info document - Collège Les Grands Champs
Transcription
info document - Collège Les Grands Champs
Collège Les Grands Champs 137 avenue Blanche de Castille 78 300 Poissy Poissy, le 15 mars 2012 Histoire des Arts - session 2012 Les œuvres étudiées cette année au collège s'articulent autour du thème : « Pouvoir et propagande au XXème siècle » Ces œuvres relèvent de domaines artistiques variés. La terminologie officielle distingue les arts de l'espace, du visuel, du quotidien, du langage, du son et du spectacle vivant mais certaines de ces œuvres sont communes à plusieurs champs artistiques. Classe de 3e1 : – Blowin’ in the wind de Bob Dylan (1963) – Captain America de Jack Kirby (couverture n°78, 1954) – Guernica de Pablo Picasso (1937) – La villa Savoye de Le Corbusier (1929 - 1931) – Le cuirassé Potemkine de Serguei Eisenstein (1924) – Les joueurs de cartes d'Otto Dix (1920) – Ouradour de Jean Tardieu Classe de 3e2 : – Barbara de Jacques Prévert (1956) – Blowin’ in the wind de Bob Dylan (1963) – Captain America de Jack Kirby (couverture n°78, 1954) – Guernica de Pablo Picasso (1937) – La villa Savoye de Le Corbusier (1929 - 1931) – Le cuirassé Potemkine de Serguei Eisenstein (1924) – Les joueurs de cartes d'Otto Dix (1920) Barbara de Jacques Prévert (1956) Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Epanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisée rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de même Rappelle-toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle-toi Rappelle toi quand même ce jour-là N'oublie pas Un homme sous un porche s'abritait Et il a crié ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie épanouie Et tu t'es jetée dans ses bras Rappelle-toi cela Barbara Et ne m'en veux pas si je te tutoie Je dis tu à tous ceux que j'aime Même si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis tu à tous ceux qui s'aiment Même si je ne les connais pas Rappelle-toi Barbara N'oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu d'acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est-il mort disparu ou bien encore vivant Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin très loin de Brest Dont il ne reste rien. Jacques Prévert, Paroles Jacques Prévert a eu beaucoup de mal à se faire reconnaître des critiques car on lui reprochait la trop grande simplicité de sa poésie. Aujourd'hui, il est considéré comme un des plus grands poètes du XXème siècle et il est publié dans la collection de La Pléiade, synonyme de consécration et d’honneur pour un écrivain. La poésie Barbara est extraite de Paroles, paru en 1946. C’est un texte qui se réfère aux 165 bombardements de la ville de Brest entre le 19 juin 1940 et le 18 septembre 1944. La destruction complète de la ville inspire une réflexion pessimiste sur l’amour et la vie. Au-delà des qualités littéraires du texte, on trouve ici deux thèmes chers à Jacques Prévert , l'antimilitarisme et l'anticolonialisme. Blowin’ in the wind de Bob Dylan, 1963 How many roads must a man walk down Before you call him a man? How many seas must a white dove sail Before she sleeps in the sand? Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly Before they're forever banned? The answer, my friend, is blowin' in the wind, The answer is blowin' in the wind. -----------Yes, 'n' how many years can a mountain exist Before it's washed to the sea? Yes, 'n' how many years can some people exist Before they're allowed to be free? Yes, 'n' how many times can a man turn his head, Pretending he just doesn't see? The answer, my friend, is blowin' in the wind, The answer is blowin' in the wind. ------------Yes, 'n' how many times must a man look up Before he can see the sky? Yes, 'n' how many ears must one man have Before he can hear people cry? Yes, 'n' how many deaths will it take till he knows That too many people have died? The answer, my friend, is blowin' in the wind, The answer is blowin' in the wind. Combien de routes un homme doit-il parcourir Avant que vous ne l'appeliez un homme? Combien de mers la blanche colombe doit-elle traverser Avant de s'endormir sur le sable? Oui, et combien de fois doivent tonner les canons Avant d'être interdits pour toujours? La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent, La réponse est soufflée dans le vent. ------------Oui, et combien d'années une montagne peut-elle exister Avant d'être engloutie par la mer? Oui, et combien d'années doivent exister certains peuples Avant qu'il leur soit permis d'être libres? Oui, et combien de fois un homme peut-il tourner la tête En prétendant qu'il ne voit rien? La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent, La réponse est soufflée dans le vent. ---------------Oui, et combien de fois un homme doit-il regarder en l'air Avant de voir le ciel? Oui, et combien d'oreilles doit avoir un seul homme Avant de pouvoir entendre