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Cahiers d' information politique de Monsieur Paul Une Trilogie Politique pour le XXIème siècle. Paul THUNISSEN 1er mai 2015 POUR UN AUTRE MODELE DE GOUVERNANCE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE POUR UN AUTRE MODELE DE CROISSANCE DECROISSANCE POUR UN AUTRE MODELE DE RECONNAISSANCE REVENU1GARANTI « La peur est une abdication de notre souveraineté, une bonne information est une arme, dénoncer l'injustice politique, économique, fiscale et sociale est un droit, s'y opposer est un devoir » Paul THUNISSEN 2 Avant Propos Il y a plus de quarante ans que je m’intéresse à la politique de mon pays sans pour autant briguer l’une ou l’autre fonction. Pendant tout ce temps, j’ai observé le jeu politique et ses intrigues. Les événements qui ont marqué la fin du XX e siècle furent nombreux : l'éclatement de l'URSS, la chute du mur de Berlin, la réunification de l'Allemagne1 ou encore le glissement des démocraties populaires vers des démocraties plus libérales. La Pologne devint le modèle suivi par les opposants aux démocraties populaires. « L'automne des peuples » était en marche. Mais la chute du mur de Berlin fut surtout l'occasion pour le Bloc de l'Est de s'essayer à la démocratie. Cette transition démocratique s'accompagna dans de nombreux cas d'une montée en puissance des nationalismes, vecteurs de nouveaux conflits, en ce compris dans les Balkans où les serbes, les croates et les slovènes s'affrontèrent. La Yougoslavie cessa d'exister. Les accords de Dayton2 entérinèrent la création de cinq états tandis que la Tchécoslovaquie se scinda en deux états indépendants : la Tchéquie et la Slovaquie. 1 De grandes manifestations des Allemands de l'Est provoquèrent la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. La réunification de l'Allemagne eut lieu officiellement le 3 octobre 1990. 2 Dayton est une ville américaine (Ohio). Les accords de Dayton mirent fin aux conflits inter-ethniques des Balkans. 3 Suite à ces événements, le monde libre – les américains en tête – commença à sommeiller songeant que l'économie de marché naissante dans les anciennes contrées communistes le mettait à l'abri des conflits. Chacun s'est occupé de ses petites affaires sans se rendre compte que d'autres économies émergeaient et que l'islamisme radical faisait son grand retour. Dans le même temps, profitant que leurs populations avaient les yeux rivés ailleurs, l'Europe et les États-Unis scellèrent un préaccord entre l'industrie financière mondiale et l'OMC, et le développement de l'économie mondialisée aboutit à des « Accords transatlantiques ». Nous en reparlerons au cours de cet essai car les conséquences, à très court terme, risquent d'être tragiques pour les démocraties européennes. Le présent manifeste tient compte des transformations qui s’opèrent, scrute le passé et propose une solution d'avenir. Toutefois, tant que nous nous accrocherons à nos habitudes et à nos certitudes, que nous refusons de nous informer et de nous engager et que nous attachons plus d'importance à nos sécurités qu'à nos libertés, rien ne sera possible. Les événements que nous avons connu ces quarante dernières années et les difficultés que les jeunes en décrochage scolaire ou fraîchement diplômés affrontent déjà ou s'apprêtent à affronter ne sont rien – absolument rien – en comparaison aux événements qui se préparent, aux événements qui nous imposeront un quotidien bien différent et nettement moins agréable d'ici une dizaine d'années maximum. 4 Les autorités nous mentent par omission. Si nous ne recherchons pas l'information nous-même, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer. INFORMEZ-VOUS CAR NOTRE SYSTEME MONETAIRE S'ECROULERA NOS LIBERTES N'EXISTERONT PLUS DU TOUT LA CLASSE MOYENNE DISPARAITRA LES PAUVRES SERONT MAJORITAIRES L'INDUSTRIE FINANCIERE DOMINERA LA DEMOCRATIE DANS LES DIX ANNEES QUI VIENNENT L'accueil d'un concept différent de celui imprimé dans les mémoires aux fil des siècles et l'abandon des modèles partisans à partir de programmes construits sans consultation avec la population est indispensable et nécessite une capacité d'ouverture aux idées neuves, un esprit critique et l'acceptation du risque que représente l'engagement. Ce concept se présente sous forme d'une trilogie visant à • • • favoriser un modèle de gouvernance réellement démocratique, développer un modèle de croissance réellement socioéconomique. offrir un modèle de reconnaissance réellement humaniste. Paul THUNISSEN 5 LE CONSTAT I. Le retour des radicalismes religieux 11 II. La dépression des démocraties 17 III. L’institutionnalisation de l'injustice 27 IV. L’État Social Actif ou le sabordage de la démocratie33 V. La mondialisation 38 VI. L 'assassinat des libertés individuelles 53 VII. Le manque de concertation entre les Communautés et les régions 56 PREMIERE LOGIQUE Une participation à la vie politique I. II. II. IV. IV. V. VI. La démocratie ! C'est quoi ? Les fondements de la démocratie Pourquoi défier la démocratie représentative ? Les priorités de la démocratie participative Les dix atouts de la démocratie participative La démocratie participative : un outil Prérequis en démocratie participative 61 70 75 77 82 84 89 DEUXIEME LOGIQUE Une économie différente I. II. III. La croissance, c'est quoi ? La croissance mondialisée Conséquences de la croissance indifférenciée 6 97 100 103 IV. Vers un autre modèle de croissance 106 TROISIEME LOGIQUE un Revenu Garanti I. II. III. IV. V. Un système social et fiscal dépassé Les fondements philosophiques du Revenu Garanti Le débat Les principaux courants Redéfinir le travail 7 113 118 124 130 132 8 LE CONSTAT 9 10 I. LE RETOUR DES RADICALISMES RELIGIEUX «Le XXIè siècle sera religieux ou ne sera pas ». Si l'on en croit cette citation, attribuée à André Malraux, on aurait pu prévoir le réveil des fanatismes et des radicalismes. 1. Al-Qaïda Le 29 décembre1992 deux bombes explosèrent à Aden (Yémen). L'attentat fut revendiqué par le groupe islamique AlQaïda. Ce nom s'imprimera dans les mémoires. Ces terroristes déclarent la guerre aux américains et à leurs alliés, et les attentats se multiplient contre les intérêts américains en Libye, Éthiopie, Arabie Saoudite, Pakistan, Philippines, Kenya, Tanzanie, États-Unis, Tunisie, Bali, Afghanistan, Jordanie, Yémen, Maroc, Irak, Turquie, Espagne, Égypte, Mauritanie, Angleterre, Suède, Inde. 2. Les Talibans De 1996 à 2001, ignorant les droits humains les plus élémentaires, , les talibans maintinrent l'Afghanistan sous le joug d'une dictature religieuse fanatique. Des hommes, femmes et enfants furent exécutés, mutilés et torturés pour des « crimes » aussi dérisoires que d'avoir fait voler un cerf-volant, porté du maquillage ou regardé la télévision. 11 Le 11 septembre 2001 les américains et le monde libre se réveillent brutalement lorsqu'un attentat revendiqué par AlQaïda touche New York en plein cœur et fauche environ 3000 âmes. Un attentat avait déjà visé le centre d'affaires le 26 février 1993 faisant plus d'un millier de blessés et six morts. 3. Le printemps arabe Parallèlement à cet islamisme radical, les peuples arabes refusent désormais la dictature et chassent leurs dirigeants. C'est le « le printemps arabe » qui commença par la révolution tunisienne le 17 décembre 2010 suivie par la révolution égyptienne et celle du Yémen. A Bahreïn, les résultats furent mitigés, tandis qu'en Syrie la révolution tourna en guerre civile et la résistance de Bachar el-Assad fit plusieurs milliers de morts en Syrie. 4. L’État Islamique Profitant du chaos en Syrie et en Irak ainsi que des conflits inter-ethniques, un groupe islamique très radical, très organisé et extrêmement dangereux, s'imposa peu à peu. Il règne aujourd'hui sur un territoire grand comme la Belgique. L'État Islamique, issu d'une branche de Al-Qaïda, vient d'y instaurer un califat pur et dur. Il revendique enlèvements et assassinats et est responsable de l'attentat de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Ils torturent, ils mutilent, ils tuent pour des « crimes » comme celui d'avoir regardé la retransmission d'un match de football entre l'Irak et la Jordanie lors de la coupe d'Asie des Nations. 12 C'est ainsi que treize enfants irakiens furent assassinés le 12 janvier 2015 à Mossoul. Du déjà vu ! 4. Boko Haram Un autre groupe djihadiste poursuit l'objectif d'instaurer un califat sur un État à cheval sur le Nigeria et le Cameroun. Le 7 mars 2015, deux mois jour pour jour après l'attentat de Paris, ce groupe a prêté « allégeance » à l’État Islamique, ce qui en fait le plus puissant groupe terroriste au monde. Depuis la chute du mur de Berlin de nombreuses mutations ont lieu et les défis que rencontrent les jeunes générations n'ont plus rien en commun avec ceux de leurs pères. 5. Causes du terrorisme Il y a 1400 ans déjà que le terrorisme islamique fit son apparition suite à l'assassinat en 656 du Calife Othmane. Depuis cette époque, les arabes radicaux exterminent les musulmans modérés et aujourd'hui les sunnites – radicalisés depuis l'intervention américaine en Irak – se sont alliés à l’État Islamique pour exterminer les chiites modérés. Trois causes favorisent l'enrôlement des jeunes dans des filières islamiques : 13 La pauvreté et le chômage – La marginalisation des individus provoquée par l’institutionnalisation des injustices sociales et fiscales, le manque d'écoute des autorités, des stratégies subversives du pouvoir, – Le chômage croissant des jeunes provoqué par les politiques libérales de l'emploi, – La paupérisation galopante : un belge sur sept vit dans la misère, et bientôt se sera un sur cinq. Ceux qui sont les moins (in)formés succombent facilement à la démagogie de l’extrémisme et aux fausses promesses des groupes terroristes. L'Indifférence du pouvoir « Si vis pacem, para bellum 3» (« si tu veux la paix, prépare la guerre », ne semble pas être assimilé par nos autorités qui se préparent peu à une offensive djihadiste probable et en particulier les autorités belges. C'est ainsi qu'elles ont refusé un visa à Vian Dakhil4 et trois yézidies5 d'Erbil, invitées par l'Europe le 26 mars 2015 à témoigner devant un parterre de parlementaires des atrocités commises sur les femmes par l’État Islamique. 3 4 5 Adage attribué à l'auteur romain Végèce (fin du IVè et début du Vè siècle.) Représentante yézidie au Parlement Irakien Le yézidisme est une religion de l'Iran antique et pratiquée encore de nos jours par les kurdes. 14 La faiblesse du pouvoir La faiblesse du pouvoir est illustrée par des situations comme l'oisiveté forcée des jeunes, le manque d'écoute de nos dirigeants, l'abandon des leviers de décision économique aux multinationales et aux banques. l' invulnérabilité de l'industrie financière que les dettes engraissent, l'impuissance des structures démocratiques à faire face à la gouvernance économique privée….Toutes ces situations forment le terreau idéal à la radicalisation. Comme les autorités ne se préparent pas, elles ne peuvent faire face à toute éventualité. Le terrorisme se développe alors, frappe qui il veut, quand il veut, où il veut. C'est un ennemi silencieux, incolore, inodore, qui, comme le gaz, se répand partout jusqu'à ce qu'une étincelle fasse voler en éclat nos certitudes. C'est donc à nous d'entrer en lice : Les citoyens européens et leurs alliés doivent imposer à leurs dirigeants de mettre en œuvre sans délai des stratégies militaires fortes pour enrayer l'avancée de tous les mouvements radicaux qui minent peu à peu les fondements même de nos libertés. La participation active des citoyens à la vie politique pourrait, sinon enrayer le phénomène, du moins le ralentir. Le combat aura lieu simultanément sur plusieurs fronts puisque nous nous ressaisirons du gouvernail de la démocratie (démocratie participative), nous développerons des stratégies innovantes en matière de politique économique, fiscale et 15 sociale (décroissance et revenu garanti), nous prendrons conscience – des peurs qui nous habitent en prenant conscience des effets bénéfiques de la dynamique des groupes, – de individualisme qui nous aveugle – du radicalisme qui menace de l'intérieur et de l'extérieur, – de l'oisiveté plus que le chômage – des ravages de l'industrie financière en mettant en place des systèmes réellement démocratiques. Nous nous rendons trop peu compte de la fragilité de nos démocraties et nous ne prenons pas suffisamment conscience que rien n'est jamais acquis définitivement. 16 II. LA DEPRESSION DE NOS DEMOCRATIES 1. La perte de la confiance Il faut bien dire ce qui est : les démocraties sont en dépression et on craint le suicide. Le taux de chômage élevé qui frappe les européens et les américains, le discrédit qui pèse sur les dirigeants et les institutions, les valeurs démocratiques assiégées par une gouvernance économique qui en prend peu à peu le contrôle… sont les symptômes les plus visibles. Si on en croit nos dirigeants : « tout çà va s'arranger ». D'accord, on a connu pire comme le pic du chômage en 1933 6 ou l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Toutefois, les citoyens européens ne doivent pas ignorer les tendances politiques inquiétantes qui les accablent, car, en refusant de s'informer par eux-même, il ne comprennent pas en quoi la gravité des derniers développements politiques devraient les intéresser. La rage taxatoire qui impose aux citoyens européens toujours plus d'austérité, sans que la croissance ne reprenne des couleurs est dommageable pour deux raisons : – Comme politique économique, elle a aggravé la situation de 6 On l'a appelée « la Grande Dépression » qui dura de 1929 (Krach boursier aux États-Unis) jusqu'à 1940. Le chômage explosa (24,9 % de chômeurs en 1933) provoqué notamment par la faillite de 773 établissements bancaires aux États-Unis. 17 l'emploi sans restaurer la confiance, ce qui provoquera très bientôt une récession suivie de l'effondrement de notre système monétaire. – Comme politique sociale, elle déchaîne la colère des citoyens, car ce qu'ils perçoivent est qu'une injustice sociale sans précédent les assaille. Ce qui va arriver donne des frissons dans le dos quand on voit ce qui se prépare en Hongrie notamment7. Si les causes sont différentes de celles de la Grande Dépression des années '30, le résultat est le même : – La consommation chute : les gens savent de moins en moins dépenser du fait des politiques d'austérité : – L'investissement chute : les gens préfèrent garder leur biens sous forme de monnaie plutôt que d'actifs productifs. 1. Les réformes accentuent les inégalités Revenons un instant chez nous, en Belgique : En 1970 eut lieu la première réforme de l’État depuis sa création en 1830. En décembre 2011 un accord institutionnel intitulé « Un état fédéral plus efficace et des entités plus autonomes » prévoyait déjà la sixième réforme. Après avoir institutionnalisé trois communautés culturelles (1970), après avoir créé les Région Wallonne et Flamande (1980), après avoir créé la Région Bruxelles-Capitale (19881989), après avoir constitué la Belgique en État Fédéral (1993), après avoir élargi les compétences régionales à l'agriculture et 7 Voir mon Cahier d'information Politique : « L'Europe des populistes ». 18 au commerce extérieur (2000-2001), voilà qu'on nous promet aujourd'hui un état fédéral plus efficace et des entités encore plus autonomes. Ces différentes réformes ont aggravé les inégalités entre les citoyens. Par ailleurs, comme on le verra au cours de cet essai, leurs libertés individuelles et collectives ne sont plus garanties. Pourtant, rien n'arrête les gouvernements qui poursuivent leurs mensonges en distillant dans les esprits les plus vulnérables que cela ira mieux et qu'on leur fasse confiance. Comment pourrait-il en être autrement ? : Les citoyens qui, en fonction de leur quotidien détiennent une fraction de la solution, n'ont pas les moyens techniques pour la concrétiser. 2. Le déni de tout idéal moral ou religieux En filigrane, je m'aperçois, au-delà de ce qui est visible à l’œil nu, que depuis les années '70, la Belgique, comme le reste de l'Europe, perd peu à peu le sens de l'idéal. Aujourd'hui, chaque belge est seul face à lui-même et ne peut plus compter sur la société qui, en pleine dépression, vit sans avenir. Cette société dépressive, nous l'avons engendrée nous-même en valorisant l'individualisme et le narcissisme, et en dévalorisant des lieux communs de réflexion tels que la morale ou la religion. La morale est vecteur de réflexion, de choix, de prise de décision portés par des références enracinées dans le passé. 19 Confronter notre expérience à des réalités morales – laïques ou religieuses – favorise la découverte de notre intériorité, de notre « fort intérieur » et développe en nous l'art de choisir le comportement qui convient le mieux. Ce n'est pas une limite, mais c'est ce qui rend la vie possible. Sans morale, aucun choix n'est possible. Quoi qu'on en pense, la morale et la religion ne sont pas des lieux privés, mais au contraire des lieux d'intégration sociale. Tant que nous n'aurons pas compris cette vérité, nous serons malades de solitude et incapables d'anticiper l'avenir. La perte de la Foi, de la Confiance et de la Fidélité . Une société dépressive est une société qui n'a plus la Foi, qui n'a plus Confiance en elle-même, et qui n'est plus Fidèle à ses propres engagements. Foi, confiance et fidélité se traduisent en latin par un même mot : fides. Les gens doutent du sens de leur existence : pourquoi dois-je vivre ? pourquoi devrais-je aimer, travailler ou mourir ? C'est l'impasse. Nous n'avons plus pour soucis que de veiller sur notre épanouissement personnel. Notre société individualiste ne croit plus en la dynamique de groupe, refuse la confrontation des idées, et évite l'affrontement et l'engagement. Pourtant ne diton pas que du choc des idées jaillit la lumière. A défaut de s'inscrire dans un réel choix de vie, en refusant de 20 choisir les contraintes de sa vie, nos centres d’intérêt se réduisent, nos tissus sociaux s'appauvrissent et notre vie devient tristesse. 