Mensans n°5 - Mensa France
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Mensans n°5 - Mensa France
1946 – 2 0 0 6 Mensans Numéro 5, Hiver 2006-2007, ISSN 1771-8813 Over Thinking En terre inconnue Football Caméléon Édité et publié par Mensa France, 20 rue Léonard de Vinci, 75116 PARIS. www.mensa.fr à propos azertyuiop^qsdfgh Mensa France quelques mots sur l’association l’adhésion. les moyens Mensa France est une Mensa France tire ses association à but non lucratif ressources des cotisations, des (loi 1901) affiliée à Mensa passages de tests. International. Pour pouvoir en être Il n’y a aucun salarié. Toutes les membre, il faut avoir passé un activités sont organisées par des test psychotechnique approuvé bénévoles. Le fonctionnement par le psychologue international de l’association est assuré par de Mensa dans des conditions l’équipe du Comité National et ses régulières et avoir atteint un score délégués. correspondant aux 2% les plus élevés. Mensa International perçoit 8% du montant des cotisations Lors des tests organisés par enregistrées par Mensa France. Mensa France, nous faisons Les régions en perçoivent quant passer trois de ces tests. Il suffit à elles 20%. Le solde est utilisé donc d’en réussir au moins un pour le fonctionnement de Mensa pour pouvoir devenir membre de France. l’association, en France ou dans un autre pays. Au terme d’une première Mensa France consacre plus de 60 % de son budget à l’édition de ses publications (Contacts, adhésion, le membre n’est pas Mensans, Annuaire). Le reste obligé de renouveler sa cotisation. sert entre autre à financer le site Il peut cotiser à nouveau quand il internet, les cartes de membres, le souhaite. les kits d’accueil, l’organisation Pour toute information : adhesion@mensa.fr Mensa France organise des séances de test en collaboration avec des responsables régionaux. L’adhésion peut également se faire sur dossier. Tous les détails peuvent être obtenus sur simple demande à : tests@mensa.fr Mensa France, association loi 1901, 20 rue Léonard de Vinci 75116 PARIS Contact : mag@mensa.fr Site web : www.mensa.fr Directeur de publication : Alain SÉRIS Rédacteur en chef : Guillaume TUNZINI Suivi de fabrication : Emmanuel DUBOIS, 3D2S Communication Externe : Ingrid DESJOURS Ont également participé de près ou de loin à l’élaboration de ce numéro : Jean-Marc BAGGIO, Stéphane BERNARD, JeanPierre CHATENET, Rodolphe MAIX, Christophe Mariac, Paul PEIGNÉ, Delphine Rey, Muriel TUNZINI, « Sophy ». Remerciements à Gilles HARPOUTIAN, ainsi qu’à Frédéric LOPEZ et son équipe. de l’assemblée générale annuelle et les conventions nationales semestrielles. les tests Mensans, ISSN 1771-8813. Édité par Mensa France Siret : 312 478 894 00032. NAF 804D Dépôt légal novembre 2006. Imprimé par France Quercy, Mercues, à 1 200 exemplaires. responsabilite Mensa France permet à des personnes au QI élevé de se rencontrer. Mensa n’a pas d’opinion. Les textes sont publiés et les activités sont organisées sous la responsabilité de leurs auteurs et organisateurs respectifs. Mensans n°5 Illustrations : © Istockphoto, sauf mention contraire. p. 3 mer, Tina Rencelj, © Fotolia jklmwxcvbn,cvazer Sommaire Édito Édito À propos de Mensa Activités à venir Apprentissage de la lecture Conférences Un caméléon dans la ville FOOTBALL !!! Ça fait mal Les nouveaux guethos L’invention de l’écriture Énigme Entretien avec Frédéric Lopez p. 2 p. 4 p. 5 p. 7 p. 9 p. 12 p. 13 p. 15 p. 15 p. 16 p. 17 Mal-être du « trop penser » Critique de la 1ere impression Vivre le temps Éthologie Médecine p. 23 p. 26 p. 27 p. 30 p. 31 Les Mensans bougent et on parle d’eux ! Depuis le dernier numéro, nous avons été invités à participer à l’émission des frères Bogdanov, « Rayon X », et nous avons commencé un partenariat avec la revue « Le Monde de l’intelligence » . Nous avons d’ailleurs repris un article de ce magazine, « L’overthinking » - sujet qui concerne, de près, beaucoup de membres de l’association. La première édition des « Rendez-vous de Mensa », conférences organisées en Juin dernier, ont remporté un franc succès. Vous en trouverez un compte-rendu en pages 7 et 8. Frédéric Lopez, auteur il y a quelques années d’un reportage sur Mensa, nous confie dans une interview exclusive ses réflexions sur l’atypisme. À travers ces quelques pages, avec des articles parfois sérieux et parfois ironiques, nous essayons de donner une petite idée de notre curiosité et de notre éclectisme. La saison approchant, nous profitons de l’occasion pour vous souhaiter à tous d’excellentes fêtes de fin d’année. Guillaume Tunzini Rédacteur en chef mag@mensa.fr Mensans, un magazine qui a du sens Mensans n°5 Activités internes azertyuiop^qsdfgh à venir... Mensa, c’est près d’une vingtaine de réunions et événements chaque mois. Si vous êtes membre de l’association, vous pouvez retrouver tous les détails en vous connectant aux pages réservées aux membres. Activité Alsace-Lorraine Si vous n’avez pas vos codes d’accès, demandez-les à adhesion@mensa.fr. Si vous êtes parmi les 10% de nos membres ne disposant pas de connexion à Internet, contactez le responsable régional approprié. Rég. ALS Convention Nationale Lieu Date Strasbourg Information Ven 8 déc orwell@wanadoo.fr Strasbourg Sam 9 déc als@mensa.fr Réunion dans le Var PRV Cavaillon Mar 12 déc Laurence Ginet Réunion mensuelle AQI Bordeaux Ven 15 déc aqi@mensa.fr Réunion mensuelle LOR Brg St Martin Ven 15 déc lor@mensa.fr XMensa + INTERlude PLO Nantes Sam 16 déc plo@mensa.fr Réunion mensuelle FLA Sam 16 déc fla@mensa.fr X’Mensa IDF Paris Sam 16 déc idf@mensa.fr Spéléologie amateur LAN Aguzou Dim 17 déc r.humery@wanadoo.fr Réunion provençale PRV Pierrefeu Mar 19 déc J. P. Schultz Réunion informelle IDF Paris Jeu 21 déc. idf@mensa.fr Réunion informelle IDF Paris Mar 26 déc idf@mensa.fr Réunion informelle MIP Ven 29 déc mip@mensa.fr Réveillon NMD La Haye-Saint-Sylvestre Dim 31 déc mensa@yughen.net Marathon INTERlude IDF Paris Dim 31 déc - Mar 2 jan Véronique Ribaud de Gineste Réunion informelle PRV Marseille Mer 3 jan prv@mensa.fr Réunion informelle IDF Paris Mer 3 jan idf@mensa.fr Réunion mensuelle ALS Ven 12 jan orwell@wanadoo.fr Réunion régionale CAZ Juan les Pins Dim 14 jan jalmens@hotmail.com AG régionale LAN Dim 14 jan lar@mensa.fr Réunion informelle IDF Paris Jeu 18 jan idf@mensa.fr Réunion régionale CAZ Nice Ven 19 jan jalmens@hotmail.com Réunion mensuelle PLO Sam 20 jan plo@mensa.fr Réunion informelle IDF Paris Mar 23 jan idf@mensa.fr INTERlude IDF Paris Ven 26 jan Véronique Ribaud... Liste non exhaustive. Site web : www.mensa.fr Si vous n’êtes pas membre, ne connaissez pas de membre et/ou n’avez pas Internet, vous pouvez téléphoner au 06 68 71 11 95. Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Apprentissage Apprentissage de la lecture : les méthodes Une méthode semi-globale : qu’est-ce que ça veut dire ? On peut opposer en gros méthode globale et méthode alphabétique. Dans le second cas, les jeunes enfants apprennent d’abord les lettres et les syllabes, puis les mots qui ne posent pas de problème avec des phrases simples, puis seulement plus tard, des phrases qui posent des écueils de prononciation : « les poules du couvent couvent ». La méthode globale (qui consiste à faire reconnaître l’ensemble d’un mot avant d’en analyser les éléments) a été mise au point par Ovide Decroly avant la première guerre mondiale : il l’a utilisée avec succès pour apprendre la lecture à des fillettes sourdes-muettes. C’est la meilleure dans ce cas particulier, parce que c’est la seule possible. Quand cette méthode a été introduite largement en France, elle a donné d’emblée des résultats si catastrophiques qu’elle a été très vite abandonnée. Avez-vous déjà entendu parler des enfants à qui on a collé du ruban adhésif sur la bouche ? Les enfants ont des profils pédagogiques différents, et certains ont plus besoin que d’autres de parler pour apprendre à lire à une période donnée. Une telle dissociation entre la pensée et le langage, ça n’existait pas jusqu’ici dans l’espèce humaine (sauf infirmité ou maladie mentale), même chez les peuplades les plus isolées. C’est dire à quel point la généralisation de cette méthode est contre nature. Ce qui a été généralisé en France depuis les Toutefois, il peut y avoir quelques rares exceptions (vraiment exceptionnelles), comme Albert Einstein : « Les mots et le langage, écrits ou parlés, ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée. Les entités psychiques qui servent d’éléments à ma pensée sont certains signes, ou des images plus ou moins claires, qui peuvent à volonté être reproduits et combinés. » années 1980, ce sont les méthodes « semiglobales » ou « mixtes ». Dit comme ça, c’est plus rassurant pour les parents. Mais ce sont toutes des méthodes uniquement globales au départ, et plus ou moins handicapantes pour de nombreux élèves pour la suite de leur apprentissage de la lecture et de l’écriture. C’était connu depuis des années, mais on l’a vu récemment de façon directe, grâce aux progrès spectaculaires de l’imagerie médicale : l’activation n’est pas la même à l’intérieur du cerveau. Le chercheur Stanislas Dehaene nous en a présenté un aperçu lors du colloque de l’AFEP qui s’est tenu samedi 28 janvier à la Sorbonne. Le titre de son intervention : « Comment l’apprentissage de la lecture modifie-t-il les circuits cérébraux ? » Arielle Adda, quant à elle, fait remarquer que le cerveau droit ne doit pas être sollicité dans l’apprentissage de la lecture, car c’est l’aisance acquise [de son côté par le cerveau gauche] qui le rend disponible pour connaître les émotions que provoque un beau livre. C’est un livre entier, et non un trop bref article comme celui-ci qu’il faudrait pour traiter ce Association Française des enfants précoces. photos : Istockphoto Mensans n°5 Apprentissage azertyuiop^qsdfgh vaste sujet, non seulement d’un point de vue pédagogique, mais aussi avec une perspective plus large. J’ai été surpris par l’intensité des réactions aux propos du ministre Gilles de Robien, par les excès de langage inhabituels suscités, par la détermination de certains à politiser de force la question et à en faire une querelle droite/gauche, par l’insistance à dire que « le débat est clos » alors qu’il suffit de rechercher sur l’Internet les déclarations de nombreuses personnalités faites ces toutes dernières années pour avoir la preuve flagrante qu’il n’en est rien. Permettez-moi de vous suggérer de consulter le site www.lire-ecrire.org, et en particulier les deux documents suivants : www.lire-ecrire.org/Temoignage-d-unejeune-institutrice-en-CP-la-lecture_a59.html www.lire-ecrire.org/L-apprentissage-de-lalecture-a-l-etranger_a152.html J’attire plus spécialement votre attention sur ce dernier, car trop souvent en matière d’éducation, il y a des gens qui ne semblent pas concevoir qu’il existe un monde au-delà des limites de l’Hexagone. Dernier exemple : dans Ça m’intéresse de mars 2003 (n° 265), à la fin d’un article intitulé « Que soigne vraiment l’orthophoniste ? », on peut lire un entretien avec Chantal Talandier, orthophoniste, attachée de consultation à Saint-Vincent-de-Paul. En voici quelques passages significatifs : C.T. : … Le bât blesse vers 6 ans, à l’entrée au C.P. A la moindre difficulté, l’enfant est envoyé chez l’orthophoniste. Ç M : Parce que cela rassure les parents et les enseignants ? C.T. : Oui. Depuis les années 60, on dit que la méthode globale, devenue « semi-globale », fait Mensans n°5 « le pain blanc des orthophonistes ». On nous demande de prendre en charge des enfants dont le seul « trouble » est de ne pas adhérer à l’arbitraire de cette méthode de lecture… Que faisons-nous pour éviter l’échec à cet enfant ? Nous reprenons la méthode analytique : le « B. A.