Mensans n°5 - Mensa France

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Mensans n°5 - Mensa France
1946 – 2 0 0 6
Mensans
Numéro 5, Hiver 2006-2007, ISSN 1771-8813
Over Thinking
En terre
inconnue
Football
Caméléon
Édité et publié par Mensa France, 20 rue Léonard de Vinci, 75116 PARIS.
www.mensa.fr
à propos
azertyuiop^qsdfgh
Mensa France
quelques mots sur l’association
l’adhésion.
les moyens
Mensa France est une
Mensa France tire ses
association à but non lucratif
ressources des cotisations, des
(loi 1901) affiliée à Mensa
passages de tests.
International. Pour pouvoir en être
Il n’y a aucun salarié. Toutes les
membre, il faut avoir passé un
activités sont organisées par des
test psychotechnique approuvé
bénévoles. Le fonctionnement
par le psychologue international
de l’association est assuré par
de Mensa dans des conditions
l’équipe du Comité National et ses
régulières et avoir atteint un score
délégués.
correspondant aux 2% les plus
élevés.
Mensa International perçoit
8% du montant des cotisations
Lors des tests organisés par
enregistrées par Mensa France.
Mensa France, nous faisons
Les régions en perçoivent quant
passer trois de ces tests. Il suffit
à elles 20%. Le solde est utilisé
donc d’en réussir au moins un
pour le fonctionnement de Mensa
pour pouvoir devenir membre de
France.
l’association, en France ou dans
un autre pays.
Au terme d’une première
Mensa France consacre plus
de 60 % de son budget à l’édition
de ses publications (Contacts,
adhésion, le membre n’est pas
Mensans, Annuaire). Le reste
obligé de renouveler sa cotisation.
sert entre autre à financer le site
Il peut cotiser à nouveau quand il
internet, les cartes de membres,
le souhaite.
les kits d’accueil, l’organisation
Pour toute information :
adhesion@mensa.fr
Mensa France organise des
séances de test en collaboration
avec des responsables
régionaux.
L’adhésion peut également se
faire sur dossier.
Tous les détails peuvent être
obtenus sur simple demande à :
tests@mensa.fr
Mensa France,
association loi 1901,
20 rue Léonard de Vinci
75116 PARIS
Contact : mag@mensa.fr
Site web : www.mensa.fr
Directeur de publication :
Alain SÉRIS
Rédacteur en chef :
Guillaume TUNZINI
Suivi de fabrication :
Emmanuel DUBOIS, 3D2S
Communication Externe :
Ingrid DESJOURS
Ont également participé de
près ou de loin à l’élaboration de
ce numéro : Jean-Marc BAGGIO,
Stéphane BERNARD, JeanPierre CHATENET, Rodolphe
MAIX, Christophe Mariac, Paul
PEIGNÉ, Delphine Rey, Muriel
TUNZINI, « Sophy ».
Remerciements à Gilles
HARPOUTIAN, ainsi qu’à
Frédéric LOPEZ et son équipe.
de l’assemblée générale annuelle
et les conventions nationales
semestrielles.
les tests
Mensans, ISSN 1771-8813.
Édité par Mensa France
Siret : 312 478 894 00032.
NAF 804D
Dépôt légal novembre 2006.
Imprimé par France Quercy,
Mercues, à 1 200 exemplaires.
responsabilite
Mensa France permet à des
personnes au QI élevé de se
rencontrer.
Mensa n’a pas d’opinion.
Les textes sont publiés et les
activités sont organisées sous la
responsabilité de leurs auteurs et
organisateurs respectifs.
Mensans n°5
Illustrations : © Istockphoto, sauf
mention contraire.
p. 3 mer, Tina Rencelj, © Fotolia
jklmwxcvbn,cvazer
Sommaire
Édito
Édito
À propos de Mensa
Activités à venir
Apprentissage de la lecture
Conférences
Un caméléon dans la ville
FOOTBALL !!!
Ça fait mal
Les nouveaux guethos
L’invention de l’écriture
Énigme
Entretien avec Frédéric Lopez
p. 2
p. 4
p. 5
p. 7
p. 9
p. 12
p. 13
p. 15
p. 15
p. 16
p. 17
Mal-être du « trop penser »
Critique de la 1ere impression
Vivre le temps
Éthologie
Médecine
p. 23
p. 26
p. 27
p. 30
p. 31
Les
Mensans
bougent et on parle
d’eux ! Depuis le
dernier numéro,
nous avons été
invités à participer
à l’émission des
frères Bogdanov,
« Rayon X »,
et
nous avons commencé un partenariat avec la
revue « Le Monde de l’intelligence » .
Nous avons d’ailleurs repris un article de
ce magazine, « L’overthinking » - sujet qui
concerne, de près, beaucoup de membres de
l’association.
La première édition des « Rendez-vous de
Mensa », conférences organisées en Juin
dernier, ont remporté un franc succès. Vous en
trouverez un compte-rendu en pages 7 et 8.
Frédéric Lopez, auteur il y a quelques années
d’un reportage sur Mensa, nous confie dans
une interview exclusive ses réflexions sur
l’atypisme.
À travers ces quelques pages, avec des
articles parfois sérieux et parfois ironiques,
nous essayons de donner une petite idée de
notre curiosité et de notre éclectisme.
La saison approchant, nous profitons
de l’occasion pour vous souhaiter à tous
d’excellentes fêtes de fin d’année.
Guillaume Tunzini
Rédacteur en chef
mag@mensa.fr
Mensans,
un magazine qui a du sens
Mensans n°5
Activités internes
azertyuiop^qsdfgh
à venir...
Mensa, c’est près d’une
vingtaine de réunions et
événements chaque mois.
Si vous êtes membre de
l’association, vous pouvez
retrouver tous les détails en
vous connectant aux pages
réservées aux membres.
Activité
Alsace-Lorraine
Si vous n’avez pas vos
codes d’accès, demandez-les
à adhesion@mensa.fr.
Si vous êtes parmi les 10%
de nos membres ne disposant
pas de connexion à Internet,
contactez le responsable
régional approprié.
Rég.
ALS
Convention Nationale
Lieu
Date
Strasbourg
Information
Ven 8 déc
orwell@wanadoo.fr
Strasbourg
Sam 9 déc
als@mensa.fr
Réunion dans le Var
PRV
Cavaillon
Mar 12 déc
Laurence Ginet
Réunion mensuelle
AQI
Bordeaux
Ven 15 déc
aqi@mensa.fr
Réunion mensuelle
LOR
Brg St Martin
Ven 15 déc
lor@mensa.fr
XMensa + INTERlude
PLO
Nantes
Sam 16 déc
plo@mensa.fr
Réunion mensuelle
FLA
Sam 16 déc
fla@mensa.fr
X’Mensa
IDF
Paris
Sam 16 déc
idf@mensa.fr
Spéléologie amateur
LAN
Aguzou
Dim 17 déc
r.humery@wanadoo.fr
Réunion provençale
PRV
Pierrefeu
Mar 19 déc
J. P. Schultz
Réunion informelle
IDF
Paris
Jeu 21 déc.
idf@mensa.fr
Réunion informelle
IDF
Paris
Mar 26 déc
idf@mensa.fr
Réunion informelle
MIP
Ven 29 déc
mip@mensa.fr
Réveillon
NMD
La Haye-Saint-Sylvestre
Dim 31 déc
mensa@yughen.net
Marathon INTERlude
IDF
Paris
Dim 31 déc
- Mar 2 jan
Véronique
Ribaud de Gineste
Réunion informelle
PRV
Marseille
Mer 3 jan
prv@mensa.fr
Réunion informelle
IDF
Paris
Mer 3 jan
idf@mensa.fr
Réunion mensuelle
ALS
Ven 12 jan
orwell@wanadoo.fr
Réunion régionale
CAZ
Juan les Pins
Dim 14 jan
jalmens@hotmail.com
AG régionale
LAN
Dim 14 jan
lar@mensa.fr
Réunion informelle
IDF
Paris
Jeu 18 jan
idf@mensa.fr
Réunion régionale
CAZ
Nice
Ven 19 jan
jalmens@hotmail.com
Réunion mensuelle
PLO
Sam 20 jan
plo@mensa.fr
Réunion informelle
IDF
Paris
Mar 23 jan
idf@mensa.fr
INTERlude
IDF
Paris
Ven 26 jan
Véronique Ribaud...
Liste non exhaustive.
Site web : www.mensa.fr
Si vous n’êtes pas membre,
ne connaissez pas de membre
et/ou n’avez pas Internet,
vous pouvez téléphoner au
06 68 71 11 95.
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Apprentissage
Apprentissage de la lecture : les méthodes
Une méthode semi-globale : qu’est-ce que ça veut dire ?
On peut opposer en gros méthode globale et
méthode alphabétique. Dans le second cas, les
jeunes enfants apprennent d’abord les lettres
et les syllabes, puis les mots qui ne posent pas
de problème avec des phrases simples, puis
seulement plus tard, des phrases qui posent
des écueils de prononciation : « les poules
du couvent couvent ». La méthode globale
(qui consiste à faire reconnaître l’ensemble
d’un mot avant d’en analyser les éléments) a
été mise au point par Ovide Decroly avant la
première guerre mondiale : il l’a utilisée avec
succès pour apprendre la lecture à des fillettes
sourdes-muettes. C’est la meilleure dans
ce cas particulier, parce que c’est la seule
possible. Quand cette méthode a été introduite
largement en France, elle a donné d’emblée
des résultats si catastrophiques qu’elle a été
très vite abandonnée. Avez-vous déjà entendu
parler des enfants à qui on a collé du ruban
adhésif sur la bouche ? Les enfants ont des
profils pédagogiques différents, et certains
ont plus besoin que d’autres de parler pour
apprendre à lire à une période donnée. Une
telle dissociation entre la pensée et le langage,
ça n’existait pas jusqu’ici dans l’espèce
humaine (sauf infirmité ou maladie mentale),
même chez les peuplades les plus isolées.
C’est dire à quel point la généralisation de
cette méthode est contre nature.
Ce qui a été généralisé en France depuis les
Toutefois, il peut y avoir quelques rares exceptions
(vraiment exceptionnelles), comme Albert Einstein :
« Les mots et le langage, écrits ou parlés, ne semblent
pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma
pensée. Les entités psychiques qui servent d’éléments
à ma pensée sont certains signes, ou des images plus
ou moins claires, qui peuvent à volonté être reproduits et
combinés. »
années 1980, ce sont les méthodes « semiglobales » ou « mixtes ». Dit comme ça, c’est
plus rassurant pour les parents. Mais ce sont
toutes des méthodes uniquement globales
au départ, et plus ou moins handicapantes
pour de nombreux élèves pour la suite de leur
apprentissage de la lecture et de l’écriture.
C’était connu depuis des années, mais on
l’a vu récemment de façon directe, grâce
aux progrès spectaculaires de l’imagerie
médicale : l’activation n’est pas la même à
l’intérieur du cerveau. Le chercheur Stanislas
Dehaene nous en a présenté un aperçu lors
du colloque de l’AFEP qui s’est tenu samedi
28 janvier à la Sorbonne. Le titre de son
intervention : « Comment l’apprentissage de
la lecture modifie-t-il les circuits cérébraux ? »
Arielle Adda, quant à elle, fait remarquer que
le cerveau droit ne doit pas être sollicité
dans l’apprentissage de la lecture, car c’est
l’aisance acquise [de son côté par le cerveau
gauche] qui le rend disponible pour connaître
les émotions que provoque un beau livre.
