Luxemburger Wort @ Mudam Akademie II
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Luxemburger Wort @ Mudam Akademie II
18 MUDAM AKADEMIE@LUXEMBURGER WORT Pablo Picasso (Malaga 1881 – Comprendre l'art d'aujourd'hui Mudam Akademie, la deuxième! Après le succès du premier cycle de conférences sur les mouvements et les tendances de l'histoire de l'art du XXe siècle, «Mudam Akademie» propose une nouvelle série qui met au centre les artistes du XXe siècle. En dix conférences, consacrées chacune à l'oeuvre d'un artiste majeur, Claude Moyen présentera une palette de choix des figures incontournables de la modernité. Plus que de donner des repères historiques, ce professeur chevronné fournira quelques outils indispensables à la lecture et à la compréhension de l'art moderne et contemporain. Pour cette nouvelle année académique ouverte à tous, le Luxemburger Wort s'associe à nouveau au cycle de conférences en fournissant à ses lecteurs une série inédite de doubles pages consacrée à l'artiste du mois: repères historiques et biographiques, extraits de correspondance ou d'écrits, illustrations. A collectionner! Aujourd'hui surtout, car les contributions que l'on trouvera dans cette double page, substance du cours qui ce soir sera donné au Mudam, porte sur Picasso, l'immense figure de proue de l'art moderne. Des places à cette série de cours sont encore disponibles. Cours en luxembourgeois. Réservations et informations sur www.mudam.lu et au tél. 45 37 85 522. Une écrasante éminence Une vie d'artiste, une vie d'homme PAR ROMINA CALO A un officier de la Gestapo qui, apercevant une reproduction de Guernica lors d'une perquisition de l'atelier parisien de la rue des grands Augustins, lui demanda «est-ce vous qui avez fait ça?», Picasso répondit du tac au tac «Non, c'est vous». Le personnage est posé, plein de l'aplomb de son talent. Toute sa vie, pourtant faite d'éternelles remises en questions artistiques, s'inscrira dans la droite ligne de cette immuable certitude. On les connaît toutes, Fernande, Eva, Olga, Marie-Thérèse, Dora, Françoise et Jacqueline. On connaît même parfois leur nom de famille, ce qui est rare pour des muses, des compagnes d'artiste. C'est pourtant la magie Picasso qui opère: sa vie est indissociable de son œuvre. Son travail reflète son intimité, son quotidien, avec toujours cette recherche formelle insatiable à la clé. Gloire cruelle pour toutes ces femmes de servir la légende mais de disparaître avec elle. Qui se souvient de Françoise Gilot l'artiste? Qui a en tête une photographie de Dora Maar, qui ne soit pas liée à Picasso? Mais qui sait aussi à quel point l'existence de Pablo Picasso (18811973) est jalonnée de suicides et de disparitions tragiques; son petit-fils Pablo, Marie-Thérèse Walter ou même Jacqueline Roque, la deuxième et dernière Madame Picasso. Comme si un tel ego empêchait l'épanouissement de son entourage, à la façon d'un dévoreur vorace à qui son prochain se doit d'être utile sous peine de tomber en disgrâce. C'est ainsi qu'on le découvre au gré de mémoires que cer- tains de ses proches ont osé rédiger. Parfois même de son vivant. De Picasso encore on oublie souvent qu'il est lui-même fils de peintre, formé très tôt par un père qu'il qualifiera plus tard de «peintre de salon», et qu'il est resté espagnol, farouchement espagnol, jusqu'à la fin de sa vie en grande partie française si on se place sur un plan strictement géographique. On le situe souvent à Barcelone alors qu'il est andalou de naissance et d'enfance, puis barcelonais de coeur et de formation juste avant de monter à Paris, le mythique Paris de Toulouse-Lautrec qu'il admire tant alors et où il se fixera dès 1904. Est-ce de la chance s'il arrive à Montmartre au moment propice où la butte rassemble toute l'avantgarde artistique du moment ? Ou son talent aurait quand même tout emporté sur son passage, quel que soit l'espace temps ou lieu? Quoi qu'il en soit, il côtoie Matisse, Derain, Braque ou encore Léger, ses amis poètes ne se comptent plus: Apollinaire surtout, Max