3. La fausse croyance des acquis sociaux Comme je le disais précédemment, nous prenons trop peu conscience que rien n'est jamais acquis définitivement. Lorsqu’en 1973, j’ai décroché mon premier CDI, une déléguée syndicale m'a très rapidement invité à m'inscrire dans un syndicat et à payer ma cotisation, comme si cela coulait de source. Nous avons abordé très rapidement le sujet des acquis sociaux. En l'écoutant, je songeais que c'était une ineptie de défendre des acquis sociaux car, sans très grande expérience, j'avais la certitude que, dans un monde qui bouge, rien ne saurait être acquis définitivement, que tout devait en tout temps rester négociable. Je ne me suis donc jamais syndiqué. Aujourd’hui, alors que je totalise soixante cinq printemps, je me rends compte que je ne me suis pas trompé. Les syndicats et le socialisme8, présents à tous les niveaux de pouvoir, 8 Le socialisme est un ensemble de courants d’idées, très divers, qui, en principe — mais en principe seulement —devrait se concrétiser par une organisation sociale et économique favorisant la justice et réduisant les inégalités. En Wallonie le socialisme est défendu par trois partis principaux :le Parti socialiste, le Cdh et les Écolos. D’autres partis plus marginaux tels que le Parti Populaire (PP) et le Parti du Travail de Belgique (PTB) défendent aussi le socialisme. On les place traditionnellement à gauche de l’échiquier politique contrairement au libéralisme placé à droite. Le parti Pirate ne se réclame ni de droite ni de gauche, car il défend des 21 constituent un frein à l’émergence de projets novateurs en exerçant en permanence un bras de fer envers le patronat. Et çà, c’est profondément injuste. La Belgique à besoin de concertation et non de confrontation. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit: ce n’est pas parce que le FMI et les agences de notation 9voudraient l’abolition du système de l’indexation automatique des salaires qu’il faut détruire, sans mure réflexion, ce que Joseph Wauters et les générations suivantes ont construit. Je pense d'ailleurs que la Belgique devrait se retirer du FMI, émanation de l’économie ultra libérale que nous n’avons pas voulue mais que nous n’avons pas combattue non plus, ainsi que des Agences de Notation. Ce n’est pas sous la pression d’organismes supranationaux que nous devons modifier les mécanismes des acquis sociaux, mais en fonction des différentes composantes de la Société Civile Belge dans son ensemble, en prenant en compte les minorités fragilisées par les écueils de la vie. orientations transversales intéressant le plus grand nombre (droits individuels, emploi, fiscalité, ...) 9 Ce nom désigne traditionnellement les institutions chargées par les États de la notation financière des collectivités (États ou multinationales) désirant être notées. La Belgique pourrait dès lors manifester son intention de ne plus être notée. Ces agences sont partiellement à l’origine des dérèglements du système économique mondial. Si en principe, ces institutions sont indépendantes, certaines affaires retentissantes démontreraient le contraire. (Affaire Enron, crise financière de 2007 à nos jours). Les agences de notation les plus en vogue sont Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. 22 3. Le vide de pouvoir et la gouvernance privée Dans une société individualiste qui fait le deuil de ses choix de vie pour s'engoncer dans un confort matériel, les dirigeants sont les premiers à montrer l'exemple. En Belgique, comme dans la plupart des pays industrialisés, le pouvoir écoute davantage la voix d'acteurs non élus (comme les lobbies ou les multinationales) desquels ils se laissent courtiser, que celui des aspirations populaires. Les décisions politiques sont prises sans concertation avec les citoyens, et les partenaires sociaux sont considérés à tort comme étant les seuls représentants de la Société Civile dans son ensemble et des citoyens dans leur diversité. Les décisions économiques sont aux mains des multinationales, des banques, des compagnies d'assurance, des sociétés de télécommunication, ainsi que des puissantes institutions supranationales telles que l'OTAN, l'ONU, les Banques Mondiale, Européenne et des Règlements Internationaux, le FMI, l' OMC et l’Europe. La monnaie est créée en grande partie par les multinationales et les grandes banques 10 et la masse monétaire est constituée à 93 % d'argent qui n'existe pas11. 10 Autrefois, on « battait monnaie » uniquement à l’Hôtel de la Monnaie à Bruxelles, sous la supervision de la Banque Nationale. La monnaie était garantie par nos réserves en or qui aujourd'hui ont fondu par la volonté de nos dirigeants. 11 Voir mon cahier d'informations politiques «Ces faux-monnayeurs qui dirigent la Belgique et le monde». 23 Les élus ne tiennent compte que de la balance commerciale sans se soucier un instant des charges trop lourdes qui pèsent sur les épaules des PME ou des impôts répartis de manière inéquitable. Cette réalité trouve son origine dans • • • un vide de pouvoir, une mauvaise gestion des finances publiques, une gouvernance privée, donc des choix qui n’ont pas été approuvés par les citoyens dont toutes les sensibilités sont loin d’être représentées dans l’hémicycle. Année après année, les élus se sont rendus complices des membres de l’exécutif, nommés par les présidents de partis et non élus. Les uns et les autres ont voté et pris des décisions contraires à l’intérêt des citoyens. La cupidité triomphe grâce à l'inertie des pouvoirs publics et à la spéculation – qui ne contribue en rien à l'assainissement des finances publiques – qui supplante de plus en plus l'économie réelle. Comme le pouvoir est peu à peu passé aux mains d’organisations riches non élues, les différents gouvernements, qui se succèdent en moyenne tout les an et demi 12, se sont appauvris et n’ont d’autres choix pour boucler leur budget que de faire payer les citoyens. 12 Depuis le 27 novembre 1948, la Belgique en est à son 41ème gouvernement en soixante cinq ans. (Gouvernement Michel, formé suite aux élections du 25 mai 2014) 24 Il y a sur les marchés financiers deux cent fois plus de transactions purement financières que d'investissements concrets. Le secteur financier représente désormais 6% du PIB européen contre 4% à la création de l'euro13. Aujourd'hui, lorsqu'on discute d'économie réelle, on se surprend tout à coup à parler de finance spéculative. 13 Selon Robin Rivaton, chargé de mission d'un dirigeant de groupe, publié le 27 décembre 2011 sur atlantico.fr (Comment a-t-on pu oublier l'économie réelle à ce point). 25 III. L'INSTITUTIONNALISATION DE L'INJUSTICE14 1. La sensation d'injustice Quel que soit l’endroit du globe où nous nous situons, nous ressentons toujours davantage l’injustice que la justice. Notre jugement risque dès lors de s’altérer en occultant tout ce qui va bien et en épinglant uniquement ce qui ne vas pas. Ceux qui ont pris part à un procès d’assise le savent bien: pour rendre la justice il est essentiel de faire taire ses sentiments, sensations ou émotions qui fausseraient le jugement. Alors que les sensations ou les émotions toujours personnalisées se vivent dans le présent et peuvent monter en puissance, la justice, toujours impersonnelle et contradictoire, a besoin de temps… trop de temps. Celui ou celle qui subit un événement qu’il considère comme injuste ne peut prendre le temps (puisque les émotions ne connaissent que l’instant présent), ce qui exacerbe encore plus 14 Dans l’esprit de nombreuses personnes l’injustice et l’iniquité veulent dire la même chose. Hors il me semble qu'il existe une différence fondamentale. Si l’équité se concrétise par le même traitement d’une personne par rapport à une autre, la justice est de donner à chacun selon ses besoins et d’exiger de chacun selon ses facultés. Il est intéressant de différencier les deux notions puisque la manière de réduire les iniquités où les injustices est différente. L’iniquité me semble plutôt objective tandis que l’injustice est davantage subjective. 26 les tensions. Il est donc essentiel de réduire au maximum les facteurs qui favorisent ce que le peuple ressent comme injuste, car la sensation populaire penche indiscutablement vers l’injustice et l’iniquité. L'injustice peut être politique, économique, sociale ou fiscale et il serait hasardeux de les énumérer ici sans en oublier certaines tant elles sont nombreuses. Une question me taraude l'esprit : Comment est-ce possible que les inégalités puissent se multiplier dans un contexte où personne ne les accepte ? A mon sens, c'est parce que l'injustice est un système organisé qui rend très difficile l'accession du peuple au marches du pouvoir, et très lentes les prises de décision en faveur de la population. De ce fait, la société est inégalitaire et les inégalités s'expliquent par « la nature des choses », c'est à dire que rien n'y fait.. c'est comme çà. Elles ne se gomment que si un impérieux intérêt économique le nécessite ou si une marée humaine, inlassablement, tente de forcer les portes du parlement. Avouons que c'est assez rare puisque, dans une société « démocratique » mais individualiste, chacun s'occupe de ses petites affaires et que seule une poignée insignifiante de citoyens sont déterminés à faire changer l'ordre des choses. 27 L'individualisme est un facteur qui favorise l'émergence de nouvelles formes d'injustices. 2. Nature des injustices L'injustice politique Comme on l'a déjà évoqué, aucune instance démocratique n'est en mesure de lutter contre les décisions des multinationales et de l'industrie financière. Et pourtant, les gouvernements continuent à signer des accords15 en sciant la branche sur laquelle les citoyens sont assis, sans leur accord. L'injustice fiscale Il n'y a pas plus inégalitaire dans son mode de calcul et son application que le précompte immobilier qui, dans les faits, est supporté aussi bien par le locataire que par le propriétaire. Et comme les citoyens les plus injustement traités ne se mobilisent pas, les autorités ne bougent pas non plus. L'inégalité est également fortement marquée dans l'impôt sur le revenu du travail ou du capital, l'impôt sur les successions, l'impôt sur la spéculation, l'impôt des sociétés. 15 Je songe notamment aux Accords Transatlantiques en cours de négociation. 28 L'injustice sociale La paupérisation structurelle Comme on le sait déjà, la paupérisation est un processus d'appauvrissement de la population accepté par le gouvernement comme une fatalité qui ne semble pas le heurter outre mesure. La paupérisation peut être de deux natures : – la paupérisation absolue est la baisse des conditions de vie généralement liée à la baisse des revenus. L'exclusion massive des ayants droits au chômage, les licenciements massifs, les fermetures d'entreprises et les difficultés administratives énormes auxquelles sont confrontés les candidats à la création de leur propre emploi fait croître la paupérisation de manière exponentielle. Cela veut dire qu'aujourd'hui déjà la Belgique devient une fabrique de pauvres. – la paupérisation relative est l'accroissement de la pauvreté par rapport aux autres couches sociales. Ce type de pauvreté est à la base des inégalités sociales. Le dernier rapport de l'OCDE16 indique que les 10 % des personnes les plus riches des 34 pays de l'organisation gagnent 9,5 fois plus que les 10 % les plus pauvres17. Au début des 16 Le rapport 2012 17 L’Organisation de Coopération et de Développement Économique se base sur le coefficient de Gini qui chiffre les inégalités de revenus de 0 à 1. 29 années '80, ce ratio était encore de 7 pour 1. Si on en croit nos dirigeants, « c'est la faute à la crise » (on ne sait pas au juste ce que c'est, la crise) , à la mondialisation, aux avancées technologiques… c'est aussi en grande partie aux mauvais choix des politiques publiques qui se concrétisent dans une mauvaise redistribution des fruits de la croissance. On voit déjà ici que les individus, la socio-politique, la population et l'économie font partie d'un même système. L'urgence d'une démocratie participative se fait sentir. 3. Les bénéficiaires des injustices Selon ce rapport "Dans beaucoup de pays, les revenus des plus pauvres ont augmenté beaucoup plus lentement que celui des riches durant les années prospères et ont même chuté lors des périodes de récession". Le pourcent le plus riche des habitants des pays développés est celui qui a le plus profité de ces années de croissance économique. Cette inégalité se fait un peu moins ressentie en Belgique du fait de sa petitesse, par rapport à ses voisins l'Allemagne et la France. Toutefois, les mesures prises Plus un pays se rapproche de 0 (scénario où tout le monde possède le même revenu), plus il est égalitaire. Au contraire, plus son coefficient est proche de 1 (une seule personne possède tous les revenus), plus l’écart entre riches et pauvres est important. Notre pays est ainsi passé d’un coefficient de 0,25 en 1985 à 0,26 en 2011, dernière année étudiée pour la Belgique. La croissance belge des inégalités est donc moindre que celle de la moyenne des pays de l’OCDE qui est passée d’un coefficient de 0,29 à 0,32. 30 par le gouvernement Michel suite à la sixième réforme de l’État sont de nature à faire de notre pays le pays le plus inégalitaire de la zone euro. Mais c'est l''industrie financière qui est de loin la plus grande bénéficiaire des injustices fiscales. Non seulement, elle est exempte de TVA, mais elle est aussi exempte d'impôt (ou elle en paie si peu) sur ses transactions financières. Il faut savoir que ces dernières ne contribuent pas au financement de l'économie réelle. C'est pour cette raison qu'il avait été question de prévoir une taxe Tobin18 plus ou moins compensatoire. Elle aurait du être appliquée dans onze pays de l'Union au 1er janvier 2016 mais il n'en sera rien. Les puissants lobbys mettent tout en œuvre pour faire capoter les négociations. Ce sont justement l'industrie financière et les multinationales qui, de manière tout à fait légale, ne paient qu'une infime partie du taux nominal officiel. Nos artisans et nos PME sont très majoritairement défavorisés par rapport aux grandes enseignes. Ces acteurs, soit font appel à des bureaux juridiques spécialisés qui exploitent toutes les exonérations et exemptions possibles pour éluder un maximum d'impôt, soit, par une écriture comptable, déplacent artificiellement un maximum de profits dégagés sur le territoire belge vers des états à la fiscalité plus clémente. 18 Prix Nobel d’économie, l'américain James Tobin (1918-2002) suggéra en 1972 de taxer les transactions monétaires internationales. Cette Taxe est appelée aussi la Taxe Robin des Bois. 31 Certaines opérations pratiquées par des personnes physiques échappent également à l'impôt, par exemple les plus-values boursières. C'est tout à fait légal. Il n'est donc pas étonnant que les personnes les plus actives dans les opérations boursières s'enrichissent en payant moins d'impôt. Par ailleurs lorsque les personnes physiques visées et les sociétés doivent rendre des compte – souvent grâce à la médiatisation de l'événement – elles « négocient » l'amende. 4. Conséquences des injustices On sait depuis longtemps que les inégalités de revenus au sein d'une population sont néfastes à la croissance économique. En effet, ce sont les personnes structurellement à bas revenus qui investissent le moins dans l'éducation et l'instruction de leurs enfants, lesquels ne sortent que rarement de la spirale de la pauvreté et de l'endettement et restent à vie à charge de la collectivité. La paupérisation de la classe moyenne – grande perdante de la mondialisation – et l'accroissement de la fiscalité sont deux facteurs clés supplémentaires du repli de l'indice de croissance. Pourtant, des politiques bien conçues, même fiscales, limiteraient ou renverseraient les inégalités et rendraient nos communautés moins injustes et plus prospères". 32 IV. L'ETAT SOCIAL ACTIF OU LE SABORDAGE DE LA DEMOCRATIE 1. L’État Providence : plus de pouvoir d'achat et moins de chômage Au lendemain de la seconde guerre mondiale, nos parlementaires instaurèrent l’État Providence, c'est à dire un compromis qui visait à partager équitablement les fruits de la croissance économique entre tous les belges. L'économie était au service des individus et non l'inverse. Nos politiciens veillaient à garantir la concertation et la sécurité sociale. D'autre part, les politiques économiques étaient encadrées par des accords divers plus ou moins équilibrés. La concertation sociale, la sécurité sociale et les politiques économiques de soutien de la demande ont contribué pendant vingt-cinq ans à maintenir une excellente croissance et à étendre les mécanismes de solidarité sociale. Pendant les Trente Glorieuses, les Belges, mais aussi toute l'Ancienne Europe, bénéficiaient d'un pouvoir d'achat élevé du fait d'une croissance soutenue et d'un chômage marginal. 