C’est un livre entier, et non un trop bref article
comme celui-ci qu’il faudrait pour traiter ce
Association Française des enfants précoces.
photos : Istockphoto
Mensans n°5
Apprentissage
azertyuiop^qsdfgh
vaste sujet, non seulement d’un point de vue
pédagogique, mais aussi avec une perspective
plus large. J’ai été surpris par l’intensité des
réactions aux propos du ministre Gilles de Robien,
par les excès de langage inhabituels suscités,
par la détermination de certains à politiser
de force la question et à en faire une querelle
droite/gauche, par l’insistance à dire que « le
débat est clos » alors qu’il suffit de rechercher
sur l’Internet les déclarations de nombreuses
personnalités faites ces toutes dernières années
pour avoir la preuve flagrante qu’il n’en est rien.
Permettez-moi de vous suggérer de consulter le
site www.lire-ecrire.org, et en particulier les deux
documents suivants :
www.lire-ecrire.org/Temoignage-d-unejeune-institutrice-en-CP-la-lecture_a59.html
www.lire-ecrire.org/L-apprentissage-de-lalecture-a-l-etranger_a152.html
J’attire plus spécialement votre attention
sur ce dernier, car trop souvent en matière
d’éducation, il y a des gens qui ne semblent
pas concevoir qu’il existe un monde au-delà
des limites de l’Hexagone.
Dernier exemple : dans Ça m’intéresse de
mars 2003 (n° 265), à la fin d’un article intitulé
« Que soigne vraiment l’orthophoniste ? », on
peut lire un entretien avec Chantal Talandier,
orthophoniste, attachée de consultation à
Saint-Vincent-de-Paul. En voici quelques
passages significatifs :
C.T. : … Le bât blesse vers 6 ans, à l’entrée
au C.P. A la moindre difficulté, l’enfant est
envoyé chez l’orthophoniste.
Ç M : Parce que cela rassure les parents et
les enseignants ?
C.T. : Oui. Depuis les années 60, on dit que la
méthode globale, devenue « semi-globale », fait
Mensans n°5
« le pain blanc des orthophonistes ». On nous
demande de prendre en charge des enfants
dont le seul « trouble » est de ne pas adhérer à
l’arbitraire de cette méthode de lecture… Que
faisons-nous pour éviter l’échec à cet enfant ?
Nous reprenons la méthode analytique : le
« B. A.-BA » ; je la préconise aux parents pour
qu’ils puissent aider leurs enfants.
Ç M : Etes-vous devenus des suppléants de
l’Education nationale ?
C.T. : A priori non. Hors pathologies lourdes,
c’est l’école qui doit enseigner la lecture et
l’écriture aux enfants… Nous sommes des
auxiliaires médicaux ; nos prestations sont
remboursées. En fait, la Sécurité sociale paie
pour les carences du système pédagogique
de l’Éducation nationale. Est-ce normal ? Il
faudrait protéger les orthophonistes de cette
dérive. Certains arrivent à ne plus savoir
quelles sont leurs compétences !
Question :
aviez-vous
déjà
entendu
mentionner cela à propos des déficits de la
Sécurité sociale, dont on nous parle pourtant
si souvent ?
Jean-Pierre CHATENET
jp.chatenet@laposte.net
jklmwxcvbn,cvazer
Conférences
Les rendez-vous de Mensa
Les 7, 10, et 17 juin derniers, nous avons eu la
chance d’accueillir, pour la première édition des
« Rendez-vous de Mensa », des conférenciers
aussi passionnants que passionnés. Près de
quatre cents personnes, de Mensa ou non, ont
assisté aux trois conférences.
à lui, donc, car il a conduit jusqu’à nous ses
lecteurs, qui je l’espère, auront saisi la volonté
d’ouverture et de dialogue de Mensa, et qui
sait, nous rejoindront peut-être ?
Intelligence et spiritualité
Jean-Jacques Barloy est un personnage
étonnant, de par sa capacité à se remettre
en question, ses éclats de rires juvéniles, ses
yeux pétillants d’intelligence, et cette érudition
qu’il met à la portée de chacun, en toute
modestie.
Bernard Werber a donné le coup d’envoi des
conférences le mercredi 7 juin, et fut donc en
quelque sorte notre parrain ! Le moins que
l’on puisse dire, c’est que la conférence a
commencé sur les chapeaux de roue ; en effet,
notre président, Alain Séris, a eu la bonne idée
de lancer un débat sur l’intelligence en citant
cette fameuse phrase de Bernard Werber :
« Les tests d’intelligence sont faits pour voir si
votre intelligence est la même que le créateur
du test »… Il n’en fallait pas plus à Bernard
pour rebondir sur le sujet et nous questionner
sur les notions de sensibilité, de créativité, et de
spiritualité, qui, selon lui, donnent tout son sens
à une faculté de raisonnement développée.
Bernard Werber nous a ensuite fait part de sa
conception de l’évolution idéale de l’Humanité,
évolution avant tout spirituelle. Là encore,
de nombreuses questions ont fusé, nous
engageant les uns et les autres dans un débat
des plus animés !
Enfin, nous avons eu la grande chance de
visionner la bande-annonce du film réalisé par
Bernard Werber et produit par Claude Lelouch :
« Nos amis les humains », qui est filmé comme
un documentaire extra-terrestre sur l’espèce
humaine !
Bernard Werber sait indéniablement fédérer
des individus autour de lui et de ses idées à
la fois originales et pacifistes. Un grand merci
De la bête du Gévaudan
au moineau-garou
On pouvait donc s’attendre à une conférence
des plus atypiques : et ce fut le cas ! À peine
étions-nous installés dans l’amphithéâtre qu’un
cri vint déchirer le silence ! Celui d’une victime
de la Bête se faisant attaquer ! La lecturespectacle – donnée par des comédiens de
talent – commença alors, nous entraînant du
Gévaudan à l’Angleterre ! Jean‑Jacques Barloy
émet en effet l’hypothèse d’un commanditaire
protestant aux mystérieux massacres…
photos : Istockphoto
Mensans n°5
Conférences
azertyuiop^qsdfgh
Hypothèse d’ailleurs énoncée tout en
finesse, car, ce qui est remarquable chez
Jean‑Jacques Barloy, c’est que jamais il
n’affirme ni n’impose ; il expose, réfléchit
avec vous, vous communique sa fougue, son
enthousiasme.
Enfin, nous avons discuté tous ensemble
de la peur du loup ancrée en France au point
d’être à l’origine du mythe du loup-garou… ce
qui, allez savoir par quels mystérieux chemins
de traverses, nous a conduits à évoquer
l’existence improbable de moineaux-garous…
Nettement plus effrayants, non ?
Big Bang et temps imaginaire
Enfin, les formidables frères Bogdanov ont
clôturé « Les Rendez-vous de Mensa 2006 »,
et nous en ont mis plein la vue !
rangés, pour se consacrer à de hautes études
en physique et mathématiques ! Et quelles
études ! Non seulement les Bogdanov vont
très loin dans l’abstraction et remontent jusqu’à
la naissance de l’univers, mais ils parviennent
aussi à nous l’expliquer !
Nous rappelant dans un premier temps ce que
sont les nombres imaginaires, sans lesquels
la mécanique quantique n’existerait pas, Igor
et Grichka nous ont brillamment expliqué
comment l’univers s’est formé, étayant leur
explication par des démonstrations simples
– comme une simple feuille de papier déchirée
par Grichka – et des images époustouflantes
extraites de l’émission « Rayons X ».
Igor et Grichka Bogdanov nous ont ensuite
exposé leur théorie selon laquelle un code
– assimilable à notre code génétique –
précéderait le Big Bang et la formation de notre
univers… le tout nous conduisant finalement à
des considérations plus philosophiques… L’une
de nos membres a d’ailleurs pris conscience
ce jour-là qu’elle existait déjà dans le cerveau
reptilien d’un poisson il y a plus de 60 millions
d’années !
Bref, lorsque l’on possède un tel don pour
comprendre et retransmettre l’information, il
est un devoir de l’utiliser… et c’est ce qu’ils
font, avec talent, humour, et simplicité.
Pour conclure…
Jumeaux cultivant autant leurs ressemblances
que leurs différences… le moins que l’on
puisse dire c’est que leur parcours en ferait
d’excellents M’s ! Animateurs TV, chercheurs,
écrivains… tout semble les intéresser et leur
être accessible. Loin d’être découragés par
quelques jaloux n’aimant pas le mélange
des genres, les voilà qui sortent allègrement
du tiroir « showbiz » dans lequel on les avait
Mensans n°5
Non seulement les « Rendez-vous de
Mensa 2006 » ont été un succès en terme
de fréquentation, mais ce fut aussi pour
nous, Mensans ou non, un véritable plaisir
de rencontrer ces personnes rares et
généreuses… Nos quatre conférenciers ont
placé la barre très haut, qu’ajouter de plus si ce
n’est « vivement les conférences de 2007 » !!!
Ingrid Desjours
jklmwxcvbn,cvazer
Technique
Un caméléon dans la ville
Caméléon : Subst. masc. 1. Reptile saurien
insectivore qui a la propriété de changer
de couleur. 2. Dont l’imagination invente
et transforme au gré des circonstances.
3. Boîtier USB d’entrées/sorties analogique et
numérique, remarquable par sa polyvalence
et sa simplicité d’utilisation, conçu en 2006 par
Christophe Mariac (dictionnaire non officiel).
Esthète et efficace, curieux et original,
Christophe Mariac, Gargantua des pizzerias
mais surtout de la connaissance, sait
s’adapter aux situations les plus diverses
et s’adresser aux groupes sociaux les plus
variés, qu’un esprit actif doté d’une logique
propre pourrait pourtant rebuter facilement.
Cet aspect flexible de sa personnalité l’a
naturellement conduit vers l’ordinateur,
caméléon lui aussi par les multiples tâches
qu’il peut accomplir (traitement de texte,
juke-box, magnétoscope, console de jeux,
visualisation de données scientifiques...), et
vers la carrière d’entrepreneur, qui associe
rigueur et créativité, conception globale et
souci du détail, travail individuel et sens du
contact.
Féru
d’électronique
dès ses douze ans, il
commence par monter
des kits destinés à produire des sons, de la
lumière ou animer des objets, activités qui
l’ont toujours émerveillé. À quatorze ans,
il découvre les micro-ordinateurs et la
programmation, domaines a priori sans
rapport avec le précédent ; constatant
cependant qu’un micro-ordinateur lui permet
de mener à bien ses projets de manière
souple et immédiate, l’informatique parvient
à le séduire tout autant que sa première
occupation. Une « révélation » le saisit
deux plus tard, lorsqu’en étudiant le manuel
technique expliquant le fonctionnement de
son Apple II, il comprend que l’électronique
constitue la base de l’informatique. Le lien
entre le concret et l’abstrait établi, il peut se
consacrer à plein temps à ses deux hobbies
fusionnés en une passion unique.
