6 aout: Bombe: J`avais 21 ans le jour d`Hiroshima

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6 aout: Bombe: J`avais 21 ans le jour d`Hiroshima
no 1 818
ISSN 1288 - 6939
samedi 6 août 2005
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dimanche et lundi
AP/US Army via Hiroshima Peace Memorial Museum
DÈS 14 ANS L’essentiel de l’actualité en 10 minutes par jour
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BOMBE > « J’AVAIS 21 ANS LE JOUR D’HIROSHIMA »
Il y a 60 ans, l’armée américaine larguait la première bombe atomique sur la ville japonaise
d’Hiroshima. Numéro spécial sur un événement qui a changé la face du monde.
p. 2-8
● Il y a 60 ans, le 6 août 1945, les
Américains larguaient la première
bombe atomique sur Hiroshima (Japon), tuant sur
le coup 80 000 personnes, et plus de 200 000 au total.
CONTEXTE
● Les survivants irradiés sont appelés hibakushas.
Ils ont tous gardé des séquelles physiques (maladies,
déformations…) ou psychologiques (honte…). 60 ans
après, ils racontent leur atroce expérience.
60 ans après, des victimes d’Hiroshima témoignent
ark, une jeune Coréenne
de 12 ans, se trouve
dans un train avec son
petit frère et sa petite
sœur. Le matin du 6 août,
elle quitte Hiroshima après une
alerte à la bombe. À 8 h 15, le
train est sur le point de traverser
un pont en métal.
« Ma sœur et moi sautons immédiatement du train. Un soldat
japonais en fait autant avec mon
petit frère dans les bras. Je ne
comprends pas ce qui se passe.
Je vois le ciel, rempli de nuages
noirs, et je me demande comment c’est possible alors qu’il
faisait un temps magnifique. Je
saigne car j’ai des bouts de verre
plantés dans la tête, mais je ne
sens aucune douleur. Je suis trop
effrayée pour avoir mal. [Park
rentre chez elle avec ses frère
et sœur.] Ma mère berce notre
petit frère. Elle est complètemet
secouée. Son corps est recouvert
de coupures. [Puis elle voit des
gens qui reviennent de la ville.]
Les visages sont brûlés et de
la peau pend de leurs bras et
de leurs jambes. Un par un, ils
s’effrondrent et ne se relèvent
pas. Juste pour survivre, je cherche constamment de la nourriture. Je vole des tomates, des
concombres… dans les jardins
des voisins. Je ne me sens pas
coupable. »
Park Nam-Joo, 72 ans
Akie, 21 ans, se promène avec sa
mère dans la banlieue d’Hiroshima, à 4 km de l’épicentre
de l’explosion.
« Il fait très chaud. Je suis en train
d’ouvrir mon ombrelle quand je
vois un énorme flash. J’appelle
maman et je perds connaissance.
Rue des Archives
« Les gens n’ont plus
rien d’humain, rien »
P
La bombe a tué sur le coup quelque 80 000 habitants d’Hiroshima et de sa région.
En me réveillant, je réalise que
nous sommes tombées toutes
les deux dans une tranchée
d’irrigation. Je sais que quelque
chose de vraiment épouvantable
est arrivé. En arrivant à l’école,
ce que je vois est tout simplement indescriptible. C’est comme
si je débarquais au beau milieu
de l’enfer. Les gens n’ont plus
rien d’humain, rien, avec toute
leur peau qui pend des membres
et les visages complètement défigurés par les brûlures. J’aide à
2 ● l’actu - Samedi 6 août 2005 - www.lactu.com
étendre les blessés sur l’herbe et
à leur donner de l’eau. Ils n’arrêtent pas de demander à boire,
à boire. Mais je ne peux rien
faire. »
Akie Yoshikawa, 81 ans
Oki, 25 ans, se promène avec
son père près du centre-ville.
« Soudain, le ciel flashe au-dessus de nous. J’essaie de rentrer à
la maison, mais il est impossible
de marcher à cause du souffle.
Quand finalement, je parviens
à regagner la maison, je découvre ma sœur sous des poutres.