pleurer les gens? Oui, et combien faut-il de morts pour qu'il comprenne Que beaucoup trop de gens sont morts? La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent, La réponse est soufflée dans le vent. Blowin' in the Wind est une chanson de Bob Dylan parue sur l'album The Freewheelin' Bob Dylan en 1963. Archétype de la chanson de protestation, sa portée humaine et poétique en firent l'hymne d'une génération, et contribua à ériger son jeune auteur de 21 ans en porte-parole du mouvement des droits civiques. La chanson, inspirée d'un air traditionnel des esclaves noirs à la mélodie très simple, est, à peine quelques jours après sa sortie, reprise sur les pelouses universitaires, par les étudiants et d’autres chanteurs de folk dont le trio Peter, Paul and Mary. C’est leur version qui va connaître en premier une reconnaissance internationale. Les radios très enthousiastes vont également décider de diffuser le titre toutes les heures et dans le monde, 2 milions d'exemplaires sont vendus. C’est donc bien les qualités d'auteur plus que d'interprète de Dylan qui sont célébrées. La chanson a fait le tour du monde et des dizaines d'interprètes décident de la chanter : Joan Baez, El- vis Presley, Janis Joplin, Stevie Wonder... En France c’est Hugues Auffray qui la fait découvrir en en faisant une adaptation en français, Dans le souffle du vent. Blowin' In The Wind est la première composition d'importance de Dylan et la plus célèbre des « protest songs ». Située dans un contexte de tension au Viêt-Nam, du mouvement pour les droits civiques, la chanson ne fait pourtant allusion à aucun événement particulier, ce qui contribue à la rendre intemporelle. Elle est constituée de trois strophes, chacune composée de huit vers. Chaque vers comprend une question, dont la réponse, toujours identique, constitue le refrain: «The answer my friend is blowin' in the wind». La tournure interrogative tend à souligner l'apparente simplicité de la réponse, indépendamment de la complexité des questions. Cependant, la réponse, vague, ne répond pas aux questions posées, claires et tranchées ; il est seulement dit à l'auditeur où il peut trouver la réponse. L'image métaphorique du vent peut également être une allusion au contexte de l'époque, où la violence des conflits dénotait un accroissement perceptible de la tension politique. Captain America de Jack Kirby (1941) A l'origine, héros luttant contre le nazisme, Captain America revient dans les années 50 pour contrer la menace communiste dans le contexte de la guerre froide. Il est l'archétype de la propagande anticommuniste américaine. Il s'agit ici de la couverture n°78 des aventures de Captain America. Elle est dessinée par John Romita et scénarisée par Stan Lee. Editée par la société Atlas Comics (anciennement éditions Marvel), elle paraît aux Etats-Unis en septembre 1954 à la fin de la période du MacCarthisme. Guernica de Pablo Picasso (1937) Créé en quelques semaines par Pablo Picasso, sur commande des Républicains pour le pavillon Espagnol de l'Exposition universelle de Paris de 1937 (dédiée au progrès et à la paix), Guernica exprime la révolte du peintre espagnol. Cette immense toile monochrome est le symbole des horreurs de la guerre, inspiré du bombardement de la ville de Guernica, le 26 avril 1937, pendant la guerre d’Espagne, par l'aviation nazie, alliée de Franco (1600 morts). Mais les républicains sont écrasés par les putschistes franquistes et après la guerre civile, Guernica, manifestation de la culture dans la lutte politique, a sillonné le monde pour des expositions. Après, Picasso a souhaité que le tableau ne bouge pas du MoMA de New York, sauf pour revenir en Espagne «quand les libertés publiques seraient rétablies». En effet Pablo Picasso refusait son retour en Espagne tant que vivrait le général Franco, aussi le tableau a passé une partie de sa vie en exil. Il est ramené du MoMA en Espagne en 1981 et installé au musée du Prado, en attendant la construction du musée d'art moderne. Il est actuellement exposé au musée Reina Sofia à Madrid. La Villa Savoye de Le Corbusier (1928 - 1931) Chef-d' œuvre architectural, la villa Savoye la parfaite illustration de la théorie des cinq points de l'architecture moderne formulée par Le Corbusier en 1927 : les pilotis, les toits-jardins, le plan libre, la fenêtre en longueur et la façade libre. Les clients de Le Corbusier, les Savoye habitent la villa de 1931 à 1940. Pendant la seconde guerre mondiale, elle est occupée successivement par les Allemands puis les Alliés et est gravement endommagée. En 1958, la ville de Poissy exproprie les Savoye ; la propriété est alors amputée de six hectares pour la construction d’un lycée et la villa est utilisée comme Maison des jeunes et de la culture. Au-delà de son intérêt purment artistique, la Villa Savoye se caractérise par les luttes de pouvoir qui s'y sont