33 2. L’État Social Actif : moins de pouvoir d'achat et plus de chômage En 1973, les accords de Bretton Woods19 furent rompus. Il ne fallut attendre qu'une année avant la première crise économique, cause de l'explosion des indemnités de chômage. Du coup le modèle « État Providence » est jugé par les décideurs politiques peu efficace. Il est donc remis en cause. Les revenus de remplacement sont qualifiées de « dépenses passives » qui n'inciteraient pas suffisamment les gens à travailler. Ils ne seraient pas suffisamment actifs et il convient donc de les « activer ». Ce n'est pas nouveau ! A chaque crise économique, les grands responsables sont les chômeurs et les étrangers. Cette conclusion évite de chercher les causes ailleurs. C'est le début de la modification du système qui se poursuit encore aujourd'hui. Les chômeurs étaient coupables d'être inactifs. Je me souviens de ces années où les chômeurs étaient montrés du doigt dans la rue. Ils longeait les murs des bureaux de la CAPAC20, gênés de quémander une aide sociale. Au temps de l’État Providence, on considérait que le chômage relevait d'un problème structurel alors que dès le début de l’État Social Actif les chômeurs sont culpabilisés et les autorités estiment que le chômage est dû à des comportements 19 Voir mon syllabus : « Ces faux-monnayeurs qui dirigent la Belgique et le monde », sur mon site http://paulthunissen.be 20 Caisse Auxiliaire de Paiement de Allocations de Chômage 34 individuels. « Si tu es chômeur c'est que tu n'es pas assez disponible, trop peu actif, que tu manques de compétence ou de formation ». Bref, si on est chômeur, ce n'est pas dû à l'inertie des acteurs socio-économiques, mais à l'individu seul sur les épaules duquel repose la responsabilité de son état. Dès lors qu'on accepte ce qui précède, si d'aventure on perd son emploi, il ne suffit plus de déclarer qu'on est « demandeur d'emploi », mais qu'on est actif dans la recherche d'un emploi. 3. Conséquence des nouvelles politiques de l'emploi Dès les années '70, cette approche favorisa l’émergence de sociétés d'intérim qui, aujourd'hui, sont des passages obligés pour obtenir un emploi. Les chômeurs sont de plus en plus souvent contraints d'accepter des emplois temporaires (même d'un jour), sans rapport avec leurs expériences, leurs attentes ou leurs intérêts. Les étudiants intègrent les discours quasiment prophétiques selon lesquels çà ne leur sert à rien d'acquérir un savoir qui sera vite dépassé ou qu'ils n'utiliseront jamais, qu'ils ne doivent plus espérer un travail à vie et que la formation continue sera leur lot pendant toute leur carrière. Il s'en suite des décrochages scolaires ou même dans l'enseignement supérieur. 35 Le demandeur d'emploi doit adapter ses connaissances en permanence aux besoins de l'économie, et donc s'activer à se former. Les salariés doivent anticiper leur licenciement et actualiser en tout temps leurs compétences. Finalement, que l'on soit jeune, demandeur d'emploi ou salarié, on doit intégrer ce nouveau mot qu'est l' « employabilité ». Le rôle des pouvoirs publics n'est donc plus d'imaginer des politiques économiques au service des gens mais de formater les gens, par la contrainte s'il le faut, en fonction des besoins de l'économie. La conséquence logique de cette approche est l'instauration d'une compétition et un renforcement de l'individualisme. La fonction des gens : se former, s'adapter en permanence aux exigences du marché, chercher un emploi ou s'accrocher à celui qu'on a. Seuls les gens, jeunes ou moins jeunes, qui restent dans la compétition auront des chances de s'en sortir. Soit ils seront qualifiés et classés en ordre utile, soit ils accepteront des salaires très bas. La fonction des acteurs de la formation : ils seront mis en concurrence et leur objectif sera le développeront des offres les plus rentables en termes d'insertion et les mieux adaptées aux évolutions technologiques des outils de production. 36 La fonction de l'état est d'accorder aux entreprises les moyens d'engager des salariés. Par tout une série de mécanismes, il tente de baisser le coût du travail pour une entreprise. La fonction très subsidiaire des entreprises est le recrutement. Autant dire qu'elles ne recrutent que si il y a des subventions à la clé et que le recrutement n'est pas une entrave à leur enrichissement. A chaque réforme de l’État, les discours annoncent un changement bénéfique d’orientation politique, mais ils sont peu crédibles dans un paysage où les majorités sont toujours partiellement reconduites. L’État Social Actif pousse les individus à se vendre en partant du postulat que l’État Social Passif, entendez l’État Providence, les a rendus inactifs ou inemployables. Pourtant personne ne nie que, sous ce régime, les fruits de la croissance étaient partagés entre tous les belges, ce qui nous a permis de peaufiner un système social que toute l'Europe nous enviait. (Aujourd'hui, il faut bien en parler au passé) 37 V. LA MONDIALISATION L'Europe dépressive dirige la politique des États. Bientôt, si on n'y prend garde, elle sera elle-même dirigée par un gouvernement mondial à la solde des multinationales et des parastataux. Aujourd'hui déjà les communes, les provinces, les régions, l’État Fédéral, et même l'Europe, sont impuissants politiquement, fiscalement, économiquement et socialement face aux multinationales et aux banques. 1. Les supports de la mondialisation OMC Les règles de l’OMC trouvent leur origine dans les accords du cycle d'Uruguay (1986-1994)21 et sont complétés suite aux nouvelles négociations entamées lors de la Conférence Ministérielle de Doha en 200122. Ces accords accouchent sous la pression de multinationales qui n’ont pour objectif que 21 Lors de ces réunions , environ soixante accords et décisions furent prises, sans concertation avec les citoyens. Ils furent entérinés lors de la Réunion Ministérielle de Marrakech en avril 1994 22 Lors de la 4ème Conférence Ministérielle de l'OMC à Doha, en 2001, le Cycle de Doha a été officiellement inauguré et vise, du moins officiellement, à améliorer les perspectives commerciales des pays en voie de développement. Les mandats portent essentiellement sur l'agriculture et la propriété intellectuelle. 38 l’enrichissement croissant des investisseurs et des partenairesactionnaires. A titre d’exemple, on se souviendra des accords sur le droit de la propriété intellectuelle23. Les signataires poursuivaient le but louable d’offrir un cadre légal de protection des biens dans tous les domaines de la technologie, mais, sous la pression des firmes pharmaceutiques, il en fut autrement. Ils permirent aux firmes pharmaceutiques de breveter les médicaments et d’en garder le monopole pour une période de minimum vingt ans, de les vendre à des prix inabordables à un nombre croissant de citoyens européens et pratiquement tous les citoyens africains. Cela se concrétise par le fait qu’aujourd’hui un tiers de l’humanité n’a pas accès aux médicaments et qu' à peine 8% sont consommés pour l’ensemble des pays pauvres. Il y donc la demi vérité qu'on déclare et l'autre demi vérité qu'on tait24. 23 Les négociations du cycle d'Uruguay (1986-1994) ont abouti à la signature d' un accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle(ASPIC). Les brevets pharmaceutiques figurent parmi les droits de propriété intellectuelle. 24 Voir mon cahier d'information politique : « Ces sophistes qui influencent les politiques de la Belgique et du monde » 39 La BM, la BE et le FMI L'objectif du FMI, de la Banque Mondiale ou de la Banque Européenne étaient à l'origine de favoriser la coopération économique internationale. Aujourd'hui, ces institutions poursuivent l’objectif, du moins officiellement, d’instaurer la prospérité dans tous les pays membres et de lutter contre la pauvreté. Dans les faits, il en est autrement : Ni le FMI, ni la Banque Mondiale, ni la Banque Européenne, ni les banques centrales, ni même les gouvernements ne se sont opposés aux développements de produits financiers complexes, risqués et toxiques. La faillite de la Grèce, les difficultés croissantes de l’Espagne, du Portugal ou l’Italie en sont une résultante. L’OMC et le FMI furent créés sans concertation avec leur population, et aucun gouvernement n’en est plus maître. Ces institutions ont pour mission d’alléger la souffrance des pays émergents en leur venant en aide au niveau financier, mais à quel prix ? C'est suite à ce constat que l’Argentine prit ses distances avec le FMI et refusa toute offre du FMI. Elle dévalua sa monnaie ce qui permit de relancer l’économie et de rembourser le fonds. Cela ne se fit pas sans mal puisque suite à la crise des années 2000, de nombreuses PME firent faillite. De nombreuses sociétés coopératives créées par les ouvriers licenciés contribuèrent au relèvement du pays. Cela a pris 10 40 ans, mais l’Argentine jouit aujourd'hui d’une croissance élevée. Le taux de pauvreté a même diminué de moitié sans avoir recours au FMI. Toutefois, la crise économique mondiale de 2010 les contraint à de nouveaux efforts. Autre exemple : En 1995, le Brésil annonça qu’il ne demanderait pas la prorogation de son accord avec le FMI. Cette décision marque une étape importante dans un itinéraire économique remarquable. La reprise économique du Brésil s'explique grâce à des réformes soutenues par les citoyens (notamment du système fiscal et du régime de sécurité sociale), à l’approbation d’une nouvelle loi sur les faillites, à l'amélioration de la réglementation du marché des capitaux et des services d’utilité publique. Toutes ces mesures ont concourus à maîtriser l'inflation. Le système de protection sociale a amorti les effets des chocs extérieurs et allégé le coût temporaire des réformes. Ces dernières portent aujourd’hui leurs fruits: croissance spectaculaire du PIB, création d’un million et demi d’emplois, septième puissance mondiale pour l’instant… car la France risque bel et bien de perdre sa 6ème place. Le 3 octobre 2011, lors de sa visite en Belgique, Dilma Rousseff fit un petit cours d'économie politique en expliquant comment, grâce à des programmes divers, le Brésil était en train de s'en sortir. Apparemment, cet exposé n'a pas percuté puisque les autorités belges, sans le consentement des citoyens, 41 continue à soutenir le FMI. Les plus anciens d'entre nous se rappellent que Camille Gutt — connu des belges grâce à la loi d’après guerre qui porte son nom — fut le premier directeur du FMI25. C'est peut-être un début d'explication. En soutenant aveuglément le FMI, le gouvernement belge subit la pression de ses recommandations26 et de la Commission Européenne, ce qui se concrétise par toujours plus d'austérité. Et pendant ce temps, Jacques De Groote, représentant de la Belgique au FMI blanchissait cinq cent millions d’euros…. Ben voyons! Les ONG Sans vouloir les mettre toutes dans le même panier, il faut quand même avouer qu'un certain nombre d'entre elles sont en partie financées par le secteur privé et aussi par les pouvoirs publics27 auxquels elles doivent évidemment rendre des comptes28. Il y a les comptes qu'on publie (transparence) et puis 25 La Belgique dirige depuis 1946 une constituante dont les autres états membres sont depuis 1993 l’Autriche, la Hongrie, la Turquie, la République tchèque, la Biélorussie, le Kosovo, la Slovaquie, le Luxembourg et la Slovénie. 26 Comme par exemple la suppression de l’indexation automatique des salaires, des économies en matière de santé publique et j’en passe. 27 Il s’agit de l’Union Européenne, l’état Fédéral, son gouvernement (Exécutif) et ses chambres (représentants et sénat), les Régions (Exécutif et Parlement) et les Communautés, les Provinces et sa députation permanente, ainsi que les communes. 28 C’est ce qu’on appelle la redevabilité qui doit, en principe permettre la transparence, mais en principe seulement. 42 aussi les autres. Comme les ONG sont concurrentes entre elles en terme de dons, elles récoltent des fonds selon des stratégies diverses tels que mailings, spots publicitaires, ventes de services et de biens. Certaines d’entre elles ont même recours à des sociétés spécialisées en marketing social. Bien qu’elles répondent à des règles éthiques, elles sont nombreuses à fonctionner dans les faits comme des multinationales. C’est ainsi que certaines ONG envoient des médecins dans les forêts africaines à la rencontre de médecins locaux pour obtenir les secrets médicinaux des plantes et des écorces en échange d’un peu d’argent et de cadeaux. Heureusement que de réels humanistes passent leur existence à former des communautés villageoises à profiter de leur héritage ancestral. 2. Les conséquences de la mondialisation La dérégulation des marchés La mondialisation devait être bénéfique pour tout le monde. Le vaste monde s'offre à tous ceux qui, animés d'un esprit aventureux, ambitionnent de le parcourir dans tous les sens, de creuser leur trou loin de la terre qui les a vu naître, soit en décrochant un emploi, soit en créant une activité en toute indépendance. 43 Ce que retiennent la plupart des gens, c'est que la mondialisation profite davantage aux entreprises qui se regroupent, délocalisent ou deviennent expertes en dumping social, ce qui provoque licenciements et drames humains. Les champions du dumping social en Belgique sont les entreprises publiques actives dans les secteurs de la bancassurance (Belfius, Paribas-Fortis) et dans les télécommunications (Proximus, VOO). Interrogées à plusieurs reprises par des journalistes, les entreprises cherchent à minimiser le phénomène. Toujours estil qu'en accordant aussi facilement des permis de travail (et de séjour) à des étrangers, de nombreux belges perdent leur emploi dans ces secteurs (puisque la main d’œuvre étrangère est exemptée du paiement des lois sociales en Belgique). D'autres multinationales, grâce à des lobbys très efficaces, concluent des accords divers, gardés secrets, qui risquent bien à très court terme de mettre la démocratie sous tutelle d'une gouvernance économique privée. La conséquence pour les peuples est la perte de l'essence même de l'être humain : la liberté. L'austérité Comme je l'ai déjà dit, la mondialisation et les accords divers ont pour conséquence l'accroissement de la dette publique. Les autorités doivent donc trouver les moyens de boucler leur budget. Comme toujours, il est plus facile de lever des taxes et 44 d'imposer l'austérité que de trouver des sources de financement plus équitables mais aussi plus difficiles à mettre en œuvre. L'inefficacité de l'austérité Parallèlement à des drames qui se préparent, les ministres des Finances du G2029 se mettent d'accord pour « doper l'emploi et la croissance », mais on remarque que c'est tout le contraire qui se passent et que les peuples doivent de plus en plus se serrer la ceinture. Pourtant l’austérité ne fonctionne pas. On remarque qu’en appliquant cette méthode, la Grèce a aggravé sa situation. Quand à la Grande-Bretagne, elle applique des mesures budgétaires draconiennes qui ne l’empêche pas de s’enfoncer dans la récession plus vite que le continent. En Belgique on est prudent: on parle de rigueur et non d’austérité, ce qui permet à l’état d’être d’accord avec le G20, et de faire complètement le contraire . L’économiste Paul de Grauwe30 a confirmé ce qu’on savait déjà, à savoir que « nous 29 Groupe de dix-neuf pays et de l’Union Européenne créé en 1999 en réponse aux crises financières qui ont secoué les pays émergents au début des années ‘90. Le but était d’élargir le dialogue des pays les plus riches de la planète en matière économique. Il faut dire que le G20 représente 85% du commerce mondial et plus de 90% du PIB mondial. Font partie du G20, hormis l’Union Européenne: l’Afrique du Sud, Canada, Mexique, ÉtatsUnis, Argentine, Brésil, Chine, Japon, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Arabie Saoudite, Russie Turquie, France, Allemagne, Italie, Royaume- Uni, Australie. 30 Licencié en sciences économiques, Paul de Grauwe fut sénateur OpenVld et économiste au FMI.dans les années ‘70. 45 sommes dans une situation de dictature des créanciers ». On a abandonné le pouvoir aux multinationales, tous les pays sont débiteurs des banques, et donc on préfère les courtiser que de s’opposer à elles. L’austérité est un choix et non une fatalité, et dans le cas de l’Europe, le choix est influencé par une étude « growth in a time of debt »31 basée, selon des économistes américains, sur des données erronées32. Et comme je le disais, en Belgique on fait l’inverse de ce qu’on devrait faire : on taxe. Et très prochainement, l’état fera main basse sur notre argent, sur tout notre argent33. Car l’État a 31 Sans que les européens n’en aient conscience, "Growth in a time of debt”, influence la vie de chacun d’entre nous. En effet, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (ancien économiste en chef du FMI) ont analysé, de 1946 à 2009, l’évolution des données économiques des 20 économies les plus développées et arrivent à la conclusion qu’au-delà du seuil de 90% de dette publique par rapport au PIB, la croissance devient statistiquement négative et donc que notre dette est actuellement contre productive. 32 Alors que l’université du Massachussetts — à laquelle se joint Paul de Grauwe— a démontré que Reinhart et Rogoff se sont basés sur des données partielles, leurs conclusions continuent à être utilisées sciemment pour justifier les politiques d’austérité menées au niveau européen, et même mondial. 33 Si le fisc pouvait déjà enquêter dans les banques, sans trop de soucis éthique, ils pourront consulter directement nos comptes à partir de mai 2014. On verra si cette donne va influencer l’électeur. Bien qu’on nous garantit une procédure stricte, je suis plutôt d’avis que le fisc pourra en toute opacité — peut être à terme, mais rien n’est moins sûr — suivre le mouvement sur les 40 millions de comptes belges , en temps réel, et pourquoi pas se servir directement si nous étions redevable au fisc. 46 besoin d'argent, beaucoup d'argent. Certaines causes sont à rechercher bien loin34. Les causes de l'Austérité Comme je l'ai dit plus haut, l’austérité est inefficace et provoque la paupérisation. Elle trouve sont origine dans – L'endettement non garanti: Tous les citoyens savent que l’endettement doit être géré. L’endettement pour une maison est un bon investissement dans la mesure où il est garanti par le bien que l’on acquiert.L’endettement pour une voiture est déjà plus risqué puisque la garantie s’ effrite rapidement, mais le risque est mesuré puisqu’il donne l’opportunité, grâce à cet investissement, d’obtenir un emploi. L’endettement pour des biens de consommation courant (machine à laver, électroménagers, technologies de la communication…) est nettement plus hasardeux et devrait faire l'objet d’une réflexion avant l’achat. Alors, lorsque les grandes surfaces proposent des cartes de crédit pour faire ses courses, c'est pratiquement projeter les citoyens les plus influençables dans les spirales de 34 Dans les années '70, à la fin des « Trente Glorieuses » la Belgique a continué à faire comme si le contexte restait le même, a inventé les prépensions qui coûtent cher à la collectivité mais constituent un ballon d’oxygène pour les entreprises, a entamé des réformes institutionnelles très coûteuses. Le refus de nos dirigeants socialistes et sociaux chrétiens de l'époque de voir que le monde changeait est illustré par cette sortie de Guy Mathot, alors ministre du Budget :«La dette publique, on ne sait pas comment elle est arrivée, mais elle disparaîtra d'elle-même». Je ne sais si on peut appeler cela grand art politique, mais c'est en tout cas un manque d’honnêteté et de respect du citoyen. 