Elle est déjà morte. […] Je réussis
enfin à trouver maman, gisant
dans un magasin, couverte d’excréments et de sang. Elle mourra
quelques jours plus tard. Mon
père est décédé peu après. Je
suis toute seule dans la vie. Mon
frère, lui, est toujours porté disparu. »
Fumiko Oki, 85 ans
(Avec AFP)
Uniquement par abonnement
● Trois jours plus tard, le 9 août 1945, les Américains
larguent une 2e bombe sur la ville de Nagasaki, sur
l’île de Kyushu. Tout aussi violente, l’explosion fait
75 000 morts le jour même et plus de 130 000 au total.
● Ce second drame, aussi meurtrier que
le précédent, va accélérer la défaite des Japonais.
Six jours plus tard, le 15 août, le Japon capitule.
Il signe l’acte de reddition le 2 septembre 1945.
RÉCIT 6 août 1945 : les Américains larguent la bombe sur Hiroshima
Hiroshima choisie pour être rasée
5 août 1945 : la bombe est prête,
cachée sur une île
Tous les composants destinés à la fabrication
de la « bombe A » sont déjà prêts sur l’île
Tinian, dans le Pacifique, à environ 1 500 km
à l’est des Philippines. Le président américain
Truman a récemment tranché : Kyoto ne sera
pas la cible. Pourquoi ? Parce que l’ancienne
capitale du Japon, qui compte environ un
million d’habitants, est le centre culturel et
religieux du pays ; la bombarder choquerait
trop l’opinion mondiale et ferait passer les
Américains pour des monstres.
Le décollage
Le matin du 6 août, le personnel sur l’île est
chargé d’embarquer une bombe atomique,
surnommée Little Boy, sur le bombardier
B-29 Enola Gay. L’équipage décolle vers le
Japon. Seul le colonel Paul Tibbets connaît
précisément la teneur de cette bombe. Ses
équipiers, eux, pensent qu’il s’agit seulement
d’une arme secrète destinée à mettre fin à la
guerre. À bord de l’avion, personne ne sait s’il
sera même possible de larguer cette bombe
et de s’éloigner assez vite pour que l’équipage du bombardier réchappe à l’explosion.
L’Enola Gay vole avec d’autres bombardiers
vers le Japon. Des avions, chargés de reconnaissance météo, les devancent pour vérifier
si les conditions sont propices à un bombardement. À ce moment précis, la cible exacte
n’est toujours pas choisie : Kokura, Nagasaki
ou Hiroshima. C’est donc en plein vol que
Hiroshima est choisie pour être rasée.
L’explosion
Il est 8 h 15, passées de 17 secondes. À
9 000 m d’altitude, la soute du Boeing B-29
Enola Gay s’ouvre et libère la bombe atomique à l’uranium. 51 secondes plus tard, à
580 m du sol, la bombe explose, libérant une
puissance jamais atteinte. La ville est immédiatement rasée.
Un gigantesque champignon
Après l’explosion, un gigantesque nuage ressemblant à un champignon se forme audessus de la ville. Dans le même temps, un
incendie se propage à la vitesse d’environ
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AP/S. Troutman
Le vol et le choix de la cible
Cet homme regarde, le 8 septembre 1945, ce qui était un cinéma avant la bombe.
1 200 km/h. Il dure six heures. Sous l’épicentre, la chaleur atteint plusieurs milliers de
degrés. Les ondes de choc démolissent la
plupart des édifices jusqu’à 10 km alentour.
80 000 morts sur le coup
Sur les 280 000 habitants que comptait
Hiroshima, environ 80 000 meurent carbonisés le jour-même. Mais, dans les semaines
qui suivent, des dizaines de milliers d’autres
personnes meurent de leurs brûlures et de
l’effet des radiations. Au total, l’explosion fait
plus de 200 000 morts.
« Mon Dieu,
qu’avons-nous fait ? »
En s’éloignant d’Hiroshima, un des membres
de l’équipage à bord du B-29 se serait écrié
« Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? » Le lendemain du bombardement, la population américaine découvre dans la presse l’ampleur des
dégâts causés par la bombe A, en préparation
depuis quatre ans.
