salons createurs marchands de reves
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salons createurs marchands de reves
DOSSIER Naco Paris (Paris sur Mode Atelier) Princesse Prune (Workshop) David Aleksander (MeMyMode) SALONS CREATEURS MARCHANDS DE REVES Au lendemain des salons créateurs automne-hiver 2011-2012, l’heure est à l’analyse et aux constats : évolution, tendances émergentes, coups de cœur, fréquentation, rumeurs, annonces… Rétroprojecteur sur une saison riche en émotions. PAR FLORENCE JULIENNE - PHOTOS : DR L a seconde session est deve nue une période commer ciale… N’en déplaise aux salons de seconde session qui se disent « créateurs ». L’agrandissement du Tranoï Carrousel augure ce glissement progres sif. Que penser, en effet, de cette ouver ture à des marques qui n’auraient ja mais été sélectionnées auparavant (+30 % d’exposants) ? Que Tranoï fait un chiffre d’affaires record, que les bou tiques suivent (ou pas) et que les expo sants sont satisfaits de cela. Pour les nostalgiques, l’identité Tranoï, ce sont les créateurs présents au Palais de la Bourse avec leur énergie roman tico’rock, leurs looks originaux et la cohorte d’acheteurs japonais tout aussi baroques qui les soutient. Cette vision de la seconde session serait passéiste et, à moins que la rumeur affirmant que les dirigeants souhaitent vendre ne soit confirmée – ce qui apporterait un éclai rage nouveau –, il convient de faire preuve de pragmatisme. Les acheteurs sont confrontés à la dure réalité du mar ché. Ils se réfugient vers des valeurs 18 WWW.FASHION-DAILYNEWS.COM sûres, comprenez des noms connus, ou vers des marques qui font dans le consensus, en ne prenant pas le risque de trop se différencier. Résultat : ex cepté les marques étrangères au sys tème de la mode qui fonctionnent avec des clients privilégiés, les collections se ressemblent toutes un petit peu. Elles surfent sur une tendance BCBG avec, ici et là, des détails et des finitions qui signent leur singularité. Il n’y a guère que les showrooms privés ou multi labels pour continuer d’imposer, par leurs choix, une nouvelle ère… Dans ce contexte, la sélectivité des marques repose moins sur la dimension humaine ou artistique que sur la pro pension des marques à se faire rapide ment une place au soleil. Embarqués dans ce business process, les salons semblent plus préoccupés par l’idée de « remplir leur espace » que de servir de rampe de lancements à de nouveaux talents. Certains sont aussi tentés de s’agrandir. Pour son deuxième opus, D&A a ouvert un nouvel espace aux Blancs-Manteaux, Première Classe, va leur commerciale s’il en est, ne cesse de croître, ne laissant qu’une partie de la tente à Paris sur Mode Atelier. Le Pavillon Cambon a des allures de Grand Bazar tant les marques sont massées les unes contre les autres… Seul le manque de lieux disponibles à Paris, pendant la période des collections, peut freiner les ardeurs des plus conquérants. Mais tous les directeurs de salon ne visent pas cette expansion géographique. Ainsi, Mariel Gamboa, directrice de MeMyMode, se satisfait de 40 marques : « Je pourrais en accueillir beaucoup plus mais je préfère un beau choix de produits plutôt que de vendre des mètres carrés. Je recherche avant tout la qualité, la finesse et la créativité. » C’est ce qu’elle compte faire à la Bourse du Commerce, dans laquelle elle va s’installer, du 30 septembre au 3 octobre prochain. Devoir d’ingérence pour faciliter l’accès aux collections Vu la pléthore de marques présentées, les portants croulent sous le poids des vêtements, surtout en période hiver nale. Il faudrait que les acheteurs soient armés d’un laser pour repérer, depuis les allées, les labels susceptibles de les intéresser. Résultat ? Ils déambulent, n’osant pas trop s’approcher de peur d’être happés par un vendeur, s’arrêtant souvent au hasard d’un flyer publici taire. Vu qu’il est humainement impos sible