47 l'endettement. – La mauvaise gestion des finances publiques : Quant à l'endettement de l’État, il croît sans cesse, ce qui le contrait à prendre des mesures drastiques et impopulaires qui plombent l'emploi et la créativité et réduisent les services publics à une peau de chagrin . Les conséquences de l'austérité – La réduction des services publics : La réduction des services publics est la conséquence de la réduction des dépenses publiques. Comme on est dans une logique droitegauche, on a difficile de choisir ses priorités. L’enjeu principal est la baisse du taux de chômage et la hausse du taux d’emploi, sans oublier le soutien aux plus démunis. Dans le même temps il est essentiel que l’écart entre les salaires et les indemnités de chômage ou de CPAS soit suffisant pour que les citoyens ne puissent choisir la facilité en optant pour le chômage. – La recherche des sources imposables : On sait tous qu’en terme d’imposition, la fiscalité favorise les hauts revenus. Les intérêts notionnels favorisent les multinationales au détriment des PME dont le nombre de faillites explose en Belgique. Les belges sont plus raisonnables que leurs dirigeants puisque chaque belge ajuste régulièrement ses dépenses, quels qu’en soient les sacrifices, pour ne pas faillir. Le drame, c’est que nos dirigeants n’ont ni le courage, ni la capacité de maintenir le bateau, dans lequel nous nous trouvons tous, au dessus de la ligne de flottaison. 48 – La croissance pratiquement nulle : Sans croissance, le chômage s’étend de même que la paupérisation35. Deux facteurs explique cela : 1. La baisse de la consommation : S’il y a consommation, il y a échange de biens et de services et pour satisfaire la demande, des emplois sont créés. Toute forme de taxation est un frein à la consommation, ce qui signifie que la taxation doit être mesurée en fonction des secteurs d’activité. La croissance telle que nous la connaissons est forcément limitée. S'orienter vers une autre forme de croissance me paraît essentiel. 2. La peur de l'investissement : S’il y a consommation, il y a création d’entreprises et les gens reprennent goût au risque mesuré. Dans la situation que nous connaissons en Belgique, les gens ne se hasardent plus à investir ce qui se concrétise par une épargne des belges qui totalise pratiquement 250 milliards d’Euros. Pas étonnant dès lors que le fisc s’intéresse à cette manne providentielle et crée une banque de données permettant de tracer les quarante millions de comptes ouverts en Belgique. Dans un avenir proche, il sera possible au fisc de suivre l’évolution de chacun des comptes en banque en temps réel sans plus aucune protection de la vie privée. 3. fin des mécanismes de réduction des inégalités : Si les mesures d’austérité se poursuivent en Europe, 15 à 25 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver en situation de pauvreté d’ici 202536. 35 Un Belge sur sept, soit 14,7 % de la population, vit sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire qu’il ne dispose pas d’un revenu de 899 € par mois pour un isolé ou de 1 888 € pour un ménage composé de deux adultes et deux enfants. … et l’endettement des belges continue à s’accroître. 36 Source : Oxfam 49 Les traités transatlantiques Il ne faut pas se leurrer. Les traités transatlantiques visent à installer un gouvernement mondial dirigé par les plus grosses entreprises qui représentent ensemble la moitié du commerce mondial. 1. Entre le Canada et l'Union - AÉCG37 Accord Économique et Commercial Global. Signé le 26 octobre 2014 après cinq ans de négociations, certains observateurs le considèrent comme le tremplin vers le PTCI. Pratiquement toutes les aspects de l'échange de biens et de services, l'investissement et les achats gouvernementaux entre le Canada et l'U.E sont réglés par cet accord discuté dans le plus grand secret. Comme c'était déjà le cas pour ACTA 38, CETA39 menace notre liberté d’expression en ligne et chacun d'entre nous pourrait être facilement poursuivi par des acteurs privés qui feront et déferont les lois en fonction de leurs intérêts. 37 CETA en anglais : « Comprehensive Economic and Trade Agreement 38 Anti-Counterfeiting Trade Agreement(ACAC : Accord commercial Anticontrefaçon) : Cet accord, négocié sans aucune transparence, n'est pas commercial du tout mais vise à créer son propre cadre juridique et organisme de gouvernance. 39 Voir le fascicule sur mon site internet : « Marchander la démocratie » 50 Les effets néfastes de ces accords se font déjà sentir.40 2. Entre les USA et l'UE – PTCI 41 mieux connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique42. En 2013, l’UE. et les États-Unis ont entamé des négociations en vue de conclure un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement qui, selon ses défenseurs, devrait conduire à une croissance économique sans précédent. Si personne ne parle de l'impact en termes d'emploi et de pouvoir d'achat sur les populations (car c'est ce qui intéresse les gens au premier chef), on est certain, en revanche, que cet accord confirma la primauté de la gouvernance économique privée sur les États lesquels ne conserveront plus aucune marge de manœuvre pour réguler les marchés. Le plus grand danger provient d'un mécanisme de règlement des différends mis en place (ISDS). Ce mécanisme permet aux compagnies étrangères d’intenter directement des poursuites contre des États auprès de tribunaux internationaux de droit privé pour réclamer des dommages et intérêts si elles jugent que des mesures de protection en matière de santé, d’environnement, des mesures prudentielles dans le domaine 40 Voir le cahier d'information politique: « Marchander la démocratie » sur mon site internet : http://paulthunissen.be » 41 Partenariat Transatlantique de Commerce et d'investissement 42 TAFTA en anglais (Trans-Atlantic Free Trade Agreement), L'explication de ce traité fait l'objet d'un syllabus édité pat ATTAC France, téléchargeable gratuitement sur mon site. Il s'intitule : « Guide de navigation pour affronter le grand marché transatlantique » 51 de la finance ou d’autres législations nationales portent atteinte à leurs droits. Ces poursuites intentées par des investisseurs contre un État sont instruites par des arbitres commerciaux privés qui sont rémunérés au dossier et tendent manifestement à interpréter la loi en faveur des investisseurs. En clair, cet accord, qui aura des conséquences importantes dans tous les domaines de notre quotidien (agriculture, énergie, internet, services, …)., vise la suppression de toutes les contraintes sociales, environnementales ou sanitaires, qui limitent le profit des multinationales. Dans les faits le droit des multinationales serait placé au-dessus du droit des États. D'autres traités sont en cours actuellement qui mettront les démocraties entre parenthèse. 52 VI L'ASSASSINAT DES LIBERTES INDIVIDUELLES « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux 43» La sécurité se substitue peu à peu à la liberté, et la sécurité engendre la peur qui engendre encore plus de sécurité et par voie de conséquence moins de liberté. Aujourd'hui, les gens ont peur. Il faut dire que les politiques et les médias maintiennent ce climat en relayant quotidiennement les attentats terroristes à l'intérieur ou à l'extérieur de nos frontières, les viols collectifs dans l'est du Congo, les percées de l’État Islamique en Irak et en Syrie ou de Boko Haram au Nigeria ou dans le nord du Cameroun, la recrudescence des vols ou des car-jacking, les piratages informatiques, ... Nous avons tellement peur que, inconsciemment, nous légitimons la présence de plus en plus intrusive de caméras 44, nous acceptons le flicage de nos comptes en banque, de nos mails, de nos conversations sur les réseaux sociaux, nous 43 Citation attribuée à Benjamin Franklin. 44 En France, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur annonça dés 2007, le déploiement d'un million de caméras dans l'hexagone. 53 trouvons normal d'être contrôlés de plus en plus fréquemment sur les axes routiers et si nous n'y prenons garde les perquisitions systématiques seront effectuées sans que personne ne puisse s'y opposer. Les autorités françaises et allemandes s'inquiètent de ne pouvoir déchiffrer facilement les conversations tenues sur Skype. Une loi pourrait bientôt imposer aux fournisseurs d'accès de mettre en place un système pour permettre aux autorités une écoute de ces conversations comme on le fait déjà lors d'écoutes téléphoniques. En France existe déjà le rapport Olivennes45. Il propose la surveillance des réseaux pour contrôler les téléchargements illégaux. Des méthodes existent pourtant pour empêcher un téléchargement, mais dans ce cas, on ne pourrait pas surveiller les internautes. Toutes ces intrusions modifient notre comportement sans qu'on en aie réellement conscience. Notre liberté fondamentale de gérer notre vie comme il nous semble s'effrite peu à peu et l'ingérence des autorités ou d'acteurs non élus dans notre vie privée s'installe doucement, sans faire trop de bruit. Le prétexte est de garantir la sécurité des citoyens, mais dans les faits, l'objectif est d'amoindrir la liberté de chaque individu en le culpabilisant s'il le faut. 45 Denis Olivennes fut chef d'entreprises successives et auteur du rapport qui porte son nom. Ce rapport fut remis en 2007 à Christine Albanel, ministre de la culture. 54 L'utilisation de cartes de crédit, de cartes de fidélité, le recours à des moyens de paiement électronique, de GSM ou smartphone, … permettent aux multinationales d'obtenir des informations de plus en plus nombreuses sur nos comportements en matière d'achat, mais aussi sur notre identité. Cela permet aux autorités de suivre chaque individu à la trace. Depuis le début du siècle sont développées des techniques d'identification par radio-fréquence46.Dans moins d'une décennie, nous serons tous pistés grâce à des mini-récepteurs placés sur chaque personne, avec ou sans son accord. Il est grand temps de réagir si nous ne voulons pas être dirigés par des objets, car une technologie, appelée Internet des Objets, se développe à une vitesse que nous peinons à imaginer. 46 RFID en anglais(Radio Frequency Identifaction) 55 VII LE MANQUE DE CONCERTATION ENTRE LES REGIONS ET COMMUNAUTES 1. Le monde est un 'système' Les musiciens savent ce qu'est un système. C'est une notation musicale reprenant l'ensemble des voix chorales et des instruments parfaitement accordés qui forment la partition. Une parfaite synchronisation des choristes et des instruments respectant le tempo et les nuances permet une interprétation musicale parfaite. Si le monde pouvait s'accorder comme le sont les instruments d'une œuvre majeure, l'avenir se montrerait plus clément, et l'interprétation agréable à vivre. Si seulement les communes, les provinces, les régions et communautés et l’État Fédéral Belges pouvaient s'accorder et s'harmoniser, notre pays serait montré en exemple pour les autres nations de la planète. Car, dans la majeure partie du monde, c'est le manque d'harmonisation entre les régions, les hommes, les femmes et les enfants, qui est à l'origine du mal-être. Le manque d'écoute de nos élus n'y est pas étranger. 56 Mais en Belgique, comme dans les autres parties du monde, les démocraties ne s'accordent pas entre elles et ne s'accordent pas non plus avec les composantes de chacune de leurs régions respectives. 2. Manque de concertation entre le Fédéral et les Régions Chaque instrument joue sa propre partition sans s'inquiéter de celle des autres et, forcément, c'est la cacophonie. A titre d'exemple, lors des réunions du 'comité de concertation', il est à se demander sur quoi porte la concertation budgétaire puisque les revendications des Régions ne sont pas entendues par l’État Fédéral qui prend des mesures unilatérales. 3. Manque de concertation entre les acteurs d'une même région Dans une même régions, les différents acteurs ne s'entendent même pas entre eux. C'est ainsi que Jean-Claude Marcourt, ministre de l’Enseignement Supérieur dans le Gouvernement Wallon a décidé d'organiser un concours après la première année de médecine – en guise de filtre destiné à s'inscrire dans les quotas déterminés par l’État Fédéral – .sans même attendre la fin des auditions organisées au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et avant d'avoir écouté tous les acteurs mobilisés par ce dossier y compris les étudiants qui sont quand même les premiers concernés. 57 58 Première logique une participation à la vie politique 59 60 I. LA DEMOCRATIE ! C'EST QUOI ? 1, Vit-on réellement en démocratie ? Bien que nous ayons le sentiment de vivre en démocratie, nous sommes de plus en plus nombreux à penser que notre bulletin de vote ne changera rien du tout. Il apparaît d’ailleurs que de nombreux citoyens votent par habitude plutôt que par conviction et qu’ils se rendent aux urnes pour satisfaire à une obligation légale. Au fond, vit-on en démocratie? Pour répondre à cette question, il faudrait s’entendre sur une définition de la démocratie qui nous convienne. Selon notre conception, la République Démocratique du Congo est une dictature; avant la chute du mur de Berlin les pays du bloc de l'Est se disaient démocraties populaires; la Chine se dit démocratique. Les pays européens ne se considéraient-ils pas tous comme des modèles de démocratie à l’époque coloniale? Les américains ne pratiquaient-ils pas l'esclavage et l'Afrique du Sud l'apartheid ?... et tous se disaient des pays démocratiques. Alors, quels sont les critères à retenir pour dire qu'un pays ou l'autre est démocratique? A mon sens, la démocratie est plus un idéal politique à atteindre qu'un statut aux règles rigides et bien définies. Dans 61 les faits, on ne peut jamais dire qu’un pays est totalement démocratique. Chaque pays doit inventer sa propre démocratie en fonction des différentes composantes de sa population. En Belgique, seule la démocratie représentative est autorisée. Elle fut inscrite dans la constitution dès les premières heures de la Belgique indépendante par quelques citoyens seulement, car tout le monde n’avait pas le droit de vote. Certains électeurs avaient plus de droits que d’autres. On ne parlait pas encore du suffrage universel. Il est dès lors temps d’imaginer un autre modèle de démocratie, plus en phase avec les citoyens qui vivent en 2015 et du mode de vie qui est le leur aujourd’hui. Une « démocratie représentative» dans laquelle une infime partie des citoyens a le droit de débattre au nom de tous n'est pas une démocratie. Une démocratie dans laquelle une poignée de gens qui font carrière, forment des listes et nomment les ministres parmi leurs membres est une oligarchie qui n'écoute pas les revendications populaires. Alexis de Tocqueville47, la figure de proue du libéralisme du XIXème siècle déclarait par ailleurs : "je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira". 47 Le vicomte Alexis de Tocqueville est un homme politique français rendu célèbre par ses analyses de la Révolution française et de la démocratie américaine. 62 Cette réflexion doit nous inciter à imaginer une démocratie dans laquelle les élus seront en permanence contrôlés et auront une obligation de résultat grâce à la possibilité donnée à chaque citoyen de participer activement à la vie politique. Pierre Mendes-France48 reconnaissait que « La démocratie ne consiste pas à mettre un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s'abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen non seulement sur les affaires de l’État, mais sur celles de la région, de la commune, de la coopérative, de l'association, de la profession. Si cette présence vigilante ne se fait pas sentir, les gouvernements (quels que soient les principes dont ils se recommandent), les corps organisés, les fonctionnaires, les élus, en butte aux pressions de toute sorte de groupes, sont abandonnés à leur propre faiblesse et cèdent bientôt, soit aux tentations de l'arbitraire, soit à la routine et aux droits acquis… La démocratie n'est efficace que si elle existe partout et en tout temps ». 48 Pierre Mendes France (1907-1982) est un homme politique français qui, aujourd'hui encore reste le symbole d'une conception exigeante de la politique. 