Jacob, Paul Eluard ou Aragon. The right person at the right place. Tous s'observent, se critiquent, s'épaulent et s'inspirent mutuellement, bref un terreau fertile dans lequel il n'y a plus qu'à piocher et qui a vu naître la plus grande révolution artistique de ce début du XXe siècle, le passage à l'abstraction. De sa vie ultra-documentée, on retient l'échappée belle et nécessaire vers le sud de la France, si proche de l'Espagne. Ce sera Cannes, Valloris et enfin Mougins jusqu'à la fin. Dans une tour d'ivoire inexpugnable et bien protégée, à l'abri des importuns et des nouvelles sources d'inspiration. Picasso dans «une tour d'ivoire inexpugnable et bien protégée». Luxemburger Wort Donnerstag, den 27. Oktober 2011 Luxemburger Wort Donnerstag, den 27. Oktober 2011 MUDAM AKADEMIE@LUXEMBURGER WORT 19 Mougins 1973) Künstlerschriften im 20. Jahrhundert Pablo Picasso, ein „missratener Dichter“? L'oeil sauvage de Picasso Enfant prodige, peintre maudit, artiste mondain, légende vivante, sculpteur, graveur, céramiste... PAR CLAUDE MOYEN «Picasso est la colonne vertébrale de l'art du XXe siècle. Tout ce qui s'est fait à partir de 1906-1907 s'est produit contre ou avec lui. Aucun artiste n'a pu échapper à sa véhémence et à sa force. Il a introduit une notion liée à l'esprit du siècle: la remise en question constante» (Werner Spies). Une tête de femme qui dirige nez, yeux et bouches dans toutes les directions, telle est l'icône de l'oeuvre de Pablo Picasso, connue dans le monde entier. Tour de génie pour les uns, effronterie pour les autres, cette invention artistique est expliquée, commentée, remise en question inlassablement, depuis sa conception jusqu'à aujourd'hui. Le curieux mélange d'horreur et de fascination, d'amour et de haine, de refus et d'acceptation de cette image par le public, semble être le reflet de l'attitude de ce même public face à l'art moderne et, en quelque sorte, face à l'art contemporain. Que les déformations de Picasso ne soient pas une affaire de représentation, mais le fruit d'un acte de création autonome, saute aux yeux à la vue de l'ampleur de sa production. Il fut l'un des artistes les plus prolifiques de l'histoire de l'art, avec un oeuvre constitué de plus de dix mille tableaux, cinquante mille dessins, deux mille gravures, sept cent sculptures, beaucoup de céramiques, quelques poèmes et un impact énorme sur des générations entières d'artistes. Picasso reste encore aujourd'hui l'incarnation de l'artiste moderne en génie créateur. Enfance prodige, influence des grands maîtres, Le Greco et Velasquez, études académiques et reconnaissance précoce, tout réussit au jeune peintre et le dirige rapidement vers la capitale des arts, Paris. Rejetant le «dogme» impressionniste, Picasso se tourne vers l'expressionnisme précurseur d'un Toulouse-Lautrec. Pendant sa «période bleue», autour de 1900, il trace des portraits de mendiants, de mères pauvres, de prostituées dans les cafés, dans une veine réaliste qui touche au documentaire et dépeint détresses et vérités de l'existence humaine. Vers 1905, Picasso se renouvelle – de nouveaux amis, un nouvel amour, de nouveaux mécènes – et, par le même mouvement, comme à d'autres moments de sa vie, renouvelle son art. Les bases du cubisme Les études de figures harmonieuses de la «période rose» sont caractérisées par une densité plastique, sculpturale, un style de masses simplifiées aux contours marqués, compacts. Passion pour les tentatives de géométrisation des formes de la nature par Cézanne, intérêt pour le primitivisme de Gauguin, découverte de la statuaire ibérique, réminiscences de l'art roman catalan: les bases de ce que sera le cubisme sont jetées, la machine Picasso se met en place. Picasso, dans une manière bien à lui, s'approprie, déconstruit, reconstruit ce qui l'intéresse. Sans tabou et avec une Gedicht von Pablo Picasso: «elle et moi de notre coeur la finesse de son ouïe est telle qu’aux oeil qu’ouvre son ailes apeuré le pigeon dans la cage évente le cheval de plumes étendu sur son coudrier