les rectrictions [sic] convenables. Mai [sic] si tout cela entrainait quelque retard, ne détruisés pas vos ateliers; ce qui couterait beaucoup. Empruntés plutot, pour attendre l’argent des jurats, et portés en l’intérêt dans vos comptes: car il est Egal a ces magistrats de payer un intérêt a votre prêteur ou au leur. Conduisés vous avec le plus grand respect a leur égard. Montrés beaucoup d’honèsteté à l’architecte sur qui vous économisés, Car votre habileté ne nuit pas à la sienne: Il part d’après les prix d’usage et vous d’après des procédés nouveaux. Et comptés sur l’estime et l’attachement de V.T.H.S. Caron de Beaumarchais. 161 CORRESPONDANCE 1Voir tome IV, lettre 720 n. 1; Louis-Nicolas Louis (1731-1800) est connu à partir de 1765 sous le nom de Victor Louis. Le célèbre architecte était un ami intime de Beaumarchais. Il s’agit dans cette lettre des difficultés qu’avait Louis à terminer la construction du Grand Théâtre de Bordeaux. Il lui fallait des crédits supplémentaires que les jurats ne voulaient pas lui donner; voir lettres 720 et 727 du tome IV. On lui a enfin prêté de l’argent et le travail de Louis est arrivé à son terme à la fin de 1779 sept ans après son commencement. Le 7 avril 1780, on a inauguré la nouvelle salle en y donnant l’Athalie de Racine; voir Detcheverry. 2Bonfin était l’architecte de la ville et a été nommé contrôleur des travaux de la salle de spectacle. 804. A Francy Bordeaux, le 8 mai 1779 Puissiez-vous, mon cher Francy, recevoir cette lettre en bonne santé! Je la fais partir de Bordeaux par la Bueskin,1 frégate de trente canons expédiée pour Baltimore par M. de Lap., et qui, dit-on, doit partir dans dix ou douze jours. Comme je suis à Bordeaux pour les minutes des lettres que je vous ai écrites par le fier Roderigue et par la frégate l’Alliance,2 je ne puis vous en remettre de duplicata. Je joins seulement ici l’état exact des assurances en France, dans les années 1776 et 1777, pour joindre à ma lettre au Congrès que vous recevrez par le fier Roderigue. Il est encore à Brest le pauvre Roderigue, tout est prêt à partir avec M. de la Motte-Picquet.3 Le fier Roderigue vous conduit et vous convoie huit vaisseaux4 que nous avons expédiés pour vous, en commun, M. de Monthieu et moi. Il y avait une frégate de plus nommée le Duc du Châtelet, de vingt-deux canons. Elle a sauté dans la rade de Nantes par accident. Il y a cent treize hommes de noyés et le navire et sa riche cargaison pour le continent perdus. Que de pertes! Que d’attentes inutiles! Malgré toutes vos annonces, mon cher, la Bergère5 est arrivée à Lorient avec ses tabacs. Comme ils n’étaient pas en ma consignation, l’on 162 CARON DE BEAUMARCHAIS ne m’en a rien remis et l’on m’a dit qu’ils n’étaient point pour moi et n’avaient aucun rapport avec mes affaires. C’est une mauvaise foi si exécrable que toute la France en est indignée. Et pour moi, je jure que si, au reçu de cette lettre, dont je vous prie d’extraire ce qui regarde ces tabacs, le Congrès ne fait pas prompte justice, j’éclate à l’instant! Je fais arrêter tout ce qui viendra pour son compte dans nos ports et je publie dans toute l’Europe l’horreur d’une conduite aussi exécrable. Si cette lettre vous parvient avant l’arrivée du fier Roderigue et des huit vaisseaux qu’il convoie, vous apprendrez que vous êtes capitaine d’infanterie au service de France avant d’en recevoir le brevet qui est sur le fier Roderigue. Madame de Willers vous a envoyé deux épaulettes, une d’or et une d’argent, selon l’uniforme que vous choisirez: car vous êtes capitaine à employer dans les colonies.6 Nos dix vaisseaux sont chargés d’aller à nos îles porter des hommes, de la farine, des salaisons, etc, d’où ils se rendront en Virginie, tant avec les marchandises d’Europe qu’ils vous portent, qu’avec les tafias, sucres, cafés qu’ils prendront à nos îles. Tout cela est sous voiles à Brest et n’attend que le vent depuis un mois. 7 Ils iront sans risque jusqu’à nos îles, M. de la MottePicquet, qui convoie le tout, ayant cinq vaisseaux de guerre et des frégates. De là, mes neuf vaisseaux se rendront à Williamsburg en droiture. A l’arrivée de cette flotte, le Congrès connaîtra s’il y a en Europe quelque maison qui puisse faire de plus magnifiques expéditions marchandes, sous convoi d’un aussi beau vaisseau de guerre que le fier Roderigue; car il bat avec soixante canons et six cents hommes. Tous les autres navires, armés en proportion et propres à se défendre. Je suis ici pour faire juger mon procès avec Chevallié. J’ai trois arbitres et ils sont en pleine conférence à ce sujet. Il me demande 307 mille livres pour son beau voyage. J’espère qu’il aura du pied au cul!8 Nous venons de faire lancer à la mer une belle frégate de vingt-six canons de huit laquelle, avec deux autres de même force et cinq ou six navires porteurs, fera une seconde petite escadre pour vous et qui partira, soit tout ensemble, soit en plusieurs divisions, dans un mois ou deux. Si tout cela vous arrive, vous CORRESPONDANCE 163 aurez bien des navires à charger, mais j’ai eu grande envie, dans ma colère, de faire débaptiser celle que nous venons de lancer avant-hier et qui se nomme le Benjamin portant des lunettes au nez;9 je le ferai hautement si je n’ai pas justice des horreurs qu’on me fait. J’ai prévenu M. le comte de Vergennes et M. le comte de Maurepas de ma résolution; quoiqu’ils la trouvent bien vive, ils ne peuvent s’empêcher de la trouver encore plus juste. Jamais personne n’a éprouvé une si détestable ingratitude. Je viens d’obtenir pour le commerce un très grand avantage contre la Ferme Générale: c’est la liberté de passer, à travers le Royaume pour aller les vendre à l’étranger, tous les tabacs qui nous arrivent d’Amérique.10 Les fermiers du Roi sont furieux contre moi, mais le Roi, touché de mes représentations véhémentes, a dit: Je veux, et la Ferme a cédé. Sans cela les tabacs restaient dans nos ports de l’Océan, en chartre privée, par la modicité du prix offert par la Ferme et l’impossibilité de les exporter par mer sur des vaisseaux neutres, ce qui m’a empêché jusqu’à ce jour de vendre les tabacs arrivés sur le fier Roderigue, sans compter que l’honnête Chevallié les a saisis entre ses mains, jusqu’au jugement qui va sortir cette semaine et que vous pourrez savoir par cette même lettre. J’ai reçu l’argent que vous avez prêté à M. de La Fayette11 à qui le Roi vient de donner le régiment du Roi cavalerie. J’ai vu M. de Gienote plusieurs fois ainsi que le pauvre Mullens12 qui a été fait prisonnier et remis généreusement par le capteur sur un vaisseau neutre. Je lui ai payé une traite de M. le comte Palevsky.13 Je n’ai reçu aucun fonds pour ce comte. J’ai fait demander chez M. de Lange s’il en avait; il a répondu que non. Ainsi tant ce que je lui ai remis à lui-même que ce que j’ai payé pour lui sur ses différentes traites, je suis à peu près au pair des fonds qu’il m’avait laissés. Peut-être à quarante louis près; c’est ce que mon éloignement de Paris ne me permet pas de vous dire au juste. Je lui ai écrit plusieurs fois ainsi qu’au baron,14 mais je vois que rien n’a été reçu. Dites au baron que, quand je l’ai obligé, j’ai compté sur son honneur et que je suis encore dans l’intime confiance de son honnêteté, mais je n’ai reçu pour lui, ni remboursement, ni pension, ni nouvelles de rien de semblable. 164 1C’est CARON DE BEAUMARCHAIS probablement The Buckskin, parti le 21 juin pour le Maryland; voir PBF, XXIX, p. 714. 2John Adams devait partir sur cette frégate à cette époque mais on a décidé de placer la frégate dans l’escadre de John Paul Jones. L’Alliance est enfin partie pour l’Amérique vers la fin juin 1780; Adams est parti le 17 juin et est arrivé en Amérique sur La Sensible le 2 août avec le nouveau représentant de la France, le chevalier de La Luzerne; voir JA, II, pp. 373 n. 3, 380-81, 400 n. 1 et PBF, XXIX, pp. 346 n. 3. 3Toussaint-Guillaume, comte Picquet de La Motte, dit La MottePicquet (1729-1791) servit brillamment aux Antilles et reçut la Grande Croix de Saint-Louis pour ses exploits; il participa à la bataille de Grenade avec d’Estaing (lettre 826). Plus tard il devint lieutenant-général de la marine; il fut sans conteste un héros de la marine française; voir lettres 806 et 807. Pour le départ du convoi voir lettre 775, n. 2. 4Donc, neuf vaisseaux en tout; plus bas Beaumarchais écrit “nos dix vaisseaux” et dans le même paragraphe il en revient à neuf. Le onze septembre (voir lettre 860) il écrira au Roi: “Le fier Roderigue et dix autres navires qu’il convoyoit . . . ” Dans ses réclamations au Roi, Beaumarchais demandait à être remboursé pour douze navires. Le 21 février 1785, la commisssion établie pour examiner l’affaire décide que sept navires sont partis ensemble: Le Fier Rodrigue, Le Pérou, L’Aimable Suzanne, Le Bonhome Richard, La Thérèse, Le Zéphyr, Les Deux Hélènes. La Belette a été condamnée et vendue, Le Hardi est parti seul et a été pris par l’ennemi, La Victoire est partie de Marseille et “l’enlevement du fier Rodrigue n’a point influé sur son sort”; Le Duc du Châtelet a sauté près de Nantes quatre mois avant le départ de la flotille (voir ci-dessus et lettre 736), et le Comte de Sabran, qui est parti “plusieurs mois avant l’acte de société pour l’expédition générale … a péri en cherchant de se sauver du port de Charles Town”; voir AN, G/1/56. Le Fier Roderigue, Le Pérou, Le Bonhomme Richard, et Les Deux Hélènes sont arrivés dans le Chesapeake; L’Aimable Suzanne a été pris à la bataille de Savannah; La Thérèse a été pris et emmené à New York; Le Zéphyr est arrivé à Charleston. 5Ce vaisseau est arrivé en février; la cargaison était au nom des Américains. 6Voir les lettres 783 n. 19, 792 et 793. 7Selon le rapport des commissaires, le convoi est parti de Brest le 1 er mai, a pris rendez-vous avec les autres navires à La Rochelle et a atteint la Martinique le 27 juin; voir AN, G/1/56. 8Voir la lettre suivante pour la décision du tribunal. 165 CORRESPONDANCE 9Il est évident que Beaumarchais estimait Franklin, qui portait des lunettes, mais qu’il s’exaspérait du traitement qu’il recevait des Américains. 10Voir lettres 736, 770, et 798. 11Voir lettre 734. 12Voir lettres 750 et 776. 13Voir tome IV, lettre 696 n. 3. 14Steuben; voir lettre 802. 805. A Dupaty1 Bordeaux ce 9 mai 1779 J’ai revu Mr Le Premier Président, Monsieur, et en bon et fidèle interprète de vos intentions, je l’ai relevé de votre part du poids de ce fameux secret imposé par vous. Son animosité personelle s’est démontrée bien davantage hier. Bref on peut, dit il, vous donner ce qu’on voudra; mais jamais on ne lui arrachera un seul mot en votre faveur. C’est son ultimatum et je crois fermement que vous devés y compter. Je n’ai pu tirer aucune raison tant soit peu valable de cette obstination; mais elle est extrême. Il ne répondra pas a votre lettre qui, dit il n’a fait qu’acroitre son eloignement pour vous. Il a répondu a Mr Le garde des Sceaux,2 a Mr Le Ma.l de Mouchi.3 J’en ecris a Mr Le Cte de Maurepas pour le paquet cy joint que je vous prie d’envoyer le jour de son arrivée, a la grande poste, par un de vos gens, qui vous reccomanderés de demander le courrier de Mr Le Cte de Maurepas mais il faut que votre homme soit avant dix heures du matin a la grande poste; parceque les courriers des ministres partent avant onze heures. Et quil ne faut pas que ma lettre passe par la voie ordinaire de la poste. Nétoyés bien l’histoire de vos visites au Mal de Richelieu4 parceque je suis certain qu’il l’a ecrite lui mesme ici, pour l’avoir vu de mes yeux, commençant par ces mots comment trouvés vous le petit Dupaty....&c &c Le maréchal n’y met surement aucune importance mais on en met beaucoup ici. 166 CARON DE BEAUMARCHAIS Bon courage, Monsieur, et vous tenés votre succès. Mde DuPaty5 se conduit comme un ange au milieu de tous ces tracas. Attention, circonspection, et vigilance, est en peu de mots l’eloge qui lui est du. Le P.P. [Premier Président] a eté jusqu’a me dire si Mr DuPaty veut absolument une affaire personelle avec moi: quil le dise et je partirai sur le champ pour Paris./. Je n’ai jamais vu d’homme si faché. Il tremblait de fureur. Il prend votre derniere lettre pour une ironie insultante et tous mes efforts nont pu le ramener. Il faut donc vous résoudre a vous passer de lui. Je vous salue vous honore et vous aime Beaumarchais Faites moi le plaisir de vouloir bien envoyer le paquet cy joint a ma maison de Paris et receves en mes remercimens. Si vous voulés porter a Mr De Maurepas vous mesme la lettre que je lui écris, comme ayant ete prié par moi de la faire remettre par une voie sure vous ajouterés que vous n’avés pas voulu manquer cette legere occasion de lui faire votre cour: mais noubliéz pas si vous recevés le paquet jeudi au soir, de n’etre chez Mr de Maurepas que le vendredi entre 4 et 5. heures de l’après midi c’est la lheure de sa digestion et de sa liberte. Mr .Dupaty Copie de ce j’ecris pR vous a Mr de Maurepas a la suite d’autres objets Permettés moi de vous dire encore un mot de Mr DuPaty. Porté dans ce pays comme a Paris par l’opinion publique, on chercherait en vain la cause de l’opposition du 1er President si sa fureur ne le trahissait a tout moment. Je lai vu plusieurs fois, hier au soir encore sans pouvoir en arracher la plus legre raison de sa conduite. Maintenant il lui fait un crime de la bienveillance publique et surtout de vos bontés Le Roi dit il est bien maitre de vous donner ses provisions mais jamais il n’ecrira un seul mot en sa faveur. Il semble que plus les hommes sont deraisonables et plus ils sobstinent dans leurs sentimens. Qu’a ton besoin Mr lui ai je dit CORRESPONDANCE 167 des temoignages récens de lopinion que vous avés de Mr DuPaty puisque vous les lui avés prodigués dans vos dernieres lettres de lan passé puisque Mr DuPaty s’en honore et les montre. Eh bien quil sen serve sil veut dit il et quon lui donne ce quon voudra; mais pour moi je ne m’en mellerai plus et je n’ecrirai plus un mot pour lui. Je crois bien aujourdhui Mr Le Cte quil faudra s’en passer pour faire justice a Mr DuPaty6 &c &c Voir Spinelli/Garbooshian sur les rapports Beaumarcahis-Dupaty. 1Charles-Marguerite-Jean-Baptiste-Mercier Dupaty (1746-1788) a voulu quitter sa charge de procureur-général en 1777 pour devenir président à mortier au parlement de Bordeaux. Le Berthon, le premier président du parlement, a d’abord soutenu Dupaty pour le poste, mais une dispute entre lui et Dupaty a éclaté et Le Berthon s’est ensuite opposé à la candidature de Dupaty. Puisque Beaumarchais était à Bordeaux à cette époque, Dupaty, son ami, lui a demandé d’intercéder auprès du premier président. Comme on voit dans cette lettre Beaumarchais trouva Le Berthon intransigeant. Voir Doyle, pp. 37-58. 2Armand-Thomas Hue de Miromesnil (1723-96) fut garde des Sceaux de 1774 à 1786. 3Philippe de Noailles, duc de Mouchy (1715-1794). 4Voir p. 25 n. 1. 5Dupaty se maria avec Marie-Louise Fréteau le 7 septembre 1769. 6Dupaty reçut ses provisions le 10 novembre 1779 mais le parlement vota de les rejeter le 16 février 1780. Le 21 septembre Le Berthon fut obligé d’accepter Dupaty comme président à mortier. Cependant il fallait attendre jusqu’au printemps 1782 pour mettre fin à la lutte de Dupaty pour être admis comme président au parlement de Bordeaux. 168 CARON DE BEAUMARCHAIS 806. A Francy Bordeaux, ce samedi 22 mai 1779 L’arbitrage entre Chevallié et moi est sorti avant-hier.1 Les trois négociants qui nous jugeaient ont décidé que la commission de 3 % et les six tonneaux de fret gratis, en revenant, appartenaient à Chevallié suivant le principe que bêtise n’est pas friponnerie, mais ils ont cassé le fil de tout l’amalgame pour l’avenir et m’ont délivré de ce malhonnête compagnon; la perte de 33.000 livres sur l’affaire Zantzinger2 à la charge de la cargaison entre Chevallié et moi, sauf recours contre le capitaine. Mais, si ce dernier se conduit bien, je ne le tourmenterai pas pour cela. Vous aurez grand soin de me mander ce que vous aurez pensé de sa conduite là-bas. Et si vous avez quelque chose de particulier à m’écrire, vous en chargerez, en secret, le Sr Ganteaume3 qui vous remettra une lettre de moi et qui est sur le fier Roderigue L’escadre de M. de la Motte-Picquet et une flotille qui l’accompagne sont revenus à l’Ile d’Aix et de là sont parties pour la Martinique le 12 de ce mois. 4 Vous direz à M. de Montaut que, sur les plaintes qu’il a écrites à M. de Monthieu à Bordeaux contre M. de la Motte-Picquet, 5 je suis parti sur-le-champ de cette ville pour me rendre à bord et faire faire justice à mon capitaine, mais qu’à mon arrivée à la Rochelle, j’ai trouvé que la flotte avait levé l’ancre la surveille. Les deux navires la Belette et le Hardi, qui étaient de ma flotte, sont rentrés à la Rochelle. Comme M. de Monthieu est à Paris je ne prends aucun parti à leur égard, pour ne pas déranger le cours des détails maritimes dont il s’est chargé dans cette commune opération. Ils pourront partir avec notre première flotille. CORRESPONDANCE 169 Tous les papiers concernant Galvan et M. Rutledge6 sont sur le fier Roderigue. Je vous prie de suivre cette affaire chaudement. Chevallié m’a dit hier vous avoir renvoyé tout son compte de vente rectifié sans me dire par quelle voie, je suppose que c’est par le fier Roderigue. Je baye et souffre après des retours, car je suis dans le plus grand besoin de fonds, relativement à cette nouvelle mise-hors de notre flotte. Je ne vous dis rien de plus à cet égard, sachant bien que vous souffrez de mes embarras. Ils sont cruels. Je joins à cette lettre un compte simulé des prix d’assurances qui m’a été remis par un courtier de Bordeaux. En passant tout l’un dans l’autre à 35 %, c’est agir en nombre ronds, et je m’y tiens. Adieu, mon cher Francy, je pars dans l’instant pour Paris, et comme je suis sans secrétaire ici, je n’ai pas le loisir de copier cette lettre dont vous m’enverrez la copie faite par un commis afin que je me reconnaisse dans toutes mes écritures. Faites bien mes amitiés à Giroud. Le fier Roderigue lui porte l’arrangement que vous m’avez demandé pour lui. On dit ici que M. de La Fayette retourne avec un corps de mille cinq cents hommes. 7 Je vais savoir au juste à Paris ce qu’il en est, mais je présume que cela est, par les détails qu’on m’en fait. Si je le trouve dans cette disposition prochaine, je vous écrirai par lui. Il faut, mon cher, que vous n’ayez pu finir l’article des lettres de change dont vous m’aviez parlé dans votre lettre remise par M. de Gienot et que des Epiniers devait, disiez-vous, m’apporter, puisque je n’ai vent ni voix ni rien, ou il faut qu’il se passe des choses étranges sur mes affaires entre le Congrès et ses agents, puisque je suis si cruellement joué par ces ingrats débiteurs. On me mande de Paris que toute ma famille se porte bien. Gudin, qui est avec moi, me charge de vous réitérer l’assurance de son véritable attachement. Adieu derechef et comptez sur celui de votre ami, Caron de Beaumarchais 170 CARON DE BEAUMARCHAIS Il faut encore que je vous dise que vous auriez vu notre flotille depuis dix mois si la marine royale ne nous avait pas pris six fois tous nos équipages, car nous étions prêts en décembre. Des retours, mon cher, des retours, car je périrai comme Tantale au milieu des créances américaines où leur ingratitude m’empêche de toucher. Je compte sur vos efforts et vous salue. Si vous m’aviez envoyé la lettre que Chevallié vous a écrite par un exprès lorsqu’il est arrivé en Virginie, les arbitres ne lui auraient pas fait grâce sur toutes les inepties, parce qu’on aurait vu de sa main qu’il vous attendait et ne devait rien faire sans vous. Il a prétendu qu’il ne vous avait pas écrit cela et que, vous trouvant à plus de cent lieues de lui, il avait cru devoir tout prendre sur lui-même. Enfin, je ne veux plus y penser car ce fuyard me pique comme un chien; Dieu merci, le drôle ne me sera plus de rien. Cette prétendue société qu’il avait avec moi était un tour de passepasse semblable à ce qu’il vous avait présenté à signer, en partant à bord. Je n’ai pas voulu que cela fût arbitré et j’allais le poursuivre au criminel s’il n’eût pas renoncé au fruit de cette friponnerie. Il s’en est désisté. Je vous salue pour la dernière fois. 1Le 30 avril 1779 Beaumarchais et Chevallié ont soumis à l’arbitrage leur différend. La décision est rendue le 20 mai. Chevallié avait soumis six réclamations et Beaumarchais sept plaintes avec des demandes de réparations. Beaumarchais demandait un million de livres d’indemnité résultant de la négligence de Chevallié dans ses transactions avec les représentants de la Virgine; cette demande fut rejetée. Beaumarchais accusait Chevallié de ne pas avoir attendu l’arrivée de Francy avant de vendre la cargaison. La commission décida que d’après le contrat entre Beaumarchais et Chevallié, ce dernier avait le droit de la vendre à un prix qu’il croyait raisonnable, ce qu’il a fait; voir l’Avis arbitral. 2Voir lettre 783. 3Voir lettre 791. 4Voir lettre 775 n. 2. 5Dans une lettre du 6 mai on peut lire: CORRESPONDANCE 171 “Il est ordonné à M. Montaut, commandant le Fier Roderigue, de ne plus faire aucun signal sous quelque prétexte que ce soit, excepté les signaux qu’il est autorisé de faire comme vaisseau particulier, faisant partie du convoi sous les ordres de M. de La Motte-Picquet. Il est absolument déchargé de la conduite du convoi qu’il avait avant d’arriver à Brest” [Lafon, p. 130 et Tourneux, p. 251 (il faut indiquer que dans Tourneux la date de cette lettre est le 11 mai)]. 6Voir lettres 746, 783, 803 et 817. 7Lafayette partira pour l’Amérique le 20 mars 1780 et arrivera le 27 avril à Boston; voir Idzerda, II, pp. xxxix. 807. A M. de Sartine Mémoire présenté au ministre le 28 mai 1779 L’expédition maritime que le sieur Monthieu a faite le 29 mars dernier a été tellement dénaturée par une suite de son dévouement aux ordres du ministre (aux vues), qu’il aurait travaillé à sa propre ruine si Mgr de Sartine lui en laissait porter le fardeau. Effectivement, cinq de ses navires ont séjourné à grands frais plus de quatre mois au bas de la rivière de Nantes, en attendant que l’escorte promise à Rochefort fût prête. Quatre autres, dans la même attente et pour les mêmes motifs, sont demeurés près de trois mois au bas de la rivière de Bordeaux. Au premier signal qu’il a donné, tous les navires se sont réunis au fier Roderigue dans la rade de l’Ile d’Aix pour y prendre l’escorte des vaisseaux de Sa Majesté qui devaient les convoyer. Une circonstance malheureuse et imprévue n’a pas permis aux trois vaisseaux de guerre de Rochefort de remplir les intentions du gouvernement et les navires du sieur de Monthieu, après avoir séjourné près de trois mois dans la rade de l’Ile d’Aix, se sont enfin rendus à 172 CARON DE BEAUMARCHAIS Brest, sous leur propre escorte, pour y prendre des troupes et s’y mettre sous le convoi de M. de la Motte-Picquet qui, en relâchant dans la rade des Basques, a encore occasionné au sieur de Monthieu une dépense considérable. Toutes ces relâches et tous ces séjours ont occasionné des désertions considérables et nécessité des remplacements de matelots qu’il a fallu payer à prix exorbitants, eu égard aux circonstances actuelles.1 Le sieur de Monthieu observe d’ailleurs que, pour se conformer aux vues du ministre, il a été obligé de faire faire des versements et reversements considérables et fort coûteux: 1) lorsqu’il a été question d’envoyer en course le fier Roderigue avec la corvette le Zéphir; 2) lorsqu’il a été question de prendre des troupes à bord de tous ces navires ainsi que les vivres nécessaires pour les dites troupes; 3) enfin, lorsqu’il a été décidé que le fier Roderigue se rendrait à Brest, en prenant sous son escorte toute la flotte marchande qui se trouvait à l’Ile d’Aix. Il est d’ailleurs certain, par les manières dont on a usé des navires du sieur de Monthieu dans la rade de Brest, qu’ils ont été considérés comme étant absolument à la disposition de Sa Majesté. On s’en est expliqué clairement à cet égard et l’ordre par écrit de M. de la Motte-Picquet, qui décharge absolument le sieur de Monthieu, commandant le fier Roderigue, de la conduite d’aucun des navires de son convoi particulier, en est la preuve la plus manifeste.2 Toutes ces considérations ont, dès lors, engagé le sieur de Monthieu de donner des ordres les plus précis à tous ses capitaines de suivre, avec la plus grande exactitude, tous ceux qui leur seraient donnés par M. de la Motte-Picquet de se rendre dans telle de nos colonies où il lui plairait de les conduire et, là, d’y délivrer à l’administration tous les objets de leur cargaison. Dans cette position, le sieur de Monthieu se borne à réclamer pour tous ces vaisseaux le fret ordinaire sur le prix actuel ainsi que le prix des farines, vins, etc, qui forment la cargaison de ses navires. Il se croit aussi fondé, d’après la défense formulée par écrit de M. de la Motte-Picquet au sieur de Montaut, de convoyer aucun de ses navires, à réclamer l’assurance de la valeur des dits navires jusqu’à leur arrivée dans celle de nos colonies où ils seront conduits . . . 3 173 CORRESPONDANCE Le sieur de Monthieu supplie Mgr de Sartine de vouloir bien porter sa décision sur les différents chefs de ses demandes exposées dans ce mémoire. 808. A Don Francisquez Dalanza Pr Don Francisquez Dalanza 4 Paris ce 8 juin 1779 A mon retour d’un voyage que j’ai fait dans les manufactures du Sud pour les tafetas et gazes. J’ai trouvé chez mon hôte votre lettre monsieur. Un de mes amis m’a mesme appris que vous etiés fort incomodé. J’en suis très affligé. Loin d’avoir renoncé a tirer des Marchandises de vos manufactures en Etoffes légères, J’aurois desiré den recevoir encore surtout dans les gazes chaquefois quil y auroit quelque nouveau dessein. Mais vous savés comme nos dames aiment ce qui porte a ce caractere, et combien elles se dégoutent facilement de ce qu’elles ont déja vu. C’est donc la seule attention que j’ose exiger de votre amitié. Vous me feres plaisir a ce titre d’expedier quand l’occasion s’en présentera. Je vous prie de vouloir bien faire savoir a la mere du petit george que Mr son beau-frere a enfin recu son brevet de capitaine d’infanterie.6 Je vous salue de tout mon coeur. 1Pendant la guerre le recrutement de marins était aussi vital pour les commerçants que pour la marine: “A partir de 1779, va se poser un grave problème: la pénurie de marins pour le commerce. En 1778, sur les 2.225 hommes partis de Nantes pour les Isles, 1.057 ont été capturés. Certes, les années suivants les pertes seront beaucoup moins lourdes mais les armateurs sont concurrencés dans le recrutement des hommes d’équipage par les besoins du Roi . .. Le Roi réquisitionne en principe tous les marins classés. Une fois ses besoins satisfaits, il autorise les armateurs à se 174 CARON DE BEAUMARCHAIS pourvoir en donnant priorité aux équipages nécessaires aux bâtiments frêtés au Roi. Les armateurs protestent vigoureusement” (Villiers, pp. 257-58). Voir les lettres 805 et 806 pour le convoi. 2Voir la lettre précédente n. 5. 3Beaumarchais avait raison de se plaindre; nous savons que la bataille de Grenade, au cours de laquelle Le Fier Rodrigue subit d’importants dégâts, allait lui causer une grosse perte d’argent. Mais pourquoi se plaint-il au nom de Monthieu? Donvez suppose que c’est à cause de la lettre anonyme du 6 juin (lettre 820): Beaumarchais voulait se faire oublier à cette époque. AF; Donvez A 428. 4Au verso est écrit: “Lettre de commerce a M r Don Francisquez Dalaza [sic] du 8 Juin 1779.” verso est écrit: “Lettre de commerce a Mr Don Francisquez Dalaza [sic] du 8 Juin 1779.” 6Voir lettre 783 n. 19; nous savons que c’est Francy qui vient de recevoir son brevet de capitaine donc le “petit George” est son neveu, le fils de Charles-Théveneau de Morande et d’Elisabeth Morande, née Saint-Clair; voir von Proschwitz, CE, doc. 324 n. 2. 5Au 809. Au comte de Vergennes Copie MR Le Ct.e de Vergennes. Paris ce 8 juin 1779 Monsieur Le Comte Personne ne sait mieux que vous combien la méchanceté est ingénieuse pour nuire. Je ne vous écris pas pour vous demander justice d’une horreur qu’on me fait, parceque cela est impossible; mais pour me garantir du mal que cette horreur là me ferait, si elle allait jusqu’au Roy, sans que Sa Majesté fût prévenue, ainsi que Mr Le Cte de Maurepas et vous même. CORRESPONDANCE 175 A mon arrivèe de Bordeaux j’ai trouvé deux lettres chez moi. elles sont sans signature; mais le motif qui les a fait écrire m’ayant paru louable, sans autre examen j’ai répondu sur le champ, selon que mon esprit et mon coeur étaient affectés, comme je le fais toujours. Un article sur les prisonniers français que j’ai mis au courrier de L’europe avant mon départ de Paris, étaient le premier texte sur lequel l’anonime avait exercé sa plume;1 il paraissait indigné contre les Anglais, il énumérait ensuite nos desavantages et semblait attendre mon avis pour fixer le sien. Tout plein que j’étais des cris odieux que j’ai entendu faire partout, et contre notre marine, et contre les ministres; je broche une réponse rapide et je l’envoye à l’adresse indiquée. Pardonnez, Monsieur Le Comte et que le Roi me pardonne s’il desapprouve ma chaleur et ma vraie lettre dont je vous adresse une copie littérale,2 en vous envoyant l’original de la lettre qui y a donné lieu.3 Aujourdhui il court une lettre de moi défigurée, dénaturée et pleine de libertés ciniques. 4 Je vois bien qu’on m’a tendu un piége; je vois qu’on veut encore une fois me nuire, en faisant parvenir jusqu’au Roi cette prétendue lettre, comme on l’a déjà fait une fois sur de prétendus propos tenus, disait-on, à ma table. Le profond mépris que j’ai pour les méchans, ne doit pas m’empêcher de me prémunir contre eux. J’ose donc vous supplier de mettre sous les yeux de Mr Le Cte de Maurepas et du Roi ma véritable lettre dont heureusement j’ai gardé minute. Je la certifie véritable, et je défie les mechans d’oser en montrer une différente, armée de ma signature. Je n’ajoute pas un mot; je connais votre équité, votre bonté. Les clameurs indiscrettes m’indignent et je deviens doublement français quand je trouve des gens qui affectent de ne pas l’être. Voila ce qui me fait parler quelquefois fortement, et ce qui m’a fait répondre à un anonime qui me semblait honnête. S’il vous est possible, Monsieur Le Comte, de m’accorder une demie heure cette semaine; je désire vous mettre sous les yeux des objets importans et relatifs aux Américains. Je recevrai votre ordre à cet égard avec la reconnaissance respectueuse et la foule de sentimens qui m’attachent à vous. 176 1Voir lettre lettre 3Voir lettre 4Voir lettre 2Voir CARON DE BEAUMARCHAIS 776. 811. 810. 820. 810. D’un anonyme Lettre que j’ai trouvée chéz moi a mon retour de Bordeaux. [29 avril 1779] repe le 1er Juin 1779. 1 Jay lu, Monsieur avec l’indignation que tout le monde a du ressentir, dans une lettre sous votre nom adressée au redacteur du courier de l’europe,2 le recit des traitemens barbares que les anglois exercent envers les françois prisonniers en Amerique c’est faire de votre plume éloquente un usage digne d’elle que de l’employer a venger ces infortunés compatriotes, en attendant que la france tire de leurs oppresseurs une vengeance plus éclatante. l’horreur qu’ont exité dans tout l’univers les cruautés aux quelles ces insulaires se sont deja livrés dans la derniére guerre, à l’égard des prisonniers françois, n’a donc pu engager le gouvernement britannique à prevenir de pareils excés! il paroit meme que l’inhumanité est portée encor plus loin dans la guerre entr’eux, quel peuple que celui qui peut reduire des malheureux captifs a l’alternative de mourir dans les tourmens de la faim ou d’etre meurtriers de leurs concitoyens! qui defend à ces infortunés, expirans dans les cachots impestés où il les entasse, de se donner aucun secours, les uns aux autres dans leurs derniers momens et ces barbaries exécrables resteraient impunies? et la nation françoise n’armeroit pas tous les bras pour laver cet outrage dans le sang de ses ennemis et si l’honneur pouvoit avoir cessé de parler à nos ames, la ferveur ne suffiroitelle pas pour les enflamer! CORRESPONDANCE 177 pardonnés ce transport, monsieur, je ne l’aurois sans que mon sang n’allume ma vertu le tableau que vous avés mis sous les yeux du public, et dont la verité n’eut que trop attestée eh! quel coeur françois, quel coeur humain pourroit ne pas se soulever à l’idée de ces horreurs! si les anglois egorgeoint leurs prisonniers à l’instant meme que ceux-ci leur vendent les armes ils seroient, sans doute, moins cruels a leur egard, et moins coupables envers l’humanité qu’en employant contre eux des atrocités si refléchies. qu’on ne dise point qu’elles sont le crime particulier de quelques anglois. il est impossible que le gouvernement n’en soit pas complice, puisque c’est de lui qu’emanent ou a qui sont communiqués les reglemens relatifs à la nourriture et a la police des prisonniers de guerre et qui ne fait que bien loin de s’opposer aux effets de la haine populaire contre les françois l’administration angloise s’attache à la fomenter c’est le secret de la politique pour rendre la nation serville à ses demandes c’est pour tirer l’argent de ses sujets que le roi de la grande bretagne foule aux pieds par rapport aux françois, tous les droits des nations et de l’humanité. c’est dans les memes vuës que ce monarque et ses ministres se repandent tous les jours dans leurs discours publics en declamations injurieuses contre notre nation et contre notre souverain; et que tandis qu’ils se permetent dans leur conduite à l’egard de la france tout ce que le machiavelisme a de plus hodieux, ils attestent s’ériger en forfaits toutes les demarches de notre administration. n’esperons donc pas, monsieur, de voir adoucir l’affreuse situation de ceux de nos compatriotes que le sort des armes a fait tomber dans les camps anglois; mais esperons qu’ils seront vengés. il est vrai que les premiers événemens de la guerre n’ont pas repondu, osons l’avouer, a ce qu’on attendoit des dispositions favorables de la nation de la sagesse de notre gouvernement, et de la position si critique ou paroissoit la trouver la grande bretagne mais c’est, peut-etre, cette confiance trop grande de notre part qui a donné à nos ennemis la facilité de se procurer sur nous des avantages. tandis que nous les avons vus uniquement attentifs a se garder de nos attaques, ils nous ont porté eux-memes des coups inatendus. leur administration a mis dans les mesures autant de secret que d’activité; et nous avons 178 CARON DE BEAUMARCHAIS apris dans le meme jour le siége et la prise de pondicheri (a), avec la perte de toutes nos possessions de l’asie. 3 on ne peut pas se dissimuler non plus que nous n’ayons éprouvé des malheurs réels en amerique par là, je n’entens point la prise de ste lucie4 isle empestée, qui a consumé plus d’hommes à la france qu’elle ne lui a rapporté de livres de sucre. je parle de la destruction d’un milier d’hommes, massacrés par l’imprudence d’un chef dont on attendoit des grandes choses (b). mais ces deux revers peuvent sans doute, etre reparés. preservons du decouragement où notre caractère extrême nous fait quelques fois tomber, et qui de tous les malheurs qui peuvent le produire est lui-meme le plus grand de tous. aucun coup decisif n’a été porté encore; et si l’ardeur de la nation est secondée par la conduite du gouvernement si la faveur n’a aucune influence dans ses choix, s’il a une main pour punir (c) comme il en a une pour recompenser, si l’harmonie regne entre les ministres des differens departemens, s’ils ont l’ame assez grande pour s’éléver au dessus des petites jalousies, des petites rivalités qui seroient aussi funestes à leur gloire qu’à la patrie, pour magnifier les frivoles distractions, les vains plaisirs que leur offre une cour galante et polie, et consacrer tout leur genie et tous leurs momens à leurs fonctions sublimes; si notre jeune monarque de son coté soutient la haute idée qu’il a deja su donner de lui à son peuple et à l’europe, si la passion de la gloire, sans laquelle la vertu ne va pas loin dans la cariére, enflame son coeur s’il songe que de succés de cette guerre depend la prosperité de tout son regne, attendu que si elle etoit malheureuse, tout le bien que son coeur se propose de faire, quand le calme renaitra deviendroit impossible pour une nation découragée et mécontente, si enfin, à l’exemple de louis XIV, dans le moment le plus desastreux et le plus bas de sa vie (d), il aime mieux s’ensevelir sous les ruines de son trone que de consentir jamais à une paix honteuse; n’en doutons point, la victoire se declarera pour nous l’oprobre de la dernière guerre sera effacé, la france reprendra sa place dans l’europe alors l’instant sera venu de la rendre heureuse alors écloront, aux rayons d’une glorieuse paix tous ces germes de felicité publique que notre jeune souverain veille dans son ame vertueuse puisse cet augure n’etre point vain! Deussai-je en payer CORRESPONDANCE 179 l’accomplissement de tout le sang qui coule dans mes veines, et que j’ay deja confairé à la patrie. j’ay l’honneur d’etre, monsieur, avec le respect qu’on doit aux talens superieurs a Mets le 29 avril 1779. votre trés humble et trés obeissant serviteur n..... p.s. permetés-moi, monsieur, d’ajouter ici en forme de notes, trois ou quatre reflexions relatives à quelques passages de ma lettre. (a) j’avouë que je ne sais ce que c’est que la belle defence de m. de Bellecombe 5 qui, avec une garnison de trois mille hommes contre onze mille, n’a pu tenir qu’un mois de tranchée ouverte. je m’en rapporte là-dessus à tout militaire éclairé. pondichéri n’etoit pas, à beaucoup prés, en aussi bon etat qu’aujourd’hui lorsque dupleix, qui n’etoit pas militaire, deffendit cette place avec tant d’opiniatreté contre les anglois qu’il les força de lever le siége. une circonstance remarquable du siége dernier, c’est que les assiégeois n’ayent perdu guere plus de monde que les assiégés. une circonstance plus remarquable encore c’est que malgré la superiorité reconnue de notre artillerie sur l’artillerie angloise près de soissante piéces de canon, du coté des françois ont été mises hors de service, tandis que les anglois n’en ont eu que sept ou huit. lorsque le général qui a pris pondicheri loue m. de belecombe sur sa belle defence, on voit qu’il cherche à relever un triomphe facille mais qui ne vivoit, si le sujet etoit moins affligent, de l’ineptie des gazetiers qui repetent ces louanges de la melieure foi du monde? (b) on ne peut s’empecher d’admirer la fermeté inébranlable avec la quelle nos soldats, quoique tant de raisons deussent les décourager, ont soutenu pendant plusieurs heures, le canon ennemi, chargé à mitraille. je vois, avec plaisir, que le courage françois subsiste encore, malgré tout ce qu’on a fait pour le détruire. il est vrai qu’aux isles on ne donne pas de coups de plat de sabre. les troupes angloises, par qui les notres ont été batuës à st.e lucie, doivent peu s’enorgueillir de leur victoire. c’est l’artillerie 180 CARON DE BEAUMARCHAIS toute seule qui l’a remportée elles étoient bien tapies dans leur retranchemens, d’ou elles ne sont pas meme sorties pour pour [sic] suivre les notres dans leur retraite. (c) à l’affaire d’ouessant6 un capitaine de vaisseau n’obeit point aux signaux, et resta dans l’inaction pendant tout le combat. cet officier devoit au moins etre destitué comme incapable, s’il n’etoit pas puni comme criminel; il a conservé son commandement. Si cet abus d’impunité qui a causé deja tant de malheurs a la nation y subsiste toujours; si la meme faveur qui porte aux plaies derobe les coupables au chatiment, si, tandis qu’en angleterre l’administration a toujours l’oeil ouvert et le bras levé sur les hommes qu’elle employe, en meme tems qu’elle est continuellement observée elle meme par les regards severes de la nation, en france l’administration continuë à pardonner tout comme on lui pardonne tout, ah! qu’il est à craindre.... mais loin de mon esprit tout sinistre presage. (d) comment j.j. rousseau qui a censuré ce trait n’a t il pas vu que ce fut cette héroique resolution qui rammena la fortune et arracha la france aux nations confederées? 1C’est la date indiquée sur la lettre mais celle la lettre 811 indique le 4 juin; voir lettre 811 n. 1. 2Voir lettre 776. 3Pondichéry, comptoir de l’Inde française, a été pris trois fois par les Anglais (1761, 1778, 1793) et rendu en 1816 à la France. Joseph-François Dupleix (1697-1763) mentionné ci-dessus dans la note (a) a été gouverneur de Pondichéry de 1741 à 1754. 4La campagne a duré du 13 au 30 décembre 1778. 5Guillaume-Léonard de Bellecombe (1728-1792) fut nommé commandant général des établissements français de l’Inde orientale en 1776. Pondichéry fut assiégé par les Anglais de juillet 1778 jusqu’au 18 octobre. 6La première grande bataille entre les Français et les Anglais après la signature du traité d’alliance franco-américain. L’affrontement entre les forces de l’amiral Keppel et de l’amiral d’Orvilliers eut lieu le 27 juillet 1778 et se termina sans victoire de part ni d’autre. Voici une description de cette bataille: “D’Orvilliers profitant de l’avantage du vent prend d’enfilade la flotte anglaise sous son vent et la maltgraite fort. Il donne l’ordre de virer de bord par ordre successif. 181 CORRESPONDANCE La manoeuvre fut mal interprétée par le Duc de Chartres commandant l’escadre bleue qui d’arrière garde devenait l’avant garde. Les vaisseaux français sous le vent ne purent empêcher les vaisseaux anglais de s’enfuir. Ils laissent échapper une belle occasion de gagner une bataille navale qui eut probablement raccourçie [sic] la durée de la guerre” (Villiers, p. 229). Les Français ont perdu “165 hommes dont 9 pour l’escadre bleue du Duc de Chartres et . . . 419 hommes chez les Anglais” (Villiers, , p. 232 citant Histoire de la guerre . . . ). 811. A un anonyme Copie de ma véritable lettre Paris, ce 4 juin 1779. 1 J’ai trouvé monsieur à mon arrivée de Bordeaux et Rochefort, les deux lettres dont vous m’avez honoré, l’une de Metz2 et l’autre de Paris. 3 Votre patriotisme mérite beaucoup d’eloges, mais il vous fait peindre avec trop de frayeur la situation de nos armes. Les Anglais, MR n’ont aucun avantage militaire sur nous; ils ont pillé notre commerce à peu près comme les voleurs attaquent les coches sur les grands chemins, en attendant la maréchaussée, peut-être aurait-il falu qu’elle arrivat plutôt. Mais la plus grande partie de nos navires étaient assurés à Londres, et nous avons sur eux 4 mille prisonniers de plus qu’il n’en ont à nous. Notre escadre d’Estaing est dans le plus belle [sic] état, et ne manque de rien, pendant que Biron4 ayant fait la faute d’établir ses troupes de terre sur le cimitière de l’Amérique, y périt visiblement tous les jours, sans oser rien tenter avec des forces bien superieures aux notres. La prise de Pondicheri n’est pas non plus un avantage dont les Anglais puissent se glorifier. Depuis un an une frégatte 182 CARON DE BEAUMARCHAIS française était partie avec ordre de donner à Mons. de Bellecombe celui d’évacuer la place au premier mouvement des Anglais et de se retirer à l’Ile de france, ou le gouvernement avait depuis longtems résolu de rassembler toutes ses forces un peu trop dispersées dans l’Inde. La frégatte n’est arrivée qu’après la belle déffense de MR de Bellecombe qui ne l’eût pas faite inutilement n’étant pas assez fort pour tenir, s’il eut reçu plutôt ses ordres de retraite. Ce qui n’ôte rien au mérite de M. de Bellecombe. Quant aux mauvais traitemens que les Anglais prodiguent à nos prisonniers, rien ne pouvant les excuser de cette exécrable cruauté, j’ai cru devoir la publier,5 en punition de leur crime; c’est tout ce qu’un particulier pouvait faire, en attendant que le gouvernement s’en ressentit lui-même, et c’est ce qu’on doit attendre de sa sagesse. Quoiqu’il en soit croyez, MR que la france n’a jamais été dans une position plus avantageuse. N’a-t-elle pas donné la paix à l’Allemagne, a la Prusse, a la Russie, et a la Turquie? n’a-t-elle pas isolé l’Angleterre de toute espèce d’alliés en Europe, et ne tient-elle pas cette puissance en échec dans son pays même, par les mouvements que nous faisons sur nos côtes? Notre alliance avec les Américains n’a-t-elle pas consolidé cette indépendance qui enleve tout le continent du Nord a la couronne anglaise, et notre cabinet politique le plus habile et le premier de l’Europe, n’a-t-il pas acquis une influence universelle sur les actions de toutes les puissances militantes? L’Espagne armée est prette à tonner, la Hollande résolue de déffendre et maintenir son commerce et sa liberté maritimes, la Suède, le Danemarck et la Russie entrent dans ce plan honorable; que reste-t-il à l’Angleterre? une isolation funeste, un epuisement total d’hommes et d’argent, des déchirements intestins, la perte de l’Amérique, et la frayeur de perdre l’Irlande. Il est vrai qu’en revanche de la Dominique, ils nous ont pris le rocher infect de ST Lucie; mais, en feignant de menacer nos possessions du Golphe, ne voyez vous qu’ils tâchent de masquer la frayeur qu’ils ont pour les leurs. Voilà l’état respectif de leurs avantages et des nôtres. Celui qui ne sent pas l’extrême supériorité de notre position, lit mal dans le grand livre des evenements du siecle. CORRESPONDANCE 183 Laissons de coté les prétendues fautes de MR d’Estaing et les cris de ses envieux, et ne jugeons pas légerement un homme assez grand pour dédaigner l’outrage en faisant imprimer tout ce qu’on lui adresse d’injures anonimes. Voyons uniquement le bon etat de sa flotte après une si laborieuse campagne, sa vigilance infatigable, et le concert de louanges de tous les soldats et matelots. Voyons surtout l’acharnement de ses ennemis à le dénigrer, on ne s’enroue pas à dire autant de mal d’un homme dont il n’y aurait aucun bien à penser; une pitié méprisante est ce qu’on accorde aux gens médiocres. Et la colère des rivaux d’un brave homme est un hommage peut-être plus flatteur et plus sûr que l’eloge de ses amis. Je m’arrette court sur ce sujet inépuisable, parce que mon opinion ne fait rien à la chose et que j’ai beaucoup d’affaires qui demandent mon tems. Si je me suis fait un plaisir de rassurer un honnête homme qui me paraît très bon français, c’est qu’emporté par ce torrent de critiques amers qui passent leur vie à diminuer nos avantages, pendant que nos ennemis ne perdent pas une occasion de boursoufler les leurs. Il craint pour nous et m’a demandé mon sentiment, je me suis haté de le lui dire en deux mots en l’assurant de tous les sentiments que la lettre inspire à Son très-humble et obs. Signé Caron de Beaumarchais. 1Un exemplaire ce cette lettre indique le premier juin. Il y est indiqué en haut: “Copie de ma réponse à une lettre sans signature” et à la fin: “Je certifie que cette copie est litteralement faite sur l’original de ma lettre. ce 8 juin 1779. Caron de Beaumarchais.” La lettre transcrite ici est bien datée du 4 juin. 2Voir lettre 810. 3On n’a pu trouver cette lettre. 4Voir lettre 826 n. 2. 5Voir lettre 776. 184 CARON DE BEAUMARCHAIS 812. De Chevallié Rochefort le 15. Juin 1779 Monsieur La lettre que m’a faite l’honneur de m’écrire M. Saunier le 11. de ce mois et que je n’ay cependant reçu que hier au soir, avec le résumé de nôtre operation commune relative a la livraison des tabacs, et qu’il à dressé sur celui que je luy ai remis pareil egalement à celuy que j’ay eu l’honneur de vous envoÿer il y à aujourd’huy 8. jours; cette lettre et son résumé dont je vous addrésse ci joint copie, vous mettra à même de juger que ma conduite méritoit de vôtre part des sentiments bien différents de ceux que vous m’avés temoigné dans vôtre lettre du 5. de ce mois; puisqu’elle donne la preuve que j’ai fait tout ce que vous aviés lieu d’attendre de moi et au dela; désque la livraison est entiére sans aucune reserve quoique vous m’en aviés donné l’autorité, et ce que j’ai fait à l’egard des tarres justiffie encor, combien vos interêts ont été par moi menagé et pris avec toute la chaleur possible. Enfin c’est vous qui tenés présentement la conclusion de cette affaire avec M. Paulze; 1 dirés vous que je vous ai laissé des doutes qui vous en empêche c’est ce que je n’ai pas à craindre. Si donc vous avés dans ce que je vous ai envoÿé, tout ce qu’il vous faut pour terminer, vos reproches n’étoient pas fondées; dés qu’encore vous avés été assuré par moi même que je n’attendois que le réglement de la tarre pour régler, arrêter mon compte de vente de tous les tabacs; soÿés assuré d’avance que vous le recevrez courrier par courrier, aprés que vous m’aurés êu envoÿé vôtre resultat avec M. Paulze. Dans tout ce que j’ai vû de Mr.s hébre de ST Clément et Compe vos bons amis, je ne leur ai pas plus reconnu d’empréssement à vouloir s’engager a etre vôtre caution, dans cette circonstance que CORRESPONDANCE 185 vous même en avés mis à me faire justice car ces Mrs n’ont pas manqué de me dire que si je voulais leur donner la clef d’un des magasins, qu’alors il me feroient leur soumission, telle que vous là leur avés prescrite; ma réponse à M. Garnier qui est le seul de la societé auquel j’ai parlé à été de lui dire que j’avois été plus généreux puisque M. Saunier les avoit toutes. Par l’extrait de la lettre de M. Paul Nairac2 du 12. de ce mois et que j’ai reçu dimanche vous verrés que la question du fret sur ma commission D’amerique en devant etre decidée Il ny a plus que celle de savoir si je là préléverai comme la commission de vente de 8 pr % ou sur le produit net. Je l’ai demandé le même jour: aussi je m’attends de recevoir cette derniere explication jeudy ou dimanche; par toutes ces dispositions il vous sera aisé de voir combien j’ai à coeur de ne rien exiger dans mes comptes, au dela de ce qui m’a été alloüé par la sentence, et de les terminer promptement pour me sortir de même, de dessus vos affaires c’est dans ces sentiments que j’attends avec la plus vive impatience M. de Montieu et l’ordre du ministre qui puisse faire operer la décharge de mes soumissions au magasin général à raison des fournitures faites par le Roy aux deux armements du fier Roderigue. Vous m’aviés promis de m’envoÿer les lettres que vous à fait passer M. de Francy et ce que luy même m’a ecrit, il est bien assés qu’il ait ouvert & gardé celles qu’il a reçu de toutes parts aprés mon départ et qu’il s’en soit servi autant qu’il a pû pour faire ressortir nôtre heureuse séparation à tous les deux. Je n’en suis point étonné, d’aprés ce qu’il m’a repliqué quand je lui ay paru surpris de voir dans ses mains toutes les copies des mémoires et lettres de tous les personnages qui avoient voulu vous nuire dans l’esprit du congrés et sur ce que ces piéces devoient selon moi, etre déposées aux archives et dans le plus grand secret, je garderai cette replique en moi mais pour ne l’oublier de ma vie, cela est venu sur le propos de ma demande des lettres que vous avés à moi et que je vous prie de m’envoyer: J’ay l’honneur d’etre trés parfaitement Monsieur Votre trés humble & trés obéissant serviteur 186 CARON DE BEAUMARCHAIS Chevallié M. Caron de Beaumarchais à Paris./. 1Voir lettre 736. Nairac, armateur de Bordeaux, était l’un des arbitres qui a signé l’Avis Arbitral mettant fin au différend BeaumarchaisChevallié; voir lettre 806 n. 1. 2Philippe 813. A M. de Sartine Mr De Sartines Paris ce 16 Juin 1779 Les obstacles multipliés qui ont empéché de faire sortir de Hollande le vaisseau de guerre que le Roi y a fait construire subsistant toujours et les efforts inutiles de toutes les personnes qui sen sont mélées, forçant le gouvernement d’abandonner un vaisseau dont je pourais tirer aujourdui le plus grand parti: J’ai l’honneur de vous proposer de m’en faire au nom du Roi la cession a titre de vente ou de pret enfin sous les conditions qui vous sembleront raisonables dont la 1eRe sera que je m’engagerai de tirer le vaisseau du texel et de l’employer utilement pour le service de l’Etat. Mais comme j’envoie un exprès en Hollande a la suite d’une autre affaire importante je ne trouverai jamais une autre occasion aussi favorable pour essayer de sortir ce vaisseau. J’ai lhonneur en attendant une réponse qui suspend le départ de mon agent de vous assurer de mon tres respectueux attachement avec le quel je suis Monsieur Votre tres humble et tres obéissant serviteur Caron de Beaumarchais CORRESPONDANCE 187 Un autre exemplaire de cette lettre a le 26 juin 1779 comme date. 814. D’Arthur Lee A M.M. Caron de Beaumarchais, à Paris ce 17 juin 1779 J’ai été avertis Monsieur que vous avez fait mettre devant les yeux du congrés des Etats Unis de l’Amerique, des copies des lettres signées Mary Johnstone, 1 lesquelles lettres vous prétendiez d’avoir recu [tâche] de moi. Je vous demande donc Monsieur jour et l’heure quand il vous sera convenable de me montrer, a moi et a quelqu’uns de mes amis, les originaux de ces lettres. afin que nous pouvons juger si elles sont de mon écriture, et si il ny a pas des erreurs qui se sont glissé [déchirure] dans leur dechiffrement et leur traduction. J’ai l’honneur d’etre, avec consideration, Monsieur, votre tres humble &a Memorandum / On the 17t.h June I (Ludwell Lee 2) picked up the above letter, & carried it to MR Beaumarchais’s on the 18t.h He not being at home, I was [asked?] to return the next day. I accordingly did return, but coud not get a sight of him. I therefore, on the 19th wrote him a note advising him to appoint a day & an hour when he might conveniently see me. . 1Pseudonyme de Lee; voir tome IV, lettre 693 n. 18. Une de ses lettres chiffrées se trouve dans le tome II, lettre 366; voir aussi lettre 364. 2Neveu d’Arthur Lee; voir la lettre suivante. 188 CARON DE BEAUMARCHAIS 815. De Ludwell Lee à Paris ce 19 Juin 1779 Monsieur, J’ai été deux fois à votre porte, pour avoir l’honneur de vous remettre une lettre,1 mais n’ayant pas pû vous voir, je vous prie, Monsieur, de me fixer le jour & l’heure qu’il vous sera covénable, et je me rendrai chez vous J’ai l’honneur d’être, Monsieur votre tres humble & trés obeisst serviteur Ludwell Lee Je demeure à l’Hotel d’Espagne, rue Guenégaud, Faubourg ST Germain. M. Caron de Beaumarchais 1Voir le mémorandum ajouté à la lettre précédente; la rencontre demandée aura lieu le 22 juin. 815bis. De Dorat [22 juin 1779] A Monsieur de Beaumarchais Le premier acte de reconnaissance dont je me crois tenir envers vous, mon cher bienfaiteur, est de vous rendre compte de ma conduite et de l’usage de vos bienfaits.1 CORRESPONDANCE 189 Avec les 1200£ que vous m’avez déjà avancés, j’ai acquitté pour 4000£ dettes [?] que j’ai renouvellés[.] [L]es autres sommes sont destinées au meme emploi; je profite de la permission que vous m’avez donneé d’envoyer à la fin des mois, pour heriter de deux premier mille écus, ne m’envoyez que 1200£ si cela vous convient d’avantage, et marquez moi de grace le jour de vendredi, samedi, ou dimanche prochain ou je pourrai causer avec vous, j’ai besoin de vous voir de vous renouveller les tendres temoignages de ma gratitude. Vous seul aurez changé mon sort, et cette [ ? ] le calme dont j’aurais tout besoin. Votre serviteur, et un ami de vous, Dorat Cette lettre a été trouvée et transcrite pour nous par un ami; nous n’avons pu la vérifier mais voulions la publier quand même. Il y a écrit en haut de la page: Recu et repondu, le 22 juin 1779. Envoye cinquante louis. i Voir les lettres 784, 785, 795, 800, et 816. 816. A Dorat Paris ce 22 Juin 1779 Je vous envoye cinquante autres louis sur les deux mille ecus. ce fera cent que vous aurés touchés. le reste egalement a vos ordres.2 Je détaille ceci pR la bonne regle. Le jour que vous voudrés jazer avec moi de vendredi, ou samedi me sera tres agréable et ma porte une fois pour toutes vous sera toujours ouverte. car malheureusement j’ai tant d’ouvrages que je suis obligé de me tenir clos pour travailler. Je suis comblé de joie qu’un simple bon office ait pu vous rendre la tranquilité. Ne mettés a cela d’autre valeur que celle de l’estime et du sentiment pour vous, qui m’a fait agir. Je vous salue ://: Caron de Beaumarchais 190 CARON DE BEAUMARCHAIS Mr Dorat 1Voir lettres 784, 785, 795 et 800. 