-BA » ; je la préconise aux parents pour qu’ils puissent aider leurs enfants. Ç M : Etes-vous devenus des suppléants de l’Education nationale ? C.T. : A priori non. Hors pathologies lourdes, c’est l’école qui doit enseigner la lecture et l’écriture aux enfants… Nous sommes des auxiliaires médicaux ; nos prestations sont remboursées. En fait, la Sécurité sociale paie pour les carences du système pédagogique de l’Éducation nationale. Est-ce normal ? Il faudrait protéger les orthophonistes de cette dérive. Certains arrivent à ne plus savoir quelles sont leurs compétences ! Question : aviez-vous déjà entendu mentionner cela à propos des déficits de la Sécurité sociale, dont on nous parle pourtant si souvent ? Jean-Pierre CHATENET jp.chatenet@laposte.net jklmwxcvbn,cvazer Conférences Les rendez-vous de Mensa Les 7, 10, et 17 juin derniers, nous avons eu la chance d’accueillir, pour la première édition des « Rendez-vous de Mensa », des conférenciers aussi passionnants que passionnés. Près de quatre cents personnes, de Mensa ou non, ont assisté aux trois conférences. à lui, donc, car il a conduit jusqu’à nous ses lecteurs, qui je l’espère, auront saisi la volonté d’ouverture et de dialogue de Mensa, et qui sait, nous rejoindront peut-être ? Intelligence et spiritualité Jean-Jacques Barloy est un personnage étonnant, de par sa capacité à se remettre en question, ses éclats de rires juvéniles, ses yeux pétillants d’intelligence, et cette érudition qu’il met à la portée de chacun, en toute modestie. Bernard Werber a donné le coup d’envoi des conférences le mercredi 7 juin, et fut donc en quelque sorte notre parrain ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que la conférence a commencé sur les chapeaux de roue ; en effet, notre président, Alain Séris, a eu la bonne idée de lancer un débat sur l’intelligence en citant cette fameuse phrase de Bernard Werber : « Les tests d’intelligence sont faits pour voir si votre intelligence est la même que le créateur du test »… Il n’en fallait pas plus à Bernard pour rebondir sur le sujet et nous questionner sur les notions de sensibilité, de créativité, et de spiritualité, qui, selon lui, donnent tout son sens à une faculté de raisonnement développée. Bernard Werber nous a ensuite fait part de sa conception de l’évolution idéale de l’Humanité, évolution avant tout spirituelle. Là encore, de nombreuses questions ont fusé, nous engageant les uns et les autres dans un débat des plus animés ! Enfin, nous avons eu la grande chance de visionner la bande-annonce du film réalisé par Bernard Werber et produit par Claude Lelouch : « Nos amis les humains », qui est filmé comme un documentaire extra-terrestre sur l’espèce humaine ! Bernard Werber sait indéniablement fédérer des individus autour de lui et de ses idées à la fois originales et pacifistes. Un grand merci De la bête du Gévaudan au moineau-garou On pouvait donc s’attendre à une conférence des plus atypiques : et ce fut le cas ! À peine étions-nous installés dans l’amphithéâtre qu’un cri vint déchirer le silence ! Celui d’une victime de la Bête se faisant attaquer ! La lecturespectacle – donnée par des comédiens de talent – commença alors, nous entraînant du Gévaudan à l’Angleterre ! Jean‑Jacques Barloy émet en effet l’hypothèse d’un commanditaire protestant aux mystérieux massacres… photos : Istockphoto Mensans n°5 Conférences azertyuiop^qsdfgh Hypothèse d’ailleurs énoncée tout en finesse, car, ce qui est remarquable chez Jean‑Jacques Barloy, c’est que jamais il n’affirme ni n’impose ; il expose, réfléchit avec vous, vous communique sa fougue, son enthousiasme. Enfin, nous avons discuté tous ensemble de la peur du loup ancrée en France au point d’être à l’origine du mythe du loup-garou… ce qui, allez savoir par quels mystérieux chemins de traverses, nous a conduits à évoquer l’existence improbable de moineaux-garous… Nettement plus effrayants, non ? Big Bang et temps imaginaire Enfin, les formidables frères Bogdanov ont clôturé « Les Rendez-vous de Mensa 2006 », et nous en ont mis plein la vue ! rangés, pour se consacrer à de hautes études en physique et mathématiques ! Et quelles études ! Non seulement les Bogdanov vont très loin dans l’abstraction et remontent jusqu’à la naissance de l’univers, mais ils parviennent aussi à nous l’expliquer ! Nous rappelant dans un premier temps ce que sont les nombres imaginaires, sans lesquels la mécanique quantique n’existerait pas, Igor et Grichka nous ont brillamment expliqué comment l’univers s’est formé, étayant leur explication par des démonstrations simples – comme une simple feuille de papier déchirée par Grichka – et des images époustouflantes extraites de l’émission « Rayons X ». Igor et Grichka Bogdanov nous ont ensuite exposé leur théorie selon laquelle un code – assimilable à notre code génétique – précéderait le Big Bang et la formation de notre univers… le tout nous conduisant finalement à des considérations plus philosophiques… L’une de nos membres a d’ailleurs pris conscience ce jour-là qu’elle existait déjà dans le cerveau reptilien d’un poisson il y a plus de 60 millions d’années ! Bref, lorsque l’on possède un tel don pour comprendre et retransmettre l’information, il est un devoir de l’utiliser… et c’est ce qu’ils font, avec talent, humour, et simplicité. Pour conclure… Jumeaux cultivant autant leurs ressemblances que leurs différences… le moins que l’on puisse dire c’est que leur parcours en ferait d’excellents M’s ! Animateurs TV, chercheurs, écrivains… tout semble les intéresser et leur être accessible. Loin d’être découragés par quelques jaloux n’aimant pas le mélange des genres, les voilà qui sortent allègrement du tiroir « showbiz » dans lequel on les avait Mensans n°5 Non seulement les « Rendez-vous de Mensa 2006 » ont été un succès en terme de fréquentation, mais ce fut aussi pour nous, Mensans ou non, un véritable plaisir de rencontrer ces personnes rares et généreuses… Nos quatre conférenciers ont placé la barre très haut, qu’ajouter de plus si ce n’est « vivement les conférences de 2007 » !!! Ingrid Desjours jklmwxcvbn,cvazer Technique Un caméléon dans la ville Caméléon : Subst. masc. 1. Reptile saurien insectivore qui a la propriété de changer de couleur. 2. Dont l’imagination invente et transforme au gré des circonstances. 3. Boîtier USB d’entrées/sorties analogique et numérique, remarquable par sa polyvalence et sa simplicité d’utilisation, conçu en 2006 par Christophe Mariac (dictionnaire non officiel). Esthète et efficace, curieux et original, Christophe Mariac, Gargantua des pizzerias mais surtout de la connaissance, sait s’adapter aux situations les plus diverses et s’adresser aux groupes sociaux les plus variés, qu’un esprit actif doté d’une logique propre pourrait pourtant rebuter facilement. Cet aspect flexible de sa personnalité l’a naturellement conduit vers l’ordinateur, caméléon lui aussi par les multiples tâches qu’il peut accomplir (traitement de texte, juke-box, magnétoscope, console de jeux, visualisation de données scientifiques...), et vers la carrière d’entrepreneur, qui associe rigueur et créativité, conception globale et souci du détail, travail individuel et sens du contact. Féru d’électronique dès ses douze ans, il commence par monter des kits destinés à produire des sons, de la lumière ou animer des objets, activités qui l’ont toujours émerveillé. À quatorze ans, il découvre les micro-ordinateurs et la programmation, domaines a priori sans rapport avec le précédent ; constatant cependant qu’un micro-ordinateur lui permet de mener à bien ses projets de manière souple et immédiate, l’informatique parvient à le séduire tout autant que sa première occupation. Une « révélation » le saisit deux plus tard, lorsqu’en étudiant le manuel technique expliquant le fonctionnement de son Apple II, il comprend que l’électronique constitue la base de l’informatique. Le lien entre le concret et l’abstrait établi, il peut se consacrer à plein temps à ses deux hobbies fusionnés en une passion unique. Pendant toute sa vie, le fil directeur de son ouvrage sera cette recherche d’immédiateté entre la pensée et l’action. En effet, le temps manque cruellement à cet amoureux des octets, ce démêleur de câbles cuivrés, ce raccordeur d’instruments épars, ce travailleur enthousiaste qui ne semble pas pouvoir se suffire d’une existence pour concrétiser la profusion d’idées qui habitent son crâne chevelu en constante ébullition. Autodidacte convaincu, peu enthousiasmé par une scolarité qu’il juge académique, artificielle et éloignée des réalités, Christophe Mariac suit néanmoins une formation photos : Istockphoto Mensans n°5 Technique azertyuiop^qsdfgh Dimensions du μCaméléon d’ingénieur informaticien, qui lui permettra d’exercer sa double capacité dans des établissements variés, au sein de différents postes (automatisation et traitement du son et de l’image, conception de systèmes électroniques et informatiques, de matériel d’optique, d’imprimantes thermiques...). Mais l’accueil glacial trop fréquemment