63 2. Les lacunes de la démocratie représentative La démocratie représentative a cessé d’exister au moment ou nos élus se sont désintéressés de leurs électeurs et ont accepté d’être courtisés par des intérêts souvent occultes et dont les citoyens ne sont pas informés. Comme je viens de le dire, nous sommes dirigés — et notre vie privée est de plus en plus contrôlée — par une oligarchie. Nous sommes contraints de nous soumettre à la constitution belge qui, sous certains aspects, est celle d’un autre âge. Comme son nom l’indique, la démocratie représentative s’exerce uniquement par des représentants auxquels les citoyens abandonnent leur souveraineté, et comme les élus sont censés incarner la volonté générale, les citoyens espèrent que leurs élus exerceront leur mandat dans l’intérêt de leurs électeurs et resteront à leur écoute. Dans tous les cas, les citoyens sont contraints d’attendre les élections suivantes pour exprimer, à travers un nouveau vote leur mécontentement ou, dans le meilleur des cas, leur approbation. Mais le meilleur est bien loin. C’est le pire que nous subissons au quotidien, et comme la liste des candidats (choisis en amont par les partis) reste quasiment inchangée, le peuple se soumet une fois de plus au dictât d’élus qui ne les représentent plus. Si la démocratie représentative a bien fonctionné jusqu’à présent c'est que jadis d'autres valeurs morales que celles qu'on connaît aujourd'hui étaient largement répandues jusque dans les 64 rouages de l’État et les hommes politiques étaient passionnés par la chose et le bien publics49. On observe aujourd’hui que ce modèle est en crise. Le changement de mentalité explique cet état de fait. Nos élus ne sont plus de fidèles délégués des opinions de leurs électeurs et ne les représentent plus. L’écart ne cesse de se creuser entre la société politique (les représentants) et la société civile (les citoyens). Dans les faits, Un petit nombre d'oligarques forment la classe dominante qui asservit le peuple au lieu de l’affranchir. Certains « élus » sont nommés et non élus tandis que les bénéficiaires des suffrages sont d’avantage intéressés par une carrière que par la chose et le bien publics, sans compter que les carriéristes transmettent de plus en plus couramment leur fonction à leur progéniture. Le constat est simple: Les élus ne sont plus les bonnes personnes en mesure de prendre les bonnes décisions au bon moment. C’est donc à nous qu’il revient de nous concerter et de prendre en main notre destinée. 3. Leçons à tirer de la crise gouvernementale de 2010 La crise gouvernementale que nous avons connue en Belgique en 2010 est d’avantage une crise de la démocratie qu’une crise gouvernementale. 49 Rappelons simplement pour illustrer ce fait que, lors de l'exposition universelle de 1905, la Belgique était la seconde puissance mondiale après le Royaume-Uni. On ne parlait pas encore des États-Unis. 65 Les 541 jours de crise que la Belgique a connu n’est pas à mettre à son passif mais tout au contraire, la Belgique est un des premier pays à mettre en lumière la crise de la démocratie qui sévit dans les pays industrialisés. ► ► La crise illustre que la démocratie représentative a ses limites et que les élections, à elles seules, ne permettent plus la constitution d’un gouvernement mais au contraire font obstacle à une gestion politique seine. ► La crise illustre que les acteurs de la société civile (syndicats, mutuelles, coopératives…) n’incarnent plus à eux seuls la volonté populaire. Il est vrai que ces organes furent durant des décennies le trait d’union entre la population et le pouvoir. Leurs suggestions politiques étaient prises en compte. Aujourd’hui, les militants sont plus considérés comme des «clients », et ces organes ne pèsent plus bien lourds dans le dossier communautaire. On ne peut d’ailleurs pas dire que ces acteurs représentent l’ensemble de la société civile dans leur diversité. La « crise économique» que connaît toute l’Europe est essentiellement provoquée par les spéculateurs et des institutions bancaires puissantes qui parient sur la dette des états ou encore des actionnaires dont la gourmandise atteint des sommets. ► 66 4. Vers une démocratie participative La « démocratie participative » est un pléonasme. En effet, la démocratie ne s'exerce que grâce à une assemblée de citoyens, grâce aux débats qui s'y tiennent et qui permettent aux idées de s'affiner et de se concrétiser. Elle est donc forcément participative. En démocratie, la souveraineté de tous et de chacun ne s'exerce que dans des assemblées de citoyens, qu'elles soient physiques ou virtuelles. N'est souverain que le citoyen qui prend le risque de l'engagement. Ainsi que le disait Jean-Jacques Rousseau : « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté ne se représente point ; elle est la même ou elle est autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que des commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le Peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle ; ce n'est point une loi. » Alors qu'en Belgique le gouvernement Michel ne représente que 23 % des wallons, tous libéraux.peut-on parler de gouvernement légitime. 67 5. A quoi faut-il s'attendre à défaut d'une stratégie politique différente ? La répétition des erreurs du passé En 1931 déjà, Ludwig Von Mises 50 expliqua lors d'un discours en Tchécoslovaquie comment les crises surviennent, pourquoi les événements se passent comme ils le font et à quoi il faut s'attendre dans un avenir proche. Ce discours est intéressant dans la mesure où on pourrait le transposer presque mot pour mot à la situation actuelle. Depuis lors, les autorités politiques n'ont rien retenu et ont répété les erreurs du passé, et nos gouvernements continuent à s'égarer dans des politiques qui ne sont pas avalisées par la population. Il n'est pas étonnant que toute action politique soit rejetée violemment par le peuple quelles que soient les orientations envisagées; Il n’est pas étonnant non plus que les belges soient de plus en plus nombreux à se désolidariser de toute action politique. Le peuple a besoin de théories qui dénoncent les mensonges, rendent compréhensibles ce que la majorité des gens ignore et empêchent les exploiteurs d'abuser de cette ignorance. 50 Économiste autrichien, naturalisé américain, décédé en 1973. Il est l’auteur de l’école autrichienne d’économie qui défend le capitalisme et le libéralisme classique et critique le socialisme qui, selon lui, est voué à l’échec tant que les prix ne seront pas fixés par le marché. 68 La suppression de nos libertés Ainsi que le disait Benjamin Franklin « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. » Le grand danger du néocapitalisme est qu’il privilégie la santé boursière à la santé (économique) des entreprises. En acceptant le néocapitalisme51 et le néolibéralisme , nous faisons un pacte avec le diable et nous troquons peu à peu notre liberté pour plus de confort. Cela se traduit par une inversion progressive du rapport de force entre démocratie et gouvernance économique. L’inversion du rapport de force entre démocratie et gouvernance économique. La libéralisation progressive des échanges inverse peu à peu le rapport de forces entre démocratie et gouvernance économique, bien qu'elles restent complémentaires. 51 Le néo-capitalisme est une phase d’expansion du capitalisme qui se caractérise par la concentration internationale des capitaux et le développement de firmes multinationale. Cette expansion a débuté toute en douceur au lendemain de la seconde guerre mondiale en trompant la vigilance des élus nationaux de pratiquement toutes les nations. Ce type de capitalisme utilise toutes les techniques modernes — notamment celles liées aux lobbies — pour accroître leurs profits tirés du capital et mettent, s’il le faut, les états à genoux (comme ce fut le cas pour la Grèce que la banque Goldman Sachs a contribué à mettre en faillite. 69 II. LES FONDEMENTS DE LA DEMOCRATIE 1. principes démocratiques La démocratie se fonde sur trois principes • • • L’affirmation des droits individuels La séparation des pouvoirs La représentation contrôlée par les citoyens L'essence de la démocratie La double essence des principes démocratiques La liberté C'est-à-dire un état contraire à celui d’esclave. Selon Aristote, c’est la faculté de disposer à son gré de la part de son existence qui ne ressort pas de l’espace public. Dans cette perspective, le principe d’un système participatif à la vie politique de la collectivité est de nature à faire prendre conscience à tous les citoyens de trois préceptes essentiels : 70 – Chacun ne peut douter de l’intégrité de l’autre, – Le respect de la loi est essentiel – On ne peut retirer aucun bénéfice personnel immédiat du principe démocratique. La justice sociale Si la liberté et l’égalité — ce qu’on appelle la justice sociale — sont étroitement liées dans la pensée démocratique, un tel lien entraîne deux implications : – la faculté d’être tour à tour gouvernant et gouverné, ce qui exclut le carriérisme. – le respect du précepte de non oppression des minorités. 2. Principe de gouvernance économique La gouvernance économique se fonde sur quatre principes : • • • • La fonction gouvernante n’est pas issue des urnes, mais attribuée à l’issue de tractations parfois tendues entre les acteurs les plus influents, Le principe de participation n’est permis qu’à des acteurs organisés et reconnus comme concernés par l’enjeu, La liberté telle qu'exprimée plus haut n’est prise en compte que dans la mesure où elle n’entrave pas le principe d’efficience, Les minorités sont ignorées ou opprimées si elles ne 71 s’intègrent pas dans la logique économique. L'essence de la gouvernance économique La double essence de la gouvernance économique • • La satisfaction des consommateurs Le bénéfice croissant des investisseurs La logique financière l’emporte sur la logique de développement. Dans cette optique l’égalité n’est pas essentielle puisque la gouvernance poursuit un objectif d’efficacité. Il apparaît que les enjeux économiques reçoivent plus d’attention que les autres enjeux. DEMOCRATIE PRINCIPES droits individuels GOUVERNANCE ECONOMIQUE fonction gouvernante séparation des Pouvoirs participation limitée représentation liberté limitée minorités ignorées DOUBLE ESSENCE liberté satisfaction des consommateurs justice sociale bénéfice croissant des investisseurs 72 3. Conclusion Les observateurs reconnaissent que la gouvernance tend à élargir, par n’importe quel moyen, la participation d’acteurs non élus aux mécanismes de prises de décision52. Au temps de l’État Providence, la démocratie était un élément de contexte dans laquelle la gouvernance pouvait se développer. Aujourd'hui, on observe que la démocratie est un des éléments de la gouvernance, ce qui tend à illustrer que La démocratie n’est pas une condition exclusive pour la gouvernance: l’OMC fonctionne avec des États non démocratiques (comme la Chine). Jusqu’où la démocratie a-t-elle besoin de la gouvernance pour fonctionner? et si cette question vient à être posée, c’est que vraiment, la démocratie est un des éléments de la gouvernance. La gouvernance et la démocratie sont complémentaires et ne peuvent exister l’un sans l’autre. Toutefois existe une divergence profonde sur les fondements du processus de légitimation : - L’efficience pour la gouvernance - La participation pour la démocratie 52 Remarque de James Rosenau « Governance, in other words, is a more encompassing phenomenon that government. It embraces governmental institutions, but it also subsumes informal non-governmental mechanisms whereby those persons and organizations within its purview move ahead, satisfy needs, and fulfil their wants ». 73 Si la démocratie admet la complémentarité de l’efficience et de la participation, les faits illustrent hélas que l’efficience exclut la participation et contraint les citoyens, travailleurs ou non, à un état de survie 74 III. POURQUOI DEFIER LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE ? 1. Observance de deux phénomènes Nous pouvons observer deux phénomènes: • La mondialisation qui se caractérise d’une part par l’interconnexion des marchés de biens et des services ainsi que des marchés financiers au plan mondial, et d'autre part par des acteurs et des entreprises au plan mondial également. Grâce à divers accords qui ne sont pas portés à la connaissance du public, l'industrie financière tente par tous les moyens de faire vaciller les démocraties. • La crise de la démocratie représentative en Europe est illustrée par la méfiance croissante des citoyens envers les élus. Plus qu’un rééquilibrage, le citoyen quémande un autre type de gouvernance dans laquelle il pourra exprimer ses attentes directement. 75 2. Sept raisons de défier représentative • • • • • • • la démocratie Le parlement n’est pas représentatif de la société toute entière dans sa diversité,53 Les élus ne représentent plus leurs électeurs et ne vivent pas le même quotidien, ne fusse que par les revenus que leur fonction génère, Les citoyens ont le sentiment très vif que les élus restent sourds à leurs revendications, Les citoyens se méfient des politiciens, Nos élus ont abandonné les leviers de décision économique aux banques, multinationales et institutions supranationales, L’état est devenu au fil des années une vaste gestion de fortunes, Les gens attendent depuis trop longtemps un changement radical des orientations politiques, et nombreux sont-ils à vouloir s’impliquer davantage dans la vie politique et à revendiquer un rôle accru dans les prises de décision. 53 Par ailleurs, en Belgique où le vote est obligatoire, les parlementaires ne s'obligent pas à être présents au parlement au moment des votes. Chacun a en mémoire des hémicycles au trois quart vides. 76 IV. LES PRIORITES DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE Les quatre priorités de la démocratie participative sont 1. La citoyenneté La citoyenneté est la reconnaissance par la communauté de notre appartenance à cette communauté. Chaque citoyen détient une part de la souveraineté politique. On parle souvent des droits et des devoirs des citoyens, mais faire partie d ''une communauté n'accorde pas de droits mais des privilèges. Et lorsqu'on se sent investi de privilèges on intervient naturellement dans les besoins de la communauté en fonction de ses facultés. Les privilèges principaux de chaque citoyen sont La liberté d'expression La liberté d'expression est essentielle pour que, lors de débats, on puisse s'exprimer en toute indépendance. 77 La liberté de participer Le citoyen participe librement aux débats publics et y exprime l'intérêt général et non son intérêt personnel, car il sait que l'intérêt général est supérieur à la somme des intérêts personnels. L'égalité devant la justice Dans la plupart des états du globe les justiciables ne naissent pas égaux en droits et subissent pendant toute leur existence l'humiliation de la discrimination. L’égalité devant la justice, en Démocratie est un réel privilège. Le droit de propriété A. Tout citoyen peut acquérir des biens en seconformant aux lois en vigueur. Il peut les utiliser, en disposer et les léguer. Personne ne peut priver un citoyen de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique. Dans ce cas, la loi prévoit les conditions et une juste indemnité. L’usage des biens est réglementé par la loi en fonction de l'intérêt général. La grande difficulté, dont les citoyens doivent débattre, est de savoir où commence l’utilité publique et à partir de quand on peut priver quelqu’un de sa propriété pour l’intérêt commun . 78 B. Toute citoyen a le droit de jouir du fruit de ses créations immatérielles (droits d'auteur, droits industriels….) sans que quelqu'un d'autre puisse l'utiliser pour en faire le commerce. Le débat est de savoir pendant combien de temps le créateur peut-il conserver le monopole de ses créations, car la citoyenneté est aussi de faire profiter les autres, gratuitement, de ses découvertes. 2. La représentativité En Europe en général et en Belgique en particulier, la démocratie est une démocratie représentative, c'est à dire que les électeurs votent tous les cinq ans pour élire les députés fédéraux ou régionaux qui sont sensés représenter l'intérêt général de leurs électeurs , lesquels leur confient la responsabilité du pouvoir. Mais la représentation est remise en cause pour deux raisons : La sous-estimation du droit de vote Dans les pays ou le vote n'est pas obligatoire, les gens oublient qu'ils sont citoyens et qu'il ont un privilège non négligeable : celui de se rendre aux urnes et d'y faire le choix librement parmi les candidats présentés. Or , la défection est importante puisqu'il n'est pas rare que plus de la moitié des citoyens ne se déplacent plus. Cette négligence des citoyens permet à une « minorité agissante » de prendre les rênes du pouvoir, ce qui n'est pas représentatif de l'intérêt général. 79 Dans les pays où le vote est obligatoire, les votes nuls représentent moins de 10 %. Dans les deux cas, des campagnes de sensibilisation doivent être menées. La revendication d'un autre modèle de démocratie Les revendications d’une démocratie participative des citoyens à la vie politique, sont finalement l'essence même de la démocratie. La représentativité et la citoyenneté sont intimement liées puisque, grâce au privilège de pouvoir voter, le citoyen est reconnu comme membre effectif de la communauté. 3. Les débats Publics Tout système participatif se fonde sur La concertation dynamique Les débats libres et ouverts président aux décisions à l’échelon local (y compris les comités de quartier), régional, provincial, fédéral, européen. La mise en place d'un système organisé Ce système garantit que toutes les idées constructives et nouvelles des citoyens seront examinées de manière efficace. 80 C’est ainsi que dans un tel système toutes les mesures décidées sont acceptables par la grande majorité des citoyens concernés. Ce sont des "mesures transversales". Elles n’ont de sens que si chacun recherche le bien commun54. Les avis exprimés se baseront sur des considérations objectives et non sur la défense d’intérêts personnels. 4. L'engagement L'engagement politique est un privilège accordé à chaque citoyen qui consiste en démocratie (forcément participative) à intervenir personnellement dans la vie de la société. Contrairement à ce qu'on tente de nous faire croire, l'engagement politique et l'action politique ne font qu'un. L'action et l'engagement, consiste en une prise de position franche – ce qui exclut l'abstention – soit par un engagement sur le terrain, soit par des publications engagées, soit par toute autre méthode. L'engagement ne nécessite pas nécessairement l'appartenance à l'idéologie d'un parti politique. 