817. De Francy Philadi.e le 23 Juin 1779 1 La derniere lettre que j’ai eu l’honneur de vous ecrire est du 27 avril,2 elle a été emportée par un capE Americain nommé green3 allant a l’orient ou a Nantes. Le paquet dont il etait chargé pour vous contenait sous le NO 1 une lettre du congres a votre adresse, (je joins ici une copie de cette lettre)4 sous le NO 2 une lettre de MR Deane sous le NO 3 une lettre du Bo.n de Stuben (dont vous avez ici le double)5 sous le NO 4 une lettre de MR Drayton membre du congres (ci joint le double)6 sous le NO 5 une lettre de MR Smith autre senateur (ci joint est l’original)7 sous le NO 6 des resolvets du congrés du 15 JiEr & 20 avril (jinsere ici les copies) enfin sous le NO 7 ma lettre du 27 avril:8 comme je n’ai aucune nouvelle de vous depuis 14 mois et que je soupcone que vous n’etes pas a paris, je ne vous envoye pas copie de cette lettre par MR Gerard a qui je dois laisser celle ci, il n’a pas encore fixé le moment de son depart pour france9 & je puis trouver des occasions plus prochaines et plus directes pour vous faire passer copie de toute ma correspondance depuis que je suis a philadelphie; il y a plusieurs lettres que vous ne devez pas avoir reçues, car je sais la prize de 2 batimens sur les quels j’en avois mis, mais si vous n’etiez pas en france lors de l’arrivée de MR G..... ce que je soupçone vu votre silence, on pourait ouvrir mes paquets par ordre superieur et il y a des details sur vos affairres particulieres qui ne doivent etre que pour vous. Je me bornerai donc ici a vous dire generalement ce que j’ai fait depuis que je CORRESPONDANCE 191 suis icy et ou j’en suis. Les lettres qui vous ont été remises par l’aide de camp 10 de MR De lafayette vous ont instruit des demarches que j’avois fait jusques alors, depuis ce tems je n’ai cessé de solliciter et d’importuner le congrés, je croyais etre a peine retenu six semaines icy et voila plus de 8 mois que j’y suis. la pr.e reponse que j’eus du congrés apres 5 a 6 Le.r fut ce resolvet du 14 JiEr et la lettre dont je vous envoye ci joint la 3m.e copie, je crus alors que toutes les difficultés etaient levées & qu’on allait s’occuper de bonne foy des moyens de vous faire des rétours; sachant cependant par experience que j’eprouverais des retards, je me determinai a rester encore quelques semaines a philadi.e pour presser l’achat de ces tabacs, esperant de recevoir d’un jour a l’autre votre compte general que j’aurais ete tres aize d’arretter pendant que MR Deane etait sur les lieux; mes craintes sur les rétards qu’on pouvait me faire eprouver pour l’achat de ces 3000 Bau.ds de tabac n’etaient que trop bien fondées, quoique l’ordre d’achetter fut donné par le congrés, le committé de commerce en differa l’execution sous differens pretextes enfin ennuyé de tous les delays qu’on me faisait eprouver et des mauvaises raisons qu’on me donnait, je pris le party de faire un memoire dans le quel je presentai sous un meme point de vue toute votre conduite et je me plaignis amerement de la maniere dont vos services avoient été recconus, j’entrai dans beaucoup de details qui n’etaient pas a la connaissance de la majeure partie des membres du congrés et je reussis a les determiner tous a vous rendre au moins justice, je n’ai epargné personne dans ce memoire parce que tous ceux que vous aves servi vous ont singulierement maltraité, mais ma franchise n’a pas deplu et le congrés a nommé un committé pour conferer avec moi sur les moyens de vous faire de prompts rétours. la négligence du committé de commerce en n’achetant pas de tabac avait rendu ce moyen de vous faire passer des acomptes impraticable; il est aujourdhuy si cher que le congres ne veut pas en acheter de peur d’augmenter encore la depreciation du papier qui est a un point incroyable (on donne dans ce moment ci 20 & 25 DaRs en papier pour une en argent & les vivres sont sans prix) le tabac est la seule production qui puisse dans ce moment ci faire des remises considerables, ainsy ce moyen manquant je ne savois que 192 CARON DE BEAUMARCHAIS proposer. enfin voici le party que j’ai pris. J’ai proposé au congrés de recevoir des traittes tirées par le president sur MR franklin11 ou tel autre representant des etats unis pourvu qu’on me donnat un resolvet par le quel les etats unis seraient engagés a faire les fonds de la somme qui me serait fournie en traittes, on a consenti a cette proposition apres beaucoup de nouvelles difficultés, l’on m’a demandé en termes de 3 ans que j’ai accordé, ne pouvant faire mieux, mais demandant que l’interet fut payé annuelement, on voulait que les billets eux memes portassent interet, mais j’ai preferé que l’interet me fut payé par des traittes separées esperant que vous pourres placer une partie de ces effets sous un excompte moindre que celui de 6 p% par an, d’ailleurs en vous remettant les traittes pour l’interet, cela fait 432000£ de plus dont vous pourres jouir tout de suite en les excomptant au lieu que si les traittes du capital eussent porté interet vous n’auriez pu jouir que de 2,400,000£ vous pourres certainement placer comme argent compT les deux traittes paybl.es au 15 Juin 1780 pR 144000£ a moins qu’il n’arrive quelque revolution totale, je suis bien assurre que ces traittes seront tres bien payées, dans tous les cas cela vaut beaucoup mieux qu’une simple promesse du congrés de payer quand ils pourront. MR Gerard qui veut bien se charger de vous remetre a vous meme mon paquet a été témoin de toute la peine que j’ai eu pour obtenir ces traittes, il connait tous les details de ma conduite depuis que je suis dans le continent ainsy vous pourres savoir par luy si j’ai fait ce qui etait en mon pouvoir pour vous prouver que votre confiance n’etait pas mal placée, si je n’ai pas eu un plus grand succés & si les retours sur les quels vous comptiés n’ont pas été plus prompts, il n’y a certainement rien de ma faute. Outre les 2,400,000£ de trai [sic] j’ai obténu comme vous le verres par la copie du resolvet du 5 juin que j’insere dans ce paquet que le vaU le chaa 12 qui a 500 bd.s de tabac a bord soit livré a ma disposition afin d’etre expedié a votre adresse sous convoye du fier Rodrigue, en outre l’on me delivrera encore 6 a 700 boucauds que le congrés a tant en Maryland qu’en Virginie & dans la caroline du nord, des que j’aurai des batimens pour le charger, cela ne suffira pas a beaucoup pres pour charger les differens batimens que j’attens, mais sans doute ils ne viendront pas vuides & alors au lieu de vendre pour du papier CORRESPONDANCE 193 monnoye ce qui est sujet a des revolutions ruineuses je vendrai pour du tabac; les anglais viennent de faire une incursion dans la Baye de Chesapeak qui a encore fait augmenter considerablement cette denrée, ils ont brulé plusieurs magazins et plusieurs vaisseaux charges entr’autres La Virginie qui vous etait consigné avec 353 Bd.s a bord mais cette perte ne vous regarde pas; l’etat de la virginie a perdu considerablement, je sais qu’une partie du tabac qui vous etait destiné faisant partie des 2000 achettés par Chevallié ont été brulés et je crains bien que cela n’eleve une nouvelle difficulté; lorsque je partis pour philadelphie, le gouverneur de virginie13 me dit que votre tabac resterait a vos risques dans les magazins, j’evitai de repondre, et je partis sans prendre aucun engagement a ce sujet: j’espere que j’obtiendrai la quantité entiere qui vous est due, vous verrez par la datte des traittes que je n’ai pu quitter philadelphie un moment plutot, j’aurai bien desiré me rendre en Virginie depuis longtems pour faire decider cette querelle sur la qualité des tabacs14 mais cela n’a pas dependu de moy, je pars au moment ou je suis libre quoique tres faible encore d’une violente fievre qui m’a oté toutes mes forces en 4 accés, heureusement je suis en etat de voyager & je quitterai demain la ville. Je crains un peu la rechute car la virginie est l’endroit le plus fievreux de tout le continent, mais cela ne m’arrettera pas; je desire seulement pouvoir arriver avant que l’assemblée generale n’ajourne si j’arrivais trop tard il faudrait alors que j’attendisse jusqu’au piEr 8bRe pour cette decision sur la qualité des tabacs, ce qui serait impossible si comme je dois m’y attendre Le fier Rod.... arrive avec sa suite dans le courant de ce mois ci, je ne concois plus rien a son rétard MR Peltier m’a ecrit en datte du 26 9bRe que sous 3 mois au plus 4 je le verrais, en voila 7 d’ecoulés & rien n’arrive; c’est ce qui me fait esperer de vous voir. Je ne vous parlerai pas des operations politiques de ce nouveau monde ni des gens qui sont a la tete des affairres, MR G.... a qui j’ai souvent donné des renseignemens et a qui j’ai fait part de beaucoup de notions que l’habitude de vivre familierement avec ces gens ci m’a donné, vous fera la dessus tous les details qui pourront vous interesser pour ce qui regarde la partie du commerce je l’ai particulièrement etudiée et je vous 194 CARON DE BEAUMARCHAIS ferai moi même à ce sujet là les détails que je croirai pouvoir vous être agréables, lorsque je saurai precisement ou vous adresser mes lettres et lorsque je saurai ce qui me reste a faire dans le continent; le but pour le quel je suis venu yci est en tres grande partie rempli, si je reçois votre compte general vu & arretté par MR franklin, ce sera l’affairre d’un instant pour solder tous vos comptes avec le congrés avec le quel je suppose, vous n’avez pas commencé de nouvelles affairres d’apres le contract que j’ai fait, outre que les conditions ne vous sont pas avantageuses, le congrés n’a pas tenu ses engagemens ainsy vous ne devez pas tenir les votres j’ai annoncé dans mon memoire qu’on ne devait absolument pas compter sur vous pour aucunes fournitures et meme que s’il en arrivait, je ne les delivrerois pas aux conditions portées dans le contract, mais que l’on pouvait compter sur la preference en payant les prix courans, si ce nouvel envoy n’est pas tres considerable et que je puisse en disboser [disposer] avant que les batimens ne soient rechargés, je suis bien tenté d’aller vous voir, il serait de la plus grande importance pour vos interets que je vous entretienne. Je connais tres bien le pays et je sais tout le party qu’on en peut tirer apres vous avoir entretenu, je consentirais volontiers a revenir pour former plusieurs etablissemens dans les endroits les plus avantageux du continent; les lettres que j’attens de vous & la nature des nouvelles affairres qui vont m’arriver me determineront. si je ne puis faire le voyage aussi promptement que je le desirerais, je vous ferai part de mes idées par vos vaisseaux, ce pays cy est devenu le sejour le plus ennuyeux et le plus desagreable qu’on puisse imaginer, la loy du plus fort est presque la seule qui y soit connue, tout est dans un desordre incroyable, mais tous les habitans veulent l’independc.e la majeure partie est pour l’alliance avec la france ainsy un an ou deux de paix retabliront tout ce desordre, j’ay ete tres allarmé pendant quelque tems, il y avait un party puissant dans le congrés qui etait entierement opposé a tout ce qui pouvait entretenir l’alliance mais heureusement ce party est dissipé. les freres15 du politique de berlin16 qui auraient tout renversé pour le continuer dans sa place viennent de quitter le congres l’un & l’autre, depuis leur depart on a deja rappellé le ministre pres des cours de berlin et de vienne ainsy que MR Izard CORRESPONDANCE 195 et sous peu le politique de berlin lui meme sera a coup sur rappellé pour qu’il ait a prouver ses accusations contre MR Deane qui de son coté attaque vivement ce politique, cette malheureuse dispute et les partis opposés dans le congrés ont été cause que beaucoup d’affairres tres importantes ont été negligées mais il y a bien a esperer que desormais tout ira bien, MR G..... vous dira ce qu’il en pense et vous fera part de ce qui sera determiné d’yci au moment de son depart. il m’a paru avoir envie de vous connaitre particulierement. J’ai fini avec le sieur Galvan17 c.a.d. il m’a remis a 2000 piastres pres la meme somme nominale que celle qu’il avait touchée de l’etat de la caroline, mais vu la depreciation actuelle le montant total est a peine le 10m.e de ce qu’il a reçu; de peur de ne rien avoir, j’ai preferé recevoir cet argent sauf & disputer après. J’ai ecrit au gouverneur de Charlestown pour lui proposer de reprendre en nature les fonds qui furent remis au sieur Galvan puisque cet agent ne vous les a pas fait passer et qu’aujourdhuy la perte que vous feriez seroit tres considerable si vous etiez tenu a recevoir ce meme argent en payement; je n’ai pas encore recu reponse, mais comme mes representations ont été fortement appuyées par MR Drayton delegué de la caroline, j’espere qu’on y aura egard et que le conseil de l’etat consentira a reprendre cet argent. J’ay le plaisir de vous aprendre que MR le Bo.n de Stuben est singulierement content de votre neveu cette année. il s’etait elevé quelques petits nuages entre eux en campagne dr.e & desepiniers avait quitté le Baron mais je les ai remis ensemble et ils m’en ont fait l’un et l’autre des remercimens. J’ay l’honneur de vous prevenir que MR Giroud est infiniment mecontent de sa situation dans ce pays ci je ne sais pas quelles etaient ses pretentions lorsqu’il vint, mais il se plaint beaucoup d’avoir été trompé; tant que nous avons eté ensemble en virginie je n’ai eu qu’a me louer de luy, je m’appercus bientot que tout l’affectait, mais desirant en faire mon ami j’eus pour lui toute sorte d’egards & il me parut tranquille pendant qques instans. Nous vimmes ensemble a philadi.e au mois d’Octobre comme jusques a ce moment ci mes affairres n’ont pas été tres multipliées et que j’en fais plus de la moitié en anglais que MR 196 CARON DE BEAUMARCHAIS Giroud n’entend pas ni n’ecrit, il en a resulté qu’il n’avait guère à faire qu’a copier mes lettres, cela l’a ennuyé et il a commencé a temoigner de l’humeur. J’ai eu avec lui 2 ou 3 conversations ou je lui ai representé son injustice, il en est convenu avec moy, mais il a insinué a mes connaissances qu’il avait été envoyé par vous pour m’etre adjoint et que je ne suivais pas vos intentions, dans le mois de Decembre j’ecrivis a l’assemblée de virginie siegeant alors relativement a votre tabac, MR Giroud tres ennuyé du sejour de philadelphie me parut desirer de retourner a Williamsburg, je lui remis mes lettres & il partit. Je vous ai dit ailleurs qu’il arriva trop tard et je ne sais s’il a presenté pendant cette seance cy mon memoire: mais dans l’intervalle qui s’est ecoulé depuis que nous nous sommes quittés, son humeur a beaucoup augmenté a ce que tout le monde me rapporte, il dit hautement qu’il ne serait jamais venu icy si on ne lui avait pas fait entendre qu’il y seroit mon associé &c. &c. Il a fait ces plaintes à 20 personnes qu’il ne connaissait pas, il les a fait a tous ceux qu’il voit: je lui ai donné de l’argent a toucher pour des marchandises que j’avois fait vendre en virginie et lorsqu’il a eû cet argent entre mains on m’a dit qu’il se disposoit à ne me rendre aucun compte qu’au prealable il ne sçut sur quel pié il etoit avec moy je doute encore de ce rapport. Il etait porteur d’une lettre ouverte pour moy dans le quel vous lui fixies vous meme son sort, ainsy je ne sais ce qu’il pretend, mais je prevois que nous ne nous accomoderons pas long tems ensemble, on m’a dit qu’il n’attend que mon retour en virginie pour me quitter; comme il m’avait été envoyé par vous que je le regardais comme attaché a vos interets et non pas comme le commis de mes affairres personelles, je vous previens de ses projets et j’ajouterai meme que si tout ce qu’on m’a dit est vrai il n’emportera pas mes regrets, apres tous les egards que j’ai eu pour luy, sa conduite vis à vis moi annoncerait un homme si peu sensible à des procedes honnettes que certainement je ne l’empecherai pas de prendre le party qui lui conviendra le mieux, d’ailleurs il ne m’est pas d’une grande utilité, tout ce qu’il a fait à mes livres n’est pas l’ouvrage de 30 jours, et comme je ne fais pas des affairres de commerce suivies, il s’ensuit qu’il ne pourrait m’aider que dans la correspondance, mais il n’aime point a copier et generalemt mes lettres sont de CORRESPONDANCE 197 nature à n’etre ecrittes que par moy. ainsy je ne me plaindrai pas de sa perte s’il execute ses menaces. J’ai avec moy MR Latil18 ce jeune homme a qui vous remittes une lettre de reccomandation pour Lestarjete, voila pres de six mois que nous sommes ensemble et je suis on ne peut plus content de son travail, il est tres instruit de tous les details du commerce, je ne pouvais faire une meilleure rencontre dans ce pays ci, il vient avec moy en Virginie et si sa santé qui se sent encore de New Jork le lui permet, il ne me quittera pas tant que je resterai sur le continent. Pressé de partir je n’aurai pas un moment pour ecrire à nos amis M.M. Gudin & de Monthieu quoiqu’ils me negligent beaucoup l’un et l’autre, je leur ecrirai si cela dependait de moy, mais il me reste a peine le tems de regler tous mes ctEs et de faire quelques adieux Je vous ai fait dans ma dernière un detail sur les fusils emportés par Galvan qui vous mettra a meme de reclamer un dedomagement considerable de MR de Monthieu; les fusils que MR Bellon19 remit a Galvan etaient tous a l’exeption de 333 reparés & plus de 600 creverent a l’epreuve. Varage dit a Galvan que MrBellon avait souvent offert ces memes fusils pour 17£ c’est ce qu’il vous sera tres aizé de verifier. Je vous remis incluse une petite traitte de 787£ 10~ tirée sur MR de Monthieu par un de ses parens. le ct.e de pulawsky20 vous doit 360£ prix de 15 paires de pistolets que je lui ai vendus du bord du fier Rodrigue a 24£ la paire, vous les preleverez s.v.p. sur le montant de la lettre de change et vous tiendres le surplus a la disposition du comte, il est bien impatient de savoir ce que vous avez fait de l’argent qu’il vous remit a son depart de france et si vous en avez touché depuis qu’il est party, il sert actuelement a la caroline du sud avec sa legion je vous prie de me croire avec le plus entier devoûment & le plus sincere attachement. &c. Rappelles moi je vous prie au souvenir de toutte votre societé, voules vous bien presenter mes respects a Mesdames vos soeurs & a Madm.e W..... mille complimens a Mr.s Cantigny Leveigneur Durand &ca P.S. J’ay l’honneur de vous envoyer ci joint les secondes de 56 traittes dont 50 pour la somme de 2,400,000 accordée par le congrés comme vous le verres par leur resolution du 5 juin dont je 198 CARON DE BEAUMARCHAIS vous envoye la copie signée par le secretaire du congrés et six pour l’interet annuel de 144,000£ chaque année. J’y joins la lettre d’avis ecritte en consequence a Mr franklin que vous voudres bien remetre vous meme. Je vous enverrai les prEs par le fier Rodrigue si je ne puis en etre le porteur moi meme & je choisirai les meilleures occasions pour vous faire passer les 3mEs 4mEs 5mEs je garderai les sixièmes. par le resolvet du 18 juin dont je joins ici copie, vous verres que les etats unis sont engagés de faire les fonds de ces traittes ainsy je ne doute pas que vous ne les excompties aisement dans tous les cas il m’etait impossible de faire mieux vu le peu de moyen qu’a le congres actuelement pour payer vous verres sur le bordereau la raison pour la quelle il y a des traittes numerotées 1. et 2. MR Carmikael m’a remis pour payement des 200 £ St. que vous lui pretattes le 10 sepr.e 1777 une traitte de la meme somme sur Mr Bancroft,21 il ecrit en meme tems a ce dernier de regler avec vous l’interet et un petit compte de debours fait par lui pour un pilote arretté par votre ordre, il me dit que ces debours se montent a 750£ ..__.. __.. l’interet sur les 200£ st__..__.. d’yci au moment ou vous seres payé balancera a peu pres cette somme et si c’etait par votre ordre qu’il avait engagé ce pilote, il n’est pas juste qu’il paye les fraix que cet homme a fait. Je vous envoye une lettre de luy renfermant sa seconde de change pR 200 £. Ste.rl & une lettre d’avis pour le Dr Bancroft. Je suis si pressé de fermer mon paquet que je ne puis traduire les differens resolvets que je vous envoye Etat des pieces qui accompagnent la lettre ci dessus N° 1 Les 56 secondes de change a l’o. de MR de BS 2 Le bordereau des 56 secondes cy dessus 3 Resolvets du 15 JiEr et 20 avril 1779. 4 Lettre d’avis au DR franklin des 56 trait du congrés22 5 resolvets des 5 & 18 juin relatifs aux 56 trai 6 une lettre de Carmikael renfermant la lett. d’avis et sa seconde sur le DR Bancroft 7 une lettre du congres23 8 une lettre du Baron de Stub. 24 9 1 lett. de MR Smith25 10. 1 lett. de MR Drayton26 une lettre de MR Deponthiere pour MR De Monthieu CORRESPONDANCE 199 1Dans la marge: “Original remis a MR Gérard.” 803. 3Voir lettres 803 n. 13 et 867. 2Lettre 4C’est probablement la lettre 735. 5C’est probablement la lettre 802. 6C’est probablement la lettre 737. 7C’est probablement la lettre 790. 8C’est probablement la lettre 803. 9Il ne partira que le 18 octobre 1779. Penot Lombart, chevalier de La Neuville (1744-?) a quitté le continent avec Lafayette le 11 janvier 1779; voir Idzerda, II, pp. 117 n. 1 et p. xxxviii. 11Il y a dans AF une lettre de John Jay à Franklin datée du 18 juin 1779 (c’est probablement la lettre citée sous le numéro 4 cidessous). En voici un extrait: “I enclose you acts of Congress of the 5 th & 18 th instant, 10Louis-Pierre respecting bills of exchange for two million four hundred thousand livres tournois principal and four hundred and thirty two thousand livres interest drawn on you in favour of Monsieur de Beaumarchais, and payable in the several sums, and at the respective times specified in the enclosed schedule. Sensible of Mr de Beaumarchais’ efforts to serve these United States & the seasonable supplies he has from time to time furnished, congress are earnestly disposed to make him this payment. They would gladly have done it in produce; but the state of our finances, and the hazardous navigation render it impracticable . . . ” (Lettre publiée dans PBF, XXIX, 707-8). On peut lire les détails des discussions dans JCC, 1779, pp. 74647. 12 C’est le Chase. Voir Morton et Spinelli, BAR, pp. 225 et 243 notes 11-14. 13Patrick Henry fut gouverneur jusqu’à la fin mai; Thomas Jefferson lui succéda. 14Voir lettre 806. 15Francis Lightfoot Lee et Richard Henry Lee; voir tome IV, lettre 666 n. 1 et 2. 16William Lee; voir tome IV, lettre 666 n. 3. 17Voir lettres 746, 783, 803 et 806. 18Voir lettres 746 n. 29 et 867 n. 14. 200 CARON DE BEAUMARCHAIS 19Voir lettre 803, n. 13. tome IV, lettre 696, n. 3 et pp. 205-6, 286. 21Voir tome IV, lettre 630 n. 4. 22Voir note 3 ci-dessus. 23C’est probablement la lettre 735. 24C’est probablement la lettre 802. 25C’est probablement la lettre 790. 26C’est probablement la lettre 737. 20Voir 818. De Francy philadelphie 24 juin 1779 1 J’ay l’heUr de vous envoyer ci joint copie de ma correspondance depuis le 10 9bRe 1778 jusques au 27 avril 1779. J’avois resolu de ne pas vous la faire passer par cette occasion ci pour les raisons que je vous donne dans ma lettre d’hier dont MR Gerard est porteur et qui vous parviendra le meme jour que celle ci, vous trouveres ci inclus la notte des pieces que ce pe.r paquet renferme. Je remis celui ci à MR Vitry secretaire de MR Gerard dans le quel j’ai la plus grande confiance et qui m’a donné sa parole de ne le remetre qu’a vous ou de le bruler au cas que vous fussiez party pour quelque voyage de long cours lorsqu’il arrivera a paris. Je n’ai rien a ajouter a ce que je vous dis dans ma lettre du 23 courant si non que MR Gerard m’a fait proposer hier par MR Holker le consulat de la virginie en me faisant dire qu’il serait charmé de donner par la une sanction publique a toutes mes operations dans ce pays ci, J’ay été infiniment sensible a ce temoignage honorable de sa confiance, le consulat de virginie etant le plus interessant de tous, cependant je ne l’ai pas accepté, il m’eut interdit la possibilité de suivre vos affairres directement et comme la recconaissance et l’attachement que je vous ai voué me lient a vous pour la vie, j’ay representé que d’apres les engagemens anterieurs que j’ay pris avec vous, il ne dependait pas de moy d’accepter une place qui m’empechat de CORRESPONDANCE 201 faire moy meme vos affairres, cette place est tres honorable & lucrative, mais jamais je ne consulterai mes interets au prejudice des votres, Je ne pretens pas me faire un merite de cette facon de penser, je ne serais pas digne de votre confiance si je pouvais en avoir une autre, cependant le besoin d’avoir quelqu’un en virginie qui previenne les desordres qui s’y commettent journelement & qui soutiene les droits de la nation, determinera a ce que je crois MR Gerard a me donner un titre qui ne m’interdisant pas les affaires de commerce, me mettra a meme d’exercer les fonctions de consul sans en avoir le nom, c’est a cette condition là seule que je veux accepter un employ public et je ne reste meme pas yci pour attendre la determination de MR Gerard, je pars cet apres midy pour Williamsburg ou je le prie de me faire savoir ses intentions, s’il est possible de rendre compatibles mes affairres de commerce avec ce qu’il demande de moy. Et suis 1Ecrit dans la marge: “Remis a MR Vitry secretr.e de MR Gerard.” 819. Au comte de Vergennes Paris. ce mercredi 24 Juin 1779 Monsieur Le Comte, J’ai l’honneur de vous envoyer la lettre que MR Le Ct.e de Maurepas m’a demandée et qui court le monde sous mon nom. 1 Je ne me serais pas permis l’indécence d’un pareil envoi, s’il ne m’etait pas ordonné. Jai prévenu Mr LeNoir qui a bien voulu faire faire quelque recherche a ce sujet. Je ne vous envoie pas le manifeste que j’ai recu de Londres Lundi parceque je crois bien que vous l’aviés avant que MR Almodovar2 le recut lui mesme d’Espagne. Il me semble qu’après les plaintes graves qu’il contient, la déclaration espagnole est un peu tortillée. 202 CARON DE BEAUMARCHAIS Le 15 on n’avait pas encore a Bayonne de nouvelles de la sortie de la flotte de cadix; quoi quil y eut des lettres de cette ville. C’est cequ’on me mande aujourdhui de Bayonne.3 Si le livre est aussi fort que la préface a eté longue nous devons voir de Belles choses de cette nation la; Mais je ne sais pourquoi j’ai toujours un petit glaçon dans le coin de ma cervelle etiqueté Espagne J’ai beau faire je ne parviens pas a echaufer cette idée la. Dieu veuille que je me trompe!4 Mon respect et mon attachement sont inaltérables comme ma reconnaissance. Mr le Cte de Vergennes 1Voir lettre 820. marquis d’Almodovar était l’ambassadeur d’Espagne à Londres. 3La flotte de Brest est partie le 3 juin pour rejoindre une flotte espagnole; elles allaient attaquer l’isle de Wight et ensuite, Portsmouth. Il a fallu attendre près d’un mois après la date de cette lettre pour que le départ de toute la flotte s’effectue; voir Dull, pp. 147-54 et 362-63. 4Almodovar a quitté Londres le 18 juin; son départ représentait une déclaration de guerre des Espagnols aux Anglais. 2Le 820. Lettre apocryphe de Beaumarchais Lettre qui court le monde sous le nom de MR de B.... Paris ce 6 Juin [1779]. J’ai reçu Monsieur, la lettre dont vous m’avez honoré.1 Votre Patriotisme et vos frayeurs sur notre situation sont justes. Les Anglais ont pillé nos vaisseaux comme des voleurs de grands chemins; mais si notre marine, au lieu de rester oisive dans les Ports à attendre la décision d’un Ministere2 qui ne se décide jamais, avait seulement fait le métier de la Maréchaussée, nous CORRESPONDANCE 203 n’aurions pas inutilement perdu notre commerce dont une partie néanmoins était assurée à Londres; ce qui ne fait rien a la faute énorme que nos Ministres ont commise, d’avoir commencé la guerre sans précautions préalables. Il est vrai que nous avons plus de prisonniers à eux qu’ils n’en ont à nous; Mais notre faute est toujours la même. MR Le Cte d’Estaing est dans le meilleur etat pendant que l’amiral Biron périt sur le Cimetierre de St.e Lucie, sans oser rien faire. Malgré cela n’a-t-on pas manqué de le rappeller? Et s’il est resté en place, n’est-ce pas plutot par l’indécision du Ministere que par sa volonté expresse? Vous dites qu’on nous a pris Pondicheri; c’est un autre effet de notre mollesse que d’avoir envoyé l’ordre un an d’avance pour que MR de Bellecombe se retirat à l’île de france. Pendant ce tems les anglais s’emparent de tout dans les Indes, et font dans ce pays à notre honte tout ce qu’ils veulent; Eux qui ne peuvent pas seulement entamer leurs propres Colonies nous enlevent les nôtres! Ce qui n’ote rien au mérite de MR de Bellecombe. J’ai publié les cruautés des Anglais contre nos prisonniers3 que vouliez-vous qu’un particluier fit de plus? Ne serait-ce pas au gouvernement a se ressentir de cela, s’il sentait quelque chose? Mais toute sa sagesse consiste à croupir dans une indolence qu’on décore du beau nom de Prudence. En general dans toutes nos affaires, il n’y a peut-être pas trois hommes à leur vraie place. Quoiqu’il en soit nous avons donné la Paix à l’Allemagne et à la Turquie. Notre alliance avec l’amérique, si nous nous ne la laissons encore s’échapper, ôte un beau fleuron à la Couronne anglaise; et notre Politique est la seule Patrie qui ait quelqu’influence en Europe. Encore que d’objets restés en arriere! Voila pourtant l’Espagne armée; la Hollande et tout le nord veulent conserver le Droit du Commerce libre sur mer; et l’Angleterre épuisée d’hommes et d’argent a perdu l’Amérique, et va bientôt perdre l’Irlande, si la faiblesse française ou plutôt ministérielle ne laissent pas encore se fanner cette autre fleur qui veut encore se détacher de l’Angleterre. Le Roy de france est si jeune!4 et tout le reste est si mollement composé que nos avantages viennent des fautes de nos ennemis beaucoup plus 204 CARON DE BEAUMARCHAIS que de notre propre science; et le jour que la fortune cessera de nous favoriser vous verrez ce que tout cela deviendra. Tel est l’état des evenemens actuelles. MR le Ct.e d’Estaing est dénigré parce que le ministre l’a choisi; et le Ministre a laissé les gazettes etrangeres se remplir des injures des ennemis de ce brave homme, Comme si l’on ne devait pas déffendre lhomme absent qu’on a mis en place. Mais chacun songe à la sienne et rien de plus. Je m’arrette sur ce sujet inépuisable, parce que n’étant pour rien dans tout cela, je n’ai besoin ni de m’en chagriner, ni d’en parler. C’est bien assez de voir comme cela est et d’en lever les epaules en silence. Pensons à nos propres affaires. Je crois écrire à un galant homme et je lui réponds comme il m’a parlé en l’assurant avec franchise de l’estime avec la quelle J’ai lhonneur d’etre Monsieur Votre Xa 1Voir lettre 810 et la vraie réponse de Beaumarchais (lettre 811). 2Sartine. 3Voir lettre 776. XVI avait 25 ans en 1779 et il accéda au trône en 1774. 4Louis 821. D’Arthur Lee A Paris ce 25 Juin 1779 En examinant, Monsieur, les Copies des Lettres que vous m’avez confié je n’y trouve que celles des miennes. Les votres n’y sont pas. Cependant je pense que c’était bien votre intention de me les confier aussi; et elles sont nécessaires a l’explication des miennes. Je vous seres donc obligé, Monsieur, de vouloir bien me les remettre. 205 CORRESPONDANCE Je vous renvoye un Duplicata qui se trouve entre mes mains, et qui pourra vous être utile. J’ai l’honneur d’etre avec la plus haute consideration, Monsieur, Votre tres humble & tres obeissant serviteur. A. Lee M.M. de Beaumarchais 822. Au Lord Shelburne1 Mylord Paris ce 27 Juin 1779 Mrs William Caslon2 et James Woodmason,3 l’un fabriquant de papiers, et l’autre de caracteres d’imprimerie se sont présentés chez moi sous vos auspices, relativement a la superbe edition que tous les disciples ou amis de Mr De Voltaire desirent faire de ses oeuvres complettes, et dont la direction m’a eté unanimement dévolue, tant a cause de l’amitié dont ce grand homme m’honnorait, que parceque j’ai pris le plus grand soin de recoeuillir tous ses portefeuilles. J’avais envoyé en angleterre faire des recherches a ce sujet; parcequ’en effet nos fonderies de caractères français ne fournissent rien d’assés beau pour remplir nos vues, non plus que nos papeteries. Nous ne pouvons plus que balancer entre les tipes de Mr Caslon; ceux de glaskow, et ceux de feu Baskerville4 dont les editions ont une si grande valeur dans toute l’europe. L’avis d’un homme aussi eclairé que vous, Mylord, est du plus grand poids pour nous. Les sentimens ici se portent vers Baskerville; quoi qu’on put desirer qu’à la perfection de la coupe 206 CARON DE BEAUMARCHAIS de ses poinçons, il eut joint un peu de nouriture dans le corps de ses lettres. J’ai dit a Mrs Caslon et Woodmason qu’aussitôt que la compagnie aurait pris un parti, je leur ecrirais et leur adresserais a Londres la personne chargée de suivre ces operations en angleterre. Mais mes amis me chargent, Mylord, de vous prier de de [sic] permettre qu’à notre tour nous mettions sous votre protection en angleterre ce grand et magnifique monument de litterature fançaise, et que nous ayons l’honneur de vous adresser le prospectus que nous comptons en faire imprimer sous peu de tems en angleterre.5 Car vous connaissés ainsi que nous, Mylord, les ridicules obstacles que notre clergé et toute sa dévote suite mettent en ce pays à l’impression et publication de tout ouvrage philosophique. Nous sommes obligés de former l’établissement de notre superbe edition hors du Royaume, et nous ne savons pas encore si nos fabricateurs n’iront pas chercher un azile, pour la liberté de ce grand ouvrage, en angleterre. Quoi qu’il en soit, Mylord, nous croyons qu’une aussi belle chose est digne de votre concours, et nous prenons la liberte de vous le demander. Mrs D’alembert,6 Marquis de Condorcet,7 Suart,8 De Marmontel,9 abbé Morelet,10 enfin les chefs de la littérature française, s’honorent tous de contribuer a la redaction de ces grands portefeuilles qui nous donneront 60 vol. in 8O ou 40 vol. in 4O au choix des souscripteurs, dont 20 seront remplis d’ouvrages de Mr de Voltaire absolument nouveaux.11 Quoi que je n’aye pas l’honneur d’etre personnellement connu de vous Mylord; je ne vous en ecris pas avec moins de confiance. Vous savés que pendant que la politique et la guerre divisent les etats; les sciences et les beaux arts rapprochent les particuliers; et que le monde littéraire et philosophique est une grande famille réunie pour le bonheur et l’instruction des hommes.12 Vous etes, Mylord, un de ces chefs de cette grande famille dont je ne suis qu’un enfant: Mais un enfant zélé qui brûle de contribuer à l’hoµage que toute l’europe veut rendre à Mr De Voltaire. Le Roi de prusse, l’impératrice de Russie, le Roi de Suéde, et tous les hommes eclairés du nord attendent avec impatience cette CORRESPONDANCE 207 grande collection des oeuvres d’un grand qu’ils ont tous respecté ou chéri. Daignés Mylord, entrer dans cette noble association et recevés lhommage sincere et respectueux de celui qui shonore d’etre Mylord Votre très humble et tres obéissant serviteur ://: Caron De Beaumarchais vieille rue du Temple a Paris. 13 Mr Le Marquis de Voyer votre ami et le mien qui entre chéz moi a l’instant ou je finis cette lettre me charge de le rapeller a votre souvenir et a votre amitié. Mylord Shelburn 1William Petty Fitzmaurice Earl of Shelburne (1737-1805) était ministre des colonies entre 1766 et 1768 et tenta en vain d’éviter la guerre entre l’Angleterre et ses colonies américaines. Il devint premier ministre en 1782 mais un groupe mené par Fox et Lord North le força à démissionner. Quand le jeune Pitt prit le pouvoir en 1784 il lui accorda le titre de premier marquis de Lansdowne. Shelburne était un mécène cultivé. 2William Caslon père (1692-1766) était le fondeur typographique qui, entre 1720 et 1726, avait créé les caractères d’imprimerie qui portent son nom. Sa fonderie typographique était la première d’Angleterre. Il devint très célèbre et reçut des commandes de plusieurs imprimeurs étrangers. On s’est servi de ses caractères pour imprimer la Déclaration d’Indépendance. Son fils (1720-1788), qui s’appelait William aussi, devint son associé et avec l’aide de sa femme continua le travail de son père. C’est lui dont parle Beaumarchais ici. 3Woodmason a fourni du papier à Beaumarchais pour son édition de Kehl. 4Voir lettre 765. 5En fait le prospectus ne paraîtra pas avant le 30 janvier 1781; voir Morton, “Prospectus,” p. 140. 6Il s’agit bien entendu de Jean Le Rond, dit d’Alembert (1717-1783) le célèbre mathématicien et philosophe. 7Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet (17431794) travaillait déjà avec Panckoucke à l’édition des oeuvres de Voltaire et est devenu co-éditeur avec Beaumarchais de l’édition de Kehl. Dans les manuscrits de l’édition on peut trouver des annotations de la main de Condorcet. C’est lui qui rédigea la Vie 208 CARON DE BEAUMARCHAIS de Voltaire qui fait partie de l’édition; de nombreuses notes sont également de lui. 8Jean-Baptiste-Antoine Suard (1734-1817) journaliste et rédacteur de la Gazette de France se maria avec la soeur de Panckoucke; il devint membre de l’Académie française en 1774. On le nomma censeur en 1774 et en cette qualité il refusa d’approuver Le Mariage de Figaro en 1782; son opposition continua même après la représentation. C’est en répondant à une attaque de Suard dans le Journal de Paris que Beaumarchais irrita le Roi et finit par être emprisonné à Saint-Lazare. 9Jean-François Marmontel (1723-1799) poète, auteur dramatique, philosophe, mémorialiste qui participait déjà avec Beaumarchais à la création de la Société des Auteurs Dramatiques. 10L’abbé André Morellet (1727-1819) était membre de l’Académie française et professeur d’économie politique et de législation aux Ecoles centrales. Il vivait avec sa soeur dont la fille avait épousé Marmontel. L’abbé avait fait la connaissance de Shelburne à Paris en 1771 et correspondait avec lui depuis. Il visita l’Angleterre en 1772 et y fréquenta le monde savant et politique; voir Morellet. 11L’édition prévue de 60 vols. en aura 70 et on supprimera l’édition in-4O 12Une belle phrase qui résume les idéaux des philosophes et de l’Encyclopédie. 13Marc-René, marquis de Voyer (1722-1782) se distingua à Fontenoy, devint lieutenant-général en 1756 et commandant militaire plus tard en Aunis, Poitou et Saintonge. 823. Au prince de Nassau1 [Paris ce 28 juin 1779] Mon Prince Je recois par Mr De Rullecourt2 la lettre dont vous m’avés honnoré en datte du 27 Juin.3 Je ne dois pas vous laisser dans une erreur a laquelle je n’ai pas donné lieu. Vous ne pouvés employer vos officiers et volontaires a aucune expédition ou j’aye quelque part, sans que les fonds qui m’ont eté CORRESPONDANCE 209 proposés soient remis a ma caisse. J’ai mesme ajouté dans mes instructions que sils ne l’etaient pas avant douze jours, on ne devait plus compter sur mes navires; parce que la saison s’avancait et qu’il ne resterait pas assés de tems. Sur cette donnée, vous avés bien voulu m’engager votre parole que les premiers 120. m. L. qui me seraient remis par la marine sur le remboursement de vos soldats pris par le Roi, passeraient a l’armement en guerre de mes navires; soit que ces 120. m. L. fussent des actions appartenantes a vos officiers et volontaires, soit que ces fonds vous restassent en propre et qu’ils fissent la mise de votre intéret sur l’armement. Votre lettre d’aujourd’hui applique au contraire a cet armement 120. m.L. pris sur une gratitification incertaine ou très rétardée, et vous réservés les fonds que je dois recevoir de la marine sur le remboursement de vos soldats a payer, dites vous, des dettes contractées dans votre expédition. Il est très bien, mon Prince, si vous avés contracté pour 120. m.L. de dettes que vous commenciés par les acquiter: mais il serait fort mal qu’un armement de frégates qui doit servir a employér les officiers que vous n’entendés plus rembourser; fut uniquement et précairement apuyé sur des rentrées aussi incertaines qu’une gratification qui n’est pas mesme encore promise par le Roi. Ceci bien entendu, j’ai l’honneur, mon Prince, de vous rendre toutes vos paroles [.] Il ne peut se faire aucun armement a moins que les premiers 120. m.L. que je dois toucher de Mr De Sartines n’y soient absolument consacrés par vous. Quant a l’etape et à la route jusqu’au lieu de l’embarquement; elles ne peuvent etre sollicitées que dans le cas ou les 1ers fonds qui me viendront pour vous seraient employés a un armement qui ne peut avoir lieu a aucun autre titre[.] J’ai cru vous devoir cette explication nette afin que vous fussiés bien instruit des choses que la multitude de vos occupations a pu faire sortir de votre mémoire Vous connaisés le respectueux dévoûment avec lequel je suis Mon Prince Votre tres humble et tres obeissant serviteur://: Caron de Beaumarchais 210 CARON DE BEAUMARCHAIS Mr Le Prince de Nassau. L’article austére de l’emploi des fonds que je dois toucher de la marine pour vous, une fois bien expliqué; soit que vous accédiés ou non aux conditions sous lesquelles l’armement doit se faire, je n’en mettrai pas moins de zéle pour la sollicitation de la grace que vous demandés au Roi. Je voudrais avoir autant de crédit que j’ai de desir de vous etre agréable votre gratification serait aussi certaine que malheureusement elle l’est peu. Puissai-je n’avoir que de bonnes nouvelles a vous anoncer a ce sujet! iCharles-Henri-Nicolas Othon, prince de Nassau-Siegen (1745-1808) était un prince allemand de sang français. Aventurier et guerrier toujours à cours d’argent, il a servi dans l’armée française et fait le tour du monde avec Bougainville. Lorsqu’en 1779 la France projette une invasion de l’Angleterre, le prince forme à ses frais une légion et la mène en expédition dans l’île de Jersey. Le premier mai les Anglais repoussent l’armée de Nassau; voir Correspondance secrète, tome VII, pp. 424-25. Quand finalement la France renonce à envahir l’Angleterre, le prince demande que ses volontaires soient incorporés dans les troupes françaises régulières et que ses officiers et lui-même soient indemnisés des frais de l’expédition; voir lettre 830. Sartine, qui est chargé du remboursement, demande à Beaumarchais de prendre en mains les intérêts du prince, craignant que l’argent ne disparaisse avant d’arriver aux créanciers. Une amitié naît entre les deux hommes et Beaumarchais prêtera de l’argent au prince qui n’en a jamais assez; quand Beaumarchais est mort, on a évalué la dette de Nassau à 79,858 francs. C’est Nassau qui entraînera Beaumarchais dans l’affaire Kornman; voir Loménie, II, pp. 274-91 et Patterson, p. 104. 2Philippe-Charles-Félix Macquart, baron de Rullecourt; voir tome II, lettre 396. Il est entré au service de l’Espagne en 1761, a été capitaine au régiment de Nassau-Luxembourg en 1767, capitaine au Royal-Nassau en 1769. En 1774 il a reçu le brevet de major de cavalerie, est passé au service de la Pologne, et est devenu lieutenant-colonel des volontaires du Luxembourg au service de la France en 1780. Il a été tué à Saint-Hélier (Jersey) en 1781. Les Mémoires secrets disent de lui: “C’est un roué dans toute la force du terme, abymé de dettes, & payant ses créanciers à coups de sabre” (XVII, 13 janvier 1781, p. 21). 211 CORRESPONDANCE 3Durry suppose que Nassau voulait équiper une flotte en employant les vaisseaux de Roderigue Hortalez. Pour y parvenir il avait promis les cent vingt premières mille livres que Beaumarchais recevrait du gouvernement sur le remboursement des soldats repris par le Roi. Cette lettre du 27, suggère Durry, présente une autre idée. “Les cent vingt mille livres, Nassau les emploiera à régler des dettes, et quand il aura reçu du Roi une gratification, il songera à payer Beaumarchais. Seulement l’écrivain n’entend pas lâcher les cent vingt mille livres de M. de Sartine pour une gratification qui n’est pas encore promise.” C’est ce que Beaumarchais dit dans sa lettre: “Pas d’argent dans les douze jours, pas de frégates.” 824. D’Arthur Lee A Paris ce 28e Juin 1779 Je vous verrai, Monsieur, avec plaisir, chez moi, vendredi prochain, le 2e Juliet, a dix heures de matin, si cela vous conviendra. Monsieur Izard s’y trouvera aussi. Je ferai, trés volontiers, ce que je puis faire pour repondre a vos desirs. J’ai l’honneur d’etre avec la plus haute consideration, Monsieur, Votre tres humble & tres obeisst servR A. Lee 825. De Lépine4 a bord du fier Rodrigue ce 9 juillet 1779 Monsieur 212 CARON DE BEAUMARCHAIS Je suis chargé par Mr De Montaut5 notre nouveau capitaine de vous mander que votre vaisseau etant criblé de boulets, la mâture très endommagée, tous les cordages et gréemens rompus, les voiles toutes a jour, la grande pompe en pièce et l’equipage très maltraité; vous ne devés pas vous flatter que vos navires que nous avons laissés à la martinique presque sans équipage parce qu’on les a pris, puissent sous le convoi du fier Rodrigue partir de plusieurs mois pour leur destination. Nous repartons avec Mr Le comte Destaing sans savoir si nous allons nous reposer ou continuer ses conquêtes: la réparation du vaisseau seule coutera ici ou tout est hors de prix plus de 80 m.L. que nous allons faire tirer sur vous a vue a mesure. Si vous le pouvés donnés nous vos ordres, pour la suite; cette campagne est bien glorieuse; mais je crains bien quelle ne soit ruineuse pour vous. j’ai lhonneur d’etre avec respect Monsieur Votre tres humble et trés obéissant serviteur. L’Epine Mr De Beaumarchais 826. Du chevalier Montaut [9 juillet 1779] Copie En rade de la Grenade le 9 juillet 1779, à bord du vaisseau Le fier Roderigue Monsieur Vous allez certainement être surpris de recevoir par moi les nouvelles qui regardent votre vaisseau. L’événement qui m’en charge est d’autant plus affligeant qu’il me coûte la perte d’un frere qui m’était aussi cher que moi même; perte irréparable et dont ainsi que moi, toute ma famille sera inconsolable; le desir CORRESPONDANCE 213 d’être utile à la Patrie, l’honneur de la nation et son devoir l’ont conduit à la mort; Mr Le comte d’Estaing ainsi que tous les officiers de l’escadre lui rendent la justice qui lui est due, et j’ose me flatter, que chez le Ministre de la Marine, on y trouvera la noble maniere dont il s’est conduit, mais je laisse ce sujet, pour vous detailler notre voyage depuis france, et attendez vous à des calamités entassées les unes sur les autres et dont la fin n’est pas je crois encore bien prochaine. Nous sommes partis de la rade des Basques, 6 le 10 may, nous avions à cette époque 50 malades; en les mettant à terre il n’y avait pas moyen de les remplacer et notre equipage très mauvais, aurait été bien affaibli, ces raisons nous ont engagés à les garder dans l’espoir que la mer les remettrait, mais trompés dans notre attente, la quantité n’a fait qu’augmenter, et à notre arrivée, nous en avions 350, et le reste convalescens seulement, de sorte que c’était avec la plus grande peine que nous manuvrions; il en est mort 37 et 7 soldats; nous avons mis le reste à l’hopital du Roi, par ordre de Mr Le Comte d’Estaing. Tous vos navires sont également arrivés à bon port, après 48 jours de traversée pendant laquelle nous avons eu des soucis innombrables, heureusement que pour le moment ils ont cessé par notre avenue au Fort Royal. Le lendemain Mr le Comte d’Estaing a signifié à mon frere qu’il allait partir pour une expédition majeure, et qu’il espérait qu’il voudrait le suivre. Mon frere qui savait qu’il fallait obeir, a accepté de bonne grace, après lui avoir fait ses representations sur le triste état de son equipage. Mr Le Comte d’Estaing y a remedié en nous donnant à prendre du monde sur les navires marchands, particulierement sur les vôtres, et sans avoir le tems de nous reconnaître que légèrement, nous sommes partis deux jours après, qui etait le 30 juin, ayant 380 hommes à bord, tout compris, même 58 recrues. L’escadre était composée de 25 vaisseaux de guerre et 12 frégates, corvettes ou mouches; il y avait 5000 hommes de debarquement. Nous avons fait route pour cette ile, où nous 1 avons jetté l’ancre; le 2 juillet à 4 heures 2 après midi, à une lieue de la ville, et du fort Royal. Dans le même instant il a été mis 1800 hommes de troupes à terre, Mr Le Comte D’Estaing était à leur tête, il a commencé à s’emparer d’une éminence; Le 214 CARON DE BEAUMARCHAIS Lendemain s’est passé en observation de part et d’autre et à débarquer des canons de campagne, bombes, mortiers et tout ce qui était necessaire à un siege; pendant ce tems là nous voyions les Anglais réunis se mettre en état de défense. Ils ont deux forts dont un nommé le fort Royal à l’entrée du Port, qui est très beau et bien bâti, susceptible d’avoir 50 canons, et qui n’en avait que 14 de montés; l’autre est une redoute qui peut en avoir la même quantité et du plus fort calibre et qui n’en avait que 16 de 36, de montés; il y avait aussi sur les deux, six mortiers, le reste de l’artillerie était bien dans les forts, mais pas encore en état. Cette redoute est située sur une hauteur qui domine la ville, le Port, la rade et toutes les autres forteresses, sa position est la plus heureuse du monde; les retranchemens très bien entendus. Le 3 juillet à l’entrée de la nuit, Mr Le Cte D’Estaing s’est mis en marche avec 1400 hommes par des chemins impraticables, et a envoyé 400 hommes par deux chemins différens, faire de fausses 1 attaques. L’affaire s’est engagée de 4 à 2 heures 4 du matin, avec une vivacité singuliere de part et d’autre. La mousqueterie ne cessait pas, les coups de canon étaient redoublés, et on lancait souvent des bombes; tout ce feu se faisait par et contre les fausses attaques seulement, tandis que M Le Comte d’Estaing, avec le grand corps, marchait directement vers le Fort, par des chemins abominables, sans tirer un seul coup de fusil, ni faire le moindre bruit, car s’il eut été apperçu, son coup était manqué. A 1 3 heures 2 il a monté à l’assaut le Premier, sa troupe l’a suivi, et les Anglais surpris et consternés ont partie mis bas les armes et les autres par des chemins de communication se sont refugiés dans le Fort Royal, le feu a cessé dans cet instant, et au jour nous avons vu le pavillon français arboré sur la redoute, et le Pavillon anglais en Parlementaire sur le fort Royal. On a entré dans ce moment en capitulation et le pourparler a duré jusques au soir. Mr Le Comte d’Estaing voyant que le gouverneur éludait, lui fit dire qu’il ne lui donnait que jusques à 9 heures du soir; que si alors il n’était pas décidé, il allait le bombarder et mettre au Pillage. Le gouverneur effrayé de la menace se rendit à l’heure indiquée et on ne vit plus le lendemain dans l’ile que des pavillons blancs: c’est le Lord Makartenay7 qui commandait. Mr Le Ct.e d’Estaing eut l’honnêteté de lui faire dire qu’il ne doutait CORRESPONDANCE 215 pas que ses forces ne fussent bien plus considérables, que celles des Anglais et qu’en conséquence, il espérait qu’il se rendrait, sans faire de resistance, pour éviter une effusion de sang qui répugnait toujours à l’humanité. Le Lord Makartenay lui répondit qu’il avait de quoi se défendre; qu’il n’avait qu’à faire son devoir et qu’il ferait le sien; il avait 900 hommes dans le fort; certainement s’ils se fussent bien défendus, l’ile nous aurait coûté bien du monde, tandis que nous avons été quittes pour 30 de tués et autant de blessés, il y a eu de ce nombre 5 officiers majors; Mr Le comte D’Estaing a exigé dans la capitulation, que tous les biens qui avaient antécédamment appartenu aux français, leur seraient rendus aux mêmes conditions qu’on les leur avait pris. De plus il a voulu et a fait amener le Pavillon par les Anglais mêmes, et jetter dans une fosse où il est encore; et il les a forcés à arborer le français à un nouveau mât, qu’ils ont planté; disant que l’autre n’était pas digne de porter le pavillon blanc. Ces affaires faites, le lendemain 5 du courant, le comte D’Estaing a eu avis par ses mouches, que l’amiral Biron8 était à ST Vincent, et venait avec son escadre; il s’est incontinent rendu à bord et a fait signal d’appareiller, et de nous préparer au combat, nous avons presque tous mis sous voiles; mais l’anglais ne paraissant pas, nous avons mouillé le soir. Le 6 du present à 3 heures du matin nous avons eu une nouvelle alerte; nous nous sommes préparés et au jour nous étions presque tous sous voiles lorsque l’amiral Biron a paru à deux lieues avec son escadre composée de 23 vaisseaux, et une flotte marchande immense, qu’il avait laissée à la tête de l’île. Il s’est presenté dans le meilleur ordre; tandis qu’il s’en fallait de beaucoup que nous fussions dans le même état; nous n’avions pas eu à la vérité le tems de nous y mettre. Le combat s’est engagé, et pendant deux 1 heures et 2 il a été des plus violens. Nous avons été avec L’Annibal9 les plus exposés, et nous sommes je crois celui de l’escadre qui a le plus souffert du coté du vaisseau. Il ne pouvait pas en être de même du monde, puisque nous n’avions en tout que 380 hommes, et que les batteries garnies il ne nous en restait que 60 à la monoeuvre. Après une heure et dix minutes de combat, mon frère a eu le malheur de succomber, un matelot à été aussi tué et 23 hommes de blessés, nous avons continué 216 CARON DE BEAUMARCHAIS aussi longtems qu’il nous a été possible, mais restants seuls avec L’Amphion10 derriere; nous avions cinq gros vaisseaux anglais après nous qui ont fini de nous écraser; de sorte que nous avons été obligés d’arriver pour nous réparer après avoir souffert deux 1 heures 2 ; il semblait pourtant qu’ils en voulaient encore; nous étions nous memes en état de recommencer et nous avons fait voile pour rejoindre notre ligne; mais les Anglais dont cinq étaient demâtés de leurs mâts de hune, ont évité le combat en fuyant et un de leur plus gros vaisseaux a été obligé d’arriver vent arriere, tant il était délabré; nous ignorons ce qu’il sera devenu ainsi que le reste de l’escadre anglaise; pour nous, nous avons louvoyé toute la nuit à la vue de la terre, espérant que M Biron voudrait revenir aux mains; mais au jour il ne paraissait pas un vestige des Anglais, à l’exception d’un bateau qui a été pris ainsi qu’un grand navire de transport chargé de troupes et de munitions de guerre pour la Grenade, et qui par conséquent n’a pas changé de destination. Nous avons alors prolongé la terre et sommes tous venus mouiller devant la ville, à l’exception de L’Amphion qui ne paraissait pas, mais qui est arrivé hier. Notre escadre a joliment souffert, et on compte 200 morts et 400 cent blessés, parmi lesquels 10 officiers de marine et 5 de terre. Maintenant l’escadre se répare et je crois que sous peu de jours nous partirons vraisemblablement pour le fort Royal, vû la saison de l’hyvernage qui va commencer; il se pourrait aussi qu’avant de retourner, Mr Le Comte d’Estaing voudra finir la conquête des iles anglaises, c’est ce que le tems nous apprendra; et dont j’aurai soin de vous informer. Nous avons eu 38 boulets en plein bois, dont plusieurs à la flottaison et deux qui ont percé; 5 à la mature; un qui a cassé une pompe, environ 40 dans les voiles et notre gréement haché. Jugez combien ces réparations vont vous coûter dans nos iles, un nouvel équipage qu’il faudra faire, et les frais d’hopital qu’il faudra payer pour les malades qui ont été mis à terre; nous en avons encore 40 et je commence à être embarassé. pendant que nos escadres se battaient une partie des habitans anglais de la Grenade avaient pris les armes et voulaient se revolter, mais on y a bientôt mis ordre et tous ont été dans la plus grande consternation, lorsqu’ils ont vu revenir l’escadre française triomphante; je crois même qu’il y en a de destinés à la corde. CORRESPONDANCE 217 L’ile de la Grenade est très belle et fertile; elle produit beaucoup de sucre, caffé et rhum avec un peu de cacao et indigo dans les iles voisines, qui dépendent du même gouvernement, comme Cariacou XA On y trouve beaucoup d’indigo. Le Port du fort Royal est grand et commode; l’escadre la plus considérable peut y hiverner à l’abri de toutes les injures du tems, il y avait quand nous avons pris l’ile, environ 40 navires, tous petits à l’exception de 7 à 8 d’une moyenne grandeur. La ville est petite et mal batie, j’en ai demandé les raisons et j’ai trouvé que c’est la coquinerie des habitans qui en est cause; ils avaient commencé à la bâtir superbement et avaient fait assurer les maisons à Londres deux et trois fois leur valeur; quand ils ont été certains du remboursement en cas d’événement, ils y ont fait mettre le feu, et la ville a brulé. Encouragés par cette maniere de gagner de l’argent, ils ont fait batir de nouveau de superbes maisons, la ville était charmante; ils ont fait assurer comme la premiere fois, et cela fait, on a incendié la ville; de sorte qu’à quelques maisons près, dispersées, elle est deserte; mais il y a apparence que maintenant on va la rétablir puisque les français y sont en sureté. Après que nous eumes mouillé, j’eus l’honneur d’aller rendre mes devoirs à Mr Le comte D’Estaing, et lui exposer l’état où nous étions; il me reçut le plus affablement possible, donna à mon frere tous les éloges qui lui étaient dus, m’en donna aussi, et me recommanda de faire réparer le plutôt possible le dommage arrivé au vaisseau, je le lui promis et votre besogne est bien avancée. Il y a une heure que sans m’attendre à rien, Mr Le Comte D’Estaing est venu à bord, et m’a surpris. Il m’a dit avec toute la bonté possible, les choses les plus honnêtes et les plus agréables, et ma demandé ensuite ce que je demandais pour récompense. Je lui ai répondu que je n’exigeais rien, que j’étais trop heureux d’avoir servi ma Patrie, et d’avoir prouvé que j’étais bon français, que l’estime de la nation sur le témoignage d’un aussi grand général que lui, était tout ce que je désirais: il me répondit que j’étais fort modeste; et qu’il voulait d’abord me faire avoir la croix et un grade dans la marine Royale. Je lui dis que si la guerre devait durer, j’entrerais volontiers dans le service; mais que si nous devions avoir la Paix, je ne m’en souciais pas: après 218 CARON DE BEAUMARCHAIS plusieurs honnêtetés qu’il me fit encore, il m’a demandé ce qu’exigeaient mes officiers, et qu’il me priait d’en faire un mémoire, pour lui remettre l’après midi, afin qu’il l’envoye en cour; je m’en occupe et je n’y demande que ce qu’il m’a dit qu’il voulait me faire avoir, la croix et un grade quelconque dans la marine; j’y ai pourtant ajouté la place de capitaine de Port à Bordeaux en survivance. Tous nos messieurs ont été fort modestes dans leurs demandes; et nous vous prions tous de les appuyer auprès du Ministre; quoique certainement Mr Le Comte d’Estaing ait tout le crédit possible, un mot de plus ne fait pas de mal. J’envoye également tout ce détail a Mr de Montieu, avec les mêmes prieres. Mr Le Comte d’Estaing m’a demandé son adresse et la vôtre; il veut je crois vous écrire;11 je lui ai demandé si nous retournerions au fort Royal, il m’a dit que non, que nous irions à St Domingue, que cependant, nous passerions devant pour prendre le convoi à qui il devait donner ordre de se tenir prêt; je lui ai representé que vos navires pourraient ne pas l’être, surtout nous ayant donné une partie de leurs équipages, que ce serait un pretexte pour eux, un obstacle pour moi, et peut être des reproches à l’avenir: soyez tranquile m’a t’il répondu, j’ai donné ordre qu’à mesure qu’il sortirait des malades de l’hopital, ils fussent distribués sur les navires marchands, qui en ont fourni aux vaisseaux du Roi, et de commencer par les vôtres; malgré tout cela, je ne suis guere tranquille, et je crains toujours quelque difficulté, particulierement de la part de M de Casse12 de qui j’ai 50 hommes; vous jugez bien dans quels nouveaux embarras cela me jetterait. Mr Le comte d’Estaing m’a dit de plus qu’après avoir été à St Domingue nous suivrions notre destination sous bonne escorte; tout cela m’a fait bien du plaisir mais ne me tranquillise pas encore. Je dois vous prévenir qu’arrivé au fort Royal, et devant venir faire la guerre, nous n’avons pas jugé à propos de garder à bord les marchandises séches que nous y avions à vous et à ceux a qui vous aviez permis d’en charger, parceque nous aurions imprudemment exposé leurs intérêts, nous les avons donc déchargées et envoyées à Mr de Casse, qui en a reçu une partie et fait mettre le reste sur les autres navires. Le tout pressait si extraordinairement et nous étions si embarassés, que je n’ai de reçu que d’une très petite quantité; ainsi s’il arrivait CORRESPONDANCE 219 malheureusement que Mr de Casse ne voulût pas venir, qu’il ne voulût pas se charger de ces marchandises, et que je ne pûs pas les recevoir, je pourrais me trouver dans un très grand embarras par rapport aux propriétaires. Ces perplexités sont cruelles et me jettent dans de grands soucis. Je vais pourtant lui écrire les intentions de M Le Comte d’Estaing, afin qu’il soit prêt et alors je n’aurai rien à me reprocher. J’ai l’honneur de vous prévenir detous ces objets afin de n’avoir aucun tort auprès de vous. J’ai l’honneur d’etre avec la plus parfaite considération Monsieur Votre XA Signé Cher Montaut. Mr Caron de Beaumarchais 4Lieutenant du Fier Rodrigue (voir tome IV, lettre 695, p. 191); la lettre suivante de Montaut donnera tous les détails de la bataille de Grenade. 