de faire un pré-repérage de toutes les marques présentées, la plupart des acheteurs vont finalement sillonner Pa ris pour rendre visite aux marques qu’ils Trash-Couture (MeMyMode) connaissent déjà. Bonjour la décou verte ! Dans ce contexte de surenchère, il faut que les directeurs de salons s’im pliquent d’avantage dans la visibilité des marques qu’ils sélectionnent en deman dant aux exposants d’éditer leurs collec tions pour que les visiteurs puissent voir, en un clin d’œil et depuis les allées, les principaux ressorts des collections. La plupart des étrangers nouveaux à la fashion week ont finalement peu d’idées sur le rendu final, et sur la façon dont il convient de disposer les différentes lignes sur leur stand pour les rendre attractives. On salue ici le travail de So phie Guyot qui a fait de Paris sur Mode Atelier, une vitrine plus épurée : best of du Fame, collections de la première session taillées à la tronçonneuse… Ef fet minimal, garantie maximale. Il ne lui fut pas facile d’imposer sa vision, mais son histoire, initiée en janvier, tient la route. Sans ingérence dans les collec tions, la seconde session parisienne risque d’être boudée par les acheteurs pointus, sollicités et pressés, ceux-là même qui v iennent à Paris à la re cherche d’une offre pointue et exclusive. Créateurs, luxe et mutation des genres Pour ces derniers, et principalement pour les acheteurs des pays émergents, tant qu’à acheter des pièces chères, au tant que ça se voie ! « J’ai constaté que la notion de créateur était en train d’évoluer au profit de celle du luxe », déclare Carole de Bona, qui s’est saisi du cré N°611 - 21.3.2011 DOSSIER Eric Prost-Boucle (Vendôme Luxury Trade) Amyglenn (D&A) Carlo Izzo Gioielli (Vendôme Luxury Trade) Isseverbahri (Capsule) neau en fondant Vendôme Luxury Trade. La joaillerie présentée à l’Hôtel d’Evreux évoque le feu salon des joailliers créateurs, Kara. Précisément la collection très originale de Carlo Izzo Gioielli en commande spéciale, comme les lunettes d’exception en or et pierres précieuses, sorties de l’atelier d’Eric Prost-Boucle, numérotées et distribuées en seulement 14 exemplaires. Contre toute attente, elles attirent les ache teurs ! Première Classe confirme la per cée des joailliers avec des marques fortes comme Simon Harrison, Bernard Delletrez ou A Cuckoo Moment, dont la particularité est les bijoux en galuchat. L’autre découverte du genre est Prin cesse Prune (Workshop). Ex-styliste pour Sonia Rykiel, Prune crée des bi joux inspirés de la vie de château avec des mélanges de matières audacieux : ronds de marbre noir et blanc montés sur une armature en or, plastron en mousseline volantée nanti d’une broche façon « Roi Soleil »… Cette envie de luxe n’a rien d’ostentatoire ou bling bling. Elle va de pair avec un besoin d’insou ciance, de légèreté et de fantaisie face aux crises de notre monde moderne. Elle tranche avec les codes plus austères d’une esthétique communément nom mée « créateurs » et dont les parrains sont Rick Owens ou Jil Sander. Cette in fluence reste pourtant ancrée dans les codes fashion. On la retrouve chez Aptform (Atmosphère’s), dont le créa teur grec Michael Gkinis est l’archétype de l’artiste voué à son œuvre : « Beauty is truth, truth beauty. Wearable art N°611 - 21.3.2011 for those who loves art » (La beauté est vraie, la vérité belle. L’art portable est destiné à ceux qui aiment l’art) est son credo. Matières organiques, tein tures végétales, peintures sur cuir à la main, coupes innovantes… Michael Gkinis conjugue artisanat d’antan et haute technologie japonaise. Ou chez Amy Glenn pour A147G (D&A). Allure gothique et sexy, la créatrice, issue de Los Angeles, propose des tee-shirts noir et blanc ou gris avec des imprimés néo type&dye, des pulls tricotés au crochet XXL, des pendentifs qui abritent des perles de nacre blanche recouvertes d’argile peinte en noir, le tout réalisé à la