Pendant toute sa vie, le fil directeur de son
ouvrage sera cette recherche d’immédiateté
entre la pensée et l’action. En effet, le temps
manque cruellement à cet amoureux des
octets, ce démêleur de câbles cuivrés, ce
raccordeur d’instruments épars, ce travailleur
enthousiaste qui ne semble pas pouvoir
se suffire d’une existence pour concrétiser
la profusion d’idées qui habitent son crâne
chevelu en constante ébullition.
Autodidacte convaincu, peu enthousiasmé
par une scolarité qu’il juge académique,
artificielle et éloignée des réalités, Christophe
Mariac suit néanmoins une formation
photos : Istockphoto
Mensans n°5
Technique
azertyuiop^qsdfgh
Dimensions du μCaméléon
d’ingénieur informaticien, qui lui permettra
d’exercer sa double capacité dans des
établissements variés, au sein de différents
postes (automatisation et traitement du
son et de l’image, conception de systèmes
électroniques et informatiques, de matériel
d’optique, d’imprimantes thermiques...). Mais
l’accueil glacial trop fréquemment réservé
dans l’industrie aux initiatives originales, par
peur, par orgueil ou pour d’autres raisons tout
aussi secondaires, ont tôt fait de refroidir les
ardeurs de cet employé innovant, qui conclut
que son désir de liberté intellectuelle ne pourra
être assouvi que par la création de sa propre
entreprise.
Toutefois, cette période de salariat n’est
pas vaine, car l’expérience acquise dans ces
sociétés lui ont permis de développer une
méthodologie solide, un savoir-faire certain
et une bonne connaissance de leur structure.
Avec sa double casquette, il a pu ainsi
constater que leurs services informatique et
électronique, séparés en dépit du bon sens
et incapables de dialoguer correctement,
accouchent souvent d’« usines à gaz » et de
résultats dignes des Shadocks, qu’une culture
mixte et un partitionnement adéquat entre
ces deux aspects auraient aisément permis
d’éviter.
Par ailleurs, Christophe Mariac a remarqué la
récurrence des problématiques que l’industrie
informatique rencontrait pour élaborer
ses produits. L’idée d’un outil générique
réutilisable d’une application sur l’autre et
permettant de transmettre à ses confrères le
fruit de ses recherches laborieuses s’imposa
à son esprit ; elle fut pour lui l’occasion d’enfin
prendre son envol en montant sa société,
Starting Point Systems, dont le premier
dessein serait de concevoir le µCameleon (ou
micro-Caméléon).
Dimensions du concepteur, Christophe Mariac
(à gauche) comparé à un homme de taille moyenne
(pour être gentil)
10
www.starting-point-systems.com
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Exemple d’utilisation du μCaméléon :
pilotage d’un émetteur FM expérimental
L’informatique a aujourd’hui abouti à un
paradoxe : malgré leurs performances
exponentielles, les ordinateurs actuels ne
sont plus capables d’effectuer certaines
tâches dont un Apple II s’acquittait sans
difficulté vingt ans plus tôt. En effet, les
systèmes d’exploitation, pour pratiques qu’ils
se révèlent, ne permettent pas de garder le
contrôle du temps et rendent irréalisables
les travaux requérant une maîtrise précise
du timing (gestion de matériel médical, d’un
système de freinage ABS, pilotage d’un avion,
d’un robot, déplacement d’un ascenseur…).
Jetant un pont entre deux mondes, le
µCaméléon allie la commodité et la puissance
de l’informatique bureautique à la rapidité
et la simplicité des microprocesseurs que
l’on trouve dans l’informatique embarquée
(outre les appareils précités : téléphonie,
pèse-légumes, imprimantes de caisses
enregistreuses…), dont la configuration se
rapproche davantage de celles des anciens
ordinateurs basiques.
Technique
Le produit se présente sous la forme d’un
boîtier de la taille d’un paquet de cigarettes,
se connecte sur le port USB de n’importe quel
PC et fonctionne sous toutes les versions
de Windows, ainsi que sous Linux et Mac
OS. Véritable couteau suisse du laboratoire
d’électronique, il permet de piloter tous
types de systèmes électroniques à partir
d’un ordinateur personnel. Les applications
possibles sont quasi-illimitées, qu’il s’agisse
de robotique (robots sur roues ou marcheur),
de contrôle de qualité (conformité de
composants mécaniques ou électroniques),
de domotique (simulation de présence par
allumage et extinction de lampes, régulation de
température), de sécurité (alarmes, détecteurs
de gaz), de loisirs (cockpits «en dur» pour
simulateurs de vol, pilotage de maquettes et
animations), etc. Il est actuellement exploité
pour piloter une machine-outil (catégorie de
robot employée notamment dans les usines
d’assemblage d’automobiles) et une maquette
de planetarium destinée aux expositions et
aux musées.
Son intérêt principal réside dans sa simplicité
d’utilisation. En effet, ses pilotes pour PC
le font apparaître comme un simple port
Christophe s’apprête à prendre sa pause déjeuner
photos : Starting point systems
Mensans n°5
11
Technique
azertyuiop^qsdfgh
série supplémentaire et son interpréteur de
commandes à la syntaxe élémentaire donne
facilement accès à des fonctionnalités pointues.
Ainsi, un travail de plusieurs semaines selon les
méthodes traditionnelles peut être désormais
effectué en quelques heures.
De nouvelles fonctionnalités téléchargeables
sur le site du constructeur peuvent être
régulièrement ajoutées au logiciel interne,
confortant l’adaptabilité du périphérique aux
futures évolutions technologiques.
Le µCaméléon convient à tout type d’emploi,
qu’il serve à l’entreprise, à l’enseignement ou à
un autre milieu usant de matériel électronique.
En outre, son prix abordable (139 euros)
le rend accessible à chacun, y compris à
l’électronicien amateur. Enfin, il est prévu de
fournir prochainement à l’utilisateur une offre
de service large, qui s’étendra d’une simple
formation à la réalisation d’une application
complète s’appuyant sur cette interface.
Après un long travail individuel visant
à concevoir le boîtier, en rédiger la
documentation et monter le site web de
l’entreprise, le projet entre à présent dans sa
phase de commercialisation. Pour l’instant, la
vente se fait en ligne, mais d’autres canaux
de distributions demeurent imaginables dans
l’avenir. Il reste encore à faire connaître
le produit, notamment par la publication
d’articles dans des revues, spécialisées ou
non (par exemple l’illustre Mensans). L’avis
des utilisateurs potentiels (et des autres) est
le bienvenu, ainsi que la contribution des
Mensans (que nous savons très généreux)
pour transmettre l’information auprès de ceux
qui, parmi leurs relations, pourraient se trouver
intéressés par cet outil.
Tel le grand humaniste et philosophe
Bill Gates, dont le succès de sa société
Micro$oft ne fera pas rougir notre petit (par
la taille, mais pas par son professionnalisme,
encore moins par sa physionomie) chef
d’entreprise, Christophe Mariac a pour
credo : « Le travail à la vitesse de la pensée
». Projet de développement industriel autant
que personnel, la création de Starting Point
Systems a pour objectif, d’une part, d’élaborer
des produits beaux et performants, et d’autre
part, d’envisager une carrière où les priorités
commerciales tiendront autant de place que
les considérations humaines. Souhaitons au
caméléon un avenir prospère dans un monde
basé sur l’échange, l’efficacité et l’innovation
intellectuelle.
Rodolphe Maix.
Football
Bien que le football ait magistralement illustré
comment on pouvait se servir de sa tête de
façon originale, la rédaction de Mensans a
décidé de ne pas parler de ce sport. Pour
tout renseignement au sujet de cette activité,
merci de consulter n’importe quelle autre
publication.
La rédaction
12
Mensans n°5
ndlr : Nous n’évoquerons pas non plus le championnat
du monde de tir à la carabine à plomb.
jklmwxcvbn,cvazer
Télévision
Parait que ça fait toujours un peu mal
la première fois…
Quelle belle opportunité nous avons
décroché là ! En ce mercredi 22 juin, Alain
Séris, Guillaume Schmidt, et moi, allions faire
bénéficier Mensa de son petit quart d’heure de
célébrité ! Nous avons été invités par Igor et
Grichka Bogdanov « themselves » à assister
et participer à leur émission spéciale sur le
cerveau ! Au terme d’une séance de travail de
plus de 2 heures, un soir, après le boulot, j’ai
reçu par courriel une liste de 8 questions qui
me seront posées lors de l’émission ; quelle
aubaine !
Nous voilà donc embarqués dans le grand
navire France Télévision. Il est 15 h, nous
descendons vers le studio d’enregistrement :
« quelqu’un vous attendra en bas pour vous
conduire jusqu’aux maquilleuses ! ». Nous
n’avons jamais trouvé notre guide, hélas, tous
perdus que nous étions dans un nuage de fumée
à couper au couteau. Ça discute joyeusement
dans le couloir, nous nous mêlons à quelques
conversations, saluons notre duo préféré, et
enfin « partons au maquillage ».
Tandis que je laisse la maquilleuse faire ce
que doit (un peu de poudre, beaucoup de
fard à paupières, et une touche de gloss), je
m’inquiète de la brochette de spectateurs qui
m’entoure alors : 2 bimbos sorties tout droit d’un
fantasme préformaté d’ado américain moyen,
et une espèce d’ovni de sexe masculin, tout
droit échappé d’une soirée disco, beau comme
un astre dans son costume en velours rose
bonbon et derrière ses lunettes de mouche.
Euh ? tout ceci est-il bien sérieux ? ne me
serais-je pas trompée de date ? Au secours !
je suis peut être chez Delarue, et vais devoir
m’inventer les pires vices pour justifier mon
passage à l’antenne ! Émilie, l’assistante de
production, vient me cueillir au passage et me
rassure : je suis bien à la bonne émission ! Je
ne saurai jamais quel fut le rôle (décoratif ?) de
ces specimens étranges, qui s’avèreront muets
comme des carpes pendant l’enregistrement.
Émilie me fait visiter le studio, la régie, le
tout en 5 minutes chrono. Je rejoins mes
compagnons de fortune, tous mignons avec
leur poudre sur le nez !
On nous demande enfin de gagner le
plateau. Nous obtempérons de bonne grâce.
Les murs sont verts, le sol est vert, les sièges
aussi (le décor sera ajouté au montage)…
seul le producteur est tout rouge : le stress
le fait joliment contraster avec notre nouvel
environnement. Nous nous asseyons au
premier rang. « Serrez-vous ! » Nous nous
serrons. « Encore ! ». Encore. Nous allons
nous tenir bien chaud sous les spots, entassés
les uns contre les autres... Mensa est une
grande famille, nous sommes collés comme
des siamois.
Le producteur nous aboie quelques
instructions. « Éteignez vos téléphones ! Ne
parlez pas, ne bougez pas ! Serrez-vous. »
Encore ? ! Nous nous transformons alors en
entité à trois têtes et, toujours très motivés pour
donner la meilleure image possible de Mensa,
nous restons stoïques.
