Guillaume IX d`Aquitaine, sa majes
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Guillaume IX d`Aquitaine, sa majes
histoire UNE ŒUVRE AU MUSÉE Ecce Homo Un Dieu de beauté Sous les traits d’un Christ idéal campé sur un piédestal, André Brouillet revisite le thème biblique de l’Ecce Homo, littéralement « Voici l’homme », titre du tableau. Guillaume IX d’Aquit Épris de femmes et de poésie, Guillaume IX, duc d’Aquitaine, est considéré comme le père des Troubadours et le précurseur de l’amour courtois. U n corps sculptural, une musculature vigoureuse, un déhanché accusé : le Christ exposé aux regards a tout pour fasciner. Sur cette œuvre monumentale, André Brouillet (1857-1914), peintre poitevin élève de Laurens et Gérôme, dévoile – mais point trop, restons décents ! – une vision idéale du corps masculin. Jésus, visage vide incliné, nimbé d’or, a les hanches ceintes d’un voile, paravent de morale qui souligne son impeccable anatomie. Édulcorés les défauts, évincée la pilosité corporelle. Exit les marques de souffrances, la couronne d’épines, les traces sanglantes de flagellation. Rejeté le manteau de pourpre. Plaçant les bras derrière le torse, l’artiste occulte les poignets ligotés du condamné. Dans son Ecce Homo, André Brouillet s’affranchit du récit biblique et des © Christian Vignaud À représentations traditionnelles du thème. Il travestit le texte en faveur d’une esthétique lisse, chère à la peinture académique. Oserait-il brouiller beauté surnaturelle et beauté artificielle ? Avant la crucifixion, Pilate désigne Jésus couronné d’épines et lance à la foule « Voici votre homme ! ». Celle-ci s’époumone « À mort ! Crucifie-le ! » Avec cette toile, réalisée pour le Salon de l'Académie des beaux-arts de 1880, le peintre témoigne de sa volonté de décrocher des commandes monumentales. Les critiques, s’ils conviennent du savoir-faire de l’artiste, railleront l’œuvre : « Elle n'a pas l'expression idéale, et encore moins divine, de la légende consacrée des siècles de foi. » À défaut d’acquéreur, le peintre en fait don au musée des Beaux-Arts de Poitiers, non sans susciter la fierté de son paternel, directeur du musée. PoitiersMag – page 34 – AVRIL 2015 – N°225 l’heure où les clercs ne jurent que par le latin, Guillaume I X (10 70 -1126), dit le Troubadour, compose des rimes en occitan. Alors que les récits épiques faisant l’éloge des guerres sont légion, les poésies du duc célèbrent l’amour, les femmes et ses performances d’amant. Destinés à être chantés et mis en musique, onze de ses poèmes ont traversé le temps. Des chamboulements culturels s’y révèlent : la langue d’oc rivalise avec le latin ; un amusement de baladin bon à égayer les banquets est érigé en art ; la condition féminine évolue et, dans son sillage, éclot un nouvel art d’aimer. Seigneur des poésies courtoises Guillaume dessine un nouvel idéal de la dame et des sentiments à l’origine de l’amour courtois, ou fin’amor, qui va triompher à la cour d’Aliénor. L’homme, vassal de sa dame, est dévoué corps et âme à la combler. La belle convoitée est souvent mariée, ce qui prolonge l’élan du poète qui mêle désir sensuel et amour spirituel. La production littéraire des troubadours, amorcée par Guillaume IX, s’étend sur deux siècles et gagne l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre. Plus tard, Boccace et La Fontaine reprendront la trame d’un poème de Guillaume où il feint d’être muet pour séduire deux belles. Amours tumultueuses Celui qui n’aime pas ne peut chanter l’amour. Guillaume IX se marie deux fois et cumule les aventures. Ses passions nourrissent son talent. Le duc, marié, s’éprend éperdument de la femme de son vassal le vicomte de Châtellerault. Cette relation adultère avec Dangerosa, dite la Maubergeonne, fait scandale. L’Église la réprouve férocement. Fi ! Guillaume IX établit sa maîtresse dans son palais de Poitiers, grave son portrait sur son écu. Certains disent qu’elle 35 taine, sa majesté des Troubadours 1085 : Guillaume IX devient duc d’Aquitaine. Pour régir ce vaste duché, il jongle entre les intérêts de sa dynastie et ceux de l’Église, arbitre les querelles entre ses vassaux. 1101 : il réchappe à une tragique croisade. 60 000 hommes sont massacrés par des cavaliers turcs dans le désert anatolien. 1120 : Guillaume IX remporte une victoire décisive contre les Sarrazins lors de la Reconquête espagnole. Je ferai neuv e chansonnette Avant qu’il vente, gèle ou pleuv e ; Ma dame me met à l’épreuv e, Pour jauger la qualité de mon amour ; Mais jamais, pour grief qu’elle n’invoque, Je ne m’affranchirai de son lien. Car, au contraire, je me rends et me livre à elle, Et elle peut m’inscrire sur sa charte. Ne croyez pas pour autant que je sois ivre Si j’aime ma si parfaite dame. Car sans elle, je ne puis vivre, Tant j’ai faim de son amour. "Guillaume IX - Ex traits de la 8e chanson" Légende. y figurait nue… Les amants marient leurs enfants : le fils aîné de Guillaume IX épouse la fille de la vicomtesse. Aliénor d’Aquitaine naît de ce mariage. Dangerosa est-t-elle la muse qui a inspiré à Guillaume le Troubadour les vers de la 8e chanson ? (lire ci-dessus) Mystère… INFO EN + Troubadour, de l’occitan trobar, désigne celui qui « trouve ». C’est un trouveur de mots en langue d’Oc, de rimes et de sons. Le trouvère, lui, compose en langue d’Oïl. Une abbaye pour sauver une dynastie controversée S i l’ancien donjon du palais construit par Guillaume IX, la tour Maubergeon, doit sans doute son nom à Amalberge, sa maîtresse, un autre édifice de Poitiers est intimement lié au duc. L’église Saint-Jean de Montierneuf est la plus vaste église romane de Poitiers. L’abbaye est construite par Guy-Goeffroy Gu i l l au me , p è re d e Guillaume IX - son fils aîné. Guillaume est le fruit d’une union controversée. Le pape réprouve la parenté des époux, Guy-Goeff roy étant le cousin éloigné d’Audéarde de Bourgogne. Or, si la validité du mariage est remise en cause, c’est la légitimité de l’héritier et par là même l’avenir du duché qui seraient compromis. Pour se concilier l’indul- gence de l’Église, Guy-Geoffroy Guillaume fait construire Saint-Jean de Montierneuf. L’abbaye clunisienne, richement dotée, est achevée par son fils Guillaume Le Troubadour. Le pape la consacre en 1096. Père et fils sont inhumés dans l’église, mémorial d’une dynastie ducale. N°225 – AVRIL 2015 – page 35 – PoitiersMag