5Son frère était le capitaine qui venait de perdre la vie pendant la bataille de Grenade. AF; Courier de l’Europe, 24 septembre 1779; Donvez A 439. 6Le pertuis d’Antioche, entre l’île de Ré et l’île d’Oléron. 7Lord George Macartney, baron Macartney de Lissanoure (17371806) était gouverneur de Grenade. 8John Byron (1723-1786) a remplacé l’amiral Howe lorsque celui-ci est retourné en Angleterre. Le 13 avril 1778, d’Estaing était parti de Toulon. Byron devait l’intercepter mais des délais administratifs dûs à l’incompétence du commandement l’ont empêché de partir avant le 9 juin. Ils se sont enfin affrontés le 6 juillet 1779 près de Grenade. Byron a ordonné à son escadre de 21 vaisseaux d’attaquer l’escadre de d’Estaing qui, pensait-il, n’en avait que 16 et Byron a refusé d’annuler ses ordres même après avoir compté 25 voiles ennemies. Ses premiers vaisseaux ont beaucoup souffert et les deux escadres étaient en train de se former pour se livrer une grande bataille quand les Français ont décidé de se retirer. Seule 220 CARON DE BEAUMARCHAIS l’ineptitude de l’amiral d’Estaing a épargné à Byron une défaite complète (Boatner, p. 154 et Noailles, pp. 71-91). 9Vaisseau français de la ligne de 74 canons. 10Vaisseau français de 50 canons. 11Voir lettre 828. 12Le capitaine de Casse s’est occupé de la vente de certains produits de la cargaison aux îles françaises et des frais de relache des sept navires. Ses comptes font partie du rapport des commissaires du 21 février 1785 (AN, G/1/56); voir lettre 867. 827. Du comte d’Estaing [12 juillet 1779]1 Je n’ai Monsieur que le temps de vous ecrire que le fier Roderigue2 a bien tenu son poste en ligne et a contribué au succès des armes du Roy. Vous me pardonnerés dautant plus de l’avoir employé aussi bien que vos interets n’en souffriront pas soyez en certain. Le brave Mr de Montaut3 a malheureusement été tué j’adresserai tres incéssament létat des graces au Ministre. j’espere que vous m’aiderés à obtenir celles que votre marine a très justement merittées. 4 J’ai lhonneur d’etre avec tous les sentimens que vous scavés si bien inspirer Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur. Estaing a bord du Languedoc5 en rade de St Georges isle de la Grenade ce 12 juillet 1779 Il ya plusieurs versions de cette lettre mais il n’y a que de légères différences parmi elles. 1La date de la lettre de MAE est le 22 juillet; mais celle transcrite ici et celle à Montieu sont datées du 12 comme l’est celle publiée dans le CE. CORRESPONDANCE 221 2La lettre à Montieu et celle de MAE donnent ici “de 60 canons et 500 hommes.” 3La lettre à Montieu et celle de MAE donne ici “capitaine du fier Roderigue, excellent homme de mer.” 4Voir lettre 826 pour une description de la bataille; voir aussi lettres 856, 861, 907 et 909. 5Vaisseau amiral du comte d’Estaing. 828. D’Arthur Lee [14 juillet 1779] July 14t.h 1779 M. Lee a l’honneur d’envoyer a M. de Beaumarchais la copie de la note qu’il a fait de leurs conversations qu’ils ont tenues devant M. Izard.1 Si M. Beaumarchais y trouveroit des erreurs considérables il aura la bonté de les marquer a M. Lee. 1Voir la lettre suivante. 829. D’Arthur Lee [14 juillet 1779] Le 22e du mois de Juin 1779, Monsieur Caron de Beaumarchais s’etant rendu chez Monsieur Lee en consequence d’une Notte de son Nephew Ludwell Lee pour l’avertir qu’il s’était présenté deux fois à sa porte pour lui remettre une Lettre en mains propres sans y avoir pu entrer.1 D’abord M de Beaumarchais était informé par M. Lee, que l’objet de cette Lettre etait de demander de voir les originaux de 222 CARON DE BEAUMARCHAIS quelques Lettres, sous la signature de Mary Johnston; les copies desquelles avoient été mises devant le Congrés des Etats Unies, par le dit M. de Beaumarchais, comme lui ayant été ecrites par M. Lee. M. de Beaumarchais l’a promis sans difficulté, et M. Izard, Député du Congrés, qui se trouvoit par hazard chez M. Lee, consentit d’être presente a cet examen le jeudi prochain, à dix heures du matin. Alors M de Beaumarchais entroit dans le detail suivant, pour se justifier, et se plaindre du Congrés et de M. Lee. Qu’il avoit mis ces lettres devant le Congrés, parceque il etoit averti par M. Silas Deane, qu’on avoit taché ici et la bas d’empecher le Congrés de le payer, et que M. Deane avoit été inculpé sur cette affaire, et pour avoir envoyé les officiers avec les effets d’artillerie &cA Qu’il avoit reçu de Londres le certificate de M. le Comte Laraguais, 2 expédié au Congrés par M. Lee pour temoignage que les effets en question avoient été envoyé par la Cour: et qu’on lui a mandé de Philadelphie, que ce certificate etoit mis devant le Congrés. Messrs Gerard, Deane, et Carmichael avoient donnés leurs témoignage au Congrés que ces effets etoient envoyés par lui et sur son compte, et que l’Amerique en etoit redevable à ses soins et a son zéle; et qu’en consequence le Congrés etoit convenu avec son agent Francy que tous les denrées qui seroient envoyés en France, seroient pour lui. Cependant que le Congrés ne lui avoit pas ecrit une seule Lettre de remercimens, et qu’ils avoient renvoyé son compte a être reglé et payé par leurs Deputés ici. Que M. Deane s’etoit engagé avec lui par parole, qui doit être aussi sacré que les ecrits, que toutes les marchandises envoyés par le Congrés seroient a lui, et il avoit engagé ses amis, sur cela, de lui preter des sommes considerables pour envoyer des munitions en Amerique. Que lorsqu’il etoit sur le point de mettre devant les Deputés, selon la promesse qu’il avoit faite à Passy, un etat de tout ce qu’il avoit faite M. Deane l’a venu prier secrettement de ne le pas faire, en lui disant que comme M Lee etoit son ennemi, cela pouvoit lui fournir des moyens pour leur faire de tort, et cette raison l’empecha de faire ce qu’il avoit promis. 3 Que M. Carmichael lui a dit que M Lee etoit le rival et l’ennemi de M. Deane, et lui a conseillé de s’addresser au CORRESPONDANCE 223 Congrés pour le payement de ses effets, et que quand il avoit envoyé M. Francy en Amerique M Deane ecrivoit par lui pour recommender le payement de ses demandes. Que quand il avoit entendu que les Deputés avoient faits avec les fermiers generaux un traité par lequel il etoit convenu que tout le Tabac qu’arrivera en France leur seroit remis, il leur ecrivit en se plaignant que cette demarche seroit une violation des engagemens faits entre M. Deane & lui, et qu’il reçut en reponse qu’un tel traité n’existoit pas. M. Lee lui a repondu qu’il n’avoit point de raison de se plaindre du Congrés, puisqu’ils agirent suivant l’information de leurs Deputés. Que tous les trois ecrivirent au Congrés qu’il en avoit dans cette affaire un mélange des choses publics et privés, et qu’il seroit mieux de leur en remettre la connoissance. Que cela étoit ecrit sur la proposition & l’information de M. Deane lui même, la seule information qu’il avoit jamais donné, qui disoit que les articles qui etoient sur le compte des particuliers furent les fusils, le toile &cA Que la connoissance etoit en effet remis au Députés ici. Mais que suivant ce que lui (M. de Beaumarchais) venoit de dire lui meme aussitot que le Congrés a été eclairci la dessus, il a donné ordre pour le payement. Que quant a M. Lee il avoit ecrit au Congrés toute de suite apres l’entretien qu’il avoit eu avec M. de Beaumarchais, et suivant ses desirs réitérés que les effets fournis par la Cour devoient être expediés au Cap françois sous le nom de Roderigue Hortalez & CE Il l’avoit compris comme ça, ainsi que M. le Ct.e Laragais qui avoit certifié ce qu’il avoit entendu dans la conference tenue dans les Chambres de M. Lee à Londres. Tout ce qu’etoit dit des retours fut seulement proposé pour couvrir les veritables desseins, et il l’avoit ainsi compris dans tout sa correspondance. Non obstant tout ce qu’il [sic] que pouvoit faire les Deputés pour gagner un connaissance exacte sur ce pointe, ils ne peurent jamais apprendre qu’il en fut autrement, & qu’ils avoient ecrit tous les trois que le payement ne seroit jamais demandé. Il etoit donc trés claire par ces faites, que ni le Congrés ni M. Lee avoient commis dans cette affaire, aucun tort exprés envers M. de Beaumarchais. 224 CARON DE BEAUMARCHAIS Jeudi le 24e Juin [1779] M. Lee & M. Izard se rendirent chez M. Beaumarchais, qui leurs a montré les lettres qui se sont passés entre M. Lee et lui. Les originaux de ceux de M. Lee etant principallement en chiffre, M. Izard et M. de Beaumarchais les examinèrent avec la clef des chiffres, et trouverent que le dechiffrement etoit conforme. Aprés cela M. Beaumarchais les transcrivit, et les delivra a M. Lee, en promettant de les certifier quand elles seroient bien copiés. M. Beaumarchais commençoit encore un recapitulation des services qu’il avoit rendu à l’Amerique, l’ingratitude avec laquelle il a été traité, et le tort que cela lui a fait. Il disoit qu’il avoit avancé a M. Deane vingt mille livres pour ses depenses, et trente mille pour quelque affaire particuliére de M. Deane dans laquelle ses billets furent protestés; la derniére de ces deux sommes lui fut rendue, et quant a ces avances il nous montroit les reçus de M. Deane. Qu’il avoit preté des sommes considerables à d’autres americaines et aux officiers qui y furent envoyés de lesquelles il n’avoit rien reçu. Que M. Deane a son arrivée en France l’etoit venu voir et lui avoit dit qu’il avoit appris que lui M. Beaumarchais etoit le meillure & le seul ami de l’Amerique en France, et qu’il etoit pret d’envoyer des secours en Amerique desquels on avoit besoin, et que lui, M. Deane, etoit autorisé de les procurer. M. Beaumarchais lui demanda ou et quels etoient ses fonds. M. Deane l’a repondu qu’il attendoit journellement des vaisseaux portant des Marchandises de l’Amerique, lesquelles lui seront rendues en payement. M. de Beaumarchais l’a repondu que dans ce cas la il appreterat les secours immediatement. Quand ils furent prets, il envoyoit à M. Deane pour savoir s’il avoit des vaisseaux prets pour les porter. M. Deane l’a repondu que les vaisseaux n’etoient pas encore arrivés et qu’il ne pouvoit compter sur leur arrivé, mais M. Deane lui amenoit le sieur Montieu qui se proposoit de fournir les vaisseaux, si M. Beaumarchais vouloit payer la moitié du fréte toute de suite, et d’être la sureté de M. Deane pour le payement de l’autre moitié. La convention etoit faite et signée par M. Beaumarchais, M. Deane, & M. Montieu, et ils nous a montré la signature de chacun. Que lui M. Beaumarchais avoit payé 269,000£4, que ne CORRESPONDANCE 225 lui ont jamais été rendu, quoique l’autre moitié du frete avoit eté payé à M. Montieu par les Deputés. M. de Beaumarchais repeta que la raison pourquoi il n’avoit pas mis devant les yeux des Deputés en DecR 1777 tous ses comptes et ses operations comme il avoit promis, etoit parceque M. Deane l’a venu prier secrettement de ne le pas faire, comme il pouvoit fournir à M. Lee qui etoit son ennemi les moyens de lui nuire. Il ajouta aussi que M. Deane lui a dit qu’il etoit trés probable que M. Lee iroit bientot en Espagne, et qu’alors on pouvoit prendre connoissance de ses comptes de la maniére qu’on souhaitoit M. de Beaumarchais disoit qu’il avoit mis devant M. Franklin à son arrivé en France, un etat de ses operations, de l’argent qu’il avoit avancé, et des effets qu’il avoit envoyé, et que M. Franklin lui a pris la main, et le remercioit avec bon coeur. Il disoit qu’il avoit information que M. A Lee etoit la cause de ce qu’il n’avoit pas eu la justice dans le Congrés. Pour le prouver, il lisoit une partie d’une Lettre qu’il avoit reçu de M. Deane en datte le 26 Sepr 1778 dans laquelle il dit que M. Lee avoit ecrit beaucoup de mal de M. Beaumarchais a ses amis, et qu’il avoit ecrit au Congrés qu’il ne devoit pas payer pour les effets, et que M. Deane etoit d’intelligence avec M. de Beaumarchais dans la demande qu’il faisoit. Tout ceci etoit accompagné des injures forts grossiers contre M. Lee dans la Lettre de M. Deane. M. de Beaumarchais continuoit de dire que sur le temoignage de M. Gerard, M. Deane, et M. Carmichael le Congrés a été detrompé, et a resolu qu’il doit être payé, et que M. Carmichael lui avoit ecrit qu’au dinné que le Congrés a donné à M. Gerard, lui (M. Carmichael) quand ils burent des santés, se levant, prioit tout le monde de remplir leurs verres a la santé d’un des meillures amis qu’avoit l’Amerique, et il donnoit M. de Beaumarchais, en demandant du Ministre du Roi, s’il n’avoit pas rendu plus de services aux Etats Unies qu’aucun autre personne en France, a quoi M. Gerard agréoit. Sur cela un Membre proposoit d’elever un statue a M. de Beaumarchais. Qu’ils avoient resolus en effet de lui ecrire un Lettre de remercimens laquelle il n’avoit pas encore reçu, mais la resolution lui a été envoyé, avec l’excuse que le Committee de Correspondence avoit beaucoup d’affaires. 226 CARON DE BEAUMARCHAIS M. de Beaumarchais alors donnoit plus au long les raisons pour lesquelles il avoient donné des copies de lettres de M. Lee. M. Deane l’etoit venu voir, et lui avoit exposé ses craints de retourner en Amerique comme sa conduite etoit beaucoup blamée et principallement à cause de ses operations avec lui, et parcequ’il avoit envoyé des officiers en Amérique. Que lui M. de Beaumarchais l’avoit encouragé, et lui a promis de le donner des copies des Lettres de M. Lee pour le justifier de l’envoye des officiers, et de lui procurer de la cour des Lettres de recommendation. Qu’il avoit été au Ministre et que c’etoit sur ces representations que ce Ministre avoit accordé à M. Deane les Lettres qu’il portoit avec lui, et qui etoient un temoignage honorable de ses merites. Ils se plaignoit beaucoup des trois Deputés (Dr Franklin, M. Adams, et M. Lee) parcequ’ils avoient refusés de lui donner la cargaison du Therése et qu’il leurs avoient ecrit aussi bien qu’au Congrés, qu’il ne voudroit avoir aucune affaire avec les Deputés pendant que M. Lee etoit en Commission,5 et quand M. Lee disoit qu’il n’avoit pas vue cette Lettre, il la lui a montré, et lui a donné une copie, ajoutant qu’il l’avoit envoyé à M. le Cte de Vergennes pour son approbation, duquel il a recue une reponse qu’il nous a montré dans l’ecriture de M. le Ct.e mais qui n’etoit pas signé. Il approuvoit la Lettre a l’exception de quelques mots qu’il disoit n’être pas convenables a des personnes dans un caractére public. Il nous a montré les reçus de M. Montieu et de la Thulerie pour le payement qu’il les avoit fait, pour les fusils qui furent envoyés en Amerique. M. Beaumarchais ayant examiné par le desire de M. Lee la lettre qu’il avoit reçue de Passy, qui nioit qu’il existoit un traité avec les fermiers generaux, il trouvoit qu’elle etoit signée par M. Deane seulement. M. de Beaumarchais se plaignoit aussi de l’etat de Virginie disant, que quoique il leurs avoit vendu des marchandises excellents et a bon marché cet etat voulut le payer avec du mauvais Tabac, disant qu’il n’etoit pas convenu de lui en donner du bon, ainsi il etoit obligé de se plaindre de cet etat au Congrés. Il disoit qu’il connoissoit beaucoup des malversations des agens du Congrés en Amerique, qui s’occupoient de leurs affaires partiucliéres et negligoient ceux du public. La lettre surmentionée CORRESPONDANCE 227 de M. Deane il la recut de Passy, et elle avoit été ouverte. Il communiquoit ceci au Dr Bancroft dans peu de jours aprés disant que si M. Lee l’avoit ouverte il n’auroit pas trouvé son eloge. Enfin il a convenu que cette Lettre lui avoit eté envoyée par M. Franklin. Le 3E Juillet 1779—M. de Beaumarchais s’etant rendu chez M. Lee, les copies de les lettres de M. Lee a lui sous la signature de Mary Johnstone, et de lui à M. Lee sous celle de Hortalez furent certifiés l’une par lui pour M. Lee, et l’autre pour lui par Messrs Izard & Lee. Alors commençoit une grande discussion entre eux. M. Lee pour faire voir a M. Beaumarchais, qu’il n’avoit pas raison de se plaindre ni du Congrés ni de lui particulierement, lui montroit la copie d’une Lettre signée B. Franklin, Silas Deane & A. Lee dans laquelle il etoit dit qu’ils avoient été informés qu’on ne leur demanderoit point le payement pour l’artillerie et munitions de guerre qui etoient envoyés en Amerique. M. de Beaumarchais en fut fort blessé disant que les Deputés lui avoient faite bien de tort, et que ceux qui pourroient les avoir assurés que le Ministre auroit dit qu’ils ne doivent pas payer pour ces munitions de guerre &ca etoient des menteurs infames. M. Lee lui a montré aussi une estimation des engagemens que les Deputés avoient pris, des sommes qu’ils devoient payer, ecrite par M. Deane lui même, dans laquelle il n’avoit pas mis un seul mot d’argent dû a M. Beaumarchais. Il lui a montré aussi les comptes du Banquier dans lesquels il a paru que des millions avoient été payés & principallement par M. Deane. Il a donc été la faute de M. Deane si ayant fait cettte engagement, il ne la jamais mentionné, en sachant que M. de Beaumarchais etoit le premier et le principale creancier il n’a jamais appliqué un seul livre de ces sommes immense de l’argent du public qui ont passés entre ses mains, en payement de sa demande. Que M. Deane ayant ainsi retenu le Congrés et ses Collégues dans une ignorance profonde de cette engagement en disant qu’on ne demandera pas le payement; et tachant d’empecher M. de Beaumarchais de mettre devant les Deputés l’etat de ses operations: c’etoit un preuve, que s’ils etoient trompés, M. Deane tachoit de les faire continuer dans leur ignorance. Car lui (M. Deane) etoit bien sur que si cet etat leurs 228 CARON DE BEAUMARCHAIS avoit envoyé, il devoit être, suivant l’avis de M. Gerard, envoyé à M. le Ct.e de Vergennes, et alors l’affaire auroit été eclairci. M. Beaumarchais disoit qu’il pouvoit a peine croire que M. Deane, a qui il avoit preté si volontiers de l’argent, et qui lui avoit tant d’obligations, et qui lui a rendu tant des protestations de reconnoissance et de l’amitié, pouvoit être capabale d’une action si indigne. Mais que c’etoit certain que non seulement M. Deane l’avoit empeché de communiquer ce qu’il avoit promis, mais que quand M. Lee est venu pour la premiére fois en France, M. Deane disoit à lui (M. de Beaumarchais) que M. Lee romperoit tous les operations si on les lui faisoit connoitre, et qu’il etoit venu exprés pour cela. M. Lee prioit M. de Beaumarchais de comparer cette conduite de M. Deane avec la sienne, qui ne lui a jamais parlé contre M. Deane, ni a taché dans aucune maniére de se meler dans ses operations. Et M. Lee en appelloit à M. Beaumarchais lui même, pour la verité de ce qu’il avançoit. Il demanda de M. de Beaumarchais si dans la Lettre de M. Deane du 26 Sepr 1778 que lui (M. de Beaumarchais) avoit lue a M. Izard & M. Lee, il ne lui avoit pas faite entendre qu’il ne valoit pas la peine de venir a une explication avec M. Lee, et si ce n’etoit pas la un manoeuvre pour s’empecher d’être decouvert. M. de Beaumarchais en convenoit. Il disoit qu’entre d’autres Americains auxquels il avoit preté de l’argent, qu’il avoit preté à M. Carmichael 200 Louis d’ores qui ne lui ont pas été rendu. Qu’il avoit fait tout ce qu’il pouvoit pour servir l’Amerique et que ces procedés ont faits autant de mal à l’Amerique qu’a lui même parceque en l’empechant d’être payé il n’avoit pas de quoi procurer les munitions qu’il souhaitoit. M. Lee lui a dit qu’il avoit pris une notte de leurs conversations, et qu’il lui envoyeroit une copie pour voir s’il ne lui avoit pas mal entendu. P.S. M. Izard en examinant le dessus, a rappellé au mémoire de M. Lee, que Monsieur Beaumarchais, leurs a montré plusieurs reçus des officiers qui etoient envoyés en Amerique, pour l’argent qui leurs etoient avancés par le dit Monsieur Beaumarchais, lesquelles reçus etoient aussi signés par Monsieur Silas Deane.6 1Voir lettre 815. 229 CORRESPONDANCE 2Voir tome II, lettre 359 n. 1. écrit à son neveu, Jonathan Williams, le 19 mars 1779: “We ourselves never had any Dealings with Mr Beaumarchais, and he has never produced any Account to us, but says the States owe him a great deal of money . . . I imagine our Country has been really much obliged to Mr Beaumarchais; and it is probable that Mr Deane concerted with him several large Operations, for which he is not yet paid. They were before my Arrival and therefore I was not privy to them” (PBF, XXIX, p. 167). 4220,000 livres dans la lettre de ALP. 5Beaumarchais a exprimé les mêmes sentiments à Francy; voir tome IV, lettre 719. 6Il y a une phrase de plus et la signature de Lee sur la lettre de ALP: “Examinée et corrigée avec la copie envoyée a M. de Beaumarchais. 14 july 1779 A Lee”; voir la lettre 831 pour la réponse de Beaumarchais. 3Franklin 830. Au comte de Maurepas Copie MR Le Cte de Maurepas Paris le 15 juillet 1779 Monsieur le Comte Une petite affaire repose quelquefois des grandes; et je sais que vous ne regardez point la Littérature française comme un objet au dessous de vos soins paternels. Depuis longtemps je suis à peu près d’accord avec Mr.s Les prs gentilhommes de la chambre sur les articles d’un nouveau règlement à faire à la Comédie française, et surtout dans la partie qui touche les auteurs dramatiques. Ce Règlement dressé de concert avec Mr.s les 1rs gentils hommes de la chambre, il s’agit de lui donner son exécution. Mr Le Maréchal de Duras, après m’avoir envoyé de sa main ses 230 CARON DE BEAUMARCHAIS objections que j’ai levées, a désiré que j’eusse l’honneur de vous en parler, pour avoir votre attache sur un changement si utile aux auteurs. Je ne sais autre chose que de vous adresser le reglement lui-même que l’on décharnera de ses motifs, lorsqu’ils auront servi à le faire adopter. Mr Le Maréchal de Richelieu nous a donné aussi ses observations de sa main. Ainsi vous voyez, Monsieur Le Comte, que nous ne sommes point des séditieux qui conspirent dans les ténébres: nous sommes une compagnie d’auteurs, dont les uns font rire, les autres pleurer; nous demandons justice aux comédiens et protection aux Ministres. Mais pour arracher la premiere, il nous faut obtenir la seconde, et c’est au nom de tous les gens de lettres que je m’adresse à vous. Le moment est favorable, parce qu’on peut, pendant qu’on s’y met, chasser les auteurs italiens, et choyer les auteurs français. L’ouvrage que j’ai l’honneur de vous adresser n’est point pour votre cabinet; mais il peut être excellent, pocheté pour vos promenades de l’hermitage, après cela dites seulement: Je le veux bien; et tout ira le mieux du monde. Je voudrais bien aussi pour vous délasser, vous proposer la lecture de mes anecdotes voltairiennes, contre les grands du siecle; où vous avez comme disait Montaigne, votre lopin tout comme un autre. Il ne faut encore qu’un mot pour cela. Et la gratification1 du Prince de Nassau qui m’a confié et fait recommander ses intérêts pour des Princes; avez vous la bonté d’y songer auprès du Roi? Il est clair qu’on lui doit au moins ce que vous auriez voulu donner pour faire manquer la compagne d’Arbuthnot. 2 C’est comme cela qu’on doit envisager la demande du Pauvre étourdi de Prince Ruiné, que la gratification ne relevera pas; mais qu’elle peut seule empêcher d’être deshonoré, pour la nature des dettes qu’il a sur la tête aujourd’hui./. Je ne vous parle point de l’effet fâcheux qu’un retard forcé de six mois peut produire sur mes navires dans le cas où ils aborderaient en Virginie aujourd hui parceque cette lettre est absolument consacrée aux objets légers dont je comptais avoir l’honneur de vous entretenir hier. A voir le ton d’importance qui règne dans le préambule des articles vous rirez peut-être de cet air plénipotentiaire; mais vous 231 CORRESPONDANCE changerés peut être d’avis; lorsque vous réfléchirez que rien n’est si chatouilleux que l’amour propre de tous ceux dont je parle, et qu’acteurs et auteurs nous sommes des balons gonflés de vanité; enfin, s’il faut lacher le mot qu’une Comédie est beaucoup plus difficile à régler qu’un Etat à conduire soit dit sans offenser personne. Vous connaissez mon très respectueux attachement; il est fondé sur la Reconnaissance. 1Voir lettre 823. lettre 823 n. 1. Quand Nassau et ses troupes sont arrivés à l’île de Jersey, une tempête les a empêchés de débarquer. L’amiral Marriot Arbuthnot (1711?-1794) qui convoyait des vaisseaux en Amérique, a appris de l’attaque et est allé au secours de l’île mais les Français étaient déjà partis; voir Idzerda, II, p. 276 n. 4 et Patterson, p. 104. 2Voir 831. A Arthur Lee Copie de la lettre de Mr de Beaumarchais à Mr Arthur Lee Paris le 18 juillet 1779 Puisque vous avez quelque intérêt, Monsieur, à ce que l’extrait de nos conversations devant Mr Isard et relative à vos débats avec Mr Deane soit fidele; j’ai l’honneur de vous prévenir qu’après avoir lu celui que vous m’envoyez,1 j’y trouve plusieurs objets de mes plaintes trop obscurément exprimés pour que votre récit puisse passer pour exact. D’autres objets, tels que le rapport fait par vous de conversations entre nous deux à Londres, exigent que mes réponses ayant constamment formé le 232 CARON DE BEAUMARCHAIS désaveu le plus net des intentions que vous m’y prêtez soient écrites à la suite de votre assertion. En général cet écrit est fait avec le desordre qui tient à l’incertitude des souvenirs, ce qui en détruit la suite et la clarté. Si j’eusse cru que nos conversations fussent une espèce d’interrogatoire que vous me faisiez subir, je m’y serais peut etre moins livré au ressentiment que tant d’injustices me donnent sans cesse. J’aurais parlé avec moins de passion des choses qui m’affectent le plus dans toute cette obscure intrigue dont je ne tiens pas encore le noeud. Dans un débat familier on se livre aisément à l’impulsion de la nature: mais dans des discussions destinées à être mises sous les yeux d’un respectable corps assemblé, l’on se réprime, on se contente des objets graves qui y ont rapport et l’on supprime tout le fatras. Je n’entens jamais que me plaindre des torts qu’on m’a faits, et non blesser personne. C’est sous ce point de vue que je vais examiner de nouveau l’écrit que vous m’envoyez. J’y rétablirai en marge les objets qui manquent d’exactitude, je lui donnerai la marche méthodique d’où naît la clarté si nécessaire en affaires contentieuses; et je vous soumettrai ensuite ce travail si vous persistez à croire que tout cela soit bien necessaire. Car, malgré ce que vous m’avez dit, il répugne à mon coeur de penser que Mr Deane qui a tant à se louer de moi, ait jamais pu avoir l’intention de nuire aux intérêts d’un homme qui a bien servi et lui et son pays, et qu’il l’ait fait par des menées infames ou des rapports insidieux. Certes! J’aurais bien de la peine encore à me le persuader si jamais on me le prouve invinciblement; et j’avoue que l’extrême différence que vous persistez à mettre dans nos conversations de Londres entre votre entente et mes discours m’apprend à me tenir en garde contre tout ce qui se passe entre nous. Mais il faudra rayer de votre écrit tout ce qui tient à ces conversations d’Angleterre, si vous n’ajoutez point que je nie formellement vous avoir dit d’aussi grossieres absurdités que celles que vous m’y prêtez. Si votre peu d’usage de ma langue ou quelqu’autre motif vous a fait prêter un sens étranger à mes discours, je ne puis que plaindre et desavouer votre erreur et 233 CORRESPONDANCE comme mes lettres à vous sont le complément de mes phrases verbales, elles doivent servir de preuve à tout le monde que vous m’aviez mal entendu. Car mes lettres étant en chiffres et remises surement à Londres; je ne leur ai point donné de sens obscur. Ce qu’elles contiennent est précisément ce que j’ai voulu dire, il n’y a ni équivoque ni sens couvert là dessous. Telles sont en général les reflexions que votre écrit m’inspire. Faisant marcher la justice avant tout, je vous ai donné verbalement tous les eclaircissemens que vous avez parû desirer: mais les choses écrites exigent une exactitude austere que des simples souvenirs rendent difficilement. Je rétablirai cette exactitude et j’aurai l’honneur de vous faire part de mes observations à cet égard: car je ne vous ai pas dit un mot qui ne soit appuyé de piéces probantes. J’ai l’honneur d’être avec la plus haute considération Monsieur Votre Xa Signé Caron de Beaumarchais ./. Il y a deux exemplairess de cette lettre; il y a très peu de différence entre les deux. 1Voir lettre 829. 832. D’Arthur Lee [après le 18 juillet 1779] It was not my intention, Sir, or desire to enter into any conversation with you concerning MR Deane or your affairs. My sole object as I had the honor of telling you was to examine the originals of those Letters which had been laid before congress & the Public. The Discussions you thought proper to enter into were as spontaneous on your part as they were unexpected & unsollicited by me. But as you stated a number of facts very material as I 234 CARON DE BEAUMARCHAIS conceived to the public; I thought it proper to make a note of them immediately. It was consistent with the candour & desire of truth which have ever directed my conduct, to inform you I had done so, & send you a copy of that note. How you coud deem this an Interrogatory I cannot comprehend. It is not now a question whether there is any trash,1 as you seem to think, but whether there are any errors in the note I sent you. I am satisfied it is true, except in the sums of money in which there may perhaps be material errors which your Papers will enable you to correct. It is certain that truth ought to direct private as much as public discourses. The sole object of my shewing you the Papers which related to MR Deane, was, as I told you, to satisfy you that your complaints were misplaced. This I did by evidence irresistable & indubitable. It was & is totally immaterial to me, whether you drew any conclusions from thence which might diminish Mr Deane & his associates in your esteem. Insomuch that I beg Sir you will be assurd that you may love, honor, & praise them to the utmost of your power, without giving me the smallest imaginable uneasiness. The obvious conclusion from the documents I shewd you was that the justice of your demand had not been quite so clear to DR Franklin & myself as you imagind, since he with whom you allege you made your engagements, who knew all your transactions, & who wrote privately to enforce your demand & is now bearing witness for you—when he had money in his hands, did not apply a sol of it to the payment of your accT; when he stated to us what engagements the public was under did not mention a syllable of that with you; & tho he knew we were informd that no payment woud be demanded from congress or from us2 was so far from attempting to undeceive us, that he concurrd in transmitting that information to congress. This too was all the answer which I thought it became me to make to the multitude of unjust imputations you have brought upon me, in terms which can only reflect dishonor on those who use them. Your demand appears to me to be the material denial of what I have stated to have passd in our conference at London and what I wrote to congress immediately upon those conferences. will be the record by which I must abide. As my 235 CORRESPONDANCE situation was such as prevented me from keeping a copy either of that or of my Letters to you, what I have said since was from memory, but I am satisfyd does not materially differ from what I then wrote. I never had the least reason to think I misunderstood you & certainly it woud have been much more my personal interest to have written what you say was the fact. That an individual shoud have engagd to advance some millions in money & supplies to my country, in so doubtful a moment, barely upon my promise that returns shoud be made to him; woud have been an instance of confidence in me that coud not have faild to procure me the most extraordinary honor & credit. Ambition and intrigue woud therefore have prompted me to state it as a mercantile not a political business in order to assume a merit to myself of so uncommon a magnitude. I shall be obliged to you for the observations you mention & have the honor to be Xa 1Beaumarchais a employé le mot “fatras”; voir lettre 831. tome III, lettre 364 où Beaumarchais indiquait très clairement qu’il y aurait des remboursements pour ce qu’il envoyait en Amérique. 2Voir 833. De Charles-Joseph Panckoucke [23 juillet 1779] Mr de Beaumarchais Monsieur. Je viens d’ecrire a MR Lallemand, 1 j’ay supprimé tout ce qui pouvait donner l’idée de la grande édition parceque ce dévot pouvait en profiter contre nous, il ne faut pas qu’on puisse prouver que vous vous occupés de la grande édition si vous voulés 236 CARON DE BEAUMARCHAIS obtenir le privilége des oeuvres choisies, l’un pourrait nuire a l’autre, et peut être nous mettre dans le cas de ne pas l’obtenir. Une reflexion que je n’avais pas faite, vous oblige a donner aux libraires les vingt sols par volume, ils sont les maitres de toutes les chambres sindicales. C’est parmi eux qu’on choisit les sindics, adjoints, on ne peut pas obtenir un ordre de laisser passer, a cause de la nature de l’ouvrage, si donc vous ne leur donnés qu’un bénéfice qui les révoltat, ils pouraient se liguer contre nous et je vous [sic] qu’ils sont les maitres, de n’en pas laisser passer un exemplaire, il faut donc supprimer la lotterie qui n’est pas nécessaire à vos succès,2 et donner aux libraires les 60s par exemplaire, et même le 13e gratis, sans leur secours point de succès, le public en province n’achete des livres que par les facilités que les libraires leur donnent. il y en a qui ont placé 350. exemplaires de l’encyclopédie en 4O une grande remise et peu de crédit. il ne faut pas sortir de ce cercle. il faut aussi donner l’edition à 3£ 10≥ et 4£ 10≥ ax particuliers, elle est trop chere a 5£ Je ne le mets a ce prix, que parce que vous imprimiés avec un beau papier, et les caractères de Baskervelle. Si votre édition était faite a genêve avec caractères et papier de France, il ne faudrait pas l’etablir a plus de 2£ 10. et 3‹ 10. le vol. Autre chose, c’est l’année prochaine l’assemblée du clergé, c’est un moment critique, où il ne faut pas penser faire le moindre bruit,3 vous n’avés plus que 5. mois pour repandre vos prospectus, &. je vous fais part de mes idées, Monsieur, aussitôt qu’elles me viennent. vous murerés tout cela. J’ay l’honneur d’être, &. Ce 23 Juillet 1779 1Le Garde des Sceaux avait accordé le privilège de publier les oeuvres choisies de Voltaire à Lallemand mais le droit a été révoqué vers le 29 août (voir IMV, AB, III, 29 et BHVP, MS 1312, I, f. 50). 2La loterie n’a pas été supprimée et nous savons même que la || ; duchesse de Biron y a gagné le gros lot qui lui rapporte 24000 — voir BHVP, MS 1319, VIII. 237 CORRESPONDANCE 3Panckoucke donne à Beaumarchais une leçon sur le commerce des livres apprise au cours de nombreuses années d’expérience. Mme Tucoo-Chala écrit: “au moment des réunions de l’Assemblée du clergé il vaut mieux se faire oublier, pendant les vacances parlementaires il faut diffuser au maximum les éditions nouvelles” (p. 391). 834. A James Woodmason Londres [1779] M. James Woodmason 27 juillet Je n’attends, Monsieur, que l’arrivée de M. Letellier1 pour prendre un parti relativement à vos papiers, et aux caractheres de M. Caslon, je vous assure qu’en mon particulier j’ai la meilleure opinion des uns et des autres, et la protection que vous avés de Milord Shelburn,2 suffit sans doute pour m’en garantir la perfection, il n’y a que le prix qui pourra nous decider, nous en ferons la supputation avec M. Letellier, aprés cela vous serés instruit de nos intentions. Je ne doute pas du zele et de l’activité que vous apporteriés dans notre entreprise, au cas où nous accepterions vos offres: le prix de vos papiers me parait bien fort, nous en avons en france de trés bonne et belle qualité dont les prix sont au moins d’un tiers moindres que ceux que vous nous offrés, la difference des qualités cause sans doute celle des prix; mais y a-t-il une juste proportion? C’est ceque nous examinerons sans partialité et le plus scrupuleusement possible; je suis charmé de l’envoi des echantillons que vous m’annoncés, il nous mettra à portée de faire la comparaison des uns aux autres. Quant aux caractheres de M. Caslon, je ne doute pas non plus de leur excellence, et je crois qu’ils auront plus belle apparence sur le papier glacé dont Mr de Baskerville s’etait toujours servi; vous avés très bien fait de lui procurer des echantillons de ce papier, sur lesquels il se propose d’imprimer 238 CARON DE BEAUMARCHAIS quelques modèles qu’il doit m’envoyer, je les recevrai avec plaisir, il me tarde meme de les avoir en main pour les comparer à ceux de Baskerville; je vous prie de presser cet envoi. Vos services peuvent nous etre utiles autant qu’ils vous seront avantageux, sans nuire au correspondant qui sera chargé de recevoir les souscriptions, le prospectus que vous recevrés dans le tems, vous fera connaitre les avantages du role actif dont vous offrés de vous charger. En cequi concerne l’exécution secrete du prospectus que vous offrés de faire faire, nous nous consulterons avec M. Letellier pour prendre un parti tant sur cet objet, que sur les autres dont vous me parlés. j ai Xa Bxxx 1Selon Gunnar et Mavis von Proschwitz (CE, I, p. 125) Beaumarchais a prêté de l’argent à Jean-François Le Tellier (qui était architecte de profession) et Beaumarchais s’est lié avec lui quand celui-là a acheté l’imprimerie des Deux-Ponts. Le Tellier a convaincu Beaumarchais de publier les oeuvres de Voltaire et est devenu le gérant de l’édition à Kehl: “C’est Le Tellier surtout qui, par son incompétence, sa fourberie et son mauvais caractère, fit de l’entreprise Voltaire le calvaire de Beaumarchais.” Dans l’ “Extrait de l’Inventaire après décès de Beaumarchais” (BHVP, MS 1319, VIII) on peut lire: “que le Tellier chargé de l’impression du Voltaire avait fait en son nom tout les traités relatifs à cette affaire: de sorte qu’il prétendit un moment que le cn Beaumarchais n’était que le banquier de cette entreprise. Cette prétention du cn Le Tellier causa des discussions très considérables, et au moment ou le véritable propriétaire allait l’attaquer et le poursuivre, Le Tellier fit devant Mouret No re le 20 Xbre 1784 une déclaration qui rendit au cn Beaumarchais ses droits de propriété, et prouve qu’il tient le citoyen Beaumarchais quitte de toute répétitions.” 2Voir lettre 822. CORRESPONDANCE 239 835. De Chevallié MR Caron de Beaumarchais à Paris Rochefort le 27. Juillet 1779 Monsieur J’ay reçu la lettre que vous m’avés fait l’honneur de m’ecrire le 21 de ce mois. J’ai à vous dire qu’il ne suffit pas que vous m’assuriés que vous etes d’accord avec M. Paulze sur la tarre aux tabacs à 15 p % sur la totalité. Il convient encor que vous le fassiés ecrire à M. Saunier par M. Paulze lui même désque le premier m’a assuré constament le contraire quoiqu’il en soit et comme vous le dites trés bien où M. Cantini pour vous, c’est un objet qui s’arrangera sans difficulté et qui ne retardera rien, puisqu’on à commancé hier matin à faire l’enlevement des tabacs au nombre de 120 boucauds qui ont également été chargés à bord de barque. cette operation se continue et ira bon train jusqu’a la fin. Je tiens le commis qui a suivi les poids à la livraison afin de veriffier s’il est quelques boucauds qui ont été oubliées à la balance. M. de Montieu s’en est aussi promptement retourné à Nantes qu’il a été longtems a se faire attendre ici, il m’a laissé M. Garnaule1 pour la vériffication de mes comptes, il seroit venu luy même les arrêter si je l’avois exigé mais m’ayant dit que ce seroit lui faire plaisir que d’aler moi même à Nantes puisque d’ailleurs j’étois dans l’intention de faire ce voyage trés incessament. J’ai bien voulu luy eviter cette peine en conséquence j’avois formé le dessein de partir vendredi prochain avec le S. Garnaulle; mais d’aprés l’avis que me donne vôtre lettre du 21 de ce mois que vous addressés vos observations sur mes comptes à M. de Montieu et que j’ai jugé que vous aviés gardé des comptes jusqu’aprés la reception de mes reponses, nous sommes convenu M. Garnaule et moi, d’attendre de M. de Montieu ces observations qui, si elles ne luy ont point été envoÿés de chés vous, Monsieur, par Duplicata à Nantes, lui sont addressées d’ici sans doute par Mr Hébre de saint Clément aujourd’huy et par conséquant ne me seront renvoyées de Nantes que samedi prochN 240 CARON DE BEAUMARCHAIS et n’arriveront ici que lundy, ce qui comme vous voyés cause encor un retard inattendu et que vous auriés évité en m’addréssant directement ces observations où tout au moins un double. Si vous voulés que je ne souffre en rien de ce nouveau retard, ne me refusés pas le service et faire compter de vôtre caisse quinze mille livres à M. Teissier de la Tour Banquier ruë des Marmouzets que je lui dois pour ses avances à l’acquis de mes engagements de ce mois et pour acquitter ceux du mois d’août, ou consentés qu’il reçoive de M. Colin de Saint Marc cette même somme en acompte de ce qui devra m’etre payé à la Rochelle par M. Saunier aprés le Réglement et arrêté de mes comptes avec vous et M. de Montieu. J’ecris à M. Teissier de la Tour de vous aler trouver afin de savoir vos intentions et de recevoir s’il vous plait de ne pas me faire attendre. Je souhaite que vous ayés arrangé la compensation avec M. de Sartine sur les piéces que je vous ay envoyé et je l’apprendray avec plaisir. C’est dans ces sentiments que j’ay l’honneur d’etre trés parfaitement Monsieur Votre trés humble et obéissant serviteur Chevallié 1Garnault était un négociant rochelais. Il sera chargé du désarmement du Fier Roderigue dès le retour de ce vaisseau en France. Voir aussi lettre 843. 836. Du chevalier de Preudhomme de Borre1 A l’hôtel de la République de Gênes Rue Sainte Anne A Paris, le 28 juillet 1779 CORRESPONDANCE 241 J’aÿ été hier chez vous Monsieur pour avoir lhonneur de vous voir. Votre porte étoit consignée et vous partiez dans le moment pour Versailles. J’aurois été fort aise de vous renouveller tout mon attachement et de causer avec vous de l’amerique que j’aÿ quitté le 20 janvier dernier pour aller à lIsle St Domingue d’où je suis parti le 15 maÿ, j’aÿ cherché a mon arrivee M. de la Chategneraye,2 il est en campagne. Avant mon depart Monsieur vous voulutes bien me promettre de solliciter le paiement d’une somme de deux mil livres qui me restoient dus par la guerre des avances que j’avois fait dans le paÿs de Liege pour le compte du Roÿ. Je vous en laissai une note et j’aÿ eu lhonneur de vous ecrire a ce sujet de lamérique le 26 juillet 1777. Je vous prie de vouloir bien me mander ce qui en est. Je cherche a arranger mes affaires et faire face a beaucoup de depenses que j’aÿ fait en parcourant toute lamérique pour pouvoir en rendre un compte juste, j’aÿ remis une copie de mon journal a M. de Sartine et a M. le Cte de Vergennes. J’aÿ lhonneur d’etre avec un sincer attachement Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur Le chev de Preudhomme de Borre a lhôtel de la république de Gênes rue Ste Anne a Paris le 28 juillet 1779 1Voir 2Voir tome III, lettre 436 n. 3. tome II, lettres 247 n. 1, 260 et 284. 242 CARON DE BEAUMARCHAIS 837. A M. de Saint Paul1 [fin juillet 1779] Monsieur, A l’instant ou vous allés envoyer a Mr Le Chevalier Prud’homme de Bore2 un relief pour etre payé de ses apointemens échus; je dois avoir lhonneur de vous prévenir que M Le Cte de St Germain3 m’ayant prié en 1776 d’avancer 1500£ a Mr de Bore sur les memes apointemens qui vont lui etre payés en ce moment, je le fis avec plaisir. Je ne puis retarder plus long tems la réclamation de ces 1500£. Mes titres sont la lettre du Ministre et le recu du che.r de Bore dont j’ai lhonneur de vous envoyer copie figurée. M de Bore me dit aujourd’ui que M. Le Cte de St Germain l’avait assuré que cette avance lui serait passée comme gratification. Je me souviens que ce Ministre en effet lui montrait beaucoup de bienveillance lors de son départ pour l’Amérique. Mais comme Mr Le Cte de St Germain n’est plus c’est de Mr Le Prince de Montbarrey4 que Mr de Bore doit recevoir la confirmation de cette grace verbale. Quant à moi Monsieur qui ne puis exciper d’un autre titre que de la lettre de Mr Le Cte de St Germain qui ne parle que d’avances à faire sur des appointemens futurs, j’ai lhonneur de vous prier de vouloir bien me faire part de la décision du ministre actuel a ce sujet pour que je laisse toucher ces 1500£ à Mr Le Che.r de Bore sur ses appointemens si le Prince consent a les passer en gratification ou que je les arrète entre les mains du Trésorier payeur, si le Prince ordonne qu’on s’en tienne rigoureusement a la lettre de Mr Le Cte de St Germain. Le cher de Bore a fait un voyage tres pénible en amérique. Il en a rapporté des mémoires assez instructifs5 qui peuvent lui mériter les bontés de nos ministres et vous savés Monsieur quil a toujours tres bien servi. J’ai lhonneur d’etre avec la plus haute considération Monsieur Votre. CORRESPONDANCE 243 Mr de St Paul. 1Mentionné dans le tome II, lettre 348. la lettre précédente. 3Ministre de la Guerre; voir tome II. 4Voir tome III, lettre 441 n. 2. 5Lasseray cite plusieurs études de Preudhomme de Borre, parmi lesquelles Le Journal des campagnes de 1777 et 1778 au service des Etats-Unis d’Amérique . . . (p. 369 n.1). 2Voir 838. Au prince de Nassau [1er août 1779] Mon prince, j’ai l’honneur de vous remettre ci-joint une rescription de 6,000 livres. Il ne faut point me savoir mauvais gré si je fais comme les bons parents, qui économisent sur les menus plaisirs de leurs enfants pour remplir leurs dettes sérieuses. Bien des gens trouvent déjà mauvais que j’aie pris sur moi de distraire pour vos besoins 500 louis, qui, versés, disent-ils, chez le trésorier de la marine, auraient été, d’après leurs oppositions, réservés pour leur payement, de préférence à vos mandats personnels. 1 Il est certain qu’ils sont dans leur droit à cet égard. Me permettrez-vous aussi de vous demander, mon prince, pourquoi un courrier de 18 à 20 louis pour un objet également bien rempli par un port de lettre de 30 sous? Ou vous portez une attention bien légère à vos dépenses, ou vos besoins ne sont pas si pressants que vous le dites, et je ne suis que le triste écho de cette réflexion, qui peut aussi bien vous frapper qu’elle m’a paru juste lorsqu’on l’a faite devant moi. Si vous me trouvez un peu plus austère, mon prince, que ma réputation d’homme gai ne semble le comporter, ne l’attribuez qu’au sérieux et véritable intérêt que je prends à vos peines; elles exigent tous les soins et l’attention la plus continue de la part de ceux qui travaillent à vous en tirer. 244 CARON DE BEAUMARCHAIS Je me mets au nombre de ces travailleurs zélés en vous assurant du profond respect avec lequel je suis, mon prince, etc. Caron de Beaumarchais. 1Voir lettre 823. 839. A M. Des Entelles1 Intendant des Menus, En lui envoyant un exemplaire du Barbier de Séville et des Deux Amis. Paris, ce 2 août 1779. Monsieur, J’ai reçu la lettre dont vous m’avez honoré, en date du 29 juillet, par laquelle vous m’invitez, comme auteur dramatique, à concourir de mes faibles ouvrages à la formation de la bibliothèque des Menus-Plaisirs. J’ai l’honneur de vous envoyer un exemplaire des Deux Amis et un du Barbier de Séville, en attendant que la nouvelle édition qu’on fait d’Eugénie,2 mon troisième ouvrage, me permette de le joindre aux deux autres. Je ne doute pas que chaque auteur ne soit dans les mêmes dispositions, et c’est ce dont je m’assurerai plus positivement à la prochaine assemblée que je vais convoquer. Alors, monsieur, j’aurai l’honneur de vous communiquer le voeu général, en ma qualité de commissaire de la littérature. Il eût été bien à désirer que MM. les gentilshommes de la chambre,3 accueillant plus sérieusement les travaux que l’ordre des auteurs avait faits d’accord avec eux pour le nouveau réglement si nécessaire au théâtre, eussent daigné s’occuper, comme ils l’avaient promis, du CORRESPONDANCE 245 plus noble objet de leur département. Vous savez, monsieur, si je les en ai invités, comment je les ai pressés, et comment avec cet art de la cour qui fait tout éluder en promettant sans cesse, on a rendu depuis deux ans nos justes réclamations l’objet des moqueries de la comédie. Outré d’une pareille conduite, je viens de prier M. le maréchal de Duras de vouloir bien me rendre la parole que je lui donnai, il y a deux ans et demi, de me réunir à ses vues, qu’il appelait conciliatrices. Comme elles n’ont eu aucun succès, et que je suis sans espoir à cet égard, je vais reprendre la voie juridique, que j’avais abandonnée à sa prière. Tant que la Comédie, monsieur, sera gouvernée sur les principes actuels, il est bien sûr qu’il n’y aura ni acteurs, ni auteurs; et je me flatte de prouver avant peu, dans un ouvrage sérieux, que l’art du théâtre est prêt à retomber dans la barbarie en France, et qu’il est impossible que cela n’arrive point. MM. les gentilshommes de la chambre, ou sont trop grands seigneurs pour donner à ce premier des arts une attention dont ils ne le croient pas digne, ou s’ils s’en occupent, c’est pour l’envisager sous un point de vue absolument opposé à ses progrès, sous un point de vue destructeur de toute émulation; c’est pour contribuer eux-mêmes à sa dégradation par leur négligence: d’où il résulte qu’au lieu d’être les nobles chefs de la littérature dramatique de l’Europe entière, comme ils le pourraient, ils sont à peine aujourd’hui regardés ou comme les sultans d’un grand sérail ou comme les magistrats d’un foyer indocile, et le tribunal indolent des misérables tracasseries d’acteurs qu’ils ne peuvent pas même arranger. En vérité, cela fait gémir tous ceux qui aiment véritablement le théâtre. Un cri général est prêt à s’élever; et moi, qui vois la fermentation de plus près que personne, je me retire, en me contentant de mettre l’avocat des pauvres à la suite rigoureuse de mes droits d’auteur, que je leur donne. Vous m’obligerez infiniment, monsieur, d’engager M. le maréchal de Duras à m’honorer d’un mot de réponse. Je me suis présenté plusieurs fois à sa porte; mais, depuis longtemps, il n’est plus chez lui pour les commissaires des auteurs dramatiques. J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que votre lettre m’inspire, Monsieur, 246 CARON DE BEAUMARCHAIS Votre très-humble, etc. 1Voir tome IV. n’a pu trouver cette édition; il y en a une publiée à Amsterdam en 1780; voir Morton et Spinelli, Bibliography, p. 7. 3Dans une note au Compte rendu Beaumarchais écrit: “Les quatre premiers gentilshommes de la chambre du roi chargés de l’administration des théâtres, étaient alors: M. le maréchal duc de Richelieu, l’un et l’lautre de M. le maréchal duc de Duras, l’Académie française. Le duc d’Aumont Le duc de Fleury. Il y avait aussi des intendants des menus-plaisirs et affaires de la chambre du roi, tels que MM. de La Ferté et Des Entelles, qui, sous ces quatre premiers gentilshommes, dirigeaient les détails des spectacles de la cour . . . ” (SaintMarc Girardin, p. 608). 