main et en pièce unique. Ou encore chez Naco Paris. Après dix ans d’acti vité, le styliste français a gagné en ma turité. Son goût pour l’underground est moins « trash » et sa collection unisexe – ou transgenre – intitulée « La beauté des émotions fortes » est plus acces sible. L’idéal punk s’est embourgeoisé, sans rien perdre de son impertinence, avec des pulls en mohair tricoté lâche, des vestes « chanellisantes » en cuir froissé et des robes zippées. C’est dans le compromis entre le raffine ment du luxe et l’esprit créateur que l’on trouve l’expression la plus juste de la créativité façon salon deuxième session. Preuve en est avec Bliss Lau (Capsule/Vendôme Luxury Trade). Col liers tels des épines dorsales ou des cages thoraciques évoquant les corsets victoriens, bracelets articulés autour du bras, tuniques en liens de cuir… On apprécie le fétichisme ultra-chic de la Superated (Capsule) créatrice sino-américaine. Ou bien Trash Couture (MeMyMode). Marketées comme du néo-vintage, les robes cou ture sont rescapées du passé et ont été recousues, rebrodées, enjolivées… Avec romantisme et poésie, Ann Wiberg, qui inscrit sa démarche dans une action éco logique de récupération, renvoie l’image de la robe du soir obsolète à une sil houette plus bohème. Jours d’ouverture : faut-il conserver le lundi ? Les comptes rendus envoyés par les salons montrent un niveau de satisfac tion générale. Les acheteurs français répondent toujours activement à l’appel des salons, suivis des Italiens et des Japonais. Puis, le visitorat est réparti entre l’Europe les États-Unis, l’Asie et le Moyen-Orient. Première Classe note une légère diminution de la fréquenta tion tandis qu’Atmosphère’s et The Box assurent une « hausse significative ». Al lez savoir ? Comme le souligne un confrère, « les chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut ». Le sentiment général est que les salons étaient très animés du jeudi au dimanche, avec des pics le vendredi – jour d’ouverture de la plupart des salons – et le dimanche – mais que le lundi 7 mars fut beaucoup plus calme. Interrogé sur la question d’une baisse de fréquentation le dernier jour, Nicolas Jones, directeur de Rendez-Vous, s’ex plique : « C’est vrai que la dernière journée était très calme. De fait, on compte commencer un jour plus tôt la saison pro- Aptform (Atmosphère’s) chaine. » La réduction du nombre de jours de 4 à 3 est également d’actualité. Le problème est que dans l’esprit des ex posants, qui dit « moins de jours » signi fie « moins cher », or ce n’est pas le point de vue des dirigeants qui répondent que les frais d’installation ne changent pas, que la location du lieu est moins chère sur 4 jours que sur 3, etc. De fait, le problème reste entier. Dans un discours assez radical, Nicolas Jones s’insurge contre la multiplication des salons : « À part Rendez-Vous, Tranoï et Première Classe – qui est à part – il n’y a pas d’autres salons créateurs ! Les nouveaux ne servent à rien, ils ne proposent pas de nouveaux créneaux mais cherchent juste à proposer des packages Paris-New York à leurs clients. » Cela étant, « ce n’est pas la quantité qui fait la qualité », ajoute-t-il. On a envie d’y croire, mais les exposants, eux, sont très vite paniqués à l’idée qu’il y ait peu de monde. Leur désarroi est palpable. Ren contrer un maximum de personnes, créer de nouveaux contacts est la raison majeure pour laquelle ils choisissent de participer à un salon plutôt que de présenter en showroom privé (moins onéreux). Au risque d’être plagiés ou de devoir refuser certaines offres de dis tribution… Quand la présence en salon n’est plus justifiée par les commandes de nouveaux clients, ils ont vite fait de tourner le dos à ceux qui les ont hé bergés pour vivre leur aventure en solo. En privé. Avec des plannings de rendezvous plus ou moins complets. Vive le changement ? Vive la mode ! n WWW.FASHION-DAILYNEWS.COM 19