54 La solidarité ne sera jamais égale à la somme des intérêts personnels. Lorsqu'on est solidaire, on perd toujours un peu d'autonomie et de liberté pour permettre à tous de s'épanouir. Les syndicats défendent les intérêts de leurs membres. Dans ce cas , on ne peut parler de solidarité. Parler de solidarité, c'est parler d'ouverture, de négociation, de compromis, et trop souvent on se rend chez le patron en confrontation et non en concertation. Je fais la même analyse pour les corporations patronales. 81 IV. LES DIX ATOUTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE Que l’on appelle la participation démocratie directe, démocratie participative, démocratie liquide…, cela importe peu. Il est essentiel que ce soit un système muni de mécanismes qui permettent à l’électeur d’interagir et de donner un avis duquel on tienne compte à tout moment. En tout cas, on peut développer dix arguments en faveur de la participation de tout citoyen à la vie politique. Un tel système 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Rend sa souveraineté au citoyen là où la démocratie représentative lui impose de l’abandonner au profit de quelques individus choisis par les partis. Permet à n’importe quel citoyen d’initier un projet de loi, ou bien ressortir des projets que le gouvernement a gelé pour des raisons diverses. Permet de voter pour un projet et non pour un programme. Permet de voter pour QUOI le peuple décide et non pour QUI les partis décident. Permet de voter aussi souvent que nécessaire (ce qui permet de faire avancer des dossiers à pas de géant). Garantit aux citoyens que les décisions prises représentent la majorité du plus grand nombre. Permet d’opposer son veto à une loi impopulaire concoctée par le gouvernement. 82 Impose au gouvernement plus de transparence dans les décisions qu’il prend, 9. Impose au gouvernement de se justifier auprès des citoyens et limite le pouvoir de l’élite. 10. Suscite chez les citoyens une plus grande implication dans la chose publique. 8. 83 V. LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE : UN OUTIL 1. la démocratie ne produit rien. La démocratie, à elle seule, ne produit rien. C'est un outil qui permet aux citoyens de s'exprimer, à des réflexions d'être approfondies, à des débats et des conférences d'être planifiés, à des recherches d'être soutenues… Une méthode devra être ratifiée pour qu'émergent des solutions adaptées. Les citoyens devront donc se «bouger», car nous avons besoin dans notre société de citoyens « actifs ». Plus rapidement nous nous doterons de cet outil et moins longtemps nos enfants et petits enfants subiront les difficultés actuelles qui s’amplifieront au fil du temps. Ce n’est que lorsqu’un système participatif sera inscrit dans la constitution que le gouvernement sera contraint de tenir compte de la volonté du peuple belge. 2. voter pour un mouvement politique, ni de droite, ni de gauche Pour l'heure, nos suggestions pourront quand même faire mouche...si nous sommes assez nombreux à les proposer. La meilleure manière d'atteindre rapidement notre objectif est de ne voter que pour une seule formation politique qui incarne le 84 changement (comme les écolos l'ont incarné il y a trente ans). Cette formation politique, ni de droite, ni de gauche – car cette notion divise au lieu de fédérer – aura comme objectif unique de rendre la parole au citoyen. Bien qu’il existe un grand nombre de citoyens favorables à la démocratie participative, aucun parti, actuellement présent sur l'échiquier politique, n’a introduit dans son programme la révision de la constitution en ce sens. C’est une preuve irréfutable que les partis n’écoutent pas l’électeur. Les belges d'aujourd'hui sont nettement plus émancipés et éveillés à la chose publique que lors des premières heures de la Belgique indépendante. Par ailleurs, les avancées spectaculaires des technologies de l'information permettent aujourd’hui au citoyen de se tenir de plus en plus efficacement au faîte de l‘actualité et de diffuser son opinion, notamment sur les réseaux sociaux, moyen moderne fédérer. La Démocratie participative nous affranchira de la dictature des partis politiques Les partis politiques ne veulent pas entendre parler de démocratie participative puisque cela leur enlèverait une partie de leurs prérogatives et de leur pouvoir. La démocratie participative permettra à nos enfants et nos petits-enfants d’être les acteurs de leur destinée, et non de subir le dictât d’une poignée d’’« élus » qui ne nous représentent 85 plus. La démocratie s’est corrompue en une dictature des élections. La démocratie participative produira des solutions rapides Contrairement à la démocratie représentative, la participation des citoyens pourrait aboutir à de solutions durable sans s’embourber dans des « compromis à la belge » et sans être contraints de suivre les programmes établis par les partis. 3. Le référendum d'initiative populaire L’issue de la réflexion sur un projet donné est le vote par l’ensemble des citoyens et non plus seulement par l’assemblée des parlementaires: c’est ce qu’on appelle le «référendum d’initiative populaire». Seul le référendum d’initiative populaire rend le pouvoir au citoyen en imposant au gouvernement de tenir compte du scrutin. Il existe d'autres types de référendum ou de consultation populaire, mais, dans ces cas là, le gouvernement conserve le monopole de l’initiation et des décisions. 86 4. La Démocratie concurrence Participative crée une Les citoyens peuvent faire des choix plus efficacement et plus rapidement que le pouvoir exécutif et législatif car ils sont entièrement « libres » et non enchaînes par des considérations diverses telles que – Mes décisions seront-elles sanctionnées ou récompensées ? – Mon adversaire en tirera-t-il avantage ou au contraire sera-t-il désavantagé? – Mes décisions auront quel impact en termes de voix de préférence lors des prochaines élections ? – Quel sera l’impact médiatique de mes décisions ? – A quelle place me positionnerais-je dans les sondages? Le peuple est « libre » de toute contrainte puisqu’il n’a pas à être élu ou réélu. Le choix qu’il fait est donc nettement moins partisan. Cela compense très largement son manque d’expertise qui s’acquiert au fil du temps. La démocratie est un organisme vivant qui doit s’adapter à notre époque, à notre ère d'interactivité permanente. On ne peut admettre qu'elle reste sclérosée par les règles et les formes rigides du siècle passé. Elle a besoin d’un lifting en profondeur, comme c’est le cas dans le domaine éducatif, économique, scientifique, social, culturel,.... Ce n’est donc pas seulement un droit, mais un devoir de chercher de nouvelles possibilités démocratiques. Les citoyens "chercheurs" lèguent le fruit de leurs découvertes à l’humanité dans toute sa diversité. 87 Dans cet essai, il n'est pas question de supprimer le parlement, mais de créer une concurrence de laquelle découle un contrôle accru de l'action de nos politiciens. Dans une économie de marché, la concurrence joue un rôle de premier plan car elle offre un large choix et donc d'avantage de qualité pour le consommateur tandis que les monopoles ou quasi-monopoles, assez contraignants, offrent trop souvent des services médiocres. 88 VI. PREREQUIS EN DEMOCRATIE PARTICIPATIVE La participation à la vie politique peut prendre diverses formes et c'est à chaque communauté qu'il appartient d'en déterminer les règles. Dans tous les états où une participation à la vie politique est autorisée et organisée il apparaît que la participation reste faible, ce qui donne un argument aux autorités pour ne pas en débattre. C'est vrai que si 60 % de la population en âge de participer s'abstient, cela veut dire que 40 % seulement ont participé à la votation et qu'une majorité de 25 % (peut être) s'est exprimée en faveur de la mesure à prendre. La mesure pourrait donc être adoptée par 25 % des votants. Le but poursuivi n'est pas atteint puisque 60 % des gens n'ont pas participé et leur avis n'est donc pas pris en compte. La meilleure méthode pour se faire reconnaître en tant que citoyen est de participer activement à des débats. 89 Pour que la votation représente la voix de la population tout entière, il est indispensable que trois conditions soient réunies. Prendre conscience de l'enjeu et s'informer Si nous ne voulons pas que nos enfants et petits-enfants vivent à genoux, Il est essentiel que nous nous informions. Nous ne pouvons pas toujours compter sur les médias où les porte-parole officiels pour recevoir la bonne information ou l'information complète. Souvent il s'agit d'une demi-vérité, l'autre moitié restant volontairement dans l'ombre55. Comprendre et débattre L'information que l'on reçoit, ou que l'on recherche n'est pas toujours compréhensible dès la première lecture. Par ailleurs, elle n'est souvent que partielle. Il est essentiel que nous participions à des débats pour la comprendre, ou pour la compléter. Les technologies actuelles permettent de prendre part à des débats via Internet. Cela n'empêche qu'il est parfois utile de participer à des conférences-débats. Pour comprendre, il faut abandonner ses certitudes et accepter l'autre dans tout ce qu'il a de différent dans sa manière d'être, 55 Voir mon cahier d'information politique : « Ces sophistes qui influencent la politique des États » 90 dans son mode de pensée, dans son expression. S'engager et décider En général, plus grand est notre confort, plus modeste est notre engagement. L'engagement fait appel à l'indépendance d'esprit. Il est essentiel que nous décidions, après nous être informé et après avoir débattu. Décider s'est s'engager et prendre des risques. Prendre des risques c'est accepter volontairement d'abandonner notre confort et de reconquérir notre liberté. 91 92 Deuxième logique Une économie différente 93 94 Les prévisions du Club de Rome L'idée de réformer la croissance n'est pas neuve.. En 1968 – alors que les Trente Glorieuses sont à leur apogée – se réunirent des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des industriels de cinquante deux pays dans le but de former un groupe de réflexion à propos des problèmes de société engendrés par la croissance56. Après quatre ans, le Club de Rome arriva à la conclusion que le futur de l'humanité était préoccupant et que l'effondrement du système économique mondial était inéluctable d'ici soixante ans. (donc à partir de 2030).. Le Smithsonian Institution, un des organes en charge du rapport a rédigé une version actualisée en 2012, et les prévisions sont alarmantes57. Elles confirment qu'à partir de 2030, on doit s'attendre à un désastre. Il ne serait d'ailleurs pas étonnant d'après ce rapport, que le système économique s'effondre dès 2020, engendrant une baisse massive de la population mondiale dans la décennie qui suit. Il est aujourd'hui certain que, si les citoyens ne reprennent pas eux-même leur destinée en main (démocratie participative partout dans le monde – y compris chez nous – ils risquent de mourir de faim ou de froid dans la prochaine décennie car les systèmes politiques et économiques actuels font croire aux 56 Voir le rapport « the limits to growth - Halte à la croissance ?) » publié en 1972 par le Club de Rome. Un deuxième rapport « Stratégie pour demain » (1974) qui approfondissait et ciblait mieux les problématiques. 57 Source : RTBF.be Info 95 gens que les ressources dont nous gratifie la nature – et qui permettent la croissance que nous connaissons – sont inépuisables. Or, rien n'est plus faux. 96 I. LA CROISSANCE, C'EST QUOI ? 1. Définition « Est-on pour où contre la croissance ? ». Est-ce la bonne question, car finalement de quelle croissance parle-t-on ? Pour répondre à cette question il faut d'abord la définir . Tout le monde est d'accord sur le fait que la croissance démographique s'arrêtera un jour, et d'un autre côté nul ne conteste les bienfaits de la médecine qui permet de prolonger la vie. Par ailleurs, dans nos régions, la croissance a dépassé le seuil du gaspillage tandis qu'ailleurs la croissance de biens essentiels comme l'accès à l'eau potable est insuffisante. Chez nous, il faudrait limiter drastiquement l'utilisation de matières fossiles ou de matières renouvelables lentement (comme l'eau), alors qu'ailleurs la survie des populations dépend de la croissance. Avant de dire qu'on est pour ou contre la croissance, il est essentiel de se poser trois questions : – En quel lieu ? – Dans quel sens ? – De quel processus de croissance s'agit-il ? Dans la nature, il y a deux types de croissance : La croissance indifférenciée, et la croissance organique. 97 2. Croissance indifférenciée C'est le type de la division cellulaire : Elle se divise en deux et chacune d'entre elles encore en deux et ainsi de suite pour former des milliards de cellules. La croissance est purement quantitative. Elle est exponentielle puisque qu'elle est puissance de deux. Un croissance économique doit impérativement s'arrêter car elle serait insoutenable et les matières premières ne suffiraient plus. 3. Croissance organique La croissance organique fait la différence entre les structures des cellules et leur fonction. Les cellules deviennent spécifiques pour chaque organe en fonction du développement de l'organisme. Le nombre de cellules poursuit son accroissement, mais de par sa structure et sa fonction, certaines pourraient s’accroître tandis que d'autres diminuent. L'équilibre est dynamique parce que dans chaque organisme vivant parvenu à maturité, les cellules se renouvellent sans cesse. La croissance économique doit davantage se focaliser sur la qualité que sur la quantité. La croissance pour la croissance ne peut pas continuer indéfiniment.C'est le mode de croissance déséquilibrée et indifférenciée qui est au cœur des problèmes 98 les plus graves qui menacent l'humanité. L'humanité se trouve à un tournant décisif de son histoire : continuer sur la voie de la croissance indifférenciée, ou choisir celle de la croissance organique. Nous devons choisir vite sinon la solution nous sera imposée. 99 II. LA CROISSANCE MONDIALISEE 1. Impératif : l'inversion nécessaire de la croissance Comme on vient de leur voir, la mondialisation de l'économie a engendré la mondialisation d'une croissance indifférenciée, c'est à dire une croissance mondiale de surabondance, croissance mondiale qui gaspille dan l'hémisphère nord alors que l'hémisphère sud manque du nécessaire. On privilégie toujours la quantité de biens à la qualité des biens. En créant un équilibre chez nous, on crée un déséquilibre dans une autre contrée du monde. Comme la croissance est aujourd'hui mondialisée, l'inversion de cette croissance devra aussi être mondiale grâce à une solidarité planétaire. Bon ben ! c'est pas gagné. Ce sont donc les peuples qui doivent imposer à leurs dirigeants un changement d'attitude. Les citoyens du début du XXème siècle ont connu comme aujourd'hui des situations de crise. Toutefois elles se présentaient autrement. On parlait peu de mondialisation et chacun se préoccupait de ses petites affaires sans s'inquiéter de la cohérence avec ses partenaires. Le règlement des problèmes au niveau provincial ou national était possible. Si d'aventure une difficulté majeure pointait le bout de son nez, 100 on avait 10, 20, ou même 30 ans pour les résoudre car le monde tournait relativement lentement. Et la donne n'avait pas fondamentalement changé de nature. Aujourd'hui, les horloges tournent trop vite et s'affolent. Les étudiants savent bien que leur apprentissage devra être permanent car leur bagage universitaire sera dépassé en quelques mois seulement. Notre croissance indifférenciée, et par voie de conséquence exponentielle, suscite des changements à une vitesse jamais égalée. 2. Se poser les bonnes questions Les signes d'un danger proche sont là, sous nos yeux, et nos dirigeants continuent à répéter : « tout çà, çà s'arrangera », alors qu'une analyse, menée avec rigueur, bien référencée, a clairement établi que rester passif comme on le fait actuellement est un manque du plus élémentaire bon sens et ne pourrait que conduire au désastre. Il est donc urgent d'acter l'état des lieux et de relever courageusement les défis qu'il suggère et d’imaginer des orientations nouvelles. Mais pour cela il faut se poser les bonnes questions afin d'établir pour les générations future s un rapport équilibré entre l'homme et la nature. 101 1. Les crises telles que celle de l'énergie, de la faim dans le monde, les matières premières, … sont-elles permanentes, ou bien sont-elles des erreurs de parcours où encore notre insouciance notre négligence en sont-elles pour une part responsables. 2. Les crises peuvent-elles être résolues par chaque région, chaque, nation, ou bien n'existe-t-il de solutions vraiment durables que dans le cadre d'une solidarité mondiale ? 3. Les crises peuvent-elles être surmontées par les mesures traditionnelles qui ont toujours été limitées à un aspect isolé du développement social, comme la technologie, l'économie, la politique, etc., ou faut-il adopter une stratégie de plus grande portée, englobant tous les aspects de la vie sociale? 4. Quel est le degré d'urgence de la résolution des crises? Un délai permettrait-il de gagner du temps et de rendre moins douloureuse la mise en œuvre des mesures nécessaires? Ou bien accroîtra-t-il les difficultés? 5. Peut-on résoudre les crises totales par la coopération, sans sacrifices injustifiés pour l'un ou l'autre des partenaires du système mondial? Ou y a-t-il un danger que certains puissent s'assurer un avantage durable en recherchant l'affrontement avec leurs partenaires dans le contexte global? 