Le tournage commence, se succèdent
quelques films, les interventions des
scientifiques présents sur le plateau, les
questions soufflées par la production au
public. Coupure. Pas pour marquer une pause,
hein !? ça nous apprendrons que ce n’’est pas
permis, plus tard, avec comme argument clé
Mensans n°5
13
Télévision
azertyuiop^qsdfgh
« vous vous retenez bien quand vous allez
au cinéma ! » certes, certes… ceci étant
une séance dure rarement 5 heures, mais
passons…
Nos voisins de derrière semblent agacer
notre président qui finit par se retourner
vers l’un deux et lui propose d’enlever ses
chaussures pour continuer à le taper avec ses
chaussettes. Grand moment. Nous sommes
cernés. Plus solidaires que jamais nous
faisons corps, Mensa est là , Mensa parlera.
Alain et moi intervenons à plusieurs reprises,
posant un maximum de questions afin d’être
sûrs de passer un peu à l’écran, avec Mensa
en surimpression. Le micro, nous l’avons, nous
le tenons, nous nous y accrochons.
De pauses refusées (j’ai soif, j’ai faim : de
dépit, je mange mon gloss), en interventions
de calculateurs prodiges prétendant avoir
mémorisé 400 milliards de combinaisons (pour
information : pour compter jusqu’à un milliard
ça prend une vie entière !) l’émission continue.
Il est près de 20 h, ce sera bientôt à moi de
jouer, je révise mes réponses avec application :
il s’agit d’être percutante et convaincante.
Soudain, Igor prononce mon prénom ! Je
saisis le micro, mon cœur s’accélère, je ne me
sens plus de joie ! J’ouvre donc un large bec
pour montrer ma belle voix… et dois en rester
là. Le producteur coupe : « François et Ingrid,
je suis désolé, mais là j’ai d’autres questions, et
si j’ai pas les réponses, y’aura pas d’émission »
Comprendre que nous interviendrons, François
– l’homme qui torturait Alain – et moi, si et
seulement si il reste un petit créneau car nous
sommes à la bourre. François est très vexé. Il
se drape dans sa dignité, remet ses chaussures
et s’en va. Tant mieux, ça nous laissera plus de
temps de parole. L’avait qu’à pas donner des
coups de pieds à Alain !
Finalement, nous l’avons notre temps de
parole : finies les crampes, envolées la faim et
la soif qui nous taraudent, oubliée la chaleur !
Deux questions !! Deux questions !! Yes !!!
Une pour moi (au secours ! j’ai la voix qui
tremble), une pour Guillaume (hé, hé, lui c’est
pas mieux).
Nous supportons bravement la fin du
tournage ! Nous sommes venus, nous avons
vu, nous avons discouru ! Il est un peu plus
de 20 h 30, peut-être 21 h, même ! L’émission
s’achève. C’est la ruée vers le buffet, ou autres
lieux pour assouvir des besoins physiologiques
bien compréhensibles après cinq heures de
tournage. Le sang circule à nouveau dans nos
membres, nous réapprenons à marcher… Je
viens de faire mon baptême télé. Je lape mon
Champagne en gobelet, m’autorise quelques
chips… et pars à la chasse aux conférenciers
2007. Pas de repos pour les braves, c’est
« mondanités time » !!! Et me voilà lancée,
je discute avec des physiciens, avec le
producteur qui a repris une couleur normale,
son assistante qui m’assène d’ailleurs le coup
de grâce en m’annonçant que l’émission
durera 45 minutes (Ils vont donc presque tout
couper !). Bref, la journée s’achève, j’ai faim…
mais je suis satisfaite.
Ingrid Desjours
photo : www.bogdanov.ch/
14
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Brèves
Les supermarchés, guethos de la consommation
Vous n’aviez plus honte d’être pauvre ?
Les supermarchés vont vous faire une piqûre de rappel.
Désormais, les produits « premier prix » des grands supermarchés sont isolés dans des rayons
à part. C’est la dernière mode. On fait croire au consommateur qu’il va pouvoir aller à l’essentiel
mais en réalité, on l’empêche tout simplement de choisir. Entrer dans le rayon des produits pas
chers (et souvent pas bons), c’est afficher ouvertement devant les autres un statut social peu
glorieux. Dès que l’on met un pied dans le dit rayon, la honte nous envahit.
Terriblement efficace. Plus question d’acheter la purée « éco+ », qui n’a rien à envier à la
« Mousseline », sans passer pour le plouc du coin. Ainsi, ceux qui ne veulent pas être regardés
de travers ne mettront plus ces produits bas de gamme dans leur caddie. Bien joué de la part des
hypers qui vont voir la consommation augmenter. Car la situation devient plus que problématique.
Le coût de la vie a tellement augmenté que les économies se font dans les rayons d’alimentation ;
à tel point que le chiffre d’affaires des hypermarchés a considérablement baissé ces dernières
années, la pompe à carburant étant désormais l’élément vital qui permet à ces sites marchands
de ne pas couler.
Mais faut-il nécessairement que les gérants de ces supermarchés (qui ont roulé sur l’or durant
des décénies, ne l’oublions pas) prennent les gens pour des cons pour sauver les meubles ?
Certainement pas. Alors, n’hésitez pas à dire (gentiment) aux caissier(e)s tout le mal que vous
pensez de ces guethos du xxie siècle.
EMD
L’invention de l’écriture
Voici l’adresse sur la Toile d’un site à ce sujet, qualifié d’excellent par Serge Soudoplatoff dans
son livre sur l’Internet (aux éditions Le Pommier) :
http://classes.bnf.fr/dossiecr/index.htm
Ci-dessous un extrait de son ouvrage (le tout début du premier chapitre sur les origines de
l’Internet) :
« Personne n’oserait prétendre que l’alphabet ne fut pas une gigantesque innovation qui, non
seulement a permis de favoriser la transmission des connaissances, mais aussi a engendré
des mutations sociales positives. Comme le dit Françoise Briquel-Chatonnet : “On ne trouve
pas dans les sociétés utilisant l’écriture alphabétique l’équivalent des scribes égyptiens ou des
mandarins chinois, avec les pesanteurs et l’inertie que ces groupes ont souvent perpétuées.”
C’était déjà une certaine forme de “fracture numérique” ! »
J.-P. C.
http://classes.bnf.fr/dossiecr/in_pheni.htm
Mensans n°5
15
Jeux
azertyuiop^qsdfgh
Énigme
Travail à la chaîne
Un apprenti bijoutier se voit confier un travail
par son patron. Il doit rabouter 9 chaînons de
3 maillons chacun, pour réaliser une chaîne
non fermée de 27 maillons. Ce sont des
maillons soudés, très ouvragés, et l’opération
est longue et délicate. Le dessoudage du
premier maillon et son ouverture prennent
une bonne demi heure. Ce premier maillon
ouvert, l’apprenti prend alors un autre chaînon
et introduit l’un de ses maillons extrêmes
dans le maillon qu’il vient d’ouvrir et s’apprête
à le refermer et le ressouder. Le patron, qui
observe la scène, demande alors à son ouvrier
combien de temps va prendre l’ensemble des
opérations. Après une estimation d’une heure
par maillon, et avec 8 maillons à ouvrir (la
chaîne finale étant ouverte), il répond qu’il lui
faudra environ 8 heures. Le bijoutier lui dit que
c’est possible d’en ouvrir moins et donc de
finir plus rapidement. Pouvez-vous l’aider ?
Solution p. 29
Enigme proposée par Jean Marc Baggio
Jeux pour passer le temps
Dans certains métiers la réunionite a atteint un tel niveau que les
employés des entreprises ne savent plus pourquoi ils se rendent
au réunions. Aussi, pour passer le temps, certains ont adapté des
jeux pour pouvoir discrètement s’amuser pendant les réunions
pas drôles. Les variantes du Bingo et des batailles navales font
ainsi fureur.
Oui mais dans certains métiers créatifs on est obligé de s’amuser
pendant les réunions. Du coup, le Bingo et la bataille navale deviennent
moins drôles que la réunion elle-même, et donc perdent tout leur intérêt.
Pour véritablement faire le contre-point du ton d’une réunion créative, et ainsi adapter l’esprit
de ces jeux à des réunions drôles, il faudrait trouver un truc à faire vraiment pas drôle pendant
que les autres travaillent à dire des trucs drôles.
Par exemple, chacun peut compter le nombre de conjonctions de coordination utilisées par
chaque intervenant. Ensuite, on divise ce nombre par le nombre de propositions subordonnées
relatives utilisées par son voisin de droite, et on multiplie le résultat par le nombre moyen de
compléments d’objet directs par minute d’intervention de son voisin de gauche .
Le premier qui arrive à 1000 peut se faire Hara Kiri, ou se jeter par la fenêtre.
G.T.
photos : Istockphoto
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Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Entretien
Rendez-vous en terre inconnue, de Frédéric Lopez
concilier « People » et documentaire humaniste
Dans le numéro 2 de Mensans, nous vous
parlions de l’émission « En terre Inconnue »,
diffusée alors sur France 5.
À force d’acharnement et de conviction,
l’ex-présentateur de « Comme au cinéma »
a réussi à convaincre France 2 de placer son
documentaire en première partie de soirée.
Le 31 août dernier était diffusé le premier
opus de l’émission, rebaptisée « Rendez-vous
en terre inconnue ». Frédéric y emmenait
Muriel Robin découvrir le peuple des Himbas.
Prochaine émission lors des fêtes.
EMD : Quel souvenir de cette première
diffusion sur France 2 ?
Frédéric Lopez : Je ne risque pas d’oublier cette
date parce que j’ai un peu joué ma carrière
sur un “one shot” comme on dit dans notre
jargon. C’était un coup de poker, or je ne suis
pas du tout joueur. « Rendez-vous en Terre
Inconue » a fait une bonne audience. C’était
la condition pour pouvoir continuer l’émission.
Ce n’était pas gagné puisque c’est un
documentaire ethnologique diffusé à 20 h 30
qui, a priori, passe sur France 5 l’après-midi
ou sur les chaînes du câble. Je suis assez fier
d’avoir réussi ce pari là. Ce qui était vraiment
fort pour moi, au-delà de l’audience, c’était,
à la fois d’avoir une presse très favorable,
alors qu’il y avait une méfiance au départ
Une journaliste du Nouvel Observateur
s’adressant à Frédéric Lopez :
« Vous savez que vous venez d’inventer
un nouveau genre ? »
– un « people » dans une tribu d’Afrique, les
gens n’y voyaient pas vraiment d’intérêt – et
surtout d’avoir découvert les forums internet.
Sur ceux où des gens parlaient de l’émission,
ils en disaient du bien. Les gens ne disaient
pas « j’ai passé une bonne soirée ». Ils
écrivaient : « J’ai été bouleversé, marqué... »
C’est un truc qui n’arrive pas tous les jours
dans la vie d’un journaliste. J’ai mesuré à quel
point c’était rare quand j’ai regardé les forums
Propos recueillis par Emmanuel Marc Dubois
Photo © Jean-Michel TRUPIN
des autres émissions : j’ai vu qu’internet était
un défouloir.
EMD : D’autant plus gratifiant quand on sait
que vous revenez de loin...
FL: Il m’avait fallu un an pour convaincre
France 5 que l’émission était légitime parce
qu’ils se demandaient à quoi un “people”
allait servir. J’ai expliqué que c’était un
vecteur, un moyen d’attirer l’attention sur
des sujets qui, a priori, n’intéressent pas tout
le monde. C’était un moyen d’attirer le plus
grand nombre vers un documentaire. On a
tourné quatre épisodes [voir encadré p. 18].