2On 840. Au maréchal de Duras [2 août 1779] Monsieur le Maréchal, Vous avez eu la bonté de me promettre d’assembler MM. les premiers gentilshommes de la chambre, vos confrères, et de m’admettre à plaider devant eux l’exécution du nouveau règlement pour le Théâtre-Français. Depuis deux ans et demi cette affaire est remise de mois en mois, quoique avec toute la politesse et les égards qui soutiennent la patience. Mais comme à la fin la volonté se montre, même à travers les procédés qui la dissimulent, je suis obligé de revenir à l’opinion générale, et de croire que vous n’avez jamais eu le dessein sérieux de nous faire faire cette justice que vous nous aviez tant promise. Remettant donc l’affaire au point où elle était le jour où vous m’avez fait l’honneur de m’en parler pour la première fois, je vous prie de vouloir bien me rendre la parole que je vous donnai, de ne 247 CORRESPONDANCE point inquiéter les comédiens sur le compte qu’ils ont à me remettre. Mon intention est de donner aux pauvres tout ce qui m’est dû au théâtre, et de faire poser judiciairement des bornes au déni de justice que les comédiens font aux auteurs. Mes droits sévèrement liquidés dans les tribunaux, en faveur des pauvres, serviront de modèle au compte que chaque homme de lettres a droit de demander aux comédiens. Vous voudrez bien, monsieur le maréchal, me rendre le témoignage que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour prévenir cet éclat; et toutes les pièces justificatives de la conduite des auteurs depuis deux ans montreront au public que ce n’est qu’après avoir vainement épuisé toutes les voies conciliatoires que je me suis déterminé avec chagrin à prendre celle d’une discussion juridque. Je suis avec le plus profond respect, etc. 841. A Teissier de la Tour1 Paris ce 2 aoust 1779. On regle Monsieur en ce moment les comptes de Mr Chevallié avec lui mesme a Rochefort. Les précautions de rigueur qu’il a prises pour s’assurer la rentrée des reliquats ne doivent lui laisser aucune inquiétude a cet egard, et je verrai toujours avec plaisir les gens que j’employe dans mes affaires ajouter a l’opinion qu’ils ont de mon exactitude les saisies par lesquelles MR Chevallié a mis ses droits en sureté. Aussitot la fin du règlement et l’arreté de ses comptes, aucun obstacle de ma part n’arretera la délivrance des deniers qui peuvent lui revenir pour la superbe gestion qu’il a faite de mes affaires en amérique. 248 CARON DE BEAUMARCHAIS Jai l’honneur d’etre avec une haute considération Monsieur votre Xa Mr Teissier de la Tour 1Voir lettre 746 n. 36. 842. Du maréchal de Duras Copie D’une Lettre de Mr Le Maréchal de Duras à M Caron de Beaumarchais Versailles le mardi 3 août 1779. J’ai reçu Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire et je vous avoue que j’ai été un peu étonné du reproche qu’elle contient; Puisque vous me paraissez douter de la bonne foi avec laquelle je me suis conduit, et du desir que j’avais de terminer tous les différens qui s’étaient élevés entre vous et la Comédie, et même de faire un arrangement général qui pût éviter toute discussion par la suite avec Mrs les Auteurs. Je vous ai instruit de ce qui s’était passé entre mes camarades et moi, quand je leur ai fait part du projet que vous aviez bien voulu me confier. Ils ont trouvé des difficultés à son exécution, et je vous ai prié d’en conférer avec Mr Le MAl de Richelieu. Des affaires personnelles et plus importantes vous ont éloigné de Paris, et mon service auprès du Roi m’a retenu ici depuis le 1er de janvier, sans avoir été à Paris, Je n’ai reçu de vous, ni de personne, depuis cette époque, aucune lettre ni aucune proposition. Je n’ai pas douté ou que vous n’eussiez remis cette affaire ou que vous ne vous en fussiez entretenu avec Mr de Richelieu qui est plus au fait que moi des difficultés qui se sont présentées. Il me semble même avoir ouï dire que parmi Mrs Les Auteurs, plusieurs s’étaient récriés contre l’arrangement. Au surplus, Monsieur, vous êtes à portée de vous en éclaircir auprès de Mr de Richelieu; mon CORRESPONDANCE 249 service ne me permettant pas d’aller à Paris, je ne serai pas en position de les suivre. Quant à vos demandes particulieres avec la Comédie, j’en ignore le détail; il me semble qu’il y aurait des moyens de vous concilier. Etablissez vos droits, les comediens vous répondront, après les avoir examinés. Si vous êtes content de leurs réponses, il n’y aura pas matiere à Procès; si vous n’êtes pas satisfait, vous aurez toujours la ressource que vous proposez aujourd’hui. Pourquoi venir d’abord à un éclat qui ne peut aller qu’au détriment de ce spectacle qui n’est déja que trop en désordre? Vous êtes trop honnête pour saisir même un moment où la fermentation est plus forte que jamais parmi eux. Voilà, Monsieur, ce que je pense; je finis en vous priant de rendre désormais plus de justice à ma façon de penser et de me croire incapable de cette basse dissimulation qui dans tous les points est indigne de moi. Je suis très parfaitement, Monsieur, votre XA Signé le Mal Duc de Duras. 843. A Chevallié Copie de la lettre de M. de Beaumarchais a M. Chevallié a Rochefort de Paris 3 août 1779 Je suis surpris que MR Sartines ne soit pas encore instruit de mes arrangements avec les fermiers généraux pour la tare à 15 pr.% sur toute la partie des tabacs venus par le fier Roderigue apparemment M. Paulze n’a pas eu occasion de l’en instruire mais il sera toujours tems au réglement définitif. Il est au mieux que vous teniez votre commis à examiner des boucauds sortant des magazins pour controller cette opération avec la pésée faite et reconnaitre l’erreur s’il y en a eu pour m’instruire. Je suis faché 250 CARON DE BEAUMARCHAIS du retard qu’à pu éprouver la vérification de votre compte général mais je ne pouvais prévoir le départ de M. de Montau pour Nantes. Il n’aura pas manqué de vous renvoyer le tout ou à MR Garnault; ainsi je ne puis plus rien à la célérité de votre opération. Je vous envoye copie de ma réponse à M. Teissier de la Tour sur sa demande d’argent de votre part Je m’y réfere entierement. J’ai l’hR P.S. de MR de Beaumarchais Si vous étiez plus conséquent envers vous même vous comprendriez qu’ayant saisi 530 m.L. quoique j’offrisse le dépôt de la plus forte somme de vos demandes vous ne devez pas aujourd’huy me demander pR une partie de vos reprises une facilité que vous avez entendu m’enlever sur la totalité de mes fonds celle de recevoir des à-comptes quoiqu’il en soit ce n’est pas ce qui me retient de remettre à MR de la Tour un ordre sur M Colin de S. Marc. C’est que je me suis interdit moimême la plus petite liberté à cet égard sur le Dépôt que j’ai laissé jusqu’à l’apurement de vos comptes et que cet argent n’en peut-être enlevé par moi ni par vous jusqu’à cette époque qu’il n’est pas en mon pouvoir aujourd’huy d’avancer d’un jour, et que je désire beaucoup qui ne soit retardé d’une heure. L’objet des compensations avec le ministre est une chose qui doit vous laisser sans inquietude pour moi. Je ne m’occupe qu’à vous dégager personnellement de ces fournitures, et c’est ce que M. de Sartines m’a promis d’écrire à Rochefort. Je ne désire point que vous ayez aucun embarras pour ce qui me touche.1 1Ces deux reconnaissances de dettes se trouvent dans AF: “Je promets payer incessament à MonsR Teissier de la Tour banquier à Paris pour le comte de MonR Chevallié negT de Rochefort les sommes de trente deux mille deux cent deux livres six sols trois deniers pour le solde de tous comptes avec lui relatifs aux opérations du second armement du fier Rodrigue et des depenses à la relache a l’isle daix et mes divers navires sans la deduction des interets de cette somme à raison de demi pour cent par mois a compter du jour du payement jusqu’au trente un Decembre prochain. Bon comme de pur a 251 CORRESPONDANCE Nantes le 8 e 7bre 1779 Montieu” et “Comme fondé des pouvoirs de M. De Beaumarchais je promets et m’oblige envers le sieur Chevallié neg t de Rochefort de faire payer incessament par mon dit Sr de Beaumarchais a monsieur Teissier de La Tour banquier a Paris la somme de quatre mille cent soixante quatre livres trois sols cinq deniers pour le solde de tous comptes relatifs aux operations d’armement et de desarmement du fier Rodrigue à son pr voyage conformément au compte courant arretté ce jour ./. Bon commme de pur a Nantes le 8 e 7bre 1779 Montieu” 844. De Chevallié M. De beaumarchais à Paris Rochefort le 7 août 1779 Monsieur La lettre que vous m’avés ecrite le 25. Juillet aprés avoir fait la même course du compte courant et d’interet ainsi que des observations arrétées par M. Cantini, m’est parvenuë hier sous l’etampe du Bureau de la Poste de Nantes. Elle m’accuse reception du Paquet que je vous ai envoyé sous le couvert de MR de Vergennes contenant l’etat de l’artillerie restée aprés le départ du fier Roderigue au premier voyage et celuy des compensations. ce qui est suffisant à ma tranquilité laissant de côté le surplus de vôtre lettre puisqu’il ny a lieu qu’a votre replique dans la suite qui vous a fait dicter à M. le Vaigneur son contenu. Je reçois ce matin celle que vous & M. Cantini m’avés fait l’honneur de m’ecrire et quoique vos nobles procedés pour moi sont soutenus avec constance je trouve que vous etiés moins 252 CARON DE BEAUMARCHAIS agités, et qu’au contraire vous vous etes livré à l’egard de M. Teissier de la Tour au ton, qui vous est si agréable, de la plaisanterie, quoi qu’il en soit; si je n’avais pas été instruit par M. de Montieu lui même que vous aviés touché tout ce qui vous revenoit des tabacs à l’exception des 50 M£ que vous avés laissé pour faire face à ce qui peut m’etre dû. Je n’aurais certainement pas eté comme vous le dites trés bien aussi inconséquent que je l’ay eté, en me persuadant que vous auriés Pour cette fois La complaisance de vous rendre à l’honnêteté de ma demande; aussi d’aprés ce dernier procédé qui met le sceau à tous ceux que vous avés eû depuis dix mois que je suis arrivé. Je ne dois plus penser qu’a finir. J’en suis bien occupé, et M. Garnaule & moy travaillons sans relache à la vérification et examen de tous les articles employés dans mes comptes, pour nous rendre immediatement aprés qu’elle sera finie, auprés de M. de Montieu à Nantes en terminer l’arrêté; les tabacs sont tous sortis des Magasins à l’exception de 26 futailles qui y restent dans ce moment mais qui en seront dehors ce soir et mis à bord de barque, Toutes les futailles se sont trouvées conformes à l’etat général et détaillé de la livraison operée à M. Saunier, Il ny à pas eû une seule futaille de plus ainsi, Monsieur, le bordereau qui vous en donnoit une plus grande quantité & que je vous ay remis moi même, n’etoit pas exact, cela vient de ce qu’il avoit eté formé par les employés & la personne à qui j’avois confié le soin de déboucauder les tabacs mal pressés dans les boucauds qui avoient eté faits à bord du va.u à la décharge et de faire remboucauder ces mêmes boucauds ainsi que tous les tabacs mis dans un magasin en vraques, tels qu’on les à débarqué du vaisseau. Voila la seule explication que je puisse vous donner avec l’impossibilité phisique d’en avoir eté volé ny détourné des Magasins. La différence des poids de cette cargaison, d’avec ceux de la Virginie et suivant la régle des déchets ordinaires là justiffient. Je prouve donc bien par le fait avoir executé aujourd’huy l’obligãon qui m’avoit eté imposée de vous livrer ces tabacs sans resistance et quoique vous n’ayés pas de vôtre côté remply ce qui vous etoit prescrit pour avoir la délivrance de ces tabacs pas même avoir voulu vous relacher d’une délégation de 15000‹ sur CORRESPONDANCE 253 ce qui me revient dans vos tems où je confesse de bonne foi que c’est le besoin qui me force a vous faire cette demande; mais vous voulés seul joüir et me faire souffrir des retards qui n’ont pas d’exemple. N’importe Il faut encore bien prendre son party, et c’est vraiment ce que je fais, en faisant des remises à M. Teissier de la Tour par même courrier J’ay l’honneur d’etre trés parfaitement Monsieur Votre trés humble et trés obéissant serviteur Chevallié 845. Au maréchal de Duras [7 août 1779] Copie de la lettre écrite à M. Le MAl de Duras le 7 aout 1779 M. Le MAl La lettre dont vous m’avez honnoré est la preuve la plus complette que l’affaire des Auteurs Dramatiques est malheureusement sortie de votre memoire, et je dis de votre Mémoire, parce que le Reproche que vous me faites de partager l’inquiétude de mes confreres sur vos dispositions à les obliger ne me permet plus d’en douter. Lisez donc je vous prie M. Le MAl avec attention le raprochement de tout ce qui s’est passé sur cette affaire et vous vous convaincrez avec étonnement que revenus au point d’où nous sommes partis, il y a deux ans, nous n’avons fait autre chose que tourner dans un cercle oiseux, et perdre nos travaux, notre tems et notre espérance. Par exemple vous me mandez, qu’il y aurait moyen de me concilier avec la 254 CARON DE BEAUMARCHAIS Comédie que je dois établir aujourdhuy mes droits devant elle et que les Comédiens me repondront après les avoir examinés; Mais vous oubliez, M. Le MAl que c’est après avoir vainement posé ces droits, pendant un an, les avoir établis dans 30 lettres, qui ne m’ont valu de leur part que des réponses vaines, vagues ou sans effet que je fus traduit par eux devant vous, à l’instant où perdant patience, j’allais forcer le timbre à la main leur comptable de me remettre un etat en règle de mes droits contestés. Vous oubliez, M. Le MAl que le vif desir que vous me montrates alors de changer cette discussion personnelle, en un arrangement général entre les Comédiens, et les Auteurs, me détermina sur le champ à changer mon plan, à préférer vos promesses à la voye juridique, et à rassembler chez moi les auteurs mes confreres pour leur faire part de vos bonnes intentions. Vous oubliez M. Le MAl qu’alors vous ne vouliez qu’être bien éclairé sur les demandes des auteurs, pour trancher la question seul, et sans MM. vos confreres qui vous avaient abandonné, disiez vous, cette partie. Vous oubliez encore que sur un leger doute de ma part, que vos occupations vous permissent de donner à cette affaire toute la suite et l’attention qu’exigeait son succès, votre premier mot fut, que vous casseriez la Comédie si elle opposait le moindre obstacle à des vues si judicieuses. Qui n’aurait pas crû comme moi, d’après cela, M. Le MAl, qu’un travail projetté de concert avec vous, fait par tous les gens de lettres, corrigé sur vos observations; et terminé sous vos auspices, allait rendre aux Auteurs Dramatiques les droits injustement usurpés, qu’ils reclament sur leurs propres Ouvrages. Cependant après trois ans de patience, je suis renvoyé par vous à établir de nouveau mes droits d’auteur, devant les Comédiens; c’est-à dire à recommencer pendant une autre année tout ce qui a eté dit, et fait entre eux et moi, pour entamer ensuite un nouveau traité conciliatoire avec M. Le MAl de Duras, que les comediens ne manqueront pas d’invoquer encore à l’instant où l’impatience me fera de nouveau recourir aux voyes juridiques. C’est-à dire, M. Le MAl que sans vous en douter vous CORRESPONDANCE 255 m’invitez à parcourir encore une fois le cercle fatigant de trois ans de travaux perdus, et de soins inutiles; autant valait-il alors me laisser aller au parlement comme je me disposais à le faire Vous me renvoyez dans votre lettre à M. Le MAl de Richelieu sur les objections faites contre le règlement parce que dites-vous votre service de Versailles vous empêche de vous en occuper; mais vous oubliez, M. Le MAl qu’à la fin de l’an passé, vous vous félicitiez d’entrer d’année à Versailles parce que vous esperiez qu’êtant à demeure dans le lieu qu’habite M. Le Ct.e de Maurepas, vous trouveriez facilement le moyen de règler avec luy l’affaire de la Comédie dans des momens, où celles de l’état lui laisseraient un peu de repos. Sur cet espoir j’ay remis à M. Le Ct.e de Maurepas le nouveau règlement du théâtre avec vos corrections. Ce Ministre à qui j’ai pris depuis la liberté d’en demander son jugement, m’a répondu qu’il en était content mais que jamais vous ne luy aviez dit un mot des Auteurs Dramatiques, et qu’il vous croyait trop embarrassé du tracas des acteurs pour qu’on put vous proposer de penser aux auteurs dans ce moment. A quelle époque donc les Auteurs dramatiques peuvent-ils esperer qu’on s’occupera de leur affaire, y a t-il M. Le MAl une patience à l’epreuve d’une pareille inaction et si tous ces faits étaient connus du public n’aurions nous pas autant de partisans de nos plaintes qu’il y a de gens sensés dans le Royaume? Vous me mandez encore, M. Le MAl que vous avez oui dire que parmi les auteurs plusieurs se sont recriés contre l’arrangement. Mais vous oubliez ce que vous avez su par moi dans le tems, que le point de division entre quelques membres, et le corps entier des auteurs, ne portait que sur le voeu général de l’assemblée pour l’élévation d’un second théâtre; plusieurs voulaient que la demande en fut remise au tems où l’on aurait épuisé tous les moyens d’avoir justice, et les autres, que l’on commençat par cette demande au conseil du Roy, certains disaient-ils que jamais nous n’obtiendrions rien de l’administration de la Comédie; il est bien facheux M. Le MAl que l’evenement semble justifier aujourdhuy leurs inquiétudes. à la vérité quelques objets de discipline intérieure entre les auteurs ont pu les émouvoir dans leurs assemblées; mais avez vous jamais douté que tous les 256 CARON DE BEAUMARCHAIS voeux ne se réunissent pour un règlement qui mettait leurs interets à couvert, et tendait à consolider leurs succès. Il faudrait donc supposer que mes confreres et moi ne sommes ni hommes ni auteurs Dramatiques. Vous voullez bien me dire, M. Le MAl que vous me croyez trop honnête, pour saisir un moment où la fermentation est plus forte que jamais parmi les Comédiens.1 Mais je ne m’adresse point aux Comédiens c’est à leurs supérieurs que je demande justice,et qu’importe alors que les Comédiens manquent de sagesse ou d’équité, si leurs supérieurs en sont suffisamment pourvus? Que font au Règlement des auteurs les tracasseries des actrices, si l’on veut bien ne pas confondre un objet grave avec des Minuties? donner à l’affaire des gens de lettres quelques uns des moments, trop prodigués peut être, à regler la preseance entre ces dames? L’usage que je fais de mes honoraires d’auteur en faveur des pauvres montre assez que cecy n’est pas une combinaison d’écus, mais un moyen forcé, à defaut de tout autre de constater enfin les droits des auteurs dont les reproches m’affligent et me fatiguent autant que leur confiance m’avait d’abord honnoré. D’ailleurs quand je ne mettrais aucune importance personnelle à cette décision, est-il possible Monsieur Le MAl que vous ny en mettiez pas vous-même et n’ais-je pas dû penser qu’en me présentant à M Le MAl de Duras tres grand seigneur, gentilhomme de la chambre, academicien français, de plus institué superieur du spectacle national, pour en maintenir la splendeur, et redresser les griefs qui tendent à le dégrader; n’aisje pas dû penser dis-je, que je luy faisais ma cour de la manière la plus flateuse, en le priant de vouloir bien être l’arbitre d’une querelle aussi intérèssante aux gens de lettres, qu’utile à la Comédie, qu’il est bon quelquefois de séparer des Comédiens. Quel tems donc M. Le MAl croyez vous plus propre à regler les droits des auteurs, que celuy où les dissentions intérieures du spectacle, obligent l’autorité de s’occuper du spectacle? esperez vous qu’il y ait jamais un intervale sans quérelle à la Comédie, tel que les trois ans qu’on a consumés à nous faire esperer une justice que nous n’avons pas obtenue? Car il est bien clair que soit avec intention, ou malheureusement ou par hasard; nous sommes arrêtés depuis trois ans, sur un objet de règlement qui CORRESPONDANCE 257 franchement accueilli par vous M. Le MAl n’aurait pas dû vous occuper trois semaines. Il est bien clair encore que M. Le MAl de Richelieu va nous renvoyer vers vous qui nous renvoyez vers luy; lorsqu’il aura fait ses observations; Pour peu qu’il faille après revenir encore à consulter les Comédiens dont on sait déja que l’avis est, de tout garder puisqu’ils ont tout usurpé. Pour peu qu’on flotte encore une autre couple d’années entre nos demandes, et leurs objections; pour peu surtout que le système de démissions, devenu si fort en vogue, et dont les Comédiens menacent en toute occasion de faire usage, soit mis par eux en avant contre nos demandes, à défaut de bonne réponse; Pouvez vous nous dire M. Le MAl ce que nous devons faire alors et a qui nous devons nous adresser? Puis donc que l’autorité des supérieurs de la Comedie est sans pouvoir sur les Comediens, ne vaudrait-il pas mieux M. Le MAl laisser décider la question des droits des auteurs aux Tribunaux chargés de veiller sur les propriétés des citoyens; Car ne pas faire justice et trouver mauvais qu’on la demande ailleurs, est une idée qui souleverait tous les bons esprits. Je vous suplie, M. Le MAl au nom de tous les auteurs Dramatiques au nom du public mécontent de l’appauvrissement général du Théâtre; de vouloir bien pezer la force de mes représentations. Certainement on ne peut disconvenir que le Théâtre français ne soit aujourdhuy tombé dans le pire état possible et que le plus médiocre théâtre de province, toute proportion gardée, avec un chétif directeur et point d’autre loi que son interet, ne marche mieux, et ne contente plus le public que la Comédie française, le spectacle par excellence, ayant à sa tête, et pour directeurs quatres hommes de qualité puissans, constitués dans les plus hautes dignités, et dont deux sont de l’academie française; ce qui suppose au moins un grand amour du théâtre et des Belles lettres. Il y a donc un vice, ou dans la constitution, ou dans l’administration de ce spectacle, et quand nous vous proposons des moyens surs de ranimer l’émulation des auteurs, et des acteurs; nous voyons avec chagrin que les plus faibles considérations, qu’une crainte frivole, une panique terreur que les gens de lettres ne tendent sourdement à diminuer l’autorité des 258 CARON DE BEAUMARCHAIS gentils-hommes de la Chambre sur le spectacle, est le vrai motif qui les empêche de prêter la main à nos demandes légitimes. Mais puisque c’est à vous que nous nous adressons, M. Le MAl nous sommes donc bien éloignés de contester votre suprématie au spectacle. Nous! vouloir dominer sur la Comédie! que dieu preserve tout homme sage, d’avoir une idée aussi contraire à son repos. Et si tout le pouvoir et les lumières réunies de quatre des plus grands seigneurs du Royaume, absolument maîtres en cette partie, ne peuvent réprimer la déplorable anarchie qui désole et détruit le théâtre français; comment les gens de lettres, qui n’ont pas seulement le crédit d’obtenir justice pour eux même, peuvent ils être soupçonnés d’attenter à une autorité qu’ils n’ont cessé d’invoquer jusqu’à ce jour. D’après ces observations j’auray l’hR de voir M. Le MAl de Richelieu comme vous m’y invités mais si cette tentative ne me réussissait pas plus que les précédentes, pouriez vous trouver mauvais que je fisse assigner les comédiens à me rendre en justice un compte exact et rigoureux; qui mettrait dans le plus grand jour, les produits de la caisse, et les abus qui se commettent aux dépens des auteurs? à la Comédie française? Je suis avec le plus profond respect Monsieur le Maréchal Votre X. Signé Caron de Beaumarchais./. 1Voir lettre 883 n. 3. 846. A Le Tellier 10 aout 1779 Sur votre derniere lettre j’ai fait un examen du papier à un louis pris à paris que M. Subito 1 a payé comptant. panckouke étant avec moi, mais ni lui, ni moi ne l’avons trouvé Beau, c’est à CORRESPONDANCE 259 dire Blanc. il a un air bas et gréneux qui ne doit pas donner un bel oil à l’impression. à la verité vous me mandés que les votres seront bien plus blancs. pankouke insistait Beaucoup à dire que si notre papier n’etait qu’ainsi nous ne ferions que du mediocre. quant à la largeur de plus sur laquelle vous demandés nos nouvelles observations, j’ai sous les yeux une epreuve du prospectus imprimé par M. pierre,2 il me semble en effet qu’il serait à desirer qu’il y eut quelque chose de plus en largeur, et M. daubry3 m’assure que M. pierre a pris du papier de la grandeur juste de celui dont vous devés vous servir; la marge exterieur n’est pas mal, celle interieure me paroit etroite, et vous savés que le caracthere de Baskerville chasse un peu pour les vers. je n’ai qu’une seule epreuve de ce prospectus sur laquelle M. pankouk desire beaucoup de retranchemens. je fais demander une autre epreuve, et j’y joindrai copie des demandes de M. pankouke que vous apprecierés. toute la Beauté de notre édition tenant absolument à celle du papier, je desire moi que vous soyés de la securité la plus parfaite sur la plus grande beauté possible du papier, cela renferme tout. vous avés cy joint la notte copiée sur l’imprimé de M. Ruston4 j’ignore ce que c’est que contre-poinçons. mais apparamant vous le savés vous. Si à la fin de votre course il y avait possibilité que vous passassiés à Londres par Ostende, certainement le dernier sacrifice de 1000 louis ne me couterait plus rien dès que vous le jugeriés indispensable, et vous finiriés tout de suite. malgré la bonne volonté de M. farquhasson, je ne crois pas qu’il puisse terminer cela tout seul, je lui fais ecrire aujourdhui pour qu’il fasse la guerre a l’oil jusqu’à 3 M. L sterl. sur le specimen que vous recevés voyés si tout cela suffit, pour aller rondement. C’est sur votre reponse définitive que je ferai écrire aussi définitivemt à M. farquhasson5 de finir d’attendre. quant aux lettres accentuées dont les poinçons dites-vous ne sont point faits, comme on ne peut les commander qu’en finissant avec M. Ruston, cette circonstance doit ou presser le sacrifice, ou faire tout abbandonner, si cet allongement de poinçons peut trop vous nuire. C’est encore à vous à faire là dessus vos calculs approximés. 260 CARON DE BEAUMARCHAIS pour que je ne l’oublie pas, je coupe tout pour vous dire que Gudin vous prie instament de lui renvoyer son manuscrit des Manes, 6 à l’adresse de M. LeNoir. vous etes bien averti sur le B de T. 7 votre voyageur. Si vous lui confiés des fonds après cela, vous pouvés les regarder comme perdus. Dieu veuille qu’il s’acquitte royalement du reste! M. d’Aubry vous a ecrit sur les drilles, je crains en effet de trop étendre les operations accessoires, surtout ne pouvant pas obtenir de credit sur les papiers vous voudriés qu’on portat cette branche à 40,000£ mais quel en sera l’avantage relativement au prix des papiers, puisque vos marchés sont faits? et les fabriquants vous trouvant en leur chemin pour les achats des drilles n’en exigeront-ils pas pour enfraindre impunément leurs traités? le reste demain. Il y a écrit à la fin de la partie qui précède ce que nous transcrivons ici: “M. de Beaumarchais continue ma lettre” donc nous ne donnons que la partie faite par Beaumarchais. Dans la première partie Ruault parle, parmi d’autres choses. des caractères de Baskerville et du papier. 1Subito l’aîné, papetier rouennais, a fait une tournée du 4 juin au 4 septembre 1779 en Champagne, Lorraine et Alsace pour aider Beaumarchais à trouver des usines de papeterie pour fabriquer le papier nécessaire à l’édition de Voltaire. Voir lettre 859. 2Philippe-Denys Pierres, imprimeur à Paris, a imprimé quelques ouvrages de Beaumarchais sur l’Affaire Goezman; voir, par exemple, les numéros 966, 967, 968 de Morton et Spinelli, Bibliography. 3Employé qui travaille à la préparation de l’édition de Kehl. 4Josiah Ruston, gendre de Mme Baskerville. 5Andrew Farquharson, correspondant de Beaumarchais en Angleterre; c’est lui qui avait négocié l’achat des caractères de Baskerville pour la Société Typographique. 6Aux mânes de Louis XV et des grands hommes qui ont vécu sous son règne, ou Essai sur les progrès des arts et de l’esprit humain, sous le règne de Louis XV. Deux Ponts, 2 parties en 1 vol. Imprimerie ducale, 1776. 7Baron de Trieste, collègue de Le Tellier, qui était en pourparlers avec les fabriquants et créanciers traitant avec Le Tellier. CORRESPONDANCE 261 847. Du maréchal de Duras [11 août 1779] copie de la lettre de Mr Le Mal de Duras du 11 aoust 1779 recue le 12 aout 1779 à Versailles ce onze Je nentreprendrai pas Monsieur, de répondre à tous les articles contenus dans votre lettre du 7. 1 mon devoir ne me laissant pas le tems qui serait nécèssaire. Je me bornerai à quelques réflèxions qui doivent détruire les soupçons très mal fondés que vous persistez à avoir sur ma façon de penser, et sur ma conduite vis-à-vis de vous. Je croyais vous avoir dit d’une façon très claire que j’avais trouvé de la part de mes camarades une opposition marquée à l’exécution du projet que nous avions arreté; Je l’ai discuté très longtems vis-à-vis deux, et je n’ai pû les vaincre. Je n’ay qu’une voix parmi eux, elle n’est pas prépondérante, je vous en ai prevenu, pour que vous pussiez vaincre les obstacles; et je vous prie d’en conférer avec M. de Richelieu ma façon de penser n’a point changé mais elle ne décide pas. Je vous ai parlé du procès que vous voulez faire aux Comediens, parce que j’ai crû qu’il ne pouvait que produire un mauvais effet pour eux, car au surplus que m’importe à moi une affaire de cette espèce, je suis trop ennemi de tous ces détails, pour que l’on puisse me soupçonner d’y mettre une grande chaleur. J’ai désiré que ce spectacle put se soutenir. Je me suis occupé de ce qui pouvait y contribuer. Les cabales les intrigues y ont apporté les plus grands obstacles, j’en suis bien faché; mais je ne peux pas m’en affecter à un certain point. Pour votre projet même je peux vous assurer qu’il y a beaucoup d’auteurs qui se sont donné beaucoup de mouvement pour en empêcher l’effet. Vous me reprochez de n’avoir pas parlé à M. de Maurepas, ce Ministre a apparament trop d’affaires pour 262 CARON DE BEAUMARCHAIS se souvenir de tout ce que l’on luy dit, mais quand vous voudrez, nous luy en parlerons ensemble. Je vous avoue que je suis un peu étonné que le désir de plaire à MM. les auteurs ne m’attire que des reproches et des soupçons, au dessus desquels je me crois en droit de me mettre. Si je ne l’avais pas pensé, je ne l’aurais pas dit; si je ne l’ai pas executé, c’est que cela ne dépend pas uniquement de moi; voila ma profession de foy. Je suis très parfaitement votre très humble et très obéissant serviteur Signé Le MAl de Duras. Quand vous aurez vu M. de Richelieu si vous venez à Versailles & que vous desiriez me voir je serai à vos ordres. 1Voir lettre 845. 848. Au comte de Vergennes Paris le 16 aoust 1779 Monsieur Le Comte Jai l’honneur de vous adresser tout l’article de Londres du courrier de l’europe qui n’arrivera que demain. Je le recois de la main de Mr Swinton qui arrive en ce moment a Paris. J’aurai lhonneur après demain si vous le permettés de vous faire part de la conversation que je viens d’avoir avec lui sur les inquiétudes que peut donner son séjour a Boulogne et J’ose esperer que vous serés content de ses réponses et de ses offres qui me confirment dans la persuasion ou J’ai toujours été de son honêsteté. Son rédacteur un peu froissé par les circonstances est obligé de supprimer bien des traits a Londres qui lui feraient courir le danger d’une retraite a la Tour, dans ce moment de guerre. Mais Mr Swinton m’assure qu’on prend toutes les tournures possibles pour ne rien dissimuler a la ferme de ce qui lui importe a savoir. CORRESPONDANCE 263 recevés avec bonté l’hommage de mon tres respectueux attachement. Mr Le Ct.e de Vergennes. 849. A M. Louis Paris ce 18 aoust 1779 Je profite mon cher de l’occasion de Mr Dalon1 pour vous mander en confidence que votre adhésion au devis de Mr.... 2 votre architecte dont le nom m’echape avoit fait le plus mauvais effet contre vous.3 J’ai tout expliqué au marechal de R... 4 mesme les précautions secrettes que je vous ai indiquées après coup ce qui l’a ramené entiérement et vous le trouverés en toute occasion a votre soutien. Je vous loue de votre fermeté sur l’article des décorations et vous prie pour votre honneur de ne point sortir du refus net que vous avés fait d’entrer pour quelque chose dans ce tripotage malhoneste. Je crois que le mal fera un armement pR votre 1ere représentation et vous ne doutés pas que je n’en sois si cela est possible. rendés moi le bon office de savoir si une centaine de bouteilles de vin de Jurançon que j’ai recues ici sans aucun avis sont un envoi de l’aimable Brokeins. Je n’ose lui en ecrire dans la crainte que si ce n’est pas lui il ne prenne mes remercimens pour une espece de reproche. Dès que vous aurés su adroitement ce qui en est, commencés par etre le colporteur fidele de mes remercimens et mandés le moi bien vite pour que je les lui fasse moi mesme comme je le dois. Alors vous lui rapellerés quil a bien voulu me promettre de m’en procurer une piéce et vous obtiendrés de lui de vous remettre l’etat de ce que je lui dois pour ce 1e.r bon office ce serait me mortifier étrangement que de ne pas en recevoir le 264 CARON DE BEAUMARCHAIS paiement. Je me recomande a votre amitié pour amener cette affaire a bien. Je salue Made Louis de tout mon coeur cest a dire comme je l’aime et le tout sans vous offenser. recevés les assurances de mon tendre attachement et je le signe du meilleur de mon ame 5 Caron de Beaumarchais ://: Mr Louis. 1Romain Dalon, membre du Parlement de Bordeaux. voir lettre 804. 3Voir lettre 804. 4Richelieu. 5Au dos de la lettre est écrit: “A Monsieur / Monsieur Louis celebre / architecte / a Bordeaux.” 2Bonfin; 850. Au comte de Vergennes Ce Dimanche 22 août 1779 M Le Comte de Vergennes à la Cour Monsieur Le Comte, Malgré ce que vous avez bien voulu me dire de M lambassadeur de l’Empire,1 M Swinton qui a l’honneur de vous remettre cette lettre en a une dans sa poche adressée à M. le prince de Croy2 par le directeur de la poste d’Ostende qui vous prouvera que le Courrier de l’Europe ne peut y entrer ni en sortir qu’en contrebande, quoique ce ne soit que pour passer. Votre puissante médiation doit lever facilement une prohibition qui n’est pas décente; puisqu’il ne s’agit au passage d’Ostende que d’un papier destiné pour la france, et non pour être distribué dans les etats de l’Impératrice. CORRESPONDANCE 265 Vous avez paru désirer de comparer quelques Couriers imprimés à Londres avec les pareils éxemplaires tirés à Boulogne; M Swinton qui envoye toujours les originaux de Londres, avec la copie de Boulogne à M De Lorme3 des gazettes étrangères, s’en trouve heureusement un dans la poche, qu’il aura l’honneur de vous présenter. Vous avez bien voulu me dire aussi que vos papiers anglois vous arrivoient assez exactement. Je me fais un plaisir de vous apprendre ce que j’ignorois hier; c’est à dire que cette éxactitude est due au zele de mon ami M Swinton qui depuis long tems vous les fait parvenir, sans que vous le sachiez, par la voie de M le Baron d’Ogny.4 Ce nouveau trait qui justifie M Swinton de tous les nuages qui avoient pu s’elever sur son compte, lui servira, si vous voulez bien, d’un nouveau passeport auprés de vous. Je suis avec le plus profond respect M Le Comte 1Le comte François de Mercy-Argentau (1724-1794) ambassadeur de l’empereur d’Autriche près la cour de Versailles; homme de conseil et principal conseil de Marie-Antoinette. 2Emmanuel, prince de Meurs et de Solre, duc de Croÿ (1718-1784) était maréchal de France. Militaire distingué, il s’intéressait beaucoup aux sciences; il a souvent parlé du CE dans ses Mémoires; voir von Proschwitz, CE, I, pp. 59-62 et 67-74. 3Secrétaire général de la Ferme des Postes de France et directeur du Bureau des gazettes étrangères à Paris. 4Claude-Jean Rigoley, baron d’Ogny (1725-1793) fut intendant des Postes à plusieurs reprises entre 1772 et 1790; voir tome II, lettre 396 n.1 et tome III, lettre 616 n. 2. 266 CARON DE BEAUMARCHAIS 851. Au comte de Vergennes Mr le Cte de Vergennes pour vous seul Paris ce 22 aoust 1779 Monsieur le Comte J’ai eu lhonneur de rappeler hier au soir a Mr le Cte de Maurepas l’autorisation qu’il avait donnée a mes efforts pour procurer en hollande un emprunt aux américains sous le cautionement du roi de france. J’ai eu l’honneur de lui dire aussi que vous m’aviés permis de vous entretenir a fond de nouveau sur cet objet interessant. Je lui parlais de l’emprunt de genes lorsque Mr Levèque d’Autun1 a demandé a entrer. J’ai coupé court en priant Mr le Cte de Maurepas de décider pour genes avec vous ce qu’il a déja décidé avec vous pour la hollande. Il me l’a promis. Les hollandais je le vois ne parleront clair la dessus qu’au mois d’8bRe Les génois, qu’aucune considération politique ne retient peuvent terminer avec moi la négotiation d’argent avant que les froids bataves aient entamé sérieusement la leur. Mais qu’importe d’ou le bien nous viendra, pourvu quil nous arrive. Le moment du succès des armes américaines est favorable et Joserais dire mesme quil est de la plus grande importance a la reussite de ne point reculer, parce que la france commence a s’emplir de papier monnoie apporté d’amérique, lequel n’a nul espece de cours en Europe ce qui lui fait grand tort a l’autre continent. Quant a moi, Je puis disposer rigoureusement de trois semaines. Mais rigoureusement Je ne le pourais plus si la chose tardait. J’offre de partir sur champ pour génes. Si Je ne reussis point ce n’est qu’un voyage de perdu, et si je réussis, c’est un continent sauvé encore une fois avec un assés faible bon office. CORRESPONDANCE 267 Si l’on est surpris que, malgré les mécontentemens excessifs que J’ai des américains mon zéle pour eux soit toujours aussi chaud; le mot de l’enigme est que Je vois toujours la france dans l’amérique et que dans l’etat actuel des choses langleterre forcant le moyen de corruption Il ne faut qu’un air de faveur et de protection de notre ministére dans cet emprunt pour que tout le parti anglais soit réduit au silence dans le congrés. Si l’opinion conduit tout chez les peuples c’est surtout chez les peuples nouveaux que cette vérité est dans toute sa force. Vous voudrés donc bien, Monsieur le comte, après avoir conféré sur cette lettre avec Mr le Cte de Maurepas ne point différer de me donner vos ordres; car tous mes momens sont calculés, et Je voudrais n’en perdre aucun. Dans le cas d’affirmative Je partirai comme un trait sans rien dire a personne et reviendrai de mesme. Je suis avec le plus profond respect et le plus inviolable dévoûment Monsieur le Comte Votre tres humble et tres obéissant serviteur. ://:Caron de Beaumarchais 1Yves-Alexandre de Marbeuf (1734-1799) est devenu comte de Lyon et est passé à l’évêché d’Autun en 1767. Forcé d’émigrer pendant la Révolution, il s’installa à Hambourg comme Beaumarchais. 851bis. Lettre circulaire des frères Pitot M. de Beaumarchais Au Port-Louis, Isle de France, le 23 aoust 1779 Paris Monsieur 268 CARON DE BEAUMARCHAIS Nous avons l’honneur de vous prévenir qu’en vertu des arrangemens pris avec MR Launay l’aîné, ainsi que vous le verrés par sa lettre particulière ci-jointe,1 notre maison ci-devant sous la raison de Pitot freres,2 reste chargée sous celle de Pitot freres & Compagnie de la liquidation & de la suite des affaires confiées à Mr.s Launay freres. Vous voudrés bien, Monsieur, prendre note de ce changement, ainsi que de nos signatures Sociales au bas de la présente auxquelles seules nous vous prions d’ajouter foi. Mr.s Murville & Kerverho sont désignés sous le nom de Compagnie, & le premier seulement aura la signature. Nous vous offrons, Monsieur, nos services & nous desirons qu’ils vous soient agréables, nous serons très-flattés si, guidés par la confiance que MR Launay nous marque en cette circonstance, vous vouliez bien nous accorder la votre; notre zele & notre exactitude à remplir vos ordres vous prouveront que nous la méritons. Nous avons l’honneur d’être bien sincerement. Monsieur Vos très-humbles & trèsobéissans Serviteurs. Signature de V.th.s. Pitot laîné. Signature de V.t.h.s. Pitot cadet. Signature de V.t.h.s. Murville 1Nous n’avons pu trouver cette lettre. L’Inventaire après décès de Beaumarchais, le notaire écrit sous la cotte 39: “Pièces et compte d’une affaire de commerce en société avec les cens Laumur Pernon et La Chataigneraye intéressés dans un envoi de marchandises fait à l’Isle de France, desqu’elles il résulte qu’en 1785. le ce.n Pitot correspondant de cette affaire redevait au cN Beaumarchais et Ci.e une somme de 24001£-17-7. Le cN Pitot ayant manqué il a été fait le cN Frin banquier a payé pour lui . . . ” (p. 163 n. 318). avec lui un arrangement, 2Dans 269 CORRESPONDANCE 852. De M. de La Ferté [27 août 1779] M. Dela ferté1 a l’honneur de faire bien des complimens à Monsieur de Beaumarchais, et de lui renvoyer les papiers qu’il a bien voulu lui confier; M. le Marechal de Richelieu s’est chargé de conferer a cet Egard avec Monsieur de Beaumarchais./. ce 27 aoust 1779 1Denis-Pierre-Jean Papillon de La Ferté (1727-1794) intendant des menus plaisirs et commissaire du Roi. C’est lui qui, pendant une réunion du 4 septembre, pour apaiser l’animosité entre Beaumarchais et les comédiens, propose de lui remettre un état des recettes et dépenses de la Comédie-Française faites au cours de plusieurs années. De cette façon Beaumarchais pourra vérifier ses comptes concernant Le Barbier de Séville. 853. Au maréchal de Duras Mr Le Mal de Duras. Paris ce 28 Aoust 1779 Beaumarchais a lhonneur de presenter son plus humble respect a Monsieur Le Maréchal de Duras. Sur l’extrait de la lettre de Monsieur le Maréchal qui vient d’etre communiqué a Beaumarchais, il supplie Monsieur le Marechal de vouloir bien obtenir de Mr le Cte de Maurepas dix minutes seulement de conversation pour lundi après son diner. Beaumarchais se rendra tout exprès a Versailles Il est très important pour la Comédie qu’il ait l’honneur de prévenir Mr Le Cte de Maurepas devant Mr Le MAl de ce qui va arriver aussitot qu’il aura fait part aux auteurs dramatiques du peu de succès qu’obtient la Justice quils demandent. 270 CARON DE BEAUMARCHAIS Cette courte conference achevée sur un objet qui touche autant la littérature et les représentations de Beaumarchais admises ou rejetées Mr Le Mal peut etre sur que de la vie il n’en entendra parler davantage et que chacun se pourvoira selon son gout ou son interet, sans plus troublér les superieurs de la Comédie pour aucune demande ultérieure. Beaumarchais a lhonneur de renouveller a Mr Le MAl les assurances de son tres respectueux dévoûment. 854. Au comte de Vergennes Paris le 31 aoûst 1779 Monsieur le Comte Vous etiés hier au commité; Je ne pus vous faire ma cour. Je vous aurais remis la note que J’ai l’honneur de vous envoyer cy Joint. Le 19 aoust, a la 1eRe nouvelle de l’entrée dans la Manche, les fonds publics ont baissé sur le champ Indes de 144 a — 141 5 Banque de 111 8 a — 109 5 3 pr % de 62 8 a — 61 on ne doute pas que le 20 et le 21 il ny ait eu une dégringolade bien plus forte. ce mesme jour 19 on agitait tout haut dans les caffés de Londres, qui, comme vous savés, sont plus importans que ceux de Paris, ou l’on devoit se retirer en cas de descente: les avis se sont réunis pour l’Ecosse; parce qu’on craint une invasion CORRESPONDANCE 271 a Londres, et dans ce cas chacun songeait a réaliser ses effets en or. un homme tres profond qui me mande ces choses me dit: Il y a cent contre dix a parier que, trois jours après la desçente, La Banque fera capot, faute de numéraire pour rembourser tous les demandeurs.1 —————————————— cy joint un moyen d’avoir des nouvelles d’angleterre en 72 heures. ce moyen est celui dont les joueurs hollandais se servent pour avoir des nouvelles promptes. achetes trois petites barques lesquelles font continuellement le trajet de catwyk2 pres skevenin3 en holland, a Soals près dharwisht4 en angleterre. Il ny a point de port a Soals; mais une simple rade ce qui ne retarde point. de Londres a Soals dix heures. de Soals a catwyk douze heures traversée de catwyk a lahaye deux heures De La haie a Paris quarante heures ————————— 72-heures faute d’autre voie ou avec d’autres voies en des tems difficiles, celle cy est nette; Et si vous approuvés ce moyen J’aurai lhonneur de vous dire a qui Mr de Lavauguyon5 doit sadresser pour etre bien vite au fait de cette marche. Vous ne m’avés rien fait dire sur mon voyage de génes. la multitude de vos affaires a fait sortir celle la de votre mémoire. recevés avec bonté l’assurance de mon tres respectueux dévoûment. Le Cte de Vergennes. 1Les aspects économiques des questions politiques intéressent beaucoup le comte de Vergennes depuis qu’il est devenu ambassadeur à Constantinople, où il a tant fait pour développer le commerce français au Levant. En tant que ministre, il exigeait que ses agents le tiennent au courant de tous les changements de bourse. Beaumarchais surtout, parmi d’autres ayant des intérêts financiers, l’informait des fluctuations; voir Patterson, p. 38. 272 CARON DE BEAUMARCHAIS 2Katwijk. 3Scheveningen. 4Harwich. 5Paul-François de Quélen de Stuer de Caussade, duc de La Vauguyon (1746-1828) fut nommé ministre du roi auprès des Etats généraux des Provinces-Unies de Hollande en 1776 et parvint à diminuer la prépondérance de l’Angleterre dans ce pays. Comme Beaumarchais, il a passé quelque temps à Hambourg pendant la Révolution. 855. Du maréchal de Richelieu [3 septembre 1779] M. le Maréchal de Richelieu sera prêt a la conférence dont Monsieur de Beaumarchais l’instruit que M. le Mal de Duras désire, et pour qu’il ne l’oublie pas Il va lui écrire; mais comme Il y a tribunal lundi, Il présupose que ce sera Lundi matin; cependant M le Mal de Richelieu ne seroit point étonné que cette affaire fut encore fort lonque, car depuis bien des années Il n’en a vû finir aucune de ce genre sur tout. paris ce 3, 7bre 1779 AF; Saint-Marc Girardin, p. 628. 856. A M. de Sartine Copie Mr de Sartines Paris ce 7. 7bRe 1779. Monsieur. CORRESPONDANCE 273 Je vous rends grace de m’avoir fait passer la Lettre de MR Le Ct.e d’Estaing.1 Il est bien noble à lui dans le moment de son triomphe, d’avoir pensé qu’un mot de sa main me serait très agréable. Je prens la liberté de vous envoyer copie de sa courte lettre dont je m’honore comme bon français que je suis, et m’en réjouis comme l’amant passionné des succès de ma patrie; contre cette orgueilleuse Angleterre. Le Brave Montaut a cru ne pouvoir moins mieux faire pour nous prouver qu’il n’était pas indigne du poste dont on L’honorait que de se faire tuer, quoi qu’il puisse en resulter pour mes affaires; mon pauvre ami Montaut est mort au Lit D’honneur; et mon coeur ressent une joie d’enfant d’etre certain que ces Anglais, qui m’ont tant déchiré dans leurs papiers depuis 4 ans, y Liront qu’un de mes vaisseaux a contribué à leur enlever la plus fertile de leurs possessions. Et les ennemis de Mr D’Estaing, et surtout les vôtres! Monsieur, je les vois ronger leurs ongles et mon coeur saute de plaisir. Je n’ai point de details2 et vous prie de m’en faire passer un exact par Mr Parmentier. Quant aux officiers de Nassau, 3 soyez certain que nous sommes hargneux comme les chevaux dont Le ratelier est vide. Envoyez-nous des fonds et je vous réponds de leur tête Légère, aussitôt que leur bourse deviendra pesante. Vous connaissez mon tendre et respectueux dévoument. 1Voir 2Le lettre 827. nouveau capitaine du Fier Roderigue les fournira; voir lettre 826. 3Voir lettre 823. 857. De M. de Sartine 7 7bre 1779 274 CARON DE BEAUMARCHAIS M. De Sartine remercie M. De Beaumarchais de la lettre qu’il lui a écrite, et de celle qui y était jointe.1 Son vaisseau a rendu de bons services et ils ont eté agréables au Roy. Au reste les détails ont eté imprimés, M. De Beaumarchais aura pu satisfaire sa curiosité, comme son zêle patriotique, auquel M. de Sartine rend bien justice. Il lui renouvelle l’assurance de tous ses sentimens./. ce 7 7bre 1779. Cette lettre est jointe au “Mémoire au Roy” qui antidate le 17 janvier 1783. 1Voir la lettre précédente. 858. Au comte de Vergennes S. E. Mr Le Comte de Vergennes Copie Paris ce 7. 7bRe 1779 Monsieur Le Comte Je réunis ma joie a Lallégresse publique pour la prise de la grenade et la Dispersion de la flotte de Biron.1 Je joins ici la copie de La Lettre que je reçois de Mr Le Cte d’Estaing.2 Quoique J’aye perdu dans ce combat le plus brave, le plus sage capitaine, et le plus excellent homme de mer; quoique j’ignore ce qui resultera de tout cela pour mes affaires; je ressens le plaisir vif d’un bon français de voir Le Commencement de l’humiliation de l’orgueilleuse angleterre, et je sens une joie d’enfant de ce qu’un vaisseau a moi qui ai tant été déchiré dans les papiers anglais, ait pu contribuer pour sa part à leur enlever la plus fertile de leurs iles du Golphe. Cela me guérit de toutes mes pertes passées, et me console d’avance de toutes celles de L’avenir. CORRESPONDANCE 275 Vous connaissés L’inviolable et respectueux devoûment avec lequel je suis Monsieur Le Ct.e de V: E: Le tres XA Signé Caron de Beaumarchais Voudrez vous bien communiquer cette Lettre à Mr Le Ct.e de Maurepas? non pour son importance, mais parcequ’il veut bien prendre intérêt à tout cequi m’arrive d’heureux. Je passe ma vie à dire comme ce citoyen de Lacédémone. O ma Patrie! Je te porte en mon coeur. /. . 1Voir 2Voir lettre 826. lettre 827. 859. A M. Subito l’aîné M. Subito l’ainé 8 7bre 1779 Je répons M. à votre lettre du 6 CT— je regrette le tems que la maladresse de votre ageânt à paris vous a fait perdre. Mais je n’ai pas encore des lettres de M. Letellier qui puisse fixer votre juste irresolution. M. Letellier l’un des ler associés de l’entreprise est chargé — lui seul par la Compagnie de l’execution totale, est un homme dont la decision aura toujours le plus grand poids sur la notre. J’ignore donc sur quoi porte votre observation, quand vous me dites que vous avés prévu cequi arriverait si l’on confiait l’achat des papiers à des gens inhabiles en papeterie, et surtout en divisant la confiance. Nous n’avons point divisé cette confiance. M. Letellier l’un de nous, vous a ammené, vous a consulté exclusivement, et il eut été bien mal adroit à lui de diviser notre confiance, en consultant quelqu’autre, aprés vous avoir accompagé, defrayé, avancé des fonds pour suppléér à votre absence de chés vous, et causé cette depense de votre 276 CARON DE BEAUMARCHAIS deplacement dont il supporte sa part, s’il eut du diviser notre confiance commune et la partager entre un autre et vous, Mon intention, cequi veut dire la notre n’est pas de forcer un second deplacement s’il vous est à charge. Car sur la nature de vos demandes, elles ont continué de Me paraitre exorbitantes, rien ne m’etant parvenu depuis votre depart qui ait pu me faire changer d’avis. Ne consultés donc, M. que vous-meme pour aller à Arches1 ou pour rester à Rouen. Si vous venés à paris, il est inutile que je me donne d’avance des soins pour faire tenir prets les fonds necessaires à votre voyage[.] C’est l’affaire d’une minute. Vous voudrés bien me dire allors ceque vous entendés par procuration relative à la reception des ustensils d’Arches &a et à la livraison des 4 Moulins. D’ailleurs je pense que M. Letellier qui est près de Strasbourg ne vous laissera pas tout seul prendre une peine qu’il est dejà prié par mes lettres, de vouloir bien partager avec vous. J’envoye toujours en avance votre lettre à M. André.2 Mais dans aucun cas mon avis n’etant d’abuser du tems, ni du loisir de personne, si vos affaires devai[e]nt trop soufrir d’un second deplacement, je ne me trouverai point offensé que vous changiés d’avis à cet egard et n’en serai pas avec moins de considération & C. Bxx 1Pendant son voyage dans les Vosges, Subito (voir lettre 846) a visité les principales usines de papeterie de la région et a proposé à Beaumarchais d’en acheter une à Arches, deux à Archettes, et une à Plombières; ce qu’il a fait. 2Jean-Nicolas André, commis de Le Tellier. 860. Au Roi [11 septembre 1779] Au Roy remis à M. de Sartines le 11 7bre 1779 CORRESPONDANCE 277 Sire Je ne viens pas vous demander le prix de mes travaux. Vos sages ministres savent que mon souverain bonheur seroit qu’ils pussent être tous utiles a votre majesté. Je ne demande point le prix de la campagne du fier Roderigue, trop honoré qu’un vaisseau à moi ait merité l’eloge de l’amiral en combattant en ligne dans une escadre conquerante.1 Mais Sire la guerre est un jeu de Rois qui écrase les particuliers et les balaye comme la poussiere. Le fier Roderigue et dix autres navires qu’il convoyoit étoient destinés à des opérations de commerce également utiles à l’Etat sous une autre forme. La mort de mon premier capitaine, 35 hommes hors de service; le délabrement de mon vaisseau l’un des plus maltraités de l’escadre (ayant eu 38 boulets dans le flanc 4 à la flottaison, dont 2 ont percé à jour, 5 dans les matures qui les ont trés offensées, un dans la grande pompe qui l’a mise en pièces, 40 dans les voiles qui les ont criblées, et le reste dans les gréemens qui les ont hachés), l’epuisement total de matelots ou l’on a mis mes autres navires à leur arrivée au fort Royal pour compléter les equipages de l’escadre. L’ordre donné au fier Roderigue de se reparer, et de suivre les conquêtes. L’obligation ou je suis d’envoyer de nouvelles instructions au nouveau chef de ma flotte, et l’impossibilité que de plus de trois mois cette flotte marchande, qui en a déjà perdu onze parte sous convoi du fier Roderigue pour sa vraie destination. Tout cela Sire ruinant ma campagne, dont les avances ont été énormes et jettant loin les rentrées de fonds qui devraient être faites a présent, me force d’implorer les bontés de votre majesté. Que je ne périsse point, Sire, et je suis content. Le service que je demande est de peu d’importance. On me mande de la Grenade qu’on tire a vue sur moi 90 m Livres pour des réparations urgentes du fier Roderigue.2 Sur plus de 2 millions que j’ai avancé cette année à ma flotte il ne me reste a payer que 100 m Ecus moitié le 25 de ce mois et moitié au 10 8bRe Je supplie votre majesté de vouloir bien ordonner que 278 CARON DE BEAUMARCHAIS cette modique somme de 400 mille Livres me soit prêtée pour quelques mois seulement de son trésor Royal.3 M Le Comte de Maurepas sait par l’expérience de ses bontés pour moi que je suis fidèle à mes engagemens. A l’arrivée des fonds considérables que j’attends de la Martinique, ou mes denrées ont été vendues, je rembourserai au Trésor le capital et les intérêts. Ce n’est qu’aprés qu’un calcul, inapreciable aujourdhuy, aura mis sous les yeux des ministres mes pertes réeles, que j’invoquerai la justice de votre majesté pour leur remboursement mais c’est à titre de grace que je demande le prêt momentané de 400 mille Livres que le désordre de cette Campagne rend indispensable pour empecher de périr un des plus fidels sujets de votre majesté dont la perte entraineroit un découragement général. Signe Caron de Beaumarchais 1Voir lettre 827. chiffre donné par Lépine (lettre 826) était de 80,000 livres. 3Voir lettre 863. 2Le 861. A Serres de La Tour [12 septembre 1779] Au redacteur du courrier de lEurope Voila plusieurs fois Monsieur qu’on me demande en votre nom la relation de la prise de la Grenade et du combat de notre escadre que j’ai recue du capitaine en second de mon vaisseau Le fier Roderigue. N’ayant point de raison de la dissimuler, quoiqu’il y en ait une imprimée plus etendue, je la remèts a votre ami. Retranchés en ce que vous jugerés a propos, surtout les choses qui se rapportent a moi. Mais rien qui puisse amoindrir la haute CORRESPONDANCE 279 opinion qu’elle donne de toute la conduite du général amiral d’Estaing qu’on doit considérer sous trois aspects en cette occasion signalée. Si j’y ai joint l’extrait d’une lettre de Mr Le Cte de Brugnon chef d’escadre et commandant le Tonnant, c’est que dans la lettre d’un homme recommandable et qui s’est fait porter dans un fauteuil sur son pont pendant le combat étant malade il y a des traits qui fixent absolument l’opinion qu’on doit avoir de la victoire complette de notre escadre. Si j’y ai joint aussi la lettre dont Mr Le Cte d’Estaing m’a honoré c’est que rapprochée du grand détail des faits elle met le sceau aux trois aspects sous lesquels on doit considérer ce general amiral. 