réservé dans l’industrie aux initiatives originales, par peur, par orgueil ou pour d’autres raisons tout aussi secondaires, ont tôt fait de refroidir les ardeurs de cet employé innovant, qui conclut que son désir de liberté intellectuelle ne pourra être assouvi que par la création de sa propre entreprise. Toutefois, cette période de salariat n’est pas vaine, car l’expérience acquise dans ces sociétés lui ont permis de développer une méthodologie solide, un savoir-faire certain et une bonne connaissance de leur structure. Avec sa double casquette, il a pu ainsi constater que leurs services informatique et électronique, séparés en dépit du bon sens et incapables de dialoguer correctement, accouchent souvent d’« usines à gaz » et de résultats dignes des Shadocks, qu’une culture mixte et un partitionnement adéquat entre ces deux aspects auraient aisément permis d’éviter. Par ailleurs, Christophe Mariac a remarqué la récurrence des problématiques que l’industrie informatique rencontrait pour élaborer ses produits. L’idée d’un outil générique réutilisable d’une application sur l’autre et permettant de transmettre à ses confrères le fruit de ses recherches laborieuses s’imposa à son esprit ; elle fut pour lui l’occasion d’enfin prendre son envol en montant sa société, Starting Point Systems, dont le premier dessein serait de concevoir le µCameleon (ou micro-Caméléon). Dimensions du concepteur, Christophe Mariac (à gauche) comparé à un homme de taille moyenne (pour être gentil) 10 www.starting-point-systems.com Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Exemple d’utilisation du μCaméléon : pilotage d’un émetteur FM expérimental L’informatique a aujourd’hui abouti à un paradoxe : malgré leurs performances exponentielles, les ordinateurs actuels ne sont plus capables d’effectuer certaines tâches dont un Apple II s’acquittait sans difficulté vingt ans plus tôt. En effet, les systèmes d’exploitation, pour pratiques qu’ils se révèlent, ne permettent pas de garder le contrôle du temps et rendent irréalisables les travaux requérant une maîtrise précise du timing (gestion de matériel médical, d’un système de freinage ABS, pilotage d’un avion, d’un robot, déplacement d’un ascenseur…). Jetant un pont entre deux mondes, le µCaméléon allie la commodité et la puissance de l’informatique bureautique à la rapidité et la simplicité des microprocesseurs que l’on trouve dans l’informatique embarquée (outre les appareils précités : téléphonie, pèse-légumes, imprimantes de caisses enregistreuses…), dont la configuration se rapproche davantage de celles des anciens ordinateurs basiques. Technique Le produit se présente sous la forme d’un boîtier de la taille d’un paquet de cigarettes, se connecte sur le port USB de n’importe quel PC et fonctionne sous toutes les versions de Windows, ainsi que sous Linux et Mac OS. Véritable couteau suisse du laboratoire d’électronique, il permet de piloter tous types de systèmes électroniques à partir d’un ordinateur personnel. Les applications possibles sont quasi-illimitées, qu’il s’agisse de robotique (robots sur roues ou marcheur), de contrôle de qualité (conformité de composants mécaniques ou électroniques), de domotique (simulation de présence par allumage et extinction de lampes, régulation de température), de sécurité (alarmes, détecteurs de gaz), de loisirs (cockpits «en dur» pour simulateurs de vol, pilotage de maquettes et animations), etc. Il est actuellement exploité pour piloter une machine-outil (catégorie de robot employée notamment dans les usines d’assemblage d’automobiles) et une maquette de planetarium destinée aux expositions et aux musées. Son intérêt principal réside dans sa simplicité d’utilisation. En effet, ses pilotes pour PC le font apparaître comme un simple port Christophe s’apprête à prendre sa pause déjeuner photos : Starting point systems Mensans n°5 11 Technique azertyuiop^qsdfgh série supplémentaire et son interpréteur de commandes à la syntaxe élémentaire donne facilement accès à des fonctionnalités pointues. Ainsi, un travail de plusieurs semaines selon les méthodes traditionnelles peut être désormais effectué en quelques heures. De nouvelles fonctionnalités téléchargeables sur le site du constructeur peuvent être régulièrement ajoutées au logiciel interne, confortant l’adaptabilité du périphérique aux futures évolutions technologiques. Le µCaméléon convient à tout type d’emploi, qu’il serve à l’entreprise, à l’enseignement ou à un autre milieu usant de matériel électronique. En outre, son prix abordable (139 euros) le rend accessible à chacun, y compris à l’électronicien amateur. Enfin, il est prévu de fournir prochainement à l’utilisateur une offre de service large, qui s’étendra d’une simple formation à la réalisation d’une application complète s’appuyant sur cette interface. Après un long travail individuel visant à concevoir le boîtier, en rédiger la documentation et monter le site web de l’entreprise, le projet entre à présent dans sa phase de commercialisation. Pour l’instant, la vente se fait en ligne, mais d’autres canaux de distributions demeurent imaginables dans l’avenir. Il reste encore à faire connaître le produit, notamment par la publication d’articles dans des revues, spécialisées ou non (par exemple l’illustre Mensans). L’avis des utilisateurs potentiels (et des autres) est le bienvenu, ainsi que la contribution des Mensans (que nous savons très généreux) pour transmettre l’information auprès de ceux qui, parmi leurs relations, pourraient se trouver intéressés par cet outil. Tel le grand humaniste et philosophe Bill Gates, dont le succès de sa société Micro$oft ne fera pas rougir notre petit (par la taille, mais pas par son professionnalisme, encore moins par sa physionomie) chef d’entreprise, Christophe Mariac a pour credo : « Le travail à la vitesse de la pensée ». Projet de développement industriel autant que personnel, la création de Starting Point Systems a pour objectif, d’une part, d’élaborer des produits beaux et performants, et d’autre part, d’envisager une carrière où les priorités commerciales tiendront autant de place que les considérations humaines. Souhaitons au caméléon un avenir prospère dans un monde basé sur l’échange, l’efficacité et l’innovation intellectuelle. Rodolphe Maix. Football Bien que le football ait magistralement illustré comment on pouvait se servir de sa tête de façon originale, la rédaction de Mensans a décidé de ne pas parler de ce sport. Pour tout renseignement au sujet de cette activité, merci de consulter n’importe quelle autre publication. La rédaction 12 Mensans n°5 ndlr : Nous n’évoquerons pas non plus le championnat du monde de tir à la carabine à plomb. jklmwxcvbn,cvazer Télévision Parait que ça fait toujours un peu mal la première fois… Quelle belle opportunité nous avons décroché là ! En ce mercredi 22 juin, Alain Séris, Guillaume Schmidt, et moi, allions faire bénéficier Mensa de son petit quart d’heure de célébrité ! Nous avons été invités par Igor et Grichka Bogdanov « themselves » à assister et participer à leur émission spéciale sur le cerveau ! Au terme d’une séance de travail de plus de 2 heures, un soir, après le boulot, j’ai reçu par courriel une liste de 8 questions qui me seront posées lors de l’émission ; quelle aubaine ! Nous voilà donc embarqués dans le grand navire France Télévision. Il est 15 h, nous descendons vers le studio d’enregistrement : « quelqu’un vous attendra en bas pour vous conduire jusqu’aux maquilleuses ! ». Nous n’avons jamais trouvé notre guide, hélas, tous perdus que nous étions dans un nuage de fumée à couper au couteau. Ça discute joyeusement dans le couloir, nous nous mêlons à quelques conversations, saluons notre duo préféré, et enfin « partons au maquillage ». Tandis que je laisse la maquilleuse faire ce que doit (un peu de poudre, beaucoup de fard à paupières, et une touche de gloss), je m’inquiète de la brochette de spectateurs qui m’entoure alors : 2 bimbos sorties tout droit d’un fantasme préformaté d’ado américain moyen, et une espèce d’ovni de sexe masculin, tout droit échappé d’une soirée disco, beau comme un astre dans son costume en velours rose bonbon et derrière ses lunettes de mouche. Euh ? tout ceci est-il bien sérieux ? ne me serais-je pas trompée de date ? Au secours ! je suis peut être chez Delarue, et vais devoir m’inventer les pires vices pour justifier mon passage à l’antenne ! Émilie, l’assistante de production, vient me cueillir au passage et me rassure : je suis bien à la bonne émission ! Je ne saurai jamais quel fut le rôle (décoratif ?) de ces specimens étranges, qui s’avèreront muets comme des carpes pendant l’enregistrement. Émilie me fait visiter le studio, la régie, le tout en 5 minutes chrono. Je rejoins mes compagnons de fortune, tous mignons avec leur poudre sur le nez ! On nous demande enfin de gagner le plateau. Nous obtempérons de bonne grâce. Les murs sont verts, le sol est vert, les sièges aussi (le décor sera ajouté au montage)… seul le producteur est tout rouge : le stress le fait joliment contraster avec notre nouvel environnement. Nous nous asseyons au premier rang. « Serrez-vous ! » Nous nous serrons. « Encore ! ». Encore. Nous allons nous tenir bien chaud sous les spots, entassés les uns contre les autres... Mensa est une grande famille, nous sommes collés comme des siamois. Le producteur nous aboie quelques instructions. « Éteignez vos téléphones ! Ne parlez pas, ne bougez pas ! Serrez-vous. » Encore ? ! Nous nous transformons alors en entité à trois têtes et, toujours très motivés pour donner la meilleure image possible de Mensa, nous restons stoïques. Le tournage commence, se succèdent quelques films, les interventions des scientifiques présents sur le plateau, les questions soufflées par la production au public. Coupure. Pas pour marquer une pause, hein !? ça nous apprendrons que ce n’’est pas permis, plus tard, avec comme argument clé Mensans n°5 13 Télévision azertyuiop^qsdfgh « vous vous retenez bien quand vous allez au cinéma ! » certes, certes… ceci étant une séance dure rarement 5 heures, mais passons… Nos voisins de derrière semblent agacer notre président qui finit par se retourner vers l’un deux et lui propose d’enlever ses chaussures pour continuer à le taper avec ses chaussettes. Grand moment. Nous sommes cernés. Plus solidaires que jamais nous faisons corps, Mensa est là , Mensa