La feuille de route libérale d’Emmanuel Macron
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La feuille de route libérale d’Emmanuel Macron
Jeudi 16 octobre 2014 70e année No 21693 2 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry La feuille de route libérale d’Emmanuel Macron LE MONDE DES LIVRES LONDON, GRACQ CAPOTE… LE SUCCÈS DES INÉDITS ▶ Curiosité pour l’intimité des grands auteurs et culte de la découverte : enquête sur un phénomène éditorial → SUPPLÉMENT « LE MONDE », L’INVESTIGATION ET LE SECRET DES SOURCES P A R G I LLES V A N KOT E ÉCONOMIE EDF : JEAN-BERNARD LÉVY SUCCÉDERA À HENRI PROGLIO François Hollande et Emmanuel Macron, au Mondial de l’automobile, à Paris, le 3 octobre. HAMILTON/REA → LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 3 INTERNATIONAL ▶ Le ministre de l’écono ▶ Emmanuel Macron ▶ Les délais des prud’hom ▶ Le gouvernement Valls mie a présenté les grandes lignes de son projet pour guérir les « maladies » de la France : la défiance, la com plexité, les corporatismes compte faciliter le travail dominical et en soirée : les magasins pourront ouvrir au minimum cinq dimanches par an mes seront raccourcis. Une réforme de l’inspection du travail sera détaillée plus tard. Les transports par autocar seront libéralisés veut montrer à Bruxelles qu’il réforme, mais il doit le faire discrètement pour ne pas braquer sa gauche EUROPE CHRONIQUE par arnaud leparmentier La fin de « la fin de l’Histoire » T out ne s’est pas passé comme prévu. C’était il y a un quart de siècle. Le mur de Berlin tombait, l’URSS implosait. Marx et le com munisme étaient morts, enfin ! L’universitaire américain Francis Fukuyama pouvait prédire, dès juin 1989, « la fin de l’Histoire ». La planète était in vitée à tendre vers un modèle unique, celui des dé mocraties libérales et de l’économie de marché. Nous étions tous invités à devenir des Danois. Sor tis de l’Histoire depuis Hamlet. Prêts à nous perdre dans les haines de familles dignes du film Festen. → LIR E PAGE 8 ÉTUDIANTS DISPARUS AU MEXIQUE : APRÈS LE CHOC, L’INDIGNATION → LIR E PAGE 5 Las, cette mondialisation faussement heureuse n’a pas eu lieu : Poutine mène une nouvelle guerre froide ; les islamofascistes prennent en otage l’Afrique et le ProcheOrient ; le président chinois, Xi Jinping, se prend pour Mao et redécou vre les charmes de la dictature. La bonne vieille géopolitique est de retour. Et Francis Fukuyama reprend la plume pour revenir sur sa prophétie, dans un article du Wall Street Journal publié en juin et dans un nouveau pavé de 658 pages. LE REGARD DE PLANTU → LIR E L A S U IT E PAGE 2 6 Un automne marocain à Paris CULTURE De l’héritage médiéval aux créa tions contemporaines, trois expo sitions sont consacrées, cet automne, à l’art marocain au Lou vre, à l’Institut du monde arabe (IMA) et au Musée Delacroix. Pour la première fois, l’IMA a réuni 400 œuvres de plus de 80 plasticiens, vidéastes, designers et architectes marocains sur 2 500 mètres carrés d’exposition. Du Ring de la soumission à la coupole monumentale en am poules LED, cette sélection té moigne de la liberté et de la mul tiplicité des courants artistiques du pays. → LIR E PAGE 2 0 - 2 1 Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 €, Andorre 2,20 €, Autriche 2,50 €, Belgique 2 €, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 €, Finlande 3,80 €, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,40 €, Guadeloupe-Martinique 2,20 €, Guyane 2,50 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 €, Italie 2,40 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2 €, Malte 2,50 €, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 €, Portugal cont. 2,30 €, La Réunion 2,20 €, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,50 €, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA 2 | international 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 L’agonie de Kobané déchire la Turquie Ankara bombarde les Kurdes turcs du PKK, qui veulent aider leurs alliés assiégés par l’Etat islamique en Syrie istanbul - correspondante L a cité kurde de Kobané, en Syrie, n’est pas encore tombée. Mais sans atten dre la chute de la ville, l’of fensive de l’Etat islamique (EI) met à l’épreuve, de l’autre côté de la frontière, le processus de paix engagé depuis deux ans entre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan et les Kurdes turcs. L’aviation turque a bombardé, mardi 14 octobre, des positions kurdes à Daglica (région de Hakkari), non loin de la frontière avec l’Irak. Les forces armées avaient été harcelées un peu plus tôt par des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, indépendantiste kurde, interdit). Des escarmouches se sont également produites dans la région de Tunceli après qu’un commando a été pris pour cible par le PKK. Sans confirmer l’information, l’étatmajor turc a reconnu avoir réduit les rebelles « au silence ». Interrogé au sujet des frappes aériennes mardi, le premier ministre, Ahmet Davutoglu, s’est, lui, contenté de dire que l’armée avait pris « les mesures qui s’imposaient ». Le retour des combats dans les régions kurdes de Turquie met un terme au cessez-le-feu conclu en 2013 entre le PKK et le gouvernement. Le pays risque de se retrouver plongé vingt ans en arrière, à l’époque où la guerre faisait rage entre l’armée et les militants du PKK, causant la mort de plus de 30 000 personnes ainsi que la destruction de 3 000 villages, avant que le processus de paix amorcé par les islamo-conservateurs de l’AKP ne change la donne. En recourant à l’aviation, la Turquie prouve, au grand dam de sa minorité kurde, que son souci numéro un n’est pas tant l’avancée des djihadistes de l’EI sur sa frontière avec la Syrie que la rébellion armée du PKK. Au fil des jours, le martyre de Mer Noire Ankara TURQUIE Malatya Diyarbakir Daglica Kobané SYRIE Mer Méd. IRAK 200 km Manifestation à Diyarbakir, le 14 octobre, après des bombardements de l’armée turque sur le PKK . ANTONIN SABOT POUR LE MONDE.FR Kobané n’a fait qu’augmenter les tensions. Mardi, les forces kurdes qui la défendent ont repris une colline stratégiques aux alentours de la ville, mais l’Etat islamique progresse dans le centre-ville. En cas de massacre à Kobané, M. Öcalan a menacé de suspendre les négociations. Les Kurdes de Turquie sont ulcérés par le fait que les autorités turques empêchent les volontaires du PKK de se porter au secours de la troisième ville kurde de Syrie. Défendue avec l’energie du désespoir par les combattants des Unités de protection du peuple (YPG), affilés au PKK, la ville ne tient plus qu’à un fil, après trois longues semaines de siège. Les combattants de l’EI reçoivent des approvisionnements en armes et en hommes depuis leur place forte de Rakka, à l’est de la Syrie. En face, les unités kurdes voient leurs réserves en hommes, fuel, eau et munitions fondre à vue d’œil, leur seule voie de communication avec l’extérieur, soit le point de passage turc de Mursitpinar, à quelques kilomètres au nord, ne laissant passer que les morts et les blessés. « Nous ne demandons pas aux militaires turcs d’entrer dans Kobané, nous disons simplement que des milliers de personnes sont prêtes à combattre l’EI. Il faut leur ouvrir la porte... », a expliqué, mardi, Salahattin Demirtas, député et chef du Parti démocratique du peuple (HDP, prokurde), mardi à Ankara. Quelle que soit son issue, la bataille de Kobané prélude mal de la « nouvelle Turquie » promise par le président Erdogan. L’homme apparaît de plus en plus tenté de rivaliser avec Mustafa Kemal Ata- Le pays risque de se retrouver plongé vingt ans en arrière, à l’époque où la guerre faisait rage türk en laissant sa marque dans l’Histoire, comme en témoigne l’inauguration promise, le 29 octobre, de son nouveau palais présidentiel, une ancienne « ferme modèle » fondée jadis par le « père des Turcs » et transformée récemment en complexe administratif de luxe. Elu président haut la main en août, venu à bout de ses oppo- sants, ayant parfait sa reprise en main de la presse, de la police et de la justice, M. Erdogan est au faîte de sa gloire. Or la lente agonie de Kobané vient contrarier ses deux grands projets : la paix avec les Kurdes et la réforme constitutionnelle. Pour y parvenir, il aura besoin des voix kurdes. Grâce à la normalisation avec le PKK, dont l’influence reste prépondérante dans le Sud-Est, ces voix lui étaient acquises. Si Kobané tombe aux mains de l’EI, l’espoir des Kurdes sera brisé. La guerre avec le PKK risque de reprendre. Enfin, sur le plan extérieur, l’indifférence d’Ankara pour le drame qui se joue à sa porte envenime les relations avec ses alliés traditionnels, tout en semant le doute sur les intentions des islamoconservateurs. « Notre plus gros problème, c’est nos alliés dans la région, les Turcs sont de grands amis [des islamistes radicaux], tout comme les Saoudiens et les Emirats arabes unis », a confié le vice-président américain, Joe Biden, à des étudiants de Harvard le 3 octobre. Sa déclaration a suscité la colère des dirigeants turcs. M Biden a dû ensuite s’excuser platement par téléphone auprès de M. Erdogan. Pour faire barrage aux critiques, les dirigeants turcs se refugient derrière la théorie du complot. « Il y a aujourd'hui de nouveaux Lawrence déguisés en journalistes, en religieux, en écrivains et en terroristes (...) qui se cachent derrière la liberté de la presse, la guerre d'indépendance ou le djihad », a dénoncé M. Erdogan lors d’une intervention, lundi, face aux étudiants de l’Université de Marmara, à Istanbul. p marie jégo « Ce sont nos frères, et là-bas c’est déjà la guerre » Diyarbakir, la « capitale » kurde de la Turquie, vit dans l’angoisse de la prise de contrôle de Kobané par les djihadistes de l’EI REPORTAGE diyarbakir (kurdistan turc) envoyé spécial O n a entendu rugir des chasseurs dans le ciel de Diyarbakir, la « capitale » kurde de Turquie, mardi 14 octobre au matin, puis de nouveau dans l’après-midi. La veille, des F-16 et des F-4 avaient décollé d’un important aérodrome militaire proche de la ville, et de la base de Malatya, pour bombarder une position du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans la province d’Hakkari, frontalière de l’Irak, selon le quotidien turc Hurriyet. Il s’agit des premières frappes aériennes depuis le début des pourparlers de paix ouverts, voici deux ans, entre le PKK et le gouvernement turc, après trente ans d’une guerre insurrectionnelle qui a fait 40 000 morts. Difficile de faire entorse plus bruyam- ment à un cessez-le-feu. Et difficile de choisir pire moment, quand partout, dans Diyarbakir, on accuse l’armée turque d’aider l’Etat islamique (EI) à assiéger la ville syrienne de Kobané, en fermant la frontière aux combattants kurdes qui la défendent. A l’annonce des frappes, le bras politique du PKK (le DBP, Parti démocratique des régions) n’a pas eu d’autre choix que de convoquer une manifestation, l’aprèsmidi même. Non autorisée, elle paraissait organisée à regret, alors que le gouvernement d’Ankara annonce de sévères mesures antiémeute pour l’est du pays et Diyarbakir. Le matin, on avait vu des policiers en civil tourner dans les bureaux du HDP. Ils prévenaient que ceux qui marcheraient en cortège vers le centre-ville feraient bien de ne pas être trop nombreux. Au final, ils occupaient à peine un trottoir. Ras- semblés devant le siège du Congrès pour une société démocratique (DTK), un conseil politique consultatif, plusieurs centaines de manifestants se sont dispersés dès que le dernier orateur a posé son micro. « Ici, vous voyez, c’est encore la paix, dit Saleh Coskun, architecte employé par la mairie. Mais Kobané, c’est aussi chez nous, ce sont nos frères, et là- « Si la Turquie ne nous laisse pas d’autre choix que la guerre, ce sera la guerre » HATIP DICLE président du Congrès pour une société démocratique bas, c’est déjà la guerre. Comment pourrions-nous encore négocier ? » « On sentait l’air de la liberté » Ces jours-ci, il semble que toute la ville regarde le fantôme de la guerre civile prendre corps, heure après heure. On le voit roder sur les écrans de télévision, qui transmettent l’offensive de l’Etat islamique contre les frères kurdes de Syrie, de l’autre côté de la frontière. On le devine en apprenant qu’un vendeur de journaux kurde, Kadri Bagdu, 46 ans, a été tué par deux hommes à moto, de cinq balles, lundi à Seyhan, dans la région. On le craint en voyant s’activer plus que de coutume, dans les rues du centre, les véhicules antiémeute Scorpion et TOMA de la police. La semaine dernière, des émeutes provoquées par le drame de Kobané ont fait au moins dix morts à Diyarbakir et plus de trente victimes en pays kurde. Ibrahim, 30 ans, professeur des écoles, était parti, le 6 octobre, voir la bataille, à la frontière, craignant la chute définitive de la cité. Il est rentré le lendemain pour trouver le centre de Diyarbakir déserté. « Les rues étaient vides. La police avait peur de nous. On sentait l’air de la liberté. Ça ne s’oublie pas… Aujourd’hui, nous suivons les appels au calme du HDP. Mais, un jour, ceux de ma génération et les plus jeunes, nous n’écouterons plus rien. » Dans son bureau, fenêtres closes, le président du DTK, Hatip Dicle, temporise. Les chasseurs qui ont bombardé la guérilla kurde à l’est du pays ? Reste à comprendre, dit-il, le sens de ces bombardements. Le PKK a annoncé qu’il rapatriait déjà des combattants d’Irak en Turquie. Pour justifier les frappes, le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a fait valoir que les combattants kurdes « harcelaient » de leur feu un poste militaire turc. Hatip Dicle dit n’en rien savoir. M. Dicle vient de passer cinq ans en prison pour avoir fait l’apologie d’une organisation terroriste (le PKK), après dix autres années entre 1994 et 2004. Il a été libéré au mois de juin. Il sourit en évoquant les nombreux commerces qui ont ouvert entre-temps dans sa ville, les cafés, les rues qui vivent grâce à la paix. Même si Diyarbakir a des allures de caserne et reste pauvre au regard de la moyenne du pays. Alors, lorsqu’il évoque les négociations moribondes, Hatip Dicle pèse ses mots. « Nous ne voulons pas raviver la guerre. Je ne veux pas croire que nous puissions revenir aux années 1990 », période terrible du conflit. Et pourtant. « J’ai consacré trente ans de ma vie à ce combat. Si la Turquie ne nous laisse pas d’autre choix que la guerre, ce sera la guerre. » p louis imbert international | 3 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 JOURNAL DE DAMAS LA GÉOGRAPHIE DES CHECKPOINTS photo olga kravets salt images pour « le monde » Nul ne les a comptés, mais ils sont proba blement des centaines, peutêtre plus qu’un millier. Certains apparaissent, d’autres disparaissent. Il y aussi les inamovibles, qui servent de points de repère, comme des phares dans l’océan. Ce sont les checkpoints, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la rébellion s’est rapprochée du centre de Damas et que les attentats s’y sont multipliés. Ils forment désormais, dans la capitale syrienne, une géographie particulière, qui se superpose à la topographie des rues. « Combien de checkpoints en une journée ? », a demandé un jour la photographe Olga Kravets à un chauffeur de taxi. « Une centaine en moyenne », lui a répondu l’homme, excédé par ces points de contrôle qui ralentissent la circulation au point de provoquer, à certaines heures, une congestion générale. Pour les éviter, certains chauffeurs n’hésitent pas à traverser des zones de combat, comme le quartier de Jobar, où l’on échange des obus de mortier, passé le dernier barrage de l’armée. Parfois, les taxis forcent les checkpoints au grand dam des soldats, terrifiés par les attentats-suicides. Pour franchir ces barrières, tout un trafic de faux papiers s’est mis en place, du côté des rebelles, afin d’aider les civils recherchés par le régime de Bachar Al-Assad. p christophe ayad La coalition contre l’Etat islamique se cherche une feuille de route L’attitude de la Turquie, qui refuse toute intervention militaire contre les djihadistes, limite l’efficacité des frappes aériennes correspondants L a réunion à huis clos n’était pas propice aux déclarations et le président des Etats-Unis, qui y a fait une apparition dans la journée, s’est limité de son côté au minimum. Le chef d’état-major interarmées américain, Martin Dempsey, avait convié mardi 14 octobre sur la base militaire d’Andrews, dans le Ma- LE CONTEXTE ACTION MILITAIRE (frappes, livraisons d’armes, formation) Etats-Unis, Canada, France, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Jordanie, Australie, Allemagne, Turquie, Barheïn. SOUTIEN MILITAIRE (logistique) Italie, Albanie, Hongrie, République tchèque, Estonie, Pologne, Koweït, Barheïn, Egypte, Liban, Qatar. AIDE HUMANITAIRE (A l’exclusion de tout soutien militaire) Espagne, Irlande, Suisse, Norvège, Autriche, Nouvelle-Zélande, Japon. SOUTIEN EXPRIMÉ Oman, Grèce, Bulgarie, Roumanie, Finlande. LA RÉUNION DU 14 OCTOBRE La rencontre de mardi a réuni les plus hauts gradés, dont des chefs d’état-major de 22 pays : Australie, Bahreïn, Belgique, Royaume-Uni, Canada, Danemark, Egypte, France, Allemagne, Irak, Italie, Jordanie, Koweït, Liban, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Qatar, Arabie saoudite, Espagne, Turquie, Emirats(arabes unis et Etats-Unis. ryland, une vingtaine de ses homologues dont les pays sont engagés dans la coalition internationale forgée pour lutter contre l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak. Il s’agissait de la première rencontre de ce type, un peu plus de deux mois après le début des frappes américaines. Barack Obama a fait part de l’inquiétude que suscite le sort incertain de la ville de Kobané, cible d’une offensive djihadiste dans le nord de la Syrie. Il a insisté sur l’engagement de longue durée requis pour parvenir à éliminer l’Etat islamique, tandis que les frappes menées depuis trois semaines ne sont pas parvenues à enrayer son avancée. Atermoiements « Nous n’en sommes qu’aux premières phases, a-t-il prévenu, et comme dans tout effort militaire, il y aura des jours de progrès et des périodes de recul. » Cette prudence était de mise face aux avancées djihadistes, en Syrie comme en Irak. La liste des premiers succès enregistrés sur le terrain égrenée par M. Obama s’est d’ailleurs limitée à des opérations effectuées dans les premières semaines de la campagne de bombardements. A la veille de la réunion américaine, un responsable militaire français, tout en partageant l’analyse « d’une guerre à conduire qui s’installe dans la durée face à un ennemi qui s’est installé et qu’il va falloir déloger », attendait « des précisions sur le plan américain : comment va-t-on durer six mois ou plus ? Comment gérer l’articulation Irak-Syrie puisque nous savons tous que l’approche gagnante contre le terrorisme est transfrontalière, pour taper les arrières, les centres de commandements et la logistique de l’EI » ? Pour l’instant, la coalition bute surtout sur un problème interne : la position turque. Située aux premières loges du conflit syrien, accueillant sur son sol un nombre élevé de réfugiés, la Turquie a toutes les raisons d’être partie prenante de l’effort de guerre contre les djihadistes. Mais la porosité de sa frontière qui permet l’infiltration de combattants étrangers et sa frilosité lui ont valu les critiques de ses partenaires. Ankara, qui s’est fixé comme priorité numéro un le renversement de Bachar Al-Assad, craint en effet que les frappes aériennes contre les positions des djihadistes ne fassent le jeu du régime de Damas. La Turquie rechigne d’autant plus à intervenir dans le nord de la Syrie que les forces kurdes qui y combattent les djihadistes sont liées à la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc que l’armée d’Ankara s’est d’ailleurs remise à bombarder mardi, après deux ans de pourparlers de paix. L’accroc survenu en début de semaine entre Washington et Ankara a donné la mesure du chemin qui reste à parcourir pour que la coalition soit véritablement en ordre de bataille sur le terrain d’opération syrien. L’administration américaine avait indiqué, dimanche, que les Turcs avaient consenti à ce que les bombardiers américains puissent utiliser la base aérienne d’Incirlik, qui ne sert jusqu’à présent que pour des vols de reconnaissance. Jusqu’à présent, l’armée américaine utilise les bases dont elle dispose dans le Golfe ainsi que ses porte-avions, mais celles-ci sont plus adaptées aux opérations en Irak qu’en Syrie. Quelques heures plus tard, le gouvernement turc démentait cette annonce, réitérant sa demande de création d’une « zone d’exclusion aérienne » contre l’aviation du régime syrien. Une demande repoussée pour l’instant par Washington, qui veut éviter un casus belli avec Damas. Ces atermoiements – la Turquie n’avait pas dépêché son chef d’état-major à Andrews mardi, mais l’un de ses adjoints – contrarient la mise en place d’une chaîne de commandement entre le cen- Selon un responsable militaire français, l’effet final recherché est de mettre l’EI « à la portée des forces armées locales » Pour l’instant, l’engagement des forces combattantes américaines au sol reste exclu. Il en va de même pour la France tre de commandement général (Centcom) à Tampa en Floride, le commandement des opérations aériennes à Al-Oudeid au Qatar, celui du volet terrestre à l’Army Central Command de Koweït, mais aussi la chaîne des forces spéciales, sachant que chacun de ces QG va accueillir des officiers de liaison des pays contributeurs. La France en a prévu une centaine « dans la totalité des états-majors », une importante contribution du point de vue national. Lentement émerge une coalition d’une trentaine de pays d’importance comparable « au schéma de l’Afghanistan », selon les sources militaires françaises. Le responsable français déjà cité a dressé un premier bilan des efforts de la coalition. Les bombardements « ne résoudront pas le problème, mais empêchent [l’Etat islamique] de se mouvoir. L’effet final recherché du point de vue militaire est de mettre Daech [acronyme arabe de l’EI] à la portée des forces armées locales, qui doivent donc être entraînées, équipées, appuyées ». Comme l’a souligné Barack Obama mardi, la phase actuelle n’est donc que la première du plan. Elle vise toujours, comme au premier jour des frappes, le 8 août, à protéger deux points stratégiques majeurs en Irak, Erbil et Bagdad, indépendamment de l’émotion que soulève le siège de Kobané. Selon les militaires français, cet objectif tient, mais l’Etat islamique a changé de tactique et est passé au « désilhouettage », c’est-à-dire abandonner les treillis et les convois militaires devenus des cibles pour se fondre dans la population et s’y fixer. Le secrétaire d’Etat américain à la défense, Chuck Hagel, et son homologue français Jean-Yves Le Drian, avaient fait la même analyse lors d’une visite de ce dernier au Pentagone, début octobre. La phase suivante n’interviendra pas avant le printemps 2015 : février ou mars, selon certains experts. Ce sera une phase offensive, dans les airs – et au sol, avec les troupes locales, les rebelles modérés de l’Armée syrienne libre, les peshmergas kurdes irakiens et l’armée irakienne, si elles en sont capables. La capacité des premières à être opérationnelles dans un laps de temps aussi court suscite les plus grands doutes, en dépit des promesses de formation et d’en- traînement qui font l’objet d’un large consensus au sein de la coalition, y compris pour la Turquie. Pour l’instant, conformément aux engagements pris par le président des Etats-Unis, l’engagement de forces combattantes américaines au sol reste officiellement exclu. Il en va de même pour la France. Même si de nombreuses voix se font entendre à Washington, dont celle du chef d’état-major américain, Martin Dempsey, pour juger cette posture intenable à terme. p gilles paris, marie jégo et nathalie guibert (à paris) ALE T O T N O I T A D LIQUI vaux t tra /12/14 avan /10/14 au 15 du 15 Fauteuils clubs, Canapés Chesterfield, Meubles, Objets Déco, etc... TOUT DOIT DISPARAÎTRE Autorisation Préfectorale N° 2014/22 - Art.L.310-1 du code du commerce washington, istanbul - 80, rue Claude-Bernard - 75005 PARIS Tél. : 01.45.35.08.69 www.decoractuel.com 4 | international 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Retrouvailles tendues entre Poutine et les Européens A Milan, le président russe doit évoquer la situation en Ukraine avec les dirigeants de l’UE U n signe de dégel ? Le président russe, Vladimir Poutine, va côtoyer l’ensemble des dirigeants européens à l’occasion d’un sommet entre l’Europe et l’Asie, jeudi 16 et vendredi 17 octobre à Milan. Il s’agira de la première rencontre de ce type depuis l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie, en mars, qui avait conduit l’Union européenne (UE) et les pays du G7 à imposer des sanctions contre Moscou et à suspendre les rencontres de haut niveau avec le chef d’Etat russe. Même si la réunion de Milan, à laquelle va participer une cinquantaine de pays, n’est pas à proprement parler un rendez-vous officiel entre la Russie et l’UE, il n’en demeure pas moins qu’elle sera largement dominée, en coulisses, par la situation en Ukraine. Et le temps fort sera la rencontre attendue entre M. Poutine et son homologue ukrainien, Petro Porochenko. Selon un communiqué du Kremlin, les deux présidents se sont parlés mardi soir et ont convenu de se voir à Milan. A Paris, comme à Bruxelles, on assure qu’il n’est nullement question d’amorcer une réconciliation avec M. Poutine. « Les conditions d’un règlement de la crise en Ukraine ne sont pas encore réunies », insiste-t-on à l’Elysée. Il s’agit seulement, dit-on dans l’entourage du président Hollande, de « saisir cette opportunité pour essayer de faire quelque chose d’utile », en soulignant qu’aucune rencontre n’a encore été calée en- tre M. Poutine et des dirigeants européens. Toutefois, il ne fait pas de doute que M. Poutine va s’efforcer d’utiliser cette tribune à son avantage. Or, « il y a un net décalage entre la situation sur le terrain en Ukraine, où la crise est loin d’être réglée, et ce premier signe qui s’apparente à une normalisation des relations avec la Russie », relève Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Le sommet de Milan a été précédé par d’intenses consultations diplomatiques, mardi à Paris, entre les chefs de la diplomatie américaine, française et russe. Toutefois, John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a clairement indiqué, mardi soir, qu’il était encore beaucoup trop tôt pour envisager une levée des sanctions contre la Russie, tant qu’il n’y aura pas de progrès sur trois points-clés : l’échange des prisonniers, le retrait des troupes et du matériel militaire russe d’Ukraine et le contrôle de la frontière entre les deux pays par les autorités de Kiev. Statu quo dans les sanctions Même prudence à Bruxelles. « Il ne faut pas analyser ce qui pourrait se passer à Milan comme une reprise de contacts officielle avec Poutine », souligne fermement une source diplomatique. « Au contraire : certains dirigeants européens n’avaient pas très envie qu’il soit présent », insiste-t-elle. Le président russe ne sera à Milan que pour une partie de la réunion (le dîner du 16, et la demi-journée du 17), son ministre des affaires L’aéroport de Donetsk (ici le 12 octobre) est toujours soumis aux tirs de l’artillerie. DMITRY LOVETSKY/AP Selon l’ONU, 331 personnes ont été tuées dans le Donbass depuis le cessez-le-feu du 5 septembre étrangères, Sergueï Lavrov, étant en première ligne pour le reste. Des discussions, voire une réunion plus formelle consacrée à l’Ukraine devraient toutefois avoir lieu et le premier ministre italien Matteo Renzi, qui est sur ses terres, compte bien y participer. Même s’ils ont baissé le ton et constatent une relative désescalade sur le terrain, les Vingt-Huit restent très sceptiques et considèrent que le cessez-le-feu conclu entre les présidents Porochenko et Poutine, le 5 septembre, demeure extrêmement fragile. Les Européens prônent cependant un statu quo dans les sanctions à l’égard de Moscou. Par réa- lisme, et aussi parce que cela permet de ne pas accroître les tensions entre les capitales qui en demandent de nouvelles et celles qui en réclament moins. Toutefois, note une source européenne influente, « la situation est plus fluide qu’on ne le pense. Poutine et Porochenko se sont trouvés, quand quelque chose se règle, c’est directement au sommet entre les deux. Porochenko est pragmatique et habile, Poutine a trouvé quelqu’un à qui parler ». Minsk. Les combats pour le contrôle des ruines de l’aéroport de Donetsk ont été particulièrement violents. Et les séparatistes, tout en assurant ne pas être responsables des violations, affirment avoir repris le contrôle de trentehuit localités dans la région. Pour la partie ukrainienne, le signal le plus important de la bonne volonté russe serait que Moscou obtienne l’annulation des scrutins « présidentiel et législatifs » que les séparatistes entendent organiser, début novembre, dans les territoires qu’ils contrôlent. La tenue de cette élection marquerait un point de non-retour : le projet de règlement politique adopté par le Parlement ukrainien le 16 septembre, conçu en étroite collaboration avec le Kremlin, prévoyait, outre une large autonomie, la tenue d’élections locales dans le Donbass en décembre. L’organisation de ce scrutin concurrent achèverait de faire basculer la région dans une zone grise échappant à tout contrôle de Kiev. p Combats violents Du côté de la présidence ukrainienne, on affirme que M. Porochenko ira à Milan avec un objectif simple, quoique ambitieux au vu des derniers développements : « Obliger Poutine à assumer la responsabilité de ce à quoi il s’est déjà engagé », à savoir la mise en application du cessez-le-feu conclu à Minsk le 5 septembre. Si le niveau des violences a diminué dans le Donbass depuis cette date, les armes ont continué de parler. Selon un décompte de yves-michel riols, l’ONU du 8 octobre, 331 personnes jean-pierre stroobants y ont été tuées depuis l’accord de (à bruxelles) et benoît vitkine LES DATES 22 FÉVRIER 2014 Fuite et destitution du président Viktor Ianoukovitch à l’issue de la révolution de « Maïdan ». 