Malheureusement, c’était trop coûteux pour
France 5. Le concept était en panne, faute
de moyens. C’était un gâchis. Grâce à Bonne
Pioche, des portes se sont ouvertes. La
direction de France 2 s’y est intéressée. Mais,
là aussi, ça a été compliqué parce qu’il y avait
des projets qui semblaient concurrents.
EMD : Comme celui d’Arthus Bertrand ?
FL : Sans être langue de bois, je suis ravi
que l’émission de Yann Arthus Bertrand
ait marché parce que je suis content que
son message soit écouté et entendu.
On dit les mêmes choses, mais pas de
la même manière. Dans son émission,
les producteurs de « La Marche de l’empereur »
Mensans n°5
17
Frédéric lopez, humaniste
c’est dans son titre, c’est « vu du ciel ».
Dans la mienne, c’est à hauteur d’homme.
Chez moi, ça se passe dans le regard des
gens et à l’échelle d’une personne. Mais nous
parlons tous les deux de la même chose.
EMD : Son émission est quand même
plus environnementale, et la vôtre plus
humaniste.
FL : J’aime beaucoup ce mot : « humaniste ».
Et si jamais on me parlait de mode, et bien
tant mieux si c’est à la mode, et tant mieux
si j’ai fait partie de ceux qui l’ont lancée. On
ne donne de leçon à personne, on ne fait pas
la morale. On va juste filmer une rencontre
qui a priori est improbable : une personnalité
française et quelqu’un du bout du monde.
Ce que j’aime, c’est qu’à la fin du film il y a
deux stars : Muriel Robin, et Katjambia pour
l’émission sur la Namibie, et, si on parle de la
prochaine, Patrick Timsit et Teoreun, qui est
un chaman qui vit sur Siberut, une île au large
de Sumatra en Indonésie. Sur cette île, vit dans
la jungle un peuple de chasseurs-ceuilleurs.
Les Mentawaï sont des gens qui chassent
à l’arc, avec des flèches empoisonnées. Ils
nous ont montré comment ils font du poison.
Il y a eu des rites chamaniques, c’était très
impressionnant. Aujourd’hui, qu’est-ce que ça
veut dire un peuple de chasseurs-cueilleurs ?
Et surtout : est-ce que leur avenir est entre
leurs mains ? Mais aussi, qu’ont-ils à nous
apprendre ?
EMD : C’est l’objectif de chaque émission :
illustrer le conflit entre une modernité
dévastatrice et ces peuples qui vivent très
bien en autarcie.
FL : J’aimerais pouvoir le dire comme ça. C’est
en fait plus compliqué. Les ethnologues n’ont
pas la même approche. Certains disent qu’il
faut les mettre sous cloche et les protéger
de notre monde. Malheureusement, c’est
impossible. Les enfants de ces gens-là
préfèrent aller à la ville et être pompiers ou
policiers et avoir un salaire plutôt que de vivre
dans la jungle. Ça s’exprime parfois sous la
forme d’un conflit de générations. Il ne s’agit
azertyuiop^qsdfgh
En terre inconnue à télécharger
La première version de l’émission était
diffusée sur France 5 en 2005. Les quatre
épisodes sont disponibles en VOD (vidéo à
la demande) sur internet. Vous pourrez voir
les documentaires avec Thierry Lhermitte,
Pierre Palmade, Emmanuelle Béart et Muriel
Robin (chez les Pygmées) pour 2,99 euros
(Mac ou PC).
www.francetvod.fr/site-vod/enterreinconnue
Diffusée entre les fêtes de fin d’année.
Photos © H&k
18
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
En terre inconnue
malheureusement pas d’une question de
goût musicaux mais de mode de vie. Certains
aimeraient avoir le meilleur des deux mondes.
Il ont connu la modernité, ont vécu avec des
vêtements mais, aujourd’hui, vivent en pagne
dans la forêt. C’est extraordinaire et c’est,
pour moi, la surprise magnifique qu’on a eu
lors de ce voyage-là.
« Ils peuvent défier l’histoire et montrer
que leur disparition n’est pas une fatalité.
C’est très très très émouvant.
Nous en sommes sortis bouleversés. »
EMD : Pourquoi avoir invité Patrick Timsit ?
Patrick Timsit le dit dans le taxi qui l’emmène à
l’aéroport, ce est pas du tout un aventurier.
EMD : un peu comme Palmade…
FL : C’est à dire qu’il déteste partir en vacances,
en voyage. Il va toujours dans sa maison
dans le Gard. Il n’aime pas marcher pieds
nus sur le gazon dans son jardin, c’est pour
dire. Il n’est pas très à l’aise dans l’eau, etc. Il
a accepté quand même cette aventure parce
qu’il était attiré par les rencontres humaines.
Pendant la première partie du film, on voit
bien que c’est un choc. Mais petit à petit, il va
surmonter ses limites pour partager avec eux.
C’est très captivant parce qu’on s’identifie
facilement à lui.
EMD : C’est le point fort de l’émission. Le
« people » sert d’attache.
FL : Exactement. La star accepte vraiment de
servir le propos et la cause. Si vous faites
attention, pendant l’émission, je ne pose
aucune question à l’invité sur sa carrière,
ni sur ses passions, ni sur sa personnalité.
L’invité, c’est juste le regard qu’il pose sur
les endroits où on l’emmène et sur les gens
qu’on lui présente. Il était important pour
nous de leur faire accepter ce cadre. Ils
partent 17 jours sans rémunération alors
qu’ils refusent de nombreuses sollicitations
par ailleurs. C’est une pression pour moi : ne
Pierre Palmade, en pleurs :
« Il faut arrêter de me présenter des gens
formidables ! »
Photo © Jean-Michel TRUPIN
pas décevoir ces gens qui me font confiance
en partant les yeux bandés à l’aéroport sans
savoir vers où on s’envole. C’est un truc qu’il
faut bien signaler ça. Les téléspectateurs
pensent que ça n’est pas possible mais
la surprise est vraiment gardée jusqu’au
bout. Quand ils disent « oui » des mois
avant le tournage, ils sont très excités mais
quand ils arrivent à l’aéroport, ils sont ultra
vulnérables. On a envie de les prendre dans
ses bras. Ils sont des bons vecteurs parce
que ce sont des gens qui sont extrêmement
sensibles et qui cultivent cette sensibilité.
C’est leur métier. Du coup, ils sont comme
des éponges. Ils sentent les malaises. Quand
ils se sentent touristes, ils le disent ; quand
ils s’attachent, ils le disent ; quand ils sont
méfiants, ils le disent. C’était important pour
moi qu’on ait cette dimension là par rapport
à un documentaire classique. Le pari avec
Patrick Timsit c’était qu’il est complètement
tiraillé entre sa nature qui n’est pas d’être un
aventurier, et son envie de nouveauté. Donc
Mensans n°5
19
Frédéric lopez, Ethnologie
à chaque fois qu’il fait quelque chose dans
l’émission, il résiste. Par exemple, il y a des
femmes qui vont pêcher, qui ont de l’eau
jusqu’au cou. Il les voit se protéger avec
des feuilles de bananier : « de toute façon,
je m’en fous, moi j’irai pas ». L’image d’après
il est dans l’eau parce qu’elles lui prennent
la main et qu’il ne peut pas refuser. Là-bas
ils mangent du porc. Lui est juif. Il est plutôt
cool sur le sujet mais en même temps il est
un peu embarrassé parce qu’il sait que sa
mère va voir l’émission. Il est donc tiraillé
entre ne pas choquer sa mère et faire plaisir
à ses hôtes. À un moment je l’emmène dans
la forêt pour marcher. C’est magnifique mais
quand on y est, c’est de la gadoue. Marcher
c’est souvent pénible, mais quand on sait pas
pourquoi… Il s’est donc rebellé. On l’a laissé
au montage. Au moment où je vous parle, je
ne sais pas si il aura laissé diffuser l’extrait
mais je pense que oui. Pour moi, ça donne
de l’authenticité à tout le reste : on voit qu’il
ne fait pas semblant d’être content. Quand il
ne l’est pas, il le dit.
azertyuiop^qsdfgh
Les Mentawaï
Teoreun, qui est notre héros, vit dans la
forêt. Il a un fils qui est devenu musulman,
vit dans une ville et rejette la culture de
son père. C’est un sujet très douloureux.
Ils sont confrontés chacun à des choix très
particuliers.
Les Mentawaï qu’on est allé voir sont appelés
les Hommes-Fleurs. Ils ont toujours des
fleurs sur eux. Ils ont des tatouages partout.
On dit que ce sont les premiers tatouages
de l’histoire de l’humanité. Ils font ça pour
que leur corps soit beau, pour plaire à leur
âme. Parce que si l’âme n’aime pas ce corps,
elle va partir. L’apparence n’est donc pas
un truc superficiel comme chez nous, c’est
très profond, spirituel. Il faut savoir que les
Mentawaï qu’on va voir rire – parce qu’on
rit beaucoup dans l’émission – vivent dans
la forêt, comme dans une sorte de jardin
d’Eden. C’est presqu’un stéréotype auquel on
assiste. C’est une vie qu’ils ont choisie alors
qu’ils pourraient vivre dans des villes ou des
villages. Le gouvernement indonésien depuis
1945 a connu une succession de dictatures
qui voulaient faire l’unité de l’Indonésie et ont
lutté contre toutes les cultures traditionnelles.
Les dictateurs indonésiens leurs ont coupé
les cheveux, brûlé la peau pour effacer leurs
tatouages, arraché les enfants des clans pour
que ne se perpétue pas un mode de vie qui
était jugé non-conforme aux ambitions du
pays. Ils ont vécu de vraies persécutions.
Teoreun nous raconte que quand il avait
13 ans, il a vu son père se faire arrêter par
l’armée. On lui a coupé les cheveux, on lui a
brûlé tous ses outils de chaman. Et au fond,
si lui est chaman aujourd’hui, ce n’est pas par
hasard. C’est une forme de revanche.
Aman Pagueta est le « grimpeur » du clan.
Il a emmené Patrick Timsit à 40 m du sol. À
ce moment là, dans cette forêt intacte mais
menacée par des compagnies forestières,
Leur pouvoir est dans les cheveux, ils ont les cheveux
l’émotion
n’était pas feinte.
longs.
Photo © Jean-Michel TRUPIN
20
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Même les gens qui ont choisi la modernité
reviennent vers la forêt quand ils sont
confrontés à la maladie ou à la mort. Il y avait
une femme qui avait perdu un enfant trois
semaines auparavant. Nous aurions pu croire
qu’elle avait perdu la raison, alors qu’eux nous
expliquaient que son esprit était en train de
vagabonder entre le monde des vivants et le
monde des morts. Les chamans sont rentrés
en transe pour communiquer avec les esprits
et l’apaiser. C’était très impressionnant.
Ces gens là n’ont pas la télévision ; ils ne
connaissent pas le reste du monde mais ils
ont conscience que notre présence peut avoir
un impact sur l’opinion publique internationale.
Teo Reun nous a dit : « Je ne sais pas quelle
est la solution pour nous protéger mais je sais
que vous pouvez faire quelque chose ». C’est
pour cela qu’on en part bouleversé.