Satisfaction et malaise
Du côté des scientifiques ayant participé au
Projet Manhattan, on célèbre la réussite du
bombardement. Néanmoins, par la suite, certains déclareront avoir été pris de malaise en
apprenant le nombre de victimes de la bombe.
Dès que les membres de l’équipage du B-29
reviennent sur l’île de Tinian, ils sont décorés.
Quant au président Truman, il déclare que ce
bombardement est « le plus grand événement
C. Hallé
de l’Histoire ».
www.lactu.com - Samedi 6 août 2005 - l’actu ● 3
Le Japon dans la guerre
Une puissance militaire
• Dès la fin du XIXe siècle, le Japon mène
une politique d’expansion en Asie.
À l’issue d’une première guerre sino-japonaise
(1894-1895), la Chine, vaincue, lui cède Taïwan,
les îles Pescadores et la presqu’île du Liao-dong.
• En 1904, en conflit avec la Russie sur
la Mandchourie (une région au nord-est de
la Chine) et la Corée, le pays s’attaque à son
puissant voisin. La guerre russo-japonaise
se solde en 1905 par une victoire nipponne,
notamment grâce à la supériorité technologique
des cuirassés japonais. À l’issue du conflit,
le pays du Soleil levant conserve le Liao-dong,
obtient la moitié de l’île de Sakhaline et la Corée
(qu’il occupera jusqu’à sa reddition, en août 1945).
• En 1914, le Japon rejoint les alliés et déclare
la guerre à l’Allemagne. À la fin du conflit,
il récupère les possessions allemandes du Pacifique.
• En 1931, l’armée nipponne envahit la Mandchourie
qui devient, en 1932, le Mandchoukouo, un État
indépendant sous protectorat japonais. C’est le début
de la seconde guerre sino-japonaise. En 1937,
le Japon continue son invasion de la Chine et prend
les villes de Pékin, Shangaï et Nankin.
Soldat
Des centaines de milliers de civils
japonais
chinois sont massacrés.
1905
• En septembre 1940, le Japon signe le pacte
tripartite avec les deux autres puissances
de l’Axe (Allemagne et Italie). Objectif : créer
un « Ordre Nouveau » en Europe et en Asie.
Il décide alors d’éliminer la principale
menace qui subsiste encore dans
le Pacifique : la flotte navale américaine,
basée à Hawaï.
La guerre du Pacifique
• Le 7 décembre 1941, les avions japonais
attaquent par surprise les Américains
à Pearl Harbor, dans l’archipel d’Hawaï.
Amenés par une flotte de six porte-avions,
ils bombardent toutes les bases militaires
de l’île et tous les bateaux mouillant dans
la baie. Le raid ne dure qu’une heure mais
décime la flotte américaine, à l’exception
des porte-avions, qui étaient en mer
ce jour-là. 3 000 à 4 000 Américains sont
tués et près de 3 000 autres blessés.
Le 8 décembre, les États-Unis,
où l’opinion publique est profondément
choquée, entrent en guerre contre
le Japon et ses alliés de l’Axe.
• Dès la fin 1941, le Japon attaque les bases françaises,
britanniques et américaines à Hong Kong, Singapour,
en Indonésie, Nouvelle Guinée, Birmanie, aux Philippines…
En quelques mois, il occupe l’essentiel des îles
du sud-est asiatique ce qui lui permet, dès 1942,
de menacer directement les champs pétroliers
de Malaisie et même l’Australie.
Soldat
japonais
1945
• À partir de mai 1942, le Japon perd
ses premières batailles majeures : Mer de Corail,
Midway, Guadalcanal… Petit à petit, les États-Unis
reconquièrent le Pacifique île par île (tactique dite
du « saut de mouton »). Mais les Japonais résistent
et, dès juin 1944, envoient les premiers kamikazes
sur les positions américaines.