18 MARS La Russie annexe la Crimée. 11 MAI Les séparatistes organisent un référendum d’autodétermination dans les régions de Donetsk et Louhansk. 17 JUILLET Un avion de la Malaysia Airlines est abattu dans la zone de combats. 5 SEPTEMBRE Un cessez-le-feu est signé à Minsk entre représentants de Moscou, Kiev et des séparatistes. Manifestations inédites de policiers en Algérie A Ghardaïa puis à Alger, des forces antiémeute ont surmonté l’interdiction de défiler dans la rue Confort & Design Matelas - Sommiers A DECOUVRIR Le Confort I.D.E.A.L A PRIX DE LANCEMENT 247 rue de Belleville 75019 PARIS 148 av. Malakoff 01 42 08 71 00 7j/7 Livraison et Installation gratuite en France 75116 PARIS 50 av. d’Italie 75013 PARIS Détails sur www.mobeco.com alger - correspondance J amais des policiers n’avaient manifesté dans la rue en Algérie. Ce mouvement inédit a débuté lundi 13 octobre à Ghardaïa, dans le sud du pays, théâtre depuis près d’un an d’affrontements intercommunautaires, avant de s’étendre mardi à Alger. Tout a débuté lundi, à Ghardaïa, à la suite d’une reprise des heurts entre des Mozabites (des Berbères de rite ibadite) et des Chaambis (Arabes malékites) qui ont entraîné la mort de deux jeunes et fait une dizaine de blessés dans les rangs de la police. A la suite de ces affrontements, plus d’un millier de policiers des « Unités républicaines de sécurité » (URS) ont marché dans la ville. Ils ont organisé un sit-in devant le siège de la wilaya (préfecture) pour dénoncer leurs conditions de travail, et réclamer le départ du directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), le général-major Abdelghani Hamel. La visite sur place du ministre de l’intérieur, Tayeb Belaïz, accompagné du général Hamel, n’a pas suffi à les calmer. Le lendemain, les Algérois ont assisté, médusés et un peu inquiets, au spectacle inédit de cen- taines de policiers marchant en procession silencieuse sur une quinzaine de kilomètres, du quartier du Hamiz, dans la banlieue d’Alger, vers le palais du gouvernement, au centre-ville. Les manifestants ont refusé de parler au wali (préfet) d’Alger et exigé d’être reçus par le ministre de l’intérieur, parti à Ghardaïa où la « grève » des policiers, dans une région en ébullition depuis un an, fait craindre de graves dérapages. Des affrontements intercommunautaires ont été signalés dans plusieurs zones de la vallée du Mzab faisant, selon les médias locaux, une cinquantaine de blessés. Le ministre de l’intérieur, Tayeb Belaïz, a tenu à Ghardaïa, en présence du chef de la police, le géné- Les policiers dénoncent leurs conditions de travail et réclament le départ du directeur de la Sûreté nationale ral Hamel, une réunion de quatre heures avec les policiers en colère. Hormis le départ du chef de la police, il s’est engagé à satisfaire toutes leurs revendications sociales (logement, protection, conditions de travail et salaires). Le ministre a également promis de ne punir aucun des contestataires qui sont, au regard des règlements, passibles de lourdes sanctions disciplinaires. « Nous avons satisfait pratiquement toutes les revendications », a-t-il déclaré, ajoutant que les « policiers se sont engagés à reprendre le travail ». « Vacance du pouvoir » Très embarrassées, et dans un contexte de rumeurs récurrentes sur l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, les autorités algériennes tentent de minimiser la portée politique de cette contestation au sein des forces antiémeute. A Alger, la plupart des observateurs relèvent « l’incroyable » pied de nez des policiers antiémeute aux autorités. Par leur action, ils ont bravé l’interdiction de manifester dans la capitale en vigueur depuis 2001, qu’ils ont eux-mêmes mise en application, le plus souvent sans ménagement. Ils ont aussi bravé la réglementation interne des corps de sécurité. « Le droit de manifester est consacré », ironise un journaliste d’El Watan, Adlène Meddi, sur Facebook. C’est loin d’être certain mais la dimension politique de cette « émeute au sein de la police antiémeute » est relevée par les opposants. Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc), a souligné que les policiers ont repris avec le slogan « Irhal » (« dégage »), principal slogan du printemps arabe, en visant le ministre de l’intérieur Hamel. Ali Benflis, candidat malheureux à la présidentielle d’avril 2014, met en cause l’état de « vacance du pouvoir » lié à l’état de santé du président Bouteflika qui le rend incapable, selon lui, d’exercer ses fonctions tout en paralysant l’Etat et le pays. Pour le chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP, Frères musulmans), Abderrezak Makri, il s’agit d’une situation sans précédent qui renseigne sur la « déliquescence du pouvoir ». « Est-il concevable que des choses pareilles arrivent sans que le chef de l’Etat n’intervienne pour parler à la nation ! C’est une situation grave. » p amir akef international | 5 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Indignation nationale au Mexique 5 000 À 10 000 Les Mexicains sont sous le choc après la disparition de 43 étudiants mexico - correspondance L a mort, au Mexique, d’un des chefs du cartel Guerreros Unidos (« Guerriers unis »), impliqué dans la disparition de quarante-trois étudiants, fin septembre, suffira-telle à calmer l’indignation des Mexicains ? Cette affaire de disparition massive est devenue une crise sécuritaire majeure, qui met en cause la crédibilité de l’Etat mexicain et du président Enrique Peña Nieto, jugé non seulement sur les réformes mises en œuvre, mais aussi sur sa capacité à rétablir l’ordre public. Mardi 14 octobre, le narcotrafiquant Benjamin Mondragon est décédé lors d’un affrontement avec la police dans la ville de Juitepec, à 90 km au sud de Mexico. « C’est la preuve que le gouvernement agit pour rétablir la sécurité », a déclaré Matias Quiroz, ministre de l’intérieur de l’Etat de Morelos (centre), où Mondragon aurait « préféré se suicider plutôt que de se rendre ». Son cartel, Guerreros Unidos, est accusé d’avoir participé, le 26 septembre à Iguala, dans l’Etat voisin de Guerrero, à l’attaque d’élèves-enseignants d’une école normale par des policiers municipaux véreux, faisant six morts et quarante-trois disparus. Mardi, le ministre de la justice, Jesus Murillo Karam, a annoncé que les vingt-huit corps découverts dans cinq fosses près d’Iguala, le 4 octobre, n’étaient pas ceux des disparus, renforçant l’énigme sur cette affaire. Les analyses ADN pour identifier des corps trouvés dans quatre autres charniers se poursuivent. Palais du gouverneur incendié Toutefois, les confessions de quatorze policiers de la ville voisine de Cocula sur la remise des quarante-trois étudiants aux Guerreros Unidos ont fait monter d’un cran la colère de la population, déjà attisée par de précédentes révélations sur les liens entre le maire d’Iguala, en fuite, et ce cartel régional. Mardi à Chilpancingo, chef-lieu du Guerrero, une nouvelle manifestation pour exiger que les autorités retrouvent les disparus s’est déroulée sans heurts. Mais la veille, des centaines d’étudiants et d’enseignants avaient incendié le palais du gouverneur et saccagé la mairie. Cinq jours plus tôt, des milliers de Mexicains défilaient dans une trentaine de villes, dont ÉTATS-UNIS MEXIQUE Mexico Iguala MORELOS GUERRERO 500 km Golfe du Mexique Chilpancingo OCÉAN PACIFIQUE « Les abus de la police, infiltrée par le crime organisé, sont légion au Mexique » JORGE CHABAT politologue au Centre de recherche et d’enseignement économiques Mexico, pour réclamer la vérité sur cette affaire. « L’indignation est nationale, mais aussi internationale, car les abus de la police, infiltrée par le crime organisé, sont légion au Mexique », commente Jorge Chabat, politologue au Centre de recherche et d’enseignement économiques. L’Organisation des Nations unies, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et Amnesty International ont dénoncé des actes « inacceptables », dans un pays où 22 000 Mexicains sont portés disparus. Lundi, une vingtaine de députés européens leur ont emboîté le pas en réclamant l’arrêt des négociations commerciales en cours entre le Mexique et l’Union européenne, en regard des violations des droits de l’homme dans ce pays. De son côté, le président Peña Nieto a promis que « l’Etat prendra les mesures nécessaires pour que les événements d’Iguala ne se reproduisent plus ». Son gouvernement multiplie les opérations contre le crime organisé. En deux semaines, Benjamin Mondragon est le troisième grand narcotrafiquant neutralisé, après les arrestations des barons de la drogue Vicente Carrillo Fuentes, chef du cartel de Juarez, et Hector Beltran Leyva, chef de l’organisation mafieuse Beltran Leyva. Difficile pour autant de calmer les esprits alors qu’un étudiant allemand a été blessé, dimanche, dans le Guerrero, par la police. La victime était à bord d’une camionnette, avec dix autres étudiants, dont deux Français, partis de la station balnéaire d’Acapulco. Les policiers ont ouvert le feu sur le véhicule qui aurait refusé de s’arrêter à un barrage. Depuis, vingt policiers ont été interpellés. L’état du blessé, hospitalisé à Mexico, est stable, selon l’ambassade d’Allemagne, qui suit l’enquête avec le consulat français. « Sans résultat rapide dans l’affaire d’Iguala, la pression nationale et internationale va s’intensifier sur le gouvernement », avertit M. Chabat. Mardi, des manifestants d’autres écoles normales du pays ont rejoint Chilpancingo alors que les étudiants de l’Université nationale autonome du Mexique, située dans la capitale, ont fait grève. Une manifestation était prévue, mercredi à Mexico, pour réclamer, une nouvelle fois, justice pour les étudiants disparus. p frédéric saliba nouveaux cas hebdomadaires d’Ebola C’est le nombre de nouveaux malades qui seraient touchés en Afrique de l’Ouest à partir de début décembre, a déclaré, mardi 14 octobre, l’Organisation mondiale de la santé. La fièvre hémorragique, qui a fait plus de 4 400 morts, entraîne aujourd’hui 1 000 nouveaux cas par semaine. Le taux de mortalité des malades peut atteindre 70 % dans les pays les plus touchés (Guinée, Liberia et Sierra Leone). « Ebola est en train de gagner la course », a averti Anthony Banbury, chef de la mission des Nations unies chargée de coordonner la réponse d’urgence à Ebola, lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée à l’épidémie. C HI N E Violents affrontements à Hongkong Les heurts parmi les plus violents depuis le début des manifestations prodémocratie à Hongkong, il y a deux semaines, ont opposé, mardi 14 octobre, dans la soirée, et mercredi 15, dans la matinée, les manifestants aux forces de police, qui ont procédé à des dizaines d’arrestations. Après une heure de confrontation, les forces de l’ordre avaient regagné le contrôle d’une route proche du siège de l’exécutif hongkongais. Les manifestants exigent de pouvoir librement élire le prochain chef de l’exécutif en 2017, alors que le Parti communiste chinois entend garder la haute main sur le processus électoral. – (AFP.) COR ÉES Contact militaire de haut niveau entre Nord et Sud De hauts responsables militaires sud et nord-coréens se sont rencontrés, mercredi 15 octobre, pour la première fois en sept ans, après plusieurs accrochages fronta- liers, a annoncé l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. Les discussions entre généraux se sont tenues dans le village frontalier de Panmunjom, en Corée du Nord, où fut signé l’armistice de 1953. Sollicité par l’AFP, le ministère sud-coréen de la défense a refusé de confirmer l’information. – (AFP.) S ER BI E- ALBAN I E Incidents lors d’un match de football Des incidents ont interrompu le match Serbie-Albanie pour la qualification de l’Euro 2016, après des altercations, à Belgrade, entre joueurs albanais et supporteurs serbes. Tout a commencer quand un drone, auquel était accroché un drapeau albanais, a survolé le stade. La scène a provoqué des incidents entre les joueurs des deux équipes, tandis que des supporteurs serbes envahissaient le terrain pour agresser des joueurs albanais. Le premier ministre albanais, Edi Rama, doit se rendre en visite officielle à Belgrade le 22 octobre. – (AFP, AP.) 6 | géopolitique 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 RUSSIE TURQUIE T U R QUIE Sanliurfa Gaziantep Adana Jarablus Sahela Ras Al-Aïn Rabia’a Tell Abiad Bab Al-Salam Atmeh Monts Sinjar Darkosh Bab Al-Kasab Alep Harem IRAK Hassaké Bab Al-Hawa Mossoul CÔTÉ TURQUIE Lac Assad Idlib IRAN Simalka Kamechliyé Aïn Al-Arab (Kobané) Killis Hatay SYRIE IRAK Ein-Diwar Camps et zones de réfugiés Rakka Aéroport d’arrivée des djihadistes Base militaire de l’OTAN Déploiement de forces turques SY RI E CÔTÉ SYRIE ET IRAK Lattaquié Villes, villages, frontière et zones tenus par Deir-ez-Zor Le régime de Damas Mer Méditerranée L’Armée syrienne libre (ASL) Hama Les populations kurdes Tartous L’Etat islamique (EI) Point de passage de la frontière Homs 30 km Zone de friction Feu à la frontière turco-syrienne L’Etat islamique a lancé un assaut brutal contre Kobané, troisième ville kurde de Syrie. Les raids aériens de la coalition internationale n’ont pu que le ralentir. Pourquoi cette zone, entre Syrie et Turquie, est-elle un enjeu – et l’occasion d’un jeu trouble – pour les forces en présence ? Vu par les Turcs Vu par l’Etat islamique T U R QU IE TURQUI E PKK PKK Vu par les Kurdes T U RQ U IE Kamechliyé Kobané PKK Hassaké Alep Mossoul Kobané PYD Monts Sinjar IRA K PYD Deir ez-Zor Alep Rakka I RAK Kurdistan autonome Ras Al-Aïn RAKKA IRA K SY RI E SYRIE SY R IE 50 km Crainte de voir la création d’un grand Kurdistan Crainte de voir les Kurdes du PKK (Turquie) rejoindre ceux du PYD (Syrie) Accueil de réfugiés syriens et kurdes syriens vers les camps turcs Laxisme de la Turquie face à l’arrivée de djihadistes dans ses aéroports, dans le but inavoué de renforcer l’EI pour mieux affaiblir les Kurdes Position attentiste de l’armée turque la stratégie ambiguë de la turquie Depuis le début de l’assaut contre Kobané, l’armée turque a pris position le long de la frontière, face à la ville kurde syrienne. Mais il n’est pas question pour Ankara d’entrer en guerre contre l’Etat islamique (EI). La Turquie considère les djihadistes comme un moindre mal, voire comme des alliés utiles dans sa lutte contre les deux ennemis du président turc Erdogan : le régime syrien de Bachar Al-Assad, mais aussi et surtout le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK et son jumeau syrien du PYD. L’installation d’un Kurdistan quasi-indépendant en Syrie offrirait au PKK une base arrière incomparable, ce qu’Ankara, qui cherche à mettre fin au conflit kurde, ne peut accepter. Les Kurdes accusent ouvertement l’armée turque de bloquer tout renfort à destination de Kobané et, au contraire, de laisser passer les djihadistes venus d’Asie centrale et d’Occident. Mardi 14 octobre, l’aviation turque a d’ailleurs bombardé des bases du PKK. p 50 km Transfert de pétrole de contrebande permettant de financer l’Etat islamique Prise de l’antenne locale de la Banque centrale à Mossoul avec plusieurs centaines de millions de dollars Recherche d’une unité territoriale permettant de relier Mossoul à Alep Rakka : capitale de l’Etat islamique daech à la conquête de la frontière S’il s’empare de Kobané, l’Etat islamique prend le contrôle d’une centaine de kilomètres de frontière avec la Turquie, ce qui lui permet de vendre plus facilement son pétrole en contrebande et de faire entrer des djihadistes arrivés via les aéroports turcs. L’élimination de la poche de résistance de Kobané lui permet aussi de relier Rakka, sa capitale, à Alep en toute sécurité. Enfin, la chute de Kobané ouvrirait la voie à une offensive contre Hassaké, riche en pétrole et verrou stratégique entre les territoires contrôlés par l’EI en Syrie et en Irak. Depuis le mois d’août, les forces kurdes de Syrie (PYD) et de Turquie (PKK) ont en effet pris pied dans les monts Sinjar en venant secourir les populations yézidies menacées de carnage. Cette intrusion dans le « califat » d’une force non-arabe et professant la laïcité est insupportable pour les djihadistes. p SOURCES HUMANITARIAN INFORMATION UNIT, US DEPARTMENT OF STATE, DOSSIER GUERRE CIVILE IRAKIENNE ET SYRIENNE/WIKIPEDIA, RELIEF WEB, UNHCR, OCHA, LE MONDE - INFOGRAPHIE LE MONDE DAMAS Soutien des Kurdes de Turquie à ceux de Syrie et d’Irak Perte de territoire des Kurdes de Syrie après les avancées de l’Etat islamique Recul des Kurdes d’Irak après les attaques de l’EI dans le Kurdistan autonome 50 km Autonomie de fait des Kurdes accordée par le régime de Damas pour s’éviter un ennemi supplémentaire Percée du PKK et du PYD vers les monts Sinjar pour sauver les yézidis du massacre de l’EI Poussée de l’EI pour éliminer les non-sunnites et non-Arabes le recul de la résistance kurde La guérilla kurde syrienne du PYD et celle, turque, du PKK ne font pratiquement qu’une. Les affinités culturelles, linguistiques et politiques sont nettement plus fortes entre Kurdes turcs et syriens qu’avec ceux d’Irak, qui se sont rapprochés ces dernières années du gouvernement turc. Le PYD et le PKK sont en conflit ouvert en Syrie avec l’Etat islamique depuis juin 2013 partout où zones de peuplement kurde et arabe se touchent. En Irak, le PKK et le PYD ont bloqué l’avancée des forces djihadistes au pied des monts Sinjar, alors qu’elles s’apprêtaient à massacrer les populations yézidies (Kurdes d’Irak adeptes d’un monothéisme hérité du zoroastrisme perse). L’EI n’a jamais pardonné cet affront. Dans toutes les zones qu’ils contrôlent, le PYD et le PKK installent un modèle de pouvoir autoritaire, laïque, mixte et socialiste, un anti-Etat islamique en quelque sorte. p textes : christophe ayad cartographie : jules grandin et delphine papin Jean Tirole Prix Nobel d’Économie 2014 Président de Toulouse School of Economics Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse Président de Toulouse Métropole “ “ Toulouse et son Université rayonnent sur la carte mondiale de l’économie grâce à Jean Tirole et son équipe. Au nom des Toulousains, je lui témoigne notre grande admiration. 8 | france 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Macron s’attaque aux « maladies » de la France Le ministre de l’économie a présenté, mercredi 15 octobre, les grandes lignes de sa future loi « pour l’activité » F aire mouvement coûte que coûte, même si la direction n’est pas encore tracée point par point. Emmanuel Macron a présenté, mercredi 15 octobre en conseil des ministres, une communication concernant son projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques ». Le texte, dont Le Monde a pu prendre connaissance, vise à « lever tous les blocages » et à « briser les plafonds de verre » de l’économie française, car « le problème ne vient pas des Français, mais des rigidités du système ». Le ministre de l’économie entend « changer les mentalités » et donner un « choc de confiance », en s’attaquant aux « trois maladies » françaises (« la défiance, la complexité et le corporatisme ») qui empêchent selon lui de « libérer, investir et travailler ». Citant opportunément Jean Tirole, le nouveau Prix Nobel d’économie, M. Macron estime qu’« à force de trop protéger, on ne protège rien ». Professions réglementées de justice et de santé « débloquées », travail le dimanche et en soirée, rénovation des prud’hommes et développement de l’actionnariat salarié, la future « loi Macron » veut libérer les énergies dans plusieurs terrains économiques, y compris l’exploitation des sociétés d’autoroutes ou le transport par autocars. Signal réformiste Mais le patron de Bercy veut le faire en douceur, là où Arnaud Montebourg, son prédécesseur et initiateur de la loi, s’était engagé à la hussarde, en juillet, au cours d’une conférence de presse retentissante. « Pour réussir la réforme, on ouvre ces débats, qui sont des sujets sensibles pour les professions et secteurs concernés, de façon sereine », indique un proche du ministre de l’économie. La concomitance de cette présentation avec le début de l’examen, à l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances 2015, et de la transmission par le gouvernement de sa copie budgétaire à Bruxelles, confère pourtant à l’exercice un tour particulier. Des ministres concèdent en privé qu’à ce stade, cette future loi Le ministre de l’économie Emmanuel Macron, à Bercy, le 12 septembre. CHRISTOPHE MORIN/IP3 est avant tout un signal réformiste adressé aux partenaires européens, Allemagne en tête. « C’est d’abord un message pour afficher une volonté, on entrera dans les détails plus tard », glisse un ministre. A l’Elysée, on confirme : « Ce gouvernement veut démontrer que la France est capable de se réformer. Ce texte montre aussi que nous affrontons les problèmes, que nous sommes en mouvement. C’est un signal perçu comme tel tant par notre opinion publique que par nos partenaires européens. » Hollande sur TF1, le 6 novembre François Hollande sera le 6 novembre, l’invité d’une « émission spéciale » sur TF1. Cette date marquera les 2 ans et demi de son élection et la moitié de son mandat. L’émission d’une heure trente se déroulera en prime time et en association avec RTL. Elle sera conduite par le présentateur Gilles Bouleau et pourrait intégrer une « interaction » avec des Français. Il s’agira pour le président, selon l’Elysée, de « remettre en perspective ce qui a été fait pendant la première moitié du mandat, les réformes, ce qui a réussi, ce qui n’a pas encore réussi, et d’expliquer aux Français le sens et le contenu de la deuxième partie du quinquennat ». La loi Macron a d’ailleurs été « vendue » par Manuel Valls à chacun de ses derniers déplacements, à Berlin en septembre et à Londres un mois plus tard, comme une démonstration que la France « avance » et « bouge ». En Allemagne, accompagné du ministre de l’économie, le premier ministre avait même présenté ce dernier au vice-chancelier Sigmar Gabriel comme « la star de son gouvernement ». Ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée, où il était notamment chargé des négociations européennes, M. Macron, s’il prend soin de ne pas trop empiéter sur les prérogatives budgétaires de son collègue des finances Michel Sapin, œuvre certes pour « libérer la croissance », mais surtout pour apaiser l’ire de la Commission quant aux défaillances françaises. Une mission qu’il partage avec le président en personne et son secrétaire général, Jean Pierre Jouyet, ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes de Nicolas Sarkozy. « Hollande, Jouyet et Macron sont là pour rassurer Bruxelles. Du matin au soir », constate un secrétaire d’Etat. Un conseiller du président dément cependant tout opportunisme : « Cette loi avait initialement été annoncée par Montebourg et devait être portée par lui. Macron s’en est saisi, a apporté sa patte, mais le principe reste la libération de la croissance. Elle se situe dans le temps long, le président et le premier ministre étant persuadés qu’après le pacte une étape supplémentaire était nécessaire pour lever des freins à l’activité. » Il est vrai que la « loi Macron » devait à l’origine être la « loi Montebourg », qui fut le ministre le plus ardent en faveur d’une confrontation avec Bruxelles et Berlin, à laquelle le président a toujours rechigné. Un proche du premier ministre souligne cette ironie : « C’est assez drôle : au départ, le colbertiste Montebourg avait lancé une réforme d’un libéralisme absolu notamment sur les professions réglementées, et c’est le libéral Macron Selon le texte du ministre de l’économie, « le problème ne vient pas des Français, mais des rigidités du système » qui est chargé de mettre un peu d’Etat dans tout ça… » Au-delà de ce texte, il n’est pas question pour le duo Valls-Macron de donner le sentiment que le gouvernement recule sur les réformes. Malgré les polémiques, le premier ministre a récidivé mardi à l’Assemblée, expliquant qu’il ne fallait « pas s’interdire de parler d’assurance-chômage » d’ici à la prochaine renégociation de la convention Unedic au printemps 2016, promettant toutefois « un respect absolu des partenaires so- ciaux ». Après les premières offensives de M. Valls sur le sujet, la mise au point du président depuis Milan le 8 octobre et l’entretien de M. Macron au Journal du dimanche le 12 octobre, la méthode choisie laisse prise aux doutes. « On ne veut pas dire qu’on va le faire, tout en espérant qu’on le fasse, puis on dit qu’on va peut-être le faire… J’essaie de comprendre et je n’y comprends rien », résume un ministre. Pour lui, l’opération « clarification », lancée avec le départ de M. Montebourg, n’a pas été aussi fructueuse sur le plan de la communication que sur le plan idéologique : « Une polyphonie avec des voix de gauche et une polyphonie avec des voix de droite, c’est le même résultat : le bazar. » Et celui-ci de s’interroger : « C’est pour faire plaisir à la Commission européenne ? Mais celle-ci demande des actes, et non des promesses sur lequel un tel revient avant que l’autre ne les relance… » p bastien bonnefous et david revault d’allonnes Un catalogue de mesures pour « libérer » l’économie La loi Macron sera présentée dans son intégralité au conseil des ministres à la mi-décembre E mmanuel Macron a dévoilé, mercredi 15 octobre, les grandes lignes de son projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques ». Ce texte n’est pas encore finalisé, de nombreuses dispositions faisant encore l’objet de discussions – en particulier avec les professions réglementées (notaires, huissiers, etc.). Il devait être présenté en conseil des ministres à la mi-décembre pour un examen au Parlement début 2015. De multiples sujets sont abordés de manière à « lever tous les blocages » qui entravent la croissance. La portée de ces mesures ne pourra être jugée que lorsque la version finale du projet de loi sera connue. Travail dominical et en soirée L’exécutif veut élargir les dérogations à la règle du repos dominical pour permettre à un plus grand nombre de commerces d’ouvrir ce jour, en particulier lorsqu’ils sont situés dans les gares et les « zones touristiques à fort potentiel économique ». Les salariés employés dans ces périmètres doivent être volontaires et recevoir une « compensation importante » (le salaire devrait être doublé dans les établissements de plus de onze personnes). Les maires auront la possibilité de délivrer des autorisations d’ouverture sur douze dimanches dans l’année, dont cinq seront obligatoirement accordés si les entreprises le demandent (à l’heure actuelle, les « dimanches du maire » s’élèvent à cinq maximum par an). Le « travail en soirée » pourra également être autorisé, « sur décision de l’Etat », dans les « zones à haut potentiel économique » et moyennant des majorations de salaires. Transports par autocars Le projet de loi vise à « libérer » ce secteur soumis à un régime d’autorisation qualifié de « drastique » par Bercy. En raison des contraintes réglementaires qui lui sont imposées, ce mode de déplacement est très peu développé en France et se borne, pour l’essentiel, aux liaisons internationales. Le gouvernement souhaite donc donner la possibilité d’ouvrir partout des lignes d’autocar sans autorisation préalable. Santé Deux professions sont évoquées dans la communication de M. Macron : les pharmaciens et les dentistes. Le texte cherche à promouvoir la « transparence des coûts » sur les prothèses dentaires, jugés opaques. Les règles d’installation des officines sont simplifiées et passeraient de douze à deux ; serait notamment instaurée une « distance minimale » entre pharmacies. Enfin, l’exécutif entend ouvrir le capital des pharmacies « entre professionnels » dans le but de favoriser leur regroupement et, in fine, de « faire baisser les prix grâce à des économies d’échelle ». Autre objectif : faciliter le développement de la vente sur Internet de médicaments. Professions juridiques Plusieurs d’entre elles sont concernées par le texte (notaires, avocats, huissiers, mandataires de justice, greffiers de tribunaux de commerce). Le but du gouvernement est de « simplifier » leurs conditions d’installation pour permettre aux personnes titulaires des diplômes requis de lancer leur propre activité. Grâce à cette concurrence accrue, M. Macron espère faire baisser les tarifs des actes juridiques « de la vie courante et de la plupart des transactions immobilières ». Le capital des sociétés détenues par ces professions sera ouvert aux « professionnels du chiffre » (expertscomptables, etc.). p bertrand bissuel % % $" "" " "$ $" $" # " $ $ $ " " VIAGER Gestion Transaction Syndic Siège : Place WAGRAM 17e 154, avenue de Wagram Parc MONCEAU 8e 61, boulevard de Courcelles Porte VILLIERS 17e 40, boulevard Gouvion-Saint-Cyr Tél. : 01 47 64 66 89 www.belimmo.com NG DCTQOGVTG FG NÓKOOQDKNKGT RCT NGU PQVCKTGU Tfirctvkvkqp fgu xgpvgu fÓcrrctvgogpvu cpekgpu rct vtcpejg fg rtkz cw o) Rctku fg 4226 4236, C Rctku. nc tfirctvkvkqp fgu xgpvgu fÓcrrctvgogpvu cpekgpu ugnqp ngu vtcpejgu fg rtkz. swk cxckv dtwvcngogpv ejcpifig fg 4232 4233. fixqnwg rgw fgrwku 5 cpu0 Nc rctv fgu crrctvgogpvu xgpfwu rnwu fg 32 222 Ú ng o) Rctku c gzrnqufi fg 4232 4233. rcuucpv fg :' 43' gp wp cp0 Fgrwku 4234. gnng c nfiifltgogpv dckuufi rqwt uÓfivcdnkt 3:' gp 4236,0 Nc rtqrqtvkqp fÓcrrctvgogpvu xgpfwu gpvtg 9 722 Ú gv 32 222 Ú ng o) guv rcuufig fg 4:' gp 4232 78' gp 4233 gv ug uvcdknkug fgrwku 4235 72'0 Gphkp. nc rctv fgu crrctvgogpvu cpekgpu efiffiu oqkpu fg 7 222 Ú ng o) c ejwvfi fg 48 rqkpvu gp wp cp. rqwt cvvgkpftg 52' gp 4233 gv gp 4236,0 > 7 222 Ú 1 o) 7 222 9 722 Ú 1 o) 9 722 32 222 Ú 1 o) , @ 32 222 Ú 1 o) , Ngu fqppfigu fg 4236 pg eqortgppgpv swg ngu 9 rtgokgtu oqku0 Uqwteg < Pqvcktgu Rctku/Kng fg Htcpeg / Dcug DKGP Eqpvcev < Ejcodtg fgu Pqvcktgu fg Rctku / Rnceg fw Ej¤vgngv / Rctku 3gt / Vfin0 < 23 66 :4 46 22 / yyy0pqvcktgu0rctku/kfh0ht « 5P. - PROX VOSGES » 125m2 - 1er étage - 3 chbres Travaux - 1.300.000€ VENTES APPARTEMENTS « 5P. - MESLAY » 148m2 - 3°asc - 3 chbres - Volume parquet, Soleil - 1.580.000€ PARIS 2E MONTORGUEIL 2P 50m2 immeuble ancien, 2° ss asc, parquet, cheminée Charme fou, calme, soleil Prés Carrés 01.53.63.00.63 « 5P. 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Tél. : 01 45 55 86 18 Fax : 01 45 55 50 18 Site internet : www.viager.fr BULLETIN D ABONNEMENT A compl ter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A 50 OUI 9�de au lieu � * 3 8,8 Arras Cedex 4 EMQA M je m’abonne à la Formule Int grale du Monde pendant mois € € au lieu de soit % DE R DUCTION sur pour le prix kiosque Je règle par : Ch que bancaire à l’ordre de la Soci t ditrice du Monde Carte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard OFFRE SPÉCIALE D’ABONNEMENT N° : % DE RÉDUCTION - Date et signature obligatoires Expire fin : Notez les derniers chifres figurant au verso de votre carte : Nom : Pr nom : Adresse : Code postal : Localit : E-mail : J’accepte de recevoir des ofres du Monde ou de ses partenaires OUI OUI NON NON T l : Le quotidien chaque jour tous les suppl ments M le magazine du Monde l’acc s à l’ dition abonn s du Monde fr IMPORTANT VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR** Maison individuelle Immeuble Digicode N Interphone oui non Bo te aux lettres Nominative Collective D pôt chez le gardien accueil B t N Escalier N D pôt sp ci que le week-end � SOCI T DITRICE DU MONDE SA BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI PARIS - 4 RCS Paris - Capital de 4 4 Ofre r serv e aux nouveaux abonn s et valable en France m tropolitaine jusqu’au 4 En application des articles et 4 de la loi Informatique et Libert s du janvier vous disposez d’un droit d’acc s de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre si ge Par notre interm diaire ces donn es pourraient tres communiqu es à des tiers sauf si vous cochez la case ci-contre Prix de vente en kiosque Sous r serve de la possibilit pour nos porteurs de servir votre adresse 10 | france 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Querelle sur l’exil des Français à l’étranger Gauche et droite n’ont pas trouvé d’accord à l’issue de la commission d’enquête parlementaire L orsque l’UMP demandait, le 9 avril, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’« exil des forces vives », il s’agissait alors, à ses yeux, de dresser le tableau d’une France désertée par ses « entrepreneurs, jeunes diplômés, créateurs d’entreprise, artistes ». « Un phénomène extrêmement grave et potentiellement irréversible », estimait Luc Chatel, député (UMP) de la Haute-Marne, à l’initiative de la demande, jugeant indispensable de « l’examiner dans toute son ampleur » pour « permettre de l’enrayer afin que la France redevienne ce pays économiquement attractif que nous avons pu connaître à une certaine époque ». Six mois plus tard, le rapport rendu public, mercredi 15 octobre, par Yann Galut, député (PS) du Cher, s’élève en faux contre cette analyse alarmiste. « Il n’y a pas d’exode massif, conteste le rapporteur de la commission. Je ne nie pas qu’il y a un rang à conserver, mais sans vision passéiste et arcboutée. » Selon le ministère des affaires étrangères, 1,643 million de Français étaient enregistrés à l’étranger, dont 628 000 au sein de l’Union européenne, contre 1,427 million en 2008, soit une augmentation de 15 % en cinq ans. En dix ans, ce nombre a progressé de 30 %, il a presque doublé en vingt ans. Cependant, relève le rapport, cette augmentation « n’a rien d’exceptionnel » : « En dépit de leur augmentation, les chiffres de l’émigration française restent modestes, aussi bien en comparaison internationale que sur le plan démographique. » La France ne se classe qu’au dixième rang des pays d’expatriation au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), loin derrière l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Pour M. Galut, cette accélération de l’expatriation est le reflet de l’« insertion dans la mondialisation » et, pour la France, elle constitue une forme de « rattrapage » par rapport aux autres pays, notamment en ce qui concerne le nombre d’étudiants souhaitant pour- suivre leurs études à l’étranger. Comparativement aux autres pays de l’OCDE, la France compte peu de diplômés qui s’installent à l’étranger, même si cette proportion augmente régulièrement, témoignant d’« une ouverture croissante des étudiants français sur le monde ». « Il n’y a pas de fuite des cerveaux », dément fermement le rapporteur, qui rappelle que la France reste fortement attractive pour les étudiants étrangers. Selon Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’OCDE, bien que leur nombre ait augmenté de 60 % en dix ans, le taux d’expa- Les frondeurs du PS fondent le PS2. Si c’était vrai, France Info vous le dirait en premier. Le réflexe info. triation des diplômés du supérieur « reste relativement modeste, autour de 5 % ». Quant au nombre de redevables de l’impôt sur le revenu partis à l’étranger, après une baisse de 2008 à 2010, il est reparti à la hausse depuis 2011 pour atteindre 34 524 en 2012, soit 0,1 % des foyers de contribuables, selon les dernières données de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Parmi ceux-ci, 587 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) se sont expatriés. Leur actif moyen s’élevait à 6,6 millions d’euros, contre 2,7 millions d’euros pour l’ensemble des redevables de l’ISF. Le montant cumulé de leur revenu fiscal de référence est estimé à 446 millions d’euros. Ils représentent un montant d’ISF de 39 millions d’euros. « A l’évidence, seule une part minime des départs de redevables de l’impôt sur le revenu dans leur ensemble est motivée pour des rai- « Il n’y a pas de fuite des cerveaux » YANN GALUT rapporteur de la mission d’enquête parlementaire sur « l’exil des forces vives » sons fiscales », souligne le rapport. M. Galut tient en outre à mettre en regard le nombre d’assujettis à l’ISF quittant la France et l’augmentation du nombre de millionnaires que compte le pays, qui en abrite aujourd’hui 2,444 millions, dont 4 151 « ultrariches », c’est-àdire possédant un patrimoine supérieur à 50 millions de dollars (près de 40 millions d’euros). « Ce que démontre le rapport, c’est qu’il n’y a pas d’exode massif », insiste M. Galut, jugeant que les données rassemblées dans cet épais rapport, de plus de 600 pages, constituent « un sacré pied de nez à l’opération de “french bashing” lancée par l’UMP ». Pour le président de la commission, M. Chatel, ce rapport est, au contraire, « un déni de réalité ». « Puisque la majorité parlementaire refuse de dire ce que tout le monde voit, puisqu’elle refuse de voir ce que tout le monde voit », les membres de l’UMP et de l’UDI ont décidé de présenter leurs propres conclusions. « Alors que le gouvernement et la majorité parlementaire chantent avec insouciance “Tout va très bien Madame la marquise”, nous entendons ceux de nos concitoyens qui se sentent obligés de quitter la France pour de mauvaises raisons, à commencer par l’impression que la réussite y est devenue impossible », dénoncent-ils. Les six mois de travaux communs de la commission d’enquête n’auront pas permis de rapprocher les points de vue, et encore moins les présupposés. p patrick roger Le Drian détaille les 7 500 suppressions de postes dans l’armée en 2015 La fermeture du Val-de-Grâce est confirmée. Le 1er régiment d’artillerie de marine de Châlons-en-Champagne est dissous D epuis que l’annonce de la fermeture de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris avait fuité le 8 octobre dans Le Monde, le gouvernement comme l’armée s’étaient refusés à tout commentaire. Le sort que l’Etat réservait à l’hôpital qui a accueilli les présidents comme les plus hautes personnalités de la République restait un mystère. C’est désormais officiel. Dans un communiqué de trois pages adressé mercredi 15 octobre aux cadres des grands services militaires, le ministre de la défense, Jean-Yves le Drian, confirme la fermeture de l’hôpital et détaille sa restructuration. Le Valde-Grâce abritera à l’avenir un centre de recherche, de formation ainsi que le musée du service de santé des armées dont il dépend. Les activités médicales du site seront transférées vers les deux autres hôpitaux d’instruction des armées de la région parisienne – Percy, à Clamart (Hauts-de-Seine), et l’hôpital Bégin à Saint-Mandé (Val-de-Marne) – plus récents et plus performants. Cette fermeture va s’ajouter à celle d’autres sites militaires et s’inscrit dans un vaste plan d’économies des armées. La Défense « prend part aux efforts de la Nation pour redresser sa situation budgétaire », explique le ministre à ses services. « La souveraineté » de la France « dépend autant de sa défense que de la maîtrise de ses comptes publics ». D’ici à 2019, 34 000 nouvelles suppressions de postes sont prévues dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019. 7 500 postes sont concernés en 2015. Au total, entre 2009 et 2019, la Défense aura supprimé près de 80 000 emplois. Certaines communes vont payer le prix fort de ces coupes budgétaires. Ainsi, le 1er régiment d’artillerie de marine basé à Châlons-en-Champagne (Marne) – le plus ancien de France –, mais aussi l’état-major de la 1ère brigade mécanisée, installé dans la même ville, doivent être dissous avant l’été 2015. Benoist Apparu, maire et député (UMP) de Châlons-enChampagne a fait le calcul : cette ville de 45 000 habitants est amputée de 960 emplois. Il appelle les habitants à manifester pour exiger « des compensations à la D’ici à 2019, 34 000 nouvelles suppressions de postes sont prévues dans le cadre de la loi de programmation militaire perte de ces emplois militaires ». Les activités de la marine seront désormais concentrées autour des deux grands ports que sont Brest et Toulon. Les bases navales d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques) et le commandement maritime de Strasbourg fermeront eux en 2015. Concentrer, rationaliser Dans l’armée de l’air, même logique, même procédé : on concentre et on rationalise. La dissolution de la base aérienne 102 de Dijon-Longvic débutera cette année. Le commandement des forces aériennes sera quant à lui transféré vers la base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac. M. Le Drian a veillé, expliquet-il, à ce que « les deux tiers des 23 500 suppressions de postes » (auxquels viennent s’ajouter 10 000 suppressions de postes non encore exécutées de la précédente loi de programmation) portent « sur le soutien, les structures organiques, l’environnement et l’administration du ministère » de manière à préserver « les forces opérationnelles » engagées sur plusieurs théâtres d’opérations. Un budget est réservé pour accompagner ces mesures : 205 millions d’euros seront consacrés en 2015 aux personnels et 150 millions d’euros aux territoires. p emeline cazi france | 11 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Les ratés du retour de Sarkozy profitent à Juppé Trois semaines après sa rentrée, l’ex-chef de l’Etat est à la peine dans les sondages N icolas Sarkozy devait tout emporter sur son passage avec son retour en homme providentiel. Son opération reconquête s’avère finalement plus délicate que prévu. En cause : l’accélération de l’enquête judiciaire sur l’affaire Bygmalion, les revers électoraux de ses fidèles au Sénat ou la pugnacité de ses rivaux. Surtout, l’ancien chef de l’Etat ne donne pas l’impression d’avoir changé et d’avoir renouvelé son discours. « On n’observe pas de dynamique autour du retour de Nicolas Sarkozy, car c’est le même qu’en 2004, en 2007 et en 2012. Même film, même scénario, même mise en scène », tranche le député UMP Franck Riester, qui soutient Bruno Le Maire. « En s’engageant, on s’expose », relativise le LES ACTEURS Gilles Boyer C’est l’homme à tout faire de l’équipe d’Alain Juppé. Depuis 2002, il a été directeur de cabinet, conseiller politique, directeur de campagne, communicant… A 43 ans, il continue d’œuvrer pour celui qu’il a suivi de la mairie de Bordeaux aux ministères. sarkozyste Brice Hortefeux, en référence à la candidature de son champion à la présidence de l’UMP. Depuis son retour sur le devant de la scène, l’ex-président chute dans les enquêtes d’opinion. Sa cote de popularité dégringole de neuf points en un mois, selon le sondage Ipsos-Le Point publié le 13 octobre. M. Sarkozy passe de 40 % à 31 % d’opinions favorables, atteignant son plus bas niveau depuis son départ de l’Élysée. Plus dangereux : il est aussi en nette baisse chez les sympathisants UMP, qui lui préfèrent désormais Alain Juppé. L’ex-chef de l’Etat perd 11 points de popularité dans cette catégorie (71 %) et se fait devancer par son principal rival, M. Juppé, dont l’action est jugée favorablement par 76 % d’entre eux. L’ex-président garde seulement l’avantage dans le noyau dur des adhérents du parti, qui représente près de 250 000 personnes. Ce soutien indéfectible de la base lui assure la victoire lors de l’élection à la présidence de l’UMP mais pas forcément dans une primaire pour la présidentielle, ouverte à tous les électeurs de la droite et du centre, où M. Juppé pourrait profiter des voix de la droite modérée. Car au moment où M. Sarkozy perd du terrain, le maire de Bordeaux poursuit, lui, son envolée dans les sondages. Benoist Apparu A 44 ans, l’ex-ministre du logement fait office de porte-parole de M. Juppé. Le député de la Marne et maire de Châlons-enChampagne est issu du RPR. Edouard Philippe Le maire du Havre et député de Seine-Maritime, 44 ans, joue aussi le rôle de porte-parole. En 2002, il a participé à la fondation de l’UMP, dont il a été directeur général jusqu’en 2004. Hervé Gaymard L’ex-ministre de l’agriculture puis de l’économie (2002-2005) est chargé de piloter le projet et les réseaux. Après avoir soutenu François Fillon, il est revenu auprès de M.Juppé avec qui il est ami depuis plus de vingt ans. Personnalité préférée S’il a encore consolidé sa place de personnalité politique préférée des Français (54 % de bonnes opinions, onze points devant Laurent Fabius dans le sondage Ipsos-Le Point), Alain Juppé a surtout progressé de manière continue dans l’électorat de droite, ces derniers mois. Au point de détrôner Nicolas Sarkozy dans le cœur des sympathisants de l’UMP. Ceux-là mêmes qui forment un électorat stratégique dans l’optique de la primaire, prévue en 2016. Une dynamique s’est installée du côté du maire de Bordeaux depuis sa prestation jugée réussie le 2 octobre, sur France 2, dans l’émission « Des paroles et des actes ». Ce jour-là, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac « droit Nicolas Sarkozy en meeting à Toulouse, le 8 octobre. ERIC CABANIS/AFP dans ses bottes » est parvenu à renvoyer une image d’humanité et de modestie. Depuis, il a le vent en poupe. C’est le paradoxe de cette rentrée à droite : alors que Nicolas Sarkozy devait écraser ses concurrents grâce à l’effet de souffle provoqué par son retour, c’est finalement son principal rival qui tire son épingle du jeu. Les sondeurs y voient un lien de cause à effet. « La dynamique d’opinion en faveur d’Alain Juppé s’explique en partie par l’érosion de la popularité de Nicolas Sarkozy, relève Yves-Marie Cann, directeur de l’opinion à l’Institut CSA. Le doute qui s’est installé autour de l’ancien président, depuis janvier à cause des affaires, a ménagé un espace à son principal concurrent. » C’est la première fois que M. Sarkozy doit faire face à un candidat aussi sérieux dans une com- C’est la première fois que Nicolas Sarkozy fait face à un candidat aussi sérieux dans une compétition interne pétition interne. « Avant de se lancer dans la conquête de l’Elysée en 2007, il avait éliminé la concurrence en torpillant Villepin, en obtenant le ralliement de Fillon et en profitant de l’empêchement de Juppé à cause de ses ennuis judiciaires », rappelle le politologue Thomas Guénolé, auteur de Nicolas Sarkozy, chronique d’un retour impossible ? (First, 2013). Cette fois, Une assurance-chômage trop généreuse ? Le niveau d’indemnisation des chômeurs, critiqué par Manuel Valls et le Medef, n’est pas forcément un problème, estiment les économistes D epuis les premières déclarations de Manuel Valls, en marge de son déplacement à Londres, lundi 6 octobre, le débat autour de l’efficacité et la générosité des indemnités chômage ne cesse de prendre de l’ampleur. Le président du Medef, Pierre Gattaz, s’est à son tour engouffré dans la brèche ouverte par le gouvernement, mardi 14 octobre, en demandant aux syndicats d’ouvrir de nouveau le dossier dès janvier. Qu’en est-il réellement ? Le système français est en effet relativement plus protecteur que celui de ses voisins. Une comparaison, menée par les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo dans l’ouvrage Améliorer l’assurance-chômage, classe la France au troisième rang des pays les plus protecteurs de l’OCDE, juste derrière l’Islande et la Norvège. Règles complexes de l’Unedic Les chômeurs français bénéficient en moyenne d’une durée d’indemnisation maximale (24 mois, voire 36 mois pour les plus de 50 ans), de conditions d’ouverture des droits (4 mois d’activité) La France se classerait au troisième rang des pays les plus protecteurs de l’OCDE, juste derrière l’Islande et la Norvège ou d’un plafond d’indemnisation (jusqu’à plus de 6 200 euros par mois) parmi les plus favorables. En revanche, le niveau moyen d’indemnisation – autour de 70 % du salaire net – se situe dans la moyenne européenne. Cette protection a un coût : les salariés du privé consacrent environ un mois de salaire net par an à leurs cotisations chômage. Mais la plupart des chercheurs estiment que la question de la générosité du système est un faux problème. « Il ne faut pas regarder si le système est généreux, mais s’il est optimal. Quand il y a un niveau de chômage élevé pendant longtemps, comme actuellement, il est logique d’indemniser longtemps les gens », estime Bruno Coquet, spécialiste de la question pour l’Institut de l’entreprise. « Le problème est que notre système est généreux mais que notre suivi des chômeurs est défaillant », abonde Pierre Cahuc. « Les pays avec une générosité comparable à la nôtre prévoient notamment des entretiens fréquents, et les chômeurs ont l’obligation d’accepter des emplois ou des formations. Il faudrait d’abord travailler sur ce point. » Réduire drastiquement les indemnités des chômeurs aurait donc seulement un impact sur le déficit de l’Unedic, qui devrait s’établir à près de 4 milliards en 2014. Mais en l’absence d’une amélioration de la conjoncture économique, il n’est absolument pas certain que cela pousse davantage les chômeurs à retrouver un emploi. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il n’y a rien d’améliorable dans notre système. « Il y a des cas où le taux de remplacement [le niveau d’indemnité par rapport au salaire de référence] est en effet trop élevé et n’incite pas assez à reprendre un emploi », assure M. Coquet. Les complexes règles de calcul de l’Unedic peuvent en effet permettre à certains chômeurs (licenciés économiques ou précaires à très bas niveau de salaire) de toucher presque la même chose au chômage ou en emploi. « On peut même être au-dessus de 100 % si on prend en compte certaines aides locales, réservées aux chômeurs », estime M. Cahuc. Les économistes estiment en général que les indemnités ne doivent pas dépasser 75 % du dernier salaire. Mais ces cas restent limités. Pour être plus optimale, l’assurance-chômage française devrait par ailleurs mettre davantage à contribution les employeurs qui abusent de la précarité, juge M. Cahuc. « Actuellement, l’assurance-chômage finance certains secteurs qui abusent des contrats courts et de l’intérim en ne leur faisant pas payer le prix correspondant à leurs pratiques », estimet-il. Il réclame à ce titre que le niveau de cotisations des employeurs soit adapté en fonction de leur usage des contrats précaires. Une idée qui pourrait cette fois-ci déplaire fortement à M. Gattaz. p jean-baptiste chastand l’ex-président doit affronter Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire et Xavier Bertrand, qui sont tous déterminés à lui barrer la route de l’Elysée. Même s’il se détache du lot aujourd’hui, le maire de Bordeaux reste prudent. « Les sondages m’inspirent beaucoup de modestie, car la route est longue jusqu’en 2017 », a-t-il déclaré sur France Inter, mardi. Et d’ajouter : « Mais cela me donne de la confiance et m’incite aussi à avancer. » En attendant la probable élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP, le 29 novembre, Alain Juppé s’organise pour être prêt à tenir la distance. « La campagne interne nous laisse quelques semaines pour bien nous structurer », explique Gilles Boyer, son conseiller politique. Ce dernier cherche des bureaux à Paris pour installer une équipe de campagne resserrée, dont feront partie trois élus de confiance de M. Juppé : Benoist Apparu, Edouard Philippe et Hervé Gaymard. Le microparti « France moderne », qui va permettre de financer la campagne via des dons, va être réactivé en étant renommé « Le cap ». Un nouveau site Internet participatif sera également lancé prochainement. « A partir de janvier, on va monter en puissance », affirme M. Apparu, qui tente toutefois de ne pas tomber dans l’euphorie : « L’annonce de candidature d’Alain Juppé à la primaire a été bien accueillie mais la vraie campagne n’a pas encore démarré. Il va falloir durer. » Il est vrai qu’à droite, la course à l’Elysée ressemble à un vrai marathon. p alexandre lemarié CORRESPONDANCE Après la publication de notre article « Bygmalion : M. Sarkozy directement visé » (Le Monde du 7 octobre), Franck Attal nous a fait parvenir le courrier suivant. « De jour en jour, se répète une erreur qui figure dans votre article du mardi 7 octobre consacré à l’affaire Bygmalion. Je ne suis pas le “patron d’Event & Cie”. Pour être précis, j’en étais l’associé à hauteur de 25 % et par ailleurs le cadre supérieur salarié sans mandat social. En ma qualité de directeur général adjoint, j’étais le numéro trois d’Event & Cie. J’avais au-dessus de moi un président et un directeur général. » TION C A D É R A L HET ET C N I O V C H30-9H R 6 / MA I D E R D um AU VEN DU LUNDI nique de Jean Birnba la chro Retrouvez i à 8h55 d chaque jeu riat avec en partena podcast écoute et écoute, ré ure.fr lt u c e sur franc Louis Vuitton et Cindy Sherman célèbrent le Monogram 2014, six iconoclastes, une icône : CHRISTIAN LOUBOUTIN, CINDY SHERMAN, FRANK GEHRY, KARL LAGERFELD, MARC NEWSON et REI KAWAKUBO s’inspirent du légendaire Monogram LOUIS VUITTON. #CelebratingMonogram 14 | france 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Tiers payant généralisé : les raisons du blocage La dispense d’avance de frais, contestée par les médecins, constitue la mesure phare du projet de loi santé G énéraliser le tiers payant chez le médecin, c’était une promesse de campagne de François Hollande. C’est désormais la mesure phare de la future loi de santé, présentée mercredi 15 octobre en conseil des ministres, et son principal point de crispation. Le texte prévoit que tous les patients soient dispensés d’avancer les frais en consultation d’ici à 2017. Ils n’auront alors plus à attendre le remboursement de l’Assurance-maladie et de leur complémentaire. Déjà, pharmaciens, infirmières, laboratoires de biologie appliquent le tiers payant. Mais les médecins n’en veulent pas. Selon un sondage Opinion Way publié le 19 septembre, ils y sont opposés à 95 % − les Français, eux, y sont favorables à 66 %. Même le président de l’ordre des médecins, Patrick Bouet, est sorti de sa réserve, estimant qu’il s’agissait d’une « vraie fausse bonne idée ». Est-ce le signe que l’heure est grave ? Jeudi 16 octobre, François Hollande aura l’occasion de faire de la pédagogie devant 1 000 représentants de l’ordre réunis en congrès. C’est la première fois, depuis Charles de Gaulle en 1966, qu’un président de la République s’exprime à un tel congrès. Un outil d’amélioration de l’accès aux soins ? C’est au nom de l’amélioration de l’accès aux soins que le gouvernement veut généraliser le tiers payant. Pure « démagogie », répond Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France. Pour la plupart des médecins, les soins sont suffisamment accessibles, avec des consulta- tions fixées à 23 euros et un tiers payant qui existe déjà pour les plus défavorisés, bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de la CMU-complémentaire et de l’aide médicale d’Etat (et en 2015 pour les détenteurs de l’aide à la complémentaire santé). Le ministère de la santé justifie son choix par ce chiffre : en 2012, 26 % de la population déclare avoir renoncé à au moins un soin pour raisons financières. Du paquet neutre aux parcours de soins Le projet de loi santé, présenté par Marisol Touraine en conseil des ministres, mercredi 15 octobre, met l’accent sur la prévention et la réduction des inégalités d’accès aux soins. Elle devrait être examinée début 2015 par l’Assemblée. Le texte prévoit l’instauration d’une infraction spécifique pour le binge drinking (« alcoolisation express »), une nouvelle information nutritionnelle sur les produits alimentaires, le paquet neutre de cigarettes, l’interdiction de vapoter dans certains lieux publics ou encore l’instauration d’un médecin traitant pour les moins de 16 ans. Des parcours de soins pour mieux orienter les patients dans le système seront mis en place et une lettre de liaison sera remise à chaque patient après une sortie de l’hôpital, pour faciliter le suivi. Outre la généralisation du tiers payant, les médecins critiquent la volonté du gouvernement de transférer des compétences à d’autres professionnels de santé comme les infirmières et de l’obligation faite aux cliniques, pour bénéficier du label « service public hospitalier », de proscrire les dépassements d’honoraires. Un risque de surconsommation de soins ? « La généralisation du tiers payant mène à une déresponsabilisation du patient, puis vers le consumérisme de l’acte médical devenu banal », assure Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, le premier syndicat de médecins. La ministre de la santé, Marisol Touraine, elle, avance qu’il « n’incite pas à la consommation de soins ». Aucune étude ne vient confirmer ou infirmer ces arguments. Une comparaison est parfois faite avec les débuts de la mise en place de la CMU. Un rapport de 2003 de la Drees, le service statistique du ministère des affaires sociales et de la santé, avait noté une hausse de la consommation des soins, avant une stabilisation à un niveau légèrement supérieur à avant son instauration. Pour les défenseurs du tiers payant, il y a eu au départ un effet de rattrapage chez ceux qui renonçaient jusque-là aux soins. Ils voient là la preuve de l’efficacité du dispositif de dispense d’avance de frais. Tiers payant général ou… social ? Les médecins ne jurent que par le « tiers payant social », qui consiste à dire « oui » à la mesure Collectif interassociatif sur la santé. « Faire du cas par cas et bidouiller donne beaucoup de complications administratives… Les médecins ont tout à gagner en laissant faire l’Assurance-maladie sans avoir à évaluer l’état des finances de leur patient, et en étant payés tout de suite », ajoute le Dr Alain Beaupin, directeur du centre de santé municipal de Vitrysur-Seine (Val-de-Marne) où le tiers payant est systématiquement appliqué. « Cela ne doit pas être au médecin de courir auprès des financeurs pour récupérer la totalité de l’acte qui lui est dû » DR PATRICK BOUET président de l’ordre des médecins pour ceux qui en ont besoin… pour mieux refuser sa généralisation. « Nous pratiquons tous déjà un tiers payant social “artisanal” », explique ainsi Claude Leicher, président du syndicat MG France. Si besoin, les médecins retardent en effet l’encaissement des chèques de patients le temps qu’ils soient remboursés. Cette pratique, difficile à chiffrer car elle se fait « dans l’intimité de chaque cabinet », selon les mots du Dr Bouet, ne fait pas l’unanimité côté patients : « Ce n’est pas systématique, ça se fait un peu à la tête du client, et ça place le patient dans une situation délicate de demande », estime le Des députés s’élèvent contre la « légalisation des salles de shoot » L’ expérimentation des « salles de shoot » n’en est qu’au stade de la présentation en conseil des ministres, mercredi 15 octobre, mais, déjà, les députés se sont emparés du sujet. Yannick Moreau (UMP, Vendée) devait déposer le jour même à l’Assemblée une résolution contre leur « légalisation », signée par 101 parlementaires. Une réponse au gouvernement, mais aussi au groupe PS, qui, mi-septembre, avait déposé une proposition de loi en vue d’autoriser l’expérience. « Cette résolution est un cri d’alarme pour interpeller le président de la République et le rappeler à ses devoirs de respect des conventions internationales pour lutter contre le fléau de la drogue », indique M. Moreau. Son texte − un positionnement de principe dont il espère que le vote sera programmé dans le cadre d’une niche UMP avant l’arrivée de la loi à l’Assemblée − estime que le projet du gouvernement encourage « l’entretien dans la dépendance des plus nécessiteux, aux frais des contribuables, et en priant à la police de fermer les yeux », et « regrette que le gouvernement envoie un message complètement incohérent à l’adresse des familles, des éducateurs, des jeunes, des policiers…) ». Le député, ancien du MPF de Philippe de Villiers qui a rejoint en 2013 l’UMP (Droite forte), s’appuie sur l’opposition de l’Académie de médecine, dont les arguments sont contestés par les partisans de l’expérimentation. Annoncée en février 2013 par Jean-Marc Ayrault, celle-ci devait commencer à Paris, près de la gare Bataille d’amendements en vue C’est chose faite, avec l’article 8 de la future loi, qui prévoit une expérimentation de six ans au sein d’espaces spécifiques dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud). Ces salles de consommation supervisée par des professionnels ont pour objectif d’atteindre les toxicomanes les plus précaires. Elles doivent permettre de réduire les risques d’in- HERVÉ GATTEGNO fection, de contamination (VIH, hépatite C) et d’overdose. Parmi les signataires de la résolution qui s’y oppose, des députés UMP comme Bernard Accoyer, Eric Ciotti, Nathalie KosciuskoMorizet ou Laurent Wauquiez, l’UDI Jean-Christophe Fromantin, mais pas un seul élu de la majorité. Ce que regrette M. Moreau. « L’UMP ne connaît pas le sujet, et encore une fois on va dire que la gauche favorise les toxicomanes pour retarder la mise en place de telles structures, alors que c’est une urgence de santé publique », affirme de son côté Catherine Lemorton (PS, Haute-Garonne). Et le non-respect des conventions internationales ? « Cela ne peut leur être contraire puisque cela existe ailleurs en Europe », rétorque-telle. C’est elle, présidente de la JEAN-JACQUES BOURDIN commission des affaires sociales et pharmacienne de formation qui, avec l’aide de magistrats, a préparé la proposition de loi (PPL) des socialistes, après l’avis du Conseil d’Etat. Il fallait s’assurer que ceux qui travailleront dans ces centres ne pourront être poursuivis. Depuis, l’expérimentation a été inscrite dans les mêmes termes dans le projet de loi de santé. Elle a quand même déposé la PPL. Cela fait bientôt cinq ans que politiques, médecins et associations s’écharpent sur la question. Son retour sur le devant de la scène n’a pas de quoi rassurer les acteurs de terrain, qui réclament de nouveaux outils de réduction des risques. Ils redoutent déjà la bataille d’amendements. p l. cl. ÉRIC BRUNET LAURENT NEUMANN C’EST LÀ QUE ÇA SE PASSE BOURDIN DIRECT 6 H - 10 H DeBonneville-Orlandini ©Photo : Pascal Potier - Visual Press Agency ANTHONY MOREL du Nord. Le gouvernement pensait procéder par décret pour l’autoriser. Mais le Conseil d’Etat lui a recommandé d’inscrire le projet dans la loi pour plus de garantie juridique, le dispositif n’entrant pas dans le cadre de la loi de 1970 prohibant l’usage des stupéfiants. Un simple problème technique ? Tous les médecins s’inquiètent de la mise en œuvre et des délais de paiement, vu la multiplicité du nombre de payeurs − plusieurs centaines, entre les régimes obligatoires et toutes les complémentaires. Le risque est, selon les praticiens, de perdre du temps en paperasseries administratives au détriment de l’acte médical. « Ce mécanisme doit être simple et ne pas complexifier la gestion administrative d’un cabinet : la rémunération doit être prise en charge par un seul acteur. Cela ne doit pas être au médecin de courir auprès des financeurs pour récupérer la totalité de l’acte qui lui est dû », prévient le Dr Bouet. La Mutualité française, très favorable au tiers payant, évacue de son côté le problème, évoquant la construction d’un annuaire « inter-assurances complémentaires » qui formerait une base de données pour les médecins. Mais si l’argument est moins ouvertement mis en avant, le blocage est aussi lié à une problématique plus culturelle : certains médecins s’inquiètent d’une possible étatisation qui sied mal à leur statut de libéraux, s’ils ne sont plus réglés directement par les patients. Les pharmaciens et les laborantins, bien que payés par l’Assurance-maladie, n’en sont pas salariés, rétorque le ministère. Etienne Caniard, le président de la Mutualité, ajoute une autre raison : « Ce système est aussi un redoutable révélateur de dépassements d’honoraires. Les patients pourront voir immédiatement le montant de leur reste à charge et donc la pratique ou non de dépassements. » p emmanuelle bour et laetitia clavreul france | 15 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 La prison «inhumaine » de Ducos, en Martinique Surpopulation massive, traitements dégradants... L’observatoire international des prisons a saisi la justice D ifficile de se sentir un peu seul, à Ducos. A quatre dans 9 m², vingt et une heures sur vingt-quatre, on a effectivement de quoi se tenir chaud, surtout à la Martinique, dans l’unique prison de l’île. Ceux qui ont le cafard ont aussi des rats, des grenouilles, des fourmis et des scolopendres − de sales bêtes venimeuses − dont un détenu a pieusement recueilli un spécimen de 14 cm. On mange sur ses genoux, chacun sur son matelas, et quand quelqu’un a la mauvaise idée d’aller au coin toilettes, on monte un peu le son de la télé pour le bruit et on allume un petit serpentin anti-moustiques pour l’odeur. Le centre pénitentiaire de Ducos se dispute le titre de la pire prison de France. Elle n’est pas bien vieille −1996 − mais prévue pour 490 places, portées à 570 en 2007, elle accueille un petit millier de détenus − 998 au printemps 2013, dont 150 sur un matelas par terre. La chancellerie est au courant : le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait rendu un rapport effaré en 2009, l’inspection des services judiciaires, le procureur, le chef d’établissement, un député, ont multiplié les mises en garde et la garde des sceaux, Christiane Taubira, a reçu en juin 2013 le rapport consterné de la mission conduite par Isabelle Gorce, devenue deux mois plus tard, en juillet 2013, directrice de l’administration pénitentiaire. De guerre lasse, l’Observatoire international des prisons (OIP) a déposé cette semaine un référé-liberté devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour mettre fin à ces « traitements inhumains ou dégradants », comme il l’avait fait avec succès en décem- bre 2012 pour la prison des Baumettes de Marseille. Le rapport Gorce évoquait il y a un an « un surencombrement massif » : cela ne va pas tellement mieux. Le taux d’occupation en maison d’arrêt était au 1er juillet de 201,7 %, celui du centre de détention − pour les longues peines − de 123,7 %. Au quartier arrivant, sorte de sas avant le placement en cellule, les contrôleurs avaient en 2009 découvert un détenu qui végétait là depuis un an, avec un taux de suroccupation de 340 %. Les murs « noirs de crasse » Chaque nouvel arrivant recevait un short, un tee-shirt et une paire de sandales. Lors du contrôle de 2009, à cause d’une rupture de stock, ils n’avaient que les sandales. On distribue un rouleau de papier toilette, un morceau de savon et 10 cl d’eau de Javel par mois, avec un torchon et une serviette pour toute la durée de la détention, quelle qu’elle soit. « L’entretien du linge n’est pas assuré, indiquaient sobrement les rapporteurs, et les vêtements peuvent être portés jusqu’à l’usure complète. » Le Secours catholique distribue des brosses à dents pour les indigents, près de 40 % des détenus. Dans les cellules, le bruit est infernal, les murs « noirs de crasse » et l’odeur forte, surtout quand la chaleur est étouffante : « Des odeurs remontent des égouts. » Toutes les cellules n’ont pas de poubelle et beaucoup jettent par la fenêtre leurs déchets qui se décomposent sous l’implacable soleil martiniquais. Il n’y a pas d’eau chaude dans les douches. « Elles sentent mauvais, a raconté un détenu à l’OIP, certains détenus handicapés font leurs besoins à l’intérieur. » Les prisonniers qui dor- Dix ans de prison en comparution immédiate Les magistrats ont la main lourde en Martinique. « Le nombre des entrants en prison est supérieur au nombre des sortants », relevait un rapport en juin 2013. La Martinique, avec un nombre d’habitants et un type de criminalité comparables à la Guadeloupe, « se caractérise par un taux de détention élevé et un milieu ouvert indigent ». Surtout, « la juridiction pénale de Fort-de-France est très répressive, il n’est pas rare que des peines supérieures à dix ans d’emprisonnement soient prononcées en comparution immédiate », ce qui semble « excessif » d’après le rapport. Dans la prison de Ducos, en Martinique. DR ment par terre, les premiers intéressés, bourrent de la mousse sous la porte pour freiner l’arrivée des rats. Face au délabrement du système électrique, la sous-commission de sécurité a donné à deux reprises, en 2011 et 2013, un avis négatif sur l’utilisation des locaux, parce que « les risques d’éclosion d’incendie, d’électrisation sont importants ». Et comme il n’y avait pas en cellule de détecteur de fumée et que les Interphone ne fonctionnaient pas, l’administration a finalement fait des travaux en 2013. La promiscuité engendre aussi « une violence importante », reconnaissait la mission Gorce. « Je vais pas dire à un type de ne pas aller aux toilettes pendant que je mange, a raconté un prisonnier, sinon c’est une bagarre qui éclate. » « Sentiment d’abandon » Une centaine de détenus travaillent à l’entretien de la prison, vingt-cinq seulement en atelier, « plus de 60 % de détenus sont oisifs », notait le rapport Gorce. Il y a bien un terrain de sport, mais lors de la visite des contrôleurs, « l’endroit était détrempé et impraticable ». Des détenus ont attendu trois mois avant de pouvoir faire de la musculation. Ils peuvent se rendre deux par deux à la bibliothèque, une fois tous les quinze jours, et pour quinze minutes. Les codes judiciaires ne se consultent que sur place − il s’agit de lire vite. Il n’y avait, enfin, en 2009, qu’un seul téléphone pour toute la prison, la communication ne pouvait pas dépasser quinze minutes par mois − on avait, en revanche, saisi l’année précédente 74 téléphones portables en détention. L’inspection sanitaire avait relevé en 2009 « le sentiment d’abandon des équipes soignantes ». En 2012, l’agence régionale de santé s’inquiétait des « moyens humains insuffisants », des « locaux inadaptés » et d’une « organisation de la pharmacie non conforme ». A Ducos, il vaut mieux ne pas avoir mal aux dents, le délai d’attente « dépasse quatre mois pour les soins programmés », relevaient les contrôleurs − 35 % des détenus attendaient le dentiste. « L’inertie des pouvoirs publics ne manque pas de surprendre », dé- nonce l’OIP, qui entend bien aller jusqu’au Conseil d’Etat. Le ministère de la justice est « conscient des difficultés », son porte-parole rappelle que la garde des sceaux avait signé en janvier une circulaire pour « relancer les aménagements de peines » en Martinique et demandé au parquet « un traitement ferme et rapide des violences en prison ». Il indique qu’en 2015, 160 nouvelles places, quatre parloirs familiaux et quatre unités de vie familiale seront livrés et des études seront lancées pour la construction d’un centre de semi-liberté de 25 places et, en 2016, d’un nouveau centre pénitentiaire de 520 places, conformément aux préconisations de la mission Gorce. p Après un tir mortel, le Flash-Ball aux assises ? T RAN S PORTS Un policier marseillais poursuivi en correctionnelle pour « homicide involontaire » après une intervention musclée en 2010 pourrait finalement être renvoyé devant une cour d’assises La ministre de l’écologie Ségolène Royal a justifié une nouvelle fois mercredi 15 octobre sa proposition d’instaurer la gratuité des autoroutes le week-end. « Il faut rendre aux automobilistes l’argent qu’ils ont trop payé », a-t-elle indiqué sur Radio Classique et LCI, citant la Cour des comptes et l’Autorité de la concurrence qui avaient dénoncé la « rente » des sociétés autoroutières. Manuel Valls avait indiqué, mardi 14 octobre, que la gratuité des autoroutes le weekend « est une question qui n’est pas à l’ordre du jour ». marseille - correspondant X avier Crubezy, gardien de la paix, pourrait être jugé par une cour d’assises. Ce policier marseillais est l’auteur du seul tir mortel de Flash-Ball recensé à ce jour en France. Mardi 14 octobre, lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Marseille, le procureur, Benoît Vandermaesen, a estimé que le policier s’était rendu coupable non d’un pas d’homicide involontaire, infraction pour laquelle il est poursuivi depuis sa mise en examen il y a trois ans, mais d’un tir volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner. « C’est la définition des coups mortels qui relève de la cour d’assises », a estimé M. Vandermaesen. « Il n’est pas question de faire le procès de l’institution policière, at-il ajouté, mais il n’est pas possible pour l’accusation de soutenir qu’il s’agit d’un homicide involontaire par manquement à une obligation de sécurité. » Le tribunal se prononcera le 25 novembre. L’avocate du policier, Me Sandrine Pauzano, a déclaré : « Cette demande de requalification est d’une bruta- lité absolue. Cela fait quatre ans que nous attendons ce procès. » Le 12 décembre 2010, l’équipage de police secours commandé par Xavier Crubezy, alors âgé de 33 ans, est appelé pour une agression au couteau entre deux résidents d’un foyer Adoma (ex-Sonacotra). A leur arrivée, l’agresseur, Mustapha Ziani, se trouve seul dans sa chambre, très excité, visiblement en proie à des troubles psychiques. Situé dans l’embrasure de la porte, Xavier Crubezy avait reçu une tasse sur le front. Il avait alors fait usage de son Flash-Ball en visant le thorax de M. Ziani. C’est lors de son menottage, dans le couloir, que ce dernier a fait un arrêt cardiaque qui a conduit à son décès le lendemain. Un supplément d’information avait été ordonné à l’issue d’un premier procès en octobre 2013. Les experts concluent que le décès est « la conséquence directe et exclusive » de ce tir. Problème : moins de 5 mètres séparaient l’arme de la victime. Xavier Cruzeby n’a donc pas respecté la distance minimale de tir de 7 mètres indispensable « pour conserver le caractère non létal de « Cette arme ( ...) est bien létale quand elle n’est pas utilisée à bon escient » ME CHEHID SELMI avocat de la victime cette arme », selon une note de la gendarmerie nationale, et pour « éviter tout risque de lésion corporelle grave pouvant être irréversible ». Le policier avait pourtant été formé en 2007 à l’usage de cette arme et avait suivi, en juillet 2009, un stage de « recyclage », six mois après que la distance minimale de tir avait été portée de 5 à 7 mètres. « C’était la chose à faire » Le policier et son avocate considèrent qu’il n’avait « pas d’autre alternative » et a tiré en état de légitime défense. Selon lui, « c’était la chose à faire. Ce qu’on a fait, on l’a bien fait ». M. Ziani « était dans sa chambre, donc il n’était pas dangereux pour autrui », lui a opposé le président du tribunal, Fabrice Castoldi, selon lequel « gérer une situation de crise, ce n’est pas automatiquement interpeller ». Le procès d’assises, s’il a lieu, pourrait être l’occasion d’une nouvelle remise en cause du Flash-Ball, après plusieurs affaires de blessures graves liées à des usages contestés de l’arme. En mai 2013, le Défenseur des droits avait dénoncé les « recours irréguliers ou disproportionnés » aux lanceurs de balles de défense, dont l’usage augmente. Me Sandrine Pauzano, qui a demandé au tribunal de conserver la qualification d’homicide involontaire et de relaxer ce policier désormais îlotier, a rappelé qu’« en 2010, on répète aux fonctionnaires que c’est une arme non létale avec un pouvoir lésionnel réduit et que les balles permettent d’optimiser le pouvoir de neutralisation ». Mais pour Me Chehid Selmi, avocat de la famille Ziani, « ce procès démontre que le Flash-Ball, une arme qui a déjà fait d’énormes ravages, est bien létale quand elle n’est pas utilisée à bon escient ». p luc leroux Gratuité des autoroutes le week-end : Valls et Royal divergent franck johannès pour la présidence du parti. Les résultats du premier tour seront proclamés jeudi soir. HOMI C I D ES Disparues de la gare de Perpignan : un homme interpellé Un homme de 54 ans a été placé en garde à vue, mardi 14 octobre, dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de deux femmes et la disparition d’une troisième dans la ville entre 1995 et 1998. Des rapprochements entre les ADN recueillis sur l’une des scènes de crime et celui de l’homme interpellé et fiché pour des agressions sexuelles ont débouché sur son interpellation. S ÉCU R I T É R OU T I ÈR E C EN T R E L’UDI repousse la clôture du premier tour de son congrès Jean-Léonce Dupont, président de la Commission nationale d’arbitrage et de transparence de l’UDI a annoncé, mardi 14 octobre, que la clôture du premier tour, prévue ce jour, était repoussée à jeudi 16 octobre. Le motif de ce report est le mauvais délais d’acheminement du matériel électoral envoyé aux adhérents qui doivent départager Hervé Morin, Yves Jégo, Jean-Christophe Lagarde et Jean-Christophe Fromantin La mortalité sur les routes en légère hausse en septembre En septembre, 316 personnes ont été tuées sur les routes, a annoncé la Sécurité routière, le 14 octobre. C’est plus qu’en septembre 2013 (1,3 %), où 312 personnes étaient décédées. Rectificatif : Contrairement à ce que nous indiquions dans notre édition datée mardi 14 octobre, le ministre du travail, François Rebsamen n’a pas commenté les déclarations d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie sur l’assurance chômage. 