102 III. CONSEQUENCES DE LA CROISSANCE INDIFFERENCIEE Nous l'avons évoqué dans la première partie de cet essai : L’Europe en général et la Belgique en particulier connaissent un vide de pouvoir . Le pouvoir est aux mains des multinationales et des banques qui privilégient la gouvernance économique à la démocratie. La résultante en est que les élus sont liés par des accords économiques et qu'ils ont peu de marge de manœuvre. Cela se concrétise par une augmentation des impôts pour rembourser ses emprunts sans aucune solution à long terme pour relancer l’économie et son corollaire: l’emploi. 1. Observations Notre système économique s’affaiblit de plus en plus Les charges qui pèsent sur notre économie et plus particulièrement le remboursement de notre dette publique colossale ne nous laissent aucune marge de manœuvre pour la relancer. Par les accords de la Jamaïque en 1976 58, par l'abandon de l’État Providence au Profit d'un État Social Actif, les États ont laissé le champs libre aux lobbies de l'industrie financière 58 Voir mon cahier d'information politique : « Ces faux monnayeurs qui dirigent la Belgique et le monde » 103 d'étendre son influence à tous les niveaux de pouvoir, et par voie de conséquence à minimiser les besoins de citoyens et à sacraliser ses besoins propres. Notre système financier n’est plus en phase avec l’économie réelle. Nos dirigeants constatent depuis longtemps que notre système privilégie la bonne santé de la bourse plutôt que celle des entreprises. Elles ne font rien parce qu'elles ne peuvent rien faire. Des accords pris à la légère favorisent le commerce mondial, l'industrie financière mondiale et dérégule les autres formes d'économie. Nos investisseurs se font rares Le risque pour nos investisseurs est tel qu’ils préfèrent s’abstenir et, du fait d'une trop importante masse monétaire virtuelle entre autres, les banques n’accordent plus facilement de prêts. La paupérisation gagne du terrain Aujourd'hui, l'emploi n'est plus une valeur sûre et ne permet plus qu'à quelques privilégiés de se projeter sur le long terme. Les multinationales, l'industrie financière, les accords transatlantiques, les organes parastataux…. concurrent à minimiser les coûts salariaux et à maximaliser les profits financiers. 104 2. Qui soutient encore la croissance ? La croissance est soutenue par ceux qui recherchent le profit, et pour les autres qui croient que la croissance a quelques mérites, ils doivent être mal informés, car elle permet juste aux travailleurs de maintenir leur emploi momentanément, à quelques chômeurs d'obtenir un boulot le plus souvent précaire, et quelques aménagements sociaux et environnementaux, mais n'apporte à la majorité des citoyens que peu de prospérité. 105 IV. VERS UN AUTRE MODELE DE CROISSANCE 1. La croissance : un système mondial Même si la croissance est globalisée, nos élus ne peuvent rester inactifs au niveau local tout en étant conscient que pour muer la croissance indifférenciée actuelle en une croissance organique, il est indispensable qu'un accord mondial voit le jour. Ainsi que le disait l'écologue américain Garett Hardin59 « On ne peut rien faire sans mettre en branle tout le reste ». La déforestation de l'Amazonie60 permet aux Américains et aux européens d'agrémenter leur confort de bois exotique, aux autochtones de dégager des terres cultivables dans l'immédiat sans aucune gestion seine de la forêt.. Le 'trafic' du bois gonfle le PIB chez nous, mais crée un déséquilibre écologique inquiétant au niveau mondial. Les grandes enseignes proposent souvent des produits fabriqués à l'autre bout du monde, fabriqués par des hommes et des femmes – parfois par des enfants – qui sont largement sous 59 Garett James Hardin (1915-2003) est surtout connu grâce à l'article qu'il écrivit en 1968 : « The Tragedy of the Commons » (la tragédie des biens communs)). 60 L'Amazonie s'étend sur 9 pays et principalement sur le Brésil. Elle fait une superficie de 5.500.000 km² soit 40 fois la taille de la Belgique .L'exploitation illégale du bois représente plus de 30 % du chiffre d'affaire 106 payés. L'importation de ces produits intervient dans notre PIB mais crée une injustice sociale dans un autre continent où ces enseignes maintiennent un climat de misère. Les exemples ne manquent pas. Le monde est donc un système. Toutes les actions des hommes doivent être analysées globalement61 et leurs conséquences doivent être projetées à long terme. 1. Les méfaits d'une croissance qui pollue Peut-on vraiment louer les bienfaits de la croissance alors que la classe moyenne se paupérise de plus en plus, que la mondialisation provoque des déséquilibres sociobiologique, que l'écart se creuse entre ceux qui peuvent tout s'offrir et ceux qui doivent sans cesse se contenter de peu ? Peut-on vraiment continuer à croître de cette manière lorsqu’on multiplie les pièges à l’emploi et que, sans aucun état d’âme, le fisc condamne de plus en plus de citoyens à se perdre dans la spirale de l’endettement fiscal ? Faut-il attendre que, paupérisé par la haute finance, le peuple se révolte? Alors, la bonne volonté dont quelques dirigeants font preuve ne suffira plus. 61 Voir mon article sur mon site internet « paulthunissen.be 'Stratégie pour aujourd'hui : une approche systémique' qui est un extrait du second rapport du club de Rome. 107 Malgré des crises graves qui ont égrené l'Europe depuis la révolution industrielle, nos dirigeants s'informent mal et ont la conviction que la croissance est synonyme de relance alors qu'elle permet à trois quart de l'humanité de mourir de faim et à un quart de mourir d'avoir trop mangé. 2. Les bienfaits d'une croissance qui aère Il est grand temps de penser à d'autres politiques diamétralement opposées à celles qui gouvernent l'Europe en général et la Belgique en particulier en mettant en œuvre des politiques désirables et réalisables, des politiques qui se penchent sur les besoins et souhaits réels des citoyens, des politiques qui portent en elles le germe du partage, de la justice et de la tempérance. ? Nous appellerons "décroissance" ce nouveau modèle économique qui apporte un peu d'air frais. Ce n'est pas une croissance négative, mais plutôt l'abandon de l'objectif d'une croissance qui pollue notre environnement et qui creuse des abysses entre les citoyens, au profit d'une politique poursuivant une autre logique que celle du culte de la croissance pour la croissance, favorisant le totalitarisme économique. Dominique Bourg62 qui fut l’icône incontestée du développement durable déclarait il y a peu: « Pourquoi ai-je cru au développement durable ? J’ai fini, et bien d’autres avec moi, par changer d’avis ». 62 Philosophe français qui fut professeur à l’Université de Lausanne. 108 Si l’on croit que le développement peut durablement exister, si l’on croit encore que la croissance n’aura aucune fin, si l’on croit qu’on peut produire éternellement… c’est se mentir à soimême car la croissance à tout va épuise les ressources planétaires et finira par détruire notre planète bleue. Ne serait-il pas souhaitable de travailler moins et de vivre mieux? de consommer moins et de réfléchir plus? Ce type de décroissance, utopique et rêve de boy-scouts pour de nombreux observateurs, aurait au moins le mérite de protéger notre écosystème, car, quand nous aurons fait tomber le dernier arbre, contaminé le dernier ruisseau et le dernier arpent de terre, pêché le dernier poisson, nous nous rendrons compte, mais un peu tard, que l’argent n’est pas comestible. Et même s'il l'était, nous ne saurions nous en nourrir, car la masse monétaire est constituée à 93 % d'argent qui n'a jamais existé63. Aucune solution clé sur porte ne pourra être apportée avant d'avoir construit le creuset — un modèle de démocratie participative — au sein duquel des alternatives pourront être pensées et expérimentées. Toutefois, en démocratie, l' engagement personnel est essentiel. C'est un privilège de la citoyenneté que de pouvoir s'engager. A défaut, nos familles et ceux qui recevront notre terre en héritage pourraient être contraints de vivre à genoux. 63 Voir le cahier d'information politique : « Ces faux monnayeurs qui dirigent la Belgique et le monde ». 109 3. Revenir à une production marchande Aujourd'hui, le PIB reflète plus la bonne santé de l'industrie financière que celle du commerce des biens et des services, c'est à dire l'échange indispensable de biens entre Les multinationales s’étendent et étouffent le tissu économique de proximité comme l’ivraie étouffe le bon grain de blé. La création d’entités commerciales autogérées (coopératives) est un bon moyen d’atteindre quelques objectifs : · Préserver l’environnement de la pollution provoquée par les multinationales, · Freiner les techniques visant à réduire la durée de vie ou d’utilisation d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement, · Créer des expériences de production en marge du système économique actuel basé uniquement sur le profit. Elles ne provoqueront pas son effondrement mais favoriseront son affaiblissement. Pour mettre en œuvre ces beaux principes il conviendrait de confronter le point de vue de tous les intervenants (l'économiste, l'ingénieur agronome, l'ingénieur analyste, l'écologue, le citoyen) afin • d'avoir une vision holoptique • de définir une attitude commune. Par ailleurs, la production marchande crée des liens sociaux alors que les multinationales ne crée que des enchaînements financiers. 110 Troisième logique un revenu garanti Pour comprendre ce qui va suivre, il faut accepter d'abandonner ses certitudes et être prêt à modifier son rapport au travail ... ... et à l'argent 111 112 I. un système social et fiscal dépassé 1. Introduction Il ne faut pas être un exégète de la politique pour observer que, dans les faits, les députés européens sont plus nombreux à représenter les conservateurs que les démocrates, que la logique économique l'emporte sur la logique démocratique. A titre d'exemple, l'Europe a récemment élaboré en toute discrétion une directive « sur le redressement et la résolution des défaillances bancaires ». Si c'est du chinois pour la plupart des européens, cela veut dire concrètement qu'en cas de crise bancaire, comme ce fut le cas en 2010, les banques en difficulté sont autorisées à se refinancer, à concurrence de 7 %, en prélevant directement les sommes nécessaires sur les comptes de leurs épargnants. D'autres exemples d'accords secrets sont les traités transatlantiques entre l'Europe et d'une part le Canada et d'autre part les États-Unis qui sacralisent la primauté de la gouvernance économique sur tous les modèles démocratiques. Comment s'y opposer puisque le choix des candidats est opéré en amont par les présidents de parti, et échappe donc à l'électeur, raison pour laquelle les mêmes têtes siègent régulièrement à Strasbourg quel que soit le résultat du scrutin, 113 et que les mêmes politiques libérales sont poursuivies au mépris de l'intérêt des citoyens. Chez nous, en Belgique, chacun peut observer que le système social et fiscal ne répondent plus du tout à ce qu'attendent les belges. Chacun peut également observer que l'écoute de nos élus n'est pas du tout attentive. Pourtant, comme leur discours est en parfaite conformité avec ce que nous désirons entendre, nous voulons croire que nous avons élu les bonnes personnes et qu'elles sont forcément bonnes puisque c'est nous qui les avons élues. Les citoyens les moins (in)formés n'ont pas conscience de la manipulation dont ils sont victimes et pour les autres, ils en ont conscience mais bon... »qu'est-ce qu'on peut y faire ». On vient d'en parler : la mise en place d'un outil de démocratie participative, ce qui n'aurait aucun sens si, dans le même temps aucun cours d'éducation citoyenne n'était dispensé dans nos écoles. En effet, l'un sans l'autre n'aurait aucun sens. Ce système, à lui seul, ne produira aucun effet si on ne lui donne aucune matière à débat et si nous n'intégrons pas deux vérités contredites par ceux qui recherchent le profit. • l'information est une arme redoutable • l'intérêt général sera toujours supérieur à la somme des intérêts personnels. 114 Une matière essentielle à débattre est l'objet de la présente section : le Revenu Garanti. Des expériences multiples ont été menées et des observations réalisées à travers le monde, outre-atlantique, en Afrique, en Asie, et même chez nous en Europe. En expérimentant le Revenu Garanti, quel que soit le nom qu'on lui donne64, des économistes – notamment des économistes comportementaux – des sociologues, des politistes (donc, des gens de terrain) ont observé les comportements et en ont fait l'analyse65. Tant mieux, car les peuples sont pragmatiques et souhaitent surtout savoir si çà marche. Et si çà marche chez le voisin pourquoi cela ne marcherait-il pas chez nous ? 64« revenu de base », « basic income » pour le politiste allemand Claus Offe ;« revenu social garanti », « revenu d’existence » pour les économistes français Henri Guitton et Yoland Bresson ; « revenu inconditionnel suffisant » pour le philosophe français André Gorz, cofondateur du Nouvel Observateur., « revenu de citoyenneté pour Jean-Marc Ferry « allocation universelle » pour le philosophe belge Philippe Van Parijs ; « citizen’s income » pour le britannique Keith Roberts ; dividende universel 65 Lire mon cahier d'information politique : « le Revenu d'existence observé ». 115 2. Abandonnons nos certitudes pour bien comprendre Notre éducation judéo-chrétienne , marquée par les valeurs bibliques, a du mal à se faire à l'idée qu'on puisse donner de l'argent à quelqu'un qui ne travaille pas, car de tout temps l'homme est reconnu dans la société grâce au travail qu'il fournit. Dans le troisième chapitre de la Genèse, le ton est donné. Pour avoir croqué le fruit défendu, l'homme devra désormais « gagner son pain à la sueur de son front 66», et l'être humain sera marqué par le péché, et donc par la culpabilité. Saint Paul de Tarse, plusieurs millénaires plus tard rappelle que « celui qui ne travaille pas, ne mange pas non plus67 ». Il n'y a pas très longtemps, les mamans veillaient en général à l'éducation des enfants et à entretenir leur maison, mais les « maîtresses de maison » étaient peu considérées car le travail rémunéré était la seule référence. Pour illustrer mon propos, il suffit d'observer que le PIB ne tient compte que de la richesse produite par ceux qui ont un travail rémunéré. Aucun autre indicateur ne compte vraiment. Imaginons un instant, un Revenu Garanti, alloué à chacun de la naissance à la mort, simplement parce qu'il existe. Un revenu d'existence calculé à partir de la richesse produite par une région, par un pays, par une communauté. Cerise sur le gâteau, 66 Genèse( 3, 19) 67 Seconde lettre de Saint-Paul aux Thessaloniciens (3, 10) 116 ce revenu est cumulable avec les revenus d'une activité. Bien sûr il se substituerait totalement ou en partie (selon les courants de pensée) aux nombreuses allocations dont bénéficient les citoyens. Ce qui est normal. Il ne faut quand même pas vouloir le beurre et l'argent du beurre. Ne fusse que pour accepter l'idée que le Revenu Garanti pourrait être la bonne idée du XXIème siècle, nous devons abandonner nos certitudes et nous (in)former. Nous devons faire l'effort d'évacuer ce cliché enraciné dans notre subconscient que cette révolution rendra les gens paresseux et favorisera le déclin de nos sociétés, car rien n'est moins sûr. Imaginons toujours... que chacun d'entre nous, indépendamment de son statut, de son âge ou de son activité, dispose de ce revenu garanti. Quel serait notre comportement ? Quel sens donnerions-nous à notre existence ? 117 II. Les fondements philosophiques du Revenu Garanti L'idée d'un revenu garanti est déjà évoquée par l'ouvrage « Utopia » de Thomas More paru en 1516. Depuis, l'idée n'a pas cessé de se développer dans l'esprit d'économistes de tous bords. Aujourd'hui, plus que jamais la question fait débat. Il porte sur le fait de savoir si l'homme moderne peut concevoir qu'on puisse « gagner sa vie » autrement qu'à la « sueur de son front », qu'un homme, une femme ou un enfant puisse recevoir un revenu par le seul fait qu'il existe. 1. Définition Le Revenu Garanti est un revenu alloué à tout être humain de sa naissance à sa mort, qu'il aie ou non une autre source de revenu et quelle qu'elle soit. Il s'agit d'un revenu réel et non une allocation ; En effet une allocation est une assistance à des conditions et justifications diverses alors qu'un revenu est la contrepartie d'une production de richesses. Le Revenu Garanti modifierait en profondeur la vie des individus ainsi que leurs choix de vie . Et comme ce revenu d'existence est attribué à l'enfant dès sa naissance, ce dernier 118 pourrait bénéficier à l'âge adulte d'un capital non négligeable si toutefois l’État met en place des mécanismes qui permettent de protéger au moins une partie de ce patrimoine. En fonction de la production de richesses à laquelle il prendra part du fait de son existence, il appréciera de recevoir toute sa vie un Revenu Garanti croissant. Ce filet de sécurité l'incitera à construire sa vie en toute sérénité en fonction de ses choix et de ses talents, mais certainement plus en fonction d'un impératif économique. Le Revenu Garanti sera le fruit d'une profonde modification de la redistribution des richesses et, par voie de conséquence du système social actuel. 2. Un revenu garanti pour réorganiser notre vie Les gens n'ont pas conscience que l'emploi est devenu une marchandise. Selon Karl Marx « chacun vend sa force de travail », mais ne vend-t-on pas plus que çà ? Ne vend-t-on pas son temps de vie ? une forme d'esclavage moderne. Nul ne devrait être contraint de vendre sa vie, car la vie est un don, et à notre tour on peut l'offrir. Nul ne devrait être contraint de vendre son temps car il ne nous appartient pas. Il nous est prêté et nous devrions pouvoir, à notre tour, au gré de notre fantaisie, en prêter une partie. Grâce au Revenu Garanti, la société se réorganisera : les 119 contrats d'emploi subiront un lifting complet, les gens ne rechercheront plus à tout prix un CDI68 mais au contraire un CDD69 qui leur permettra d'être maîtres de leur temps et de leur vie et d'adapter leur activité en fonction de paramètres qui leur sont propres afin d'évoluer sereinement dans ce monde qui bouge sans cesse. Ce sera la fin du salariat, et le début d'un art de vivre. 