feuille dans la vermine les bouts des fils» (6 janvier XXXVI – 3 heures de la nuit) Pablo Picasso: Les Demoiselles d'Avignon, 1907. Museum of Modern Art, New York. VON MARKUS PILGRAM force fulgurante, il écrase tout sur son passage. En 1907, ce fut le choc. Suite à une visite au Musée d'ethnographie du Trocadéro, où il découvre des masques africains, inuits et océaniens, Picasso, selon ses propres dires, y comprit «le sens même de la peinture. Ce n'est pas un processus esthétique, c'est une forme de magie qui s'interpose entre l'univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir, en imposant une forme à nos terreurs comme à nos désirs. Le jour où j'ai compris cela, je sus que j'avais trouvé mon chemin.» Cette rencontre entre le peintre et les arts premiers est essentielle. Loin de donner lieu à un énième renouvellement de son vocabulaire formel, elle agit de manière substantielle, jusque dans les fonds de la pensée picturale de Picasso. C'est elle qui permet au peintre d'achever une des oeuvres clés du 20e siècle, Les Demoiselles D'Avignon de 1907, d'inventer le cubisme et le papier collé, c'est encore elle qui l'accompagne dans sa manière de penser la sculpture et qui lui per- met d'aller au bout de la «laideur» dans ses déformations expressives. La pensée picturale, façon Picasso, ne fonctionne pas de façon banale: elle combine, transforme et réinterprète tout ce que son œil enregistre. En cela, l'oeil de Picasso semble aussi sauvage que La Pensée sauvage conceptualisée par Claude Lévi-Strauss dans son livre du même titre de 1962. L'ethnologue invalide le préjugé que la pensée primitive ne constitue que la première étape d'une évolution qui conduit l'humanité vers des formes plus complexes de réflexion. En démontrant qu'elle produit des constructions tout aussi complexes que la pensée scientifique, Lévi-Strauss résume son fonctionnement: «La pensée mythique dispose d'un trésor d'images accumulées par l'observation du monde naturel: animaux, plantes avec leurs habitats, leurs caractères distinctifs, leurs emplois dans une culture déterminée. Elle combine ces éléments pour construire un sens, comme le bricoleur, confronté à une tâche, utilise les matériaux pour leur donner une autre signification, si je puis dire, que celle qu'ils tenaient de leur première destination.» A la lumière de Strauss Il est tentant en effet, de réexaminer les collages et assemblages cubistes et par la suite surréalistes de Picasso, à la lecture de Lévi-Strauss: la peinture comme une science du concret, la pensée picturale comme une pensée magique, mythique. L'oeil sauvage de Picasso va de pair avec sa vitalité de touche-àtout qui intègre tout ce qu'il vit à son art: non seulement ses amours et conquêtes, ses enfants, mais aussi ses drames, la tauromachie, l'Espagne, la guerre, la vieillesse… Il crée aussi bien de délicats objets de papiers pliés, des jouets pour enfants, de la poterie, des gravures destinées aux livres de ses amis poètes, que des monuments publics ou des toiles immenses comme Guernica. A partir des années 50, les chefsd'oeuvre de l'histoire de l'art nourrissent sa peinture de façon récurrente. Les Femmes d'Alger de Delacroix, Les Ménines de Velazquez, et Le Déjeuner sur l'herbe de Manet, sont détournés et deviennent prétexte à de nombreuses variations. A la fin de sa vie, Picasso intensifie le dialogue avec l'histoire de l'art, dans laquelle il s'est installé de son vivant, à la lumière d'un expressionnisme truculent, burlesque et provocateur. Son parcours artistique est jalonné de crises et d'incertitudes qui, à l'image de sa vie personnelle aux multiples tournants, l'ont poussé à l'innovation permanente. C'est à son amie Gertrude Stein que Picasso se confie en ces termes: «Quand vous faites quelque chose, faire est si compliqué qu'on ne peut pas s'empêcher de faire laid; mais ceux qui après vous recommencent, ceux qui imitent ce que vous avez fait, eux, ils n'ont pas à chercher à faire, ils peuvent donc faire joli; ainsi, tout le monde peut aimer ce