16 | campus 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Le blues de l’élève de prépa à l’école de commerce Après deux années de « nourriture intellectuelle », le passage au management ou à la comptabilité est un choc P asser de la prépa à une grande école ne va pas de soi. Certains élèves ont l’impression de tomber de haut, surpris et dépités de devoir passer de Montaigne aux montages financiers et du philosophe Auguste Comte à d’austères comptes… « Une partie des étudiants ont un choc en arrivant, c’est vrai, reconnaît Isabelle Assassi, directrice du « programme grande école » de Toulouse Business School. Ils découvrent les fondamentaux du management et la comptabilité. Rien à voir avec les nourritures intellectuelles de prépa, et c’est le cœur du problème. Je leur en parle dès le départ. Mais je leur dis que ce blues est normal. Et que ça se soigne… » A Toulouse Business School, cela concerne « de 20 % à 30 % des élèves », estime Mme Assassi. Florent Joly, qui vient d’être diplômé d’HEC, connaît bien le phénomène. « On éprouve tous plus ou moins cela au début, reconnaît le jeune homme, en poste à Londres. On a fait beaucoup de philo en prépa et, en arrivant en école de management, on aborde des matières très terre à terre dans un contexte ultra-pragmatique et professionnalisant. Pendant six mois, un an, on se demande si c’était vraiment ce que l’on souhaitait… » Il y a souvent un « avant » et un « après ». « C’est un vrai défi pédagogique », reconnaît Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC. A l’Edhec, pour pallier cette transition difficile, l’équipe pédagogique a décidé de repous- « Pendant six mois, un an, on se demande si c’était vraiment ce que l’on souhaitait » FLORENT JOLY diplômé d’HEC ser les matières les plus rébarbatives au second semestre. Une initiative que n’approuve pas M. Ramanantsoa : « Des écoles retardent certains enseignements, mais je ne crois pas que la réponse soit de changer les cours. L’enjeu, c’est que les élèves se mobilisent sur d’autres choses. » Cela peut être d’aller étudier à l’étranger ou de s’investir dans les associations. « Ça marche bien », assure-t-il. Un peu de douceur A Toulouse Business School, le problème est abordé de toutes les façons possibles. Des activités extrapédagogiques sont proposées. Les élèves ont par ailleurs un gros projet à mener dans l’année. Cela permet d’« entrer dans l’action, ce qui est très différent de ce qu’ils ont vécu en prépa », relève Mme Assassi. Les enseignements évoluent, eux aussi. Les élèves découvrent le droit, et des conférences leur permettent de s’ouvrir à d’autres horizons. Le 14 octobre, Toulouse Business School reçoit Philippe Pozzo di Borgo, l’homme d’affaires tétra- Egarés, héritiers, reconvertis et dévots Dans une étude intitulée « Du souci scolaire au sérieux managérial, ou comment devenir un HEC », le sociologue Yves-Marie Abraham a décrit la manière dont les élèves encaissaient le choc de la grande école. Il a défini quatre profils. Les « égarés » : déçus par la grande école, souvent venus de province, ils ne parviennent pas à s’intégrer et s’accrochent à leurs réflexes scolaires. Les « héritiers » : souvent issus de la bourgeoisie d’affaires parisienne, ils dédaignent les cours. Les « reconvertis » : moins à l’aise que les « héritiers », ils sont moins perdus que les « égarés ». Bons élèves, bons camarades, ils s’investissent dans la vie du campus. Les « dévots » : bourgeois de province, ils admirent tant les « héritiers » qu’ils font tout pour leur ressembler. Sur le campus d’HEC, en 2011. CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE plégique dont l’histoire a inspiré le film Intouchables. Enfin, l’école a signé des partenariats avec les universités toulousaines pour permettre à ses étudiants de faire, au choix, des statistiques, de l’histoire de l’art ou, bientôt, des langues. A l’Ecole de management de Strasbourg, des conférences de philosophie ont été mises en place par la directrice générale. Isabelle Barth évoque sans ambages sa « frustration personnelle » lorsqu’elle-même a intégré l’école qu’elle dirige aujourd’hui. « Cette frustration existe toujours pour de nombreux étudiants de prépa, poursuit-elle, car il existe un monde entre les sujets traités et les modalités d’apprentissage de la classe prépa et de l’école de mana- gement. » Pour faire passer les étudiants d’un univers à l’autre, EM Strasbourg a donc choisi la douceur : ils retrouvent des enseignements familiers en première année, avant de passer à autre chose. De l’étudiant au cadre « Le fait d’être capable de s’adapter à un autre environnement est aussi un élément de la formation, rappelle Frank Bostyn, directeur général de Neoma Business School. Ils connaîtront ce genre de chose au cours de leur vie professionnelle. La construction du parcours est importante : il faut donner du sens, expliquer pourquoi on introduit des matières techniques à tel ou tel moment. » Car l’enjeu est bien là pour les écoles de management : transformer de bons étudiants en futurs cadres d’entreprise opérationnels. « Il ne suffit pas d’être le “premier de la classe” pour réussir professionnellement », rappelle Isabelle Barth. Le sociologue Yves-Marie Abraham a très bien décrit le processus à l’œuvre en s’intéressant au cas de HEC. Dans une étude publiée en 2007, il rappelle que les élèves « ne deviendront de bons managers que dans la mesure où ils auront cessé d’être de bons étudiants ». Cette « conversion » est « au cœur de l’action pédagogique d’HEC », explique M. Abraham. « La très grande majorité des étudiants que nous avons rencontrés vivent mal, et même parfois très mal, cette rupture », écrit M. Abraham. Mais elle s’opère, parfois à l’insu des élèves. Reste le cas de ceux que M. Abraham appelle les « égarés », ceux qui n’arrivent pas à changer de logiciel, qui restent agrippés à leurs réflexes scolaires. « Mon souci, ce sont les irréductibles, reconnaît Bernard Ramanantsoa, ceux qui répondent au choc par le sommeil, voire la vraie déprime. Heureusement pour nous, ils sont peu nombreux. » « Les égarés, nous tâchons de les raccrocher par d’autres disciplines, ajoute Isabelle Assassi. Certains abandonnent vraiment : ils s’inscrivent à Sciences Po ou à la fac. Mais il n’y en a que deux ou trois par an. » p benoît floc’h La « finance islamique » reste peu enseignée Sciences Po-Berlin, trente ans d’échanges Malgré la création de masters à Strasbourg et à Paris, la matière a du mal à s’imposer C e vendredi 10 octobre, à l’université Paris-Dauphine, 35 étudiants en « executive master » planchent, à la nuit tombée, sur le marché des banques. Comme l’exige le milieu financier, l’élégance est de mise : costume et cravate pour les garçons, tenue raffinée et talons hauts pour les filles. Le sujet de ce master est particulier : « la finance islamique », c’est-à-dire les dispositifs juridiques permettant de faire des affaires en respectant les règles de l’islam qui, par exemple, bannissent toute idée d’intérêts et de spéculation. L’intervenant, Farid Abderrezak, est un spécialiste des crédits sophistiqués chez BNP Najmah, à Bahreïn, passé maître dans l’art d’exercer son métier malgré ces contraintes : « Attention, prévient-il. La rentabilité reste le premier critère pour les investisseurs, assez peu sensibles à l’argument religieux, sauf en Arabie saoudite. Il faut utiliser la finance islamique à bon escient. » Pour contourner la règle des intérêts telle que pratiquée dans la finance conventionnelle, il existe, par exemple, la technique dite du « mourabaha » : la banque achète le bien puis le revend à son client, par tranches, en intégrant au prix de revente le coût du financement, la notion d’intérêts n’apparaissant pas de façon ostensible. En cette rentrée, la formation passe à la pratique, puisque les étudiants pourront élaborer des formules d’investissement pour des tours du quartier d’affaires de la Défense et les proposer à des acheteurs du Moyen-Orient, au Qatar, à Dubaï et à Abou Dhabi, où ils se rendront au printemps 2015. Ce cursus attire des étudiants pour la plupart français mais aussi étrangers, venus du Maghreb, de Mauritanie, du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Liban… qui déboursent 8 400 euros pour la formation continue, parfois pris en charge par leur entreprise, et 4 200 euros pour la formation initiale. « Partage équitable » La finance islamique est une niche dont quelques étudiants, pragmatiques, attendent un emploi. « Finance conventionnelle ou islamique, les marchés sont cycliques, il faut s’adapter », résume Paul Evin, étudiant à Paris-Dauphine. « C’est une ouverture culturelle », pour Elliot Tison qui, après un bachelor à l’Essec, a multiplié les stages dans la finance – sans toutefois avoir poussé la curiosité jusqu’à lire le Coran. Asmaa Lady, 27 ans, Française d’origine maro- Les cours présentent des dispositifs juridiques qui permettent de faire des affaires tout en respectant l’islam caine, qui est déjà consultante dans la finance, avoue franchement qu’étant « de confession musulmane, cela [lui] permet de concilier [son] métier avec les valeurs de la charia ». « Les montages peuvent parfois paraître un simple contournement des règles, mais il y a de vrais principes, explique Nadia Molinier, juriste venue suivre cette formation, comme investir dans des actifs tangibles, avec un partage équitable des profits et des risques entre acheteur et vendeur, ne pas financer des activités pornographiques, de vente d’armes, d’alcool, de jeux de hasard… » Augustin Olivier, étudiant en alternance de 24 ans travaillant dans l’immobilier, argumente : « Il y a une demande en Europe et il n’y a pas de raison que seuls les Luxembourgeois et les Britanniques s’arrogent ce marché. » C’est à la suite du rapport d’Elyès Jouini, vice-président de l’université Paris-Dauphine, rédigé en 2007 à la demande de Christine Lagarde, alors ministre des finances − qui escomptait attirer quelque 100 milliards d’euros d’investissements en France grâce au développement de la finance islamique − que l’idée de ces masters est née. Elle n’a pas fait florès, puisque seuls trois cursus ont été ouverts, l’un en 2009 à Paris-Dauphine, deux autres à la faculté de droit de Strasbourg − un MBA en 2008 et, en 2013, un master pour une vingtaine d’étudiants triés sur le volet. « La finance islamique n’a, certes, pas eu en France le développement espéré, mais elle progresse peu à peu avec de nouveaux produits “charia-compatibles”, reconnaît Michel Storck, professeur de droit financier et coresponsable du master à Strasbourg. Nos étudiants trouvent facilement des emplois, notamment au Luxembourg voisin. Nous souhaitons encourager la recherche dans ce domaine et avons déjà trois thésards dont les travaux sont financés par leur pays d’origine. » p i. r.-l. L’IEP va désormais proposer un programme au niveau doctoral avec la Freie Universität T rois ans avant la naissance d’Erasmus, l’Institut d’études politiques de Paris et l’Université libre de Berlin, la Freie Universität (FU), ont échangé leurs étudiants, créé des cursus communs. Vendredi 17 octobre, les deux institutions fêtent à Berlin leurs trente ans de coopération, un modèle du genre. « Si, au sommet, rien ne va entre les deux Etats, à la base, les liens entre Français et Allemands sont de plus en plus solides », se félicite Alfred Grosser, professeur émérite à Sciences Po, à qui ce rapprochement doit beaucoup. En trente ans, 500 étudiants ont suivi ces cursus, à l’époque très novateurs. En 1991, une formation intégrée franco-allemande a vu le jour et, depuis 2008, les deux établissements proposent un double master et un double bachelor en sciences politiques et en affaires internationales. Les Français et les Allemands restent majoritaires parmi les vingt étudiants retenus chaque année, mais ils côtoient désormais des étudiants venus du reste du monde. « Les Allemands continuent d’être très attirés par la France. Ces dernières années, nous recevons plus de demandes de leur part que de celle des Français », constate Sabine von Oppeln, responsable du programme à Berlin. Florian Spatz, étudiant allemand, a déjà passé un an à Sciences Po Paris et s’apprête, après un stage à Londres, à rejoindre Berlin pour la deuxième année du cursus : « On profite des avantages des deux systèmes ; une approche plus scientifique et théorique en Allemagne, mais plus professionnalisante à Sciences Po. » Ce fils de diplomate a pu le constater : « En Europe, rien ne se passe si les Français et les Allemands ne sont pas d’accord. » Pas étonnant que le réseau très influent des anciens soit présent dans les ministères des affaires étrangères des deux pays, les organismes européens et les grandes entreprises. Le trentième anniversaire devrait être, pour Sciences Po et la FU, l’occasion de pousser encore plus loin leur coopération en lançant un programme au niveau doctoral. p frédéric lemaître (berlin, correspondant) et isabelle rey-lefebvre débats | 17 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Stoppons la menace du choléra qui se profile derrière Ebola ! Sovaldi : le prix des médicaments n’est pas le seul critère Alors que le virus Ebola se concentre pour l’instant en Afrique de l’Ouest, une épidémie de choléra est en train de prendre une ampleur inquiétante, en particulier au Ghana. Comment anticiper la catastrophe à venir ? Le nouveau traitement contre l’hépatite C est vendu 1 000 dollars le comprimé. A ce prix, il bouleverse notre politique de santé. Le gouvernement ne s’est pas emparé de la question par renaud piarroux L a Guinée, la Sierra Leone et le Liberia sont considérés comme une zone endémique pour le choléra, qui y sévit à la saison des pluies. La dernière grande épidémie, datant de 2012, semble avoir été propagée par les déplacements de pêcheurs le long des côtes de ces pays. Elle toucha plus de 30 000 personnes et fit 400 morts en Guinée et en Sierra Leone. En fait, le choléra n’est pas en permanence présent dans ces pays. Ainsi, depuis 2012, la situation s’est normalisée, et aucune épidémie de choléra n’a été notifiée cette année. Que se passerait-il si le choléra faisait son retour dans une zone déjà en proie à l’épidémie d’Ebola ? Le choléra peut se transmettre par les fluides corporels. Il peut aussi contaminer l’environnement immédiat du patient et, plus à distance, souiller des sources d’eau, permettant la contamination simultanée d’un très grand nombre de patients. Ainsi, en 2010, la contamination d’un fleuve en Haïti avait été à l’origine d’une épidémie gigantesque, où plus de 700 000 personnes ont été infectées et 8 500 sont mortes. En cas d’épidémie, il faut d’abord gérer un afflux de patients. Les diarrhées et les vomissements entraînent une déshydratation qui, dans les formes les plus sévères, peut aboutir au décès du patient. Chaque centre de traitement du cho- léra (CTC) de quelques dizaines de lits nécessite plusieurs centaines de soignants et de personnels divers travaillant en contact direct avec les patients. Où trouverait-on ces soignants dans ces pays où, par peur d’Ebola, les circuits de soins ont été désertés par leur personnel ? Comment protégerait-on le personnel des CTC d’une éventuelle contamination par un patient diarrhéique porteur d’Ebola ? Devraient-ils, eux aussi, travailler habillés comme des scaphandriers ? 2 000 CAS PAR SEMAINE La lutte contre la transmission du choléra nécessite la tenue de réunions dans les quartiers et les villages pour expliquer aux populations comment se protéger. Mais comment organiser ces campagnes dans un contexte de suspicion générale, de rumeurs dévastatrices, où des équipes chargées de la sensibilisation ont été lynchées par des villageois persuadés qu’ils étaient responsables de l’épidémie d’Ebola ? Incontestablement, la superposition de ces deux maladies serait une catastrophe dans la catastrophe, et chacun pourrait penser que tout est fait pour l’éviter. Curieusement, ce n’est pas le cas. Pire, à quelques centaines de kilomètres à l’ouest de la zone touchée par Ebola, une épidémie de choléra est en train de prendre une ampleur plus qu’inquiétante. L’épicentre se situe au Ghana, où le seuil de 2 000 cas par semaine a été franchi. Du Ghana au Liberia, il n’y a que la Côte d’Ivoire à traverser. C’est bien peu si on réfléchit à la porosité des frontières et à l’importance des mouvements humains dans cette partie de l’Afrique. On ignore déjà comment venir à bout de l’épidémie d’Ebola, et quel en sera le prix en vies humaines. Au moins pourrions-nous anticiper une sur-catastrophe en intervenant d’urgence pour maîtriser au plus vite l’expansion du choléra dans les pays voisins. p ¶ Renaud Piarroux est professeur, spécialiste de médecine tropicale, à Marseille par claude le pen S ovaldi, « le premier médicament à 1 000 dollars [790 euros] le comprimé », censé éradiquer le virus de l’hépatite C, soulève inquiétude et indignation. Par le biais des régulations publiques et des remises commerciales, le prix réel sera inférieur au prix officiel, mais son modèle économique repose sur une formule diabolique associant de manière inédite un prix élevé, une très grande efficacité thérapeutique et une large population cible : entre 100 000 et 200 000 patients en France pour l’hépatite C. C’est nouveau. Le modèle actuel repose plutôt sur une sorte de division du travail entre des médicaments génériques à bas prix pour les pathologies les plus fréquentes et des médicaments chers mais destinés à des populations restreintes. Le cas Sovaldi est tout autre. Les médicaments génériques, qui permettent à la Sécurité sociale d’économiser près de 2 milliards d’euros par an, ne suffiront plus. Peu de molécules à gros chiffres d’affaires sont encore « généricables ». Le cas Sovaldi bouleverse les systèmes CONFECTION RÉALISATION À VOS MESURES ! (18ème, 19ème, Pléiades ...) 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Or, au prix demandé par la firme, Sovaldi est très efficace et efficient : il évite de longues années de traitement ainsi que des complications graves et coûteuses. D’où l’embarras des autorités de tutelle, qui n’ont trouvé de parade que dans l’encadrement les dépenses : Londres a débloqué un petit budget pour traiter 500 patients. Paris ACHAT LIVRES ANCIENS & MODERNES Sauf fichés B.d.F L’INNOVATION ENFERMÉE A partir de 30.000€ Prêts hypothécaires de gestion administrée des prix. Il existe en Europe deux approches, l’une par l’efficacité (France, Allemagne) et l’autre par l’efficience (Royaume-Uni). CAPITAUX s’apprête à fixer une enveloppe budgétaire de 450 millions d’euros en 2014 et 700 millions d’euros en 2015. Au-delà, les patients seront traités, mais le chiffre d’affaires fera l’objet d’une taxation progressive. Cette forme de « rationnement » budgétaire n’est pas une solution optimale. Elle oriente les traitements vers les patients les plus gravement atteints, avec le risque de traiter à grands frais des malades dont l’état est dégradé au détriment d’autres moins atteints mais à plus grand potentiel de survie. Elle est peu reproductible : vat-on aller vers une série de budgets rigides pour chaque innovation médicamenteuse ? Elle enferme l’innovation dans une enveloppe close, alors que le bénéfice des traitements profite à l’ensemble du système de santé. Face à la multiplication de « cas Sovaldi », on ne pourra s’en sortir par des expédients. Il faudra donc penser autrement le financement de l’innovation médicale : intégrer dans des budgets individualisés tous les coûts ; inventer des dispositifs de paiement à la performance ; raisonner de façon intertemporelle afin d’étaler le financement dans le temps par le crédit ; afficher une solidarité mondiale. p « ART D’ASIE » : CHINE, JAPON ET MOYEN-ORIENT 06.07.55.42.30 P. 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L’information se murmurait depuis la mi-journée avant d’être rendue publique en début de soirée, ce jeudi 4 septembre, à la stupéfaction générale. Le socialiste Thomas Thévenoud venait d’être débarqué de son poste de secrétaire d’Etat au commerce, neuf jours à peine après avoir été nommé par Manuel Valls. Lui, le si brillant et prometteur député de tout juste 40 ans, avait fait une spectaculaire sortie de route en pleine ascension : voilà que l’on apprenait qu’il n’avait pas correctement payé ses impôts depuis trois ans. Ainsi que son loyer, son kiné, des factures EDF… L’effet de sidération s’est étiré sur plusieurs jours, avec une question lancinante : « Comment cela est-il possible ? » C’est précisément pour y répondre que Michèle Delaunay, ancienne ministre déléguée aux personnes âgées dans le gouvernement de JeanMarc Ayrault redevenue simple dépu tée de la Gironde début mai, a pris la plume. Publié sur son blog sous le titre « Le tunnel, ou comment faire carrière sans mettre un pied dans la vraie vie », le texte, critique et lu cide sur le personnel politique d’aujourd’hui, a rencontré un succès inattendu. Des milliers de visites, des reprises sur tous les sites d’in formation, des « partages » à la chaîne sur les réseaux sociaux… Ce jourlà, les mots de Mme Delaunay ont visé juste, preuve qu’ils faisaient écho aux nombreuses enquêtes d’opinion qui révèlent une défiance sans précédent des citoyens envers les élites qui les gouvernent. Dans les quelque 150 commentaires du post de blog, beaucoup de « bravos », de « merci madame pour avoir le courage de dire cela ». « Cela », le récit de ces jeunes piqués du « virus » de la politique qui n’ont jamais, ou presque, connu autre chose que l’excitation de la vie publique, jusqu’à perdre totalement pied avec la vie concrète. Et parfois se heurter brutalement au mur de la réalité. Elu député de Saône-et-Loire en 2012, Thomas Thévenoud, qui vit de la politique depuis ses 23 ans, n’avait pourtant rien de l’élu imperméable ou indifférent. Accessible, multipliant les rendez-vous dans sa permanence et les visites dans les entreprises, ce proche d’Arnaud Montebourg semblait à l’écoute, prompt à faire remonter tout nouveau problème apparaissant sur le terrain. Mais il observait de l’extérieur. « Toutes ces heures et ces jours où le réel est dur comme ciment et où il faut le coltiner sans échappatoire possible, ils n’en savent rien », écrit Michèle Delaunay. UN AUTRE MONDE Cancérologue, cette fille de préfet a exercé plus de trente ans dans le milieu hospitalier avant de s’engager en politique en 2001, à 54 ans. « Je sais ce que veut dire faire un lit d’hôpital avec une personne dedans qui ne peut pas se lever. Ce n’est pas la même chose d’avoir l’expérience de la vie pratique, des emmerdes de tous les jours, des obligations. Il faut être au bureau – ou à l’usine – à heures fixes, il y a des contraintes très prégnantes dont tout le personnel politique n’a pas la mesure. Les politiques bossent, parfois beaucoup, mais pas avec les mêmes obligations, il reste une grande part de libre arbitre, de choix qui n’existent pas dans beaucoup de métiers », assure-t-elle. Alors quand Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, devenu député des Yvelines en 2012, explique à un journaliste de VSD, un jour de juillet 2013, qu’il est « très mal payé » avec ses 5 200 euros net mensuels, et « travaille dans des conditions déplorables », la remarque passe mal. Toujours cette impression de ne pas vivre dans le même monde, voire de ne pas être soumis au même régime. Thomas Thévenoud a certes été rapidement rattrapé après ses irrégularités fiscales, mais qui peut rester trois ans dans un appartement du 5e arrondissement de Paris sans payer de loyer ni être inquiété par le propriétaire ou les huissiers de justice ? Il y eut également le cas éloquent de Jean-Vincent Placé, épinglé par le Canard enchaîné, qui avait révélé, en décembre 2013, que le sénateur écologiste avait cumulé 18 000 euros d’amendes après une centaine d’infractions routières datant d’avant 2010. A l’heure de la transparence de la vie publique, la plupart font amende honorable quand ils se font attraper, mais cela n’empêche pas ces profils d’élus hors sol de proliférer dans la sphère publique. Chercheur au CNRS et auteur de plusieurs études sur le personnel politique dans les gouvernements français et au Parlement européen, Sébastien Michon note un phénomène récent : « L’arrivée d’une proportion importante de gens quasi exclusivement professionnels de la politique, qui n’ont jamais exercé d’autres métiers. » « Une majorité des membres de gouvernement sont passés avant par des fonctions de collaborateurs, d’assistants parlementaires, de chargés de mission, de membre de cabinet », explique le chercheur, qui a analysé les profils de tous les ministres en exercice de 1986 à 2012. Résultat, « sous le mandat de Nicolas Sarkozy, tous gouvernements confondus, 14 % des ministres en moyenne étaient des professionnels de la politique, une proportion qui monte à 27 % dans le gouvernement de JeanMarc Ayrault ». Ils comptaient, avant l’ère Sarkozy, pour zéro à 5 % (sauf exception sous le gouvernement Juppé). PROFILS À L’ANCIENNE Thomas Thévenoud en est l’exemple type : assistant parlementaire à 23 ans, conseiller de Laurent Fabius, alors ministre de l’économie, à 26 ans, puis adjoint au maire, conseiller général, député et enfin, brièvement, secrétaire d’Etat. Les profils « à l’ancienne » se font de plus en plus rares, ceux qui peuvent se targuer d’avoir été « berger, chauffeur poids lourd, puis vétérinaire pendant dix ans », comme le socialiste François Patriat (Côte-d’Or). Réélu sénateur à 71 ans après avoir exercé à peu près tous les mandats, il déplore la part grandissante d’apparatchiks dans la majorité, notamment chez les primo-élus apportés par la vague rose de 2012. La politique est devenue un métier à part entière, avec ses voies de formation et ses filières de recrutement. « Sur les vingt-cinq dernières années, un tiers des ministres sont passés par l’Ecole des sciences politiques de Paris et 18 % ont fait l’ENA », rappelle ainsi Sébastien Michon. « La politique est un métier de plus en plus codifié, avec des attentes sur la manière de faire, sur les prises de parole. Les fonctions ministérielles sont maintenant surtout des fonctions de communication, où il faut savoir faire parler de soi, pour exister dans les médias mais aussi pour sortir du lot dans le gouvernement. » A défaut de grandes écoles, de nombreux députés PS sont issus d’organisations étudiantes comme l’UNEF, qui forme tout aussi bien à cela. A la différence d’il y a quelques années, l’argent ne semble plus être un moteur d’engagement en politique. Emmanuel Macron, par exemple, aurait bien mieux gagné sa vie en restant banquier d’affaires chez Rothschild plutôt que ministre de l’économie. A l’Assemblée, la socialiste Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne) a choisi en 2012 de quitter son emploi chez BNP Paribas, rémunéré entre 108 000 et 490 000 euros annuels de 2009 à 2011, pour devenir députée à 50 000 euros par an, selon sa déclaration d’intérêts. Juliette Méadel, énarque, ex-avocate d’affaires et porte-parole du PS, affirme gagner, à 39 ans, en tant que rapporteure à la Cour des comptes, « à peu près autant que ce qu’[elle] gagnai[t] il y a quinze ans en démarrant en cabinet d’avocats ». Si beaucoup d’énarques se désintéressent de la vie publique pour aller dans le privé, la politique continue d’attirer parce que « ça bouge », estime le chercheur, parce qu’on est pris dans le tourbillon du microcosme, parce qu’on se sent important. « Certains peuvent vite se laisser griser par cela, c’est excitant, ça KILLOFFER HENRI GUAINO, DÉPUTÉ DES YVELINES, EXPLIQUAIT EN JUILLET 2013 À « VSD » QU’IL EST « TRÈS MAL PAYÉ » AVEC 5 200 EUROS MENSUELS va vite, le téléphone sonne tout le temps, on a une vie à cent à l’heure. Il y a des enjeux, une possibilité de faire carrière. » A l’Assemblée, le phénomène est plus diffus qu’au gouvernement, car moins concentré sur une quinzaine de postes. Sur les 577 députés, beaucoup ne cherchent ni la lumière ni l’excitation. Mais pour une poignée d’élus, potentiellement ministrables, le PalaisBourbon tient le rôle de vivier : il faut voir l’agitation qui saisit les lieux à chaque remaniement, les conjectures de toutes sortes qui se font sur les élus les plus prometteurs. Qui va partir, qui va revenir ? Thierry Mandon, Matthias Fekl, Thomas Thévenoud : tous ces noms circulaient depuis des semaines dans les couloirs avant qu’ils ne soient nommés. DIVERSIFICATION EN TROMPE-L’ŒIL Le personnel politique se diversifie certes grâce à la part grandissante des femmes, même si leur nombre plafonne autour de 25 % chez les parlementaires comme chez les ministres (hors gouvernements paritaires de François Hollande). Surtout, la féminisation reste une diversification en trompe-l’œil. Dans une étude sur « les facteurs sociaux des carrières politiques des femmes ministres », Sébastien Michon assure ainsi que « la fémini- sation du recrutement politique ne s’accompagne pas d’une transformation radicale ou même d’une “ouverture” de la composition sociale de l’exécutif » et que ses effets « ne perturbent ni ne remettent en question les modes de production et de reproduction des élites politiques ». Quelques exceptions demeurent toutefois car, selon Michèle Delaunay, « le gros avantage de la parité est d’avoir fait venir des femmes qui venaient d’ailleurs ». « On est venu me chercher dans mon hôpital à cause de la parité, je ne sais pas si je me serais engagée en politique sinon », témoigne-t-elle. Mais la « diversité professionnelle » qu’elle appelle de ses vœux se fait toujours attendre. Au Palais-Bourbon, seuls 2,6 % des élus en 2012 étaient ouvriers et employés, quand ces catégories représentent 50,2 % de la population active. A l’inverse, les cadres et professions supérieures sont surreprésentés : 80 % des élus en sont issus, contre 16,7 % de la population. Sans parler des ingénieurs et des scientifiques, presque totalement absents du débat public. Des cas comme celui de Michel Pouzol, élu PS de l’Essonne et passé « du RMI à l’Assemblée » – comme il l’a raconté dans un livre (Député, pour que ça change, Cherche Midi, 2013) –, sont exceptionnels. En outre, pour les salariés du privé, il est pratiquement impossible de retrouver son emploi au même niveau après un mandat. La question du statut de l’élu devra être reposée, d’autant plus avec l’entrée en application du non-cumul en 2017. En attendant, de cabinets en chargés de mission, des professionnels de la politique continuent de considérer l’Etat comme une entreprise et les mandats électifs comme des emplois. C’est en partie ce qui explique le refus de Thomas Thévenoud d’abandonner son poste de député. Après que son épouse, Sandra, considérée comme coresponsable des manquements fiscaux, a été licenciée de son poste de chef de cabinet de l’ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel, la famille Thévenoud ne dispose plus que des revenus du député de Saône-et-Loire. Alors, quand la pression monte de toutes parts autour de lui pour qu’il démissionne, lui répond à ses interlocuteurs que la politique, c’est toute sa vie. p éclairages | 19 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 La Ligue du Nord italienne fait le tri dans ses combats ANALYSE philippe ridet rome, correspondant L’ « SI NOUS NE NOUS BATTONS PAS POUR SORTIR DE LA PRISON DE L’EURO, BIENTÔT IL N’Y AURA PLUS RIEN À SAUVER » MATTEO SALVINI président de la Ligue du Nord indépendance de la Padanie, cette mythique région italienne au nord du Pô où se concentre l’essentiel de la richesse du pays ? N’en parlons plus ! La macrorégion regroupant la Lombardie, la Vénétie et le Piémont et censée être l’exemple de la bonne administration ? Trop compliqué. En quelques mois, la Ligue du Nord, le plus vieux des partis italiens, issue, en 1989, de la fusion des ligues lombarde et vénète, a tourné le dos à deux des thématiques qu’elle avait portées avec succès jusqu’au début des années 2010. Elle s’est en effet trouvée contrainte de recentrer son discours. Car sous le coup de scandales politico-financiers ayant poussé à l’éloignement de son fondateur, Umberto Bossi, en 2012, et à la démission des conseillers régionaux du Piémont en 2014, elle a enregistré, aux élections législatives de 2013, le pire résultat de son histoire : 4 % des suffrages. Après l’intérim de l’ancien ministre de l’intérieur, le pâle Roberto Maroni, elle s’est offert un nouveau président en la personne de Matteo Salvini, 41 ans, député européen peu assidu. Sous sa houlette, le parti des chemises vertes a retrouvé des couleurs : 6 % aux élections européennes et 8 % voire 9 % d’intentions de vote dans les plus récents sondages. Au prix d’une simplification de ses idéaux. Dans le fatras de l’idéologie « léguiste », faite de folklore moyenâgeux, de rituels païens, de préservation des identités et des coutumes locales, de xénophobie et de méfiance vis-à-vis de l’Etat central, M. Salvini n’a retenu que deux thématiques : la lutte contre l’immigration clandestine et contre l’euro. Au nom de ces combats, il espère rassembler 100 000 personnes, samedi 18 octobre à Milan. Le choix de ces deux axes de contestation n’est pas anodin. Selon un sondage de l’institut Demos, en septembre, 80 % de ceux qui ressentent l’immigration comme une menace n’ont « aucune confiance dans l’Europe ». « Si nous ne nous battons pas pour sortir de la prison de l’euro, bientôt il n’y aura plus rien à sauver, explique M. Salvini dans un entretien au magazine Panorama, ni l’Italie ni la Padanie. » ALLIANCE AVEC LE FRONT NATIONAL Désormais concentrée sur des objectifs susceptibles de séduire des électeurs du nord au sud de la Botte, la Ligue du Nord envisage de se constituer en « Ligue des peuples », laissant ainsi tomber sa référence à l’Italie septentrionale qui a fait son succès et limité son expansion géographique. Alors qu’elle avait également pris soin de ne pas apparaître trop liée – officiellement du moins – à la droite extrême européenne, elle a franchi le pas en nouant, au Parlement de Strasbourg, une alliance avec le Front national de Marine Le Pen. Dans le même temps, la formation, qui passait auparavant pour une référence aux yeux d’une partie de la droite hexagonale, s’est éloignée de la droite modérée italienne, avec qui il a gouverné neuf ans pendant les vingt dernières années. L’accord entre Matteo Renzi et Silvio Berlusconi pour mener les réformes jugées indispensables par Bruxelles – institutions, marchés du travail, fiscalité, justice – a libéré un espace de contestation que la Ligue dispute au Mouvement 5 étoiles, les deux seuls véritables partis d’opposition. M. Salvini veut profiter de cette situation pour faire croître sa position. « Si des élections devaient avoir lieu demain en Italie, nous irions seuls au combat, explique M. Salvini. Notre accord avec le FN nous permet de retrouver un espace d’autonomie. » Tournant le dos à ses batailles fondatrices, M. Salvini a choisi de se rendre à… Pyongyang, en Corée du Nord, plutôt qu’à Edimbourg pour soutenir les partisans de l’indépendance de l’Ecosse. Dans le même temps, le site Internet du parti restait muet sur les manifestations à Barcelone en faveur de l’indépendance de la Catalogne. Soutenues par la gauche, ces aspirations séparatistes n’entrent plus dans le cadre de son alliance avec un parti qui se veut nationaliste. Elles sont un obstacle à son projet de constituer la Ligue du Nord en « ligue nationale », comme l’explique – en français dans le texte – le politologue Ilvo Diamanti dans le quotidien La Repubblica du 29 septembre. M. Salvini s’est même rendu à Moscou pour dénoncer l’embargo qui frappe la Russie et contrarie les intérêts économiques italiens et vanter, en revanche, le référendum sur l’indépendance de la Crimée, qui préfigurait son rattachement à Moscou… De ces voyages, le leader de la Ligue, qui, par le passé, avait proposé la mise en place, dans le métro milanais, d’une ségrégation entre Lombards de souche et immigrés, est revenu à chaque fois enchanté. A Pyongyang, il a découvert « un sens de la communauté incroyable, des enfants qui jouent dans la rue et non pas à la PlayStation et qui ont beaucoup de respect pour les plus âgés ». A Moscou, il s’est félicité « de l’absence d’immigrés clandestins et de laveurs de pare-brise » et du fait que « les jeunes filles puissent prendre le métro à 2 heures du matin sans avoir peur ». Cherchant à faire confluer autour de lui les petits partis post-fascistes italiens tel que Fratelli d’Italia, avec qui il partage sa détestation de Bruxelles et de l’immigration, il a également rencontré, début octobre les responsables de l’officine mussolinienne CasaPound, un groupuscule nostalgique qui a pignon sur rue à Rome. « Une rencontre intéressante, a-t-il dit, en vue de notre manifestation de Milan. » « Pyongyang, Moscou, CasaPound, lui fait-on observer, et la démocratie dans tout ça ? » « Je vais là où je peux donner un coup de main pour mon pays, a-t-il répondu, de passage à Rome, devant l’association de la presse étrangère, le 7 octobre. S’il faut discuter demain avec les syndicats, j’irai également. » p ridet@lemonde.fr LETTRE DE MADRID | par sandr ine mor el Menace sur le clasico Q ue serait l’Espagne avec 7,5 millions d’habitants en moins et 20 % de sa richesse envolés ? Sans la Costa Brava et Cadaquès ? L’industrie pharmaceutique et le trafic du port de Barcelone ? Miro et Gaudi ? Le parc Guell et la Casa Batllo ? Le pan tumaca et la fideua ? Que serait l’Espagne sans la Catalogne ? Mais il y a plus important encore. Car toutes ces questions semblent parfois dérisoires face à la seule qui compte vraiment pour tous les Espagnols, Catalans y compris : que serait l’Espagne sans « clasico », ces matchs de football tendus, promesses de sensations fortes, qui opposent chaque saison le Real Madrid et le FC Barcelone et sont le nectar des aficionados ? Quand la raison est à court d’arguments, reste l’appel aux sentiments. Et quel sentiment est plus fort en Espagne que l’amour… du football ? Dans un pays où les distances se mesurent en terrains de foot, où les métaphores se déclinent autour du ballon rond, où les ministres commentent les rencontres après les interviews et où la vie s’arrête les soirs de grand match, le football ne pouvait pas échapper au débat sur l’indépendance de la Catalogne. Cela fait deux ans que la question du maintien du Barça dans la Liga, en cas de sécession, s’est faite récurrente, suscitant fantasmes et LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE théories en tout genre. Mais à mesure qu’approche la date du référendum d’autodétermination, que le gouvernement catalan entend convoquer le 9 novembre – dans le cas peu probable où le tribunal constitutionnel lèverait l’actuelle suspension –, le débat se fait plus concret. Il y a une semaine, des tirs croisés ont ainsi été échangés entre Madrid et Barcelone. Le 7 octobre, le président de la Ligue espagnole de football (LFP), Javier Tébas, a été clair. En l’état actuel des lois, en cas d’indépendance de la Catalogne, le FC Barcelone et l’Espanyol, les deux clubs catalans qui évoluent en première division, « ne joueraient pas la Liga ». Pour qu’ils y participent, il faudrait « une modification de la loi, votée au Parlement ». Et d’ironiser : « Comment appellerait-on la Liga ? La ligue espagnole ? Ibérique ? Des peuples d’Espagne ? » Il n’est pas le seul à manier l’ironie. Sur les réseaux sociaux et les sites d’information, les commentaires vont bon train. « Ce serait joli et spectaculaire de pouvoir jouer contre Cornella, Mollerussa et les autres équipes catalanes… Profitez-en bien », commente par exemple un internaute sur le site du quotidien sportif Mundo Deportivo. La réponse ne s’est pas fait attendre de la part du club blaugrana. Trois jours plus tard, le Barça adhérait au pacte national pour le droit à décider, une plate-forme en faveur du droit à l’autodétermination des Catalans. Le président du Barça, Josep Maria Bartomeu, joignait un courrier expliquant que « le droit à décider fait partie des droits fondamentaux que devraient avoir les personnes et les peuples ». « INDEPENDANCIA ! » Il s’inscrit ainsi dans une longue tradition de présidents nationalistes au Barça, un club dont le slogan, « Mes que un club » (« plus qu’un club »), témoigne de son engagement politique et culturel. « Avec la Caixa [la principale banque catalane] et la Généralité [le gouvernement catalan], c’est l’un des trois piliers de la Catalogne », soutient Ramon Miravitllas, auteur de La Fonction politique du Barça (non traduit), dans lequel il commente l’instrumentalisation politique du club, sorte d’outil d’endoctrinement des masses, d’autant plus efficace qu’il multiplie les succès sportifs. Pour en avoir le cœur net, il suffit d’aller au Camp Nou assister à un match. Celui qui s’y est disputé face à l’Athletic Bilbao le 13 septembre, deux jours après la Diada, la fête de la Catalogne et sa nouvelle manifestation massive en faveur du référendum d’indépen- dance, est symptomatique du lien qui existe entre le club et le nationalisme. Les joueurs du Barça ont porté leur troisième tenue, celle aux couleurs du drapeau catalan, et dans les gradins, une banderole a été déployée en commémoration des 300 ans du siège de Barcelone de 1714, lors de la guerre de succession d’Espagne, considéré comme symbolique de la « perte des libertés catalanes ». Comme à chaque match, depuis 2012, à la 17e minute et 14e seconde, une partie du stade a crié le mot : « independancia ! » Lors des grands matchs, à forte visibilité internationale, il est fréquent de voir dans les gradins une immense banderole en anglais affirmant « Catalonia is not Spain » ou réclamant l’indépendance. Les supporteurs les plus radicaux, d’ailleurs, préféreraient abandonner la Liga espagnole pour s’associer avec… la Ligue 1 française. Selon le journaliste Francesc Aguilar, du Mundo Deportivo, le Barça a d’ailleurs fait « en son temps une consultation très discrète » pour pouvoir jouer en Ligue 1 en cas d’indépendance, « mais il n’y a pas eu de réponse concrète face à une situation que les Français considèrent embarrassante ». p LA QUESTION DU MAINTIEN DU BARÇA DANS LA LIGA EN CAS DE SÉCESSION DE LA CATALOGNE EST RÉCURRENTE sandrine.mo@gmail.com Tout avoir et tout oser LIVRE DU JOUR nathalie brafman L orsqu’elle était bébé, Nathalie Loiseau était habillée en bleu. Enfant, elle avait la coupe de cheveux de son frère et récupérait ses pantalons et ses cabans. Elle fut une « écolière idéale », puis une lycéenne brillante : bac à 16 ans mention très bien, Sciences Po, Institut national des langues et civilisations orientales, où elle apprit le chinois, concours des affaires étrangères qui l’a conduite au Quai d’Orsay. Un monde peuplé d’hommes. Où, dans les années 1980, on disait aux jeunes femmes qui avaient réussi le concours : « Mais c’est une invasion ! » A lire le titre, on pourrait penser au énième livre d’un coach en vogue. En réalité, c’est un manifeste à destination des femmes. Nathalie Loiseau les exhorte à prendre « TOUT » sans attendre qu’on leur donne quelque chose. Celle qui a exercé les fonctions de porte-parole de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis en pleine guerre d’Irak est aujourd’hui à la tête de l’Ecole nationale d’administration. Elle n’en est pas is- sue, mais ne s’est pas posé la question de sa légitimité. Car elle pratique ce qui pourrait être sa devise : « Have it all », comme disent les Américaines. A la fin des années 1970, elle se souvient qu’on ne savait que faire de cette adolescente précoce. D’ailleurs, personne ne s’offusquait qu’elle réponde à chaque rentrée scolaire : « secrétaire » à la question « que souhaitez-vous faire plus tard ? », posée par le professeur principal. Elle manquait d’ambition. Elle a longtemps pensé que c’était « un gros mot ». POUR LA DÉCULPABILISATION Un manifeste pour les femmes, mais pas contre les hommes. On aurait tort de croire qu’elle veut régler ses comptes. « Faire la guerre aux hommes, c’est croire que rien ne nous rassemble. Qu’il doit y avoir un vainqueur et un vaincu. Qu’il faut prendre, de force, quelque chose au “camp adverse” pour avoir “sa part du gâteau”. » Bref, que les femmes sont meilleures que les hommes. D’ailleurs, ce sont des hommes qui ont changé le cours de sa vie : le premier est son frère, qui l’inscrivit au concours de Sciences Po. Un manifeste pour la déculpabilisation. Ne pas choisir entre la maternité et sa carrière. Ne pas culpabiliser parce qu’on refuse d’allaiter, qu’on ne va pas chercher ses enfants à l’école, qu’on rentre tard et qu’on n’aide pas à faire les devoirs. Mère de quatre garçons, cette féministe convaincue est très dure avec ses « sœurs ». Celles qui veulent « la légalité » au travail, accéder à une belle carrière, mais qui attendent qu’on la leur octroie. « Parce que cela ne se fait pas pour une femme de demander. » Des souvenirs drôles et ahurissants : du « mais qu’est-ce qu’on va faire d’elle » lorsqu’elle débarqua au Quai d’Orsay, à 21 ans, à « vous avez un physique de speakerine » de son premier directeur, ce qui lui valut un poste au service de presse. Nathalie Loiseau raconte le sexisme et le machisme ordinaires, mais aussi les petites jalousies des femmes lorsqu’elle fut promue six mois après son arrivée au Quai. « Une femme qui réussit est d’abord suspecte. Si elle est promue, c’est qu’elle couche. » p Choisissez TOUT de Nathalie Loiseau JC Lattès, 208 p., 18 euros 20 | culture ARTS A Paris, presque en face de Notre-Dame, sur le parvis de l’Institut du monde arabe (IMA), la tente noire sahraouie en poil de chèvre et de chameau, œuvre de l’architecte Tarik Oualalou, intrigue. Ce vaste campement typique du désert, dressé pour la fête du « moussem », donne le ton. Cet automne s’ouvre à Paris une saison marocaine qui fera date. Par sa richesse et sa diversité artistique, elle éblouit autant qu’elle interroge en posant les questions brûlantes de la société : tolérance, égalité des genres, extrémisme, corruption, écologie, etc. Au Louvre, c’est l’émotion qui domine devant le mobilier religieux médiéval et les manuscrits, exceptionnellement sortis des plus anciennes mosquées et madrasas du pays pour témoigner : le Maroc était l’épicentre d’un empire qui s’étirait de l’Espagne à l’Afrique, de Cordoue à Gao, nourri du métissage des cultures, techniques, styles et matériaux. Qu’en est-il aujourd’hui ? La réponse est à l’IMA, où la force esthétique de l’art contemporain bouscule. La puissance des quatre cents œuvres réunies et celle des messages délivrés par les quatre-vingts artistes marocains, pour la première fois réunis à l’étranger dans cette ampleur, exprime la liberté d’expression dont ils jouissent. Seul tabou, comme une autocensure, le roi, auquel on ne touche pas. Tout le bâtiment est investi, jusqu’au deuxième sous-sol où le Ring de la soumission, d’Amine El Gotaibi, réduit l’individu à une flaque d’eau. Les corps congelés sont produits à la chaîne et ils fondent sous la chaleur diffuse des visiteurs. La diversité des modes d’expression – peinture, sculpture, installations vidéos, photos, architecture, design, danse, théâtre, musique, performances –, qui animent l’Institut sur sept niveaux, impressionne. Loin de trancher le nœud gordien, les artistes s’emparent de la tradition pour la réinventer, pour pointer les écueils et dangers qui menacent la société, et pour dessiner des lueurs d’espoir. Ainsi Zahra Zoujaj, la coupole monumentale en ampoules LED, de Younès Rahmoun, qui vit et travaille à Tétouan, près de Tanger, porte, elle, la lumière soufie dans 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 De l’héritage médiéval au Louvre à l’impertinence contemporaine à l’Institut du monde arabe, plusieurs expositions mettent en lumière la diversité de la création marocaine L’art marocain se découvre à Paris « Super Oum », de Fatima Mazmouz. GALERIE FATMA JELLAL une région où l’extrémisme lié aux mafias du cannabis est présent. Composée de soixante-dixsept lustres de verre doré symbolisant les soixante-dix-sept branches de la foi musulmane, cette coupole lumineuse est l’écho contemporain du grand lustre de la mosquée Qaraouiyine, à Fès, première capitale du royaume fondée vers 801, qui est exposé, lui, au Musée du Louvre. Comme si le dialogue au travers les millénaires se poursuivait ici en France. Ce lustre monumental en cuivre ciselé, qui date du début du XIIIe siècle, a été décroché, à Fès, de la grande salle de prière, avec ses 520 godets lumineux étagés sur neuf couronnes. Il a été démonté, nettoyé et restauré par les artisans locaux avec Olivier Tavoso, dépêché par le musée parisien. Pièce maîtresse de la plus ancienne mosquée du Maroc, dont la fondation date de 850, c’est l’un des chefs-d’œuvre de l’exposition du Louvre. Allumé, comme lors de la prière du vendredi dans la médina de Fès, il accueille le visiteur qui pourra y lire les sourates gravées à l’intérieur de la coupole. Raconter la saga rocambolesque du transport de cette pièce de plus d’une tonne qu’il a fallu exfiltrer de la médina, de nuit, au travers des venelles larges comme des boyaux, et le soin qui fut pris, dit l’importance symbolique de ce prêt. « J’avais mesuré toutes les ruelles, il ne sortait pas, explique Bahija Simou, directrice des archives royales, co-commissaire de l’exposition, chargée de veiller à l’opération. Un hélicoptère avait été envisagé pour treuiller le lustre au-dessus des toits, au risque de voir les tuiles vernissées de la médina s’envoler dans le souffle de l’engin. L’idée fut abandonnée. Je me suis dit, on va le transporter avec notre art comme on porte la mariée dans la médina » : sur un échafaudage roulant, à l’aube, à 6 heures, juste après la prière. Rien de tout cela n’aurait eu lieu sans la volonté expresse de Mohammed VI. « Le roi est convaincu Quand la diplomatie s’active « cette exposition n’a qu’un seul parti pris, celui de révéler l’audace qui a toujours accompagné les créateurs marocains… Sa Majesté le roi Mohammed VI a apporté un soutien sans faille à cette manifestation », écrit Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées du Maroc (FNMM), en préambule du catalogue du « Maroc contemporain », exposition présentée à l’Institut du monde arabe. Deux objectifs pour le roi : s’appuyer sur le savoir-faire muséal français pour développer sa politique culturelle et affirmer l’ouverture et la tolérance comme rempart à l’islamisme radical. L’offensive diplomatique date du 4 mai 2012, quand un partenariat entre le Louvre et la FNMM fut signé par Henri Loyrette. Alors président de l’établissement public, il s’engageait à organiser dans le musée parisien une exposition sur le Maroc médiéval, avec, à l’appui, la restauration des œuvres prêtées et la formation de spécialistes ma- rocains. A la même époque, Mohammed VI était le principal mécène, sur ses deniers personnels, des quatre contributions d’Etat – avec Oman, le Koweït et l’Azerbaïdjan – d’un montant de 26 millions d’euros, du nouveau département des arts de l’islam du Louvre, qui allait ouvrir en septembre 2012. « Une liberté totale » Le 13 décembre 2012, la convention de coopération dans le domaine des musées fut ratifiée par le ministère de la culture français et la Fondation des musées marocains. En mai 2013, lors de la visite de François Hollande au roi du Maroc, un partenariat fut décidé pour la venue au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, des bronzes antiques de Volubilis, exposés en 2014. La saison marocaine de l’IMA, elle, est née d’une rencontre entre Henri Loyrette et Jack Lang, président de l’IMA depuis jan- vier 2013. L’idée d’une « aventure en duo » soufflée par M. Loyrette a abouti : le médiéval au Louvre, le contemporain à l’IMA. « J’ai