Sur les eaux turquoise du golfe de Siam, une île

Transcription

Sur les eaux turquoise du golfe de Siam, une île
É V A S I O N
Song Saa bleu Cambodge
Sur les eaux turquoise du golfe de Siam,
une île-hôtel d’exception vient d’ouvrir
ses portes. Véritable destination en soi,
elle est le complément qui manquait à
l’incontournable visite d’Angkor.
PAR BÉNÉDICTE MENU (TEXTE)
ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)
Au cœur de sa réserve
marine privée, le Song Saa
offre au Cambodge sa
première perle balnéaire.
Depuis une Jungle Villa,
vue sur Koh Bong, l’île
« nature » où se nichera
bientôt le spa.
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Angkor Vat,
mémoire d’un
un futur proche, le Song
empire Dans
Saa proposera à ses hôtes
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un vol direct vers Siem Reap
et les merveilles d’Angkor.
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Ballet de tuk-tuks et vélos parmi les statues séculaires :
la vie anime le musée à ciel ouvert qu’est Angkor.
d’autres qui semblent attendre ou obser­
ver. Le Cambodge du large… Siha­
noukville semble à mille lieues. Etrangère.
Anachronique.
Un comité nous accueille sur la jetée. Bar­
nabyetRobert,respectivementanglo­austra­
lien et néo­zélandais, font partie de l’équipe
de biologistes du département Conservation
intégré à l’hôtel, qui veille sur son trésor : une
réserve marine privée de 5,5 hectares, créée
en2006,lapremièredugenreauCambodge.
Volet environnemental primordial dans le
projetSongSaa,toutcommelesactionsdedé­
veloppementdurablemisesenœuvreauprès
delacommunautédepêcheursdePrekSvay,
un village de 670 habitants, dont 60 % des
ressources proviennent de la mer.
Conquis, les pêcheurs leur offrent
leurs « fiancés » du large...
L’archipel de Koh Rong,
où se cache l’hôtel, déploie une
vingtaine d’îles quasi vierges
ourlées de sable soyeux.
L
e paradoxe du Cambodge est
d’être médiatisé au travers
de ce qu’il a donné de plus
grandiose et de pire », écrit
le Guide du routard en
préambule. Angkor et les
Khmers rouges. D’un
côté, un empire de bâtis­
seurs inspirés qui, en cinq siècles de
rayonnement culturel, ont fait de ce pays
l’un des plus riches d’Asie en vestiges ar­
chéologiques. De l’autre, un régime géno­
cidaire qui, en quelques années, a décimé
un quart de sa population. De quoi faire
couler l’encre, et pour longtemps encore :
la première condamnation contre un an­
cien responsable khmer rouge n’a été pro­
noncée que le 4 février dernier et d’autres
sont attendues. Quant à Angkor… Dans les
années 1990, ses ruines prodigieuses ont
motivé le retour des voyageurs au Cam­
bodge. A la fin du siècle, ils étaient 60 000
à les visiter. Au début du suivant, on en
comptait quatre fois plus. Et les chiffres
d’augmenter à mesure que les démineurs
sécurisaient le terrain et que les hôtels
poussaient à Siem Reap, la petite ville limi­
trophe jusqu’alors tranquillement alan­
guie le long de sa rivière. Aujourd’hui, de
l’aube sur Angkor Vat au couchant em­
brasant le Bayon, de véritables marées hu­
maines investissent chaque jour les lieux :
2,5 millions de personnes en 2011 ! Et, avec
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Le
Cambodge,
riche
d’Angkor
et bien plus
encore...
l’afflux de nouvelles communautés de tou­
ristes venus de Chine, du Vietnam ou de
Corée, le cap des 6 millions devrait être
franchi en 2020. De quoi donner des
sueurs froides à l’Unesco.
Si Angkor, tel un phare, aimante tous les
regards, il guide aussi le voyageur curieux
vers d’autres horizons khmers… A portée
de Siem Reap, le Tonlé Sap et ses villages
sur pilotis séduisent les amateurs d’excep­
tion lacustre. Des croisières de charme ra­
content la vie au fil du Mékong. Dans la
province reculée du Ratanakiri, au nord­
est, des projets écotouristiques font naître
un début d’espoir pour la faune menacée
par la déforestation. Sur la côte, les choses
évoluent elles aussi avec plus ou moins de
bonheur selon que l’on évoque le charme
discret de l’ancienne Kep­sur­Mer des co­
lons français qui s’éveille en douceur, ou
Sihanoukville, la grande station balnéaire
du pays. Depuis la réouverture de son aé­
roport en 2007, la cité portuaire connaît
un développement touristique trop rapide
et pas toujours heureux. Quid des îles au
large ? Notre guide n’y consacre qu’une
toute petite page, évoque deux ou trois ca­
banes de robinsons, des plages de talc dé­
sertes, quelques échos de projets haut de
gamme… Rien sur Song Saa qui, depuis six
ans déjà, se préparait pour le grand jour. Il
faut dire que telle qu’elle se présente en
brochure, la première île­hôtel privée du
Cambodge n’a rien d’une routarde.
