L`homme de lettres Coutard et le monde des poètes
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L`homme de lettres Coutard et le monde des poètes
UN CONSEILLER MUNICIPAL CHANSONNIER-CONFERENCIER : ALPHONSE COUTARD (1862-1924) En 1924, il y a donc presque 100 ans, Le Cri du Peuple, journal sous contrôle du parti socialiste SFIO édité à Brest, publiait l’article ci-joint signé par un Crosnois qui connut une certaine notoriété à la fin du XIXe-début du XXe siècle : Alphonse Coutard. D’une famille originaire de Betz (Oise), il naquit en 1862 à Paris 12e où son père était ébéniste. L’homme de lettres Employé de commerce, il va très tôt s’intéresser aux « belles lettres » et au théâtre. En 1881, il devient l’élève de Léon Ricquier, un artiste dramatique au Théâtre du Vaudeville, Président de la Société de Lecture et de Récitation qui avait pour objectif de « faciliter aux jeunes les moyens d’étudier la littérature française et d’aimer la poésie, pour en faire des hommes sérieux et des patriotes convaincus ». Dès cette époque, A. Coutard s’illustre en participant à de multiples manifestations artistiques et culturelles. Il devient professeur à l’Association philotechnique ; créée en 1848, celle-ci dispense des enseignements culturels, techniques et artistiques, à des adultes désireux de développer leur formation et leur culture générale, dans un esprit laïque et apolitique. A. Coutard donne de nombreuses conférences publiques et gratuites dans des bibliothèques et des salles de spectacles parisiennes sur des thèmes variés : Victor Hugo, Le rire dans la littérature, Les chansonniers modernes, La vie en chansons, Les ouvriers poètes,… Si la production littéraire personnelle d’A. Coutard n’a guère retenu l’attention, même de ses contemporains, il est unanimement reconnu comme un fervent défenseur des « belles lettres » qu’il tenta de promouvoir comme « diseur » émérite, professeur de diction et conférencier infatigable, ce qui lui valut de recevoir les palmes académiques en 1897. Coutard et le monde des poètes-chansonniers montmartrois Ami de nombreux chansonniers parisiens comme Xavier Privas, Eugène Lemercier, Pierre Trimouillat,… , il participe avec eux à l’activité des goguettes ou des sociétés-chantantes très célèbres à l’époque : la Lice chansonnière, La Société Lyrique du Caveau, L’Oeuvre Eclectique, la Société littéraire et dramatique, … Coutard s’installe à Crosne Il quitte Paris en 1906 et s’installe avec sa famille à Crosne dans la propriété qu’il vient d’acheter connue dans la commune sous le nom de « Maison Boileau » (l’écrivain Nicolas Boileau aurait passé une partie de son enfance dans cette maison qui appartenait à son père et qui est située au bas de l’actuelle rue Boileau). Elu conseiller municipal en 1908, Coutard participe activement à la vie de la commune. En outre, il organise à Crosne des conférences, des fêtes et des concerts pour lesquels il fait venir ses amis chansonniers. L’un d’eux, Edmond Teulet, résidera même dans la maison Boileau devenue le siège de la revue Le Grillon dont il est le rédacteur. A. Coutard participe naturellement à ce journal mais aussi à d’autres comme La Musette. En 1906, en collaboration avec ses amis, il fonde à Crosne une société La Chanson aux Champs dont la vocation est de « lutter en faveur de la bonne et saine chanson, celle qui puise ses aspirations dans la Nature et dans les nobles sentiments de l’âme [… et de poursuivre] le bon combat contre la chanson sale, la chanson crapuleuse ou bêtement sentimentale ». Le personnage et sa famille A défaut de la photo d’A. Coutard, voici un portait-charge. Son ami, E. Lemercier, le décrit ainsi: « le très long Coutard » qui « avait l’air d’un caniche sortant de la baignade […] Le dos légèrement vouté […] ses longues mains fichées au bout de ses longs bras […]. Sa mèche napoléonienne […] » ; il le qualifie de « Napoléon de la Chanson Française pour toutes les victoires qu’il a fait remporter justement à cette chanson ». Il rend aussi hommage à l’épouse de Coutard qui, par « son amabilité native et son sourire accueillant, […] mérite bien le titre de Châtelaine de Crosne ». Le couple eut plusieurs enfants dont un fils décédé à Crosne en 1920, une fille qui devient ingénieur-chimiste vers 1922 et une autre qui fut assistante sociale et dont les « anciens » Crosnois ont sans doute encore le souvenir car elle vécut dans la maison Boileau jusqu’à son décès en 1989. Le conseiller municipal Aux élections municipales de 1908, la liste de l’équipe sortante qui se dit apolitique est opposée à celle présentée par le Comité d’Union des Républicains Radicaux et Socialistes de Crosne sur laquelle figure Coutard. C’est lui qui arrive en tête de tous les candidats pour le nombre de voix, il est donc élu, mais sa liste ne remporte que 3 sièges sur 12. Il n’en participe pas moins très activement à la vie municipale comme membre de plusieurs commissions (scolaire, budget, chemins, éclairage, fêtes,…) défendant avant tout les intérêts communaux, mais toujours dans un esprit républicain et laïque. Ainsi en 1908, en accord avec la loi de séparation de l’église et de l’Etat de 1905, il s’oppose à l’érection d’une croix « symbole de la religion catholique » dans le cimetière de la Guette nouvellement créé, le lieu « étant affecté à tous les cultes ». En 1912, la liste dite Républicaine d’intérêt communal est battue par celle du Comité qui, cette fois, remporte les élections (9 conseillers sur 12). Au 1er tour de l’élection du maire, A. Coutard est élu, mais il refuse cette fonction « parce qu’il tient essentiellement à rester au poste de combat où l’ont placé les Républicains de Crosne et que, dans ces conditions, il ne veut pas créer une dualité incompatible entre les deux fonctions de Maire et de Président du Comité Républicain. ». Toujours conscient de l’importance que l’instruction peut avoir, il crée en 1912 L’Association Philotechnique de Crosne qui, cette année-là, dispense à titre gracieux aux personnes des deux sexes de plus de 13 ans, des cours d’arithmétique, de comptabilité, d’anglais, de solfège et de chant, de dessin industriel et de dessin d’art,… Coutard est le Directeur des cours et la Mairie, qui alloue une subvention de 600 fr, est de droit président d’Honneur. Les cours continueront à fonctionner même après le décès de Coutard. En 1919, usure du pouvoir, dissensions locales au sein des Radicaux et RadicauxSocialistes,… ? La liste Républicaine et d’Ententes des intérêts communaux gagne les élections (9 conseillers sur 12) et A. Coutard n’est pas réélu. Défendre la « bonne chanson » jusqu’au bout ! Il poursuivit jusqu’à la fin, son activité au service de la chanson, comme en témoignent sa causerie sur Le Caveau lors des fêtes de Montmartre en 1922 ou sa participation à l’organisation par l’association Léopold-Bellan d’un concours de chansons en mars 1924. Il décède à Crosne le 22 septembre 1924 et est enterré au cimetière du Père Lachaise. Sources : Archives municipales Crosne, Archives départementales 94 et 91, Gallica BNF, Archives privées M. Biau et Mlle Vaysse.