1° Comme le plus brave homme de son armée lorsqu’après avoir bien combiné son plan d’attaque il donne l’assaut a cette redoute qu’on croyait imprénable et saute le premier dans les travaux en veste blanche et son cordon bleu dessus pour animer ses soldats par un si fier exemple. 2° Comme le plus vigilant des hommes de mer lorsque quittant sa conquête a l’instant qu’il vient de l’achever il saute a son bord fait appareiller sa flote bat son nouvel adversaire et met en fuite vingt un vaisseaux anglais avec quinze vaisseaux français, les seuls qui eussent pu se former en ligne sous le vent et à la vue de l’ennemi. 3° C’est comme le plus humain et le plus généreux des chefs qu’il faut l’envisager; lorsqu’après la victoire, on le voit passer de vaisseau en vaisseau s’assurer de l’état de chacun féliciter les hommes sains, consoler les blessés et souffler dans tous les coeurs la flame et le désir de retourner au combat sous un tel général. Si je joins a ce détail la lettre dont Mr Le Cte d’Estaing m’a honoré c’est qu’il n’est rien qui donne autant l’idée d’une ame maitresse d’elle mesme et noblement délicate que de voir Mr Le Cte d’Estaing au moment enivrant de ses triomphes reflechir qu’une lettre de sa main me serait infiniment agreable a moi particulier dont il avait pris le plus fort vaisseau et m’écrire que ce vaisseau ayant eu lhonneur de combattre et le bonheur de se distinguer en ligne avec l’escadre victorieuse de sa Majesté, il s’occupe de mettre sous les yeux du ministre l’etat des graces dont il croit que mes officiers sont susceptibles. 280 CARON DE BEAUMARCHAIS Et les gens légers de mon paÿs sont étonnés qu’un pareil homme ait des ennemis! Ils sont surpris qu’un amiral qu’un general honoré du choix du Roi et de la confiance des ministres qu’un amiral qui pendant une campagne de deux années les plus laborieuses n’a pas découché de son bord a maintenu par les soins vigilans par la grande discipline et l’extreme propreté toute son escadre en bon état qui a contenu et comme enchainé l’ennemi tant qu’il était le plus faible, et l’a battu sans perdre sa conquête a l’instant qu’il a pu voler a ce double triomphe on est surpris dis-je qu’un pareil homme ait des ennemis je le serais bien plus qu’il n’en eut point on est étonné qu’il boive le calice de sa célébrité. Je ne croirais presque pas qu’il mérite la sienne moi qui connais les hommes, si je l’y voyais arriver sans cette amertume on ne s’acharne pas contre les gens médiocres, on les laisse en paix végéter et cette indifférence dédaigneuse de la méchancété m’a toujours paru le plus sûr thermomètre de l’infériorité d’un homme en place. Au reste, Mr Le Cte d’Estaing doit peu s’embarrasser des cris de la basse envie puisqu’il trouve mesme chez les ennemis du Roi et de l’etat, lhonorable justice que ses ennemis personnels s’obstinent a lui refuser.1 J’ai lhonneur d’etre avec la plus haute considération Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur, Caron de Beaumarchais 2 Il y a deux versions de cette lettre; nous en donnons ici la première; dans la note 2, celle qui a été publiée pour montrer comment Beaumarchais a adouci sa pensée. 1Peu après cette lettre, une ronde apparaît louant d’Estaing et se moquant de Byron sur l’air “Quand Biron voulut danser.” Elle fut chantée et dansée à la cour et valut à Beaumarchais un signe de tête du roi; voir Correspondance secrète, tome VIII, pp. 353-54, 361. 2Voici la lettre telle qu’elle a été publiée par le CE: “Au Rédacteur du Courier de l’Europe. Paris, ce 12 Septembre 1779. Voilà plusieurs fois, Monsieur, qu’on me demande en votre nom la relation de la prise de la Grenade & du combat de notre Escadre, que j’ai reçue du capitaine en second de mon vaisseau le Fier Roderigue. N’ayant point de raison de CORRESPONDANCE 281 la dissimuler, quoiqu’il y en ait une imprimée plus etendue, je la remets à votre ami. Retranchez-en ce que vous voudrez, sur-tout les choses qui me concernent, mais rien qui puisse amoindrir la haute opinion qu’elle donne de toute la conduite du Général Amiral d’Estaing, qu’on doit considérer sous trois aspects en cette occasion signalée. 1° Comme le plus brave homme de son armée, lorsqu’après avoir bien combiné le plan de sa conquête, il donne l’assaut à cette redoute qu’on croyait imprenable, & saute le premier dans les travaux en veste blanche & son cordon bleu dessus, pour animer ses soldats par un si fier exemple. 2° Comme le plus vigilant des hommes de mer, lorsque quittant la Grenade à l’instant qu’il vient de la conquérir, il saute à son bord, fait appareiller sa flotte, bat son nouvel adversaire, met en fuite vingt-un vaisseaux Anglois, après en avoir désemparé sept avec 15 vaisseaux, les seuls de son Escadre qui eussent pu se former en ligne sous le vent & à la vue de l’ennemi. 3° C’est comme le plus humain & le plus généreux des Chefs qu’il faut l’envisager, lorsqu’après la victoire, on le voit passer de vaisseau en vaisseau, s’assurer de l’état de chacun, féliciter les hommes sains, consoler les blessés, & souffler dans tous les coeurs la flamme & le desir de retourner au combat sous un tel Général. Si je joins a ce détail la lettre dont M. le comte d’Estaing m’a honoré, c’est que rien qui donne autant l’idée d’une ame maîtresse d’elle-même & noblement délicate, que de voir ce Général, au moment ennivrant de ses victoires, réfléchir qu’une lettre de sa main me seroit infiniment agréable, & m’écrire que mon plus fort vaisseau ayant eu l’honneur de combattre & le bonheur de se signaler en ligne avec l’Escadre victorieuse de Sa Majesté, il regrette mon brave Capitaine tué dans ce combat, & s’occupe de mettre sous les yeux du Ministre l’état des graces, dont il croit que les Officiers restans sont susceptibles. Enfin si l’on se rappelle que M le comte d’Estaing, pendant une campagne de deux années les plus laborieuses, n’a pas découché de son bord, a maintenu par des soins continuels, par la plus grande discipline & l’extrême propreté, toute son Escadre en bon état; ce qui suppose un mérite, une vertu de tous les instants de la vie; si l’on se rappelle qu’il a contenu & comme enchaîné l’ennemi tant qu’il s’est trouvé le plus foible, & l’a battu sans perdre sa 282 CARON DE BEAUMARCHAIS conquête à l’instant qu’il a pu voler à ce double triomphe; sur-tout si l’on calcule qu’il est parti le 30 Juin de la Martinique; que le 2 Juillet il étoit à la Grenade, que le 4 l’Ile appartenoit à la France, et que le 6 la flotte Anglaise étoit en fuite et battue, on sera en état d’apprécier dignement ce Général Français, à qui les ennemis mêmes du Roi & de l’Etat sont forcés de rendre aujourd’hui l’honorable justice qui lui est due à tant de titres. J’ai l’honneur d’être, &c. Monsieur, Votre très-humble & trèsobéissant serviteur. Signé, Caron de Beaumarchais. P.S. Je vous envoie aussi l’extrait d’une lettre de M. le Comte de Brugnon, Chef d’Escadre, & qui très malade, s’est fait porter dans un fauteuil sur le pont de son vaisseau le Tonnant, pendant le combat. Elle est attendrissante, & fixe bien l’opinion qu’on doit avoir de la victoire de notre Escadre.” Ici on peut lire la lettre de l’amiral d’Estaing (voir lettre 827), des extraits de la lettre du capitaine Montaut (voir lettre 826) et de celle du comte de Brugnon que nous ne reproduisons pas. 862. Au comte de Vergennes Paris ce 14 7bre 1779 Monsieur le comte J’ai l’honneur de vous envoyer une lettre que j’ecris au redacteur du courrier de l’europe1 en cédant aux instances réitérées qu’il m’a fait faire de lui envoyer ma relation recue de la grenade et qui est plus rapidement historique que celle qui est imprimée. En vérité Monsieur Le comte; il y a dans la moitié de Paris, un acharnement si bète contre l’expédition et la personne CORRESPONDANCE 283 de Mr D’Estaing que je n’ai pu m’empécher de faire a la fin de ma lettre un raprochement de l’homme de mérite avec la basse envie qui le poursuit dans tous les etats de la vie. Mr Labbé aubert2 avec un pédantisme classique me fait dire quil serait obligé d’arreter le courrier de l’europe si cet article y etait ainsi inséré. Quelle sera donc la récompense des services et des grandes actions si on ne peut pas mesme venger leurs auteurs sur les méchants qui les déchirent? Nous n’avons que trop besoin d’encouragement. lhomme mou qui ne fait rien, et lhomme actif qui brule de bien faire, seront ils rangés dans la mesme classe? ce papier est etranger on sait que j’aime la personne de Mr Le Cte d’Estaing; Il vient de me faire une politesse honorable, je saisis le moment de son triomphe pour le défendre et je le fais avec force sans qu’aucun homme honèste ait droit ce me semble de s’en offenser. Je vous prie de retrancher vous mesme ceque vous trouvés répréhensible dans larticle ou de me permettre de l’envoyer tel quil est, si vous le trouvés bien. Je suis avec le plus profond respect Monsieur Le comte Votre tres humble et tres obéissant serviteur Caron de Beaumarchais La louange aux belles actions et la punition aux mauvaises, est toute la force d’un bon gouvernement Mr Le Ct.e de Vergennes. 1Voir la lettre précédente. Aubert (1731-1814) était censeur royal et l’homme de paille de Vergennes. Il était rédacteur aux Affiches de Paris, aux Mémoires de Trévoux, et devint directeur de la Gazette de France. Il avait comme ennemis acharnés Grimm, La Harpe et Marmontel. 2Jean-Louis 284 CARON DE BEAUMARCHAIS 863. De Micault d’Harvelay1 Lettre de M. d’Harvelay à Beaumarchais 15 7bRe 1779. J’ai reçu ce matin, Monsieur, une Lettre de M. Le Cte De Maurepas, par laqu’elle ce Ministre me prie de vous prêtter une somme de quatre cent mil francs, pour vous aider, dit-il, à subvenir aux premieres dépenses imprévuës que vous occasionne Le combat de La Grenade, où votre Fier Rodrigue a très bien servi.2 Quant à la rentrée de mes fonds, ce Ministre ajoute que le retour de vos navires, vous mettra bientot en etat de connaitre les pertes que la détention de votre vaisseau convoyeur, pour Le service du Roi, cause à votre commerce maritime, et de présenter au conseil le mémoire des indemnités qui vous sont dües par Sa Majesté, ce qui donne toute L’assurance possible, à mon remboursement. Indépendament de mon respect pour ce qui peut être agréable à M. Le Cte De Maurepas, je ne demande pas mieux, Mr, que d’aider un citoyen, qui, comme vous, se montre dans tout ce qui intérèsse La Patrie; mais je dois aussi vous observer qu’il me serait impossible de détacher quatre cent mille liv. de mes propres fonds sans autre terme de rentrée que celui du tems où les indemnités qui vous sont si justement dües, pourront être acquittées par le Roi. Vos vaisseaux peuvent tarder à rentrer, L’examen de vos pertes et L’assignation de leur remboursement peuvent entrainer des longueurs pendant lesquelles mes fonds resteraient en souffrance, et il ne serait pas juste que payant d’un coté L’intéret de cet argent, j’en fusse privé de l’autre. C’est pourquoi je demande, M, que vous me donniez en plusieurs billets de vous, le capital et l’intérèt de lad. somme pour un terme fixe, comme pour un an par exemple sauf à renouveller, si l’affaire de vos indemnités n’était pas terminée avec le 285 CORRESPONDANCE gouvernement, et si alors les miennes me permettaient de vous accorder un nouveau délay. Dans le cas où cette offre vous conviendrait, M, vous pouvez venir en toucher L’argent chez moi, Le jour qu’il vous plaira et recevoir avec mon compliment sur le succès de votre marine guerriere, L’assurance très sincere de la parfaite considération avec Laquelle j’ay L’honneur d’etre Mr votre Xa Signé: Micault d’Harvelay./. Cette lettre est jointe au “Mémoire au Roy” qui antidate le 18 janvier 1783. 1Joseph Micault d’Harvelay (?-1786), beau-frère de Jean-Joseph de Laborde, banquier du roi, a été garde du Trésor Royal entre 1775 et 1785 après son oncle Pâris de Montmartel. 2Micault d’Harvelay a avancé les 400,000 livres mais comme prêt personnel pour un an et renouvelé ensuite. Beaumarchais a payé 20,000 livres d’intérêt par an. 863bis. De M. de la Ferté [21 septembre 1779] M. De la ferté a l’honneur de faire mil complimens a Monseiur de Beaumarchais et de lui envoyer l’etat exact de la Recette des Comediens françois tant de la porte, que des petites loges pendant les trois dernières anées./ ce 21. 7b.re 1779 Etat Général des Recettes de la Comédie française, tant faite à la porte qu’a cause de labonement des petites loges pendant les années 1776 à 1777, 1777 à 1778 et 1778 à 1779. Scavoir. 286 CARON DE BEAUMARCHAIS Année Nombre des Representations par année Recette Journalière par chaque année 1776 à 1777 314 438380‹15˜. Recette des petites loges par année 245100‹ Totaux 1777 à 1778 1778à 1779 342 515819 248400 764219 317 448706.15 255900 704606.15 973 Repo.n 1402906.10 749400£ 2152306.10 683480‹15 ~ NA que l’année 1777 à 1778 est l’année de Comédie la plus longue qu’il y ait eu dépuis longtems, et que dans cette année L’Empereur et M. de Voltaire étoient a paris et on avoit la paix P.S. --année 1779 à 80 1 1C’est-à-dire 255 900 2 500 258.400£ pour les cinq mois déjà passés de cette saison. CORRESPONDANCE 287 864. De Silas Deane Philadelphie 23 septembre 1779 Mon cher Monsieur Je vous ai écrit plusieurs lettres, depuis mon arrivée en Amérique, mais je n’ai eu l’honneur d’en recevoir aucune de vous, ce que j’impute à votre incertitude sur le temps de mon départ de ce pays. J’ai été retenu ici, en effet, beaucoup plus longtemps que je ne le croyais, et j’ai été traité d’une manière à laquelle ni vous, ni mes amis, ni aucun même de mes ennemis ne s’attendaient nullement;1 mais je vous expliquerai cela plus en détail quand je vous verrai. Je ne doute pas que l’Amérique ne finisse par devenir plus équitable envers vous, ainsi qu’envers moi. Mr de Francy est maintenant en Virginie à attendre l’arrivée du fier Roderigue.2 C’est sur ce vaisseau que je projette m’embarquer; et, en conséquence, je quitterai cette ville dans peu de jours. Votre neveu3 part dans un jour ou deux pour Boston; je vous écrirai sur lui, et c’est aussi à lui que je me réfère pour les particularités de notre situation ici. J’ai rendu à Mr de Francy les services qui étaient en mon pouvoir et j’aurais souhaité être en état de lui en rendre de plus essentiels; mais si j’ai le bonheur d’arriver sain et sauf, tout pourra encore être remis dans l’ordre et justice sera faite; car je suis fâché de dire qu’elle ne l’a point été commme la circonstance l’exigeait. Je vous souhaite mille prospérités et vous assure que je suis toujours avec la reconnaissance et l’attachement le plus respectueux, mon cher Monsieur, votre etc. Silas Deane 1Voir 2Le tome IV, lettre 725 n. 4 et 5. vaisseau arrivera dans la baie de Chesapeake le 19 novembre. 3Voir lettre 865. 288 CARON DE BEAUMARCHAIS 864bis. De Francy York, 26 septembre 1779. Monsieur J’apprends à l’instant qu’un second bâtiment assez bien armé part en compagnie de celui à bord duquel j’ai mis mes lettres. Je m’empresse d’en profiter pour vous envoyer copie de mon supplément à ma lettre du 24; n’ayant pas ici mon (sic) copie de lettres je ne puis vous envoyer le double de tout ce que contient le paquet qui vous sera remis à ce que j’espère par MR Littlepage parent de MR Jay ministre plénipotentiaire à la cour d’Espagne et qui passe sur la Mary Ferron bâtiment de 18 canons, marchant assez bien. Je mets cette lettre-ci à bord du Livingston allant avec l’autre à Bordeaux. J’espère que vous le recevez ensemble; le premier contient les 4mEs des 56 de change, la lettre d’avis du congrès au DR Frankli, les resolvets qui ont rapport à ces traites et le duplicata d’une très longue lettre de moi du 6 octobre. Le très prompt départ de ce second bâtiment ne me permet pas d’entrer ici dans aucun détail nouveau, je fais travailler sans perdre un moment à réparer votre fier Rodrigue pour le renvoyer de suite. J’espère qu’il partira vers le 1e.r de mars sur (sic) ne survient aucun nouvel accident. La lettre que je viens d’écrire à MR de Montieu et que je le prie de vous communiquer vous instruira du mauvais état ou se trouvent toutes les marchandises qui m’ont été adressées; outre les avaries qui sont très considérables il y a des déficits considérables dans plusieurs balles. Il n’y en a pour ainsi dire pas une dont les marques et numéros soient conformes à la facture et en général les marchandises sont de mauvaises qualité et mal choisies pour le pays; je ferai un procès verbal le plus exact possible de toutes les erreurs et avaries pour le faire passer à MR de Montieu et je vous en enverrai copie. Plus j’y refléchis et plus je désire de vous CORRESPONDANCE 289 entretenir, si je pouvais laisser ici quelqu’un qui pût diriger vos affaires pendant 4 à 5 mois je m’exposerai volontiers au danger et au désagrément d’une pénible traversée pour causer avec vous et vous éclairer sur toutes vos affaires; je pourrais tirer d’un pareil voyage le plus grand avantage pour moi, mais si je ne puis le faire sans que les affaires dont je suis chargé en souffrent, je serai obligé d’y renoncer; si j’étais près de vous je me chargerais d’une expédition qui avec le moindre bonheur pourrait rendre un bénéfice immense, j’en donne le plan à MR de Montieu, vous verrez que l’execution est aussi aisé que le plan est sûr; la nouvelle flotte que vous m’annoncez par votre lettre du 22 mai de Bordeaux, et les détails qu’exige la vente des marchandises que je viens de recevoir me retiendront probablement; je suis si ennuyé de la vie que je mène ici, et j’ai tant d’impatience de vous entretenir que j’aurai bien de la peine à me décider à ne pas partir; quelque soit le parti que je prenne je vous prie d’être persuadé que le bien de vos affaires sera dans tous les temps le seul motif qui me dirigera. Je vous prie d’assurer Mesdames vos soeurs de mon respect ainsi que Mm.e W. j’ai eu l’honneur de la remercier de son joli cadeau par MR Sarran, il ne m’est pas possible de lui écrire aujourd’hui, je le ferai par le retour du fier..... faites je vous prie mes compliments à notre ami MR Gudin, la lettre qu’il m’a écrite m’a fait le plus grand plaisir, je lui répondrai par la première occasion. J’ai l’honneur d’être bien respectueusement Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur Signé: de Francy. 290 CARON DE BEAUMARCHAIS 864ter. De Francy York, 26 septembre 1779. Duplicata par Le Livingston la première par la Mary Ferron Monseiur Le vaisseau sur lequel se trouve ma lettre du 24 étant arrêté par vent contraire au bas de la rivière, j’en profite pour vous dire encore un mot et vous annoncer le retour en France de MR Deane, il est ici pour passer sur le vaisseau Le Roi le Fendant qui partira dans 15 jours ou trois semaines pour la Martinique ou si quelques affaires qu’il à [a] terminer en Virginie ne le laissent pas libre avant le départ de ce vaisseau, il partira sur le fier Rodrigue, il a enfin quitté Philadelphie sans avoir rien fini avec le congrès et il repasse en France pour y régler ses comptes; avant son départ j’aurai soin de lui faire donner une attestation qui me servira bien dans l’arrêté définitif de vos comptes avec le congrès. Il doit régler en France avec tous ceux avec qui il a fait des affaires de commerce, en conséquence il a le droit de régler avec vous tant pour le prix des marchandises envoyées que pour l’assurance et pour la commission, une fois la somme déterminée ce sera mon affaire de presser pour être payé et je crois que j’obtiendrai tout ce qui sera possible d’envoyer, si comme je l’espère il vous est aisé de négocier les lettres de change que je vous ai fait passer cela vous donnera les moyens d’attendre un peu pour la balance si tous vos bâtiments fussent arrivés. Je vous aurais remis en outre douze a quinze cents boucauts de tabac que j’ai obtenu du congrès comme je vous l’ai annoncé ailleurs, mais les quatre bâtiments qui sont ici porteront à peine cette quantité, et il est juste que la majeure partie soit pour le compte de l’armement comme j’ai beaucoup pressé pour obtenir le tabac que j’ai enfin obtenu et que j’ai assuré que les vaisseaux que j’attendais étaient expédiés exprès pour le charger, il est de CORRESPONDANCE 291 toute nécessité que j’en charge partie, cela pourra peut-être déplaire à MR de Montieu, il voudrait sans doute que toutes les cargaisons en retour fussent de compte à demi, mais vous lui ferez aisément entendre raison à ce que j’espère, voir la partie qui sera à frêt et qui sera la moindre, il aura seulement la moitié du frêt que l’on me paiera, je ne sais encore si ce sera le tiers ou la moitié; j’ai écrit plusieurs fois à ce sujet au comité de commerce depuis plus de dix mois je n’ai pas reçu de réponse, vous pouvez être bien assuré que je ferai les conditions les plus avantageuses possible. J’ai reçu pour le fier Rodrigue vos observations sur mon contrat ainsi que votre lettre au président et la copie de celle que vous avez écrite à MR de Passy, je ferai usage de tous ces papiers dans un moment favorable. Aujourd’hui les affaires sont, vû les gens à qui j’ai affaire, au mieux possible, il n’est plus question que de fixer le montant total de la lettre et de faire ratifier par le congrès l’arrêté de compte que vous ferez avec MR Deane, jusque là il n’y a aucune nouvelle proposition à faire, si vous voulez continuer à bien servir l’Amérique, vous le pouvez très aisément en faisant des expéditions sans les adresser au congrès, elles vous tourneront beaucoup plus à compte et vous serez moins exposé à toutes les difficultés et à toute l’ingratitude que vous avez éprouvées. Il y a dans votre lettre au président une proposition qui me fait craindre que vous n’ayez pas bien refléchi sur l’état de la question pour ce qui regarde les assurances, vous demandez que vos marchandises vous soient payées ou à prix de facture avec les frais, faux frais &A. et une commission honnête, ou qu’on vous paye au prix courant des marchandises lors de leur arrivée sur le continent et les assurances; faites attention je vous prie que c’est dans le premier cas que les assurances dovient vous être payées, et non dans le second parce que si l’on vous donnait pour vos marchandises le prix qu’elles valaient au moment de leur arrivée sur le continent, il est clair qu’on vous aurait tout payé, c’est à vous à vendre en raison des assurances faciles; au contraire dans le premier cas lorsqu’on vous paye son prix de facture on vous doit autre tous les frais et faux frais les assurances et la commission, c’est cette méthode que le congrès a adapté pour payer et je l’ai adapté moi même parce que si le bénéfice est moindre du moins il est sûr et d’ailleurs tous les retours se font aux risques du congrès au lieu qu’en vous payant 292 CARON DE BEAUMARCHAIS au prix courant vous seriez obligé de recevoir ce payement ici et alors les retours se feraient à vos risques; je ne sais si je m’explique clairement, c’est pour bien raisonner à fonds sur toutes ces affaires que j’aurais désiré aller vous voir cet hiver, je n’en vois pas la possibilité, mais je vous écrirai à ce sujet fort au long par MR Deane, j’espère que vous approuverez le parti que je prends de ne rien proposer au congrès jusqu’à ce que j’aie reçu réponse à cette lettre-ci et copie de votre arrêté de compte avec MR Deane. Comme MR de Montieu parait seul dans cette expédition-ci c’est à lui à qui j’adresse tous les détails qui y ont rapport, le priant de vous les communiquer; je remettrai à MR Roubeau qui est arrivé en bonne santé des marchandises pour 40000‹ Sa lettre de crédit sur moi signée par MR de Montieu ne porte que cette somme; je remettrai à MR Giroux des marchandises sur prix de facture pour le montant de ses appointements, je vous prie d’en prévenir MR de Montieu. Si vous voyez MR Gérard je vous prie de l’assurer de mon respect et de lui dire que j’aurai l’honneur de lui écrire par le fier Rodrigue, je lui dois quelques petits objets qu’il m’a cédé en partant et que je n’ai pu lui rembourser parce qu’il n’en avait pas le compte, je vous serai bien obligé de m’acquitter s’il vous en parle, je lui renverrai par MR de Vitry qui compte partir sur le Rodrigue son habit, l’on m’a écrit de plusieurs endroits que son successeur ne paraissait pas bien disposé pour vous, heureusement vos affaires sont dans un train à ne plus de douter de nouvelles difficultés, il parait que ce nouveau ministre a procuré du crédit en France au congrès, j’ai appris hier qu’il allait tirer sur Paris pour deux cent mille louis cela donnera de la valeur à vos lettres de change. Vous me dites que vos cargaisons ont été formées sur l’état que je vous ai fait passer tous les principaux articles sont oubliés et ceux pour lesquels ont (sic) s’est décidé sont en trop grande quantité, néanmoins j’espère en tirer un bon parti si je ne suis pas traversé par les Anglais de la visite desquels nous sommes tous les jours menacés. Je vous prie de me croire avec le plus entier dévouement, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur. Signé: de Francy. CORRESPONDANCE 293 865. De Silas Deane Philadelphia Septr 28th 1779 My Dear Sir, I wrote you by Mons Gerard 1 and now have the pleasure of directing this to you, by Mr Jay,2 our minister plenipotentiary for the Court of Madrid, who by his appointment, superseeds the former commissr to that court, by which Mr Lee becomes wholly out of place, an event not more agreeable either to you or to me, than to the people at large in America. You will embrace the new minister Mr Jay with pleasure, & be assured, he is a gentleman of great abilities, probity, & firmness, and of enlarged and generous views, in a word, one who I am confident will be every way agreeable to you, as I know you will be to him. He has long been my intimate friend, but no one that knows him, at all, will accuse me of partiality, and he needs not the advantage, which the striking contrast between him & his predecessor gives him, to recommend him to you and to our good friends abroad. The arrival of the Count d’Estaing at Georgia3 gives me hopes that the fier Roderigue is before this in Virginia, if so I shall try to obtain a passage on her.4 Never was I so impatient for any thing, as for my return to France and to have the pleasure of embracing you in Paris. I have the honor to be with the most sincere friendship & attachment my dr sir your most obedient & very humle servt Silas Deane M. de Beaumarchais 294 CARON DE BEAUMARCHAIS 1Gérard et John Jay ont quitté l’Amérique sur le vaisseau The Confederacy le 18 octobre. Le bâtiment s’étant arrêté à Saint Pierre de la Martinique pour des réparations, Gérard et Jay sont repartis sur L’Aurore et sont arrivés à Cadix vers le 22 janvier 1780. 2Le 27 septembre, on a donné à Jay la mission de négotier un traité avec l’Espagne; au cours de ses deux années dans ce pays il n’a réussi qu’à avoir un prêt de $170,000 et la continuation de l’envoi secret des fournitures de guerre. 3Voir lettre 902 n. 3. 4Le Fier Rodrigue partira de Yorktown le 14 juin 1780 avec Francy, Deane et Des Epiniers à bord; il arrivera à Royan à l’embouchure de la Gironde le 25 juillet 1780; DP, IV, p. 175. 866. De Sedaine1 [5 octobre 1779] Je suis, mon cher Collegue, depuis un mois en Sollogne, jhabite un chateau ou on n’apprend les nouvelles que par le Courier de l’europe, et les pieces qu’on donnera que par le journal de Paris, et 8 jours apres toute la France; je n’ai lû qu’hier ce qui vous regarde dans le premier de ces journaux votre article2 m’a touché aux larmes, et je vous en fais mon tres sincere compliment. Qu’auroit dit votre respectable Mr du Vernei?3 S’il avoit lû cet article, combien il se seroit applaudi de vous avoir choisy pour amy. Si j’étois Le Comte De la Blache4 je saisirois cet instant pour vous feliciter et vous demander pardon de tous mes torts, mais il est, je crois, aussi loin de le faire que votre amy de ressusciter. Cette affaire qui ne peut augmenter mon estime pour vous ne peut qu’accroitre votre considération, faites la servir je vous prie a l’accomplissement de notre entreprise,5 mais je vous l’ai toujours dit ils nous echapperont, ils gouvernent le vent, nous les battrons, ou pour mieux dire, vous les batterés, —vous les desemparerés et ils se retireront chez eux pour recommencer, il CORRESPONDANCE 295 vous sera plus aisé de battre les ennemis de l’etat que ceux de la litterature. Adieu, mon cher Collegue, portez vous bien, buvez frais et soyez bien persuadé que quelque chose qui vous arrive mes tendres et respectueux sentimens ne peuvent augmenter pour vous./. Bien mes respects a votre compagne6 et mes complimens a votre ami, mon cher confrere7 Ce 5e Octobre, 1779 . 1Michel-Jean Sedaine (1719-1797) auteur dramatique et collaborateur de Beaumarchais à la fondation de la Société des Auteurs Dramatiques; voir les tomes II, III et IV. 2Voir lettre 861 n. 1. 3Pâris-Duverney; voir tome I, lettre 22 n. 1. 4Voir tome I, lettres 189 n. 2, 194 n. 1, 202 n. 1, etc. 5La fondation de la Société des Auteurs Dramatiques. 6Thérèse de Willermawlaz; voir tome IV, lettre 636 n. 8. 7Gudin de la Brenellerie; voir tome II, lettre 224 note 1. 867. De Francy Paris Caron de Beaumarchais Wmbg le 6 8bre 1779 Apres avoir été privé pendant quinze mois de vos nouvelles j’ay enfin reçu dans le courant d’aoust dernier le duplicata de votre lettre du 5 mars 1 qui m’a ette envoyé de Philadelphie par MR Holker; je m’etois tellement accoutumé à l’idée flateuse de vous voir arriver dans ce pays ci pour remplacer MR Gerard, votre silence m’avoit tellement confirmé dans cette opinion que j’ai etté desespéré en me voyant frustré dans mon attente: votre presence eut été bien nésesaire ici pour vos interets & sur tout pour ceux de la france, mais notre monde ne resemble pas à celui de Candide, on n’y fait pas tout pour le mieux privé donc pour un 296 CARON DE BEAUMARCHAIS terme plus long du plaisir inexprimable de vous entretenir de vive voix, il faut que j’y suplée par ecrit, mais que cela est different! mille choses échappent dans une lettre, il est impossible dans des affaires aussi importantes que celles que je fais pour vous dont les moindres details doivent vous intéresser, que je puisse vous satisfaire sur tout, d’autant moins que je n’ose pas toujours dire tout ce que je voudrois; jamais je n’ai autant déssiré que je le fais aujourdhui de pouvoir causer avec vous pendant quelques heures; en atendant cette douce jouissance, je vais répondre en detail à trois de vos lettres que j’ay reçues succesivement depuis un mois la 1re du 5 mars la 2de du 3 avril2 & la 3me des 8 & 22 may3 dattée de Bordeaux; depuis le 17 may 1778 je n’ai pas un mot de vous4 jusqu’au 5 mars 1779 vous vous référez dans votre lettre sous cette derniere date à vos précédantes, si elles ne sont pas à bord du fier Rodrigue et quelles contiennent quelques instructions intéressantes je vous prie de m’en faire passer copie ne les ayant jamais reçues. vous allés sans doute etre bien etonné d’aprendre que vos batiments ne sont pas encore arrivés, vous avez été bien mal conseillé lorsque vous aves pris le parti de les atacher au convoy, c’est une expedition qui ne peut manquer de mal tourner pour tous les interresés; ou du moins ils seront privés par ce retard de tout l’avantage qu’ils pouvaient s’en prometre. vous aurez apris depuis long tems qu’a son arrive a la martinique, le CapE Montaut reçut ordre de MR Le Ct.e Destaing de le suivre, je ne puis mempecher de croire que si ce CapE eut eû réellement à cour les interets de ses armateurs il aurait pû éviter une pareille corvée,5 MR Le Cte D’Estaing est trop juste et il est trop votre ami pour avoir voulu vous ruiner mais lambition de votre CapE le fit tres aisement ceder aux ordres quil reçut;6 il en a été la 1eRe victime, vous savez sans doute qu’il a glorieusement sucombé dans le combat et votre batiment a considérablement souffert; ce neut été qu’un petit mal si ce vaisseau revenant à la martinique y eut chargé les marchandises qu’il avoit debarquées en allant à la Grenade eut completté sa cargaison du produit des isles & fut venu à sa destination avec les autres batiments sous son convoy; mais après langagement MR le Cte D’Estaing se rendit à bord il promit des croix de St Louis, des brevets d’officier du Roy, des CORRESPONDANCE 297 gratifications &a & je crois que le nouveau CapE n’a jamais eu la force de faire la moindre représentation depuis de peur de déplaire ce n’est qu’un soupçon de ma part; vous aprofondirez aisément quelque jour s’il est bien fondé; dans tous les cas vos interêts se trouvent sacrifiés ou à un abus d’autorité insoutenable, ou à une ambition bien répréhensible. après la prise de la grenade & le combat naval, le Ct.e revint à la martinique, mais il y resta si peu de tems que vos vaisseaux furent obligés d’en partir dans le plus grand désordre sans prendre leur cargaison & sans avoir dispossé des provisions qu’ils avoient aportées de france pour vendre, ils firent voillé avec toute la flotte pour le Cap, où il y avoit tout à espérer que la corvée finirait, & en conséquence MR De Casse chargé de la vente de quelques objets prit un magazin pour disposser des marchs qu’il avoit ordre de vendre aux isles, mais l’ordre vint d’être prèt à faire voille sous 4 jours, & les batimens repartirent avec le Cte; tout restant au Cap dans le plus grand desordre aussi à ce que l’on ma assuré; il partirent de ce dernier port le 16 aoust, ils débouquerent le 22 & jusquà ce jour je n’en ai pas entendu parler; seulement le plus petit de tous le bonhomme Richard d’environ 60 à 70 tonneaux, ayant perdu le convoy pendant la nuit du 22 au 23 d’aout est arrivé à York le 15 7bre sur son lest & 20 boucauds de rum; le CapE m’a dit n’avoir pas eû le tems de prendre son chargement & que vos autres batiments sont dans le meme cas; le Conte D’Estaing, ajoute t’il, s’est chargé de tous les evennemens mais certainement il est impossible de vous indemniser de la perte que vous faites, malgre le chagrin que j’ay de vous anoncer d’aussi mauvaises nouvelles, j’ay profité de la premiere occasion pour vous faire part de la manière dont vous ettes traitté, afin que vous solicitiez de bonne heure l’indemnité qui vous est due7 elle est presque inapréciable car outre les retards des expéditions & ce qu’a soufert le vaisseau dans le combat ausi bien que dans un voyage qui durera probablement un an, vous avez perdu l’occasion de faire la plus belle croisiere possible, mon projet etoit au cas que ces batimens fussent arrivés sur la fin de juillet de les faire décharger le plus promptement possible & d’envoyer le fier Rodrigue & 2 autres batiments en station devant new York il n’y avoit pas alors sur 298 CARON DE BEAUMARCHAIS toute la côte un batiment ennemy de la meme force et il auroit pris tout ce qu’il auroit vû; deux frégates ameriquaines ont fait plus de 20 prisses tres riches dans le même tems, comme il n’y aurait pas eu le moindre risque à courrir j’aurais pris cela sur moi, bien persuadé quil n’en auroit pu résulter qu’un tres grand avantage qu’il m’eut été agreable alors de vous ramener mois meme une flotte entierre chargée de riches productions, j’etais presqu’assuré du succès le plus brillant & je ne soufrirai jamais autant que je fais depuis 2 mois & demy de voir manquer une aussi belle occasion de réparer toutes vos pertes & tous les retards qu’on vous a fait éprouver, deux millions, non deux millions ne seraient pas une indemnité suffisante; j’ay confié tous mes regrèts & toutes mes plaintes à MR Gerard à ce sujet il sera sans doute arrivé avant que cette lettre ne vous parvienne, voyés le il m’a comblé d’honêtettés dans les derniers moments de son sejour dans ce pays ci; & il m’a honoré de beaucoup de confiance je le crois tres ataché à vos interets certainement il vous donnera de bons conseils, il est porteur d’une lettre pour vous écrite de Philadelphie au moment de mon départ.8 je vous envoye ci joint la notte des pieces renfermées dans le pacquet dont il a bien voulu se charger; je remis aussi le même jour un pacquet à MR Vitry son sécrétaire9 contenant des copies de mes lettres depuis le 10 novbRe 1778 jusqu’au 27 avril 1779. je ne vous envoye pas des duplicatas des lettres que je vous ay ecrit alors parceque je compte beaucoup sur l’arrivée de MR Gerard & sur la promesse que lui & son sécrétaire m’ont faite de ne remetre les paquets qu’ils ont qu’à vous même, j’espere que celui ci vous parviendra ausi tres surement je le remet à MR Smith agent de la Virginie qui va en france & en Holande pour y etablir des correspondances & essayer d’y faire un emprunt, il m’a paru très empressé de faire votre connoissance & je prens la liberté de vous le recommander. c’est un très aimable homme de qui j’ay reçu beaucoup de politesses dans ce pays ci, je vous serai infiniment obligé de vouloir bien m’aquiter; il pourra même vous donner des notions tres utilles rélativement au commerce de cet etat & a ses ressources. il est bon négotiant lui même surtout pour la partie des tabacs; je vous invite à causer avec lui; il est parent du sénateur de ce nom10 CORRESPONDANCE 299 dont je vous ai fait passer la lettre sous le NO 9 dans le pacquet que vous porte Mr Gerard. ce sénateur est sans exception l’ami le plus zélé pour vos interet & le plus constant que vous ayez eû dans ce pays ci vous trouverez cy joint les troisiemes des 56 de change dont MR Gerard vous a remis les secondes pour la somme de 2.832.000£... savoir 2.400.000 à compte de ce qui vous est dû payable dans 3 ans & 432,000£ payable anuellement, vous serez convaincu quil m’étoit imposible de faire mieux lorsque vous saurez de quel nature étoient les difficultés que j’ay eû à surmonter, je vous remetrai en outre par les batimens que j’attens envirron 1500 boucauds de tabac à compte de ce qui vous est dû par les etat unis, savoir 500 ou 550 à bord du batiment qu’on me donne le choix & 1000 envirron sur vos propres batiments sous la déduction du fait qu’on ne veut me payer qu’au 1 3 pour les deux autres tiers; c’est une nouvelle injustice contre laquelle il n’y a peut être pas de remède car on ne demanderoit probablement pas mieux que je fisse des difficultées sur les conditions de frèt à fin de ne me rien donner mais je prendrai toujours, après quoy il est probable que j’aurai à traiter avec des gens qui ne seront pas si injustes; vous avez bien raison de dire que de tous cottés vous n’avez essuyé que de l’ingratitude & des horreurs de la part de l’amérique, je commence cepandant à esperer qu’a lavenir vous aurez lieu d’etre plus contant de ce pays ci. je vais maintenant répondre à vos trois lettres. Je dois commencer par vous témoigner toute ma recconnoisance des démarches que vous avez pris la peine de faire pour m’obtenir un brevet de CapE d’infanterie,11 le plaisir que m’a fait cette nouvelle a eû pour principale cause la manière infiniment obligte avec laquelle vous avez solicité cette comission pour moi, au moment auquel je m’y attendois le moins; je vous étais deja si entierement ataché avant ce moment là que ce service ne peut augmenter en moi ce sentiment; toutes mes facultés vous etoient absolument devouée, je ne puis y ajouter militairement que l’offre de mon bras, disposés en dans tous les tems, je vous assure qu’il n’y a rien que je ne me sente tres dispossé à faire pour vous donner toutes les preuves possibles de 300 CARON DE BEAUMARCHAIS latachement inviolable que j’aurai toute ma vie pour vous, j’espère vous en bien convaincre quelque jour. J’ai lu avec bien de l’emotion tout ce que vous me dites au sujet du Sr Chevallie, cet homme vous a fait un tort irréparable & je suis bien afligé pour vous qu’il ait eû le dessus dans l’arbitrage mais oubliez le à jamais, peut êttre serai je assez heureux pour réparrer une partie de la perte qu’il vous a fait essuyer; vous avez vû par le contract du dit SR avec l’état de la Virginie que vos marchS etoient payables par 2.000 boucauds de tabac & la balance en papier monnoye portant interet & 6 p% par an; l’impossibilité de faire des retours, le haut prix auquel le tabac montat tout de suite apres l’arrivée du fier Rodrigue (prix que je n’aurais pas pû payer sans courrir les risques d’une perte certaine sur les retours de cette cargaison). les risques considérables qu’il y a à courir soit des incursions des ennemis, ou de mille autres accidents en ayant une quantitté considérable de cette production en magazin, toutes ces raisons m’empêcherent de vous achetter du tabac avec la balance qui vous étoit due & par levênement j’ay on ne peut mieux fait. au mois de mai dernier les anglois firent une incursion dans laquelle ils detruisirent plusieurs magazins à tabac & c’était précisément à l’endroit ou se seroit trouvé les votres si j’en avois eu d’achettés, vous n’avez heureusement rien perdu dans tout le pillage qu’ils ont fait, parcequ’ayant toujours evité comme je vous l’ai dit dans mes précédantes de repondre aux injunctions réiterées qu’on me fit peu de tems après le départ du vaisseau de prendre livraison de vos tabacs, je vous ay sauvé une perte considérable. environ 6 à 700 boucauds de ceux qu’on me destinoit alors ont étté pris ou détruit dans la derniere invasion. à mon retour ici de philadelphie on s’est beaucoup plaint de ce que j’avais laissé ces tabac [sic] aux risques de letat, veu que le contrat stipuloit qu’on prendroit livraison du tout sous 60 jours; mais j’ai crié le plus haut, j’ay fait les plaintes les plus amères sur l’injustice qu’on avoit eu de vouloir me payer avec des tabacs pourris & j’ay donné cela pour raisson de mon refus de prendre livraison lorsque l’injunction m’en fut faite: ainsi leur injustice a tourné contre eux dans cette occasion ci j’ay ensuite demandé que des ordres fussent donnés pour que tout ce qui me restoit dû fut réinspecté CORRESPONDANCE 301 & pezé & qu’on reprit le tabac pourri qu’on m’avoit livré l’année passée & j’ay encore obtenu ce point infiniment important; mais je ne les tiens pas encore quite, je prépare dans ce moment ci un mémoire pour l’assemblée générale à fin de pouvoir revenir sur le marché fait par Chevallie: ou obtenir du moins une indemnité pour le discrédit du papier, je rappelle toutes les difficultés & les injustices qui me furent faites alors, je prouve qu’on profitât de linexperiance & de la betisse du SR Chevallié pour obtenir les marchS à moitié de leur valeur, je fais voir qu’au moment de la vente vous ne pouviez que perdre & courrir les risques d’être en débour[s] de vos avances plusieurs année[s]. j’observe que l’etat a joui du bon prix de vos marchs & du benefice quelle vous auroit données puis qu’une très grande partie de cette cargaison fut revendue par l’agent au double du prix qu’on avoit payé qu’en un mot tous les avantages ont été de leur cotté, que tous les risques sont du votre, & que vous perdries immensement s’il[s] vous payaient aujourd’hui la meme somme nominale que celle que je laissai au trésor l’année derniere; je fais voir que puisqu’ils ont eû la jouissance de cet argent il est juste qu’ils en suportent le 4 discrédit qui est de 5 de la valeur de l’année derniere. vous perdriez au moins 70 p% sur cet objet là si je nobtenais pas l’indemnité que je solicite, ce que cependant la loi autorise l’etat à me refusser; on vous doit 532,678 piastres ou dollars on vous doit en outre linteret pour 15 mois qui est de 40.400 environ; mais avec une somme ausi considérable en apparence je ne vous remetrai presque rien si je l’employais en achat de tabac vous en pourrez juger vous meme en calculant le tabac a 67 piastres le quintal prix courant avec aparence d’augmentation, si je n’obtenais pas l’indemnité que je solicite, il n’y auroit d’autres moyens pour vous de vous sauver d’une perte immense dans cette affaire qu’en laissent ce qui vous est dû avec les intérêts dans le trésor de la virginie le papier apréciera à coup sur. du moins il ne peut pas être plus discrédité & désormais vous ne pourrez que gagner à attendre, ce que je demande dans mon mémoire est 1 qu’on me livre du tabac à 13 dollars 3 prix courrant lors du contrat & qu’on m’en livre à mesure que j’en aurai besoin: je n’ose me flatter de réusir parceque j’ay affaire à des gens qui non[t] aucune notion de générosité, heureusement je n’ay pas besoin de 302 CARON DE BEAUMARCHAIS toucher à ces fonds pour expédier vos batiments, j’ay de quoy charger la 1r.e divission & si la seconde que vous m’annonciés dans votre lettre du 22 may arrive après la 1re du produit des marchands de cette 1re j’acheterai du tabac pour charger la seconde; si toutefois ces batiments m’aportent des cargaisons ce dont je doute d’aprés l’arrivée du bon homme richard avec vingt boucaud de rum n’y aurait t’il pas moyen de négotier en france du papier de la Virginie, c’est l’etat le plus riche de l’union & à la paix son papier sera très bon je ne vous parle de cela qu’au cas que vous fussiez pressé pour des fonds & que vous trouviez quelqu’un qui voulut accepter des traittes sur le trésorier de l’etat de la Virginie, pour nantissement ou pour payement; vous avez le droit de tirer pour la somme ci desus car cest en votre nom que jay fait faire le reçu au gourverneur lors de larreté des comptes. si vous avies quelque projet de devenir un puisant terrier dans ce pays ci, on dispose actuellement des terres sur l’ohio il y a environs 50.000.000 dacres à vendre elles coutent dans ce moment ci 167 dollars les 100 acres. cela n’est certainement pas cher veû la dépréciation actuelle du papier. mais ce ne serait pas les acquereurs qui pouraient en jouir il n’est pas impossible qu’on pense à defricher ces terres avant que la population ait au moins triplé; tout le monde néanmoins achette parceque cest une richesse réelle, si vous avies quelque envie d’en avoir il seroit toujours tems; comme cela ne me paroit pas avantageux pour ceux qui n’ont aucun projet de migration je ne prendrai pas sur moi de rien acheter pr v/ct.e Les marchandisses qu j’avois retirées des mains de lagent de l’etat le jour de mon arrivé a Wmbg & qui etoient les reserves faites par Chevallie au moment de sa vente generale, furent envoyés par moi à Richmond & a Baltimore comme je vous le marquais avant mon depart de Wmburg pr Philade au mois 8bre 1778. je ne suis pas etonné que le SR Chevallié ait pretendu quelle ne seraient pas mieux vendues que celles dont il avoit dispossé puisque si je fusse arrivé un jour plus tard, l’etat avait ces réserves au même prix que le reste de la cargaison, elles étaient déjà livrées mais il n’y avoit point d’écrit passé & je men emparai. après le départ du batiment, je les expediai pour deux differens endroits parceque tout se vendait mal à Wmbg depuis le CORRESPONDANCE 303 marché du SR Chevallié & je quittai la Virginie pour aller suivre vos affaires auprès du congrès; comme j’atendais le fier Rodrigue au plus tard en janvier, je pressai beaucoup ceux que je chargeai de la vente de ces marchandisses de s’en déffaire le plus tot possible ce qui a étté cause qu’elles n’ont pas à beaucoup près rendu ce qu’elles auraient fait si j’avais pû soupçonner que lhyver se fut passé sans que j’en euse reçu d’autres, je me serais bien gardé de presser la vente de ces objets, qui à la fin de lhyver aurait produit le prix qu’on avoit voulu: tout etant devenu exesivement rare néanmoins quoy qu’elles fussent vendues peu de tems apres le depart du batiment dans un tems ou plusieurs autres cargaisons furent donnés à tres bas prix en conséquence du marché fait par Chevallier elles ont produit environ le double de celui auquel chevalié me les avoit passé. malgré que ces réserves fussent les articles de plus mauvaise défaite dans toute la cargaisson comme je vous l’ai observé alieurs; je vous enverrai le compte de vente par le retour de vos batiments; jugez d’après cela si au moment de larrivée de votre vaisseau dans un tems où tout manquait, il n’eut pas été très aisé de doubler au moins le produit de la vente faite. rien ne peut excuser le SR Chevallie & je suis etonné que les arbitres lui ayent aloué sa commission; il gagnera le plus à coup sur dans cette opération. j’espère au moins que vous n’aurez pas été condamné à la payer de suite & quil ne la touchera que sur les retour à mesure quils arriveront; les revolutions que se sont faites ici dans le commerce tant dans les prix des marchandisses que des produtions ont étté si subites & si peu attendues lhyver dernier, qu’il ne ma pas étté possible demployer à achetter du tabac. le produit des réseves à mesure qu’elles se vendoient de 80. sheling cette production étoit tout à coup montée à 140/ sans aucune espece de raison & sans que les marchands importées ayent augmenté en proportion; tout le monde était d’avis pour lors que cela ne pouvoit durrer & en conséquence je me determinai à attendre que le prix fut diminué avant d’achetter; mais en janvier le Congrès voulant rétablir le crédit de leur papier, employa un moyen qui produisit leffet contraire & depuis ce moment tout a été boulverssé, il fut resolu que le tiers à peu pres du papier alors en circulation nauroit pas cours pendant six mois au bout dequel terme il serait remboursé; 304 CARON DE BEAUMARCHAIS cette résolution allarma tout le peuple, cela lui fit apercevoir le peu de solidité de ce papier, puisquil dependait de quelques individus d’en arrêter le cour & de ce moment, la confiance fut perdue, ce qui restoit en circulation tomba dans le plus grand discredit. il a fallu en conséquence en fabriquer de nouveau & en bien plus grande quantité qu’on avoit coutume pour subvenir aux besoins de l’armée & aux dépences publiques & en un instant toutes les marchandisses & toutes les production ont doublé & trîple avec la plus etonnante rapidité; je vous ai fait part dans toutes mes lettres des revolutions succesives qui sont arrivées dans la valeur de ce papier, jespere enfin que ce discrédit est arrêté, il etoit bien tems, on commencait a donner 25 Dollars en papier pr un en argent & il y avoit des gens qui demandoit 30 pr un. enfin le peuple s’est aperçu que c’etoit lui meme quil trompait en décréditant ce papier, que le jour qu’il n’auroit aucune valeur il se trouveroit ruiné & on a commencé à prendre des mesures pour arrêter ce mal qui est presque sans remede; malheureusement vos marchands étoient à peu près toutes vendues lorsque cette révolution a commencé & largent ne se trouvait pas employé pour les raisons ci dessus et parceque j’etais fort eloigné des personnnes qui avaient vendu. ainsi le produit me reste dans ce moment ci entre mains; comme le desordre actuelle ne peut pas durer long tems, jatendrai pour en faire des retours. d’aillieurs il me faudra beaucoup dargent pour payer ces dépenses de relache que feront les batiments que j’attens, et j’emploirai celui là; il est toujours très heureux que j’aye retiré ces marchands des mains de l’agent de la virginie j’aurais eté sans cela obligé de prendre des fonds au tressor, qu’on maurait compté au meme taux où largent était lorsqu’il y fut mis au lieu qu’actuellemt je puis vous expedier tous vos batiments & subvenir à toutes les depences que cela pourra m’occasioner sans demander un sol à l’etat. dans ma lettre que vous a porté le fier Rodrigue je vous prévenais que je prendrais pour mon compte au plus haut prix auquel les objets dont j’avais à disposser se vendoient alors à Wmburg quelques articles des reserves. les fonds que j’avais alors en caisse à moi me permetoient de faire cet achat & je suis persuadé que vous ne trouverez pas mauvais que je fasse ici telles affaires qui pourront me laisser du benefice sans nuire en CORRESPONDANCE 305 rien à vos interets que je ne négligerai certainement jamais pour les miens; dans les deux envois succesifs que je fis l’année passée à Richmond & à Baltimore j’avais pris à mes risques le tiers de ces réserves, mais comme vous ne me repondez pas à l’article de ma lettre où je vous en prévenais, je ne déterminerais rien que je n’aye reçu mes pacquets qui sont à bord du fier Rodrigue: si je ne trouve pas la réponse directe à ma demande je vous remetrai alors le compte de vente telle qu’elle a été faite par les gens auxquels je l’avois remise & vous maccorderes ce que vous jugeres a propos desus; certainement l’intérêt ne me guidera jamais en rien lorsquil s’agira de vous servir. si javais été bien ambitieux il n’a dependu que de moi de gagner beaucoup d’argent depuis que je suis dans le continant & je pouvais le faire d’une mannière tres surres mais ce commerce auroit pris la majeure partie de mon tems, & je vous lavois tout dévoué; jay cepandant pris plusieurs petits intérêts dans des corsaire & dans quelques spéculations qui mauroit assés bien rendu si le discrédit du papier netait pas si considerable & sans la derniere invassion des anglais; j’avais un intèrêt dans deux petits batiments qu’ils brulerent & dans une partie de sucre quil détruissirent, cette perte a presque englouti tous les bénéfices que javais faits sur dautres affaires. j’ay en outre essuiyé depuis peu une autre perte tres considerable; une malle contenant tout mon linge quelqu’onque m’a étté vollée dans ma chambre à coucher pendant la nuit & sans quelques chemises que j’avois données au blanchissage je serais obligé de tout emprunter, car il est imposible m’en pourvoir ici. tous mes bas, muchoirs, cols, cravates, caisse à bonnet, draps de lit, & une partie de mes serviettes étoient dans cette malle je n’aurais pas aujourdhuy pour 15 mille dollars ce qu’elle contenait; j’etais bien assuré lorsque je vous fis passer copie de ce contrat que vous ne le rectifieriez pas, & depuis très longtems je l’ai positivemt déclaré au Congrès. j’ai même dit dans mon mémoire que s’il arrivoit des batiments expédiés en conséquence de ce contract je m’en emparerais & vendrais les cargaisons pour votre compte, au prix courant parceque le congrès n’ayant pas rempli ses engagements, vous ne deviez pas être plus long tems dupe de votre zêle & de votre bonne fois. j’avais vivement senti les conditions injurieuse qui furent insérées dans ce contract & je 306 CARON DE BEAUMARCHAIS m’y étais longtems opposé comme je vous le marquai dans le tems, mais desirant avoir au moins un titre pour servir de baze à mes réclamations, je signai sachant bien que cela ne vous engagerait à rien si l’agence de passy ne vous accordait pas la commission & le bénéfice que vous aviez le droit d’exiger; dès que j’aurai reçu les pacquets qui sont pour le congrès, jentamerai une nouvelle négociation sur le plan que vous me tracez; je desirerais bien que cette raison et la queue que laisseront certainement apres eux les batiments que jatens, ne m’empechassent pas d’aller vous rendre une petite visite cet hyver après bien de circonstances rapprochées & bien de réfléxxion je crois qu’il serait infiniment important pour vos affaires que je vous entretinsse quelques instants: il y a beaucoup de chosses que le plus grand détaill ne vous rendroit pas ausi clair qu’un moment de conversation; que ce projet de ma part ne vous alarme pas, je ne lexecuterais qu’au cas que je le puisse sans que vos interets en souffrent! Je vous ay ecrit depuis long tems la manière dont jay fini avec le Sr Galvan. il m’a remis la même somme de papier qu’il avoit reçue il y a deux ans. jay été oblige de la prendre de peur de tout perdre; ces Galvan freres n’ayant rien qu’une tres grande disposition à manger beaucoup d’argent; il vous reste votre recours contre l’etat de caroline. depuis plus de six mois j’ay ecrit au gouverneur Rutledge à ce sujet, linvasion des anglais l’a tellement ocupé qu’il n’a pû jusqu’a ce moment faire ceque je lui demande je lui ai ecrit deux fois depuis mon mémoire envoyé à l’assemblée j’en ay parlé au moins 20 fois à Lestargette & je nay encore aucune reponce satisfaisante; Lestargette me marque qu’il presse beaucoup une desition mais on ne va pas si vite en affaires dans ce pays ci, tous les Délégués de la caroline à qui jay parlé à ce sujet m’ont tous dit quils espéraient que le conseille ou l’assemblée vous rendrait justice: mais dans tous les cas ce seront de fonds acrochés jusqu’a que le crédit de l’argent soit rétabli Jay reçu une lettre de MR Bellon12 du mois d’avril dernier dans laquelle il m’anonce que vous ne lui avez pas répondu sur la demande qu’il vous a faitte plusieurs fois de la somme