Le puissant bateau de l’hôtel fend les va­
gues avec détermination tandis que, der­
rière nous, la côte n’est plus qu’un trait de
khôl soulignant l’horizon. Une serviette
rafraîchissante, de l’eau pour se désalté­
rer, un sourire nous sont servis par un
personnel que l’on sent fier et pressé de
jouer son rôle pour de vrai dans sa tenue
de travail officielle : pantalon décontracté
en coton gris délavé, large chemise blan­
che, sans oublier le traditionnel krama, ce
foulard multiusage à petits carreaux – ici
gris et blancs – que tous les Khmers, hom­
mes ou femmes, arborent. Trente minu­
tes plus tard, Koh Rong se profile enfin
Le seul projet touristique validé sur Koh Rong
devrait préserver le cachet authentique de l’île.
avec son chapelet de perles rares. Au fur
et à mesure de l’approche, les Song Saa se
dévoilent. Deux îles serrées l’une contre
l’autre, d’où ce nom que leur ont donné
les pêcheurs et qui en khmer signifie « les
fiancés »…
A l’arrière, ce doit être Koh Bong, le re­
fuge des oiseaux, véritable havre de médi­
tation. Un coin de forêt sur un confetti
bombé où sera bientôt aménagé le spa.
Koh Ouen est l’île principale. S’y dressent
les villas. Une rangée sur le rivage, quel­
ques­unes disséminées sur la colline boi­
sée, à l’arrière­plan les villas sur pilotis
que l’on devine. Devant nous, s’avançant
au­dessus de l’eau sous des toits de pal­
mes, le restaurant et le bar prolongés par
leur carré de terrasse plein soleil, le tout
sur pilotis. Bel effet et belle astuce pour ga­
gner de l’espace, les deux îles ne totalisant
que 10 hectares. Vu du large, rien de clin­
quant, aucun artifice ostentatoire. Chaque
matériau semble avoir été choisi pour se
fondre dans cette marine en dégradé de
vert pâle et bleu profond que des bancs de
minuscules poissons argentés font scin­
tiller. Face à Song Saa, les plages de la
grande Koh Rong frangées de cocotiers
graciles. Le village de pêcheurs de Prek
Svay, dans son jus. Serrés contre un pon­
ton, des bateaux en bois peint, jolis comme
des jouets. Des silhouettes affairées,
Melita et Rory Hunter, les propriétaires australiens de ce lieu hors normes s’avan­
cent à leur tour. Un couple touchant, dis­
cret, timide presque, que les facéties du des­
tin ont posé là, comme une évidence… Il y a
une dizaine d’années, Rory fut chargé par Saatchi & Saatchi d’ouvrir son bureau cam­
bodgien à Phnom Penh. La suite, nombre d’expatriés l’ont vécue. La magie du Cam­
bodge, l’attachement, l’envie d’y « faire quelque chose ». De retour de leur voyage de noces, Rory décide de quitter l’agence pour se lancer dans la rénovation de bâti­
ments coloniaux, Melita en complice pour l’aménagement intérieur, la recherche de matériaux originaux, la décoration… A la clé de leur rêve, la possibilité d’une île. En­
Le village flottant
de Prek Svay vit à son rythme
tout en développant son
autonomie alimentaire avec
l’aide du département
Conservation de l’hôtel.
Toutes les catégories de villas du Song Saa offrent
un décor, une vue de rêve et l’intimité pour en profiter.
corefallait­illatrouver.Ilya6ans,ilslouent
unbateaudepêcheets’envontexplorercel­
les qui se trouvent au large de Siha­
noukville, et dont on leur avait vanté la beauté virginale. Song Saa naîtra de leur rencontre avec les pêcheurs de Prek Svay, lesquels, dans l’espoir que les regards du monde se détournent d’Angkor pour se po­
ser enfin sur leur paradis bleu, leur offrent
symboliquementleurs«fiancés»dularge…
Deux ans de tractations seront nécessaires au couple pour obtenir la première conces­
sion privée accordée à un étranger. La suite ? Melita tombe malade, un cancer. Il leur faut rejoindre l’Australie où durant six
mois elle lutte, prête à en découdre pour re­
trouver son île, et finalement vainc la mala­
die. De retour au Cambodge, un bonheur chasse les mauvais souvenirs et les appré­
hensions de la crise économique, quand Nary entre dans leur vie. Une adoption qui
finira par transformer leur intuition en conviction : Song Saa ouvre une nouvelle ère…
■ BÉNÉDICTE MENU
É V A S I O N
CAMBODGE ~ LE CARNET de VOYAGE
UTILE
Rory et Melita Hunter,
aussi attentifs au bien-être de leurs
hôtes qu’à la nature qui les reçoit...
Ci-dessous, les nouvelles
suites de La Résidence d’Angkor.
Meilleure période : de novembre
à février, c’est la saison fraîche (25 à
30 °C !) et la moins humide. Visa :
à l’arrivée à Phnom Penh ou Siem
Reap. Prévoir 22 $ et 2 photos
d’identité. Décalage horaire : + 6 h en
hiver par rapport à la France (+ 5 h en
été). Santé : vaccins à jour (hépatite
A conseillé), traitement contre le
paludisme recommandé.