parlera. Alain et moi intervenons à plusieurs reprises, posant un maximum de questions afin d’être sûrs de passer un peu à l’écran, avec Mensa en surimpression. Le micro, nous l’avons, nous le tenons, nous nous y accrochons. De pauses refusées (j’ai soif, j’ai faim : de dépit, je mange mon gloss), en interventions de calculateurs prodiges prétendant avoir mémorisé 400 milliards de combinaisons (pour information : pour compter jusqu’à un milliard ça prend une vie entière !) l’émission continue. Il est près de 20 h, ce sera bientôt à moi de jouer, je révise mes réponses avec application : il s’agit d’être percutante et convaincante. Soudain, Igor prononce mon prénom ! Je saisis le micro, mon cœur s’accélère, je ne me sens plus de joie ! J’ouvre donc un large bec pour montrer ma belle voix… et dois en rester là. Le producteur coupe : « François et Ingrid, je suis désolé, mais là j’ai d’autres questions, et si j’ai pas les réponses, y’aura pas d’émission » Comprendre que nous interviendrons, François – l’homme qui torturait Alain – et moi, si et seulement si il reste un petit créneau car nous sommes à la bourre. François est très vexé. Il se drape dans sa dignité, remet ses chaussures et s’en va. Tant mieux, ça nous laissera plus de temps de parole. L’avait qu’à pas donner des coups de pieds à Alain ! Finalement, nous l’avons notre temps de parole : finies les crampes, envolées la faim et la soif qui nous taraudent, oubliée la chaleur ! Deux questions !! Deux questions !! Yes !!! Une pour moi (au secours ! j’ai la voix qui tremble), une pour Guillaume (hé, hé, lui c’est pas mieux). Nous supportons bravement la fin du tournage ! Nous sommes venus, nous avons vu, nous avons discouru ! Il est un peu plus de 20 h 30, peut-être 21 h, même ! L’émission s’achève. C’est la ruée vers le buffet, ou autres lieux pour assouvir des besoins physiologiques bien compréhensibles après cinq heures de tournage. Le sang circule à nouveau dans nos membres, nous réapprenons à marcher… Je viens de faire mon baptême télé. Je lape mon Champagne en gobelet, m’autorise quelques chips… et pars à la chasse aux conférenciers 2007. Pas de repos pour les braves, c’est « mondanités time » !!! Et me voilà lancée, je discute avec des physiciens, avec le producteur qui a repris une couleur normale, son assistante qui m’assène d’ailleurs le coup de grâce en m’annonçant que l’émission durera 45 minutes (Ils vont donc presque tout couper !). Bref, la journée s’achève, j’ai faim… mais je suis satisfaite. Ingrid Desjours photo : www.bogdanov.ch/ 14 Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Brèves Les supermarchés, guethos de la consommation Vous n’aviez plus honte d’être pauvre ? Les supermarchés vont vous faire une piqûre de rappel. Désormais, les produits « premier prix » des grands supermarchés sont isolés dans des rayons à part. C’est la dernière mode. On fait croire au consommateur qu’il va pouvoir aller à l’essentiel mais en réalité, on l’empêche tout simplement de choisir. Entrer dans le rayon des produits pas chers (et souvent pas bons), c’est afficher ouvertement devant les autres un statut social peu glorieux. Dès que l’on met un pied dans le dit rayon, la honte nous envahit. Terriblement efficace. Plus question d’acheter la purée « éco+ », qui n’a rien à envier à la « Mousseline », sans passer pour le plouc du coin. Ainsi, ceux qui ne veulent pas être regardés de travers ne mettront plus ces produits bas de gamme dans leur caddie. Bien joué de la part des hypers qui vont voir la consommation augmenter. Car la situation devient plus que problématique. Le coût de la vie a tellement augmenté que les économies se font dans les rayons d’alimentation ; à tel point que le chiffre d’affaires des hypermarchés a considérablement baissé ces dernières années, la pompe à carburant étant désormais l’élément vital qui permet à ces sites marchands de ne pas couler. Mais faut-il nécessairement que les gérants de ces supermarchés (qui ont roulé sur l’or durant des décénies, ne l’oublions pas) prennent les gens pour des cons pour sauver les meubles ? Certainement pas. Alors, n’hésitez pas à dire (gentiment) aux caissier(e)s tout le mal que vous pensez de ces guethos du xxie siècle. EMD L’invention de l’écriture Voici l’adresse sur la Toile d’un site à ce sujet, qualifié d’excellent par Serge Soudoplatoff dans son livre sur l’Internet (aux éditions Le Pommier) : http://classes.bnf.fr/dossiecr/index.htm Ci-dessous un extrait de son ouvrage (le tout début du premier chapitre sur les origines de l’Internet) : « Personne n’oserait prétendre que l’alphabet ne fut pas une gigantesque innovation qui, non seulement a permis de favoriser la transmission des connaissances, mais aussi a engendré des mutations sociales positives. Comme le dit Françoise Briquel-Chatonnet : “On ne trouve pas dans les sociétés utilisant l’écriture alphabétique l’équivalent des scribes égyptiens ou des mandarins chinois, avec les pesanteurs et l’inertie que ces groupes ont souvent perpétuées.” C’était déjà une certaine forme de “fracture numérique” ! » J.-P. C. http://classes.bnf.fr/dossiecr/in_pheni.htm Mensans n°5 15 Jeux azertyuiop^qsdfgh Énigme Travail à la chaîne Un apprenti bijoutier se voit confier un travail par son patron. Il doit rabouter 9 chaînons de 3 maillons chacun, pour réaliser une chaîne non fermée de 27 maillons. Ce sont des maillons soudés, très ouvragés, et l’opération est longue et délicate. Le dessoudage du premier maillon et son ouverture prennent une bonne demi heure. Ce premier maillon ouvert, l’apprenti prend alors un autre chaînon et introduit l’un de ses maillons extrêmes dans le maillon qu’il vient d’ouvrir et s’apprête à le refermer et le ressouder. Le patron, qui observe la scène, demande alors à son ouvrier combien de temps va prendre l’ensemble des opérations. Après une estimation d’une heure par maillon, et avec 8 maillons à ouvrir (la chaîne finale étant ouverte), il répond qu’il lui faudra environ 8 heures. Le bijoutier lui dit que c’est possible d’en ouvrir moins et donc de finir plus rapidement. Pouvez-vous l’aider ? Solution p. 29 Enigme proposée par Jean Marc Baggio Jeux pour passer le temps Dans certains métiers la réunionite a atteint un tel niveau que les employés des entreprises ne savent plus pourquoi ils se rendent au réunions. Aussi, pour passer le temps, certains ont adapté des jeux pour pouvoir discrètement s’amuser pendant les réunions pas drôles. Les variantes du Bingo et des batailles navales font ainsi fureur. Oui mais dans certains métiers créatifs on est obligé de s’amuser pendant les réunions. Du coup, le Bingo et la bataille navale deviennent moins drôles que la réunion elle-même, et donc perdent tout leur intérêt. Pour véritablement faire le contre-point du ton d’une réunion créative, et ainsi adapter l’esprit de ces jeux à des réunions drôles, il faudrait trouver un truc à faire vraiment pas drôle pendant que les autres travaillent à dire des trucs drôles. Par exemple, chacun peut compter le nombre de conjonctions de coordination utilisées par chaque intervenant. Ensuite, on divise ce nombre par le nombre de propositions subordonnées relatives utilisées par son voisin de droite, et on multiplie le résultat par le nombre moyen de compléments d’objet directs par minute d’intervention de son voisin de gauche . Le premier qui arrive à 1000 peut se faire Hara Kiri, ou se jeter par la fenêtre. G.T. photos : Istockphoto 16 Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Entretien Rendez-vous en terre inconnue, de Frédéric Lopez concilier « People » et documentaire humaniste Dans le numéro 2 de Mensans, nous vous parlions de l’émission « En terre Inconnue », diffusée alors sur France 5. À force d’acharnement et de conviction, l’ex-présentateur de « Comme au cinéma » a réussi à convaincre France 2 de placer son documentaire en première partie de soirée. Le 31 août dernier était diffusé le premier opus de l’émission, rebaptisée « Rendez-vous en terre inconnue ». Frédéric y emmenait Muriel Robin découvrir le peuple des Himbas. Prochaine émission lors des fêtes. EMD : Quel souvenir de cette première diffusion sur France 2 ? Frédéric Lopez : Je ne risque pas d’oublier cette date parce que j’ai un peu joué ma carrière sur un “one shot” comme on dit dans notre jargon. C’était un coup de poker, or je ne suis pas du tout joueur. « Rendez-vous en Terre Inconue » a fait une bonne audience. C’était la condition pour pouvoir continuer l’émission. Ce n’était pas gagné puisque c’est un documentaire ethnologique diffusé à 20 h 30 qui, a priori, passe sur France 5 l’après-midi ou sur les chaînes du câble. Je suis assez fier d’avoir réussi ce pari là. Ce qui était vraiment fort pour moi, au-delà de l’audience, c’était, à la fois d’avoir une presse très favorable, alors qu’il y avait une méfiance au départ Une journaliste du Nouvel Observateur s’adressant à Frédéric Lopez : « Vous savez que vous venez d’inventer un nouveau genre ? » – un « people » dans une tribu d’Afrique, les gens n’y voyaient pas vraiment d’intérêt – et surtout d’avoir découvert les forums internet. Sur ceux où des gens parlaient de l’émission, ils en disaient du bien. Les gens ne disaient pas « j’ai passé une bonne soirée ». Ils écrivaient : « J’ai été bouleversé, marqué... » C’est un truc qui n’arrive pas tous les jours dans la vie d’un journaliste. J’ai mesuré à quel point c’était rare quand j’ai regardé les forums Propos recueillis par Emmanuel Marc Dubois Photo © Jean-Michel TRUPIN des autres émissions : j’ai vu qu’internet était un défouloir. EMD : D’autant plus gratifiant quand on sait que vous revenez de loin... FL: Il m’avait fallu un an pour convaincre France 5 que l’émission était légitime parce qu’ils se demandaient à quoi un “people” allait servir. J’ai expliqué que c’était un vecteur, un moyen d’attirer l’attention sur des sujets qui, a priori, n’intéressent pas tout le monde. C’était un moyen d’attirer le plus grand nombre vers un documentaire. On a tourné quatre épisodes [voir encadré p. 18]. Malheureusement, c’était trop coûteux pour France 5. Le concept était en panne, faute de moyens. C’était un gâchis. Grâce à Bonne Pioche, des portes se sont ouvertes. La direction de France 2 s’y est intéressée. Mais, là aussi, ça a été compliqué parce qu’il y avait des projets qui semblaient concurrents. EMD : Comme celui d’Arthus Bertrand ? FL : Sans être langue de bois, je suis ravi que l’émission de Yann Arthus Bertrand ait marché parce que je suis content que son message soit écouté et entendu. On dit les mêmes choses, mais pas de la même manière. Dans son émission, les producteurs de « La Marche de l’empereur » Mensans n°5 17 Frédéric lopez, humaniste c’est dans son titre, c’est « vu du ciel ». Dans la mienne, c’est à hauteur d’homme. Chez moi, ça se passe dans le regard des gens et à l’échelle d’une personne. Mais nous parlons tous les deux de la même chose. EMD : Son émission est quand même plus environnementale, et la vôtre plus humaniste. FL : J’aime beaucoup ce mot : « humaniste ». Et si jamais on me parlait de mode, et bien tant mieux si c’est à la mode, et tant mieux si j’ai fait partie de ceux qui l’ont lancée. On ne donne de leçon à personne, on ne fait pas la morale. On va juste filmer une rencontre qui a priori est improbable : une personnalité française et quelqu’un du bout du monde. Ce que j’aime, c’est qu’à la fin du film il y a deux stars : Muriel Robin, et Katjambia pour l’émission sur la Namibie, et, si on parle de la prochaine, Patrick Timsit et Teoreun, qui est un chaman qui vit sur Siberut, une île au large de Sumatra en Indonésie. Sur cette île, vit dans la jungle un peuple de chasseurs-ceuilleurs. Les Mentawaï sont des gens qui chassent à l’arc, avec des flèches empoisonnées. Ils nous ont montré comment ils font du poison. Il y a eu des rites chamaniques, c’était très impressionnant. Aujourd’hui, qu’est-ce que ça veut dire un peuple de chasseurs-cueilleurs ? Et surtout : est-ce que leur avenir est entre leurs mains ? Mais aussi, qu’ont-ils à nous apprendre ? EMD : C’est l’objectif de chaque émission : illustrer le conflit entre une modernité dévastatrice et ces peuples qui vivent très bien en autarcie. FL : J’aimerais pouvoir le dire comme ça. C’est en fait plus compliqué. Les ethnologues n’ont pas la même approche. Certains disent qu’il faut les mettre sous cloche et les protéger de notre monde. Malheureusement, c’est impossible. Les enfants de ces gens-là préfèrent aller à la ville et être pompiers ou policiers et avoir un salaire plutôt que de vivre dans la jungle. Ça s’exprime parfois sous la forme d’un conflit de générations. Il ne s’agit azertyuiop^qsdfgh En terre inconnue à télécharger La première version de l’émission était diffusée sur France 5 en 2005. Les quatre épisodes sont disponibles en VOD (vidéo à la demande) sur internet. Vous pourrez voir les documentaires avec Thierry Lhermitte, Pierre Palmade, Emmanuelle Béart et Muriel Robin (chez les Pygmées) pour 2,99 euros (Mac ou PC). www.francetvod.fr/site-vod/enterreinconnue Diffusée entre les fêtes de fin d’année. Photos © H&k 18 Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer En terre inconnue malheureusement pas d’une question de goût musicaux mais de mode de vie. Certains aimeraient avoir le meilleur des deux mondes. Il ont connu la modernité, ont vécu avec des vêtements mais, aujourd’hui, vivent en pagne dans la forêt. C’est extraordinaire et c’est, pour moi, la surprise magnifique qu’on a eu lors de ce voyage-là. « Ils peuvent défier l’histoire et montrer que leur disparition n’est pas une fatalité. C’est très très très émouvant. Nous en sommes sortis bouleversés. » EMD : Pourquoi avoir invité Patrick Timsit ? Patrick Timsit le dit dans le taxi qui l’emmène à l’aéroport, ce est pas du tout un aventurier. EMD : un peu comme Palmade… FL : C’est à dire qu’il déteste partir en vacances, en voyage. Il va toujours dans sa maison dans le Gard. Il n’aime pas marcher pieds nus sur le gazon dans son jardin, c’est pour dire. Il n’est pas très à l’aise dans l’eau, etc. Il a accepté quand même cette aventure parce qu’il était attiré par les rencontres humaines. Pendant la première partie du film, on voit bien que c’est un choc. Mais petit à petit, il va surmonter ses limites pour partager avec eux. C’est très captivant parce qu’on s’identifie facilement à lui. EMD : C’est le point fort de l’émission. Le « people » sert d’attache. FL : Exactement. La star accepte vraiment de servir le propos et la cause. Si vous faites attention, pendant l’émission, je ne pose aucune question à l’invité sur sa carrière, ni sur ses passions, ni sur sa personnalité. L’invité, c’est juste le regard qu’il pose sur les endroits où on l’emmène et sur les gens qu’on lui présente. Il était important pour nous de leur faire accepter ce cadre. Ils partent 17 jours sans rémunération alors qu’ils refusent de nombreuses sollicitations par ailleurs. C’est une pression pour moi : ne Pierre Palmade, en pleurs : « Il faut arrêter de me présenter des gens formidables ! » Photo © Jean-Michel TRUPIN pas décevoir ces gens qui me font confiance en partant les yeux bandés à l’aéroport sans savoir vers où on s’envole. C’est un truc qu’il faut bien signaler ça. Les téléspectateurs pensent que ça n’est pas possible mais la surprise est vraiment gardée jusqu’au bout. Quand ils disent « oui » des mois avant le tournage, ils sont très excités mais quand ils arrivent à l’aéroport, ils sont ultra vulnérables. On a envie de les prendre dans ses bras. Ils sont des bons vecteurs parce que ce sont des gens qui sont extrêmement sensibles et qui cultivent cette sensibilité. C’est leur métier. Du coup, ils sont comme des éponges. Ils sentent les malaises. Quand ils se sentent touristes, ils le disent ; quand ils s’attachent, ils le disent ; quand ils sont méfiants, ils le disent. C’était important pour moi qu’on ait cette dimension là par rapport à un documentaire classique. Le pari avec Patrick Timsit c’était qu’il est complètement tiraillé entre sa nature qui n’est pas d’être un aventurier, et son envie de nouveauté. Donc Mensans n°5 19 Frédéric lopez, Ethnologie à chaque fois qu’il fait quelque chose dans l’émission, il résiste. Par exemple, il y a des femmes qui vont pêcher, qui ont de l’eau jusqu’au cou. Il les voit se protéger avec des feuilles de bananier : « de toute façon, je m’en fous, moi j’irai pas ». L’image d’après il est dans l’eau parce qu’elles lui prennent la main et qu’il ne peut pas refuser. Là-bas ils mangent du porc. Lui est juif. Il est plutôt cool sur le sujet mais en même temps il est un peu embarrassé parce qu’il sait que sa mère va voir l’émission. Il est donc tiraillé entre ne pas choquer sa mère et faire plaisir à ses hôtes. À un moment je l’emmène dans la forêt pour marcher. C’est magnifique mais quand on y est, c’est de la gadoue. Marcher c’est souvent pénible, mais quand on sait pas pourquoi… Il s’est donc rebellé. On l’a laissé au montage. Au moment où je vous parle, je ne sais pas si il aura laissé diffuser l’extrait mais je pense que oui. Pour moi, ça donne de l’authenticité à tout le reste : on voit qu’il ne fait pas semblant d’être content. Quand il ne l’est pas, il le dit. azertyuiop^qsdfgh Les Mentawaï Teoreun, qui est notre héros, vit dans la forêt. Il a un fils qui est devenu musulman, vit dans une ville et rejette la culture de son père. C’est un sujet très douloureux. Ils sont confrontés chacun à des choix très particuliers. Les Mentawaï qu’on est allé voir sont appelés les Hommes-Fleurs. Ils ont toujours des fleurs sur eux. Ils ont des tatouages partout. On dit que ce sont les premiers tatouages de l’histoire de l’humanité. Ils font ça pour que leur corps soit beau, pour plaire à leur âme. Parce que si l’âme n’aime pas ce corps, elle va partir. L’apparence n’est donc pas un truc superficiel comme chez nous, c’est très profond, spirituel. Il faut savoir que les Mentawaï qu’on va voir rire – parce qu’on rit beaucoup dans l’émission – vivent dans la forêt, comme dans une sorte de jardin d’Eden. C’est presqu’un stéréotype auquel on assiste. C’est une vie qu’ils ont choisie alors qu’ils pourraient vivre dans des villes ou des villages. Le gouvernement indonésien depuis 1945 a connu une succession de dictatures qui voulaient faire l’unité de l’Indonésie et ont lutté contre toutes les cultures traditionnelles. Les dictateurs indonésiens leurs ont coupé les cheveux, brûlé la peau pour effacer leurs tatouages, arraché les enfants des clans pour que ne se perpétue pas un mode de vie qui était jugé non-conforme aux ambitions du pays. Ils ont vécu de vraies persécutions. Teoreun nous raconte que quand il avait 13 ans, il a vu son père se faire arrêter par l’armée. On lui a coupé les cheveux, on lui a brûlé tous ses outils de chaman. Et au fond, si lui est chaman aujourd’hui, ce n’est pas par hasard. C’est une forme de revanche. Aman Pagueta est le « grimpeur » du clan. Il a emmené Patrick Timsit à 40 m du sol. À ce moment là, dans cette forêt intacte mais menacée par des compagnies forestières, Leur pouvoir est dans les cheveux, ils ont les cheveux l’émotion n’était pas feinte. longs. Photo © Jean-Michel TRUPIN 20 Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Même les gens qui ont choisi la modernité reviennent vers la forêt quand ils sont confrontés à la maladie ou à la mort. Il y avait une femme qui avait perdu un enfant trois semaines auparavant. Nous aurions pu croire qu’elle avait perdu la raison, alors qu’eux nous expliquaient que son esprit était en train de vagabonder entre le monde des vivants et le monde des morts. Les chamans sont rentrés en transe pour communiquer avec les esprits et l’apaiser. C’était très impressionnant. Ces gens là n’ont pas la télévision ; ils ne connaissent pas le reste du monde mais ils ont conscience que notre présence peut avoir un impact sur l’opinion publique internationale. Teo Reun nous a dit : « Je ne sais pas quelle est la solution pour nous protéger mais je sais que vous pouvez faire quelque chose ». C’est pour cela qu’on en part bouleversé. EMD : C’est sans doute ce qui explique que Télérama ait parlé de l’émission en la qualifiant de « People utile » FL : Venant de télérama, c’est un compliment ! J’ai une opiniatreté et une détermination dangereuses. Je peux me retrouver complêtement dans l’impasse. J’ai refusé plusieurs émissions de télé-réalité. Tous mes potes me demandaient « Tu as un plan B ? » mais je ne voulais rien entendre. Ma grande satisfaction aujourd’hui, c’est de voir que l’émission a plu ; que des gens qui l’ont vue soient bouleversés. Les hommes me disent « J’ai failli pleurer » puis, si j’insiste, « bon allez, j’ai pleuré à la fin ». Ça me touche. Frédéric Lopez, Différence EMDJean-Jacques : Les premières émissions avaient lieu Barloy en Afrique... F.L. : Oui. On va essayer de faire tous les continents. Avec Patrick Timsit, on est allé en Indonésie. Mais c’est difficile. Beaucoup de ces peuples ont été assimilés, aculturés. Toutefois, je sais ce que l’on prépare. C’est très excitant mais je ne peux en dire plus pour l’instant. EMD : Vos débuts en télé ? Frédéric Lopez : C’était à Télé Lyon Métropole. Je recevais tous les jours des gens différents. Ça pouvait être un jour un sujet très léger avec des rousses qui parlaient du regard particulier que les autres leur portent. Le lendemain, des parents d’enfants trisomiques me sollicitaient en m’expliquant « Quand je vais dans les supermarchés, on me regarde avec mon enfant et je ne peux pas parler à tout le monde ». Un jour, ça a été l’association Mensa. Je prends volontairement ces exemples qui ont un point commun : la différence. La précocité étant moins grave que la trisomie, j’ai beaucoup aimé plaisanter avec les membres de votre association. Il y avait beaucoup de second degré. Je leur ai notamment demandé, d’un air candide : « Je ne comprends pas pourquoi vous vous réunissez. On n’est pas assez bien pour vous ? Vous vous ennuyez avec nous ? ». Une façon de leur tendre la perche.Il se trouve qu’en plus de les avoir rencontrés, j’ai dans mon entourage des gens qui en font partie. J’ai compris pourquoi les gens qui avaient cette différence, cette intelligence-là, avaient besoin de se réunir : parce qu’ils se sentent souvent décalés, seuls. Pour moi, il n’y a pas que l’intelligence logique. J’en connais plein d’autres. Je connais des gens pas très futés mais qui ont un instinct incroyable dans la vie. Je vais me garder de citer des gens célèbres parce que je pense justement à quelqu’un... [rires]. Il y a plein de formes d’intelligence ; je vois les gens qui ont cette intelligence là comme des gens extrêmement sensibles mais qui sont plus vulnérables que les autres. Photo © Jean-Michel TRUPIN Mensans n°5 21 Frédéric Lopez, Éducation EMD : Est-ce que l’Éducation nationale, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, sait répondre... F.L. : Non. Sans être spécialiste du sujet, il me semble évident que l’éducation nationale ne sait pas, pour l’instant, répondre à ça ; même si des gens se battent. Avec plus de trente élèves par classe, ils ne peuvent pas faire de cours particulier. Il y a un moule. Je ne dirai pas qu’ils tirent vers le bas ; sans me faire l’avocat du diable, je comprends la situation actuelle ; c’est à dire que dès que l’on sort du moule, ça ne leur va pas et ça les dérange pour avancer. Ça demande plus de concentration et de s’intéresser au sujet de la précocité. Les enseignants que l’on a pu chacun avoir n’étaient pas tous des passionnés par leur métier. Il y en a plein qui subissent. C’est assez fou de se dire qu’un enfant très intelligent va leur poser autant de problèmes qu’un enfant qui aurait des difficultés scolaires pour d’autres raisons. Heureusement qu’il y a des gens qui se battent pour faire reconnaître cette situation. Maintenant, je sais qu’il y a des professeurs qui sont agacés par ça. Comme vous êtes une minorité, la majorité vous agresse. Je ne parle que de ce genre de problèmes dans mon émission. Je vais voir des minorités partout dans le mondre. En Indonésie, la majorité veut que les Metawaï s’habillent. Où est leur problème ? Les gens « très intelligents » sont une minorité qui provoque des sentiments pas toujours agréables ; qui, vus de l’extérieur, se sentiraient supérieurs alors qu’on sait que ce azertyuiop^qsdfgh « Souvent, autour d’un enfant précoce, il y a des parents anxieux qui ont peur que leur enfant ne soit pas compris. Ils ne vont pas être ses meilleurs « attachés de presse » parce qu’ils vont mettre en avant cette intelligence, ce qui va agacer les profs qui vont croire que les parents sont fiers de leur enfant, que le gosse a la grosse tête... Cette intelligence là agresse les autres. Comme on dit « très intelligent », on entend supérieur à la moyenne et donc (par erreur de syllogisme) à tous les autres. Certains se sentent agressés et, du coup, deviennent agressifs. » n’est pas du tout cela quand on les connaît. Mais malheureusement, c’est comme ça qu’ils sont souvent perçus. Dans mon émission sur TLM, j’avais reçu des membres de l’association « Altitude », qui font tous plus de 2 m. Leur différence est physique mais ils présentent le même genre de vulnérabilité que les membres de Mensa. On sait que les gens petits ont tendance à être agressifs pour se défendre. Avec les capacités intellectuelles, c’est la même chose. EMD : on ne peut s’empêcher de penser notamment à un homme politique... FL : par exemple... EMD : pourtant, ce n’est pas l’image que donne David Pujadas ! FL : On est un peu hors-sujet... David est mon meilleur ami. C’est depuis qu’il présente le 20 h qu’il s’est souvenu qu’il n’était pas grand, parce qu’on le lui rappelle souvent en interview. Il avait oublié. Mails il reconnaît luimême qu’il était très bagarreur quand il était jeune. Je ne ressens pas personnellement d’agression de la part des gens qui passent les tests [de Mensa] parce que je ne les vois pas comme des gens qui font un complexe de supériorité ; bien au contraire. Je les vois comme des personnes qui ont des problèmes de confiance en eux et ont besoin de se rassurer, comme des gens sensibles, parfois vulnérables, et qui sont une minorité. Or toutes les minorités m’intéressent. Photo © Jean-Michel TRUPIN 22 Mensans n°5 jklmwxcvbn,cvazer Cerveau L’overthinking ou le mal-être du trop penser Nadia Daki, Le monde de l’intelligence no6 63 % des jeunes adultes et 52 % des quadragénaires ont tendance à ruminer et les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à ruminer lorsqu’elles sont tristes, anxieuses ou déprimées. Joëlle a 36 ans. Elle travaille dans un cabinet d’avocats. Lors d’une réunion, elle erre dans ses pensées. Un flot de sentiments négatifs l’envahit alors : « Ce travail ne me plaît pas. Je voulais être institutrice. De toute façon, je suis inutile dans ma mission, je mériterais d’être renvoyée. Ces dernières années, j’ai manqué l’essentiel. Mon mari est bien trop souvent en voyage d’affaires, je suis sûre qu’il me trompe. » Joëlle est-elle une éternelle insatisfaite ? Se fait-elle du souci à tort ou à raison ? Peu importe que ses doutes soient fondés, car Joëlle souffre d’un mal contemporain : l’overthinking ou autrement dit, la « rumination mentale non-stop ». « Il suffit parfois d’un petit événement insignifiant pour provoquer des heures de torture mentale de ce type, explique Susan Nolen-Hoeksema, professeur de psychologie à l’université du Michigan, aux États-Unis, et auteur d’un ouvrage sur le sujet. Après avoir étudié mille trois cents personnes choisies au hasard, ce chercheur a découvert que 63 % des jeunes adultes et 52 % des quadragénaires ont tendance à ruminer, composante essentielle de l’overthinking. Tous ne sont pas des overthinker pour autant. En effet, l’overthinker examine continuellement ses pensées et sentiments négatifs. Comme une Susan Nolen-Hoeksema. Pourquoi les femmes se prennent la tête ? JC Lattès, 2005. Cet article a été publié dans « Le Monde de l’Intelligence » n°6, sept-oct 2006 et reproduit en partie ici avec l’accord de Mondeo Publishing pâte à laquelle on ajoute de la levure, nos pensées négatives augmentent de volume et finissent par prendre progressivement toute la place dans notre esprit. Au début, on se focalise sur l’événement qui vient de se produire (dispute, frustration, etc.) mais peu à peu, on glisse vers d’autres situations (passées, présentes), brassant pêle-mêle nos doutes les plus intimes. En sautant d’une pensée à une autre, sans lien direct entre elles, on risque d’amplifier de petits problèmes ou d’en créer qui n’existent pas. « L’overthinking est un problème dangereux, poursuit Susan Nolen-Hoeksema. En plus de rendre la vie difficile, il complique nos relations avec autrui et contribue, dans certains cas, à de graves troubles comportementaux ou mentaux tels que l’anxiété, l’alcoolisme ou la dépression. » Une malédiction féminine ? D’après une autre étude menée par Susan Nolen-Hoeksema, les femmes sont deux Susan Nolen-Hoeksema and al. Explaining the gender difference in depressive symptoms. Journal of Personality and Social Psychology, 1999. Vol. 77, No. 5, 1061-1072. Mensans n°5 23 Cerveau azertyuiop^qsdfgh fois plus nombreuses que les hommes à ruminer lorsqu’elles sont tristes, anxieuses ou déprimées. Selon elle, cette tendance s’explique essentiellement par l’éducation. « Dès leur plus jeune âge, les femmes sont encouragées à exprimer leurs émotions, à parler de leurs difficultés et à écouter les autres, précise-telle. En revanche, on se moque d’un garçon qui pleure et on le pousse à réagir autrement, de façon moins émotive. » Cette hyperémotivité pousse plus volontiers le genre féminin à se remettre continuellement en question et à s’interroger sur leurs décisions. Selon l’auteur, les femmes et les hommes ne se définissent pas de la même façon par rapport au monde extérieur. Elles se positionnent plus par rapport aux autres. Leur propre image est d’avantage fondée sur les opinions d’autrui. Elles peuvent ainsi vouloir étudier plus souvent l’état de leurs relations en prenant le risque de s’angoisser lors d’un changement. Et enfin, elles ont plus tendance que les hommes à confondre leurs propres sentiments avec ceux des autres. Certains psychanalystes soulignent cette différence de réaction qu’ont les hommes et les femmes face à l’overthinking mais ne défendent pas pour autant l’idée que les femmes « se prendraient plus la tête » que les hommes. Face à la rumination mentale, les hommes ignoreraient tout simplement le problème s’ils ne trouvent pas de solution immédiate tandis que les femmes vont tenter de trouver des explications, des solutions. Pour d’autres, cette différence de 24 Mensans n°5 comportement serait due au fait que les événements liés à une émotion (positive ou négative) sont plus fortement ancrés dans le cerveau féminin. En effet, les femmes ne se souviennent-elles pas mieux que les hommes des dates d’anniversaire, de certains événements ? Pour l’heure, aucune étude scientifique n’a pu montrer de différence entre hommes et femmes dans la suractivité cérébrale et notamment dans la rumination mentale. En