demandé à rencontrer le roi à Fès pour lui exposer le projet et il a donné son feu vert. Il m’a renouvelé son appui, ferme, clair, chaleureux, et une liberté totale : il n’a pas eu de regard sur le choix des œuvres », précise Jack Lang. Les grandes entreprises marocaines et les banques, qui ont elles-mêmes leurs collections, comme l’Office chérifien des phosphates, la Société générale ou la Fondation Alliances, ont accompagné ce soutien, notamment avec le prêt d’œuvres. Pour être complet, signalons que, sous la houlette de la Ville de Paris, la Gaîté-Lyrique a accueilli, en septembre, le festival Tanger Tanger, consacré au cinéma et à la musique. Et que l’Institut des cultures de l’islam, à la Goutte-d’Or, expose jusqu’au 21 décembre quatre artistes marocains. p fl. e. Le Maroc était l’épicentre d’un empire qui s’étirait de l’Espagne à l’Afrique, de Cordoue à Gao que le Maroc est un des rares pays musulmans à pouvoir montrer un islam des Lumières et le porter haut à travers un événement culturel, précise Yannick Lintz-Lampel, directrice du département des arts de l’islam au Louvre, commissaire de l’exposition. Porte d’entrée de l’Europe vers l’Afrique, le Maroc veut jouer un rôle fédérateur, moderne, laïque, sur une Afrique de plus en plus islamisée. Cette opération a déclenché une prise de conscience des Marocains pour leur patrimoine médiéval oublié. A Fès, le tombeau des Mérinides est celui de l’une des dynasties berbères qui a dirigé l’Occident musulman », de 1269 à 1465. Trop haut pour le Louvre Il était prévu aussi de prêter le « minbar » almohade de la Qaraouiyine, la chaire d’où est déclamé le prêche du vendredi. « Une vraie attente du roi », confie Yannick Lintz. En bois de cèdre, incrusté d’os, cet escalier, consolidé au fil des siècles, très fragile, s’avéra impossible à démonter. Il fut alors envisagé de construire une passerelle de 500 mètres pour le faire passer au-dessus des toits ! Une réunion de crise à la mosquée avec l’imam, les forces de l’armée royale, les ministres de l’intérieur et de la culture, le conservateur de la médina, le colonel de la sécurité civile, mit fin à l’opération sur une décision de Yannick Lintz. « La médina est un gruyère, j’ai renoncé ! » Bahija Si- mou, qui a l’oreille du roi, proposa de prêter le minbar de la Koutoubia, la grande mosquée de Marrakech. Cette fois, le verdict est venu de Paris : trop haut pour entrer au Louvre ! L’affaire n’en fut pas moins complexe pour le Maroc contemporain à l’IMA, dont le paysage culturel est l’un des plus riches et des plus complexes dans sa diversité géographique et ethnique. Le choix de ne retenir que des artistes vivants était l’objectif des deux commissaires qui avaient carte blanche. Jean-Hubert Martin et Moulim El-Aroussi ont pris leurs bâtons de pèlerin pour écumer le Maroc, en quête de talents, du nord au sud, d’est en ouest, de Tanger à Agadir, s’écartant des routes nationales pour rencontrer les artistes dans leurs fiefs. Jean-Hubert Martin, auteur de la légendaire exposition des Magiciens de la terre au Centre Pompidou, dont la rétrospective vient de fêter les 25 ans, renouait avec ce qu’il aime par-dessus tout : son rôle de « passeur, à l’écoute de ceux qui travaillent pour leurs communautés et qui échappent au marché de l’art ». Quant à Moulim El-Aroussi, fin connaisseur de la scène marocaine, pour avoir été directeur de la commission pédagogique de l’Ecole des beaux-arts de Casablanca, il repartait sur les routes, comme en 1998, quand il pilotait un programme de recherche de jeunes talents. « Avec Jean-Hubert, on est sur la même ligne, laisser tomber les biennales et aller sur le terrain », confie-t-il. Sur trois cents dossiers d’artistes, ils en ont retenu quatre-vingts. « On a étudié ce qui préoccupe la scène marocaine pour dégager les pôles d’intérêt et les problèmes de la société. Il y a 25 % d’artistes femmes, certaines très jeunes. Une première. » Et c’est sans doute ces femmes qui revendiquent avec le plus de force le droit d’exister en toute li- culture | 21 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 A gauche : le dossier du minbar de la mosquée El Andalous. FONDATION NATIONALE DES MUSÉES MAROCAINS Ci-contre : « Anes situ », d’Hicham Benohoud, photo numérique. BENOHOUD/CULTURESINTERFACE En haut, à gauche : « 9oua-lab », installation du collectif Pixylone. PIXYLONE berté. A l’IMA, la souffrance à vif de Safaa Mazirh, photographe autodidacte, qui expose la photo de son corps nu recroquevillé sous une table métallique, dialogue avec les oreillers piqués d’aiguilles de Safaa Erruas. En bottes et cagoule noire, simplement vêtue d’un bikini, Fatima Mazmouz, prête à enfanter, s’affiche au combat dans sa série Super Oum, pour parler grossesse, religion, immigration, avortement. Tandis que Nadia Bensallam, qui vit à Tikrit, dans la région d’Agadir, au sud, choisit l’humour grinçant. Elle se fait filmer, dans une rue de Marrakech, en talons aiguilles et burqa noire ne laissant voir que ses yeux, mais qui s’arrête aux genoux, et elle enregistre les commentaires de la rue : « Honte sur toi, tu insultes l’islam ! J’espère que tu vas mourir dans un accident ! » « La revendication du corps que l’on voit monter contre les forces régressives de la société exprime une forte demande de liberté, souligne Moulim El-Aroussi. Le mouvement féministe marocain est le plus fort du monde arabe. » Ce ton débridé est plus offensif dans le sud du pays. Les artistes y sont plus isolés. Pas de galeries où exposer. Jean-Hubert Martin le dit -SÉRIE HORS Ci-dessus : « Fécondité », de Farid Belkahia. BELKAHIA Ci-contre : « Sans titre », de Lahcen Achik. LAHCEN ACHIK sans détour : « On est allés voir car on ne savait rien. » Et ils ont été conquis par la puissance de ce qu’ils ont vu et sélectionné. Hommage à la femme Le « cri intérieur » de Lahcen Achik, taches rouges sur ses visages éclatés qui expriment les angoisses : « Dans le monde arabe, l’individu était très opprimé, et tout a explosé. Il reste encore des zones de silence sous la chape de plomb », dit-il. Le compas dont la pointe est un minaret à l’envers de M’Barek Bouhchichi exprime la révolte de ce grand gaillard dont le rire joyeux masque l’engagement à dire le plus grave. Sa vidéo montrant deux mains nettoyant une moule, pour évoquer l’excision, est insoutenable. Comme les mains blanches et RE ŒUV UNE VIE, UNE puissantes du djihadiste face à son destin, tête enfouie au creux des genoux, kalachnikov au sol, de Mustapha Belkadi. Est partout présente l’influence pionnière de Farid Belkahia, qui a su, dans les années 1950, rompre avec la manière orientaliste et folklorique pour porter l’art moderne au Maroc, sans couper le cordon de la tradition. Il travaille sur la peau de chèvre, au henné, des compositions érotiques, aussi charnelles que pudiques, tout en rondeurs, en hommage à la femme. Un mur entier est couvert des tableaux de celui qui est considéré comme un des plus grands artistes marocains. En dialogue, les courbes en tension d’une calligraphie aux couleurs crues résolument moderne de Mohamed Melehi, l’autre pionnier, son con- temporain, occupent le mur d’en face. Celui-ci est venu seul à Paris : Belkahia a été terrassé par un cancer, début octobre. Ce souffle fondateur s’exprime dans cette pyramide de pains de sucre, l’offrande rituelle aux mariés, dont le nom, « qaoub », signifie aussi « arnaque » ; une installation signée Pixylone, collectif de trois jeunes Casablancais dénonçant la corruption. Influence aussi sur le design contemporain qui meuble tout l’espace, servi par la scénographie conviviale voulue par Jean-Hubert Martin, et qui, avec ses salons au ras du sol, comme au Maroc, ponctue le parcours. Les guéridons aux motifs géométriques sculptés dans des pneus et les sièges assortis illustrent la virtuosité des artisans. Comme l’incroyable moteur, ré- plique exacte d’un V12 Mercedes, réalisé à partir de 465 pièces façonnées par une dizaine d’artisans dans quatorze matériaux : os de chameau, bois de cèdre et noyer, corne de bélier, cuir, pierre, coton, cuivre, etc. Sorte de métaphore poétique d’une société solidaire voulue par Eric van Hove, qui vit à Marrakech. Dans ce brouhaha douloureux surgissent des notes d’espoir, comme le mobile coloré du Printemps arabe d’Abdelkrim Ouazzani, de Tétouan, ou les diagrammes d’Abdelkébir Rabi dessinant la pensée soufie. Sur le parvis de l’IMA, en arabe, berbère, hébreu et français, le préambule de la Constitution marocaine, signée le 29 juillet 2011, revendique la diversité culturelle de son héritage « nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ». Il affirme « l’attachement aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue ». Jack Lang, président de l’IMA, souligne : « Ce syncrétisme, cette pluralité qui marque l’exposition. C’est un message exemplaire du Maroc pour les Marocains d’une valeur universelle dans cette période de noirceur fanatique. On avait, dès l’origine, prévu que cet événement puisse tourner dans les villes marocaines. Pourquoi pas à Rabat ? », dans le tout nouveau Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain ? Pour l’heure, il n’en serait pas question. p AGENDA Après les bronzes antiques de Volubilis, exposés au MuCEM, à Marseille, au printemps, et le festival de cinéma et de musique Tanger Tanger, à la Gaîté-Lyrique, à Paris, en septembre, trois expositions consacrées au Maroc sont programmées dans la capitale. Le Maroc contemporain à l’Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e, jusqu’au 25 janvier 2015. De 12,30 € à 14,89 €. Un programme festif accompagne l’exposition : 30 concerts, 4 spectacles de danse, des films, des conférences et des débats sur le soufisme, la religion, la société civile, le féminisme, les médias, la littérature. Imarabe.org Le Maroc médiéval, un empire de l’Afrique à l’Espagne au Louvre, rue de Rivoli, Paris 1er, du 17 octobre au 19 janvier 2015. Entrée 13 €. Louvre.fr. Avec un programme de conférences et de spectacles, dont l’intense chorégraphie de Bouchra Ouizgen, en décembre, au Louvre et à l’IMA. louvre.fr Eugène Delacroix, objets dans la peinture, souvenir du Maroc au Musée Delacroix, 6, rue de Furstenberg, Paris 6e. Entrée : 7,50 €. musee-delacroix.fr florence evin GEORGES SIMENON LE PATRON ges Georenon Sim on tr Le pa Un hors-série du « Monde » er de manci Le ro line Assou ierre par P licite, l’imp 124 pages - 7,90 € chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique 22 | culture 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Irina Brook prend possession de Nice Nommée en janvier au Théâtre national de Nice, la directrice lance sa première saison avec sa mise en scène de « Peer Gynt », d’Ibsen THÉÂTRE nice – envoyée spéciale A ssise en tailleur à la terrasse d’un café face à la mer, Irina Brook n’en revient pas de la « chance » qu’elle a : « Etre ici pour diriger un centre dramatique national relève presque du miracle. » Ici, c’est au Théâtre national de Nice (TNN). En cette matinée ensoleillée de la fin septembre, la directrice, qui a pris ses fonctions en janvier, décompresse. La veille, elle a lancé sa première saison avec sa mise en scène de Peer Gynt, d’Henrik Ibsen, adaptée en opéra rock (avec des poèmes de Sam Shepard et des chansons d’Iggy Pop), portée par le comédien islandais Ingvar Eggert Sigurosson et emmenée par une troupe cosmopolite de quatorze acteurs, danseurs, musiciens, chanteurs. « C’est un message assez explosif, reconnaît-elle. Ce spectacle, le plus gros, le plus difficile, le plus proche de moi, annonce la couleur et montre ce que l’on souhaite partager : la dimension internationale, la multidisciplinarité, le classique dépoussiéré, le grand texte accessible. » Cette enfant de la balle, fille du metteur en scène britannique Peter Brook, qui s’est fait connaître en 2001 grâce au succès de sa première mise en scène d’Une bête sur la Lune, de Richard Kalinoski, rêvait d’avoir un jour un théâtre champêtre avec guinguette et guirlandes, « un peu un mélange de Cartoucherie et de Bouffes du Nord [à Paris] ». Elle se retrouve à 51 ans à la tête d’un imposant bloc de marbre entouré de voitures. « Je n’ai jamais cherché à diri- ger un centre dramatique national, cela m’avait toujours semblé être un carcan terrifiant. Alors, quand le ministère m’a incitée à candidater pour Nice, j’ai failli tomber de ma chaise ! Puis l’idée m’a passionnée. J’achève un voyage de nomade en arrivant à Nice, c’est un peu monumental dans ma vie. » Accueillie « avec bienveillance » Tout le monde, dit-elle, l’a accueillie « avec bienveillance, et [elle en a] besoin, de cette bienveillance ». La controverse sur le non-renouvellement de son prédécesseur, Daniel Benoin (après douze années de règne), qui a opposé, à l’été 2013, l’ex-ministre de la culture, Aurélie Filippetti, au maire de Nice et député (UMP) Christian Estrosi, appartient officiellement au passé. « Je ne souhaite qu’une seule chose : qu’Irina réussisse », jure Daniel Benoin, avant de se féliciter du succès du nouveau théâtre qu’il dirige. Car l’ancien directeur du TNN a conservé les rênes du flambant neuf Anthéa d’Antibes, à quelques kilomètres de Nice. En cette rentrée, il a vanté dans la presse les 8 500 abonnés – soit 2 000 de plus qu’au TNN – de cet établissement financé par les collectivités locales. Et a lancé dans les colonnes de Nice-Matin : « En deux saisons, Anthéa est devenu le premier théâtre des Alpes-Maritimes », sous-entendant que le public l’avait suivi. « Je n’ai pas voulu gêner, nous dit-il. On m’a interrogé, je n’allais pas cacher cette belle réussite. » Irina Brook refuse d’entrer dans cette querelle. Elle assume avoir peu de têtes d’affiche, l’envie fa- En janvier, à Nice. FRANCK FERNANDES/NICE MATIN/MAXPPP rouche d’une douce révolution et préfère défendre son projet d’un théâtre pour tous, ouvert sur la ville. A Nice, elle n’a que de bons souvenirs. Dans ce TNN, elle a présenté quasiment tous ses spectacles, dont Tempête ! en 2010. Une semaine à guichets fermés. « Cela a été un moment mémorable. » Etonnée par le nombre de Niçois qui ignorent où se trouve le théâtre, elle s’est donné pour mission d’« attirer un public qui n’est jamais venu ». La formule d’abonnement a été simplifiée, un kiosque a été installé sur la promenade qui mène au TNN et, pour la générale de Peer Gynt, elle a invité « les voisins », commerçants, vendeurs. La nouvelle directrice du TNN a l’envie farouche d’une douce révolution des ateliers dans des établissements scolaires. Dans les murs, la directrice a axé sa programmation autour de trois temps forts : un festival Shakespeare (« Shakespeare, c’était comme une évidence », dit-elle) ; puis un printemps des femmes (avec notamment Elle brûle, mis en scène par Caroline Guiela Nguyen, et L’Odeur des planches, de Samira Sedira), en remerciement à sa nomination, qui doit beaucoup au souhait du ministère de féminiser les directions des centres dramatiques nationaux ; enfin, les Seuls en scène (dont L’Art du rire, de Jos Houben, Conteur ? Conteur, de Yannick Jaulin, Encore, d’Eugénie Rebetez). Jeudi 25 septembre, à l’issue de la représentation de Peer Gynt, Irina Brook a convié une partie du public à boire un verre sur le parvis du théâtre, qu’elle avait fait recouvrir de tapis. Occuper l’extérieur et non s’enfermer dans le bar du TNN, elle y tenait. C’est, dit-elle, « une manière d’exprimer [s]a nature révolutionnaire ». p sandrine blanchard Peer Gynt. d’Henrik Ibsen. Mise en scène d’Irina Brook. Jusqu’au 18 octobre, au Théâtre national de Nice. De 6,50 euros à 40 euros. Sur Lemonde.fr : le visuel interactif sur la douzaine de nouveaux directeurs de théâtres nationaux, qui présentent leurs premières saisons, de Stanislas Nordey, à Strasbourg, à Rodrigo Garcia à Montpellier. Un « trio de fous illuminés » Aux côtés de Renato Giuliani et Hovnatan Avedikian, les deux artistes avec qui elle travaille depuis plusieurs années, elle dit former un « trio de fous illuminés » qui se sont mis en tête de répandre « leur foi dans le théâtre » au-delà des murs du TNN. Depuis janvier, ils sillonnent les quartiers dits « sensibles » de Nice et montent Wagner en pleine tempête Alex Ollé présente à Lyon « Le Vaisseau fantôme », dans une mise en scène métaphorique d’un capitalisme agonisant lyon - envoyée spéciale L e dernier Vaisseau fantôme à l’Opéra de Lyon avait accosté en 1988. Le rôle du Hollandais volant était tenu par José Van Dam, celui de Senta par la Danoise Lisbeth Balslev. La nouvelle production du premier grand opéra de Wagner (Der Fliegende Holländer), présentée le 11 octobre, n’est pas du même tonneau vocal. Le Daland du baryton- basse allemand Falk Struckmann confirme un art déclinant, tandis que le Hollandais de Simon Neal, à la ligne de chant parfois houleuse malgré la clarté de beaux aigus, présente des problèmes de tessiture dans le grave. Senta hallucinatoire, Magdalena Anna Hofmann déçoit par la stridence de son timbre et un vibrato déjà large. Mais les seconds rôles sont de bonne tenue – le passionnel Erik de Tomislav Muzek, le Pilote soigné de Luc Robert, la nourrice Mary à qui Eve-Maud Hubeaux prête les voluptés de son beau mezzo. La baguette de Kazushi Ono a paru bien raide, se contentant de donner des claques à la musique, sans lui imprimer d’influx nerveux. Composée à Meudon durant son séjour en France de 1839 à 1842, cette transcription mari- D’une passerelle vertigineuse dégringole le capitaine norvégien time de l’histoire du Juif errant (d’après une nouvelle d’Heinrich Heine), porte le sceau wagnérien – faute et malédiction, salvation, rédemption. Condamné à errer pour avoir défié Dieu lors d’une tempête, le Hollandais aborde tous les sept ans pour tenter de trouver celle qui saura mourir pour lui – et le repos. Ancre immense Le rideau s’ouvre sur la gigantesque proue rouillée d’un cargo dans les tourments vidéastes de flots tempétueux. D’une passerelle vertigineuse dégringole le capitaine norvégien, échoué avec son équipage. Les décors sont bruyants, la sécurité obligeant les chanteurs à s’attacher à des lignes de vie. Soudain, une ancre immense tombe des cintres : le Vaisseau vient d’accoster, et de son ventre sort le Hollandais en tenue de spectre. La quatrième mise en scène d’Alex Ollé (la Fura dels Baus) à l’Opéra de Lyon, mise sur le spectaculaire et la prospective. Métaphorique d’un capitalisme agonisant dans le surréalisme industriel, le « vaisseau fantôme » se verra désossé dans un de ces chantiers sauvages, quelque part au Bangladesh. La pauvreté des hommes aux pieds nus travaillant sous la menace de pirates en armes, les dunes de sable se dérobant sous les pieds, la projection vidéo de spectres noyés, témoignent de la malédiction contemporaine d’une terre devenue « un endroit où la vie a si peu de valeur que la mort, en comparaison, n’est pas nécessairement un mauvais choix ». Beauté saisissante des images, direction d’acteurs au cordeau : ce Vaisseau fantôme « no future » laisse le cœur et l’âme en cale sèche. p marie-aude roux Le Vaisseau fantôme, de Wagner. Alex Ollé (mise en scène), Alfons Flores (décors), Josep Abril (costumes), Urs Schönebaum (lumières), Franc Aleu (vidéo), Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono (direction). Opéra de Lyon, Lyon 1er. Jusqu’au 26 octobre. Tél. : 04-69-85-54-54. Opera-lyon.com Enventechezvotremarchanddejournaux etsurboutique.telerama.fr Sonia Delaunay, quelle énergie! Trente-cinq ans après sa mort, une grande rétrospective au musée d’Art moderne de la Ville de Paris révèle enin la joie de vivre de cette artiste toujours d’avant-garde, mais encore méconnue. Explorer sa vie, c’est côtoyer une authentique Européenne, qui a parcouru le continent de la Russie à l’Allemagne, de l’Espagne à Paris. Voyager avec Blaise Cendrars dans le Transsibérien, aller au bal en gilet bigarré, monter sur scène dans un costume géométrique, rouler dans une automobile carrossée d’un manteau d’arlequin. Nourrie de culture populaire russe, cette pionnière de l’abstraction a saturé le XXe siècle de rouges, de bleus, de verts. Elle en a recouvert toiles, manteaux, robes, rideaux, tapisseries, assiettes... On s’arrachait ses œuvres et ses créations. En les découvrant dans le hors-série Télérama, riche de nombreuses images rares, on est frappé par leur force et leur modernité. télévisions | 23 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Retourner parmi les vivants Daniel Holden (Aden Young) se prépare à sortir après dix-neuf ans passés dans le couloir de la mort. BLAKE TYERS « Rectify », une série lente et lumineuse, terrible aussi, à ne pas manquer ARTE JEUDI 16 – 22 H 40 SÉRIE L ongtemps après avoir découvert « Rectify », reste en mémoire le plaisir simple et inouï que l’on peut prendre à jouer de sa peau avec la lumière : à l’aube, dans un champ, pieds nus dans la rosée ; étendu sur l’herbe, à regarder se jalouser ombre et lumière entre des feuilles de pacaniers ; nu dans sa chambre, caressé par un rai de soleil où volettent des flocons de duvet… Ou simplement au lit, en dépliant ses doigts pour qu’ils fassent l’amour avec le petit jour. Spectateur pressé en quête de pétarades, tu passeras donc ton chemin. « Rectify », magnifique nouvelle série de la chaîne Sundance, vise plus l’introspection que l’action en rendant sa liberté (provisoire !) à Daniel Holden (formidable Aden Young), entré à 18 ans dans le couloir de la mort pour avoir (peut-être) tué et violé sa petite amie Hanna. Lorsque, dix-neuf ans plus tard et au début de la série, Daniel redécouvre lumière du jour et couleurs de la nature, il n’est question ni d’explosion de joie ni même de party avec famille et potes. Aux médias qui s’arrachent son premier souffle dehors, Daniel, lunaire, répond placidement : « Je serai probable- ment plus heureux plus tard. (…) Je ne serai peut-être plus en colère, plus tard, quand je serai heureux. » Nul besoin d’avoir connu l’ado d’antan pour comprendre, en quelques séquences, l’homme qu’il est devenu au pénitencier, de gré et de force : un revenant sans attente ni espoir, un presque-moine, silencieux, méditatif, une sorte d’extraterrestre frappé d’hébétude. « Même pas certain d’être vivant », commente-t-il lui-même. Ranci et rancœurs Logique : lectures et pratique zen lui ont appris à ne plus même attendre la mort, puisqu’elle est certaine, et à ne pas attendre la liberté, qui supposerait savoir ce que vivre libre veut dire. D’où un rapport à la routine, à la banalité et à l’ordinaire inconnu pour lui : « C’est difficile de ne pas être surpris après avoir vécu dans un monde où il n’y avait pas d’inattendu, explique-t-il. Rien que voir une porte s’ouvrir, c’est de l’inattendu… » Par l’intermédiaire du regard de Daniel, indifférent ou médusé selon les circonstances, nous allons donc (re)découvrir ce qu’est devenue l’Amérique profonde en vingt ans, et comment le retour d’un seul être « différent », stigmatisé et non désiré, peut bouleverser toute une communauté. « C’est malheureux à dire, mais on pen- LA SÉLECTION DU JEUDI D OCUM E N TAIR ES sait tous qu’il serait mort à l’heure qu’il est. » Ces propos de son demi-frère résument assez bien la pensée de la police, de la justice et des politiques de la ville ; sans parler de tous ceux qui, citoyens, estiment qu’il est « forcément coupable puisqu’il a été condamné ». Voir réapparaître Daniel dans sa petite ville de Paule (en Géorgie, dans le sud des Etats-Unis) interroge en fait tout le monde et renvoie chacun à ce qu’il était et a fait, il y a dix-neuf ans et depuis, que ce soit à l’égard de Daniel ou de sa famille, tombée en faillite après le déshonneur de la condamnation de Daniel. Rapports au sein de la famille, adaptation de Daniel après sa sortie de l’ombre (les six épisodes de cette saison 1 représentent les six premiers jours de sa liberté retrouvée), ranci et rancœurs d’une partie de cette société qui pense et agit à la Procuste : le talent du créateur de « Rectify », Ray McKinnon (« Deadwood », « Anarchy ») et de ses deux scénaristes, Melissa Bernstein et Mark Johnson (« Breaking Bad »), a d’ores et déjà été salué puisque « Rectify » comptera au moins trois saisons. p « Fusillés pour l’exemple » de Patrick Cabouat France – 2003 – 52 min Cinq cent cinquante soldats français furent fusillés par l’armée française pendant la première guerre mondiale. Ces exécutions « pour l’exemple », décidées par la justice militaire, devaient imposer une discipline de fer dans les tranchées. Ce film écrit par Alain Moreau est le fruit de la première enquête exhaustive sur cette zone d’ombre de l’histoire officielle. LCP – 20 H 30 « Madagascar, une vanille chinoise » de Chris Huby. France – 2014 – 28 min. Depuis vingt ans s’est installée à Madagascar une nouvelle génération chinoise aux méthodes radicales. De jeunes négociants qui s’intéressent à toutes les matières premières de la Grande Ile, dont la vanille malgache que la Chine exige en quantités de plus en plus importantes. Public Sénat – 22 H 30. martine delahaye « Rectify », créée par Ray McKinnon (EU, 2013, 6 × 42 min). Avec Aden Young (Daniel Holden). Saison 1, épisodes 1 et 2. Série « Profilage » (saison 5) Un mafieux qui n’a pas froid aux yeux Giovanni Henriksen, le héros de « Lilyhammer », est de retour… plus givré que jamais CANAL+ SÉRIES JEUDI 16 - 22 H 35 SÉRIE L e revoilà ! Avec sa gueule cassée, ses méthodes douteuses importées des bas-fonds new-yorkais et son flingue en guise de meilleur compagnon, Giovanni Henriksen (Steven Van Zandt) est de retour pour la deuxième saison de « Lilyhammer », la série norvégienne qui a battu des records d’audience dans ce pays comptant seulement 5 mil- MOTS CROISÉS N°14-245 SOLUTION°14-244 lions d’âmes ! Dans cette nouvelle saison, filmée en grande partie à New York, Henriksen continue d’imposer son autorité sur la petite ville de Lillehammer en poursuivant le « rapprochement culturel » entre la vie policée des Norvégiens respectueux des règles communes et celle, sans foi ni loi, des parrains de Big Apple. Rappelons que Giovanni Henriksen est le nouveau nom de Silvio Dante, petit parrain repenti de la Mafia new-yorkaise qui exerçait ses talents dans la série « So- prano », et que le FBI a exfiltré dans la bourgade norvégienne dans le cadre du programme de protection des témoins. Reprendre à zéro ses affaires Sur place, il a vite abandonné la discrétion qui lui était imposée pour reprendre à zéro ses affaires… Il a mis Lillehammer a sa pogne. Et, désormais, entre sa vie de famille compliquée et la gestion de sa boîte de nuit, il n’a guère le temps de s’intéresser à son ancienne vie. Sauf lorsque son ex-as- socié new-yorkais découvre qu’il est toujours vivant… La série écrite par un couple de Norvégiens tient beaucoup sur le jeu de Steven Van Zandt. Acteur et guitariste du E Street Band de Bruce Springsteen, Van Zandt est aussi coproducteur de la série qu’il a réussi à vendre à Netflix, la plate-forme de films en SVOD sur Internet disponible aux EtatsUnis, dans les pays nordiques et en France depuis septembre. Lors de cette deuxième saison, de nombreuses guest stars font leur apparition au cours des huit épisodes. Parmi elles, on notera celle de Paul Kaye (« Game of Thrones ») et d’Alan Ford (Snatch : tu braques ou tu raques). Devant le succès remporté dans les pays où la série est diffusée, les producteurs ont déjà signé pour une troisième saison. p daniel psenny « Lilyhammer », créée par Anne Bjornstad et Eilif Skodvin (EU Nor., 2014, 8 × 46 min). Avec Steven Van Zandt. 