EMD : C’est sans doute ce qui explique
que Télérama ait parlé de l’émission en la
qualifiant de « People utile »
FL : Venant de télérama, c’est un compliment !
J’ai une opiniatreté et une détermination
dangereuses. Je peux me retrouver
complêtement dans l’impasse. J’ai refusé
plusieurs émissions de télé-réalité. Tous mes
potes me demandaient « Tu as un plan B ? »
mais je ne voulais rien entendre. Ma grande
satisfaction aujourd’hui, c’est de voir que
l’émission a plu ; que des gens qui l’ont vue
soient bouleversés. Les hommes me disent
« J’ai failli pleurer » puis, si j’insiste, « bon
allez, j’ai pleuré à la fin ». Ça me touche.
Frédéric Lopez, Différence
EMDJean-Jacques
: Les premières émissions
avaient lieu
Barloy
en Afrique...
F.L. : Oui. On va essayer de faire tous les
continents. Avec Patrick Timsit, on est allé
en Indonésie. Mais c’est difficile. Beaucoup
de ces peuples ont été assimilés, aculturés.
Toutefois, je sais ce que l’on prépare. C’est
très excitant mais je ne peux en dire plus pour
l’instant.
EMD : Vos débuts en télé ?
Frédéric Lopez : C’était à Télé Lyon Métropole.
Je recevais tous les jours des gens différents.
Ça pouvait être un jour un sujet très léger
avec des rousses qui parlaient du regard
particulier que les autres leur portent. Le
lendemain, des parents d’enfants trisomiques
me sollicitaient en m’expliquant « Quand je
vais dans les supermarchés, on me regarde
avec mon enfant et je ne peux pas parler à
tout le monde ». Un jour, ça a été l’association
Mensa. Je prends volontairement ces
exemples qui ont un point commun : la
différence. La précocité étant moins grave
que la trisomie, j’ai beaucoup aimé plaisanter
avec les membres de votre association. Il
y avait beaucoup de second degré. Je leur
ai notamment demandé, d’un air candide :
« Je ne comprends pas pourquoi vous vous
réunissez. On n’est pas assez bien pour vous
? Vous vous ennuyez avec nous ? ». Une
façon de leur tendre la perche.Il se trouve
qu’en plus de les avoir rencontrés, j’ai dans
mon entourage des gens qui en font partie.
J’ai compris pourquoi les gens qui avaient
cette différence, cette intelligence-là, avaient
besoin de se réunir : parce qu’ils se sentent
souvent décalés, seuls. Pour moi, il n’y a pas
que l’intelligence logique. J’en connais plein
d’autres. Je connais des gens pas très futés
mais qui ont un instinct incroyable dans la vie.
Je vais me garder de citer des gens célèbres
parce que je pense justement à quelqu’un...
[rires]. Il y a plein de formes d’intelligence ;
je vois les gens qui ont cette intelligence là
comme des gens extrêmement sensibles mais
qui sont plus vulnérables que les autres.
Photo © Jean-Michel TRUPIN
Mensans n°5
21
Frédéric Lopez, Éducation
EMD : Est-ce que l’Éducation nationale,
telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, sait
répondre...
F.L. : Non. Sans être spécialiste du sujet, il
me semble évident que l’éducation nationale
ne sait pas, pour l’instant, répondre à ça ;
même si des gens se battent. Avec plus de
trente élèves par classe, ils ne peuvent pas
faire de cours particulier. Il y a un moule. Je
ne dirai pas qu’ils tirent vers le bas ; sans
me faire l’avocat du diable, je comprends la
situation actuelle ; c’est à dire que dès que
l’on sort du moule, ça ne leur va pas et ça
les dérange pour avancer. Ça demande plus
de concentration et de s’intéresser au sujet
de la précocité. Les enseignants que l’on
a pu chacun avoir n’étaient pas tous des
passionnés par leur métier. Il y en a plein qui
subissent. C’est assez fou de se dire qu’un
enfant très intelligent va leur poser autant
de problèmes qu’un enfant qui aurait des
difficultés scolaires pour d’autres raisons.
Heureusement qu’il y a des gens qui se
battent pour faire reconnaître cette situation.
Maintenant, je sais qu’il y a des professeurs
qui sont agacés par ça.
Comme vous êtes une minorité, la majorité
vous agresse. Je ne parle que de ce genre
de problèmes dans mon émission. Je vais
voir des minorités partout dans le mondre. En
Indonésie, la majorité veut que les Metawaï
s’habillent. Où est leur problème ?
Les gens « très intelligents » sont une minorité
qui provoque des sentiments pas toujours
agréables ; qui, vus de l’extérieur, se
sentiraient supérieurs alors qu’on sait que ce
azertyuiop^qsdfgh
« Souvent, autour d’un enfant précoce,
il y a des parents anxieux qui ont peur
que leur enfant ne soit pas compris. Ils ne
vont pas être ses meilleurs « attachés de
presse » parce qu’ils vont mettre en avant
cette intelligence, ce qui va agacer les profs
qui vont croire que les parents sont fiers de
leur enfant, que le gosse a la grosse tête...
Cette intelligence là agresse les autres.
Comme on dit « très intelligent », on entend
supérieur à la moyenne et donc (par erreur
de syllogisme) à tous les autres. Certains se
sentent agressés et, du coup, deviennent
agressifs. »
n’est pas du tout cela quand on les connaît.
Mais malheureusement, c’est comme ça
qu’ils sont souvent perçus. Dans mon
émission sur TLM, j’avais reçu des membres
de l’association « Altitude », qui font tous plus
de 2 m. Leur différence est physique mais ils
présentent le même genre de vulnérabilité
que les membres de Mensa.
On sait que les gens petits ont tendance à être
agressifs pour se défendre. Avec les capacités
intellectuelles, c’est la même chose.
EMD : on ne peut s’empêcher de penser
notamment à un homme politique...
FL : par exemple...
EMD : pourtant, ce n’est pas l’image que
donne David Pujadas !
FL : On est un peu hors-sujet... David est mon
meilleur ami. C’est depuis qu’il présente
le 20 h qu’il s’est souvenu qu’il n’était pas
grand, parce qu’on le lui rappelle souvent en
interview. Il avait oublié. Mails il reconnaît luimême qu’il était très bagarreur quand il était
jeune. Je ne ressens pas personnellement
d’agression de la part des gens qui passent
les tests [de Mensa] parce que je ne les vois
pas comme des gens qui font un complexe
de supériorité ; bien au contraire. Je les vois
comme des personnes qui ont des problèmes
de confiance en eux et ont besoin de se
rassurer, comme des gens sensibles, parfois
vulnérables, et qui sont une minorité. Or
toutes les minorités m’intéressent.
Photo © Jean-Michel TRUPIN
22
Mensans n°5
jklmwxcvbn,cvazer
Cerveau
L’overthinking ou le mal-être du trop penser
Nadia Daki, Le monde de l’intelligence no6
63 % des jeunes adultes et 52 % des
quadragénaires ont tendance à ruminer et
les femmes sont deux fois plus nombreuses
que les hommes à ruminer lorsqu’elles
sont tristes, anxieuses ou déprimées.
Joëlle a 36 ans. Elle travaille dans un cabinet
d’avocats. Lors d’une réunion, elle erre dans
ses pensées. Un flot de sentiments négatifs
l’envahit alors : « Ce travail ne me plaît pas.
Je voulais être institutrice. De toute façon,
je suis inutile dans ma mission, je mériterais
d’être renvoyée. Ces dernières années, j’ai
manqué l’essentiel. Mon mari est bien trop
souvent en voyage d’affaires, je suis sûre qu’il
me trompe. »
Joëlle est-elle une éternelle insatisfaite ? Se
fait-elle du souci à tort ou à raison ?
Peu importe que ses doutes soient fondés,
car Joëlle souffre d’un mal contemporain :
l’overthinking ou autrement dit, la « rumination
mentale non-stop ». « Il suffit parfois d’un
petit événement insignifiant pour provoquer
des heures de torture mentale de ce type,
explique Susan Nolen-Hoeksema, professeur
de psychologie à l’université du Michigan,
aux États-Unis, et auteur d’un ouvrage sur le
sujet.
Après avoir étudié mille trois cents personnes
choisies au hasard, ce chercheur a découvert
que 63 % des jeunes adultes et 52 % des
quadragénaires ont tendance à ruminer,
composante essentielle de l’overthinking. Tous
ne sont pas des overthinker pour autant. En
effet, l’overthinker examine continuellement ses
pensées et sentiments négatifs. Comme une
Susan Nolen-Hoeksema. Pourquoi les femmes se
prennent la tête ? JC Lattès, 2005.
Cet article a été publié dans « Le Monde de l’Intelligence » n°6, sept-oct 2006
et reproduit en partie ici avec l’accord de Mondeo Publishing
pâte à laquelle on ajoute de la levure, nos
pensées négatives augmentent de volume
et finissent par prendre progressivement
toute la place dans notre esprit. Au début,
on se focalise sur l’événement qui vient de
se produire (dispute, frustration, etc.) mais
peu à peu, on glisse vers d’autres situations
(passées, présentes), brassant pêle-mêle
nos doutes les plus intimes. En sautant d’une
pensée à une autre, sans lien direct entre elles,
on risque d’amplifier de petits problèmes ou
d’en créer qui n’existent pas. « L’overthinking
est un problème dangereux, poursuit Susan
Nolen-Hoeksema. En plus de rendre la vie
difficile, il complique nos relations avec autrui
et contribue, dans certains cas, à de graves
troubles comportementaux ou mentaux tels
que l’anxiété, l’alcoolisme ou la dépression. »
Une malédiction féminine ?
D’après une autre étude menée par Susan
Nolen-Hoeksema, les femmes sont deux
Susan Nolen-Hoeksema and al. Explaining the gender
difference in depressive symptoms. Journal of Personality
and Social Psychology, 1999. Vol. 77, No. 5, 1061-1072.
Mensans n°5
23
Cerveau
azertyuiop^qsdfgh
fois plus nombreuses que les
hommes à ruminer lorsqu’elles
sont tristes, anxieuses ou
déprimées.
Selon
elle,
cette tendance s’explique
essentiellement par l’éducation.
« Dès leur plus jeune âge, les
femmes sont encouragées
à exprimer leurs émotions, à
parler de leurs difficultés et à
écouter les autres, précise-telle. En revanche, on se moque
d’un garçon qui pleure et on le
pousse à réagir autrement, de
façon moins émotive. »
Cette hyperémotivité pousse plus volontiers
le genre féminin à se remettre continuellement
en question et à s’interroger sur leurs
décisions. Selon l’auteur, les femmes et les
hommes ne se définissent pas de la même
façon par rapport au monde extérieur. Elles se
positionnent plus par rapport aux autres. Leur
propre image est d’avantage fondée sur les
opinions d’autrui. Elles peuvent ainsi vouloir
étudier plus souvent l’état de leurs relations
en prenant le risque de s’angoisser lors d’un
changement. Et enfin, elles ont plus tendance
que les hommes à confondre leurs propres
sentiments avec ceux des autres.