tout cas, l’un des carburants incontestables de l’overthinking, c’est la peur. Qui n’est pas pris de panique face à une situation qui lui échappe complètement ? La différence entre une personne « overthinker » et une autre, c’est la façon dont elles vont faire face à cette situation : la première sera complètement submergée par sa peur et va activer sa « roue » mentale. La seconde échappera à cette tendance d’agitation mentale. Mais l’overthinking est un mécanisme multi déterminé qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs. La tyrannie de l’ego L’individualisme moderne est un des quatre facteurs culturels pouvant expliquer l’apparition de ce phénomène d’overthinking. Selon Susan Nolen-Hoeksema, nous sommes devenus plus nombrilistes et passons notre temps à disséquer ce que nous ressentons, à guetter le moindre sentiment de tristesse ou d’anxiété, en oubliant qu’ils sont provoqués la plupart du temps par des événements insignifiants. photos : IstockPhoto jklmwxcvbn,cvazer Le manque de valeurs et la quête de récompense sont deux autres facteurs. Contrairement aux anciennes générations, nous passons notre temps à contester ou à mettre en doute un certain nombre de références : foi, patriotisme, humanisme, etc. On doute de nos motivations, de nos désirs, de notre jugement. On anticipe les choix à faire, regrettant les erreurs commises dans le passé, scrutant l’avenir. Quatrième facteur favorisant la rumination : le besoin de palliatifs. Lorsque les ruminations deviennent incessantes et qu’elles tournent en boucle, le recours à l’alcool ou aux médicaments peut apparaître comme étant la seule solution pour cesser ce trop plein d’idées noires. Il ne faut surtout pas confondre cette rumination excessive avec l’anxiété, précise la psychologue. Même s’il y a quelques points communs apparents, les syndromes sont très différents. Les « overthinkers » sont convaincus que le pire est déjà arrivé, ils se focalisent sur des situations du passé qu’ils auraient voulu différentes. Ils ne sont pas dans le « Et si ? ». S’aérer l’esprit... Des solutions ? Il faut s’occuper l’esprit Cerveau autrement. Faire du sport, se relaxer, méditer, se concentrer sur la préparation d’un plat compliqué ou encore jardiner. Et à en croire Susan Nolen-Hoeksema, mieux vaut ne pas partager ses soucis pendant des heures avec ses amis car cela ne ferait qu’accentuer les ruminations a posteriori. Pour ne pas sombrer dans la dépression Le danger est réel, près de 45 % des personnes s’adonnant à la rumination nonstop présentent des signes de névrose dépressive sévère. Mais pourquoi se laisser aller à ce comportement destructeur ? Parce que l’organisation et le fonctionnement du cerveau facilitent la rumination. Tous nos souvenirs ou pensées sont étroitement liés grâce à des réseaux complexes. Ainsi nous sommes capables d’établir des similitudes entre plusieurs situations, mais le danger est que cela favorise les tendances à la rumination. Cette rumination d’idées négatives a été associée à une implication accrue des régions cérébrales souvent associées à la tristesse, constate Philippe-Olivier Harvey, chercheur en neurosciences à l’université McGill de Montréal, au Canada. « L’une des hypothèses est que la suractivation de ces régions (l’amygdale et le cortex préfontral) nuit au bon fonctionnement des régions dites « cognitives » tels que le cortex frontal dorsolatéral et le cortex cingulaire antérieur, qui sont impliqués dans la mémoire, l’attention et la planification. Autrement dit, un déprimé qui rumine solliciterait trop de ressources cérébrales pour le fonctionnement des régions émotionnelles et pas assez pour les régions cognitives, d’où les déficits de mémoire et de concentration. » Il semblerait donc que la rumination soit un facteur favorisant Mensans n°5 25 cogitations azertyuiop^qsdfgh la dépression. De plus, certaines études suggèrent que ces deux mécanismes mettent en jeu des processus cérébraux similaires : notamment, une suractivité de certaines aires cérébrales. Un cerveau qui travaille trop Une équipe franco-canadienne a montré récemment, par imagerie cérébrale, que les personnes déprimées activent davantage leur cerveau et fournissent un effort plus soutenu que les sujets non déprimés, lors de tâches de mémorisation à court terme. « Quand on réalise une tâche cognitive, on active certaines régions et on désactive celles qui sont inutiles, explique Philippe Fossati, coauteur de l’étude et chercheur au laboratoire « Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie » (CNRS et universités de Paris VI et VII). Les déprimés ont plus de mal à désactiver ces régions inutiles, peut-être est-ce la rumination qui les en empêche ? Mais elle pourrait également expliquer le maintien de la dépression en empêchant l’accès aux souvenirs spécifiques et aux aspects positifs de la personnalité. » Que ce soient les « overthinkers » ou les déprimés, leur cerveau n’est jamais au repos, il fonctionne en boucle. « Les déprimés ne sont pas des fainéants, lance Philippe Fossati. C’est comme si leur cerveau s’engageait dans un marathon au rythme d’un 100 mètres, d’où l’épuisement lié à la dépression ! » Le fait de ne pas pouvoir arrêter ce processus pernicieux de ruminations pourrait être lié à une activité anormale de l’amygdale et du cortex préfrontal. Faute d’explications scientifiques, les overthinkers n’ont pas le choix : mieux vaut se vider la tête. Harvey PO, Fossati P. and al. Cognitive control and brain ressources in major depression : an fMRI study using the nback task. NeuroImage. 2005 Jul 1 ; 26 (3) : 860-9. 26 Mensans n°5 Critique de la première impression La première impression n’est rien d’autre que la projection d’un univers que l’on croit connaître ; voire le mirroir de ce que l’on est ou ne veut pas être. Ce n’est qu’une construction mentale biaisée, basée sur des éléments purement subjectifs dont il est impossible de valider la pertinence. Se fier à sa première impression est une erreur d’approche majeure, dès lors que l’on fait face à un individu ou un système qui n’utilise pas les mêmes valeurs et repères que celles et ceux que l’on a pu soi-même construire... c’est à dire souvent. Par contre, c’est un bon point de départ pour entamer le dialogue, sous réserve de faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. L’intelligence étant corrélée à la capacité d’adaptation au changement, rester sur sa première impression est l’apanage des crétins. Mais les autres ont un devoir de vigilance pour ne pas sombrer à leur tour dans l’erreur. EMD Ce texte, posté dans la partie du forum réservé aux membres, a fait l’objet de nombreuses réactions que vous pouvez consulter, voire compléter, si vous avez accès à cette partie du site www.mensa.fr Imbéciles Seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis. Bref, si vous ne voulez pas passer pour un imbécile, Il faut accepter de changer d’avis et admettre que... Seuls les imbéciles changent d’avis ! Stéphane Bernard jklmwxcvbn,cvazer Littérature Vivre le temps Les trois articles suivants traitent du rapport au temps et nous invitent à une réflexion sur les institutions. Temps réglé, règles du temps. Le temps règle le rythme de la vie, de l’institution, institue comme autant de règles de vies. Donnée égalitaire, le temps diffère pourtant selon le vécu, la situation de vie, le rôle social, le sens que chacun peut donner à ses espaces-temps. Le temps s’impose-t-il de la même manière à tous ? Abstrait, il devient un objectif non palpable, un concept vide de sens et le cocon de la proximité en fera un temps temporairement rassurant. Soustrait, sa perception se fait par défaut et le manque d’information empêche de projeter, de se projeter. Sans place, le temps « à la rue » n’existe plus que pour survivre. Tenter de vivre sur ce dernier espace de liberté, relique humiliée du patrimoine de l’autonomie. Libre, le temps renvoie à soi. Image de soi construite dans le groupe, par, pour lui alors que le passage à l’individu suppose un temps autonome et maîtrisé. Autant de dynamiques qui montrent que vivre dans son temps choisi implique volonté et implication. Temps d’Or ? En sommeil, accéléré… les temps riches font oublier les temps en panne, nivelant les bleus et les envols des trajectoires sociales. « Un temps élastique », D’après Stéphane Beaud, Terrain, No 29 - Vivre le temps (septembre 1997) L’auteur prolonge des travaux déjà menés à propos des études universitaires dans les milieux populaires. À partir d’entretiens approfondis menés auprès de quatre jeunes faisant leur première année de faculté à proximité de leur cité, nous pouvons mieux connaître leur rapport au temps. Tous les quatre ont eu leur examen de justesse. Entre le bac et la non-admission en IUT/DUT, la marge étroite de réussite montrait déjà une fragilité dans l’acquisition des capacités d’autonomie. D’encadrés (rythme scolaire, récompense par retour de regard, culture de la cité) à autonomes (travail personnel, maîtrise du vocabulaire, capacité d’auto-contrainte), le passage est mal assuré. La faiblesse de ce passage de la Illustrations : IstockPhoto construction de soi dans le groupe à la confiance en soi vectrice d’autonomie individuelle rend leurs efforts insuffisants. Ceci se retrouve dans un début d’année organisé puis un retour au centre de vie grégaire. La capacité à prendre de la distance, du recul fait défaut. C’est la distanciation trop importante qui entraîne la perte de repères, qui amène à décrocher des bonnes résolutions. L’abstraction du discours professoral et bibliographique, de l’univers temporel et relationnel de la fac étiole leurs espérances d’un avenir meilleur, les renvoyant au flou, à l’incertain. Le temps rationnel, fonctionnel fait place au temps émotionnel, vernaculaire. La préhension du temps, son appropriation par rapport au réel s’effectue en fonction de la loi Mensans n°5 27 Littérature azertyuiop^qsdfgh de proximité : topographique, des rencontres, des sollicitations (sonores, visuelles, sociales). L’occupation du temps se dilate du prévu non appréhendé vers le rassurant solidaire, qui donne un leurre d’accomplissement social. Les temps de la vie du quartier sont autant de « cours marginaux » qui procurent une illusion d’autonomie, de vie sociale accomplie. Livré à soi-même dans un univers connu, rassurant, le paradoxe de ce temps grégaire est en fait d’être « sorti en quelque sorte du courant de la vie sociale » (Halbwachs). « Le temps suspendu » Rythmes et durées dans une prison portugaise d’après Manuela Ivone Cunha, Terrain, No 29 - Vivre le temps (sept. 1997) L’auteur reprend une enquête menée il y a dix ans dans une prison portugaise. Depuis, les anciennes détenues ont « accompli leurs temps ». Si le temps est indissociable de la prison, il y a plusieurs registres de temporalité. Pourtant toujours le même, le temps diffère selon l’importance qui lui est accordée. La totalité de la peine est une rupture dans la vie. Perçu dans le rapport aux choses, le temps n’a pas de valeur sans ce lien (Gell). Vidé de sens, sans stimuli sociaux, le temps devient statique. Le temps prend de nouvelles formes. Il devient homogène. Les diverses activités paraissent indifférenciées. Les journées deviennent non distinguées, lâcher prise nécessaire pour éviter le poids du temps. Le temps progresse par proportion. Les ordres de grandeur de ce temps « volumétrique » sont les jalons des 28 Mensans n°5 étapes vers la liberté : ¼, ½, ⅔. La valeur du temps en prison se hiérarchise en fonction des temps de durée de détention. Les weekends, par leur récurrence, marqueurs de la semaine (écoulée et à venir) représentent une discontinuité, tout comme les Fêtes de Noël. L’expérience du temps carcéral induit une évaluation différente des temps. Vide de sens, le temporel se dilate. Mais la mémoire ne retient pas cette extension de la durée (Thomas Mann). La perception, l’estimation du temps suit trois cycles de durée selon les étapes de la détention. La révolte avec ses discours déculpabilisateurs est suivie d’une recherche de sens. Une prise de conscience accrue, une meilleure acuité des valeurs n’évite pas le sentiment de temps perdu, morne, mort. Puis à mi-peine la transition vers la liberté avec la liberté conditionnelle. Les décisions du juge sont multi-critères. Perçues comme arbitraires, non comprises, ambiguës, elles ouvrent sur une période d’indétermination, d’anxiété, de flottement. Ne pouvant donner de délais à leurs familles, le contact avec le retour à l’extérieur est brouillé. Les détenues ont l’impression que leur évolution intérieure n’est pas reconnue. L’attente augmente la durée de cette période de retour à l’extérieur. Avec l’autorisation de Copyright © 2005 Every Learner, Inc. Tous droits réservés. http://KnowledgeNews.net jklmwxcvbn,cvazer Littérature C’est l’excédent de temps qui pose problème, pas son manque. Temps arrêté, cyclique, « froid » pendant qu’au-dehors le temps qui tourne, historique, « chaud » (Gell), s’écoule et change. Deux mondes parallèles, situés dans la même durée, mais aux rythmes différents coexistent. Liés dans la conscience des prisonnières, leurs décalages constituent pour elles une menace. Le temps des sans-abri d’après Lionel Thelen, Revue suisse de sociologie, Vol. 31 (1), 2005, 123-143 Comment, pour préserver les dernières parcelles de son intégrité, le sans-abri en arrive-t-il à rejeter l’aide censée lui redonner de l’autonomie ? Sur la base de 7 travaux de terrain menés dans 3 pays différents, Lionel Thelen nous conduit dans le processus de ce paradoxe. L’anonymat procuré par la ville constitue le refuge privilégié des minorités. L’extrême liberté urbaine cache un ensemble de règles informelles imposant un diktat, cercle vicieux dont les plus fragiles ne peuvent sortir sans aide. L’action sociale est elle-même prise en tenaille entre sa connaissance issue du terrain et les critères induits par les budgets alloués. Les décalages entre rationalités comportementale et institutionnelle amènent à une violence symbolique. S’adapter à long terme à la rue passe par 4 phases : « l’agressivité », le « repli sur soi » suite aux échecs répétés, « l’installation » à long terme et enfin la « rationalisation » comme une fierté de ce nouvel état, stade avancé de désocialisation. Ne pas entrer dans la suivante dépend de la capacité de l’individu de résister à ce joug. Force de résilience, possible lors des 2 premières phases, qui se nourrit de l’affection reçue dans l’enfance. L’« habitus originaire » observé montre que déficit de cet amour enfantin, violence, non solidarité familiale alliés à l’humiliation subie constituent le « déni des autres ». Celui-ci jouant à la fois de la part du sans-abri et des autres personnes. Le jugement d’autrui, la demande de « se raconter » sont autant d’humiliations, la dernière étant le temps dérobé. Alors que le besoin d’assistance est sociétal, l’institution croit se disculper en apportant une réponse médicale, poussant la personne en difficulté à se présenter comme victime d’elle-même. Pour justifier la prise en charge, assurer sa survie élémentaire, à force de précautions oratoires, le sans-abri adapte sa stratégie. Ces injonctions médicalisantes annihilent ce qui lui reste d’image de soi. Il préfère finalement rejeter ce leurre paradoxal et trouver son autonomie à long terme dans la rue. Vouloir échapper à l’humiliation est faire preuve de sociabilité. Article précédement paru en Janvier 2006 dans Mensa Magazine (Royaume Uni) Mensans n°5 29 éthologie azertyuiop^qsdfgh Mon chat a un QI de 99 Témoignage poignant Oui, vous avez bien lu : mon chat a le quotient intellectuel moyen d’un être humain. À 16 ans, ce vieux chat ne reconnaît toujours pas son nom et la seule preuve d’intelligence dont il ait apparemment fait preuve est qu’il fait la différence entre sa litière et sa gamelle. Parfois je me demande même si mon chat me reconnaît. En effet, il a un comportement tout aussi câlin avec moi qu’avec un inconnu. Et pourtant… Et pourtant, j’ai pu mesurer chez cet exceptionnel félin un QI de 99. Le test que mon chat a si brillamment passé s’adresse normalement aux êtres humains. Cela signifie donc que seul un être humain sur deux est plus intelligent que mon chat. Etonnant non ? Bien sûr, j’imagine que vous ne croirez pas tant que je ne vous aurai pas exposé le protocole d’évaluation, et donc la rigueur scientifique, avec laquelle ce test a été passé. Assis en boule sur un coussin moelleux, mon chat me regardait, l’air blasé tandis que je cherchais des tests de QI en ligne gratuits. Le quadrupède ayant le même niveau en Anglais qu’en Français, je me suis orienté vers un test anglophone. Une liste d’affirmations, de petites énigmes, s’afficha sur mon écran. Pour connaître son QI, il fallait cliquer « true » ou « false » sous chacune des 32 affirmations. Ne voulant pas laisser ma souris dans les pattes de mon félin, je décidais de reporter moi-même les réponses de mon chat. La procédure était simple : si mon chat bougeait au moins une patte, il fallait cocher « true » ; 30 Mensans n°5 s’il restait dans la même position, il me fallait cocher « false ». La stratégie de mon chat ayant consisté à ne pas bouger pendant les 32 questions, j’ai cliqué 32 fois sur la case « false ». Ce qu’un psy professionnel met plusieurs heures à évaluer, internet vous le fournit en quelques secondes. Il m’a tout simplement fallu cliquer sur « send » pour obtenir le résultat stupéfiant qui méritait bien cet article : mon chat avait un quotient intellectuel de 99 ! Bien sûr, certains pourraient en conclure que ce test n’est pas fait pour mesurer l’intelligence des chats. Des petits malins pourraient même avancer qu’il est normal d’aboutir à un score moyen (bien qu’exceptionnel pour un chat) quand chaque question ne propose que deux possibilités de réponse. Ces incrédules oseraient donc remettre en cause le sérieux des tests de QI gratuits en ligne ? Impensable. En tout cas, je ne m’arrêterai pas là. C’est décidé, demain, je teste mon Géranium ! GT Photo : IstockPhoto jklmwxcvbn,cvazer médecine Où mettre le termomètre ? Lors d’une séance de travail avec un scénariste américain, nous en sommes venus tout naturellement à parler de température du corps. Il m’apprit que la température d’un corps en bonne santé exprimée en degrés Fahrenheit, était de 98,6. Me souvenant que dans les films américains, on voyait plutôt les malades se mettre le thermomètre dans la bouche ou sous l’aisselle, je me hasardai à demander : - Dans la bouche ou... - Où veux-tu prendre la température ? me demandat-il, étonné. À ce moment précis, le fossé culturel entre les Etats-Unis et la France s’est exprimé sur le visage de mon co-scénariste. Il ne me croyait pas. La mesure de la température par voie rectale lui paraissait des plus incongrues. Nous avons essayé de nous remettre au travail, mais il y revenait régulièrement, essayant d’apprécier l’ampleur du phénomène. - Tu veux dire qu’il y a 60 millions de personnes qui, quand elles ont besoin de prendre leur température, baissent leur pantalon et se mettent un thermomètre dans le cul ? - Mais oui, répondis-je. - Tu veux me faire croire que Jacques Chirac, prend sa température en se mettant un thermomètre dans le cul ? - Oui j’imagine, dis-je sans vraiment essayer de l’imaginer. - Et Catherine Deneuve aussi ? - Oui, Catherine Deneuve aussi. Photo : IstockPhoto Quel choc ! Vinrent ensuite quelques questions pratiques : est-ce que chacun a son thermomètre ? Le thermomètre peut-il être partagé dans une famille ? Comment estil nettoyé ? Bref tout un tas de questions le tourmentait et nous empêchait de travailler. Il s’est ensuite demandé si je me fichais de lui, et il a donc téléphoné à un producteur français pour avoir confirmation de cette incongruité : il n’en revenait pas. C’est vrai qu’il est fréquent de voir un personnage malade prendre sa température dans un film américain, mais il faut quand même dire que c’est plus rare dans un film français... et pour cause. Après quelques recherches instructives il semblerait que la mesure de la température du corps par voie rectale soit un peu plus précise que la mesure sublinguale. Seulement... a-t-on besoin d’une telle précision, si l’imprécision de la méthode sublinguale convient parfaitement à 300 millions d’américains ? Au delà de cet étonnement qui m’a beaucoup amusé, j’en suis quand même venu à me demander qui avait raison, entre la pudeur étasunienne, et l’inutile hyper-précision à la française. Serions-nous 60 millions de victimes d’une immense plaisanterie de tout le corps médical ? - Vous savez, vous pouviez le mettre dans la bouche aussi. On ne vous l’a pas dit mais c’était tellement plus drôle comme ça. Guillaume Tunzini Mensans n°5 31 Crâne d’œuf www.mensa.fr