Y ALLER
Air France (36.54 ; www.airfrance.fr)
propose 3 vols par semaine pour
Phnom Penh (via Bangkok). Exemple
de prix en mars : à partir de 1 400 €
l’aller-retour en mars. Autre option,
Thai Airways (01.55.68.80.70 ;
www.thaiairways.fr) via Bangkok
avec continuation sur Siem Reap
(1 h de vol sur Bangkok Airways).
SÉJOURNER AU
SONG SAA PRIVATE ISLAND
(00.855.236.860.360 ;
www.songsaa.com). 27 villas, les
Jungle Villas sur les hauteurs (on
peut y apercevoir des calaos malais !),
les Ocean View Villas sur le rivage
(une petite plage en contrebas
de la piscine mais pas d’accès direct
à la mer) et les Over Water Villas,
perchées sur pilotis au-dessus de
l’eau. Salon équipé haut de gamme,
vaste salle de bains avec baignoire,
douche « pluie » et douche extérieure
(produits Aésop, sublime peignoir
Ploh), terrasse avec lit de repos
et piscine privée. Minibar à volonté
rempli selon vos préférences. Les
villas à 2 chambres (2 Jungle Villas et
3 Overwater Villas dont la Royal Villa
qui possède sa propre jetée pour une
arrivée confidentielle au paradis) sont
équipées d’un coin-cuisine masqué
par des pans de bois. Architecture
intérieure et décoration, Melita a tout
supervisé, maîtrisant à merveille les
volumes, le mariage des couleurs et
des matières, le plus souvent
recyclées (tables en bois de bateau
de pêche ; créations en bidons
recyclés d’un artiste de Chiang Maï).
FORFAIT
Parmi ses propositions de circuits sur
mesure et séjours à la découverte du
Cambodge, Voyageurs en Asie du
Sud-Est (01.42.86.16.88 ;
www.voyageursdumonde.fr) propose
un forfait de 8 jours/5 nuits en
Jungle Villa au Song Saa Private
Island à partir de 4 900 € par
personne en pension complète. Prix
promotionnel valable jusqu’à fin mai,
au départ de Paris sur compagnie
régulière, transferts inclus.
NOTRE COUP DE CŒUR
Pour les créations culinaires de
Neil Wager (parmi lesquelles ses
ahurissants « All about »), qui a
quitté la très exclusive North Island
des Seychelles pour ce nouveau
challenge. Sa curiosité pour les
saveurs de la cuisine khmère, l’une
des plus méconnues d’Asie, donne
d’épatants résultats.
Pour un séjour entre amis ou en
famille : la Maison Polanka
(00.855.12.855.204;
www.maisonpolanka.com), derrière
l’Ecole française d’Extrême-Orient.
Deux maisons traditionnelles (dont
une sur pilotis) dans un éden caché
au cœur d’un vaste jardin auquel une
piscine apporte sa fraîcheur. Meubles
anciens et tableaux contemporains
khmers habillent ces lieux inspirés.
Service haut de gamme et cuisine
authentique à tester absolument ! La
Maison (4 chambres) : 520 €/nuit,
La Khmer House : 200 € pour 2
(2 nuits minimum).
LE BÉMOL
Le prix… Et le dur retour à la réalité,
quand le bateau du Song Saa vous
débarque juste à côté du Airport
Bar & Night Club à Sihanoukville.
SÉJOURNER À SIEM REAP
Temples
d'Angkor
Siem Reap
Tonlé Sap
CAMBODGE
OLIVIER CAILLEAU
Koh Rong
Song Saa
Koh Ouen
Koh Bong
Mékong
Golfe de
Thaïlande
VIETNAM
LAOS
THAÏLANDE
Phnom Penh
Sihanoukville
2 km
De prestigieux groupes hôteliers
(Sofitel, Aman, Raffles et bientôt
Hyatt) y ont leur adresse, parmi
lesquels Orient-Express avec La
Résidence d’Angkor (01.55.62.18.00 ;
www.orient-express.com). Nous y
avons apprécié l’atmosphère intime
et raffinée, la piscine inspirée des
bassins des temples d’Angkor sous
les frondaisons tropicales, la cuisine
d’Alexis Voisin, l’attention permanente
et discrète du personnel. A noter : les
8 nouvelles suites contemporaines
(dont 4 suites Spa avec jardin privé
de 27 m2). A partir de 230 € la nuit
en chambre double Deluxe avec
petits déjeuners.
A Siem Reap, le créateur Eric Raisina.
SHOPPING
L’atelier show-room du peintre et
designer Theam (25, Phum Veal,
Khum Kokchak,
www.theamhouse.com), pour ses
toiles laquées qui livrent sa vision
du Cambodge et ses créations
qui marient l’artisanat traditionnel
et l’univers contemporain
(ses éléphants en argile laquée
font fureur). Et à deux pas, celui
du styliste malgache et créateur
de tissus Eric Raisina
(00.855.63.963.207, sur rendezvous ; www.ericraisina.com). B. M.