Certains psychanalystes soulignent cette
différence de réaction qu’ont les hommes
et les femmes face à l’overthinking mais ne
défendent pas pour autant l’idée que les
femmes « se prendraient plus la tête » que
les hommes. Face à la rumination mentale,
les hommes ignoreraient tout simplement le
problème s’ils ne trouvent pas de solution
immédiate tandis que les femmes vont tenter
de trouver des explications, des solutions.
Pour d’autres, cette différence de
24
Mensans n°5
comportement serait due au
fait que les événements liés
à une émotion (positive ou
négative) sont plus fortement
ancrés dans le cerveau féminin.
En effet, les femmes ne se
souviennent-elles pas mieux
que les hommes des dates
d’anniversaire, de certains
événements ?
Pour l’heure, aucune étude
scientifique n’a pu montrer
de différence entre hommes
et femmes dans la suractivité
cérébrale et notamment dans la rumination
mentale.
En tout cas, l’un des carburants incontestables
de l’overthinking, c’est la peur. Qui n’est pas
pris de panique face à une situation qui lui
échappe complètement ? La différence entre
une personne « overthinker » et une autre,
c’est la façon dont elles vont faire face à cette
situation : la première sera complètement
submergée par sa peur et va activer sa «
roue » mentale. La seconde échappera à
cette tendance d’agitation mentale. Mais
l’overthinking est un mécanisme multi
déterminé qui peut s’expliquer par plusieurs
facteurs.
La tyrannie de l’ego
L’individualisme moderne est un des
quatre facteurs culturels pouvant expliquer
l’apparition de ce phénomène d’overthinking.
Selon Susan Nolen-Hoeksema, nous sommes
devenus plus nombrilistes et passons notre
temps à disséquer ce que nous ressentons,
à guetter le moindre sentiment de tristesse ou
d’anxiété, en oubliant qu’ils sont provoqués
la plupart du temps par des événements
insignifiants.
photos : IstockPhoto
jklmwxcvbn,cvazer
Le manque de valeurs et la quête de
récompense sont deux autres facteurs.
Contrairement aux anciennes générations,
nous passons notre temps à contester ou
à mettre en doute un certain nombre de
références : foi, patriotisme, humanisme, etc.
On doute de nos motivations, de nos désirs,
de notre jugement. On anticipe les choix à
faire, regrettant les erreurs commises dans le
passé, scrutant l’avenir.
Quatrième facteur favorisant la rumination :
le besoin de palliatifs. Lorsque les ruminations
deviennent incessantes et qu’elles tournent
en boucle, le recours à l’alcool ou aux
médicaments peut apparaître comme étant
la seule solution pour cesser ce trop plein
d’idées noires.
Il ne faut surtout pas confondre cette
rumination excessive avec l’anxiété, précise
la psychologue. Même s’il y a quelques
points communs apparents, les syndromes
sont très différents. Les « overthinkers » sont
convaincus que le pire est déjà arrivé, ils se
focalisent sur des situations du passé qu’ils
auraient voulu différentes. Ils ne sont pas
dans le « Et si ? ».
S’aérer l’esprit...
Des solutions ? Il faut s’occuper l’esprit
Cerveau
autrement. Faire du sport, se relaxer, méditer,
se concentrer sur la préparation d’un plat
compliqué ou encore jardiner.
Et à en croire Susan Nolen-Hoeksema,
mieux vaut ne pas partager ses soucis pendant
des heures avec ses amis car cela ne ferait
qu’accentuer les ruminations a posteriori.
Pour ne pas sombrer dans la dépression
Le danger est réel, près de 45 % des
personnes s’adonnant à la rumination nonstop présentent des signes de névrose
dépressive sévère. Mais pourquoi se laisser
aller à ce comportement destructeur ? Parce
que l’organisation et le fonctionnement du
cerveau facilitent la rumination. Tous nos
souvenirs ou pensées sont étroitement liés
grâce à des réseaux complexes. Ainsi nous
sommes capables d’établir des similitudes
entre plusieurs situations, mais le danger
est que cela favorise les tendances à la
rumination.
Cette rumination d’idées négatives a été
associée à une implication accrue des
régions cérébrales souvent associées à la
tristesse, constate Philippe-Olivier Harvey,
chercheur en neurosciences à l’université
McGill de Montréal, au Canada. « L’une des
hypothèses est que la suractivation de ces
régions (l’amygdale et le cortex préfontral)
nuit au bon fonctionnement des régions
dites « cognitives » tels que le cortex frontal
dorsolatéral et le cortex cingulaire antérieur,
qui sont impliqués dans la mémoire, l’attention
et la planification. Autrement dit, un déprimé
qui rumine solliciterait trop de ressources
cérébrales pour le fonctionnement des régions
émotionnelles et pas assez pour les régions
cognitives, d’où les déficits de mémoire
et de concentration. » Il semblerait donc
que la rumination soit un facteur favorisant
Mensans n°5
25
cogitations
azertyuiop^qsdfgh
la dépression. De plus, certaines études
suggèrent que ces deux mécanismes mettent
en jeu des processus cérébraux similaires :
notamment, une suractivité de certaines aires
cérébrales.
Un cerveau qui travaille trop
Une équipe franco-canadienne a montré
récemment, par imagerie cérébrale, que les
personnes déprimées activent davantage leur
cerveau et fournissent un effort plus soutenu
que les sujets non déprimés, lors de tâches
de mémorisation à court terme. « Quand on
réalise une tâche cognitive, on active certaines
régions et on désactive celles qui sont inutiles,
explique Philippe Fossati, coauteur de l’étude
et chercheur au laboratoire « Vulnérabilité,
adaptation et psychopathologie » (CNRS et
universités de Paris VI et VII). Les déprimés
ont plus de mal à désactiver ces régions
inutiles, peut-être est-ce la rumination qui les
en empêche ? Mais elle pourrait également
expliquer le maintien de la dépression en
empêchant l’accès aux souvenirs spécifiques
et aux aspects positifs de la personnalité. »
Que ce soient les « overthinkers » ou les
déprimés, leur cerveau n’est jamais au repos,
il fonctionne en boucle. « Les déprimés ne
sont pas des fainéants, lance Philippe Fossati.
C’est comme si leur cerveau s’engageait dans
un marathon au rythme d’un 100 mètres, d’où
l’épuisement lié à la dépression ! »
Le fait de ne pas pouvoir arrêter ce
processus pernicieux de ruminations pourrait
être lié à une activité anormale de l’amygdale
et du cortex préfrontal. Faute d’explications
scientifiques, les overthinkers n’ont pas le
choix : mieux vaut se vider la tête.
Harvey PO, Fossati P. and al. Cognitive control and brain
ressources in major depression : an fMRI study using the nback task. NeuroImage. 2005 Jul 1 ; 26 (3) : 860-9.
26
Mensans n°5
Critique de la
première impression
La première impression n’est rien d’autre
que la projection d’un univers que l’on croit
connaître ; voire le mirroir de ce que l’on est ou
ne veut pas être. Ce n’est qu’une construction
mentale biaisée, basée sur des éléments
purement subjectifs dont il est impossible de
valider la pertinence.
Se fier à sa première impression est une
erreur d’approche majeure, dès lors que
l’on fait face à un individu ou un système qui
n’utilise pas les mêmes valeurs et repères
que celles et ceux que l’on a pu soi-même
construire... c’est à dire souvent.
Par contre, c’est un bon point de départ pour
entamer le dialogue, sous réserve de faire
preuve d’une grande ouverture d’esprit.
L’intelligence étant corrélée à la capacité
d’adaptation au changement, rester sur sa
première impression est l’apanage des crétins.
Mais les autres ont un devoir de vigilance pour
ne pas sombrer à leur tour dans l’erreur.
EMD
Ce texte, posté dans la partie du forum réservé aux
membres, a fait l’objet de nombreuses réactions que vous
pouvez consulter, voire compléter, si vous avez accès à
cette partie du site www.mensa.fr
Imbéciles
Seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis.
Bref, si vous ne voulez pas passer pour un imbécile,
Il faut accepter de changer d’avis et admettre que...
Seuls les imbéciles changent d’avis !
Stéphane Bernard
jklmwxcvbn,cvazer
Littérature
Vivre le temps
Les trois articles suivants traitent du rapport au temps
et nous invitent à une réflexion sur les institutions.
Temps réglé, règles du temps. Le temps règle le rythme de la vie, de l’institution, institue comme
autant de règles de vies. Donnée égalitaire, le temps diffère pourtant selon le vécu, la situation de
vie, le rôle social, le sens que chacun peut donner à ses espaces-temps.
Le temps s’impose-t-il de la même manière à tous ?
Abstrait, il devient un objectif non palpable, un concept vide de sens et le cocon de la proximité
en fera un temps temporairement rassurant. Soustrait, sa perception se fait par défaut et le
manque d’information empêche de projeter, de se projeter. Sans place, le temps « à la rue »
n’existe plus que pour survivre. Tenter de vivre sur ce dernier espace de
liberté, relique humiliée du patrimoine de l’autonomie. Libre, le temps
renvoie à soi. Image de soi construite dans le groupe, par, pour lui
alors que le passage à l’individu suppose un temps autonome et
maîtrisé.
Autant de dynamiques qui montrent que vivre dans son temps
choisi implique volonté et implication. Temps d’Or ? En sommeil,
accéléré… les temps riches font oublier les temps en panne,
nivelant les bleus et les envols des trajectoires sociales.
« Un temps élastique »,
D’après Stéphane Beaud, Terrain, No 29 - Vivre le temps (septembre 1997)
L’auteur prolonge des travaux déjà menés
à propos des études universitaires dans
les milieux populaires. À partir d’entretiens
approfondis menés auprès de quatre jeunes
faisant leur première année de faculté à
proximité de leur cité, nous pouvons mieux
connaître leur rapport au temps.
Tous les quatre ont eu leur examen de
justesse. Entre le bac et la non-admission en
IUT/DUT, la marge étroite de réussite montrait
déjà une fragilité dans l’acquisition des
capacités d’autonomie.
D’encadrés (rythme scolaire, récompense par
retour de regard, culture de la cité) à autonomes
(travail personnel, maîtrise du vocabulaire,
capacité d’auto-contrainte), le passage est
mal assuré. La faiblesse de ce passage de la
Illustrations : IstockPhoto
construction de soi dans le groupe à la confiance
en soi vectrice d’autonomie individuelle rend
leurs efforts insuffisants. Ceci se retrouve dans
un début d’année organisé puis un retour au
centre de vie grégaire.
La capacité à prendre de la distance, du recul
fait défaut. C’est la distanciation trop importante
qui entraîne la perte de repères, qui amène à
décrocher des bonnes résolutions. L’abstraction
du discours professoral et bibliographique, de
l’univers temporel et relationnel de la fac étiole
leurs espérances d’un avenir meilleur, les
renvoyant au flou, à l’incertain.
Le temps rationnel, fonctionnel fait place
au temps émotionnel, vernaculaire. La
préhension du temps, son appropriation par
rapport au réel s’effectue en fonction de la loi
Mensans n°5
27
Littérature
azertyuiop^qsdfgh
de proximité : topographique, des rencontres,
des sollicitations (sonores, visuelles, sociales).
L’occupation du temps se dilate du prévu non
appréhendé vers le rassurant solidaire, qui
donne un leurre d’accomplissement social.