de 4601£ pour le montant de laquelle il menvoya des marchs sur le Cte de CORRESPONDANCE 307 Sabran; comme ce digne homme là m’a fait cette avance sans que je la lui aye demandée j’ay été bien affligé d’aprendre qu’il n’etoit pas rembourcé. je sens parfaitement bien que vû tous les retards que vous eprouvez vous avez besoin de tous vos fonds pour faire face a vos engagemens, mais partie du produit de mes 12 milliers de tabac emportés sur le fier Rodrigue, auroit pu servir à payer cette dete. si elle nest pas encore acquittée au moment ou vous recevrez cette lettre ci ne laissez pas je vous en suplie attendre plus longtems cet honnête homme qui s’est prêté avec tant de bonne grace à mobliger. je lui ecrit par cette occassion qu’il sera payé incessament avec les interets Jay apris avec le plus grand plaisir la victoire que vous avez remportée sur les fermiers generaux.13 cela va rendre les retours que je vous ferai dune bien plus grande importance, le tabac se vendra non seullement beaucoup mieux mais ausitot que l’on voudra. dans les lettres que vous porte Mr Gerard, je vous préviens que Mr Giroud ne resteroit probablement pas auprès de moi mais jay trouvé à mon arrivée en Virginie que tous les raports qu’on mavait fait à son sujet etoient ou faux ou beaucoup enflés. il m’a parût être bien disposé à me seconder en tout ce qui dépendoit de lui & quil desiroit rester près de moi. comme il est tres ataché à vos interet & quil m’a été envoyé par vous, j’ay été bien charmé de ne me pas trouver dans la nécessité de me séparer de lui, il est plein de bonnes qualités & je dessire sinsairement me l’atacher; sa situation quil croyoit précaire l’avoit un peu allarmé il ne savoit sur quoy compter & l’idée de s’être déplacé sans un avantage réel ne lui ofrait que des réfléxxion désagréables je crois aujourdhui qu’il est convaincu que je ferai pour lui tout ce qui sera en mon pouvoir & cela joint à lenvoye que vous lui faittes de ses apointemts en marchands lui rendra probablement sa tranquilité. par contre ce jeune homme de Marseille Mr Latil14 dont je vous ai dit tant de bien dans toutes mes lettres n’est plus chez moi, il s’y est comporté de manière à me forcer à m’en separer; j’en ai été infiniment content pendant quelques mois, mais à peine il a cru avoir obtenu toute ma confiance quil a pris un ton insoutenable, jay patianté 3 mois & à la fin je l’ai prie de me quitter apres lavoir fait, il m’a prouvé par sa conduite que 308 CARON DE BEAUMARCHAIS j’etois fort heureux de m’être débarrasé dun pareille sujet, il a en un mot payé de la plus parfaitte ingratitude tous les services les plus essentiels, mais je me sers dans ce moment de vos leçons pour me consoler d’avoir fait un ingrat. vous verres par ma lettre du 27 avril15 emportée par le capE Green16 & dont MR Vitry vous remetra copie que depuis longtems jay fait au Congres la menace que vous vous proposies d’executer au mois de may dernier cest a dire de saisir tous les vaisseaux amériquains qui ariveroient non seullemt dans nos ports mais dans les differents ports d’Europe; j’en parlai à Mr Gerard avant de donner ma lettre au Congrès & il m’aprouva, vous aurez vû par cette lettre du 27 avril que si vous n’avez pas reçu les tabacs a bord de la bergere ça a été par une supercherie du commitée de comerce dans laquelle le congrès navoit aucune part, j’en portai mes plaintes les plus amères au moment que jen fus instruit outre les 56 troisiemes de change incluses vous trouverez dans ce paquet la lettre davis pr le Dr frank. & les deux resolvets du Congrés à ce sujet il faut que le Dr ait ces resolvets ainsi remetez lui les copies ci jointes si vous avez reçu celles renfermées dans mon pacquet du 23 Juin; je vous en enverrai dautres copies à mesure que je vous ferai passer les traittes. vous trouveres aussi ci joint copie de la lettre qui vous fut écrite par le Congrès en janvier dernier, enfin une lettre de MR Carmikaël contenant la 3me dune traitte de 200 L S sur MR Bancroft. il ecrit à ce DR de régler avec vous pr linteret & pour quelques petittes avances quil a faite en outre pour vous pr un pilote; cela ce balancera a peu pres & vos 200 LS vous rentreront net Mr Deane est encore à Philadelphie il m’ecrivit il y a quelques jours quil se determinoit à repasser en france & il me demanda un passage sur le fier Rodrigue, il me marqua en meme tems quil vous comuniqueroit, lorsqu’il seroit près de vous un moyen infaillible de vous faire payer, il n’a pu mêtre d’aucune utilité dans tout ce que j’ay fait avec le congrès; ceux des membres qui sont attachés à vos interets pour la plus part ne l’aiment pas & il mont toujours conseillé d’apuier vos pretantions sur vos services seullemt que si le Congres ni ajoutait pas foi. on pourait interoger MR Deane, mais que je servirais mal vos interets de les amalgamer aux siens. cepandant avant quil ne parte du CORRESPONDANCE 309 continant je lui ferai donner une déclaration dans laquelle je le prierai de donner son avis sur la commission qui vous est due et sur l’objet des assurances, je ferai beaucoup mieux valoir cette piece à près quil sera parti que je n’aurois pu faire pandant qu’il etoit ici, on l’a tellement calomnié pandant son séjour à Philadelphie, il a été si souvant question de lui au congrès pendant 15 mois, le parti qui lui étoit oposé était si fort qu’un certificat de lui ou tel autre titre n’aurait pû que nuire à vos prétentions mais dans quelques mois j’aurai affaire à des nouveaux membres & alors un titre de sa main me sera très utille Mes precedantes lettres vous ont apris que Desepinier avoit rejoint le Baron pr faire une 3m.e campagne; la voila finie & il vient de mecrire qu’il veut vous aller voir, je lai invité à se rendre en Virginie pour y prendre son passage sur vos batiments & si je ne puis pas laccompagner je le chargerai de mes pacquets pour vous. Jecris un mot a Mme W. pour la remercier du cadeau charmant quelle m’a envoyé17 ce pays ci ne produit rien que je puise lui envoyer en retour d’une pareille galanterie Jecris a MR De Monthieu de qui je nai reçu encore qu’une seule fois de nouvelles depuis que je suis dans le continant j’ay sans doute des lettres de lui abord de vos Batiments puisquil paroit que cest sous son nom que tout est expedié. voulez vous bien lui remetre lincluse notre amy MR Gudin etait avec vous à Bordeaux & il ne m’a pas ec[r]it un mot il me devoit cepandant deux ou 3 reponces. jaugmenterais aujourdhui sa dette si je netais pas trop pressé pour fermer mon pacquet assurez le bien je vous prie de mon amitié Mes respect[s] a Mdes vos soeurs & mille complimt a Mrs Cantiny le Veigneur, Durand & tous ceux de votre societé que je connais je vous remer[c]ie de lenvoye que vous me faittes de quelques marchs pour m/cte j’espere que vous m’aures repondu à la demande que j’ay eu lhonneur de vous faire relativement a un port permis pr faire passer succesivement en france les fonds que je puis avoir dans ce pays ci. plus j’y demeure et plus je desire de n’y avoir rien qui m’y atache 310 CARON DE BEAUMARCHAIS vos canons ne sont pas encore vendus, on n’a pas voulu jusqu’en ce moment les aprecier à leur valeur. je traite cet article dans mon mémoire à l’assemble que je présenterai sous peu de jours, si lon ne veut pas m’en donner le prix qu’ils valent je m’adreserais à d’autres etats de l’union pr les vendre. j’ay quelqu’esperance que je n’aurai pas cette peine là car la majeure parti des gens avec qui j’ai à traiter me paraissent on ne peut pas mieux disposés à ecouter mes demandes favorablement; les autres articles qui avaient été debarqués du fier Rodrigue comme [ ? ] Barriques à l’eau sont en tres grande partie vendues je vous remetrais ausi ce compte par vos batiments Je tacherai de relever l’erreur des couvertures, mais je n’espere pas d’y réusir, les balots dans lesquels il s’en trouvaient de plus ont étté delivrés à l’agent de l’etat qui les à envoyés à ce qu’il dit sans les ouvrir au camp, & comme tous les fournisseurs ne tienent à coup sur pas de compte exact de ce qu’il[s] reçoivent sur tout lorsqu’un balot contient plus quil n’anonce il sera peutêtre imposible de revenir ladesus, il est bien malheureux que le balot où était le déficit soit précisément celui qu’avoit reservé Chevalié je ferai ce qui dépendra de moi pour faire payer ce deficit à l’etat Je vous ay prévenu depuis long tems que Mr Moris votre fournisseur de Drap avoit probablement mieux fait ses affaires que les votres, si c’etoit lui qui avoit fait faire les ballots de Drap chargé sur le fier Rodrigue. jay eu la preuve que cette opération na pas ete faite régulièrement; les balots de réserve ne contenoient presque que des coupons ce qui anonce des restes de magazin & dans le meme balot sous une seule denomination pour la qualité, il s’en est trouvé de trois différentes: il y a ausi quelques diférances sur les aunages, mais peu de chosse, vous voye[z] qu’en general ceux qui ont prétendu vous servir se sont beaucoup occupés deux mêmes Je vous ai souvant parlé de mr Decarabasse vous ne me répondez pas un mot à son sujet; on ma dit des chosses tres défavorables sur son compte mais je n’ajouterai jamais foi à des propos lor[s]qu’il[s] ne seront pas àpuies par des preuves. je lui ai ecrit plusieurs fois il ne ma pas encore répondu; un de ses amis qui a passé dans ce pays ci m’a dit quil étoit tres embarassé CORRESPONDANCE 311 d’une partie de marchands qu’il n’a pas encore pû expedier pour le continant, & qui consiste principalement en toilles à voilles grémens ancres &a je n’ay aucun objet de cette nature porté sur les factures que vous m’avez remis & cepandant ces articles étaient sur la térèze; étaient til[s] embarqués pour votre compte? je suis un peu etonné que Mr Carabasse se plaigne de ne pas avoir eu des occassions d’expédier ces marchandises, lorsqu’il a envoye la thérèse à Charlestown sur un lest de sel pr s/ct.e jespère que vous aurez donné des ordres à vos vaisseaux qui ont touché au Cap de recevoir de lui ce qui peut lui rester entre mains Mr de Lépine devenu CapE en second de votre fier Rodrigue est arrivé ici depuis 8 a 10 jours croyant y rejoindre le batiment. vous trouverez ci inclus une lettre de lui18 Mr Holker retira lui meme a Philadelphie de mon pacquet celui de Mr Gerard que vous maviez adresse sous envelloppe. je nay pas seut si ce paquet avoit trait à vos affaires Suitte a la lettre ci desus Je ne consois rien a la conduite du vieux DR on m’avoit assuré quil avoit reconu tous ses torts vis a vis vous & que tout alloit de concert entre vous & Mr de Chaum19 & de Mont.20 je ment [sic] etais rejoui avec MR Holker ami de ce 1er qui desiroit beaucoup ainsi que moi que vous unissiez vos intérêts pour ce commerce ci. Je vous envoye ma lettre de Mr Monthieu sous cachet volan afin que vous i lisiez ce que je lui dis au sujet des fusil quil vous a vendu pour lexpedition de Galvan. il vous doit en bonne consciance un dedomagement considérable sur cet objet j’avois promis à Mr le Mis de Lafayette de lui ecrire & de lui envoyer le papier de nouvelles ce que vous me dites sur ses projets de repasser en Amérique 21 m’empêchent de le faire par cette occasion ci; s’il n’est pas parti je vous prie de lassurer de mon respect & de lui dire que Messrs Crip22 & moy ont remis à la personne que j’ay chargé de regler son compte avec eux environs 8000 Ds pour toute ballance je lui ferai passer cette somme dès que jen aurai une occasion favorable & que je saurai qu’il ne doit pas venir ici; je vous envoye inclus une lettre a Mr Jay sur les finansses qui vous interessera, vous y verres à quoy se monte la dette nationale & combien il serait aisé à ces gens ci de rendre le credit à leur papiers sils en avoient la volonté 312 CARON DE BEAUMARCHAIS D’York 16 8bRe Mr Jay vient d’etre nommé ministre plenipotentiaire pour la cour d’Espagne et Mr Lee est enfin congedié, on a pris la peine de le rapeler Mr Gerard part enfin satisfait, l’arrivée du Ct.e D’Estaing sur ses cotés la retenu plus long tems qu’il ne l’avoit projetté et peutetre cete lettre ci vous parviendra t’elle avant celle dont Mr Gerard est porteur; elle nest point emporté par MR Smith comme je lesperais il ne sest pas arrange avec letat, et il a renonce a l’agence MR Sarran francais fort honnété qui a vecû dans ce pays ci plusieurs annés et qui part a linstant veu[t] bien san charger & vous la remetra lui même s’il va à Paris, je vous serai bien obligé de le bien recevoir il vous dira des nouvelles du jour; je dois à MR Gerard quelques bagatelles que javois retire pour lui du bord d’un batiment arrivé dépuis peu il m’a ecri de les prendre pour mon compte et de lui en faire toucher le montant en france je vous prie de vous en entendre avec ce sont 30 toquét à l’alliance et six paires bas de soye noirs Etat des piéces renfermées dans le present Pacquet NO 1. ma letre du 6 & 16 8bre 2. ma lettre particuliere pour vous seul 3. 56 lettres de change montant ensemble £2832 milles livres 4. resolvet du congres du 5 juin [le 5 manque] 6. lettre davis au Docteur franklin relativement aux lettres de changes ci dessus 7. lettre du Congres a Monsieur De Beaumarchais 8. 1 lettre de Mr Carmikael contena[n]t une d’avis pour le docteur Bancroft et sa troisieme de change sur le docteur pour la somme de £200 LSt 9 9. 1 lettre de Galvan 10. lettre circulaire du congres a leur constituent 11. etat des pieces renfermes dans le pacquet emporte par Mr Gerard CORRESPONDANCE 313 12. lettre de Mr De Lépine a vous Mr 13. lettre pour Madame De Villers 14. lettre a monsieur de Montieu Cette lettre est bourrée de fautes mais nous ne les avons pas corrigées. 1Lettre 783. 2Lettre 792. 3Lettres 805 et 806. 4Nous en avons au moins une du 6 décembre 1778; tome IV, lettre 719. 5Ce n’est pas tout à fait vrai; voir lettre 826 de Montaut où il écrit “qu’il fallait obéir.” 6C’était peut-être l’ambition de l’amiral d’Estaing et non celle de l’infortuné Montaut; Henry Lee, dans ses Memoirs of the War in the Southern Department . . . , écrit: “No man was more obedient to the calls of duty connected with the prospect of increasing his personal fame than . . . the French admiral” (p. 36). Une lettre citée par la Correspondance secrète (tome VII, pp. 313-18) semble vérifier ce trait. On y lit: “Par vanité M. d’Estaing veut être à tout, & n’est capable de rien” (p. 316). 7Beaumarchais se débattra jusqu’en 1786 pour se faire rembourser. 8Voir lettre 817. 9Voir lettre 818. 10Meriwether Smith; voir lettre 790. 11Voir lettre 783 n. 19. 12Voir tome IV, lettre 697 n. 1. 13Voir lettres 770 et 780. 14Voir lettres 817 n. 12 et 746 n. 29. 15Voir lettre 803. 16Voir lettres 803 et 817. 17Voir lettres 792 et 793. 18Voir lettre 825. 19Leray de Chaumont; voir tome II, lettre 396 n. 3. 20Montieu. 21Voir lettre 806 n. 6. 22John Cripps (1754-1811) commerçant de Charleston était l’agent chargé de la vente des marchandises que le marquis a fait venir en Amérique sur La Victoire; voir tome IV, lettre 697 n. 2, p. 214 et Idzerda, II, p. 45 n. 4. 314 CARON DE BEAUMARCHAIS 868. A Dorat Paris, le 9 8re 1779 J’aprens de vos nouvelles avec plaisir, mon ami. Quelqu’un ma dit hier que vous etiés au lit et j’attendais aujourdui Gudin pour le prier d’aller de ma part, et pour lui, savoir ce qui en etait; etant fort incommodé moi meme. J’ai vu la 1ere représentation de Roséide 1 et n’ai pu la voir depuis. J’y ai trouvé, comme tout le monde, les détails les plus heureux; beaucoup de vers a faire epoque. J’ai trouvé le caractére de l’intrigant bien fait et bien pézé: mais c’est ce que tout le monde n’a pas vu. Pas assés de mouvement; votre homme disserte plus qu’il n’agit; voila le vrai mal. car s’il faisait ce qu’il dit au lieu de dire ce qu’il fait; la pièce aurait un mérite extrême. L’avare, mon ami, ne dit point je suis un avare; mais il est forcé par la conduite de la piece et par son caractère a des actions qui le décélent; Il m’a semblé aussi que vous défaisiés un peu brusquement de votre héros. Du reste je ne suis pas comme les auteurs qui, tout en vous complimentant, sont désolés de vos succès. Je dis que personne ne peut aussi bien que vous dialoguer une comédie, et que le jour que vous aurés le bonheur de saisir un plan vigoureux pour la marche vous serés sans conteste a la teste du catalogue des bons écrivains du siècle. Je ne puis vous remettre aujourd’hui que vingt cinq louis. Je vous donnerai les tres le jour que vous viendrés recevoir et mes complimens sincères de votre beau talent et les assurances inviolables de mon estime et de mon amitié. ://:Beaumarchais. Cy joint les vingt-cinq louis; et gardés ce papier pour la bonne regle de l’argent recu. 315 CORRESPONDANCE En relisant votre lettre je vois que vous me dites que vous enverrés votre laquais a midi. apparemment que ce porteur n’est pas sur, j’attendrai votre laquais. Mr Dorat. 1Roséide ou l’Intrigant avait d’abord comme titre Le Tartuffe littéraire. On lit dans la Correspondance secrète: “La pièce a eu peu de succès. On croiroit que M. Dorat a gagé de faire des comédies sans comique, sans intrigue & sans situation . . . ” (tome VIII, p. 366). Ceci à une époque où son auteur souffrait déjà assez; voir lettres 784, 785, 795, 800 et 816. 869. A Andrew Farquharson [9 octobre 1779] Suite de la lettre à M. Farquhasson1 ecrite par M. de Beaumarchais2 J’ai reçu votre détail sur la Grenade; et je vous en remercie. Lorsque mes vaisseaux que j’attends seront rentrés je verrai si je puis faire usage de cette ouverture. Je vois avec plaisir la fin du marché Ruston.3 J’ecris à M. Letellier de vous faire passer promptement les details des conditions de notre acquisition pour etre inserés dans le contrat de vente. Non celles qui tiennent aux payemens mais celles dont il a raisonné avec vous à Londres ou à Birmingham tant sur l’obtention et la jouissance des Boutiques que l’acquisition du graveur que des choses qui tiennent aux presses à lisser. Comme nous traitons de Bonne foi, et qu’on dit les vendeurs tres honnetes gens il ne sera pas difficile de s’entendre sur tous ces objets que M. Letellier ne fera que vous remettre sous les yeux. 316 CARON DE BEAUMARCHAIS Conclués toujours définitivement, et pressés la fonte en train, nous l’attendons pour donner le prospectus. Je vous salue et n’ai jamais douté de votre honneteté. Ce mot renferme tout. 1Voir lettre 846 n. 5. la première partie de la lettre qui est omise ici on parle de l’achat de la fonderie de Baskerville. 3Selon trois reçus qui se trouvent à IMV (AB, III, 15a-c) le contrat a été signé le 11 décembre 1779; Beaumarchais a payé £3700 (sterling) pour tout ce qu’il a acheté à Mme Baskerville (BHVP, MS 1312, f. 70); pour Ruston voir lettre 846 n. 4. 2Dans 870. A Le Tellier [9 octobre 1779] Suite de la lettre à M. Letellier par M. de Beaumarchais. 1 L’affaire du lotto me repugne a toute sorte de titres. 2 Par principe je suis l’ennemi connu de ce genre de vexations qui n’est selon moi qu’un vilain impot mal assis sur les miserables et la pepiniere des prisons et des hopitaux. Dailleurs quand je n’aurais pas cette repugnance, par les details que j’ai vûs le produit de celui-ci n’equivaut pas à la perte du tems et aux frais de son etablissement, mais pouvés faire dire, ou dire vous meme a M. Le Prince de Nasseau3 que je suis chef de l’entreprise de librairie, vous serés sûr de trouver des facilités à l’obtention de votre local. Je suis meme en relation de politesse avec la princesse qui m’a ecrit qu’elle desirait fort me connaitre personnellement. L’affaire des poinçoins comme vous voyés est enfin finie, au reçu de cette lettre vous ne fairés pas mal ecrire vous meme a M. de Farquhasson une instruction bien faite des choses de detail que vous desirés que renferme le contrat d’achat, tant pour les fonderies actuelles, que pour l’acquisition du graveur, que la CORRESPONDANCE 317 jouissance des Boutiques, suivant ceque vous avés esperé vous meme lorsque vous avés eté à Birmingham. J’ai bien examiné les qualités de vos papiers, comme beaux papiers, je ne les trouve pas tels que l’habitude de les voir vous les fait paraitre ceque vous m’avés imprimé, n’est pas beau, pas blanc, peut-étre le lissage des papiers Baskerville y ajoutet-il cette perfection à l’oeil, où nous prétendons. Mais je tremble que nous n’en soyons bien loin encore, et je vais toujours répétant ma phrase parasite: je ne me consolerais pas d’offrir du mediocre; je ne puis le supporter en rien: mais en ceci beaucoup moins qu’en tout le reste. Je vous salue. 1Dans la première partie de la lettre qui est omise ici on parle de l’achat de la fonderie de Baskerville. 2Pour attirer des souscripteurs Beaumarchais, contre son propre gré, a institué une loterie qu’il explique dans le Prospectus. Voici la réaction des éditeurs des Mémoires secrets du 31 janvier 1781: “La souscription entière sera de 5,000 exemplaires pour les deux éditions: savoir, 4,000 de l’in-8O et 1,000 de l’in-4O ce qui doit rendre plus de deux millions, dont plus de la moitié gain. C’est sur ce million de bénéfice que, pour exciter la cupidité des joueurs autant que la curiosité des gens de lettres, le sieur de Beaumarchais a imaginé de consacrer 200,000 liv. employées en une loterie au profit des souscripteurs. De-là un détail très verbeux, intitulé Motifs & Plan de la répartition des 200,000 liv. Nous n’entreprendrons point d’expliquer cette loterie, où les plus habiles calculateurs ne comprennent rien; il faut attendre que son inventeur le sieur de Beaumarchais, fournisse les explications qu’on lui demandera” (citée dans Morton, “Prospectus,” p. 142). Les explications de Beaumarchais paraîtront dans une lettre au Journal de Paris, du 14 février 1781. 3Voir lettre 823. 318 CARON DE BEAUMARCHAIS 871. Au commodore Gillon1 Paris ce lundi 11 8re 1779. Monsieur Je profite du premier moment ou le retour de ma santé me permet de m’occuper d’affaires pour répondre a la lettre dont vous m’avés honnoré en datte du 21 7r.e dernier, Dans laquelle vous me demandés, au nom de l’etat de la caroline méridionale, le remboursement de vingt caisses d’indigo que lhonorable Mr Roger Smith a chargé sur mon vaisseau la thérèze à ma consignation au nom du dit etat et dans laquelle aussi vous vous plaignés de la modicité de la vente de ces vingt caisses d’indigo faite par mon correspondant de Nantes. Ne voulant rien laisser de louche ou d’equivoque sur un point ou je suis interpellé aussi gravement; j’ai lhonneur de vous répondre; a vous, Monsieur, dont j’honnore la personne et le mérite, que je reçois votre lettre comme une confirmation authentique de ce que je savais déja que ces vingt caisses d’indigo appartenaient a l’etat de la caroline méridionale. Je me serais fait scrupule en tout autre cas de retenir le prix d’une denrée qui eut appartenu a vous Monsieur ou a tout autre particulier. Mais l’etat de la caroline méridionale a recu de moi en 1777 par les mains de Mr Le President Rutledge une cargaison militaire considérable qui fut transportée d’Europe sur mon navire le hardi, capitaine Varage a la tres pressante priere qui m’en avait été faite au nom de cet etat par Mr Galvan de Lerié.2 Laquelle cargaison ne m’est pas encore payée en entier et sur laquelle Mr Galvan de Lérié m’ecrit que malgré tous les soins et les sollicitations qu’il fait en commun avec Mr De franci mon fondé de pouvoirs en amérique pour que L’etat de la caroline me fasse justice, il a bien peur que je ne perde deux cent mille francs sur ma cargaison recue et employée au service de cet etat.3 CORRESPONDANCE 319 Ce déni de justice et de fin de payement me parait si etrange de la part d’un etat que j’ai servi avec zèle et désintéressement aussitôt qu’on m’en a prié de sa part en france, d’un etat qui fait partie de la république américaine pour laquelle depuis quatre ans j’ai engagé toute ma fortune et celle de mes amis, ce déni de justice dis je m’a paru si etrange que j’ai pris le parti de ne pas croire un mot de tout ce qu’on me mande a ce sujet et que j’ai donné mes ordres à mon fondé de pouvoirs en amérique d’éclaircir absolument ce fait et m’en rendre compte au plutot En attendant, Monsieur sans rien refuser, ni rien retenir injustement a personne je vous offre une reconnaissance dans la forme la plus autentique que j’ai touché la valeur de ces vingt caisses d’indigo appartenantes a l’etat de la caroline méridionale a compte sur ce que cet etat me doit du restant a payer de la cargaison du hardi capitaine Varage livrée a Mr Le Président de Rutledge pour letat de la caroline en 1777 sauf à remettre la dite valeur aussitôt que je serai instruit que cet etat m’aura fait justice en amérique. Quant au bas prix auquel vous supposés que cet indigo a eté vendu. Mr Pelletier Dudoyer mon correspondant a Nantes et reconnu pour l’un des plus loyaux négotians du Royaume a pris lors de cette vente assés de précautions publiques pour que l’on soit tranquile sur lhonneteté de sa vente et je vais lui ecrire a l’instant pourqu’il m’en fasse le détail que je vous ferai parvenir aussitot Je crois avoir répondu cathégoriquement aux deux articles de votre lettre. Pour ce qui regarde votre personne Monsieur et les egards qui vous sont dus, si vous voulés me faire lhonneur d’accepter a diner demain mardi chéz moi, je tacherai de vous convaincre et du desir que j’ai de vous connaitre plus particulièrement et de la tres haute considération avec laquelle j’ai lhonneur d’etre Monsieur Votre 320 CARON DE BEAUMARCHAIS Nous dinons a 3 heures pour la commodité des paresseux et des personnes tres occupées le matin Mr Gillon 1Alexander Gillon (1741-1794) d’origine hollandaise était commerçant en Caroline du sud. Le 16 février 1778 il est nommé commodore dans la marine de cet état et est autorisé à vendre des produits et à emprunter de l’argent à l’étranger; on l’a délégué pour aller en Europe obtenir trois frégates et il y est arrivé en janvier 1779; voir DAB et PBF, XXVII, p. 47 n. 8. 2Voir tome IV, lettre 693 (pp. 156-57) et lettre 723. 3En 1782 Beaumarchais enverra Levaigneur (qui remplace Francy) en Amérique avec une longue lettre justifiant ce qu’il a fait pour l’état et réclamant ce qui lui est dû. 871bis. A Panckoucke [18 octobre 1779] L. aut. sig. Il insiste pour que l’on rende compte, dans le Mercure de France,1 du nouvel ouvrage que vient de publier Marat sur la lumière.2 “Je ne vous parle pas de l’intérêt que je prens moi-même à M. Marat, parce que cela n’ajoute rien au mérite de ses découvertes; mais il me semble que quel que soit l’opinion qui restera de ses expériences, l’affaire du journaliste est, selon moi, d’offrir à la curiosité publique tous les objets nouveaux sur les sciences, sauf à en discuter le plus ou moins d’importance…” iC’est sans doute Découvertes de M. Marat . . . sur le feu, l’électricité et la lumière, constatées par une suite d’expériences nouvelles, qui viennent d’être vérifiées par MM. les Commissaires de l’Académie des sciences. A Paris, de l’imprimerie de Clouisier, rue Saint-Jacques, M.DCC.LXXIX. CORRESPONDANCE 2A-t-il 321 été publié? 872. A Swinton [28 octobre 1779] Extrait d’une lettre de Mr De Beaumarchais à M. Swinton datée de Paris le 28 Octe 1779 S’il est en son (Mr de Morande) pouvoir de filer le tems avec ses creanciers de façon que 3 lettres de £100 stg ensemble, de trois mois en trois mois, la premiere à la fin de l’année la 2de en fin de mars, l’autre en fin de juin ce qui sera £100 pour chacun puissT le tirer d’affaire, je ferai pour lui cet effort & à ce titre seulement je vous prie de lui donner votre propre papier en tirant sur moi pr les epoques où vous aurez à remplir chacun de ses trois engagements, vous tirerez de lui reconnoissance de ce pret comme etant fait par vous meme non que mon intention soit d’en faire aucun usage pr l’acquit de ces engagements &c. 322 CARON DE BEAUMARCHAIS 873. Au Lord Shelburne Paris 31. 8bRe 1779. Mylord Les choses obligeantes dont votre excellence m’a honoré dans sa derniere lettre,1 et les offres généreuses qui les accompagnaient de concourir à la publicité des Oeuvres complettes de notre grand Voltaire, m’enhardissent à vous prier, Mylord, de vouloir bien accueillir et entendre M. Letellier porteur de cette lettre, et chargé par toute notre societé de l’exécution typographique de cette entreprise litteraire. Il aura l’honneur de vous expliquer à cet égard ce qu’il serait trop long de coucher par écrit. Nous prenons la liberté de mettre et sa personne et notre ouvrage, sous votre protection en Angleterre. Aussitot qu’une reconciliation sincere entre les deux couronnes (ce que je desire plus qu’aucun français) m’aura rendu la route de Londres aussi facile, qu’elle m’a toujours eté agréable, mon premier devoir, en arrivant chez une nation que j’honore aime et respecte sera de vous aller assurer de la très respectueuse reconnaissance avec laquelle Je suis De votre Excelence Mylord Le très humble et très obeisssant serviteur ./. ://: Caron De Beaumarchais On dit icy que M. Gibbon est l’auteur du Mémoire justificatif de la Cour de ST James. 2 J’ai de la peine à le croire. Ce Memoire m’a semblé tortillé, diffus. Je voudrais qu’en affaire aussi grave, on marchat plus simplement. Il me semble que l’éloquence des orateurs nationaux, n’a pas besoin pour intérèsser, de tout ce CORRESPONDANCE 323 guirlandage de la Réthorique du college, et je ne puis m’empêcher de sourire à la vue d’un ecrivain qui, prenant l’europe éclairée pour juge; süe et se tourmente à sophistiquer sur des faits que le moindre lecteur connait aussi bien que luy. C’est le défaut de presque tous les faiseurs de manifestes. Gloria in excelsis deo. Et in terra pax hominibus bona voluntatis ./. S. E. Mylord Shelburn 1On n’a pu trouver cette lettre. Shelburne a apparemment répondu favorablement à la demande de Beaumarchais (lettre 822); celui-ci a dépêché Le Tellier et exprime ici sa satisfaction. 2Le 6 février 1778 la France a reconnu les Etats-Unis d’Amérique en signant avec les insurgents un traité de commerce. En juin les hostilités entre la France et l’Angleterre ont commencé. En 1779 on a publié en France l’Exposé des motifs de la conduite du Roi, relativement à l’Angleterre [par Vergennes (voir Morton et Spinelli, Bibliography, p. 193)] où l’auteur veut montrer que c’est l’Angleterre qui est responsable de la guerre actuelle. Le Cabinet de Saint-James choisit l’historien Edward Gibbon pour y répondre. Dans son Mémoire justificatif pour servir de réponse à l’Exposé de la Cour de France (voir Morton et Spinelli, Bibliography, p. 193), il défend son pays et reproche à la France d’avoir soutenu les Américains avant même d’avoir signé le traité. Gibbon consacre plusieurs pages à attaquer Beaumarchais et ce qu’il a fait pour les Américains en leur envoyant ses vaisseaux et leurs cargaisons. Selon les Mémoires secrets (XIV, p. 310), Beaumarchais voulait même attaquer en diffamation le roi d’Angleterre qui, selon lui, avait inspiré les fausses accusations de Gibbon à son égard. 324 CARON DE BEAUMARCHAIS 874. De Montieu A Brest le 31e 8bre 1779 Me voicy enfin rendu icy depuis hier au soir et je vous assure, Monsieur, que ce n’a pas été sans peine car les chemins sont tres rompus et les chevaux exténués. Je vais terminer le plus promptement possible les affaires qui m’ont apellé icy pour me rendre de la a Nantes et ensuite a Bordeaux. J’emmenerai M. Garnault avec moy dans l’un et l’autre endroit parceque il m’aidera a Nantes pour la formation et l’expedition des comptes que je vous dois pour nos divers armements de Compte a demy dont j’adresserai a M. Cantini les duplicata et a Bordeaux pour y attendre l’arrivée de nos navires,1 en faire nous meme le desarmement et le réarmement et dresser en meme tems un procês verbal signé de tous les officiers du fier Roderigue pour constater les pertes, avaries, et delabrement occasionnés par le combat, le retard que cela a occasionné dans notre expédition, les pertes qui s’en sont ensuivies &ca pour vous envoyer le tout étant bien certain que vous scaurés en faire un meilleur usage que moy. Je suis logé chéz Mr.s du Collet et Pimparai Negt.s vis avis l’intendance et j’aurai le tems d’y recevoir de vos nouvelles. Je les recevrai avec autant de plaisir que d’empressement. Point de nouvelles icy éssentielles a vous donner. La flotte combinée est toujours en rade, les espagnols tant officiers que matelots vivent dans la meilleure intelligence et l’epidemie dont l’eloignement avoit grossi l’objet est aujourdhuy presqu’eteinte. Je vous embrasse, Monsieur, du meilleur de mon coeur./. Montieu Mes hommages, je vous prie, a Mme Villers et mille compliments a M. Cantini. On dit que M. de la touche2 va venir commander icy et que M. de treville va commander a Rocheffort. CORRESPONDANCE 325 1Le Fier Roderigue et les autres vaisseaux partiront de Yorktown le 14 juin 1780 et n’arriveront que le 25 juillet à l’embouchure de la Gironde près de Royan; voir DP, IV, p. 175. 2Louis-Charles Levassor, marquis de Latouche (1710-1781) était intendant à Rochefort depuis juillet 1775 (voir tome IV, lettre 654 n. 2 et PBF, xxviii, p. 144 n. 3); le comte de La Touche de Tréville devint intendant à Rochefort en 1781 (PBF, xxvii, p. 77 n. 6); Arnauld de la Porte (1737-1792) était intendant à Brest depuis 1776 (PBF, xxvii, p. 238 n. 8). En août-septembre le comte d’Orvilliers devait mener un assaut contre l’Angleterre mais, disait-on, La Porte n’a pas fourni les provisions nécessaires. C’était peut-être pour cette raison qu’on voulait le remplacer; voir Patterson, 228. 875. De Joseph-Mathias Gérard de Rayneval1 A Versailles le 3 9bRe1779 Le ministre m’a autorisé, Monsieur, à vous demander des notions précises sur l’époque et les circonstances de larmement de vos deux vX l’amphitrite et l’hipopotame ou fier Rodrigue vous n’ignorez certainement pas ce que les anglais disent de ces deux vX dans leur prétendu mémoire justificatif.2 Je profite avec bien de lempressement de cette occasion, Monsieur, pour vous prier d’agréer les assurances du tres parfait attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre tres humble et tres obéissant serviteur Gerard de Rayneval Mr de Beaumarchais 1Joseph-Mathias Gérard de Rayneval (1736-1812), frère de ConradAlexandre Gérard de Rayneval premier plénipotentiaire de France en Amérique, a remplacé son frère comme premier commis au Ministère des Affaires Etrangères. 2Voir lettre 873 n. 2 326 CARON DE BEAUMARCHAIS 876. De Joseph-Mathias Gérard de Rayneval A Versailles le 8 9bre 1779 J’ai mis sous les yeux de M le Ct.e de Vergennes, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de mécrire.1 Ce ministre recevra avec plaisir les observations que vous voulez bien rédiger sur l’expédition de L’Amphitrite et du fier Rodrigue: mais il craint que votre santé ne vous permette pas de vous occuper de cet objet aussi promptement qu’il desireroit. J’ai l’honneur d’être avec un tres parfait attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Gerard de Rayneval M. De Beaumarchais 1On n’a pu trouver cette lettre. 877. Au comte de Vergennes Mr Le comte De Vergennes 11 9bre 1779. Monsieur Le Comte Si vous n’etes pas bien indulgent, vous serés bien mécontent de mon travail1 non de son exactitude, il ny a rien a désirer sur ce point: mais de son peu d’energie. Je lui ai donné la forme de la plainte parce que le rapprochement de tous ces faits avérés démontre que l’administration a mieux aimé pour le bien de la paix complaire aux anglais dans leurs criailleries que de protéger les français dans leurs entreprises. Et c’est cequil faut prouver. CORRESPONDANCE 327 Les recherches qu’il m’a falu faire ont renouvellé la terrible amertume de mes souvenirs mais rien n’est plus propre au moins que ce travail à repousser les malhonnestes attaques du vicomte de Stormont. Si vous le permettiés, monsieur Le comte, a ma convalescence je ferais en ma qualité de négotiant cité, un article pour le courrier de l’europe ou j’opposerais les procedés de langleterre aux notres dans les tems dont on parle et si cela etait sans conséquence de la part d’un homme privé cela ne serait peut etre pas sans force sous la plume d’un homme piqué. Pour aujourdui j’ai forcé nature et dans letat d’accablement ou je suis c’est tout ceque j’ai pu faire que de vous donner de mon lit cette faible preuve du desir ardent que j’ai de vous complaire. Je prens la liberté de joindre ici un court mémoire sur une affaire que Mr Amelot2 rapportera pour moi au conseil des dépêches samedi au soir. Mr de Maurepas a bien voulu la prendre sous sa protection. comme c’est un acte de justice je ne crains pas de la mettre aussi sous la votre et par dessus encore la personne de celui qui sera toujours avec la plus respectueuse reconnaissance Monsieur le comte, Votre tres humble et tres obeissant serviteur 1Il s’agit probablement de l’ “Exposé fidèle des complaisances de la Cour de France, pour celle d’Angleterre contre les intérèts de son propre commerce” (MAE, CP, Angleterre, tome 524, f. 409-12; Stevens, XXIII, 2008; Donvez A 473). Ce travail semble représenter la base sur laquelle s’est fondé Beaumarchais pour la deuxième partie des Observations sur le Mémoire justificatif de la Cour de Londres; voir Shewmake, pp. xiv-xv. 2Antoine-Jean Amelot de Chaillou a été proposé par son oncle, Maurepas, comme ministre de la maison du Roi pour succéder à Malesherbes; il a pris ses fonctions en mai 1776 et a démissionné en 1783. 328 CARON DE BEAUMARCHAIS 878. Au comte de Maurepas Copie M Le Comte de Maurepas Paris, ce 11 9bRe 1779. Monsieur Le Comte Si je n’ai pas encore assez de force pour sauter du lit et vous aller remercier, il n’y a pas non plus de faiblesse qui puisse m’empêcher de vous parler de ma reconnaissance. On veut me voler 33 m.L. et joignant l’intérêt d’un silence de vingt ans, on double la somme: cela fait 66 m.L. On y ajoute pour 12 m.L. de frais, et me voilà forcé de payer 80 m.L. a des gens qui depuis vingt ans, m’en doivent 46 m. et dont le seul titre est que je les ai laissés tranquilles, par horreur des procès.1 Vous avez entendu mon ami avec bonté. Je demande à consigner et à compter. Je n’ai jamais eu que ce mot. On s’y refuse en m’opposant des arrêts obtenus par défaut dans mes absences, et la forme, la forme; ce terrible patrimoine de la justice sert de couverture à L’iniquité d’une demande atroce.2 Consigner et compter: voilà ma requête; payer comptant si je dois; voila quelle grace je sollicite. Vous m’avez promis vos bontés; j’y compte. Il n’y a jamais de détour en vos paroles. Vous faites le bien sans faste et quand vous le pouvez; c’est ce que j’adore en vous. Si mon pauvre Prince de Conti3 vivait; comme je le ferais rougir de ses injustices à votre égard! Craignez, mon ami, sur toutes choses, me disait-il, de vous attacher à Mr de Maurepas. Comme la passion aveugle les hommes! Il ne se doutait non plus de votre âme douce et gaie que s’il ne vous eût jamais vû. Il m’a empêché pendant deux ans de me présenter devant vous. Et vous, Monsieur Le Comte, quoique vous sussiez très bien que j’étais un de ses plus chers affiliés; vous ne m’avez jamais montré que bonté, Loyauté, douce protection et franche adjuvance. Et moi plus touché que je ne puis le dire, je regrette bien que cet obstiné, cet injuste ennemi n’existe plus; la grande confiance qu’il avait en mon caractère l’eût enfin converti; et le plus CORRESPONDANCE 329 reconnaissant de tous vos serviteurs vous eût certainement ramené ce coeur aveuglé sur votre compte. Pardon, Monsieur Le Comte, j’aime à parler de lui parce qu’il m’avait voué un attachement paternel, et j’aime à en parler devant vous; parce que sans l’avoir mérité, je retrouve sans cesse en vos procédés pour moi tout ce qui lui avait enchainé mes affections. Je prens la liberté de joindre à cette lettre un court mémoire instructif sur la requête qui sera rapportée samedi par Mr Amelot au conseil des dépêches. Je viens d’envoyer à M de Vergennes un travail faiblement composé, 4 parceque je suis souffrant; mais au moins propre par la vérité de tous les faits qu’il contient, à repousser victorieusement les insidieux reproches du cabinet de ST James sur nos prétendues perfidies. Ma reconnaissance et mon respect pour vous sont deux sentimens aussi doux à mon coeur qu’ils sont inaltérables./. 1La famille de la première femme de Beaumarchais lui a intenté plusieurs procès (voir tome I, lettre 20 n. 1). Après en avoir perdu un en 1781, “Par souci de justice, écrit le duc de Castries, Beaumarchais, outré, parvint à faire rebondir l’affaire pour la vingt-septième fois: grâce à la protection de Maurepas, une nouvelle requête fut accueillie, et, par un arrêt définitif, la Cour se déjugea en faveur de Beaumarchais. Alors que les Aubertin réclamaient 33 000 livres, doublées des intérêts depuis 1756, plus 12 livres de frais, soit un total de 78 000 livres . . . ils furent déboutés et condamnés à payer à Beaumarchais 40 000 livres pour ses reprises plus 1 000 écus de dommage et intérêts” (Figaro, p. 353). C’est sans doute ce dont parle Beaumarchais dans cette lettre deux ans avant ce dernier jugement. Voir Morton et Spinelli, Bibliographie, chapitre 7 sur les Aubertin et les écrits de Beaumarchais contre eux. Nous avons aussi trouvé dans une vente aux enchères chez Drouot-Richelieu les 6 et 7 décembre 1995, “Manuscrit, ‘Précis pour le sR de Beaumarchais’ [1779]: 3 pages in-fol.” 330 CARON DE BEAUMARCHAIS 2Nous savons que Beaumarchais a achevé en 1778 la rédaction du Mariage de Figaro dont il se souvient ici de la scène xiii de l’acte III où Figaro déclare à Brid’oison “que la forme est le patrimoine des tribunaux,” et de la scène xiv où Brid’oison répète “La forme, la-a forme!” 3Voir tome II, lettres 232 n. 1, 275 n. 3, 305 n. 1, 306 et 379. 4Voir la lettre précédente n. 1. 879. De M. de Sartine [12 novembre 1779] M. de Sartine a lû avec attention le Précis que Monsieur de Beaumarchais lui a envoyé. Il doit être bien sûr de toute celle qu’il donnera au rapport qui sera fait par Mr Amelot. M. de Sartine désire que la santé de Monsieur de Beaumarchais soit meilleure et il l’exhorte a se tranquiliser./. Ce 12 9bRe 1779 880. Du comte de Vergennes à VerslEs le 16 9bRe 1779 M. Caron de Beaumarchais J’ai reçu, M, la lettre que vous m’avez fait lhonneur de m’ecrire ainsi que le memoire qui y étoit joint, et pour lequel je vous fais mes remerciements. je pense que vous pouvez sans inconvénient publier une refutation des assertions que le mémoire justificatif de la Cour de Londres renferme relativement à vos 331 CORRESPONDANCE expéditions pour l’amérique; mais je serois fort aise de voir votre travail avant que vous le fassiez passer au courrier de l’europe.1 1Ecrit dans la marge: “Sur l’inconvenient à refuter les assertions de l’angr.e contre les expeditions de M. de Beaumarchais pour l’amerique.” Cette phrase et la lettre elle-même semblent donc montrer que ce que Beaumarchais a envoyé le 11 novembre à Vergennes et à Maurepas était l’ “Exposé fidèle . . . ” (voir lettre 877 n. 1) et non ses Observations sur le Mémoire justificatif . . . parce que celles-ci n’étaient pas encore écrites ou finies; voir la lettre 882 où Beaumarchais dit qu’il est toujours en train de préparer son mémoire. En tout cas il ne montre pas l’ouvrage définitif à Vergennes et c’est de là que commencent ses difficultés. 881. Aux maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille Paris ce 20 9bre 1779 Lorsque j’eus l’honneur Messieurs de vous accuser Le 12 aoust la reception de votre lettre du 4 je me proposais de partir assés promptement pour l’Italie et de repasser a mon retour par Marseille, ou je me promettais de vous faire tous mes remerciemens, et de chercher quelque local qui put tenir lieu de celui de ST Jaumes, 1 pour l’emploi auquel je le destinais. Et que la guerre n’a fait que retarder: Ma santé qui a toujours eté tres mauvaise depuis, m’a empeché d’exécuter le plan de tournée que je m’etais fait. Je ne puis pas mesme me flatter vu la trainasserie de ma convalessence, de me mettre en route avant le milieu du mois prochain. En attendant que je le puisse j’ai engagé Mr Le Cte de Maurepas de vouloir bien demander à Mr De La Tour2 que ma stérile jouissance du pensionnat fut prolongée de quelques mois; certain que cette prolongation ne ferait tort a personne et que son refus pourait m’en faire un considérable dans un cas qui peut arriver malgré la guerre. Ce Ministre a eu la bonté de me le 332 CARON DE BEAUMARCHAIS promettre. Je vais, a l’instant ou je commencerai à sortir, m’informer du succès de ma demande tant auprès du Ministre que de Mr de la Tour sil est encore ici ce que j’ignore.3 Et a vous Messieurs par continuation de la Bienveillance dont vous m’avés honnoré je prens la liberté de vous demander votre concours obligeant Je n’en abuserai point et je ne garderai les clefs que jusqu’au tems ou ma santé me permettant de partir je pourai vous aller assurer de toute la reconnaissance avec laquelle j’ai lhonneur d’etre Messieurs Votre tres humble et tres obéissant et devoué serviteur://:Caron de Beaumarchais. J’ai donné des ordres pour que la location fut acquitée et cest Mr Bouillon qui a bien voulu se charger de ce soin.4 Mrs Les maire et echevins consuls assesseurs de Marseille 1Beaumarchais avait loué à la ville de Marseille des locaux pour entreposer les marchandises qu’il comptait recevoir d’Amérique. Son bail ayant expiré et le pensionnat de Saint Jaumes appartenant maintenant aux Oratoriens, Beaumarchais comptait trouver un autre entrepôt. Saint Jaume=Saint Jacques en provençal; Saint James en anglais. 2Président du Parlement d’Aix; voir tome II, lettre 362 et tome IV, lettre 702. 3Voir lettre 888 où l’on accordera la prolongation. 4Au verso: “1779. / Paris Le 20 9bRe / MR Caron de Beaumarchais/ il demande une prolongation du bail du pensionat des jesuites il doit revenir en cette ville/ RepE Le 2 XbRe 1779.” 882. A M. de Sartine A Mr de Sartines Copie Monsieur Paris le 21 9bre 1779 CORRESPONDANCE 333 J’ai l’honneur de vous renvoyer cy joint la lettre et le compte de Mr de Bienosky.1 Je savais bien d’avance qu’il mettait à cela presque la vivacité du ressentiment. Vous jugerez aussi par la lettre qu’il m’a écrite et que je joins à la vôtre, que je l’ai prêché là dessus comme il convenait. Il est à vos pieds maintenant et moi, pour lui permettre d’attendre patiemment le resultat de ses comptes, je lui ai prèté 7 mille 4. et tout ira comme vous pouvez le desirer. S’il vous etait possible, ce dont je doute un peu, de retrouver dans vos cartons, un mémoire que j’eus l’honneur de vous remettre en juin 1777, intitulé: Outrages des Anglais;2 contenant toutes les insultes qu’ils ont faites à nos Navires, avant qu’il fût question de rien entre les deux nations; ce mémoire me serait d’une grande utilité, aujourdhui, que je fais un travail sur la partie du Mémoire Justificatif du Roi D’Angleterre, qui touche à notre commerce. Moi qui ne perds jamais un lambeau de papier, je ne sais comment j’ai égaré la minute de mon ouvrage intitulé: Outrages des Anglais. Vous sentez combien cette comparaison de leurs procedés et des nôtres peut acquérir de force sous ma plume pour prouver qu’ils sont agresseurs. La datte est de juin 1777. J’ai tout renversé chez moi, et le 1er travail à ce sujet que je viens d’envoyer à Mr de Vergennes aurait eu bien plus d’énergie, si ce diable de mémoire ne m’avait pas manqué. La recherche que vous ferez à cet egard est un vrai service que vous me rendrez et dont je ferai à l’instant un usage qui ne pourra qu’être agréable aux Ministres du Roi. Vous connaissez mon très respectueux devoument./. M de Sartines 1Maurice-Auguste Beniowsky (1746-1786), aventurier hongrois, a écrit en français ses “Voyages et mémoires” qui ont été publiés en anglais en 1790. L’édition française date de 1791 [Voyages et mémoires de Maurice-Auguste comte de Benyowsky (rédigés par J.H. de Magellan et publiés par F.-J. Noel). 2 vols. Paris: F. Buisson]. Ces mémoires pleins de fantaisie et d’imagination ont connu un certain succès. Ils ont inspiré, parmi d’autres, Auguste 334 CARON DE BEAUMARCHAIS von Kotzebue à ecrire une pièce Graf von Benyowsky vers 1790 et Alexandre Duval un opéra en 1800, Beniowsky ou les exilés du Kamtschatka musique de Boïeldieu. En 1769 Beniowsky combattit en Russie sous les ordres de Pulaski. Il a été fait prisonnier et envoyé au Kamtschatka. Après s’être échappé il est enfin arrivé en France. Il y devient colonel et va ensuite à Madagascar pour fonder une colonie. Il voyagea plusieurs fois en Amérique et avec l’aide de Franklin et peut-être Beaumarchais il organisa une expédition pour aller de l’Amérique à Madagascar où il mourut. Dans sa Requête à MM. les représentans de la Commune de Paris . . . Beaumarchais mentionne des militaires à qui il a prêté de l’argent et qui ne l’ont jamais remboursé tels que von Steuben, le comte Pulaski, Tronçon du Coudray, le chevalier Preudhomme de Borre, et Beniowsky; voir Saint-Marc Girardin, p. 517 et Tourneux, p. 289. Beniowsky est mort insolvable devant plus de 8424 livres à Beaumarchais (BHVP, MS 1319, f. 17). 2Nous n’avons pu trouver cet ouvrage. 883. Aux comédiens français Mrs Les comédiens français a leur assemblée ce 22 9bre 1779 Messieurs De trois essais de moi que la comedie a bien voulu adopter,1 le plus fortement composé, (celui des deux amis) est resté depuis 8 ans accroché sans jeu ni reprise.2 On croira bientôt que vous voulés punir ce Drame de ses succès sur tous les théatres francais de l’Europe en ne le representant jamais sur le votre. La Reine qui se plait quelquefois a le voir, n’a pu l’obtenir encore que ces comédiens de la ville. On me demande pourquoi vous ne le joués pas; et moi qui n’en sait rien je suis obligé de vous passer la parole. Au reste, il ny a pas d’instant plus favorable que celui ci Messieurs pour tâter le gout de la capitale sur cet ouvrage. La tragédie etant un peu en désordre, attendu ce que vous savés; 3 en CORRESPONDANCE 335 attendant que le ciel y mette la main, ne pourait on pas essayer ce que Paris pensera de la vertu dure et franche du bon aurelly de la vive et noble sensibilité du philosophe Melac?4 Il est bien vrai que cette piece est du genre batard et miserable qu’on cherche a proscrire aujourdhui sous le nom de Drame; mais le vrai public qui ne proscrit que ce qui l’ennuie, n’a pas encore prononcé l’anathême sur ce genre intéressant. Si l’état affreux des finances du royaume sous feu l’abbé Terray,5 d’ecrazante mémoire, et surtout si l’epoque de la banqueroute frauduleuse du janseniste Billard6 empécherent alors les jansénistes du parterre, les mécontens de la Bourse, et les perdans de la banqueroute, de gouter autant qu’on le devait, un intérèt dramatique fondé sur la faillite inopinée dun honeste homme, c’est qu’on simagina que je traduisais le malheur public au théatre, et que j’y jouais l’honeste pénitent de Mr Grizel. Mais une situation opposée ayant amené ces sentimens contraires et le parterre aujourdui paraissant moins porté vers le rigorisme de Jansénius, depuis quil est régenté par des molinistes en soutanelle bleue gallonnée d’argent je crois quon peut essayer de remettre cette pièce a l etude et de lui faire gagner a son tour les honneurs du répertoire. Mr Préville7 pour qui le role d’Aurelly fut fait voudra bien sans doute y deployer de nouveau le plus superbe talent. On dit que Mr Brizard8 a quitté les roles nobles des piéces du siecle pour se resserer absolument dans le haut tragique si cela est il faut gemir de la paralizie qui attaque un grand acteur dans la plus belle moitié de ses succès et plaindre le public et les auteurs de ce quune telle infirmité leur enleve un bon comédien piéce par piece et vient ainsi couper en deux la brillante carriere de Mr Brizard. Dans ce cas malheureux il faudrait prier Mr Vanove9 de remplacer la moitié de Mr Brizard qui ne vit plus dans le role de Melac pere. Il est possible aussi que le role de Melac fils semble un peu jeunet à Mr Molé10 devenu premier tragique. Alors j’engagerais Mr Monvel11 qui n’a pas dédaigné le plus grand succès dans ce role en province a sa derniere tournée de vouloir bien sen promettre un semblable a Paris dans cette reprise. 336 CARON DE BEAUMARCHAIS J’ignore aussi Messieurs a qui appartient le role de St Alban que jouait Mr Belecourt.12 Sil n’obtenait pas non plus ladoption de Mr Molé son successeur naturel Mr Fleuri13 qui joue tres noblement tout cequil joue serait prié de vouloir bien letudier. Pour ma petite Doligny,14 c’est toujours ma Pauline, ma Rosine mon Eugénie, et quoique je sois, dit elle, un vilain monstre qui n’aime point la comédie francaise et mille autres lamentables faussetés du même genre Entre elle et moi, Messieurs, c’est dit. Nous ne formons qu’une famille. Je suis son pere, elle est ma fille et cela va, jusqu’au dédit. Quant a mon pauvre imbécile d’André; son souvenir me rapelle bien tristement celui du charmant comedien, de la douce creature, de l’aimable et honeste garcon de feuilly,15 que j’aimais de coeur et d’esprit, au théatre et dans la société. Comme il y a peu d’apparence que Mr Bourette16 aqui feuilli avait plaisament derobé ce petit role quil aimait disait il parcequil était rondement bete, comme il ny a pas d’apparence dis je que Mr Bourette consente à rentrer dans une possession aussi mesquine que tardive dans le cas de son refus je suis bien certain que mon ami Dazincourt17 ne me refuserait pas ce petit remplissage. Voila tout je crois. Hé bon Dieu! Joubliais le role de Dabins qui fut joué si vous vous le rapelés Messieurs par Mr Pin18 avec une peruque si intolérablement ridicule que le public aheurté crut ne voir qu’un commis d’usurier dans le role sensible d’un tres honèste homme. Je voudrais bien l’offrir a un Monsieur dont le nom ne mest pas connu mais que j’ai vu jouer dans le tragique avec autant de sens que de sensibilité. Pourvu toutefois que l’offre d’un role en prose ne soit pas regardée a la comédie comme une insulte faite a un acteur en vers; car je ne veux blesser personne. J’ai vu ce Monsieur jouer Terramène avec grand plaisir et je ne sais sil ne se nomme pas Dorval ou Dorival.19 Maintenant Messieurs que vous avés entendu ma requète vous mobligerés infiniment si vous daignés la cueillir et me faire la grace de me croire avec toute la consideration possible 337 CORRESPONDANCE Messieurs 1Eugénie, votre Les Deux Amis, Le Barbier de Séville. l’origine, entre le 13 janvier et le 4 mars 1770, la pièce avait été jouée douze fois; elle a été reprise en février 1783 sans succès et n’a eu que deux représentations, le 12 et le 14. 3A cause d’une querelle entre deux tragédiennes, Mme Vestris et Mlle Sainval, il était difficile de jouer une tragédie à la ComédieFrançaise sans attirer le tumulte des partisans de l’une ou de l’autre (voir Correspondance secrète, VIII, pp. 210-15, 229-31, 24546); Beaumarchais croyait par conséquent que le moment était favorable pour essayer un drame. 4Dans l’ “Avertissement” Aurelly est décrit comme “riche négociant de Lyon, homme vif, honnête, franc et naïf” et Mélac comme “receveur général des fermes à Lyon, philosophe sensible.” 5Joseph-Marie Terray (1715-1778) devient contrôleur général des finances de France en 1769; ses opérations ont ruiné plusieurs familles et le scandale de ses moeurs a inspiré du mépris à tout le monde. En devenant roi, Louis XVI l’a exilé et l’a remplacé par Turgot. 6François-Pierre Billard du Monceau, caissier-général des Postes de 1756 à 1769, a été condamné au pilori et au bannissement pour banqueroute frauduleuse. Il était complice de l’abbé Grizel qui, sous le nom de Billard avec lequel il partageait ensuite, se faisait faire des legs considérables par ses pénitentes. 7Voir tome I, lettre 120 n. 3; il a créé le rôle du baron Hartley dans Eugénie, d’Aurelly dans Les Deux Amis, de Figaro dans Le Barbier de Séville, et de Brid’oison dans Le Mariage de Figaro; voir Manne, Voltaire, pp. 135-46. 8Jean-Baptiste Britard, dit Brizard (1721-1791) a créé le rôle de Mélac père. Il a commencé par étudier la peinture mais a montré un goût pour le théâtre. Après avoir joué en province, il a été attiré à Paris par mesdemoiselles Clairon et Dumesnil. C’est Brizard qui a couronné de lauriers le buste de Voltaire en sa présence même; voir Manne, Voltaire, pp. 165-74 et Etienne et Martainville, II, pp. 27-33. 