que je fais, quand ce sont les autres qui le font». Innovateur imperturbable, Picasso a contribué aux grandes inventions esthétiques de son siècle, parce qu'il a eu le talent d'être de son temps, de reconnaître les impasses et de se remettre en question, constamment. Warfen die für die letzte MudamAkademie an dieser Stelle thematisierten „Skandale“ ein Schlaglicht auf gewisse Pikanterien im öffentlichen Umgang mit der Kunst des vergangenen Jahrhunderts, so sollen hier nun die Künstler selbst zu Wort kommen. Künstlerschriften der zehn ausgewählten, mit mehr oder weniger Recht die Moderne repräsentierenden Meister sollen hier nun in ihrer Vielfalt vorgestellt werden. Künstler schreiben aus verschiedenen Gründen. Sie verfassen künstlerische Manifeste, formulieren theoretische Schriften, stellen Überlegungen an zu ihrem eigenen Schaffen. Sie schreiben autobiographisches, unterhalten Korrespondenzen oder überziehen sich gegenseitig mit Polemik. Dabei ist ihnen meist das Ziel gemein, die Deutungshoheit über ihre Kunst zu behaupten. Schließlich gibt es Künstler, die das Schreiben als künstlerischen Ausdruck ihrem ästhetischen Schaffen gleichberechtigt gegenüber stellen, wie dies Pablo Picasso während seiner poetischen Schaffensphasen tat. 1935, während einer persönlichen Krisenzeit, entstehen Picassos erste poetische Schriften. Der Künstler lebt in Scheidung von seiner ersten Frau Olga, mit ihr trennt er sich von seinem bourgeoisen Leben, um in die künstlerische Bohème zurück zu kehren. Seine neue Gefährtin, Marie-Thérèse Walter, erwartet ein Kind von ihm, und er ist versucht, wie er es seinem Freund und Sekretär Sabartés gesteht, „alles aufzugeben.“ Da er vorübergehend keinen Zugang zu seinem Atelier hat, beginnt er zu schreiben. In den intensiven schriftstellerischen Perioden von 1935-36 und 1939-41 und, mit einigen Unterbrechungen, bis 1959 entstehen etwa 350 Gedichte und drei Theaterstücke. Picassos Poesie ist ebenso kompromisslos wie seine Malerei. Als Schreibgrund nutzt er alles, was ihm in seiner Spontaneität zwischen die Finger kommt. Lediglich die Endfassungen seiner immer wieder korrigierten Gedichte verziert er mitunter mit Zeichnungen oder Graphiken. Farbe wird, wenn überhaupt, meist nur in den Stiften, mit denen er schreibt, verwendet, was den Texten oft den Charakter einer Zeichnung gibt. Picasso schreibt in seiner Muttersprache ebenso wie auf französisch. „Tant pis pour les choses“ Seine Themen findet er wie für seine Malerei, er mischt sie bunt durcheinander und sagt: „Tant pis pour les choses. Elles n’ont qu’à s’arranger toutes seules.“ – „Sollen sich die Sachen doch selbst ordnen.“ Dinge, Speisen, Empfindungen, Farben, Klänge, Gefühle, Vorstellungen, die Erotik, Krieg und Frieden und vieles mehr werden mal freudig, mal melancholisch in einer Flut von Worten erfasst, bei der er sich an keine Regeln hält. Wie in seiner Malerei löst Picasso die syntaktische und die semantische Struktur der Sprache auf. Dass es sich bei diesen sprachflüssigen Gedichten dennoch nicht um reine „écriture automatique“ im Sinne der Surrealisten handelt, sondern um erarbeitete und bewusst konstruierte Ergebnisse eines kreativen Prozesses, lässt André Breton sie als „halbautomatisch“ beurteilen. Schließlich eignet ihnen stets eine sprachliche Offenheit, eine Unfertigkeit, die Picasso auch seinen bildnerischen Werken als lebenserhaltende Maßnahme mit auf den Weg zu geben versucht. Denn, wie formuliert er wieder seinem treuen Sekretär Sabartés gegenüber seine Haltung: „Ein Werk beenden? Ein Werk vollenden? Was für ein Unsinn! Beenden, das heißt ein Objekt zum Ende führen, es töten, ihm die Seele rauben, ihm die Puntilla, den Gnadenstoss, geben.“ Picasso, für den das Schreiben für eine kurze Weile zur künstlerischen Hauptbeschäftigung geworden war, blieb in seiner Poesie so frei wie in seiner Malerei. Über sich selbst sagte er in diesem Zusammenhang einmal, halb im Spaß, halb im Ernst: „Au fond je suis un poète qui a mal tourné.“ – „Im Grund bin ich ein missratener Dichter.“