exercées. C'est finalement le ministre de la culture, André Malraux qui, en 1962 décide de son classement aux monuments historiques ce qui entraîne des travaux de restauration. La Villa Savoye est désormais ouverte au public. Le cuirassé Potemkine de Serguei Eisenstein (1924) Commandé à Eisenstein par les autorités soviétiques pour le vingtième anniversaire de la révolution de 1905, le Cuirassé Potemkine va devenir l’un de ses plus fameux chefs-d’œuvre, l’un des plus censurés aussi, y compris dans son pays, pour être parvenu à exalter la révolte des humbles avec trop de puissance. Interdit pour son contenu social révolutionnaire pendant près de trente ans, ce film n’est autorisé à la diffusion en France qu’à partir de 1953. La version restaurée en 2005 par la Deutsche Kinemathek, avec le concours des BundesarchivFilmarchiv et du British Film Institute lui restitue la splendeur des origines, avec un souffle révolutionnaire intact, notamment dans la célèbre séquence des escaliers d’Odessa. Les joueurs de cartes d'Otto Dix (1920) Otto Dix est profondément bouleversé par la guerre de 14-18 où il a été soldat. La guerre change radicalement le style de ses œuvres. Cette grande toile a fait scandale par sa violence insoutenable mais aussi parce qu'elle dénonce l'absurdité de la guerre. Otto Dix refuse cette récupération dramatique et patriotique des traces de la souffrance militaire. Ces trois "gueules cassées" incarnent les conséquences de la guerre. Dans Les joueurs de cartes, le décalage entre la banalité de la situation (le jeu) et l’aspect monstrueux des joueurs est frappant (un joueur tient la carte avec son pied). Le fait qu’un autre porte fièrement la croix de fer à sa veste est sans doute une critique du peintre à l’égard d'un nationalisme excessif. Otto Dix dénonce en effet ce comportement de certains anciens combattants qui, au lieu de tirer des leçons de la guerre, ressassent des rancœurs et refusent ainsi le pacifisme. Après la prise du pouvoir par les nazis en 1933, Dix, alors enseignant à l'université, est l'un des premiers professeurs d'art à être renvoyé, persécuté parce que considéré « bolchévique de la culture » par les nationaux-socialistes. La même année, menacé de prison et de camp d'internement, il commence une « émigration intérieure » dans le sud-ouest de l'Allemagne où il se met à peindre des paysages. En 1937, ses œuvres sont déclarées « dégénérées » par les nazis. Quelque 170 d'entre elles sont retirées des musées et une partie est brûlée ; d'autres sont exposées lors de l'exposition nazie «Art dégénéré ». Oradour de Jean Tardieu (1947) Oradour n'a plus de femmes Oradour n'a plus un homme Oradour n'a plus de feuilles Oradour n'a plus de pierres Oradour n'a plus d'église Oradour n'a plus d'enfants Plus de fumée plus de rires Plus de toîts plus de greniers Plus de meules plus d'amour Plus de vin plus de chansons. Oradour, j'ai peur d'entendre Oradour, je n'ose pas Approcher de tes blessures De ton sang de tes ruines, je ne peux je ne peux pas Voir ni entendre ton nom. Oradour je crie et hurle Chaquefois qu'un coeur éclate Sous les coups des assassins Une tête épouvantée Deux yeux larges deux yeux rouges Deux yeux graves deux yeux grands Comme la nuit la folie Deux yeux de petits enfants: Ils ne me quitteront pas. Oradour je n'ose plus Lire ou prononcer ton nom. Oradour honte des hommes Oradour honte éternelle Nos coeurs ne s'apaiseront Que par la pire vengeance Haine et honte pour toujours. Oradour n'a plus de forme Oradour, femmes ni hommes Oradour n'a plus d'enfants Oradour n'a plus de feuilles Oradour n'a plus d'église Plus de fumées plus de filles Plus de soirs ni de matins Plus de pleurs ni de chansons. Oradour n'est plus qu'un cri Et c'est bien la pire offense Au village qui vivait Et c'est bien la pire honte Que de n'être plus qu'un cri, Nom de la haine des hommes Nom de la honte des hommes Le nom de notre vengeance Qu'à travers toutes nos terres On écoute en frissonnant, Une bouche sans personne, Qui hurle pour tous les temps. Jean Tardieu, Jours pétrifiés Jean Tardieu (1903-1995), écrivain français, a travaillé aux Musées Nationaux puis chez Hachette et après la guerre, à la Radiodiffusion française. Traducteur de Goethe et de Hölderlin, il reçoit le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres en 1986. Difficilement classable, poète avant tout et surtout, il écrit aussi pour le théâtre (Théâtre de chambre) et travaille à la radio pendant une vingtaine d'années (Club d'essai). Il remet en jeu les conventions des genres et tente des expériences à propos du langage poétique et de sa relation avec le langage de tous les jours. Son poème « Oradour », composé en heptasyllabes est une longue dénonciation de l’horreur nazie pour que chacun se souvienne, un grand cri de révolte, une plainte lancinante et retentissante, un hymne à l’innocence bafouée.