9Charles-Joseph Vanhove (1739-1803) a créé Bazile dans Le Mariage de Figaro, a joué le rôle du baron Hartley dans Eugénie. C’était le beau-père de Talma; voir Manne, Talma, pp. 27-36. 10François-René Molé (1734-1802) était commis dans un bureau mais adorait le théâtre. Dans son bureau il déclamait devant des chaises vides en guise de spectateurs. Encouragé par son patron, il a débuté à la Comédie-Française en 1754 mais n’a pas montré assez 2A 338 CARON DE BEAUMARCHAIS de talent pour être reçu. Il a passé quelque temps en province pour améliorer son art et en 1761 il a été reçu à la Comédie-Française; il a créé le rôle de Mélac fils dans Les Deux Amis et d’Almaviva dans Le Mariage de Figaro et La Mère coupable; il a été élu à l’Académie Française en 1795; voir Manne, Voltaire, pp. 153-65. 11Voir tome II, lettre 308 n. 2; une de ses filles a pris le nom de Mars cadettte et a joué sur la scène française pendant une quarantaine d’années; voir Manne, Voltaire, pp. 241-51. 12Jean-Claude Colleson, dit Bellecour (1725-1778) a créé les rôles de Saint-Alban dans Les Deux Amis, de Clarendon dans Eugénie et d’Almaviva dans Le Barbier de Séville. Il jouait à Bordeaux quand on est venu l’y chercher pour jouer à la Comédie-Française où il a fait ses débuts en 1750. Il s’est vigoureusement opposé aux auteurs dramatiques menés par Beaumarchais qui réclamaient des comédiens un plus large partage des revenus; voir Manne, Voltaire, pp. 119-25. 13Abraham-Joseph Bénard, dit Fleury (1750-1822) a joué Clarendon dans Eugénie en 1778 et Almaviva dans Le Mariage de Figaro en 1802. Son père était directeur des spectacles auprès du Roi Stanislas. Le jeune Fleury a joué à Lyon et à Lille; son premier essai en 1774 à Paris n’a pas eu un grand succès mais il a réussi en 1778. Il a mis en scène Le Barbier de Séville au Trianon; on lui a offert le rôle de Grippe-Soleil pour la première du Mariage de Figaro mais il l’a refusé; voir Fleury, II, pp. 137, 395 et Manne, Voltaire, pp. 315-26. 14Louise-Adélaïde Berton de Maisonneuve, dite Doligny (1746-1823) a créé les trois rôles mentionnés, mais ayant pris sa retraite avant la première du Mariage de Figaro, le rôle de la comtesse Almaviva a été créé par Mlle Sainval cadette; voir lettre 887 n. 3 Mlle Doligny a fait son début à la Comédie-Française en 1763 à l’âge de 17 ans; voir Manne, Voltaire, 185-194. 15Voir tome I, lettre 201 n. 3; il a débuté à la Comédie-Française en 1764; il est mort jeune de la petite vérole. En plus du rôle d’André il a aussi créé celui de Robert dans Eugénie; voir Manne, Voltaire, pp. 215-18. 16Antoine-Claude Bourre, dit Bouret (1732-1783) est resté plusieurs années aux théâtres de la Foire et y a obtenu de vifs succès dans les rôles de niais. Il a été reçu à la Comédie-Française en 1762 et a créé le rôle du notaire dans Le Barbier de Séville; voir Manne, Voltaire, pp. 181-84. 17Joseph-Jean-Baptiste Albouy, dit Dazincourt (1747-1809) a créé le Figaro du Mariage de Figaro. Il était négociant dans les affaires de son père quand sa tante l’a présenté au maréchal de Richelieu dont il devient le secrétaire. Il jouait dans les théâtres de société 339 CORRESPONDANCE et est allé apprendre le métier de comédien à Bruxelles; il a été accepté à la Comédie-Française en 1777. Il donnait des leçons de déclamation à Marie-Antoinette et s’occupait des spectacles à Versailles. C’est lui qui a dirigé Le Barbier de Séville le 19 août 1785 au Trianon où la reine a joué Rosine; voir Jullien, p. 304 et Manne, Talma, pp. 13-26. 18Comédien pensionnaire, il a joué Hircan sans grand succès à la première des Scythes de Voltaire à Paris le 26 mars 1767. On peut lire un compte rendu de la pièce dans La Correspondance littéraire où l’on se moque de lui parce qu’il a oublié son texte. On y ajoute: “[il] joue la comédie pour son plaisir, à ce qu’on dit, car il est riche, mais [il] ne joue pas pour notre plaisir”; il a pris sa retraite en 1771 (Grimm, tome VII, p. 269 et IX, p. 397). 19Louis Dorival (1748-1793) fait ses débuts à la Comédie-Française, le 8 juin 1776 dans le rôle de Polyeucte; voir Grimm, XII, p. 223 n. 4. 884. A Thérèse-Marthe Panckoucke1 Ce 22 novembre 1779. Maintenant, Madame, que je vous entens bien, votre lettre est cent fois plus difficile a répondre que lorsque je n’entendais rien. Car on retrouve une chanson dans un ancien portefeuille, on la donne a copier, on l’envoie, et l’on est quitte. Mais comment voulés vous, Madame, que je trouve une piece entiere a trois personages, avec musique, a 1er, second dessus, alto, basse, corne, haubois, que je n’ai point vue depuis douze ans, que l’on m’a volée et qui, si je la retrouvais, exigerait un travail de copiste pendant douze ou 15 jours? et puis une sçene qui n’a jamais eté ecrite, et qui me forcerait, pour me la rappeler, a me remettre a la harpe que j’ai quittée depuis dix ans? J’aimerais autant qu’on me donnat pour tâche d’aller courir après ma jeunesse et toutes les folies qui l’accompagnerènt. Ma foi, Madame, j’ai bien peur de se (sic) rester en chemin dans ma recherche. Un homme que 340 CARON DE BEAUMARCHAIS j’aime et que j’estime, Mr De Chabanon,2 me fit la mesme demande l’an passé. Je me donnai beaucoup de soins inutiles, et je fus obligé de demander quartier; parce que cette partie si frivole et si agréable de mes anciennes oisivetés a eté mise au pillage pendant les 7 ou 8 années qui ont empoisonné mon âge viril. N’importe, Madame, je recomencerai mes recherches; et si le loisir d’embrasser une harpe me revient jamais, je tacherai de retrouver dans les recoins de mon cerveau musical les traits d’une scene qui ne manquait pas d’effets agréables. Elle etait haute en couleurs, comme nous l’avons dit; mais les jolies femmes la soutenaient fort bien, dans le demi jour d’un salon peu eclairé le soir, apres souper. Elles disaient seulement, que j’etais bien fou. Bon Dieu! combien je suis devenu grave! Il ne me reste de tout cela que le regret de ne l’avoir pas plus present a l’esprit, pour vous satisfaire, et le desir de le retrouver pour vous prouver avec quel plaisir je vous donnerais cette marque de respectueux dévouement et de tous les sentimens avec lesquels ai l’honneur d’etre Madame, Votre tres humble et tres obéissant serviteur, ://: Caron de Beaumarchais. Mr Pankouke m’avait fait dire quil me viendrait voir samedi; je l’ai attendu toute la matinee sans le voir arriver. Serait il incommodé? Je relis ma lettre et j’y vois que je ne vous promèts rien. Mais aussi vous me demandés des choses a peu près impossibles! Pardon Madame, je ferai l’impossible pour arriver à limpossibilité que vous désirés. 1Thérèse-Marthe Panckoucke femme de Charles-Joseph Panckoucke à qui Beaumarchais a acheté les manuscrits de Voltaire. Elle est la fille de Martin Couret de Villeneuve, imprimeur du Roi; la famille est d’origine orléannaise; voir Tucoo-Chala, p. 177. 2Michel-Paul-Guy de Chabanon (1730-1792) auteur tragique médiocre et musicien distingué; son talent de violoniste lui a donné un grand succès dans le monde. Dès 1760 il était membre de l’Académie des Inscriptions et belles lettres et il a été reçu à l’Académie française en 1780. CORRESPONDANCE 341 885. A Monvel 1 Copie MR Monvel. Paris. 24 9bre 1779. Eh! Comment se pourrait-il, Monsieur, qu’aimant passionnement la Comédie, je fusse l’ennemi de ceux qui la jouent si bien! ces choses la ne marchent pas ensemble dans la même tête. Il ne faut pas réfléchir bien profondément pour voir, comme moi, qu’une grande anarchie et beaucoup de vices particuliers, en détruisant bientôt l’émulation des acteurs et des auteurs entraineront bientôt la dégradation et la chute entière du Théatre français. Aussi loin d’avoir travaillé contre l’intérêt de la Comédie, comme on le pense aux Thuilleries, il n’y a qu’un grand amour pour elle qui ait pu depuis trois ans me faire négliger souvent les affaires les plus importantes pour me livrer à l’étude de celle-ci. Je soumettrai avec le plaisir mes travaux et mes vues à 4 hommes sensés de votre Compagnie si je pouvais espérer que dépouillant ainsi que je l’ai fait tout intérêt personnel ils arriveraient chez moi pleins du désir de rémédier au mal qui éxiste et de m’y aider au lieu de nuire à mes travaux. Lorsque j’ai eu l’honneur de les présenter à M le Comte de Maurepas ce Ministre m’a demandé en riant si c’était sérieusement que je m’en occupais.—Si sérieusement, lui ai-je repondu que je mettrais à la tête de mes plus doux succès l’heureux éffort qui tendrait à relever le Théatre la plus brillante partie de notre litterature. Quand à mes Deux Amis je rends graces, MR à la comédie de l’obligeant empressement qu’elle met a répondre à mes demandes. 2 Mais ne croyez pas que ce soit la premr.e fois que j’en parle, il existe à la Comédie deux lettres de moi et j’ai même à diverses assemblées levé cette question qui a toujours été éludée. Il est facheux pour moi que M. Brizard abandonne un rôle dans lequel il fut si fort applaudi malgré les ennemis de la piece 342 CARON DE BEAUMARCHAIS et de l’auteur. Je fis cette piece exprès pour opposer sans se défaire; deux grands acteurs dans les genres où ils sont le mieux vu du public. M. Brizard avait pensé que le pere d’Eugenie était de son emploi. Je renouvellai le caractere d’Hartley dans Aurelly, pour M. Préville et je composai celui de Mélac pere avec tout le soin dont je fus capable pour montrer à M. Brizard la nuance de noblesse et d’élévation qui me paraissait convenir à son talent et à sa belle figure. Si je croyais, qu’en le priant encore de s’en charger, je puisse l’obtenir de sa complaisance, cela n’empecherait pas MR Vanovre de l’étudier pour remplacer M. Brizard quand celui-ci serait fatigué de le jouer. Voyez, MR je vous prie, si la piece peut obtenir cet effort de lui; je suis sur que des applaudissemens multipliés seront la recompense de sa nouvelle étude. Et quoique j’aye badiné sur le courage d’un acteur qui se coupe en deux, je serais sensible à l’éffort de MR Brizard pour réünir en ma faveur les deux parties séparées de ce beau tout. Entre vous et MR Molé l’arrangement du reste. Je ne prononce point: mais si quelque chose arrive... je serai satisfait. Vous m’entendez. Je vous salue, vous honore et vous aime./. Signé Beaumarchais P.S. M. Dazincourt qui sort de chez moi, voulant bien mettre au petit rôle d’André plus d’importance qu’il n’en comporte vient de m’assurer que l’adoption que M. Bourette en fait l’empêche seule d’en solliciter la préférence, en m’ajoutant qu’il en accepte la survivance. On ne peut être a la fois plus modeste et plus obligeant. Je réitere tous mes remerciemens a la Comédie française de la reprise de ma piece et je vous prie spécialement de vous charger de ma reconnaissance ou de mes regrets auprès de MR Brizard. .. /.. /.. /. 1Voir lettre 883 n. 11. Tous les acteurs mentionnés dans cette lettre-ci sont identifiés dans la lettre 883. 2Voir lettre 883. CORRESPONDANCE 343 886. De Monvel [24 novembre 1779] Monsieur, Nous avons reçu votre charmante lettre,1 et l’on me charge de vous répondre que l’on n’épargnera rien pour remplir vos vues; c’est une commission que j’accepte avec autant d’empressement que de joie. La Comédie va remettre à l’étude votre pièce des Deux Amis. Elle désirerait avec ardeur que vous fussiez le sien, et fera tout pour mettre le tort de votre côté, si ses efforts sont infructueux.2 L’espèce d’oubli (oubli local toutefois) où votre ouvrage est resté peut-être est moins sa faute que celle des circonstances. Vous-même (à ce qu’on dit) avez négligé de l’en tirer; on dit que vous n’avez jamais parlé de la reprise de ce drame attendrissant, joué partout avec un succès qui reproche à la capitale et ses jugements précipités, et cet esprit de parti armé souvent contre les productions les plus estimables. S’il se trouve parmi nous, parmi les amateurs du bon genre quelques détracteurs de ce genre intéressant que l’on condamne en pleurant, quelques ennemis de ces pièces si fort dans la nature, si morales, si touchantes, aux représentations desquelles le public maladroit se porte ordinairement en foule, j’espère que la recette apaisera leur bile, désarmera leur colère, et qu’ils pardonneront à l’auteur du Barbier de Séville et d’Eugénie d’avoir le double talent, ce talent si rare, de faire rire et d’arracher des larmes. Tous mes camarades souscrivent de grand coeur à la distribution que vous faites de vos rôles. Molé n’a point encore prononcé sur Mélac fils et sur Saint-Alban. Quoique je sache le premier, quoiqu’il m’ait fait quelque honneur, s’il en conserve la possession, l’honnête fermier général satisfera mon ambition; je m’efforcerai de n’être point au-dessous de la noblesse de son âme. Puissé-je vous convaincre, Monsieur, par mon zèle et mon 344 CARON DE BEAUMARCHAIS activité, que personne plus que moi ne rend justice aux talents variés et charmants dont vous avez donné tant de preuves, à cette touche originale et piquante qui vous caractérise, et au mérite réel des ouvrages divers dont vous avez enrichi notre littérature. J’ai l’honneur d’être, avec toute la considération possible, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. Signé: Boutet de Monvel. Ce 24 novembre 1779. 1Voir lettre 885. phrase montre que les comédiens n’ont pas oublié le différend entre Beaumarchais et eux-mêmes au sujet de la Société des Auteurs Dramatiques et des comptes du Barbier de Séville. 2Cette 887. De Mlle Doligny [24 novembre 1779] Monsieur, Je ne saurais trop vous remercier de ce que vous avez dit de moi dans la lettre que vous avez écrite à la Comédie au sujet des Deux Amis.1 Tous mes camarades ont été enchantés de la gaieté et de l’esprit qui brillent dans votre lettre. J’ai été plus enchantée qu’eux tous, mais c’est de votre amitié et de vos bontés pour moi. M. de Grammont,2 dont vous connaissez les qualités et les talents, m’engage à vous demander une grâce, c’est de faire donner un ordre de début ou un engagement par les actionnaires de Bordeaux, à Mme Linguet, qui se trouve à présent à Bordeaux; elle a été deux ans à la Comédie-Italienne, et n’en est sortie que par rapport à son mari. M. de Grammont, qui vous donnera ma lettre, vous expliquera l’affaire plus en détail. Faites placer, je 345 CORRESPONDANCE vous prie, Mme Linguet; c’est votre Eugénie, votre Rosine, votre Pauline, c’est la comtesse Almaviva3 qui vous sollicitent: j’ose espérer que vous aurez quelque égard à leur recommandation. Recevez les témoignages de l’estime, de l’attachement et de la reconnaissance avec lesquels je suis pour la vie, Monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante. Signé: Doligny. 1Voir lettre 883. de Loménie: “Ce M. de Grammont n’a rien de commun avec l’illustre famille de ce nom; c’était un acteur de la ComédieFrançaise, qui après avoir montré quelque talent dans les rôles tragiques, se mit à pratiquer la tragédie sous la Terreur, devint un Jacobin farouche, et finit sur l’échafaud.” J.-B. Jacques Nourry de Grammont de Rozelly (1752?-1794) a probablement fait ses débuts à la Comédie-Française le 5 février 1779. Il a été guillotiné avec Chaumette, Gobel, la veuve d’Hébert et Lucile Desmoulins; voir Grimm, XII, pp. 224-25. 3Note de Loménie: “Ce nom que prend ici M lle Doligny en 1779 2Note prouve que déjà à cette époque Beaumarchais avait écrit au moins le plan du Mariage de Figaro, qui ne fut joué qu’en 1784, et qu’il réservait à Mlle Doligny le rôle de la comtesse Almaviva”; voir lettre 883 n. 14. 888. Des maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille A MR Caron de Beaumarchais à Paris Le 3 Xbre 1779 Nous recevons, Monsieur, la lettre que vous nous avés fait l’honneur de nous écrire le 20 9bre de.r;1 comme le pensionnat n’est plus à notre disposition depuis les lettres patentes du mois de janvier 1779, ainsi que nous avons eu l’honneur de vous le 346 CARON DE BEAUMARCHAIS marquer par notre lettre du 4 août, nous avons été dans le cas de faire part de votre demande a Messr.s les Pretres de la congregation de l’oratoire. Ces messieurs sont très disposé, ainsi que nous à concourir à vos arrangemens, et vous pourrés garder les clefs du pensionnat jusques au 1e.r may prochain. Si cependant ce terme étoit trop court pour vos dispositions, nous nous flattons que Messr.s De l’Oratoire voudroient bien consentir a prolonger le Bail jusqu’à la fin de juin prochain. Nous souhaitons que cet arrangement puisse vous être agréable. Nous serons très charmés que vos affaires vous attirent en cette ville pour vous assurer de vive voix de la parfaite consideration avec laquelle nous avons l’honneur d’etre Monsieur Xa Xa 1Voir lettre 881. 889. A Benjamin Franklin Paris ce 8 XbRe 1779 Ayant entendu dire, Monsieur, que vous preniez un hotel à Paris et par conséquent un Suisse; Le nommé Abbeg m’a demandé une Lettre pour se presenter à vous, et vous offrir ses services, dans le cas où ce bruit serait fondé. Il m’a été recommandé par Mr Le Noir,1 et est parent de son propre Suisse dont il est très content; cela serait d’un bon augure pour celui-ci qu’on dit réellement être un très éxcellent sujet. Je joins donc mes sollicitations à celles de ce Magistrat, pour vous prier de donner la préférence à cet homme, et je vous en aurai en mon particulier une sensible obligation. J’ai L’honneur d’être avec un respectueux attachement, 347 CORRESPONDANCE Monsieur serviteur Votre très humble et très obeisst ://: Caron de Beaumarchais2 Mr Franklin 1Voir tome I, lettre 17 n. 3. Beaumarchais Caron De / 8. Dec. 1779. 2Verso: 890. Aux maire et echevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille Paris ce 10 Xbre 1779. Messieurs Je n’ai que le tems de vous rendre des actions de grace de la réponse obligeante que vous avés bien voulu faire a ma lettre.1 Je suis envelopé de 6 mille paquèts de l’un desquels je vous fais lhommage.2 vous y reconaitrés un bon francais, un ami du commerce et lhomme qui shonnore d’etre avec une reconnaissance respectueuse Messieurs Votre tres humble et tres obeissant serviteur Caron de Beaumarchais.3 Mrs Les Maire Echevins assesseurs 1Voir lettre 888. Observations sur le Mémoire justificatif; voir lettre 903. Donc nous pouvons conclure que Beaumarchais a publié le pamphlet entre le 21 novembre (voir lettre 882 où il disait qu’il le préparait) et le 10 décembre. 2Ses 348 CARON DE BEAUMARCHAIS 3Au verso: “1779 / Paris 10 XbRe / MR De Beaumarchais / il nous remet six exemplaires / de son memoire sur les imputations / de langleterre./ Repe Le 24 XbRe” 891. Au comte de Vergennes Vers 18 XbRe 1779 1 samedi au soir Monsieur Le Comte Je réfléchis beaucoup a ce que vous m’avés dit. Le moyen que vous préférés peut produire un terrible effet.2 Du moins ne le précipités point. rien ne marche aussi vite que le courrier de L’europe. Je puis, sous le nom seul de l’auteur des observations a la suite de la feuille qui les contiendra mettre un tel correctif que tout le monde soit content. Je me propose de vous l’envoyer; et si vous et Mr De Maurepas ne le trouvés pas suffisant; vous serés toujours le maitre de revenir a votre projet. Après une suppression il est impossible que je fasse insérer ces observations, dans le courrier . Mais en retranchant la phraze moi mesme dans le corps de l’ouvrage et disant une chose tres noble et très convenable en desaveu sur cette mesme phraze a la fin de la feuille, il paraitra bien plus simple qu’un honêste homme revienne franchement sur ses pas que de voir une administration blamer un ecrit fait pour honorer la france et le Roi comme ils doivent l’etre. On croira que les Ministres se sont offensés de ce qu’on ne les a lavés de perfidie qu’en montrant leur condescendance pour l’angleterre. Au lieu que le correctif que je propose ayant toute la force et la noblesse d’un libre desaveu ne commet personne. Avés vous bien pensé a l’argument que tirerait l’angleterre d’une suppression pareille? Vous supprimés tout l’ouvrage pour deux mots qu’on en peut oter avec un honorable eclat! ces deux mots sont une erreur de fait. rien de si simple que d’en revenir. Mais CORRESPONDANCE 349 desavouer un ecrit qui eleve l’ame et le coeur de tous les bons français! (la cour exceptée ou il y a peu de patriotisme) Desavouer suprimer tout un ecrit en bon patriote et dont j’ai deja douze cent tendre remercimens! Vous verrés dire hautement a Londres que tous les faits que j’ai avancés sont faux; car sans vous expliquer, vous parlés d’assertions hazardées on en tirera un avantage public contre la france et rien ne me relévera. Et surtout le reproche de perfidie reviendra dans toute sa force. Pezés ces raisons je vous conjure. Voyés mon correctif avant de supprimer. Mon interet personel me touche beaucoup moins que celui de mon paÿs et lhonneur des Ministres que je respecte et a qui j’adresse ces refléxions. Quant au comité de la lecture comme je n’ai pas mis le nez hors de chez moi il n’est pas difficile de concevoir que chacun a pensé sans que je le dise que dans un paÿs ou la presse n’est pas libre un ecrit honorable ne saurait mesme paraitre sans un tacite aveu de l’autorité. raison de plus pour ne pas preferer la supression, au libre desaveu de l’auteur. Pardon Monsieur le comte c’est de mon auberge que je griffonne. 1Cette ligne n’étant pas de la main de Beaumarchais, il est difficile de dire si le mot “Vers” est une abbréviation pour Versailles (comme l’entend Shewmake, p. xviii) ou si c’est la préposition vers [comme le proposent les von Proschwitz (CE, doc. 210 n. 1)]. Comme l’indiquent aussi Gunnar et Mavis von Proschwitz, le 18 décembre était justement un samedi. 2On allait supprimer ses Observations sur le Mémoire justificatif. Les ducs de Praslin, de Choiseul et de Nivernais, qui avaient négocié le Traité de Paris de 1763, se sont plaints parce que Beaumarchais répétait un bruit qui courait selon lequel l’Angleterre aurait limité le nombre de vaisseaux que la France pouvait armer. Beaumarchais propose ici de publier un correctif et de le faire mettre dans le Courier de l’Europe. 350 CARON DE BEAUMARCHAIS 892. Du maréchal de Richelieu [18 décembre 1779] Monsieur de Beaumarchais devoit se trouver cet aujourd’huy chès M le Marechal de Richelieu avec M. de Laferté pour y terminer l’affaire des auteurs; mais il apprend dans le moment par une lettre de M de la ferté qu’il est obligé d’aller à Versailles et il le prie par cette lettre de remettre le rendès-vous d’aujourd’huy a lundi prochain onze heures ou onze heures et demie, de sorte que M le Marechal de Richelieu est obligé de proposer à Monsieur de Beaumarchais de venir chès lui Lundi à la dite heure, et si cette proposition lui convient, il la mandera à M de la ferté pour qu’il n’y manque pas. ce samedi 18 XbRe 1779 893. Au comte de Vergennes Paris, ce 19 XbRe 1779. Monsieur Le comte. Je joins a ce court mémoire,1 a ma lettre au rédacteur du courrier de l’europe, l’exemplaire que Mr le Duc de Choiseul me renvoie emargé de sa main p. 35, des deux mots que je vous ai désignés.2 La lettre où le court billet qui l’accompagne est de Mde L’abesse de St Louis soeur de Mr Le Duc de Choiseul; et loin de me persifler, voila trois fois qu’on revient chéz moi pour me demander ma réponse tres sérieuse. On voudrait savoir de moi, si quelqu’un m’a inspiré de lui causer ce vif chagrin. Ma réponse verbale a eté que je ne connaissais personne assés lâche pour tenter de m’inspirer une semblable intention; que la fierté de de [sic] mon caractère me ferait fuir a jamais celui qui me croirait 351 CORRESPONDANCE capable de m’y pretter. Mais qu’en connaissances, en amis, en protecteurs, j’avais eté asses heureux pour ne m’affilier qu’a des ames nobles et généreuses. Quant a ma réponse sur l’article de la page 35. J’ai fait lire sur le champ, ma lettre au courrier de l’europe. On m’en a paru enchanté. On a voulu en prendre copie. J’ai répondu. Si un grand malheur ne m’arrive pas d’ici a mardi j’en donnerai telles copies que l’on voudra. S’il m’arrive, je ne dois plus rien a personne et ma carrière française est achevée, si ce n’est pas ma carière humaine. Je vous suplie, Monsieur le comte, après en avoir conféré avec Mr Le Cte de Maurepas, de vouloir bien me renvoyer l’article du courrier, l’exemplaire Choiseul, et le billet de Mde sa soeur. J’en dirai beaucoup d’avantage a Mr Le Cte de Maurepas, si j’ai encore le bonheur de lui offrir mes respects. Je vais me remettre au lit; car j’ai la fievre. Mr Le Ct.e de Vergennes. 1Il s’agit probablement de la lettre suivante. lettre 894 n. 3; les deux mots sont “fausse” et “absurde”. 2Voir 894. A tous les ministres du Roi 19 décembre 1779. Messeigneurs, Si un guerrier qui se bat pour son pays n’en doit pas recevoir un soufflet déshonorant parce que l’inégalité du terrain l’aurait fait broncher un instant, est-il de la justice du roi de ranger dans la classe des libellistes scandaleux, dont les arrêts suppriment les ouvrages, un écrivain qui repousse avec force et dignité les noires imputations des ennemis de la patrie, parce qu’il est tombé avec cent mille autres dans une erreur involontaire, mais facile, avantageuse même à relever dignement? 352 CARON DE BEAUMARCHAIS Lorsque l’homme qui n’a prétendu qu’à l’honneur d’avoir raison ne rougit pas d’avouer publiquement son erreur et d’en tirer un grand fruit pour la cause qu’il défend, y a-t-il de l’inconvénient à le laisser s’en relever lui-même? Que peut-il en effet résulter de plus fort contre une assertion hasardée que le désaveu libre et franc de son auteur, lorsqu’il peut le répandre aussi rapidement que son ouvrage? Et doit-on garder au zèle, au travail, au patriotisme, le déshonneur des suppressions destinées à punir les écarts volontaires, les coupables gangrénés et les pécheurs impénitents? Avant de me traiter avec cette cruauté, je supplie les ministres du roi de lire ce que j’envoie au Courrier de l’Europe, à celui du Nord.1 La même chose en substance sera mise à l’instant dans tous les papiers publics, avec promesse à tous ceux qui me remettront l’exemplaire fautif de leur en faire tenir deux rectifiés. Je les supplie aussi de réfléchir que discréditer un semblable écrit par la flétrissure d’un arrêt est lui ravir tout ce qu’il renferme de bon et de louable, et rendre au reproche de perfidie du manifeste anglais toute sa force par le désaveu des grands principes de la réponse. A la douleur que j’en éprouve d’avance, je sens que je n’en pourrai supporter l’odieux effet. Ma tête échappe à ma raison, et j’ai passé la plus cruelle des nuits. On m’apporte à l’instant, de la part d’une parente de M. de Choiseul,2 un exemplaire émargé de sa main pour m’être remis, avec ces mots, page 35. Ce fait est faux et absurde. Ce sont justement les termes de votre projet d’arrêt.3 Il les aura donc dictés lui-même!4 Faux! l’expression est juste, puisque le fait n’est pas vrai; mais absurde! Après Dunkerque et son commissaire anglais, osera-t-on, sans baisser les yeux, qualifier d’absurde un fait maritime qui nous regarde, quelque dur qu’il puisse être?5 Détruire un port de France à dix lieues de l’ennemi par son ordre, et le tenir en ruine sous la honteuse inspection d’un commissaire à lui, voilà ce qui est vraiment absurde et n’en existe pas moins sous nos yeux indignés depuis cent ans.6 Je parle à des coeurs français, je dois être entendu. Eh! laissez-moi, Messeigneurs, laissez-moi, je vous en conjure, me CORRESPONDANCE 353 relever de mon erreur. Je puis le faire honorablement et avec fruit; mais je sens bien au mal qui me suffoque que j’en mourrai de douleur, si vous avez la cruauté de livrer ma personne et mon ouvrage à la dégradation d’une flétrissure. Il ne resterait plus à mes amis qu’à faire imprimer les douze ou quinze cents lettres exaltées que j’ai reçues depuis six jours, où le coeur des bons citoyens se montre à découvert par la vivacité de leurs remercîments; Où l’un dit: Je mettrai cet écrit dans une case à part, avec Tacite, le cardinal de Retz, Price et Sidney,7 car aucun monument aussi noble, aussi digne de la nation, n’honorera les événements actuels; Où l’autre écrit: L’auteur a l’ivresse du patriotisme; sa plume étincelle. Il est donc vrai que l’homme ne fait de grandes choses que lorsqu’il est animé de grandes passions! Où un troisième avoue qu’il n’a jamais bien connu la question, et qu’avant moi tout le monde donnait le tort à la France, mais qu’enfin voilà l’opinion fixée; Où tous me rendent grâce de mon zèle et de mon courage dans un pays où si peu de gens se soucient d’en montrer pour la gloire de la France. Ces lettres de mes concitoyens montreraient qu’une telle bizarrerie est attachée à mon sort, que je ne puis rien entreprendre de bien qui ne me porte dommage. Il a voulu, dirait-on, travailler, armer pour son pays, on a arrêté ses expéditions; il a voulu écrire pour défendre l’honneur de la France, on a supprimé ses ouvrages. Sa nation l’estimait, et l’autorité l’écrasait. Il n’avait donc plus d’autre choix que de mourir ou de s’enfuir. Par grâce, par humanité, si je ne puis l’obtenir par justice, ne me donnez pas le crève-coeur d’une suppression pendant que vous souffrez un Linguet!8 Il vous a tous insultés, je vous ai tous respectés; il a fait l’aiguillonnade et moi les observations. Quelle différence et d’oeuvre et de récompense! Si cet affreux arrêt est lancé, je me regarde comme un membre coupé, mort, qui ne tient plus à rien, et je ne veux plus devoir à la France que l’extrême-onction ou un passeport. Je vous demande pardon, mais je suis au désespoir. Caron de Beaumarchais. 354 1Voir CARON DE BEAUMARCHAIS lettre 899. Le propriétaire de ces deux journaux était Samuel Swinton (voir lettre 796 n. 2); voir von Proschwitz, CE, I, pp. 100103. 2C’est l’abbesse de Saint-Louis, la soeur du duc de Choiseul; voir lettre 893. 3Voici la phrase qui se trouve dans l’ “Extrait des registres du Conseil d’état du Roy” (MAE, CP, Angleterre, tome 532, f. 209): “cette allégation [que le traité limite le nombre de vaisseaux] étant entierement contraire à la verité, et démentie tant par le Traité qui ne renferme aucun article secrèt, que par les actes qui l’ont précédé et suivi, sa Majesté auroit estimé ne pouvoir laisser subsister une assertion aussi fausse et aussi absurde.” 4Dans la lettre de Choiseul à Vergennes du 17 décembre [MAE, CP, Angleterre, tome 532, f. 196-98 et publiée dans la Correspondance secrète (IX, pp. 141-45)] on peut lire au sujet de l’allégation: “C’est cette assertion fausse et absurde que je prends, Monsieur, la liberté de vous dénoncer.” La lettre de Praslin et la réponse de Vergennes ont aussi été publiées dans la Correspondance secrète (IX, pp. 145-48, 168-69). 5Il est intéressant de noter que Beaumarchais a déjà émis l’idée que le traité de 1763 limitait le nombre de vaisseaux que la France pouvait avoir. Dans sa lettre au roi du 7 décembre 1775 (tome II, lettre 328, p. 152) Beaumarchais dit en parlant du peuple anglais: “N’est-ce pas lui qui vous a réduit à l’humiliation de détruire vous mesmes le plus beau de vos ports de l’Océan, qui vous a forcé de désarmer dans tous les autres et a fixé le petit nombre de vaisseaux qu’il vous suffirait désormais?” Vergennes a sans doute lu cette lettre mais nous n’avons aucun document qui note sa réaction à cette phrase. 6Après le traité d’Utrecht en 1713, il a fallu détruire les fortifications de Vauban à Dunkerque; on a aussi comblé le port; voir la lettre suivante. 7Les quatre noms mentionnés ici sont ceux d’auteurs qui ont combattu le pouvoir arbitraire: Tacite était contre le despotisme des empereurs romains; Retz a lutté contre Richelieu et Mazarin; Richard Price, un Anglais, était du côté des Américains pendant leur guerre d’indépendance et a rédigé en 1776 ses Observations on the Nature of Civil Liberty, the Principles of Government, and the Justice and Policy of War with America; Algernon Sidney s’opposait au règne dictatorial d’Oliver Cromwell. 8Simon-Nicolas-Henri Linguet (1736-1794) était mathématicien, journaliste et avocat. Dans son Journal de politique et de littérature CORRESPONDANCE 355 il s’en prend aux philosophes, aux académiciens, aux ministres, et al. C’était un polémiste virulent qui a reçu deux lettres de cachet et passé vingt mois à la Bastille. Après avoir défendu et justifié le duc d’Aiguillon contre les attaques du Parlement de Bretagne, Linguet publie son Aiguilloniana, ou Anecdotes utiles pour l’histoire de France au dix-huitième siècle, depuis l’année 1770 . . . Londres, 1777, où il critique le duc de ne pas l’avoir assez payé pour son travail. 895. Du comte de Vergennes M. de Beaumarchais. 1779 A Versailles le 19 Decembre Je communiquerai Mr vos observations partout ou vous le desirés, mais je vous previens qu’il est trop tard pour qu’elles fassent effet. Les ordres sont donnés et expediés tels que je vous les ai annoncés. 1 Je suis faché que vous les preniés si au tragique; en verité il n’y a pas de quoi vous affliger. Vous avez commis une erreur d’autant plus grave, qu’avec un peu de reflexion il vous eut été facile de vous eclairer. Permettez moi de vous observer que la maniere dont vous vous proposés de la redresser n’est nullement obligeante ni pour ceux qui ont été dans le cas de vous la reprocher, ni meme pour la nation. où seroit son energie si elle avoit connu et souffert une humiliation du genre de celle que vous lui proposés. La similtude que vous empruntés de la demolition de Dunkerque n’est rien moins que juste. Cette place avait un acquêt de Louis 14, fait à prix d’argent et cedé par un prince faible et dissipateur. A la paix d’Utrecht il ne convenoit pas aux deux puissances preponderantes qu’elle restât entre les mains de la france; celle-ci ne pouvoit consentir qu’elle passât dans les mains d’une puissance voisine et alors rivale qui auroit eu un acces trop facile dans l’intérieur. On prit pour terme moyen, pour expedient conciliateur la demolition. Il n’y avoit rien en cela qui affrontât la 356 CARON DE BEAUMARCHAIS nation. On auroit pu ceder Dunkerque comme toute autre place que nous avons abandonnée dans le temps. Après cela, il ne doit pas vous paroître étrange que nous regardions comme fausse et absurde votre assertion concernant la limitation des vaisseaux, et c’est a tort que vous suposés que nous copierions le jugement de M. le Duc de Choiseul. La vérité n’étant qu’une, il en est de même de la fausseté, tous les esprits droits la saississent également. Appreciés votre similitude et jugés si la qualification d’absurdité est impropre. Sachez souffrir, Monsieur, ce qu’il ne vous est pas possible d’empecher.2 Je ne sais si votre curé voudra vous donner l’extreme onction, pour moi je ne vous promets point de passeport. Ne doutez jamais de ma sincere estime. P.S. Je joins ici l’exemplaire corrigé. Je ne puis vous renvoyer vos autres ecrits qu’après la communication./. 3 1Probablement le jour du 18 décembre; voir lettre 891 où Beaumarchais mentionne qu’il a parlé à Vergennes. Pour la suppression voir: “Extrait des Registres du Conseil d’Etat du Roi” (MAE, CP, Angleterre, tome 532, f. 209) et la version imprimée, Arrêt du conseil d’état du roi, Qui supprime un Imprimé, ayant pour titre: Observations sur le Mémoire justificatif de la Cour de Londres, par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Du 19 Décembre 1779. Extrait des Registres du Conseil d’etat. [A Paris, De l’Imprimerie Royale. 1779]. 2Voir Le Mariage de Figaro, acte IV, scène viii où le comte dit: “Il faut souffrir ce qu’on ne peut empêcher.” 3Ecrit dans la marge: “Explications sur l’impossibilité d’adopter les expédients proposés par M. de Beaumarchais pour empecher la fletrissure de son ouvrage intitulé Observation sur le mémoire justificatif de la cour de Londres.” CORRESPONDANCE 357 896. De M. Le Noir le 19 décembre 1779 Voici, Monsieur, un manuscrit pour lequel on demande la permission d’imprimer. Je ne l’ai pas lu; je vous prie de m’en donner votre avis. 1 1Voir la lettre suivante. 897. A M. Le Noir [après le 19 décembre 1779] Cette lettre est mentionnée dans Loménie, II, pp. 249-50. A la p. 249, Loménie écrit: “[Beaumarchais] répond au magistrat1 qu’il n’a rien trouvé de blâmable dans l’ouvrage politiquement badin qu’on lui adresse, et que la censure proprement dite ne doit pas en arrêter l’impression. Cependant, comme il ne veut pas rester trop au-dessous de ce rôle austère de censeur, et comme il reconnaît que le ton de l’ouvrage en question n’est pas en harmonie avec la gravité du sujet, il ajoute ces lignes, assez curieuses sous la plume de l’auteur du Mariage de Figaro: ‘Cet ouvrage manque de cette décence patriotique si peu connue dans ce pays-ci, où l’on plaisante sur tout; les événements présents sont les vases sacrés de la politique: il faut ou se taire ou prendre le ton élevé qui rend les objets respectables. Sur ce, Monsieur vous prendrez le parti qui vous semblera le plus juste.’ On reconnaît ici que Beaumarchais n’a pas la vocation pour l’état de censeur, et qu’il ne sait trop comment conclure.”2 358 CARON DE BEAUMARCHAIS 1Le Noir; voir la lettre précédente. pense-t-il ici à sa propre situation, c’est-à-dire au fait qu’on est en train de censurer ses Observations sur le Mémoire justificatif? 2Beaumarchais 898. De Durival1 Vll.es le 21. XbRe 1779 M. de Beaumarchais à Paris Peu d’instans après votre depart d’hier au soir, M, je rendis compte au Ministre de notre conversation. Il me dit qu’il étoit convenu que vous feriez des changemens à votre projet de retraction. Il desire qu’elle soit simple et précise sans ornemens ni réflexions ainsi qu’il est convenu, et que vous veuilliez bien la communiquer dans sa derniere forme avant d’en faire usage.2 Je me hate de vous en prévenir, M, en vous priant de vouloir bien m’adresser cette pièce telle que vous vous proposez de l’employer. J’ai l’honneur d’etre avec une parfte consido.n &A 1Voir tome II, lettre 408 n. 1. fois Beaumarchais accédera à la demande, ce qu’il n’avait pas fait quand Vergennes avait demandé à voir les Observations sur le Mémoire justificatif (voir lettre 880). 2Cette 899. Au comte de Vergennes Lettre de M. de Beaumarchais à M. de Vergennes du 22 XbRe 1779 Monsieur Le comte. CORRESPONDANCE 359 M. Durival m’écrit que je dois vous envoyer l’avis correctif et qu’il soit court. Il me semble à moi qu’il auroit bien plus de force et de noblesse un peu appuyé. Au lieu de courir comme chat sur braize en corrigeant un mot important, j’aimerois bien mieux fixer l’opinion de l’Europe entiere par un desaveu motivé. Cependant je défère. Je joins l’exemplaire que je vais adresser au Courier et que je vous prie de me renvoyer si vous approuvez l’avis correctif que j’y joins. Copie du projet de desaveu renvoyé a M de Beaumarchais. ____________________________________ Au Rédacteur du Courier de l’Europe En vous priant, M, de donner cours à ces observations dans une feuille de suplement, je vous prie aussi de restituer à la page 35. un mot qui s’est trouvé changé dans la rapidité d’une impression nocturne et d’une correction tumultueuse. On lit dans les premiers exemplaires qui ont paru cette phrase. Quand je pensois que ma patrie seroit vengée de l’abaissement auquel on l’avoit soumise en fixant par le traité de 1763 le petit nombre de vaisseaux qu’on daignoit nous souffrir Cette faute d’impression présente un fait justement regardé comme faux et absurde puisque le nombre de vaisseaux n’a été fixé par aucune condition publique ni secrète du traité: Mais restituez le mot comptoirs qui est dans le manuscrit au mot vaisseaux, qui n’y est pas, alors la phrase est d’une exactitude mathématique et ne contient qu’un fait incontestable. J’ai l’honneur &a 360 CARON DE BEAUMARCHAIS 900. De Durival M. de Beaumarchais à Paris Vll.es le 22 XbRe 1779 M. le Ct.e de Vergennes me charge, M, d’avoir l’honneur de vous renvoyer la piéce ci-jointe qui accompagnoit votre lettre de ce matin. Le ministre n’approuve point le changement du mot vaisseaux en celui de comptoirs dans votre projet de desaveu. Il pense que personne ne seroit la dupe de cette prétendue restitution de mot; que la retraction sous cette forme deviendroit un tort de plus; qu’en donnant vos observations dans une feuille de suplément au Courier de l’Europe, vous vous prepareriez de nouveaux desagrémens; et tout bien considéré le Ministre juge, M, que le meilleur parti pour votre tranquilité, est de ne pas permettre l’insertion de votre ouvrage dans le Courier.1 J’ai l’honneur d’etre avec une parfE consido.n 1La suppression met presque fin à l’affaire, mais Beaumarchais fait réimprimer son ouvrage à Londres en 1780 en y ajoutant en supplément les lettres des ducs de Praslin et de Choiseul au comte de Vergennes, et l’arrêt du roi. A la demande de Vergennes, Gérard de Rayneval publie ses Observations sur le Mémoire justificatif de la Cour de Londres. A Paris, De l’Imprimerie Royale, M.DCCLXXX, pp. 84. C’est la réponse officielle à l’ouvrage de Gibbon; elle est traduite en anglais par P.S. Du Ponceau en 1781. Un supplément de 26 pp. à l’ouvrage de Rayneval est publié aussi en 1780 à l’Imprimerie Royale; voir Morton et Spinelli, Bibliography, pp. 193-94. 361 CORRESPONDANCE 901. De Montieu A Brest le 22e Xbre 1779 Quoyque je presume que vous avés recu du Captne Montaut1 une lettre a peu près semblable a celle que je viens de recevoir je crois cependant devoir, mon ami, vous en adresser la copie que je joins icy. Vous y verrés comment nos vaisseaux aprês avoir été menés de la Martinique a la Grenade, a St Christophe et a St Domingue ont tous été conduit a Savânnha. Vous y verrés dans quel état on les a laissé, que l’aimable Suzanne ayant perdu ses ancres s’est égarée sans qu’on sache encore ce qu’elle est devenue. de quelques manieres que les choses tournent il nous est du par l’etat d’immenses dédommagements 1° pour le retard apporté a nos operations, 2° pour la consommation inutile de nos vivres, 3° pour la perte de nos agrets, voiles &ca qui nous auront couté des sommes immenses a remplacer, 4° pour le deperissement de nos navires. vous en tirerés mieux que moy toutes les consequences. ce qui m’a tranquilisé c’est que le jeune Montaut s’est mis parfaitement en regle en se faisant donner des garanties par M Le Comte d’estaing que luy meme est tres porté a nous donner tous les titres necessaires pour nous nous faire rendre justice. enfin nous ne pouvons encore rien dire jusques a l’arrivée de nos navires pour lesquels nous aurons toujours d’immenses dédommagements a repeter quand il n’y en auroit aucun de perdu. Vous verrés que de Casse a recruté a Charlestown mon comte de Sabran qui pourra bien prendre sans compter le riz qu’il a abord au moins 800 boucauds de tabac. Une chose qui m’étonne c’est que Montaut ne me parle point des 3 fluttes que M Le Comte déstaing luy a remis pour notre compte je sais qu’elles ne sont que d’environ 300 tonneaux chacune, mais il me semble que cela valoit bien la peine de m’en parler. Je suis du reste tres satisfait de sa conduite, elle est on ne peut pas plus honneste et prudent. Je vous embrasse, mon ami, du meilleur de mon coeur 362 CARON DE BEAUMARCHAIS Montieu Mon scelerat de domestique m’a volé une montre et 20 Louis dans mon gousset. il avoit pris les avances pour les chemises, les bas et les cravattes. Je m’en doutais depuis quelques jours. Je luy ai tendu un piege et je l’ai pris en flagrant delit. Les mensonges de ce gens la m’ont si fort mis en colere que cela m’a derangé au point que j’en ai la fievre dans le moment meme ou je vous écris. Le malheureux vaisseau le fier vient enfin d’arriver coulant bas d’eau. La renommée est aussi entrée dans le port ce soir venant de la Martinique. elle a fait chemin faisant une prise d’un corsaire anglois de 18 canons de 12 on ne sçait point outre les nouvelles. L’officier qui m’avoit donné la nouvelle de l’arrivée du fier dans ce port s’est trompé, c’est a la martinique ou il est arrivé n’ayant plus ni mats ni agrets et coulant bas d’eau.2 1Voir 2Voir lettre 826. lettre 874 n. 1. . 902. De Francy York le 24 Xbre 1779 Le jeune homme 1 qui vous remetra cette lettre est parent de l’ancien president du Congrés Mr Jay aujourdhui ministre plenipontentiaire à la cour dEspagne il passe en france pour se rendre de la à Madrid auprés de son parent. Sa famille m’a prié de l’adresser a quelqu’un qui voulut lui fournir les moyens d’aller rejoindre M Jay au cas qu’il ne fut plus a paris lorsque le jeune CORRESPONDANCE 363 homme y arrivera; j’ai imaginé malgré les raisons bien fondées que vous avez d’interrompre tout acte d’amitié et même d’hospitalité avec les americains que vous ne trouveriez pas mauvais que je vous recommande le porteur; probablement le Docteur franklin se chargera de lui faire les avances nécéssaires pour son voyage d’Espagne dans le cas contraire en le faisant vous même vous obligerez un homme qui vous a du moins rendû justice dans ce pays ci. Je ne doute pas que vous n’ayez ete beaucoup plus content de lui que de l’agence de passy: Le tres promt départ du batiment sur lequel M Littlepage porteur de ma lettre sembarque ne me permettra peutetre pas d’entrer dans aucun detail aujourdhui sur vos affaires. Je vous ai ecrit il y a environ deux mois une lettre fort longue2 si le vaisseau est retardé jusqu’a demain Je vous en ferai par une copie et j’y ajouterai un suplement: si cette lettre ci est la seule qu’il me soit possible decrire: Je vous annonce que vôtre vaisseau Le fier Rodrigue est enfin arrivé le 19 du mois dernier dans letat le plus déplorable: L’escadre de M Le Cte DEstaing dont il a fait parti depuis le 26 Juin jusqu’au 25 8bre a été tres maltraitée sur la côte de la Georgie3 pendant deux mois et le pauvre Rodrigue qui n’etait pas remis du combat de la grenade4 à beaucoup plus souffert qu’aucun autre en un mot il est arrivé faisant trois pieds d’eau par heure et ayant perdu son mât d’artimon son grand hunier et sa vergue de mizaine; il manquait entierement de toutes sortes de provisions, l’equipage etait reduit a 3 onces de pain par jour et à la ration d’eau la plus modique; il en coutera immensement avant que ce vaisseau soit en etat de remettre à la mer. Je n’y pers pas un instant mais je ne prevois pas qu’il puisse être prêt a partir avant le premier de mars Je fais faire par le capitaine un procés verbal bien détaillé de tout ce qu’il a souffert aussi que les autres batimens sous son convoye J’en feray egalement faire par tous les autres capitaines afin de vous servir de titre pour exiger une indemnité; mon avis serait avant le retour du fier Rodrigue que vous fassiez valoir ses bonnes qualités au ministre de la marine et que vous le changiez pour la menagere5 superbe flutte de 40 canons qui marche superieurement et qui porterait au moins 1200 boucauds de tabac, vous pourriez en representant que le fier Rod. est en etat 364 CARON DE BEAUMARCHAIS de se mettre en ligne (ce qui certainement ne lui arrivera jamais) obtenir quelques autres bons batimens gros porteurs qui vous remporteront beaucoup de tabac, si vous ne faites pas quelques marchés de cette espece je crains que le fier Rodrigue ne vous coute de radoub plus qu’il ne vaut reellement. il est arrivé sans equipage l’ayant tout perdu à la mer par la maladie et il est arrivé seul; ses compagnons n’ayant pû tenir sur la rade de savanah ou ils perdirent leurs ancres & cables et deux de leur beaupré relacherent a Charlestown le 30 7bRe à l’exception de l’aimable Suzanne que le coup de vent porta plus dans lest que les autres parcequ’elle avait perdû son mat de mizaine et son grand mat de hune: dans cette cruelle situation le Capn.e se determina a faire voile pour la Baye de Chesapeak, le 15 7bre et il fut rencontré par un corsaire anglais qui le prit mais dépuis ce vaisseau a été repris par les americains et j’espere que la moitié de tout sera rendue: jai fait a cet egard toutes les demarches necessaires. les autres batimens aprés setre reparés a Charlestown et sont repartis l’un aprés l’autre dans les premiers jours de novembre pour retourner à savannah, ils n’y trouverent plus la flotte francaise et deux se sont rentrés à York Les deux helenes le 9 courant et le perou le 12; la therese etait partie avec eux de Charlestown mais ils soupconnent qu’elle y est rentrée pour venir avec le Comte de Sabran qui doit venir charger a York; le Zephir eut ordre dans les premiers jours d’octobre de porter de l’eau à l’escadre de charlestown a savannah et je ne scais encore ce que ce batiment est devenû; il est trés probable qu’il est encore avec le Ct.e de Sabran et la therese; je fremis que le retard de ces batimens n’eloigne encore l’epoque que je croyois pouvoir fixer pour le depart de la flotille. ces batimens n’ont presque rien apporté des isles; les marchandises en seches qui sont abord ne peuvent se vendre qu’avec avantage au printems ainsi malgré tout le desir que j’aurais d’aller vous assurer moi même de tout mon attachement je me vois condamné a rester ce qui me desespere car il ne m’est pas possible de mener une vie plus desagréable que la mienne. Je continuerai cette lettre si les vents retienent le vaisseau qui doit l’emporter; j’ecris un mot à M Demontieu comme je crains de ne pouvoir lui faire aucun detail sur ses batimens je vous serai obligé de lui communiquer ce que CORRESPONDANCE 365 je vous en dis. J’ecris a M Testard & Gachet6 et à M Pelletier Dudoyer de Nantes d’avancer à M Littlepage les moyens de se rendre a Paris et de s’en prevaloir sur vous ou M Demontieu. M Jay vous aura certainement beaucoup d’obligation de ce que vous voudrés bien faire pour son jeune parent qui est rempli de talens et de qualités estimables. 25 Xbre 1779. Jai fait copier ma derniere lettre et je vous en remet cy joint le duplicata Je vous envoy en même tems les quatriemes des 56 de change. le batiment va mettre a la voille dans une heure ce qui mempêche dentrer dans de nouveaux details comme je me l’etais proposé: comme la lettre que j’ecris a M Dem[mery] en contient quelques uns qui vous interessent demandés lui en communication J’apprens a l’instant la prise de la therese par la fregatte persens aprés un tres long combat: cette perte me desespere et me décourage entierement Je m’etais promis de vous faire des remises considerables me voila presque sans moyens. Les 4 batimens arrivés remporteront au plus 15 a 1600 boucauds, je suis bien affligé de vous apprendre de pareilles nouvelles: je ne l’aurais pas fait si ce n’eut été pour vous dirriger sur les indemnités que vous aures a reclamer la perte de la therese est une suite de l’expedition forcée que le Cte d’Estaing a fait faire à vos batimens; mais c’est trés certainement la faute des capitaines s’ils fussent tous venus ensemble ils seraient tous bien arrivés. Jai recû votre lettre particulière par le fier Rod J’y repondrai par votre neveu qui s’en retourne sur ce batimen avec un conge de 8 mois, il est venû me joindre il y a trois semaines. L’assemblée a donné une réponse à mon memoire qui n’est pas tres favorable, mais elle n’est pas décisive, le conseil avait été d’avis que vous deviez être payé en tabac à 4 pounds ou 13 1 piastres 3 comme je l’avois demandé et non en argent vu la très grande dépréciation; l’assemblée générale composée de gens du peuple qui n’ont aucune notion de justice ni de generosité a determiné que cela ne se pouvait pas, mais j’espère en revenir à la 1eRe cession, du moins j’ai pour moi tous les gens honnêtes; je vous donnerai dans ma 1ere quelques details à ce sujet. 366 CARON DE BEAUMARCHAIS Etat des pieces renfermées dans le paquet du 25 XbRe N° 1 duplicata de ma lettre du 6 8bre 2 ma lettre de 24 et 25 XbRe 3 un bordereau renfermant 56 lettres de change. 4 lettre d’avis du président du Congrès au DR Franklin. 5 resolution du Congrès du 6 juin 6 resolution du 18 juin. 1Lewis Littlepage (1762-1802) a quitté le continent le premier janvier 1780 à bord de la Mary Ferron et est arrivé à Nantes le 11 février; il avait 17 ans. Littlepage était en fait un inconnu pour John Jay; ce dernier a accepté la tutelle de Littlepage pour rendre service à l’oncle du jeune homme. Jay a été récompensé par l’insolence de Littlepage et par une querelle publique où ce dernier a essayé de nuire à la réputation de son patron en lançant de fausses accusations; voir Davis. 2Voir lettre 867. 3Après de grands succès sur la côte de la Georgie au mois de septembre, d’Estaing s’est dirigé vers Savannah. Le 9 octobre eut lieu une bataille qu’un historien américain a intitulé le “FrancoAmerican fiasco” (Boatner, p. 982). C’était la troisième fois que d’Estaing se montrait incapable de porter secours aux Américains (les deux autres étant à New York, et à Newport) ce qui remplit ces derniers d’une vive amertume à l’idée du peu de valeur de leur alliance avec la France. 4Voir lettre 826. 5Le 30 mars 1781, à la demande de Beaumarchais, le marquis de Castries, ministre de la Marine, lui prête La Ménagère pour un an pendant que Le Fier Roderigue pourrit à Rochefort. La soumission est signée le 4 avril 1781; voir PBN, MS n.a.fr. 9421, f. 41-44, 48- 49. 6Négociants de Bordeaux. 367 CORRESPONDANCE 903. Des maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille MR Caron de Beaumarchais à Paris Le 24 XbRe 1779. Nous avons lû avec plaisir, Monsieur, la brochure1 dont vous avés bien voulu nous faire part, nous y avons reconnu le bon français, l’ami du commerce, mais la maniere dont vous avés traité un sujet intéressant pour l’honneur de la nation, repond parfaitement à la justice que vous merités à tant de titres qu’on vous rende. Recevés, Monsieur, tous nos remercimens de l’attention que vous avés eu pour nous, et les assurances du parfaittement avec lequel nous avons l’honneur d’etre &a 1Observations sur le Mémoire justificatif. 904. Au comte de Vergennes Mr Le Cte de Vergennes. Paris ce 25. XbRe1779. Monsieur Le Comte Si Mr Swinton vous parait, comme a moi, avoir bien mérité de la france par la manière honêste pour nous dont le courrier de lEurope se redige a Londres, dans un tems ou son redacteur a tout a redouter du gouvernement anglais; j’ose me joindre a lui pour vous demander une marque de bienveillance. C’est la 368 CARON DE BEAUMARCHAIS permission d’entrer en france d’un nouveau papier a lui sous le nom de Courrier du Nord1 et qui s’imprime en Allemagne et qui peut supléer souvent a ce que lautre courrier n’ose pas articuler a Londres. Mr Swinton me parait d’accord avec Mr Le Baron d’Ogny2 qui doit se réunir a lui et a moi pour vous en suplier. Je suis avec le plus profond respect Monsieur Le Comte Le très humble et tres obéissant serviteur De votre excélence Caron De Beaumarchais Mr Le Cte de Vergennes 1Voir 2Voir lettre 894 n. 1. lettre 850 n. 4. 