0123 est édité par la Société éditrice SUDOKU N°14-245 du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : abojournalpapier@lemonde.fr. 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Chloé Saint-Laurent (délicieuse Odile Vuillemin), la consultante de la police criminelle, revient d’entre les morts pour de nouvelles enquêtes aux côtés du commandant Rocher (Philippe Bas). Une des meilleures séries policières françaises de ces dernières années. TF1 – 20 H 55. Présidente : Corinne Mrejen 5,95€ SEULEMENT 96 PAGES 0123 PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») 24 | carnet 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 Carcassonne. Narbonne. en vente actuellement K En kiosque Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu. cppkxgtucktgu fg pckuucpeg. cppkxgtucktgu fg octkcig Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu. jqoocigu. cppkxgtucktgu fg ffieflu. uqwxgpktu rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou. lqwtpfigu fÔfivwfgu. eqpitflu. rtqlgevkqpu/ffidcvu. pqokpcvkqpu. cuugodnfigu ifipfitcngu Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu. ukipcvwtgu. ffifkecegu. ngevwtgu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AU CARNET DU «MONDE» Collections --------------------------------------------------------- 0123 Décès Paris. Huguette Bergeron, son épouse, Jean-Denis, Sylvie et Bastien, ses enfants et petit-ils, Les familles Bergeron et Lonchamp, ont la tristesse d’annoncer le décès de M. Louis BERGERON, L’inhumation aura lieu le jeudi 16 octobre, dans la plus stricte intimité familiale. La présidente, Le bureau, Le conseil d’administration Et tous les adhérents du CILAC, Comité d’Information et de Liaison pour l’Archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel, Louis BERGERON, membre fondateur et président d’honneur du CILAC, et s’associent à la douleur de sa famille. Son rôle dans la reconnaissance du patrimoine de l’industrie par notre nation fut immense et essentiel, comme son action au sein de The International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage (TICCIH), dont il était président d’honneur. L’inhumation aura lieu dans la stricte intimité familiale. CILAC, BP 20115, 75261 Paris Cedex 06. Paris. Régine exceptionnelle, Régine unique, Régine LAPRONONCIÈRE est partie le 9 octobre 2014. Nous l’aimons. Yveline et ses illes, Gwanaëlle et Bilitis. Mme Janine Mohseni, son épouse, Mme Atessa Mohseni-Leroy, sa ille, Roxane, Jean et Soraya, ses petits-enfants, ont la douleur de faire part du décès de Antoine Degregori, son ils, Jérôme Degregori, Agathe Robache, son ils, sa belle-ille et leurs enfants, Laé et Elisa, Philippe et Geneviève Azaïs, leurs illes, Caroline, Marie-Ange et Cécile, leurs gendres et petites-illes, Béatrice Azaïs Noblinski et ses enfants, Joanna et Benjamin, Pierre Degregori, ont la tristesse d’annoncer le décès de Laurence DEGREGORI, née AZAïS, survenu le vendredi 10 octobre 2014. Un hommage aura lieu le vendredi 17 octobre, à 11 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Une cérémonie se tiendra ensuite le samedi 25 octobre, à 11 heures, à Archiane (Drôme). Fleurs et couronnes à Archiane. Le docteur Louis Descos, son époux, Valérie et Bruno, Catherine, Stéphane et Isabelle, Laurence et Mathieu, ses enfants, Hugo, Clara, Marion, Helena, Carla, Orion, Alice, Lily-Rose, ses petits-enfants Et toute leur famille, Parents et amis, née BAYLE. ont l’immense regret de faire part du décès de Dès mercredi 15 octobre, le DVD n° 18 LE MUR INVISIBLE Information et condoléances sur www.enaos.net (code 2346). Mme Françoise DESCOS, survenu le vendredi 9 octobre 2014, à Paris. ET LA RADIOACTIVITÉ comédien, font part du rappel à Dieu de historien, directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Dès mercredi 15 octobre, le volume n° 4 MARIE CURIE Roger CHRISTOFOL, L’inhumation a eu lieu dans l’intimité familiale, le mercredi 15 octobre, au cimetière de Cité à Narbonne (Aude). Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT. fkuvkpevkqpu. hfinkekvcvkqpu Hors-série ont la douleur d’annoncer le décès de survenu le dimanche 12 octobre 2014, à l’âge de quatre-vingts ans. Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu. Hors-série Roland Mabille, son conjoint, Lucette et André Bales, sa sœur et son beau-frère, leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, La famille Et tous les amis, Elle donnait une force immense à tous ceux qu’elle aimait. La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 16 octobre 2014, à 10 heures, en l’église Saint-Pothin, à Lyon 6e, suivie de l’inhumation au cimetière d’Annecy, dans la plus stricte intimité. Henri GATHELIER, ingénieur INPG 1944, CPA 1958, s’en est allé le mercredi 8 octobre 2014, dans sa quatre-vingt-quinzième année, rejoindre son épouse bien-aimée, Micheline, dont les cendres reposent auprès de lui. Les obsèques religieuses seront célébrées en l’église Saint-Pierre-SaintPaul de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne), côté Sainte-Gemme, le vendredi 17 octobre, à 10 h 30. Les fleurs peuvent être remplacées par des messes ou des dons à des œuvres caritatives. François-Michel et Renate Gathelier, ses enfants, Muriel et Youssef Lebbar, Julien Gathelier, ses petits-enfants, Sophia et Yannis Lebbar, ses arrière-petits-enfants. Mortéza MOHSENI, docteur en droit, directeur général au ministère iranien de la justice, professeur à l’université de Téhéran, avocat au barreau de Téhéran, survenu le 11 octobre 2014, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Une cérémonie du souvenir sera célébrée le vendredi 17 octobre, à 10 h 30, en l’église Notre-Dame-de-Lorette, 18 bis, rue de Chateaudun, Paris 9e. L’inhumation aura lieu dans l’intimité familiale, au cimetière de Deauville. Prions pour le repos de son âme, si compatissante. 48, rue des Martyrs, 75009 Paris. 35, avenue de l’Opéra, 75002 Paris. Tous ses proches ont la tristesse de faire part du décès de Claudine NORMAND, survenu le 10 octobre 2014, à l’âge de soixante-quatre ans. La cérémonie religieuse aura lieu le jeudi 16 octobre, à 10 h 30, en l’église Saint-Martin, à Misy-sur-Yonne (Seineet-Marne). Cet avis tient lieu de faire-part. Ses anciens collègues présentent à sa famille toutes leurs condoléances et se souviendront de son professionnalisme, de sa bonne humeur, durant les 37 années de sa carrière au journal Le Monde. Alain-Gérard Slama, son ils, Mathieu et Paul Slama, ses petits-ils, Florence Gabay-Slama, Gérard, Evelyne et Monique Mayeur, Danièle Vergnon et Claudine Le Clec’h, ses cousins, ont la tristesse de faire part du décès de Suzanne Van RAEPENBUSCH, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. Les obsèques auront lieu en l’église de Port-Mort (Eure), le vendredi 17 octobre 2014, à 11 heures. 2, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris. Mme Gabriel Richet, née Claude Puaux, son épouse, Marie-Claude et Jean-Noël Richet, Isabelle et Patrick Baudelaire, ses illes et gendres, Laure Vermeersch, Virginie et François Rosset-Baudelaire, Pascal et Virginie Vermeersch, Eric Baudelaire, Martin Richet, Julia et Jean-Baptiste Pagniez, Camille Baudelaire, ses petits-enfants et leurs conjoints, Basile, Elsa, Manon, Alice et Jules, Anaïs, ses arrière-petits-enfants, François et Claude Le Chatelier, Laurent (†) et Marie-Antoinette Le Chatelier, Alain Le Chatelier et Roland Pichon, Luc Le Chatelier et Pascale Boyen, ses beaux-enfants et leurs conjoints, Aude et Fabrice Fournier, Olivia Le Chatelier, Raphaëlle Le Chatelier, Olga Le Chatelier, Inès Le Chatelier, ses belles-petites-illes et conjoint, Emma, Arthur, ses beaux-arrière-petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès, le vendredi 10 octobre 2014, dans sa quatre-vingt-dix-huitième année, du professeur Gabriel RICHET, de l’Académie de médecine, grand oficier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, membre des commandos de France 1944-1945. La bénédiction sera donnée le jeudi 16 octobre, à 14 h 15, en l’église SaintSulpice, Paris 6e, suivie de l’inhumation au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, à 17 heures. Le Passage d’Agen. Françoise Sirven, son épouse, Véronique et Michel Sirven, ses enfants, Matthieu, Marie et Lucie, ses petis-enfants Parents Et amis, ont la douleur de faire part du rappel à Dieu de Pierre SIRVEN, professeur de géographie tropicale à l’université de Bordeaux, oficier dans l’ordre des Palmes académiques, oficier dans l’ordre national du Mérite, dans sa soixante-dix-huitième année. Ses obsèques religieuses seront célébrées le vendredi 17 octobre 2014, à 15 heures, en l’église Sainte-Jehannede-France, au Passage d’Agen (Lot-etGaronne). La famille remercie par avance toutes les personnes qui s’associeront à sa peine. Michelle Varatges, son épouse, Florence et Arnaud, ses enfants, Jules et Rose, ses petits-enfants, Marie-José Cook-Varatges, sa sœur, Sa belle-ille Et ses nièces, ont la grande tristesse d’annoncer le décès de Jean-Marc VARATGES, médaillé militaire, croix de guerre TOE, croix du combattant volontaire, médaille coloniale, survenu le 7 octobre 2014. Les obsèques ont eu lieu le 13 octobre, en l’église Notre-Dame de Corroy. 4, rue du Dimot, 51230 Corroy. Anniversaire de décès Cet avis tient lieu de faire-part. Quand fond la neige, où va le blanc ? 76, rue d’Assas, 75006 Paris. 4 janvier 1973 - 15 octobre 2006. Pierre GEISMAR, Marie-Claude et Jacques Hérault-Delanoë, Jean-Philippe Simonel, Laurent-Xavier et Kartiayini Simonel, ses enfants, Thomas, Matthieu, Clémence et Marie, Dhivya et Vikrem, ses petits-enfants, Antoine, Arthur et Camille, ses arrière-petits-enfants, ont la profonde tristesse de faire part du décès de Gisèle SIMONEL, née GNANADICOM, chevalier dans l’ordre national du Mérite, chevalier de l’ordre national de la République de Côte-d’Ivoire, survenu le samedi 11 octobre 2014, à Paris. Un ofice précédant l’incinération aura lieu dans l’intimité. Selon son vœu, ses cendres rejoindront la terre de l’Inde, à Pondichéry. Cet avis tient lieu de faire-part. A notre Pierre tant aimé. Souvenir Le 14 octobre 2004, nous quittait Claude MARTI, publicitaire, conseiller en communication. Ses amis se souviennent et partagent une pensée idèle avec tous ceux pour qui il est encore très présent. 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Visite dans le Mâconnais, au cœur des vignobles de Bourgogne AMY LEANG POUR « LE MONDE » TOURISME mâconnais C e sont des touristes d’un nouveau genre, passionnés par l’histoire, le terroir et le vin. Jamais l’œnotourisme n’a connu pareil succès. Plus de 8 millions de ses adeptes séjournent dans le vignoble français chaque année, profitant des quelque 10 000 caves ouvertes au public. Rien ne semble pouvoir freiner le développement de ce type de loisirs qui séduit aussi bien les Français (un sur cinq choisit sa destination de vacances parce qu’elle est vinicole) que les étrangers (un sur trois vient dans l’Hexagone pour le vin et la gastronomie). Et c’est maintenant qu’il faut partir, quand les vignobles virent au jaune avec quelques touches de rouge. Les vendanges sont terminées, les blancs et les rouges sont rentrés, les sécateurs raccrochés et le millésime 2014 s’annonce bien. Plongée, le temps d’un week-end, dans le Mâconnais,en Bourgogne. Samedi 10 h 30 : balade dans le Pouilly-Fuissé Départ de Chaintré, à quelques kilomètres de Mâcon, pour une virée dans les vignes, jusqu’à Solutré et Vergisson, qui culminent à près de 500 mètres d’altitude. « C’est ça le Mâconnais, on monte et on descend en permanence », dit Hervé Josserand, guide de pays, en arrivant au-dessus de Fuissé. En contrebas, une église romane, transformée aujourd’hui en cuvage privé, témoigne de la richesse du patrimoine. Un parfum de Méditerranée traîne dans l’air avec ces maisons à pierre dorée. On peut flâner dans les villages, pousser les portes des vignerons, discuter… Mais le plus beau point de vue sur les roches de Solutré et de Vergisson se mérite et il est temps de repartir vers Pouilly. Sur la roche de Solutré, à seulement 492 mètres, la vue à 360 degrés sur le Mâconnais est spectaculaire scénographie a été entièrement repensée en 2014 et une large ouverture vitrée dans la paroi permet désormais d’avoir une vue sur la roche de Solutré de l’intérieur du musée. On prend ensuite le chemin qui mène au sommet. Premier coup d’œil à 360 degrés sur le Mâconnais. A seulement 492 mètres, la vue est spectaculaire. A l’est, s’étend la plaine de la Saône. Au nord, Vergisson et le Val Lamartinien. Au sud, le mont de Pouilly, où nous étions il y a tout juste une heure. Vignes et clochers à perte de vue. 17 heures : retour à Solutré-Pouilly Arrêt à l’Atrium, le caveau de l’appellation pouilly-fuissé, pour déguster la Collection 2012 : cinq vins issus des communes de Pouilly-Fuissé (Chaintré, Fuissé, Pouilly, Solutré, Vergisson) et la cuvée prestige « Eclat des roches », coup de cœur de l’année. Arrêt incontournable pour qui veut saisir Le chef Arnaud Lannuel aux fourneaux dans les cuisines du Château de Besseuil. AMY LEANG 15 heures : vers la roche de Solutré Presque personne. Seuls quelques touristes impressionnés par la roche, les parcelles de vignes à perte de vue et le Musée de la préhistoire creusé dans la montagne… La POUR « LE MONDE » toute la finesse de ces beaux vins blancs, produits par 80 vignerons locaux. Un millésime destiné à une belle garde (de cinq à six ans) qui est commercialisé à la cave entre 14 euros et 19 euros la bouteille. Pour ceux qui seraient tentés de rapporter quelques pouilly-fuissé 2010, il faut se dépêcher et compter de 20 euros à 28 euros la bouteille. Dimanche 10 h 30 : la voie verte Changement de décor. On enfourche les vélos, classiques ou à assistance électrique, pour une escapade sur la voie verte qui louvoie entre Charnay-lès-Mâcon et Cluny. Une balade de 18 km à travers prés et collines, bois et vignobles, rythmée par les lavoirs et les châteaux. Direction Prissé, la cave des Vignerons des Terres secrètes, qui viennent d’être labellisés Vignerons en développement durable. Ici, pas de bio ni d’agriculture raisonnée, mais une volonté de préserver l’environnement, le territoire et le travail des hommes. Deux semaines après la fin des vendanges, la fermentation alcoolique est faite. « On est en cours d’élevage, de fermentation malolactique, explique Xavier Migeot, directeur de la première cave coopérative du Mâconnais. C’est cela qui permet au vin d’être moins acide. » Dans les allées, l’humeur est joyeuse. « On est bénis des dieux, lance M. Migeot. Après un été plutôt maussade, le vent et le soleil sont arrivés fin août. 2014 va être un très beau millésime. » Rendez-vous le 20 novembre pour goûter le mâcon villages primeur. BOURG O G N E 13 heures : halte à L’Auberge de Jack, à Milly-Lamartine Chez Jacques et Sylvie Bouchet, dégustation des spécialités locales dans une ambiance de bouchon lyonnais. La carte est riche, avec poêlée d’escargots, tablier de sapeur, rognons à la crème et andouillette sauce moutarde. Sur les murs, des anciennes affiches de cinéma, des vieilles publicités et une dédicace de Jean Ducloux, patron du restaurant Greuze à Tournus, contribuent à donner cette ambiance bistrot que les habitués de la région sont nombreux à venir chercher. Attention ! La table est courue. Mieux vaut réserver. 16 heures : dernière montée vers Berzé-le-Châtel Berzé-le-Châtel sera la l’ultime étape cycliste de la journée. Il faut grimper jusqu’à cet ancien donjon, construit pour défendre l’abbaye de Cluny, qui surplombe toute la région. Aujourd’hui, il ne reste pas grand-chose du donjon, mais le château de Berzé-le-Châtel, construit entre le XIIe et le XVe siècle, offre une vue imprenable sur le Mâconnais. 18 heures : dormir dans des tonneaux Quand Anthony Lafarge, descendant de vignerons de Lugny, décide de planter ses propres vignes, en 2012, il se lance un défi : « Je veux faire le vin le plus naturel possible en utilisant des engrais 100 % organiques. » Aucun produit chimique n’est utilisé. Un travail qui exige de longues journées dans les vignes. C’est là que vous aurez le plus de chance de le rencontrer. Ou dans la cave où, en octobre, il surveille la fermentation. « Plus la fermentation est longue et plus on arrive à avoir une richesse aromatique importante », dit-il. Ce soir, les hôtes qui le souhaitent pourront dormir dans des chambre-tonneaux finlandais placées à l’entrée du domaine, la tête dans les vignes. p martine picouët Dijon Chalon-sur-Saône Mâconnais Tournus Mâcon 50 km D E C A R N E T R O U T E Avant de partir « En route vers les bourgognes », guide pour tout savoir sur les terroirs, les domaines, les caves, les itinéraires. www.vins-bourgogne.fr Application pour smartphones : www.vins-tourisme-bourgogne.com La route des vins mâconnaisbeaujolais : www.route-vins.com Y aller En TGV : 1 h 35 à partir de Paris, 25 minutes de Lyon et 2 h 15 de Marseille (gare de Mâcon-Loché). Où séjourner Le Clos du Grand Bois, à Lugny. Nuit en chambres d’hôte ou en tonneaux finlandais, www.closdugrandbois.fr Château de Besseuil, à Clessé, www.chateaudebesseuil.com Manoir des Grandes Vignes (gîte), www.manoir-des-grandesvignes.com Où se restaurer La Courtille de Solutré, à SolutréPouilly, www.lacourtilledesolutre.fr L’Auberge de Jack, à Milly-Lamartine. Tel. : 03-85-36-63-72. Château de Besseuil, à Clessé, www.chateaudebesseuil.com Où faire une dégustation L’Atrium, à Solutré-Pouilly, www.pouilly-fuisse.net/atrium.html Cave des Vignerons des Terres secrètes, à Prissé, www.terres-secretes.com 26 | 0123 0123 JEUDI 16 OCTOBRE 2014 EUROPE | CHRONIQUE par ar naud l e par m e nt ie r La fin de « la fin de l’Histoire » suite de la première page Le nouveau livre de Fukuyama s’appelle Political Order and Political Decay : from the Industrial Revolution to the Globalization of Democracy (« Ordre et décadence politiques : de la révolution industrielle à la globalisation démocratique », Farrar, Straus and Giroux, non traduit). Certes, tout ne va pas si mal, explique l’universitaire américain. Entre les années 1970 et la grande crise financière de 2008, la richesse mondiale a quadruplé. En 1974, 30 Etats étaient démocratiques, soit moins d’un sur quatre. Ils sont aujourd’hui 120, soit près de deux sur trois. L’année 1989 marqua une accélération de la démocratisation avec la chute du communisme, après l’Amérique latine débarrassée de ses généraux et avant les progrès sensibles enregistrés en Afrique. Il n’empêche, pour reprendre l’expression de l’universitaire de Stanford, l’expert en démocratie Larry Diamond, nous vivons depuis une dizaine d’années une « récession démocratique ». Que s’est-il passé ? Il peut sembler aisé d’évacuer le cas des pays autoritaires, qu’il s’agisse de la Russie de Poutine, du FUKUYAMA COMPARE LE MONDE À UN ESCALATOR VERS LE GRAAL, LE GLORIEUX MODÈLE DANOIS Venezuela de feu Chavez ou des pétrodictatures du golfe Arabo-Persique : ces régimes prospèrent sur la rente des matières premières et peuvent se maintenir sans s’appuyer sur une classe bourgeoise et éduquée. Passons sur le « printemps arabe », qui s’est vite traduit par des votes bien peu libéraux, comme en Egypte : Fukuyama s’en sort en expliquant qu’il a fallu un siècle après le « printemps des peuples » de 1848 pour que l’Europe devienne durablement démocratique. Troisième cas, la Chine. Elle a abjuré le marxisme, mais rejette le modèle démocratique et l’Etat de droit occidental. Elle croit pouvoir se développer, comme elle le fit pendant des siècles, grâce à un appareil d’Etat autoritaire. Pourtant, le système est dans l’impasse : se libéraliser, c’est prendre le risque de laisser filer le Tibet et le Xinjiang musulman et de diviser le pays entre les riches régions côtières et les campagnes pauvres du centre. L’alternative, c’est la tension autoritaire et nationaliste de Xi Jinping, au risque de provoquer des révolutions. Fukuyama contourne la question : d’ici cinquante ans, qui des Chinois ou des Occidentaux pourront offrir un modèle d’avenir ? Certainement pas la Chine, tranche Fukuyama. Et encore moins les islamistes. « Décadence politique » Pourtant, le modèle démocratique n’attire guère. C’est un pis-aller. Et devenir danois n’est pas si facile. Les élections ne suffisent pas. Les régimes politiques doivent satisfaire les aspirations des citoyens. Et, pour cela, il faut une classe politique responsable, un Etat de droit et un Etat tout court. L’Inde, communément désignée comme « la plus grande démocratie du monde », ne répond pas à ces critères : le tiers de ses élus font l’objet de procédures judiciaires ; les tribunaux sont si lents qu’on ne peut pas parler d’Etat de droit ; dans certaines régions, la moitié des enseignants sèchent leurs cours. Même le Brésil, qui a réussi à sortir de la grande pauvreté, peine à adapter son Etat et son système politique à l’émergence majeure d’une classe moyenne, comme l’ont montré les émeutes de 2012 et l’essoufflement du parti de Lula. En résumé, constate Fukuyama, « le problème d’aujourd’hui n’est pas seulement que les pouvoirs autoritaires soient à la manœuvre, mais que beaucoup de démocraties ne se portent pas bien ». Et de citer le problème qu’il « n’avai[t] pas traité il y a vingt-cinq ans, la décadence politique ». L’universitaire s’attaque au modèle américain : toujours attractif sur le plan économique, il ne l’est plus sur le plan politique. Fait de contre-pouvoirs pour se préserver de la tyrannie, le système s’est transformé en « vétocratie », modèle politique où le blocage devient un mode de non-gouvernement. Cette « vétocratie » est inégalitaire – Fukuyama cite notre héros national, l’économiste Thomas Piketty, qui a ouvert les yeux des Américains sur le sujet – et confisquée par une ploutocratie. L’ennui, c’est que cette décadence n’est pas l’apanage des seuls Américains, selon Fukuyama : « La croissance de l’Union européenne et le déplacement de la décision politique du niveau national vers Bruxelles » font que « le système européen dans son ensemble ressemble de plus en plus à celui des Etats-Unis ». Fukuyama compare le monde à un Escalator pour atteindre le Graal, le glorieux modèle danois. Les pays du Nord, eux, en sont réduits à éviter de redescendre. Visiblement, l’Histoire n’est pas finie. p « LE MONDE », L’INVESTIGATION ET LE SECRET DES SOURCES PA R G I L L E S VA N KOT E , D I R ECT E U R I l n’existe pas de démocratie sans liberté de la presse. Il ne se conçoit point de presse libre et indépendante sans sources d’information, qu’elles soient officielles ou secrètes. La Cour européenne des droits de l’homme a sanctuarisé cette évidence. Et pourtant, l’hebdomadaire Valeurs actuelles a choisi, dans sa livraison du 16 octobre, de consacrer un article à nos collaborateurs Gérard Davet et Fabrice Lhomme, chargés de l’investigation au Monde et auteurs de nombreuses révélations sur des affaires sensibles, notamment celles dans lesquelles le nom de Nicolas Sarkozy est cité. Au mépris de toutes les règles déontologiques, une partie de leurs rendez-vous professionnels y sont détaillés, relatés par le menu. Valeurs actuelles ne conteste pas le fond de nos dernières révélations : la mise en cause de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion, sur le financement illégal de la campagne présidentielle de 2012 ; l’ouverture d’une information judiciaire sur un soupçon de corruption, visant l’entourage de l’ancien président, en marge de contrats avec le Kazakhstan. Valeurs actuelles ne conteste pas non plus nos révélations précédentes sur l’affaire dite « des écoutes, », dans laquelle M. Sarkozy a été mis en examen. Faute de pouvoir réfuter nos informations sur le fond, l’hebdomadaire préfère s’en prendre à nos sources et tenter de discréditer notre travail. Ce n’est malheureusement pas la première fois que Le Monde subit ce type d’attaque. Doit-on rappeler que Gérard Davet a été l’objet de surveillances téléphoniques, en 2010, dans l’affaire Bettencourt ? Doit-on redire que Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ainsi que plusieurs confrères enquêtant comme eux sur l’affaire Bettencourt, ont été visés par des cambriolages suspects, jamais élucidés ? Doit-on souligner qu’ils ont été tous deux, très récemment, de même que leur famille, l’objet de menaces circonstanciées, ce qui leur a imposé d’être placés sous protection policière permanente depuis septembre ? Au vu de l’article de Valeurs actuelles, il apparaît maintenant que les faits et gestes de nos collaborateurs étaient surveillés et qu’ils ont été probablement suivis. Ces méthodes visent clairement à empêcher nos journalistes d’effectuer leur travail d’investigation. Elles constituent une atteinte au secret de nos sources totalement inacceptable. Comme nous l’avions fait dans l’affaire des « fadettes », Le Monde va saisir la justice. Nous allons demander au parquet de Paris d’ouvrir une enquête pour espionnage et déposer une plainte pour diffamation et injure. L’enjeu dépasse notre journal et nos journalistes : la protection des sources ne constitue pas un privilège, mais « une des pierres angulaires de la liberté de la presse », a jugé la Cour européenne des droits de l’homme. Sans sources d’information indépendantes, sans moyens d’investigation, le journalisme ne peut plus s’exercer. Le Monde ne se laissera pas intimider et poursuivra sans relâche son travail d’enquête dans tous les domaines. p Tirage du Monde daté mercredi 15 octobre : 284 233 exemplaires