3. Caractéristiques du Revenu Garanti Les quatre caractéristiques essentielles sans lesquelles le Revenu Garanti perd toute sa saveur sont : • • • • L'inconditionnalité, l'universalité, l'individualité le cumul possible avec d'autres sources de revenus Mais il en a bien d'autres : • • • • • • tout à fait transparent, simple à appliquer et à contrôler assure une égalité parfaite entre tous les citoyens scelle l'appartenance à la collectivité, facteur d'intégration et de paix sociale exprime la reconnaissance de la dignité humaine du fait de la possibilité du cumul possible avec une 68 Contrat à durée indéterminée 69 Contrat à durée déterminée 120 • • • 4. activité rémunérée 1. supprime le seuil de pauvreté 2. n'incite plus à l'oisiveté (comme c'est le cas avec le chômage ou le minimex) Reconnaissance par la communauté de la valeur économique et sociale du travail nécessaire mais gratuit (comme le travail domestique ou le volontariat) avantage les plus démunis relance l'économie sans risque d'inflation Les atouts du Revenu garanti • • • • • • Ce n'est pas une prestation sociale, puisque tout le monde la reçoit, Il remplace les prestations sociales actuelles jusqu'à leur montant, Il s'impose dans une économie qui ne garantit plus le plein emploi, Il permet à l'homme de valoriser son potentiel créatif, Il est discuté dans le monde entier et soutenu par différents réseaux et personnalités, Il peut être financé. Le revenu garanti est • • • • versé aux citoyens et non aux ménages, cumulable avec les autres revenus, versé sans qu'il y aie une exigence d'effectuer ou d'accepter un travail, d'un montant suffisant pour couvrir les besoins de base 121 et permettre la participation à la vie sociale. 5. Corrélation entre le Revenu Garanti et le P.I.B. Actuellement, l'indice de référence est le PIB. Il ne mesure que la production économique située à l'intérieur du pays, soit le Produit Intérieur Brut. Bien qu'il existe un indicateur alternatif visant à compléter le PIB70, ce n'est pas encore pour tout de suite sauf si une majorité des citoyens votait pour une formation politique qui préconise la présente trilogie politique. Les différents courants de pensée s'opposent. C'est ainsi que pour Y. Bresson, on ne devrait pas consacrer plus de 15 % du PIB au revenu d'existence même si cela paraît peu, car il y a plusieurs paramètres à prendre en considération, tandis que pour Ph. Van Parijs, il faut doter d'emblée les citoyens d'un revenu suffisant pour pouvoir vivre afin d'éviter la contrainte de « devoir » travailler pour vivre. 6. Le choix des mots Les économistes et les observateurs ont attribué au revenu garanti une pléthore d'épithètes en fonction du sens qu 'ils veulent lui donner. En effet, le choix des mots n'est pas anodin, et personnellement je suis séduis par la définition que donne 70 Il s'agit de l'IBED (l'Indice de Bien-Être Durable) qui prend en compte d'autres paramètres que la consommation marchande des ménages et qui, par son mode de calcul est très proche de l'IPV (Indice du Progrès Véritable). 122 Yoland Bresson au Revenu Garanti : le « revenu d'existence ». Le Revenu Il s'agit bien d'un « Revenu » et non d'une « Allocation ». En effet, comme je l'ai dit plus haut, pour les économistes un revenu est la contrepartie d'une participation à la création de richesses, tandis que l'allocation est une attribution d'assistance. D'Existence Selon Yoland Bresson, ce revenu « est obtenu parce qu'on existe et non pour exister.....dès qu'on existe on participe à des échanges de temps, et tout échange de temps est créateur de richesses que le support monétaire rend visible ». L'objectif est clair: Instaurer le Revenu d'Existence, en transformant concrètement notre modèle social. C'est ainsi que Philippe Van Parijs, mon concitoyen, parcourt le monde pour propager l'idée, l'exposer de la manière la plus claire possible de telle manière que chacun puisse comprendre de quoi il s'agit. 123 III. Le débat 1. Pourquoi le Revenu Garanti n'a-t-il pas été débattu plus souvent ? Il y a deux raisons à cela: Notre mode de pensée Le temps a façonné notre manière de penser. C'est ainsi que l’idée que nous puissions donner de l’argent à quelqu’un sans qu’il ne participe à la production des ressources n'est pas dans notre schéma. L'illusion d'après guerre et les Golden Sixties Au lendemain de la seconde guerre mondiale l'Europe a connu ce qu'il est convenu d'appeler « le plein emploi ». Il a permis de • • concevoir et d'affiner une protection sociale de qualité. éviter les problèmes d'intégration puisque tout le monde avait un emploi. L'Europe toute entière se trouvait dans un grand jardin d’Éden. On jouissait des retours financiers des colonies et de nos propres entreprises florissantes comme le charbon et l'acier, et des fleurons locaux garantissaient les emplois régionaux (le Val Saint Lambert, les dentelles de Bruxelles ou de Bruges, les 124 porcelaines de Tournai, les étains hutois...). Les banques étaient encore Belges (Banque de Bruxelles, Banque Lambert, Banque Nagelmackers , Société Générale...) de même que les compagnies d'assurance (Assurance Liégeoise, Provinces Unies, Assurances Générales, Royale Belge,…) et la SABENA71 était une des compagnies aériennes les plus sûres, les plus confortables du monde, et les plus rentable du monde. La Belgique était considérée comme un pays de cocagne où il faisait bon vivre. Une fois cette période terminée le monde politique affirmait en boucle qu'on allait retrouver le plein emploi. Alors, le peuple a poursuivi sa course folle et on a commencé à vivre au dessus de nos moyens. Les mensonges à répétition faisaient chuter les gouvernements72. Et les mêmes ministres, nommés et non élus, se retrouvaient à la barre, et cela recommençait . Inlassablement nos dirigeants disaient que çà irait mieux, les mêmes mensonges encore et toujours. 2. Pourquoi en reparler aujourd'hui ? Le mensonge des têtes d'affiche Les politiciens font miroiter que tout ira mieux. C'est pas nouveau. Il y a quarante ans que j'entends cette sérénade, mais il faut se rendre à l'évidence que le plein emploi connu lors des 71 Société Anonyme BElge de Navigation Aérienne. 72 Si l'on considère la période allant de 1948 à 2010, les gouvernements ont tenu en moyenne un an et demi. 125 Golden Sixties est un miracle de l'histoire et ne se répétera pas, car • La croissance et les ressources du sol sont forcément limitées.73 • Les PME disparaissent et ne se renouvellent pas74 • Les impôts augmentent mais sans aucune compensation, • La pauvreté gagne chaque jour du terrain75. • Et parallèlement, grâce aux subsides (en d'autres temps on appelait cela des « pots de vin ») et à la faible imposition • les multinationales accroissent constamment leurs bénéfices et réduisent leur personnel • les spéculateurs engrangent des bénéfices plantureux L'un explique en partie l'autre. Le système social actuel n'est plus en phase avec ce que vivent les peuples Convaincre les politiques que le Revenu d'Existence pourrait compléter ou remplacer avantageusement le système social actuel, serait une avancée significative. En effet, si tout le monde s'accorde sur la nécessité d'éradiquer la pauvreté 73 Chez nous en Belgique, nous avons assisté aux fermetures successives des charbonnages et à la fermeture progressive des Hauts Fourneaux. 74 Si l'on en croit la Libre du 31 décembre 2013, les PME ont été au nombre de 12306 à fermer en 2013 entraînant avec elles la perte de 27.912 emplois. C'est 11% de plus qu'en 2012. 75 Le 16 octobre 2010, la Libre nous informait qu'un belge sur 7 vivait en dessous du seuil de pauvreté (899 €/mois pour un isolé et 1888 €/mois pour un ménage de 4 personnes) , soit 14,7% e la population. 126 galopante qui s'installe, personne n'ose toucher au système social actuel conçu comme une cathédrale. En supprimant la pierre de voûte, tout s'écroule. Les différentes mesures proposées sont autant de vérins qui empêchent l'édifice de s'écrouler. Combien de temps tiendra-t-il ainsi ? La course à la croissance entraîne une productivité toujours plus soutenue et par voie de conséquence une baisse du travail rémunéré. Cet état de fait pourrait être compensé par un Revenu Garanti pour l'accroissement d'une population qui, dans une large mesure, ne parviendra plus jamais à trouver un emploi. Par ailleurs, le confort des générations vieillissantes repose en grande partie sur les épaules des générations les plus jeunes, et ce poids handicape déjà fortement les générations à naître. L’État social Actif fragilise davantage les plus vulnérables Être Social aujourd'hui, c'est être actif. De toute façon, même au temps de l’État Providence, cette notion était comprise par tous. Il n'est pas bon à l'homme d'être oisif, et le Revenu Garanti ne compte pas rendre les gens oisifs non plus. Ce qui est interpellant c'est que le concept d'État Social Actif, sacralisé lors du Sommet de Lisbonne76, privilégie la logique contractuelle pour gérer les revenus de remplacements quels 76 En mars 2000 l'Union Européenne prit en compte la mondialisation de l'économie et enterra définitivement l’État Providence. 127 qu'ils soient alors que l’État Providence privilégiait une logique de solidarité encadrée par des règles de droit. Comme partout les concepts libéraux remplacent les concepts démocrates. Par ailleurs, l’État Social Actif favorise l'individualisme et permet aux plus dominants, créateurs et entrepreneurs, d'écraser ceux dont les aléas de la vie ont rendus vulnérables. Le pouvoir économique prend le contrôle du pouvoir démocratique, ce qui a pour conséquence que les communes, les provinces, les régions, l’État Fédéral, et même l'Europe sont impuissants politiquement face aux multinationales, aux banques, aux sociétés publiques,.… L’État social estime que les gens sont responsables de leur état. « Ils n'ont qu'a trouver un emploi », et c'est reparti pour la course à la compétence, à la croissance... C'est ainsi que depuis 2004, les pouvoirs publics font la chasse aux chômeurs. Ils sont de plus en plus nombreux à demander de l'aide aux CPAS et de plus en plus nombreux à se faire exclure. La libéralisation des marchés Grâce au mécanisme de libre concurrence, la libéralisation des marchés et la fin des monopoles devait en principe être favorable aux consommateurs car, pensait-on, les prix allaient chuter. En tout cas, c'est ce que nous ont fait croire les élus de l'époque. L'eau : Bien que le secteur de l'eau soit toujours sous 128 monopole, l'eau à augmenté de 70% en Wallonie77 ces sept dernières années. Une des raisons est que les pouvoirs publics ne subsidient plus l'eau. On fait donc comme si le secteur était libéralisé à la différence que le consommateur ne peut pas changer de fournisseur. Bref, l'ensemble des coûts est donc récupéré via la facture...et la TVA. Et comme les ménages ne désirent pas payer plus que ce qu'il faut, ils font attention à l'eau, consomment moins, ce qui entraîne une augmentation du prix du m³. Et le chat se mort la queue ! L’électricité : Toujours en Wallonie, les consommateurs paient pour le transport de l'énergie verte sans pour autant en bénéficier et pourraient voir leurs factures augmenter de 20% voire d'avantage en 2014. Une des raison de ces deux exemples est que les gros consommateurs paient proportionnellement moins que ceux qui sont économes. Les télécommunications : Les tarifs télécom augmentent sans cesse au point que la Belgique est un des pays les plus chers d'Europe en la matière. Par ailleurs, la régulation se fait très mal puisque le gouvernement laisse toute liberté à l'IBPT de réguler le marcher à sa guise. En ce qui concerne les frais pour retard de paiement, ils sont usuraires, constituent un réel bénéfice pour l'entreprise de télécom, et sont supportés par ceux que les aléas de la vie rendent les plus vulnérables. 77 RTBF.be du 23 janvier 2013. 129 IV. Les principaux courants Le concept du Revenu Garanti est partagé autant par les conservateurs (libéraux) que les démocrates (socialistes ou sociaux démocrates) mais les raisons que l'un ou l'autre invoque pour leur mise en application est différente. A titre d'exemple : Les conservateurs Les conservateurs souhaiteraient que le revenu garanti remplace le système actuel qui favorise le clientélisme et qui, au fil des décennies est devenu inefficace. En dotant tous les citoyens d'un Revenu Garanti Faible, les libéraux voient la possibilité d'alléger l'état de nombreuses dépenses liées à la sécurité sociale en privatisant l'enseignement, les soins de santé et les services publics. Selon eux, cette démarche permettrait le développement de l'initiative citoyenne. Les démocrates Les démocrates souhaiteraient que le Revenu Garanti complète le système actuel afin de permettre aux citoyens de vivre décemment de ce seul revenu, en ayant comme objectif la sortie du capitalisme. Karl Marx avait déjà imaginé qu'un jour les machines à elles seules produiraient les richesses qui seraient redistribuées sous forme d'un Revenu Garanti. Le montant varierait en fonction de l'âge, autour du système 130 social actuel. Ils sont plutôt favorables à un Revenu Garanti Fort qui permette de vivre décemment sans avoir recours à un travail, ce qui, pour les détracteurs, n'est pas finançable. Je pense qu'une alternative à définir, en fonction de la région où elle serait mise en œuvre, se trouve au croisement de ces courants de pensée, celui des libéraux, traditionnellement conservateurs, et celui des socialistes plutôt démocrates radicaux78. La notion de gauche-droite deviendrait alors superflue et appartiendrait au passé. Le revenu garanti est à lui seul une grande réforme du capitalisme et de notre mode de pensée face à l'argent, au travail, à l'emploi. Il est débattu par deux professeurs d'université dont les convictions divergent assez fort : 78 Les conservateurs souhaitent conserver leurs privilèges et avantages pour engranger toujours plus de profit, alors que les démocrates souhaitent se réapproprier le pouvoir, et essentiellement celui que nos élus ont abandonné aux mains d'acteurs non élus, comme les multinationales, les banques... Cette opposition entre le pouvoir politique et économique devrait faire l'objet d'un profond débat. 131 V. Redéfinir le travail 1. suppression de la garantie de moyens d'existence Ni l’emploi salarié, ni les revenus du capital, ni les prestations sociales actuelles ne peuvent prétendre désormais garantir le droit à l’existence de chacun tel que défini à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La flexibilité de l’organisation des entreprises modernes entraîne actuellement une instabilité croissante de l’emploi rémunéré. En Suisse, en raison de la très forte compétitivité du pays, le taux de chômage reste relativement bas et l’importance des emplois précaires pour l’instant limitée. Néanmoins, il serait illusoire de considérer la Suisse comme une île coupée du reste du monde. L'idée d'un revenu de base est prise au sérieux par de nombreux citoyens suisses, autrichiens et allemands... et pourtant ces pays sont parmi ceux qui ont le meilleur train de vie d'Europe. 132 2. Découpler l'emploi, le travail et le revenu Travail et revenu On associe à tort le travail au revenu qu'il génère, car il est normal, selon notre conception, qu'un travail génère un revenu. Hors, si cela nous parait normal, ce n'est pas naturel. En confondant la norme et la nature, on arrive aux dérèglements qu'on connaît aujourd'hui. Il faudra longtemps pour changer les mentalités. Ce découplage partiel entre emploi et revenu est nécessaire en raison de la disparition des emplois stables traditionnels. Le chômage et la précarité sont en majeure partie la conséquence d’une dynamique de rationalisation et d’automatisation qui rend l’objectif du retour au plein emploi caduc, du moins sous les conditions que nous avons connues durant 50 ans après la seconde guerre mondiale. Il s'attache à séparer l'emploi du revenu qu'il génère pour permettre une approche différente et ainsi permettre à chacun, qu'il travail ou non, un revenu de base suffisant pour vivre sans un recours nécessaire à l'emploi. Emploi et travail L'emploi et le travail sont bien différents. Si le travail est naturel, l'emploi est la conséquence de normes et de contrats, et donc soumis à l'économie de marché. Réfléchissons 133 différemment et évitons d'assimiler ce qui est naturel à ce qui est normal. Le travail est normal, en ce sens qu'il est attaché à toute activité, qu'elle soit végétale, animale ou humaine, et n'est pas nécessairement attaché à un revenu, au sens où on l'entend généralement. Une mère de famille travaille, de même que celui ou celle qui abandonne toute activité professionnelle pour s'engager dans une activité de volontaire, pour s'occuper de ses parents ou de ses enfants, et comme le disait Baden Powell, 'pour rendre la vie plus agréable autour de nous'. Grâce à son inconditionnalité, le revenu de base brise la chaîne qui fait dépendre la couverture des besoins vitaux de l’accomplissement d’un travail rémunéré. 134 A nous de sensibiliser nos proches, nos concitoyens, nos décideurs, nos élites sur les fondements du monde d'aujourd'hui et de faire la promotion d'alternatives économiques, financières et politiques au monde de demain. Vous pouvez m'écrire à l'adresse paul.thunissen@gmail.com inscrire en objet : Une Trilogie Politique pour le XXIème siècle http://paulthunissen.be 135 136 137 138