905. De Francy M De Beaumarchais York 26. XbRe 1779. Le vaisseau sur lequel se trouve ma lettre du 24 1 etant arrêté par vents contraires au bas de la riviere j’en proffite pour vous ecrire encore un mot et vous annoncer le retour en france de M Deane;2 il est ici pour passer sur le vaisseau du Roi le fendant3 qui partira dans quinze jours ou trois semaines pour la martinique si quelques affaires qu’il a terminé en virginie ne le laissent pas libre avant le depart du vaisseau il partira sur le fier Rod. il a enfin quitté philadelphie sans avoir rien fini avec le Congrés il repasse en france pour y regler ses comptes: avant son depart j’aurai soin de lui faire donner une attestation qui me servira bien dans l’arrêté definitif des votres avec le Congrés il doit regler avec tous ceux avec qui il a fait des affaires de commerce en Eurrope en consequence il a le droit de regler avec vous tant pour le prix des marchandises envoyées que pour CORRESPONDANCE 369 l’assurance et la commission une fois la somme determinée ce sera mon affaire de presser pour etre payé et je crois que j’obtiendrai tout ce qui sera possible d’envoyer si comme je l’espere il vous est aisé de negocier les lettres de change que je vous ai fait passer: cela vous donnera le moyen d’attendre un peu pour la ballance si tous vos batimens fussent arrivés Je vous aurois remis en outre 12 a 1500 boucauds de tabac que j’ai obtenû du Congrés comme je vous l’ai annocé ailleurs, mais les quatre batimens qui sont ici porteront a peine cette quantité et il est juste que la majeure partie soit pour le compte de l’armement comme j’ai beaucoup pressé pour obtenir ce tabac et que j’ai assuré que les vaisseaux que j’attendais etaient expédiés exprès pour le charger, il est de toute necessité que j’en charge partie, cela poura peutetre deplaire à Mr Demontieu il voudrait sans doute que toutes les cargaisons fussent de compte admis, mais vous lui feres aisement entendre raison a ce que j’espere; sur la partie qui sera a fret et qui sera la moindre: il aura la moitié de fret que l’on payera je ne sais pas encore si ce sera la moitié ou le tiers que j’obtiendrai. J’insiste pour la moitié j’ai ecrit plusieurs fois a ce sujet au Committée du Commerce depuis plus de deux mois je n’ai pas recu de reponse, vous pouves être assuré que je ferai les conditions les plus avantageuses possibles j’ai bien recu par le f Rod. vos observations sur mon contract ainsi que vôtre lettre au President et la copie de celle que vous avez ecritte a messieurs à Passy4 je ferai usage de tous ces papiers dans un moment favorable; aujourdhui les affaires sont au mieux possible vû les gens a qui j’ai à faire: il n’est plus question que de fixer le montant total de la dette et de faire ratifier par le Congrés l’arrêté de compte que vous feres avec M Deane, jusque la il n’y a aucune nouvelle proposition a faire: si vous voulés continuer à servir l’amerique vous le pouvés tres aisement en faisant des expeditions sans les adresser au Congrés elles vous tourneront beaucoup plus a compte et vous ne seres point exposé a toutes les difficultés et à toute l’ingratitude que vous avez eprouvé: il y a dans votre lettre au president une proposition qui me fait craindre que vous n’aves pas bien reflechi sur l’etat de la question pour ce qui regarde les assurances: vous demandés que vos marchandises vous soient payées ou a prix de facture avec les 370 CARON DE BEAUMARCHAIS frais faux frais &a & une commission honnête ou qu’on vous paye au prix courant des marchandises lors de leur arrivée sur le continent et les assurances; faites attention je vous prie que c’est dans le premier cas que les assurances doivent être payées et non dans le second, parceque si l’on vous donnait pour vos marchandises le prix qu’elles valaient au moment de leur arrivée sur ce continent il est clair qu’on vous aurait tout payé c’est a vous de vendre en raison des assurances faites au contraire dans le premier cas lorsqu’on vous paye sur le prix de facture on vous doit outre tous les frais et faux frais les assurances & la commission: c’est cette methode que le congres a adopté pour vous payer et je l’ai preferé moi même parceque si le benefice est moindre il est sure et dailleurs tous les retours se font aux risques du Congrés au lieu qu’en vous payant au prix courant vous seriez obligé de recevoir ce payement icy et alors les retours se feraient à vos risques je ne sais si je m’explique bien clairement cest pour bien raisonner a fond sur ces affaires que j’aurois desiré aller vous voir cet hiver Je n’en voi pas la possibilité mais je vous ecrirai fort au long a ce sujet là par Mr Deane; J’espere que vous approuverés le parti que je prend de ne rien proposer au congrés jusqu’a ce que j’aye recu reponse a cette lettre ci et copie de votre arrêté de compte avec M Deane: Comme Mr Demonthieu parait seul dans cette expedition ci c’est a lui que j’adresse tous les details qui y ont rapport le priant de vous les communiquer Je remetrai a M Roubeau qui est arrivé en bonne santé des marchandises pour 4000 sa lettre de credit sur moi signé par M Demontieu ne porte que cette somme: je remetrai à M Giroud des marchandises sur prix de facture pour le montant de ses appointemens Je vous prie d’en prevenir M Demonthieu. Si vous voyez M Girard je vous prie de l’assurer de mon respect et de lui dire que j’aurai l’honneur de lui ecrire par le fier Rod. Je lui dois quelques petits objets qu’il m’a cedé en partant et que je n’ai pû lui rembourser parce qu’il n’en avait pas le compte Je vous serai infiniment obligé de m’acquiter s’il vous en parle. Je lui renveray par M. Vitry qui se propose de partir sur le fier Rodrigue son habit: l’on m’a ecrit de plusieurs endroits que son successeur5 ne parait pas bien disposé pour vous: CORRESPONDANCE 371 heureusement les affaires sont dans un train à ne plus redouter des nouvelles difficultés il parait que ce nouveau ministre a procuré du credit au Congrés en france J’ai appris hier qu’il allait tirer sur paris pour 2 cent mille louis cela donnera de la valeur à vos lettres de change. vous me dites que vos cargaisons ont été fournies sur l’etat que je vous avois fait passer, tous les principaux articles ont été oubliés et ceux pour lesquels on s’est décidé sont en trop grande quantité. neanmoins jespere en tirer un bon parti si je ne suis pas traversé par les anglais de la visitte desquels nous sommes tous les jours menacés: 27 XbRe 1779. j’apprens a l’instant qu’un second batiment ameriquain assés bien armé part en compagnie de celui abord duquel j’ai mis mes lettres. Je m’empresse d’en proffiter pour vous envoyer copie de mon suplement à ma lettre du 24 n’ayant pas ici mon copie de lettre je ne puis vous envoyer le double de tout ce que contient le paquet qui vous sera remis a ce que j’espere par M Littlepage parent de M Jay ministre plenipotentiere à la cour d’Espagne et qui passe sur la mary farron batiment de 18 canons marchant bien: je met cette lettre ci abord du Livinstong allant avec l’autre à Bordeau J’espere que vous les recevrés ensemble le 1e.r contient les 4em.es de changes, la lettre d’avis du congrés au Docteur franklin les resolvets qui ont rapport aux traittes et le duplicata d’une tres longue lettre de moi du 6. 8bRe6 le prompt depart de ce second batiment ne me permet pas d’entrer ici dans aucun nouveau detail je vais travailler sans perdre un moment a reparer votre fier Rodrigue pour la renvoyer de suitte; j’espere qu’il partira vers le premier de mars s’il ne survient aucun nouvel accident la lettre que je viens decrire a M Demontieu et que je le prie de vous communiquer vous instruira du mauvais etat ou se trouvent toutes les marchandises qui m’ont été adressées; outre les avaries qui sont trés considérables il y a des deficit considerables dans plusieurs bales il y en a pour mieux dire pas une dont les marques et les numeros soient conformes a la facture & en general les marchandises sont de mauvaise qualité et nullement 372 CARON DE BEAUMARCHAIS assorties pour le paÿs: je ferai un procés verbal le plus exact de toutes les erreurs & avaries pour le faire passer à M Demontieu & je vous en enverrai copie plus j’y reflechis plus je desire de vous entretenir si je pouvais laisser ici quelqu’un qui put dirriger mes affaires pendant 4 a 5 mois je m’exposerais volontier au désagrément et au danger d’une penible traversée pour m’entretenir avec vous et vous eclairer sur toutes vos affaires: je pourais tirer d’un pareil voyage le plus grand avantage pour moi mais je ne puis le faire sans que les affaires dont je suis chargé en souffrent et je serai obligé d’y renoncer; si j’etois aupres de vous je me chargerais d’une expedition qui avec le moindre bonheur pourait tenir un benefice immense J’en donne le plan à M Demontieu vous verrés que l’exécution en est aussi aise que le plan est simple. Sur la nouvelle flotte que vous m’annoncés par votre lettre du 22 may à Bordeau7 et les details quexige la vente des marchandises que je viens de recevoir me retiendront probablement; je suis si ennuyé de la vie que je mene ici & j’ai tant d’impatience de vous entretenir que j’aurais bien de la peine à me decider a ne pas partir quelque soit le parti que je prenne je vous prie d’etre persuadé que le bien de vos affaires sera dans tous les tems le seul motif qui me dirrigera. Je vous prie d’assurer mesdames vos soeurs de mes respects ainsi que Md W. Jai eû l’honneur de la remercier de son joly cadeau8 par Mr Serran il ne m’est pas possible de lui ecrire aujourdhuy. je le feray par le retour du fR faites S.V.P. mes complimens a vôtre ami Mr Gudin la lettre qu’il m’a ecritte m’a fait le plus grand plaisir je lui repondrai par la premiere occasion 1Voir lettre 902. lettre 865 n. 4. 3Vaisseau de ligne de 74 canons sous le commandement du marquis de Vaudreuil et qui a fait partie de son détachement au Sénégal; voir lettres 788 n. 1 et 906. 4Voir lettre 783. 5Anne-César, chevalier de La Luzerne (1741-1791) a abandonné la carrière militaire pour se tourner vers la diplomatie. En 1776 on l’a envoyé à la cour de Maximilien-Joseph, l’electeur de Bavière où il s’est fait remarquer. La Luzerne est parti de Lorient pour l’Amérique le 17 juin. 6Voir lettre 867. 2Voir CORRESPONDANCE 373 7Lettre 8Voir 806. lettre 792. 906. De Silas Deane York in Virginaia Dec. 26th 1779 My Dear Sir I embrace with pleasure this occasion of assuring you that I retain for you the same respect & esteem which I had at our parting in Paris, increased indeed & I may say rendered more sensible by the unjust, and ungrateful treatment which you have met with from this country. Having jointly laboured with you for the saving these states in which we were successful by your incessant exertions & superior abilities & address, by an unexpected turn of affairs we have been jointly abused & vilified by those we not only served, but saved from perdition. I have patiently born much in silence, for the common good, I still persevere in the same sentiments & resolution; I shall take my passage in the Fendant of 74 guns commanded by the marquis de Vaudreuil, by the way of Martinique & hope soon to be on my passage for France,1 & refer to the happy moment in which I shall have the pleasure of meeting with you, a particular detail of what has passed since my leaving France in which you as well as your country are interested. Meantime be assured that I am with the most grateful remembrance of your kind civilities, & the most sincere respect & attachment my Dr sir your most obedT very humble servt S Deane 374 1Voir CARON DE BEAUMARCHAIS lettre 865 n. 4. 907. Du comte d’Estaing [26 décembre 1779] Un vice amiral peut etre decrédité; prenant trop sur lui, ayant usé, abusé meme des forces navales de Monsieur de Beaumarchais; 1 ne pas recevoir la visite de son Souverain, c’est ce qui ne s’est jamais vû; c’est bien malgré moi que cela a eté. Les bontés excessives dont on avoit honoré la veille par une multitude de visites inattendues le Jeannot aquatique lui avoit fait fermer sa porte sans en prévenir une qui lui auroit fait autant de plaisir. M. d’Estaing prie Monsieur De Beaumarchais d’agréer ses excuses et ses regrets; ils sont d’autant plus grands qu’il est obligé d’aller boiter à Versailles pour quelques jours: Les chirurgiens l’assurent qu’en vertu des escaliers et des reverences il en reviendra impotant pour au moins trois semaines: s’il ne l’est pas il demandera un rendez vous à Paris; sinon il tardera d’obtenir par un billet une visite qui l’interesse autant.2 Passy, ce 26 XbRe 1779./. AF; Loménie, II, pp. 168-69; Donvez A 470. 1A la bataille de Grenade et de Savannah; voir lettres 827 et 902 n. 3. 2Voir la lettre 909 qui est la réponse de Beaumarchais du même ton que celle-ci. 375 CORRESPONDANCE 908. A Maurel de Chailleuse Andernac M. Maurel de Chailleuse à Paris ce 28 Xre 1779 J’ai reçu M. la lettre dont vous m’avez honoré en datte du 16. Xr.e Aucune raison ne pouvant m’engager à mettre du mystere dans ce qui devrait deja être connu de l’Europe entiere Je vous dirai le fait avec plaisir. Une société puissante qui honore et chérit la littérature vient d’acquérir au prix de 4000 guinées les poinçons matrices et tous les instrumens des arts de la gravure et imprimerie lissage de papiers du celebre Baskerville en Angleterre1 Son but est de donner à chaque grand auteur a chaque homme celebre à commencer par MR De Voltaire dont elle a aquis les portefeuilles au prix de cent mille ecus les honneurs d’une edition magnifique;2 vingt papeteries en differens pays se disputent l’avantage de fournir ce qu’elles ont de plus beau pr remplir les vues grandes et honorables de cette société. Plusieurs personnes ont été chargée par elle de voyager et de vérifier sur les lieux les rapports qui lui ont été faits des positions qu’on lui a dit être propres chéz différens Princes d’Allemagne à l’éxécution de cette noble enterprise Je connais peu le BN de Trieste3 mais je sais que la personne 4 choisie par la Société pr présider aux etablissemens d’imprimerie et à l’éxécution des chefs d’oeuvres qu’on en espere a chargé ce Baron, qui est allemand d’aller en plusieurs endroits éxaminer préliminairemt les lieux qui peuvent se disputer la préférence d’un tel etablissement. Il est certain que l’avantage qui doit résulter pour les etats du Prince Souverain à qui la Société sadressera doit le porter à la plus honorable bienveillance mais la personne chargée d’en traitter directemT avec le Souverain dont la Compagnie aura désiré la ville ou le téritoire est en Angleterre en ce momT C’est un homme d’un grand mérite et c’est à lui que passent aujourd’huy toutes les instructions qui nous viennent de M. Le Bo.n de Trieste, et des autres voyageurs. J’ai accepté volontiers la correspondance générale de cette affaire parce que je la crois infiniment utile aux progrès des beaux arts et très propre à honorer notre siecle. Quant aux bruits sourds que cela occasionne une heure de conversation du chef de l’imprimerie avec la puissance à qui il 376 CARON DE BEAUMARCHAIS aura lhr. de s’adresser au nom de la Société balayera toute cette poussiere. Rien de ce qui peut être malhonnête vil ou petit ne peut entrer dans le plan dont il s’agit. Les seuls auteurs celebres qui auront bien mérité de leur siecle et des hommes de tous les pays par les progrès qu’ils auront apportés aux connaissances humaines recevront les hr.s d’une édition magnifique et Mr de Voltaire est le premier à qui la Société va consacrer ses soins et sa fortune. Les Prospectus sont sous presse. Voila, M. ce que je puis et dois répondre à vos demandes heureux le Prince assez éclairé assez philosophe et assez bon politique pour attirer dans ses etats l’elite de tous les arts consacrés à la littérature. 1Dans une lettre à Le Tellier du 9 octobre se trouve écrit: “Le marché de la fonderie de feu M Baskerville est enfin conclu et || sterl. . . . ” (BHVP, MS 1312, I, f. 70). L’acte de arreté pour 3700 — vente signé date du 11 décembre; IMV. 2Watts raconte comment Beaumarchais en vient à acheter les manuscrits de Voltaire et il termine par une anecdote racontée par Panckoucke lui même. Panckoucke loue d’abord Beaumarchais pour le travail qu’il fait et le plaint de l’argent qu’il a perdu. Panckoucke montre ensuite sa magnanimité envers Beaumarchais: “Je puis assurer que les plus grands sacrifices ne lui ont rien coûté. Instruit de sa position à l’égard de cet ouvrage [le Kehl-Voltaire], j’ai transigé avec lui à 172,000 livres, et j’ai dit quelquefois en plaisantant que je lui avais donné un dîner qui m’avait coûté 128,000 livres, parce qu’en effet un dîner fut la suite de notre transaction.” (Lettre de M. Panckoucke à Messieurs le président et électeurs de 1791 citée par Watts, pp. 61-62). Donc, le prix original des manuscrits, selon Panckoucke et Beaumarchais, était de 300,000 livres (à l’époque 3 livres valaient un écu) mais selon Panckoucke, Beaumarchais n’a payé que 172,000 livres. Fournier semble avoir trouvé la vérité quand il écrit: “Suivant un bruit que Beaumarchais se garda bien de démentir, si même il ne le fit courir, le marché ne se serait conclu qu’au prix de trois cent mille livres. Le vrai chiffre est cent soixante mille, dont cent mille furent payées comptant et le reste beaucoup plus tard. Un acte du 27 CORRESPONDANCE 377 novembre 1786, dont nous possédons l’original, en régla le payement par annuités de quinze mille livres du 30 décembre 1789 au 30 décembre 1792 . . . ” ( p. xliii). 3Voir lettre 846 n. 7. 4Le Tellier. 909. Au comte d’Estaing Réponse à MR Le Ct.e d’Estaing 31. XbRe 1779 Très digne et respectable amiral qui pouvez bien être attaqué, mais jamais décrédité. Comme vous n’avez usé de la marine de moi souverain, que pour le service d’un autre aussi puissant qu’équitable espérons qu’il fera justice à tous deux en vous comblant d’honneurs et en réparant mes pertes.1 Vous recevrez quand vous pourrez l’hommage de moi souverain votre serviteur qui n’avais pas attendu vos grands exploits pour vous apprécier et qui me suis battu cent fois de la langue contre l’armée de coquins qui vous fesait injure pendant que vous frappiez si fierement de l’épée contre les ennemis de l’etat. Le plus pressant est de rétablir votre santé2 dont nous avons grand besoin et si par hazard vous formiez le projet de faire par écrit l’apologie de votre conduite militaire comme on cherche à l’insinuer je vous supplie de rejetter cette idée avec un grand signe de croix comme une tentation du démon. Je vous en conjure de la part de tout ce qui vous honore et nommément de la part d’un vieillard celebre qui vous aime qui brule de vous voir assis à côté de lui un baton à la main au grand tribunal de l’honneur dont vous remplissez si glorieusement les devoirs.3 Je prends la liberté pour vous désopiler la rate de vous adresser mon dernier opuscule politique 4 lequel n’a pas le bonheur de plaire à tout le monde. J’y joins aussi l’un de ces courriers de l’europe5 ou j’élevai fortement la voix sur vos travaux 378 CARON DE BEAUMARCHAIS guerriers pour couvrir celle de la troupe infame qui hurlait si insolemment contre vous. Et l’on disait alors comme on dit aujourd’huy. De quoi se mele cet audacieux de parler du Comte d’Estaing? De quel droit le deffend-il?—Méchans mes amis! Je le deffends du droit que vous prenez de l’attaquer et j’allais devant moi sans m’embarrasser de leur colère. Ainsi ferai-je encore et toujours. Il faut pourtT convenir qu’ils en ont dans l’aile et que leur voix commence à s’enrouer. Lorsque vous m’accorderez un quart d’heure vous serez bien sur de combler de joie celui qui est avec le plus respectueux devouement à la fin comme au commencement et dans le cours de toutes les années. Digne et respectable amiral votre très humble &c serviteur De Beaumarchais. 1Voir lettre 827; les pertes de Beaumarchais atteignent plus de deux millions de livres. 2A la bataille de Grenade, l’amiral a été blessé une première fois et à Savannah il fut de nouveau blessé à la jambe et au bras. 3Loménie, II, p. 169 n. 1 écrit: “Il s’agit sans doute de M. de Maurepas [un des vingt maréchaux], qui désirait que l’amiral d’Estaing gardât le silence sur les critiques dont sa campagne avait été l’objet.” 4Observations sur le Mémoire justificatif. 5Voir lettre 861. INDEX INDEX DES NOMS CITES (Le meilleur moyen de chercher des noms, des mots, des phrases, etc. dans ce volume est d’aller à votre barre d’outils et de cliquer sur Recherche) Abbeg 338 Adams 54, 55 n..9, 169 n. 2, 227 Affiches de Paris 283 n. 2 Aiguillon, d’ 346 n. 8 Aiguilloniana 346 n. 8 Aimable Suzanne 169 n. 4, 353, 356 Albert 137 n. 2 Alembert, d’ 207, 208 n. 6 Alliance 166, 169 n. 2 Almaviva, comte d’ 329 n. 10, 329 n. 12, 329 n. 13 Almaviva, comtesse d’ 330 n. 14, 336, 337 n. 3 Almodovar 202, 203 n. 2, 203 n. 4 Amélie 49 Amelot 319, 319 n. 2, 320, 321 Aminthe 18 Amphion 216, 217 Amphitrite 49, 55 n. 3, 317, 317 André 276, 276 n. 2 André, personnage des Deux Amis 330 n. 15, 337 n. 3 Annette Marguérite 93 Annibal 216 Arbuthnot 231, 232 n. 2 Arrêt du conseil d’état du roi… 348 n. 1 Artois, d’ 163, n. 12 Athalie 166 n. 1 Aubert 282, 283 n. 2 Aubertin 321 n. 1 Audibert 74, 76 n. 3 Aumont, d’ 247 n. 3 Aurelly 326, 327, 328 n. 4, 329 n. 7, 333 Aurore 287 n. 1 Autun 267, 268 n. 1 Aux mânes de Louis XV… 260, 261 n. 6 Avis arbitral 172 n. 1, 188 B... voir Beauharnais Baignoux 10, 11 Bancroft 199, 200, 227, 301, 305 Barbier de Séville, Le 145, 149 n. 1, 245, 269 n. 1, 328 n. 1, 329 n. 7, 329 n. 12, 329 n. 13, 330 n. 16, 330 n. 17, 335, 335 n. 2 Barrington 99 n. 3 Basiles voir Bazile[s] Baskervelle voir Baskerville 382 CARON DE BEAUMARCHAIS Baskerville, John 71, 72 n. 1, 206, 237, 238, 260, 261 n. 5, 309 n. 1, 310, 310 n. 1, 367, 368 n. 1 Baskerville, madame 71, 72 n. 1, 261 n. 4, 309 n. 1 Bazile[s] 146, 147, 148, 149 n. 2, 329 n. 9 Beauharnais, comtesse de 123 n. 1, 124, 136, 145 n. 1 Beauharnais, Claude 123 n. 1 Belecombe voir Bellecombe Belecourt voir Bellecour Belette 169 n. 4, 170 Belon voir Bellon Belle Alliance 72 Bellecombe 181, 182 n. 5, 183, 184, 204 Bellecour 327, 329 n. 12 Bellon 83, 84, 158, 198, 299 Bellot 145 Beniowski 324, 325 n. 1 Benjamin portant des lunettes au nez 168 Bergère 26, 161, 167 Bernis 76 n. 3 Bess 96 Bienousky voir Beniowsky Billard voir Billard du Monceau Billard du Monceau 326, 329 n. 6 Biron voir Byron Biron, duchesse de 237 n. 2 Bitaubé 123 n. 1 Blue Book 149 n. 6 Bobée 162, 163 Boïeldieu 325 n. 1 Bonfin 166 n. 1, 265 n. 2 Bonhome Richard 169 n. 4, 290 Bore voir Preudhomme de Borre Bougainville 211 n. 1 Bouillé 99 n. 3 Bouillon 324 Bouret 328, 330 n. 16, 334 Bourette voir Bouret Bretigni voir Brétigny Brétigny 162, 163 n. 12 Breugnon 278, 280 n. 2 Brid’oison 321 n. 2, 329 n. 7 Brizard 327, 329 n. 8, 333, 334 Brokeins 264 Brugnon voir Breugnon Brunoy 137 n. 2 Buckskin 166, 169 n. 1 Bueskin voir Buckskin Byron 99 n. 3, 220 n. 2, 274, 280 n. 1 Calas 76 n. 3 Campion 84 Candide 289 Cantigny voir Cantini Cantini 41, 43 n. 34, 135, 199, 240, 252, 302, 316 Cantiny voir Cantini Carabasse 113, 303, 304 Carmichael 33, 42 n. 24, 51, 52, 55 n. 6, 111, 112, 150, 154, 199, 200, 223, 226, 229, 301, 305 Carmik voir Carmichael Carmikael voir Carmichael Carmikaël voir Carmichael Caroline-Mathilde 148, 149 n. 9 Caslon 206, 208 n. 2, 238 Caslon, fils 208 n. 2 Caslon, madame 208 n. 2 Casse 219, 219, 220 n. 6, 290, 353 Castries 358 n. 5 Catherine, l’impératrice 149 n. 8, 207, 266 CE voir Courier de l’Europe CORRESPONDANCE Cellier 128 Cerf 121 n. 17 Cezar 154 Chaa 194 Chabanon 331, 332 n. 2 Chartres, duc de 137 n. 2, 182 n. 6 Chaum voir Leray de Chaumont Chaumette 336 n. 2 Chaumont voir Leray de Chaumont Chevalié voir Chevallié Chevallie voir Chevallié Chevallier voir Chevallié Chevallié 15, 16, 16 n. 1, 64, 67, 68, 77, 78, 79, 79 n. 2, 87, 92, 107, 108, 113, 114, 160, 167, 168, 170, 172, 172 n. 1, 186, 188, 188 n. 2, 194, 239, 241, 248, 250, 251 n. 1, 252, 254, 293, 294, 295, 296, 303 Choiseul 341 n. 2, 342, 343, 344, 345 n. 2, 346 n. 4, 347, 352 n. 1 Chrétien VII 149 n. 9 Clarendon 329 n. 12, 329 n. 13 Clairon 329 n. 8 Colin de S. Marc voir Colin de Saint Marc Colin de Saint Marc 240, 251 Common Sense 32 Comte de Sabran 83, 169 n. 4, 299, 353, 356 Comtesse de Brionne 159, 160 Comtini voir Cantini Condorcet 13 n. 1, 207, 208 n. 7 Confederacy 287 n. 1 Conti 320 Conway 114, 150 Cornelly 62, 70 Cottin 74, 76 n. 3 383 Couret de Villeneuve 332 n. 1 Courier voir Courier de l’Europe Courier de l’Europe 92, 97 n. 1, 97 n. 9, 99 n. 3, 138 n. 2, 178, 265, 266, 280 n..2, 282, 287, 322, 340, 341, 342, 343, 344, 351, 352, 359, 370 Courrier du Nord 344, 360 Court mémoire… 76 n. 1 Crip voir Cripps Cripps 304, 306 n. 22 Cromwell 346 n. 7 Croy voir Croÿ Croÿ 265, 266 n. 1 Ct.e de Sabran voir Comte de Sabran D... voir Deane Dabins 328 Dalanza 175 Dalaza voir Dalanza Dalon 264, 265 n. 1 Datilly 125, 125 n. 1 d’Atilly voir Datilly Daubry 260, 261 d’Aubry voir Daubry David 7 Dazincourt 328, 330 n. 17, 334 De Lorme 266 Deane 26, 28, 30, 31, 32, 33, 38, 42 n. 20, 43, 44, 45, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55 n. 6, 55 n. 8, 86, 111, 112, 116, 120, 132 n. 1, 150, 151, 152, 157, 162, 191, 192, 196, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 229 n. 3, 232, 233, 234, 235, 285, 286, 287, 287 n. 4, 301, 360, 361, 362, 365 Déclaration d’Indépendance 208 n. 2 Dem… voir Montieu 384 CARON DE BEAUMARCHAIS Demontieu voir Montieu Deponthiere 163, 200 Des Entelles 245, 247 n. 3 Des Epiniers 28, 39, 135, 150 n. 11, 150, 160, 171, 285, 287 n. 4, 302, 357 Desmoulins 336 n. 2 Desrues 148, 150 n. 10 Des Ruës voir Desrues Deux Amis, Les 245, 326, 328 n. 1, 329 n. 7, 329 n. 10, 329 n. 12, 333, 334, 336 Deux Hélènes 169 n. 4, 356 Doligny 327, 330 n. 14, 336, 337 n. 3 Dorat 122, 123, 123 n. 1, 124 n. 2, 125, 137 n. 1, 144, 190, 191, 200, 307, 308 n. 1 Dorival 328, 330 n. 19 Dorval voir Dorival Doublet de Person 137 n. 2 Drayton 14, 15 n. 1, 116, 117, 119, 122 n. 39, 150, 158, 162, 191, 196 Du Collet 316 Du C[oudray] voir Tronçon du Coudray Du Ponceau 149 n. 7, 352 n. 1 Duc du Châtelet 12, 166, 169 n. 4 Duchemin 128 Dudoyer voir Pelletier Dudoyer Duer 26, 116, 117, 119, 122 n. 39 Dumesnil 329 n. 8 Dupleix 182 n. 3 Dupont de Nemours 13 n. 1 Durand 41, 43 n. 34, 199, 302 Duras 230, 245, 246, 247 n. 3, 247, 249, 250, 254, 255, 257, 262, 263, 269, 272 Durival 350, 351, 352 Dussaulx 123 n. 1 Duval de La Potinière 64, 65 n. 1 Ellery 116, 117, 119 Emmery fils 112, 121 n. 25 Encyclopédie 209 n. 12, 237 Estaing d’ 59, 99 n. 3, 113, 121 n. 30, 169 n. 3, 183, 184, 204, 205, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 220 n. 2, 221, 221 n. 5, 272, 273, 274, 278, 279, 280, 280 n. 1, 280 n. 2, 282, 286, 289, 305, 306 n. 6, 353, 355, 357, 358 n. 3, 366, 369, 370, 370 n. 3 Eugénie 245, 328 n. 1, 329 n. 7, 329 n. 9, 329 n. 12, 329 n. 13, 330 n. 15, 335 Eugénie 327, 333, 336 Exposé des motifs de la conduite du Roi… 315 n. 2 Extrait des registres… 348 n.1 Exposé fidèle des complaisances… 319 n. 1, 322 n. 1 F… voir Franklin Farquharson 260, 261 n. 5, 308, 309 Farquhasson voir Farquharson Fendant 360, 365 Ferragus 12, 110 Feuilli voir Feuilly Feuilly 328 Fier voir Fier Roderigue Fier Rod voir Fier Roderigue Fier Roderigue 7, 16, 16 n. 1, 26, 30, 32, 36, 37, 43 n. 35, 47, 64, 65 n. 1, 78, 79 n. 2, 87, 92 n. 2, 100 n. 3, 103, 107, 113, 114, 115, 132, 134, 134 n. 3, 148, 156, 162, 166, 167, 168, CORRESPONDANCE 169 n. 4, 170, 171, 172 n. 5, 173, 174, 175 n. 3, 187, 194, 198, 199, 212, 212 n. 1, 213, 221, 221 n. 3, 250, 251 n. 1, 252, 273 n. 2, 276, 277, 278, 280 n. 2, 283, 284, 285, 286, 287 n. 4, 289, 291, 293, 296, 297, 298, 300, 301, 303, 304, 316, 316 n. 1, 317, 317, 354, 355, 356, 357, 358 n. 5, 360, 361, 362, 363, 364 Fier Rodrigue voir Fier Roderigue Figaro 321 n. 2, 329 n. 7, 330 n. 17 Flamand 83 Fleuri voir Abraham-Joseph Bénard Fleury Fleury, duc de 247 n. 3, Fleury, Abraham-Joseph Bénard dit, 327, 329 n. 13 Forbes 116, 117, 119 Fox 208 n. 1 Francey voir Francy Franci voir Francy Francy 1, 2, 15, 16 n. 1, 25, 43 n. 34, 44, 45, 55 n. 4, 59, 65, 84, 87, 88, 107, 110, 114, 115, 116, 119, 121 n. 19, 127, 131, 134, 135, 138, 139, 146, 147, 149 n. 3, 150 n. 11, 150, 163 n. 1, 166, 170, 171, 176 n. 2, 187, 191, 201, 223, 229 n. 3, 285, 287 n. 4, 288, 301, 311, 313 n. 3, 354, 360 Frank voir Franklin Franklin 30, 31, 34, 42 n. 20, 47, 54, 55 n. 8, 100, 101, 101 n. 2, 106, 152, 153, 155, 157, 161, 169 n. 9, 193, 195, 199, 200 n. 6, 226, 227, 228, 229 n. 3, 235, 301, 304, 305, 338, 355, 358, 363 385 Freeth 71 FRod voir Fier Roderigue Frontin 18 G voir Gérard Gachet 357 Galvan 27, 42 n. 14, 110, 157, 158, 171, 196, 198, 299, 304, 305, 311 Galvan de Lérié voir Galvan Ganteaume 132, 133, 133 n. 1, 170 Garnaule voir Garnault Garnaulle voir Garnault Garnault 240, 241, 251, 253, 316 Garnier 187 Gazette de France 208 n. 8, 283 n. 2 George, fils de Morande 176, 176 n. 2 George III 148 Gera… voir Gérard Gérard, curateur de Lafayette 1, 2 n. 1 Gérard, Conrad Alexandre 14, 29, 30, 32, 33, 35, 36, 37, 42 n. 1, 52, 55 n. 6, 59, 96, 97 n. 5, 113, 134 135, 154, 156, 157, 159, 163, 192, 193, 195, 196, 200 n. 1, 201, 202, 202 n. 1, 223, 226, 228, 286, 287 n. 1, 288, 291, 292, 300, 301, 304, 305, 362 Gérard de Rayneval 317, 317 n. 1, 317, 318, 352 n. 1 Gibbon 314, 315 n. 2, 352 n. 1 Gienot voir Gienote Gienote 168 Gillon 311, 313, 313 n. 1 Gimat 114, 122 n. 33 Girard voir Gérard Giroud 41, 108, 112, 157, 171, 196, 197, 300, 362 386 CARON DE BEAUMARCHAIS Girous voir Girous Gobel 336 n. 2 Godeville 17, 19, 22, 23, 60, 61, 69, 69 n. 1 Goezman 261 n. 2 Good Hope 94 Gradis 76 n. 3, 78, 79 Grammont 336, 336 n. 2 Green 162, 163, 163 n. 13, 191, 301 Grimm 283 n. 2 Grippe-Soleil 239 n. 13 Grizel 326, 329 n. 6 Gudin de la Brenellerie 41, 69, 69 n. 1, 76 n. 1, 92 n. 2, 125 n. 1, 162, 163, 171, 198, 260, 288 n. 7, 302, 307, 364 Hardi 83, 110, 169 n. 4, 170, 311 Hartley 329 n. 7, 329 n. 9, 333 Harvey 71 Hébert 336 n. 2 Hébre de Saint Clément 15, 186, 240 Henry, Patrick 16 n. 1, 200 n. 7 Hercule 92 n. 1, 103 n. 3 Hipopotame 317 Hircan 330 n. 18 Holker 26, 134, 134 n. 1, 135, 201, 304 Hollond, Néhémiah 46, 96, 98 Hortalez voir Roderigue Hortalez Howe 220 n. 2 Isard voir Izard Izard 30, 42 n. 20, 196, 212, 222, 224, 228, 229, 232 Jansénistes 326 Jansénius 327 Jarotess 96 Jauge 74, 76 n. 3 Jauges voir Jauges Jay, John 3, 84, 89 n. 1, 121 n. 10, 200 n. 6, 286, 287 n. 1, 287 n. 2, 304, 354, 357, 358 n. 1, 363 Jeannot 366 Jefferson, Thomas 200 n. 7 Jeune Achille 42 n. 1, 150 Johnston voir Johnstone Johnstone 189, 228 Jones, John Paul 13 n. 3, 121 n. 17, 169 n. 2 Journal de Paris 208 n. 8, 310 n. 2 Journal de Politique et de Littérature 346 n. 8 Journal des campagnes de 1777 et 1778… 243 n. 5 Julie 21 n. 2 Keppel 13 n. 3, 182 n. 6 Kornman 76 n. 1, 211 n. 1 Kotzebue 325 n. 1 La Belinaye 38 La Blache 43 n. 37, 287 Laborde 284 n. 1 La Chategneraye, de 241, 242 n. 2 Lafayette 1, 2, 2 n. 1, 26, 36, 42 n. 26, 114, 122 n. 33, 161, 168, 171, 172 n. 7, 192, 200 n. 5, 304 La Ferté 247 n. 3, 268, 269 n. 1, 341, 342 La Fontaine 61 n. 2 La Harpe 283 n. 2 Lallemand 236, 237 n. 1 La Luzerne 169 n. 2, 364 n. 5 Lamotte 100 CORRESPONDANCE La Motte-Picquet 166, 167, 169 n. 3, 170, 172 n. 5, 173, 174 La Neuville 200 n. 5 Lange 168 Languedoc 221 Lap. 166 La Porte, Arnauld de 316 n. 2 Laragais voir Lauraguais Laraguais voir Lauraguais La Rouerie 36, 38, 41, 42 n. 26 Latil 41, 43 n. 29, 198, 300 La Touche 19, 19 n. 1, 22, 23, 60 Latouche, Louis-Charles Levassor, marquis de 316, 316 n. 2 La Touche de Tréville, comte de 316, 316 n. 2 La Tour 323 Lauragais voir Lauraguais Lauraguais 31, 223, 224 Lauzun 128, 129 n. 1 Lavauguyon 271, 271 n. 5 Lavoisier 13 n. 1 Lee, Arthur 30, 31, 32, 42 n. 19, 42 n. 20, 45, 47, 53, 55 n. 7, 55 n. 8, 86, 101, 108, 120, 132 n. 1, 150, 152, 153, 154, 155, 156, 158, 189, 189 n. 1, 205, 206, 212, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 230 n. 3, 232, 234, 286, 304 Lee, Francis Lighfoot 196, 200 n. 9 Lee, Ludwell 189, 189 n. 2, 190, 191, 222 Lee, Richard Henry 196, 200 n. 9 Lee, William 155, 156 Le Noir 69, 72, 137 n. 2, 202, 260, 338, 348, 349, 349 n. 1 387 Le Tellier 238, 239 n. 1, 261 n. 7, 275, 276, 276 n. 2, 308, 309, 314, 315 n. 1, 368 n. 1, 369 n. 4, Lépine 212, 213, 213 n. 1, 278, 304, 306 L’Epine voir Lépine Leray de Chaumont 26, 306 n. 19 Lesser voir Serres de La Tour Lestargette 41, 110, 198, 299 Lestarjete voir Lestargette Levaigneur 41, 43 n. 34, 199, 302, 313 n. 2 Leveigneur voir Levaigneur Linguet, Simon-Nicolas-Henri 345, 346 n. 8 Linguet, madame 336 Lisette, chien de madame de Godeville 17, 19, 22, 69 Lisette 18 Littlepage 355, 357, 358 n. 1, 363 Livinstong 363 Louis, Victor 164, 166 n. 1, 264, 265 Louis, madame 265 Louis XIV 180, 347 Louis XVI 205 n. 4, 276, 328 n. 5 Loup 72 Lyon 12 M… 33 Mably 123 n. 1 Macartney 22 n. 1, 215, 216 Mairobert 136, 137 n. 2 Makartenay voir Macartney Malesherbes 13 n. 1, 137 n. 2, 319 n. 2 Manes voir Aux Manes… Mariage de Figaro , Le 208 n. 8, 321 n. 2, 329 n. 7, 329 n. 9, 329 n. 10, 329 n. 13, 388 CARON DE BEAUMARCHAIS 330 n. 14, 330 n. 17, 337 n. 3, 348 n. 2 Marie-Antoinette 121 n. 30, 266 n. 1, 326, 330 n. 17 Marindin 71, 72 Marmontel 76 n. 3, 207, 209 n. 9, 209 n. 10, 283 n. 2 Martin 94 Mary Ferron 358 n. 1, 363 Mars 329 n. 11 Mathilde voir CarolineMathilde Mauleon voir Maullon Maullon 34, 41, 42, 42 n. 1, 42 n. 25, 44 Maupeou 69 n. 1 Maurel de Chailleuse 367 Maurepas 56, 59, 66, 81, 90, 102, 105, 107, 137, 138, 138 n. 2, 140, 168, 176, 177, 202, 230, 256, 262, 267, 268, 269, 274, 277, 283, 319, 319 n. 2, 319, 320, 321 n. 1, 322 n. 1, 323, 333, 340, 343, 370 Maximilien-Joseph 364 n. 5 Mazarin 346 n. 7 Mélac 326, 327, 328 n. 4, 329 n. 8, 333 Mélac fils 327, 329 n. 10, 335 Mémoire justificatif de la Cour de Saint James 314, 317, 322, 325 Mémoire Justificatif du Roi d’Angleterre voir Mémoire justificatif de la Cour de Saint James Mémoire justificatif pour servir de réponse… 315 n. 2 Mémoires de Bernis 76 n. 3 Mémoires de Trévoux 283 n. 2 Ménagère 358 n. 5 Mercure 49 Mercy-Argentau 266 n. 1 Mère coupable, La 329 n. 10 Micault d’Harvelay 283, 284, 284 n. 1, 284 n. 2 Molé 327, 329 n. 10, 334, 335 Monbos 43 n. 29 Mont… voir Montieu Montaigne 231 Montau 251 Montaud voir Montaut Montaut, mort à la Grenade 78, 79, 79 n. 2, 92 n. 2, 107, 132, 133, 170, 172 n. 5, 174, 221, 272, 273, 277, 280 n. 2, 289, 306 n. 6, Montaut, frère du précédent 212, 213 n. 1, 213, 220, 306 n. 5, 353 Montbarrey 243 Montford voir Montfort Montfort 43, 44 n. 1 Monthieu voir Montieu Monthieux voir Montieu Montieu 43 n. 34, 64, 65, 67, 68, 77, 78, 109, 116, 125, 129, 132, 138, 139, 158, 162, 163, 166, 170, 173, 175, 175 n. 3, 198, 200, 219, 221, 221 n. 1, 221 n. 2, 221 n. 3, 225, 227, 240, 241, 251 n. 1, 252, 253, 302, 304, 306, 306 n. 20, 315, 316, 353, 353, 356, 357, 361, 362, 363, 364 Montieux voir Montieu Montmorin 138 n. 2 Monvel 327, 332, 334 Morande Morande, Charles-Théveneau 176 n. 2, 313 Morande, Elizabeth 176 n. 2 Moreau 63, 63 n.1 Morelet voir Morellet CORRESPONDANCE Morellet 207, 209 n. 10 Moris 303 Morris 26, 42 n. 3 Motifs & Plan de la réparation des 200,000 liv. 310 n. 2 Mouret 239 n. 1 Mullens 46, 96, 108, 150, 168 Mullins voir Mullens N… 181 Nairac, Paul 187 Nairac, Philippe 188 n. 2 Napoléon 133 n. 1 Nassau voir Nassau-Siegen Nassau-Siegen 209, 211 n. 1, 211 n. 3, 231, 232 n. 2, 243, 273, 309 Nasseau voir Nassau-Siegen Necker 10, 11, 13 n. 4, 66, 76 n. 2, 76 n. 3, 77 n. 5, 80, 81, 82, 84 n. 1, 89, 90, 102, 141 Néhémiah Hollond voir Hollond, Néhémiah Néker voir Necker Nesbitt 163 n. 13 Ninon 20, 21 n. 1, 21 n. 2 Nivernais 341 n. 2 Nord voir Courrier du Nord North, Lord 140, 141 n. 2, 208 n. 1 Nouvelle Héloïse, La 21 n. 2 Oatridge 71, 72 Observateur anglois 137 n. 2 Observation… voir Observation d’un Citoyen adressée aux ministres du Roi Observation d’un Citoyen adressée aux ministres du Roi 66, 73, 76 n. 1 Observations on the Nature of Civil Liberty 346 n. 7 Observations sur le Mémoire justificatif… 319, 322 n. 1, 389 339, 341 n. 2, 345, 348 n. 3, 349 n. 2, 350 n. 2, 359 n. 1, 370 n. 4 Observations sur le Mémoire Justificatif… [Gérard de Rayneval] 352 n. 1 Ogny, d’ 266, 266 n. 4, 360 Oratoire 337 Oratoriens 324 n. 1 Orvilliers, d’ 182 n. 6, 316 n. 2 Oster 93, 96 Outrages des Anglais 324, 325 P***, demoiselle 24 P***, Jacob 24 P***, sieur 24 Paine, Thomas 32, 33, 151, 163 n. 3 Palevsky voir Pulaski Pallas 7, 8, 13 n. 13 Panckoucke, Charles-Joseph 72 n. 1, 129, 130 n. 1, 208 n. 7, 236, 237 n. 3, 259, 260, 332, 332 n. 1, 368 n. 2 Panckoucke, Thérèse-Marthe 331, 332 n. 1 Panckouke, soeur 208 n. 8 Pankouk voir Panckoucke Pankouke voir Panckoucke Pâris de Montmartel 284 n. 1 Pâris-Duverney 287, 288 n. 3 Parmentier 273 Pauline 327, 336 Paulze 4, 13 n. 1, 80, 141, 141, 186, 239, 240, 250 Payne voir Paine Pelletier Dudoyer 48, 49, 52, 55 n. 3, 100, 108, 194, 312, 357 Peltier voir Pelletier Penet 26 Percy 96, 97 Pereira 24, 25 n. 3 Péreyra voir Pereira 390 CARON DE BEAUMARCHAIS Pérou 169 n. 4, 356 Persens 357 Picon 42 n. 1 Pierre voir Pierres Pierre III 149 n. 8 Pierres 260, 261 n. 2 Pin 328 Pitt 208 n. 1 Pluton 92 n. 1, 103 n. 3 Polyeucte 330 n. 19 Pommier 60 Ponthiere voir Deponthière Pouchkine 149 n. 8 Pougatchef 149 n. 8 Pougatchew voir Pougatchef Praslin 341 n. 2, 346 n. 4, 352 n. 1 Preudhomme de Borre 241, 242, 243 n. 5, 325 n. 1 Préville 327, 333 Price 345, 346 n. 7 Prospectus 207, 237, 238, 260, 308, 310 n. 2, 368 Prud’homme de Bore voir Preudhomme de Borre Pugatschew voir Pougatchef Pulaski 162, 168, 198, 325 n. 1 Pulawsky voir Pulaski R… voir Richelieu Racine 166 n. 1 Reed 43 n. 27 Néelle, de 145 Remouit 93, 96 Renommée 354 Requête à Messieures les Représentants de la Commune de Paris 25 n. 3, 77 n. 4, 325 n. 1 Retz 345, 346 n. 7 R.H. voir Roderigue Hortalez R. Hortalez voir Roderigue Hortalez Richelieu 24, 25 n. 1, 230, 247 n. 3, 249, 250, 255, 257, 259, 262, 263, 265 n. 3, 269, 272, 330 n. 17, 341, 342, 346 n. 7 Robert 330 n. 15 Roderigue voir Rodrigue Hortalez Rodrigue voir Roderigue Hortalez Roderigue Hortalez 50, 115, 116, 117, 118, 146, 148, 149, 211 n. 3, 224, 228 Rohan, Emmanuel de 92 n. 3 Roi de Prusse 123 n. 1, 130, 207 Roi de Suéde 207 Roséide ou l’Intrigant 308 n. 1 Rosine 327, 330 n. 17, 336 Roubeau 113, 138, 362 Rousseau 21 n. 1, 182 Rullecourt 209, 211 n. 2 Ruston 260, 261 n. 4, 308 Rutledge 110, 121 n. 16, 158, 171, 299, 311, 312 Saint Alban 327, 329 n. 12, 335 Saint Clair 176 n. 2 Saint Germain 242, 243 Saint Jaumes 324 n. 1 Saint Louis, l’abbesse de 342 343, 345 n. 2 Saint Paul 243, 247 Saint Peter 46, 96 Saint Pierre 46 Saint-Preux 21 n. 2 Sainval 328 n. 3, 330 n. 14 Sarran 305 voir aussi Serran Sartine 30, 46, 62, 65, 66, 67, 70, 97, 126, 127, 128, 137 n. 2, 173, 175, 188, 205 n. 2, 210, 211 n. 1, 211 n. 3, CORRESPONDANCE 241, 250, 251, 272, 273, 276, 321, 322, 324, 325 Sartines voir Sartine Saunier 186, 187, 240, 241, 253 Savary 256 Scipion 92 n. 1, 103 n. 3 Scythes, Les 330 n. 18 Sedaine 287, 288 n. 1 Seimandi 76 n. 3 Sémandi voir Seimandi Sensible 169 n. 2 Serran 364 voir aussi Sarran Serres de La Tour 92, 93, 97 n. 1, 97 n. 3, 278, 342 Shelburn voir Shelburne Shelburne 206, 208 n. 1, 209 n. 10, 238, 314, 315, 315 n. 1 Sidney 345, 346 n. 7 Smith 291, 305 Smith, Meriwether 131, 132, 132 n. 1, 163, 163 n. 9, 191, 200, 306 n. 10 Société Philosophique, Littéraire et Typographique 72 n. 1, 261 n. 5, 367, 368 Société Typographique de Neuchâtel 129, 130 n. 1 Soluvent 61, 63 St Germain voir Saint Germain St Jaumes voir Saint Jaumes St Louis voir Saint Louis St Paul voir Saint Paul St Peter Saint Peter St Pierre voir Saint Pierre St… voir Steuben Stanislas 329 n. 13 Steuben 26, 28, 32, 38, 40, 41, 42 n. 8, 146, 149 n. 4, 149 n. 5, 149 n. 7, 150, 160, 162, 168, 169 n. 14, 391 191, 196, 200, 302, 325 n. 1 Stormont 318 Stub… voir Steuben Stuben voir Steuben Suard 208 n. 8 Suart voir Suard Subito 259, 261 n. 1, 275, 276 n. 1 Suidre 67 Sw… voir Swinton Swinton 138 n. 2, 141 n. 1, 141, 144 n. 1, 263, 265, 266, 313, 345 n. 1, 359, 360 T. voir Trieste Tacite 345, 346 n. 7 Talma 329 n. 9 Tantale 172 Tartuffe Littéraire, Le 308 n. 1 Teissèdre de Fleury 149 n. 7 Teissier de la Tour 42, 43 n. 36, 78, 240, 241, 248, 249, 251, 251 n. 1, 252, 254 Télussons voir Thélusson Terramène 328 Terray 326, 328 n. 5 Tessier voir Teissier de la Tour Tessier de La Tour voir Teissier de la Tour Testard 357 Thélusson 74, 76 n. 3 Thérese voir Thérèze Thérèze 48, 49, 55 n. 3, 101, 108, 169 n. 4, 227, 304, 311, 356, 357 Thomson 119 Thulerie 227 Tonnant 278, 280 n. 2 Tréville voir La Touche Tréville Trieste 261 n. 7, 367 392 CARON DE BEAUMARCHAIS Tronçon du Coudray 30, 325 n. 1 Turgot 13 n. 1, 328 n. 5 V voir Villers Van Robais 74, 76 n. 3 Vanhove 327, 329 n. 9, 333 Vanove voir Vanhove Vanovre voir Vanhove Varage 110, 121 n. 17, 198, 311 Vauban 346 n. 6 Vaudreuil 364 n. 3, 365 Veigneur voir Leveigneur Vergennes 23, 25 n. 3, 45, 59, 63, 63 n. 1, 65, 66, 67, 77 n. 5, 81, 82, 90, 92, 102, 103, 128, 138, 140, 141, 168, 176, 202, 203, 227, 228, 252, 263, 265, 267, 270, 271 n. 1, 274, 282, 283, 283 n. 2, 315 n. 1, 317, 318, 321, 322, 322 n. 1, 325, 340, 342, 343, 346 n. 4, 347, 348, 358 n. 2, 350, 352, 352 n. 1, 359, 360 Vernei voir Pâris Duverney Vernoux 121 n. 18 Vestris 328 n. 3 Victoire 169 n. 4, 306 n. 22 Vie de Voltaire 207 n. 7 Villers voir Willermawlaz Virginie 194 Vitry 42 n. 1, 163, 201, 202 n. 1, 291, 301, 362 Voltaire 72 n. 1, 76 n. 3, 123 n. 1, 129, 130 n. 1, 206, 207, 208 n. 7, 239 n. 1, 261 n. 1, 314, 329 n. 8, 330 n. 18, 332 n. 1, 368, 368 n. 2 Voyages et Mémoires 325 n. 1 Voyer, de 208, 209 n. 13 W voir Willermawlaz Walker 149 n. 7 Washington 26, 37, 44 n. 1, 149 n. 4 Willermawlaz 41, 43 n. 32, 121 n. 19, 134, 134 n. 4, 135, 162, 167, 199, 288 n. 6, 302, 306, 316, 364, 367, Willers voir Willermawlaz Williams 223 n. 3 Woodmason 206, 208 n. 3, 238 Zantzinger 107, 121 n. 4, 170 Zantzingue voir Zantzinger Zanzinger voir Zantzinger Zauzinger voir Zantzinger Zephir voir Zéphyr Zéphyr 99 n. 2, 103, 169 n. 4, 174, 356 TABLE TABLE DES MATIERES Introduction ......................................................................................... vii Abbréviations, sources manuscrites et titres cités dans les notes .................................................................................................... xii 1779 734. 735. 736. 737. 738. 739. 740. 741. 742. 743. 744. 745. 746. 747. 748. 749. 750. 751. 752. A M. Gérard, 3[?] janvier 1779 ................................................. 1 De John Jay, 15 janvier 1779 .................................................. 3 A M. Paulze, 17 janvier 1779 ................................................... 4 De William Henry Drayton, 17 janvier 1779 .......................14 De Chevallié, 21 janvier 1779 ................................................15 A Mme de Godeville, 22 janvier 1779 ...................................17 A Mme de Godeville, 24 janvier 1779 ...................................19 De Mademoiselle Ninon, 25 janvier 1779 ............................20 A Mme de Godeville, 25 janvier 1779 ...................................22 De Mme de Godeville, 26 janvier 1779 .................................23 Du comte de Vergennes, 28 janvier 1779 .............................23 Au duc de Richelieu, 28 janvier 1779 ....................................24 De Francy, 5 février 1779 .......................................................26 De Silas Deane, 6 février 1779 ..............................................44 De Francy, 8 février 1779 .......................................................44 Au comte de Vergennes, 10 février 1779 ..............................45 A M. de Sartine, 12 février 1779 ............................................46 A Benjamin Franklin, 13 février 1779 ..................................47 Aux députés des Etats-Unis de l’Amérique, 13 février 1779 ..........................................................................................48 753. Au comte de Maurepas, 13 février 1779 ...............................56 754. Au comte de Vergennes, 13 février 1779 ..............................59 755. A Mme de Godeville, 13 février 1779 ....................................60 756. A Mme de Godeville, 13 février 1779 ....................................61 757. De Soluvent prêtre, 13 février 1779 ......................................61 758. Au comte de Vergennes, 16 février 1779 ..............................63 758bis. A Necker, 17 février 1779 ..............................................64 396 CARON DE BEAUMARCHAIS 759. A Duval de La Potinière, 18 février 1779 ............................65 760. A M. de Sartine, 19 février 1779 ............................................66 761. Au comte de Maurepas, 19 février 1779 ...............................67 762. De Chevallié, 20 février 1779 .................................................69 763. A Mme de Godeville, 21 février 1779 ....................................70 764. A M. Le Noir, 24 février 1779 .................................................71 765. D’Oatridge et Marindin, 24 février 1779 ..............................72 766. De M. Le Noir, 26 février 1779 ..............................................73 767. Aux ministres du Roi, 26 février 1779 ..................................74 768. De Chevallié, 27 février 1779 .................................................78 769. De Chevallié, 27 février 1779 .................................................79 770. A M. Necker, 27 février 1779 ..................................................81 771. Au comte de Vergennes, 28 février 1779 ..............................82 772. A M. Necker, [fin février 1779] ...............................................83 773. Au Président du Congrès de Philadelphie, 1er mars 1779 .85 774. A M. Necker, 2 mars 1779 ......................................................90 775. Au comte de Vergennes, 4 mars 1779 ...................................91 775bis. A Francy, 5 mars 1779 ..................................................93 776. A Serres de La Tour, 7 mars 1779 ......................................102 776bis. Extrait d’une lettre de Paris, [après le 8 mars 1779] ... 108 777. De Pelletier Dudoyer, 11 mars 1779 ..................................110 778. A Benjamin Franklin, 14 mars 1779 ..................................110 779. Au comte de Vergennes, 14 mars 1779 ..............................112 780. Au comte de Vergennes, 14 mars 1779 ..............................114 781. De Benjamin Franklin, 15 mars 1779 ...............................116 782. Du comte de Vergennes, 17 mars 1779 ..............................116 783. De la comtesse de Beauharnais, [avant le 20 mars 1779] ......................................................................................117 784. A la comtesse de Beauharnais, 20 mars 1779 ..................119 785. A Montieu, 20 mars 1779 .....................................................121 786. Au comte de Vergennes, 21 mars 1779 ..............................123 787. A M. de Sartine, 21 mars 1779 ...........................................123 788. De la Société Typographique de Neuchâtel, 23 mars 1779 ........................................................................................124 799. De Meriwether Smith, 1er avril 1779 ...................................126 790. D’Honoré Ganteaume, 3 avril 1779 ....................................127 791. A Francy, 3 avril 1779 ...........................................................128 792. A Francy, 3 avril 1779 ...........................................................129 793. A Holker, 3 avril 1779 ...........................................................130 794. A la comtesse de Beauharnais, 5 avril 1779 .....................130 795. Au comte de Maurepas, 9 avril 1779 ..................................132 796. A Roubeau, 10 avril 1779 .....................................................133 CORRESPONDANCE 397 797. Au comte de Maurepas, 11 avril 1779 ................................134 798. A Swinton, 11 avril 1779 ......................................................136 799. De Dorat, 12 avril 1779 ........................................................139 800. De M. De Néelle, 14 avril 1779 ...........................................140 801. Du baron von Steuben, 21 avril 1779 .................................141 802. De Francy, 27 avril 1779 ......................................................145 803. A M. Louis, 3 mai 1779 ........................................................159 804. A Francy, 8 mai 1779 ............................................................161 805. A Dupaty, 9 mai 1779.....................................................165 806. A Francy, 22 mai 1779 ..........................................................168 807. A M. de Sartine, 28 mai 1779 ..............................................171 808. A Don Francisquez Dalanza, 8 juin 1779 ..........................173 809. Au comte de Vergennes, 8 juin 1779 ...................................174 810. D’un anonyme, 29 avril 1779 ...............................................176 811. A un anonyme, 4 juin 1779 ..................................................181 812. De Chevallié, 15 juin 1779 ...................................................184 813. A M. de Sartine ........................................................................186 814. D’Arthur Lee, 17 juin 1779 ..................................................187 815. De Ludwell Lee, 19 juin .................................................188 815bis. De Dorat, [22 juin 1779] ........................................... 188 816. A Dorat, 22 juin 1779 ...........................................................189 817. De Francy, 23 juin 1779 .......................................................190 818. De Francy, 24 juin 1779 .......................................................200 819. Au comte de Vergennes, 24 juin 1779..................................201 820. Lettre apocryphe de Beaumarchais, 6 juin [1779] ............202 821. D’Arthur Lee, 25 juin 1779 ..................................................204 822. Au Lord Shelburne, 27 juin 1779 ........................................205 823. Au prince de Nassau, 28 juin 1779 .....................................208 824. D’Arthur Lee, 28 juin 1779 ..................................................211 825. De Lépine, 9 juillet 1779 ......................................................211 826. Du chevalier Montaut, 9 juillet 1779 ..................................212 827. Du comte d’Estaing, 12 juillet 1779 ....................................220 828. D’Arthur Lee, 14 juillet 1779 ...............................................221 829. D’Arthur Lee 14 juillet 1779 ................................................221 830. Au comte de Maurepas, 15 juillet 1779 .............................229 831. A Arthur Lee, 18 juillet 1779 ...............................................231 832. D’Arthur Lee, [après le18 juillet 1779] ...............................233 833. De Charles-Joseph Panckoucke, 23 juillet 1779 ...............235 834. A James Woodmason, 27 juillet 1779 ................................237 835. De Chevallié, 27 juillet 1779 ................................................239 836. Du chevalier de Preudhomme de Borre, 28 juillet 1779 ..240 837. A M. de Saint Paul, [fin juillet 1779] ..................................242 838. Au prince de Nassau, 1er août1779 .....................................243 839. A M. Des Entelles, 2 août 1779 ...........................................244 398 CARON DE BEAUMARCHAIS 840. Au maréchal de Duras, 2 août 1779 ...................................246 841. A Teissier de la Tour, 2 août 1779 .....................................247 842. Du maréchal de Duras, 3 aôut 1779 ..................................248 843. A Chevallié, 3 août 1779 ......................................................249 844. De Chevallié, 7 août 1779 ....................................................251 845. Au maréchal de Duras, 7 août 1779 ...................................253 846. A Le Tellier, 10 août 1779 ...................................................258 847. Du maréchal de Duras, 11 août 1779 ................................261 848. Au comte de Vergennes, 16 août 1779 ...............................262 849. A M. Louis, 18 août 1779 .....................................................263 850. Au comte de Vergennes, 22 août 1779 ...............................264 851. Au comte de Vergennes, 22 août 1779 ...............................266 851bis. Lettre circulaire des frères Pitot, 23 août 1779 ...........267 852. De M. de La Ferté, 27 août 1779 ........................................269 853. Au maréchal de Duras, 28 août 1779 .................................269 854. Au comte de Vergennes, 31 août 1779 ...............................270 855. Du maréchal de Richelieu, 3 septembre 1779 ...................272 856. A M. de Sartine, 7 septembre 1779 ....................................272 857. De M. de Sartine, 7 septembre 1779 ..................................273 858. Au comte de Vergennes, 7 septembre 1779 .......................274 859. A M. Subito l’aîné, 8 septembre 1779 .................................275 860. Au Roi, 11 septembre 1779 ..................................................276 861. A Serres de La Tour, 12 septembre 1779 ..........................278 862. Au comte de Vergennes, 14 septembre 1779 .....................282 863. De Micault d’Harvelay, 15 septembre 1779 ......................284 863bis. De M. de la Ferté, [21 septembre 1779] ......................285 864. De Silas Deane, 23 septembre 1779 ..................................287 864bis. De Francy, 26 septembre 1779 ...................................288 864ter. De Francy, 26 septembre 1779 ...................................290 865. De Silas Deane, 28 septembre 1779 ..................................293 866. De Sedaine, 5 octobre 1779 ..................................................294 867. De Francy, 6 octobre 1779 ....................................................295 868. A Dorat, 9 octobre 1779 ........................................................314 869. A Andrew Farquharson, [9 octobre 1779] ..........................315 870. A Le Tellier, [9 octobre 1779 ]...............................................316 871. Au commodore Gillon, 11 octobre 1779 ..............................318 871bis. A Panckoucke, [18 octobre 1779] .................................320 872. A Swinton, 28 octobre 1779 ..................................................321 873. Au Lord Shelburne, 31 octobre 1779 ..................................332 874. De Montieu, 31 octobre 1779 ...............................................324 875. De Joseph-Mathias Gérard de Rayneval, 3 novembre 1779 .........................................................................................325 876. De Joseph-Mathias Gérard de Rayneval, 8 novembre 1779 ........................................................................................326 CORRESPONDANCE 877. 878. 879. 880. 881. 882. 883. 884. 885. 886. 887. 888. 889. 890. 891. 892. 893. 894. 895. 896. 897. 898. 899. 900. 901. 902. 903. 904. 905. 906. 907. 908. 909. 399 Au comte de Vergennes, 11 novembre 1779 ......................326 Au comte de Maurepas, 11 novembre 1779 .......................328 De M. de Sartine, 12 novembre 1779 .................................330 Du comte de Vergennes, 16 novembre 1779 ......................330 Aux maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille, 20 novembre 1779 ..............................................331 A M. de Sartine, 21 novembre 1779 ................................332 Aux comédiens français, 22 novembre 1779 ......................334 A Thérèse-Marthe Panckoucke, 22 novembre 1779 .........339 A Monvel, 24 novembre 1779 ...............................................341 De Monvel, 24 novembre 1779 .............................................343 De Mlle Doligny, 24 novembre 1779 ...................................344 Des maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille, 3 décembre 1779 ................................................345 A Benjamin Franklin, 8 décembre 1779 ............................346 Aux maire et echevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille, 10 décembre 1779 ..............................................347 Au comte de Vergennes, 18 décembre 1779 .......................348 Du maréchal de Richelieu, 18 décembre 1779 ..................350 Au comte de Vergennes, 19 décembre 1779 .......................350 A tous les ministres du Roi, 19 décembre 1779 ................351 Du comte de Vergennes, 19 décembre 1779 ......................355 De M. Le Noir, 19 décembre 1779 .......................................357 A M. Le Noir, [après le 19 décembre 1779].........................357 De Durival, 21 décembre 1779 ............................................358 Au comte de Vergennes, 22 décembre 1779 .......................358 Au Rédacteur du Courier de l’Europe De Durival, 22 décembre 1779 ............................................360 De Montieu, 22 décembre 1779 ............................................361 De Francy, 24 décembre 1779 .............................................362 Des maire et échevins, consuls assesseurs de la ville de Marseille, 24 décembre 1779 ..............................................367 Au comte de Vergennes, 25 décembre 1779 .......................367 De Francy, 26 décembre 1779 .............................................368 De Silas Deane, 26 décember 1779 ....................................373 Du comte d’Estaing, 26 décembre 1779 .............................374 A Maurel de Chailleuse, 28 décembre 1779 ......................375 Au comte d’Estaing, 31 décembre 1779 .............................377 Index...................................................................................................379 Table des Matières...........................................................................393