Les temps de la vie du quartier sont autant de
« cours marginaux » qui procurent une illusion
d’autonomie, de vie sociale accomplie. Livré à
soi-même dans un univers connu, rassurant,
le paradoxe de ce temps grégaire est en fait
d’être « sorti en quelque sorte du courant de
la vie sociale » (Halbwachs).
« Le temps suspendu »
Rythmes et durées dans une prison portugaise
d’après Manuela Ivone Cunha, Terrain, No 29 - Vivre le temps (sept. 1997)
L’auteur reprend une enquête menée il y a
dix ans dans une prison portugaise. Depuis,
les anciennes détenues ont « accompli leurs
temps ». Si le temps est indissociable de la
prison, il y a plusieurs registres de temporalité.
Pourtant toujours le même, le temps diffère
selon l’importance qui lui est accordée. La
totalité de la peine est une rupture dans la vie.
Perçu dans le rapport aux choses, le temps n’a
pas de valeur sans ce lien (Gell). Vidé de sens,
sans stimuli sociaux, le temps devient statique.
Le temps prend de nouvelles formes. Il devient
homogène. Les diverses activités paraissent
indifférenciées. Les journées deviennent non
distinguées, lâcher prise nécessaire pour
éviter le poids du temps. Le temps progresse
par proportion. Les ordres de grandeur de ce
temps « volumétrique » sont les jalons des
28
Mensans n°5
étapes vers la liberté : ¼, ½, ⅔. La valeur du
temps en prison se hiérarchise en fonction
des temps de durée de détention. Les weekends, par leur récurrence, marqueurs de la
semaine (écoulée et à venir) représentent une
discontinuité, tout comme les Fêtes de Noël.
L’expérience du temps carcéral induit une
évaluation différente des temps. Vide de
sens, le temporel se dilate. Mais la mémoire
ne retient pas cette extension de la durée
(Thomas Mann). La perception, l’estimation
du temps suit trois cycles de durée selon les
étapes de la détention. La révolte avec ses
discours déculpabilisateurs est suivie d’une
recherche de sens. Une prise de conscience
accrue, une meilleure acuité des valeurs
n’évite pas le sentiment de temps perdu,
morne, mort. Puis à mi-peine la transition vers
la liberté avec la liberté conditionnelle.
Les décisions du juge sont multi-critères.
Perçues comme arbitraires, non comprises,
ambiguës, elles ouvrent sur une période
d’indétermination, d’anxiété, de flottement.
Ne pouvant donner de délais à leurs familles,
le contact avec le retour à l’extérieur est
brouillé. Les détenues ont l’impression que
leur évolution intérieure n’est pas reconnue.
L’attente augmente la durée de cette période
de retour à l’extérieur.
Avec l’autorisation de Copyright © 2005 Every Learner, Inc. Tous droits réservés.
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jklmwxcvbn,cvazer
Littérature
C’est l’excédent de temps qui pose
problème, pas son manque. Temps arrêté,
cyclique, « froid » pendant qu’au-dehors le
temps qui tourne, historique, « chaud » (Gell),
s’écoule et change. Deux mondes parallèles,
situés dans la même durée, mais aux rythmes
différents coexistent. Liés dans la conscience
des prisonnières, leurs décalages constituent
pour elles une menace.
Le temps des sans-abri
d’après Lionel Thelen, Revue suisse de sociologie, Vol. 31 (1), 2005, 123-143
Comment, pour préserver les dernières
parcelles de son intégrité, le sans-abri en
arrive-t-il à rejeter l’aide censée lui redonner
de l’autonomie ? Sur la base de 7 travaux de
terrain menés dans 3 pays différents, Lionel
Thelen nous conduit dans le processus de ce
paradoxe.
L’anonymat procuré par la ville constitue
le refuge privilégié des minorités. L’extrême
liberté urbaine cache un ensemble de règles
informelles imposant un diktat, cercle vicieux
dont les plus fragiles ne peuvent sortir sans
aide. L’action sociale est elle-même prise
en tenaille entre sa connaissance issue du
terrain et les critères induits par les budgets
alloués. Les décalages entre rationalités
comportementale et institutionnelle amènent
à une violence symbolique.
S’adapter à long terme à la rue passe par
4 phases : « l’agressivité », le « repli sur soi »
suite aux échecs répétés, « l’installation »
à long terme et enfin la « rationalisation »
comme une fierté de ce nouvel état, stade
avancé de désocialisation. Ne pas entrer dans
la suivante dépend de la capacité de l’individu
de résister à ce joug. Force de résilience,
possible lors des 2 premières phases, qui
se nourrit de l’affection reçue dans l’enfance.
L’« habitus originaire » observé montre que
déficit de cet amour enfantin, violence, non
solidarité familiale alliés à l’humiliation subie
constituent le « déni des autres ». Celui-ci
jouant à la fois de la part du sans-abri et des
autres personnes.
Le jugement d’autrui, la demande de « se
raconter » sont autant d’humiliations, la
dernière étant le temps dérobé. Alors que le
besoin d’assistance est sociétal, l’institution
croit se disculper en apportant une réponse
médicale, poussant la personne en difficulté
à se présenter comme victime d’elle-même.
Pour justifier la prise en charge, assurer sa
survie élémentaire, à force de précautions
oratoires, le sans-abri adapte sa stratégie. Ces
injonctions médicalisantes annihilent ce qui
lui reste d’image de soi. Il préfère finalement
rejeter ce leurre paradoxal et trouver son
autonomie à long terme dans la rue. Vouloir
échapper à l’humiliation est faire preuve de
sociabilité.
Article précédement paru en Janvier 2006 dans Mensa Magazine (Royaume Uni)
Mensans n°5
29
éthologie
azertyuiop^qsdfgh
Mon chat a un QI de 99
Témoignage poignant
Oui, vous avez bien lu : mon chat a le
quotient intellectuel moyen d’un être humain.
À 16 ans, ce vieux chat ne reconnaît toujours
pas son nom et la seule preuve d’intelligence
dont il ait apparemment fait preuve est qu’il fait
la différence entre sa litière et sa gamelle.
Parfois je me demande même si mon chat
me reconnaît. En effet, il a un comportement
tout aussi câlin avec moi qu’avec un inconnu.
Et pourtant…
Et pourtant, j’ai pu mesurer chez cet
exceptionnel félin un QI de 99.
Le test que mon chat a si brillamment passé
s’adresse normalement aux êtres humains.
Cela signifie donc que seul un être humain
sur deux est plus intelligent que mon chat.
Etonnant non ?
Bien sûr, j’imagine que vous ne croirez pas tant
que je ne vous aurai pas exposé le protocole
d’évaluation, et donc la rigueur scientifique,
avec laquelle ce test a été passé.
Assis en boule sur un coussin moelleux, mon
chat me regardait, l’air blasé tandis que je
cherchais des tests de QI en ligne gratuits.
Le quadrupède ayant le même niveau en
Anglais qu’en Français, je me suis orienté vers
un test anglophone.
Une liste d’affirmations, de petites énigmes,
s’afficha sur mon écran. Pour connaître son
QI, il fallait cliquer « true » ou « false » sous
chacune des 32 affirmations.
Ne voulant pas laisser ma souris dans les
pattes de mon félin, je décidais de reporter
moi-même les réponses de mon chat. La
procédure était simple : si mon chat bougeait
au moins une patte, il fallait cocher « true » ;
30
Mensans n°5
s’il restait dans la même position, il me fallait
cocher « false ».
La stratégie de mon chat ayant consisté à
ne pas bouger pendant les 32 questions, j’ai
cliqué 32 fois sur la case « false ».
Ce qu’un psy professionnel met plusieurs
heures à évaluer, internet vous le fournit en
quelques secondes. Il m’a tout simplement
fallu cliquer sur « send » pour obtenir le résultat
stupéfiant qui méritait bien cet article : mon
chat avait un quotient intellectuel de 99 !
Bien sûr, certains pourraient en conclure que
ce test n’est pas fait pour mesurer l’intelligence
des chats. Des petits malins pourraient même
avancer qu’il est normal d’aboutir à un score
moyen (bien qu’exceptionnel pour un chat)
quand chaque question ne propose que
deux possibilités de réponse. Ces incrédules
oseraient donc remettre en cause le sérieux des
tests de QI gratuits en ligne ? Impensable.
En tout cas, je ne m’arrêterai pas là. C’est
décidé, demain, je teste mon Géranium !
GT
Photo : IstockPhoto
jklmwxcvbn,cvazer
médecine
Où mettre le termomètre ?
Lors d’une séance de travail avec un
scénariste américain, nous en sommes venus
tout naturellement à parler de température
du corps. Il m’apprit que la température d’un
corps en bonne santé exprimée en degrés
Fahrenheit, était de 98,6. Me souvenant que
dans les films américains, on voyait plutôt les
malades se mettre le thermomètre dans la
bouche ou sous l’aisselle, je
me hasardai à demander :
- Dans la bouche ou...
- Où veux-tu prendre la
température ? me demandat-il, étonné.
À ce moment précis, le fossé
culturel entre les Etats-Unis et
la France s’est exprimé sur le
visage de mon co-scénariste. Il
ne me croyait pas. La mesure de
la température par voie rectale lui
paraissait des plus incongrues.
Nous avons essayé de nous
remettre au travail, mais il y revenait
régulièrement, essayant d’apprécier l’ampleur
du phénomène.
- Tu veux dire qu’il y a 60 millions de
personnes qui, quand elles ont besoin de
prendre leur température, baissent leur
pantalon et se mettent un thermomètre dans
le cul ?
- Mais oui, répondis-je.
- Tu veux me faire croire que Jacques
Chirac, prend sa température en se mettant
un thermomètre dans le cul ?
- Oui j’imagine, dis-je sans vraiment essayer
de l’imaginer.
- Et Catherine Deneuve aussi ?
- Oui, Catherine Deneuve aussi.
Photo : IstockPhoto
Quel choc ! Vinrent ensuite quelques
questions pratiques : est-ce que chacun a
son thermomètre ? Le thermomètre peut-il
être partagé dans une famille ? Comment estil nettoyé ? Bref tout un tas de questions le
tourmentait et nous empêchait de travailler.
Il s’est ensuite demandé si je me fichais
de lui, et il a donc téléphoné
à un producteur français pour
avoir confirmation de cette
incongruité : il n’en revenait
pas.
C’est vrai qu’il est fréquent
de voir un personnage malade
prendre sa température dans
un film américain, mais il
faut quand même dire que
c’est plus rare dans un film
français... et pour cause.
Après quelques recherches
instructives il semblerait que
la mesure de la température du
corps par voie rectale soit un peu plus précise
que la mesure sublinguale. Seulement... a-t-on
besoin d’une telle précision, si l’imprécision de
la méthode sublinguale convient parfaitement
à 300 millions d’américains ?
Au delà de cet étonnement qui m’a beaucoup
amusé, j’en suis quand même venu à me
demander qui avait raison, entre la pudeur
étasunienne, et l’inutile hyper-précision à la
française.
Serions-nous 60 millions de victimes d’une
immense plaisanterie de tout le corps médical ?
- Vous savez, vous pouviez le mettre dans
la bouche aussi. On ne vous l’a pas dit mais
c’était tellement plus drôle comme ça.
Guillaume Tunzini
Mensans n°5
31
Crâne d’œuf
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