U.R.S.S
Aléoutiennes
U.R.S.S
Mongolie
Mandchoukouo
Liao-dong
Pékin
Nankin
Inde
Mongolie
Sakhaline
(Russie avant 1918)
Chine
Corée
JAPON
Mandchoukouo
Corée
Inde
Chine
ÉtatsUnis
JAPON
Tokyo
Midway
Taïwan
Guam
Wake
Tokyo
Conquêtes japonaises
entre 1895 et 1940
4 ● l’actu - Samedi 6 août 2005 - www.lactu.com
Indochine
française
Indes
néerlandaises
Océan
Indien
Pearl
Harbor
(USA)
Océan
Pacifique
Birmanie
Taïwan
Iles Pescadores
Canada
Mer de
Corail
Australie
Bases
américaines
Japon et territoires
sous contrôle
japonais en juin 1942
Attaques japonaises
7 déc. 1941- juin 1942
Uniquement par abonnement
Bombardier
Boeing B-29 «Enola Gay»
Les attaques atomiques
et la capitulation
«Little Boy»
• Le 27 juillet 1945, à la fin de la
conférence de Potsdam, le président
américain Truman somme le Japon
de rendre les armes. Selon différents
historiens, il avait déjà décidé, plusieurs
mois auparavant, de larguer au moins
deux bombes atomiques sur le Japon
pour montrer la puissance américaine.
e
rd
Mer
du Japon
JAPON
Hiroshima
Tokyo
OCÉAN
PA C I F I Q U E
Nagasaki
• Le 6 août 1945, le bombardier B-29
Enola Gay largue sur Hiroshima
une bombe atomique à l’uranium,
surnommée “Little Boy”.
À 8 h 15, elle explose à 580 mètres
du sol. La ville est immédiatement rasée.
Au moins 80 000 personnes sont tuées
sur le coup. Dans les semaines qui suivent,
des dizaines de milliers d’habitants
d’Hiroshima et de ses environs
succombent aux radiations. Fin décembre,
le nombre de morts est de 140 000.
On estime le nombre total de morts
à 200 000.
• Le 9 août au matin, la superforteresse
américaine B-29 Bock’s Car survole
Kokura, où elle doit larguer une bombe
au plutonium, baptisée “Fat Man”.
Mais la météo est mauvaise au-dessus
de la ville et, malgré trois survols,
le pilote se rabat sur la troisième cible
potentielle : Nagasaki.
À 11 h, elle explose à 580 m d’altitude.
Environ 35 000 habitants sont
tués instantanément et au moins autant
décèdent des suites de leurs blessures.
On estime à plus de 130 000 le nombre
total de victimes.
• Le 15 août 1945, le Japon capitule.
Il signe l’acte de reddition le 2 septembre.
Sous le point d’impact,
au sol, la température
a atteint 3 000 à
4 000° C.
L’empereur Hiro-Hito
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Dans un rayon
de 1 kilomètre,
tout a été
immédiatement
vaporisé et
réduit en cendres.
Jusqu’à 4 kilomètres
de l’épicentre,
humains et
bâtiments ont pris
feu instantanément.
Dans un rayon
de 8 kilomètres,
les habitants
ont été brûlés
au troisième
degré.
ART PRESSE
Différents degrés d’impact
www.lactu.com - Samedi 6 août 2005 - l’actu ● 5
Comment la bombe
atomique a été créée
Le fonctionnement
Toute matière est composée
d’atomes. Un atome contient des
neutrons et des protons dans son
noyau, ainsi que des électrons
qui gravitent autour de celui-ci.
Quand un noyau se casse et se
reforme, des particules s’en
échappent à la vitesse de la
lumière et produisent une grande
quantité d’énergie. Certains éléments instables perdent constamment de l’énergie. Ils sont
dits radioactifs et émettent des
radiations nucléaires. Les scientifiques ont constaté que l’uranium 235 pouvait facilement
subir une fission si on projetait
un flux de neutrons sur son
noyau. Le noyau se divise alors
en deux et des neutrons s’échappent. Ce processus est appelé
fission nucléaire. Ces neutrons
entrent en collision avec d’autres
noyaux qu’ils divisent, créant une
réaction en chaîne et libérant
ainsi une énergie colossale.
gnon. Ces poussières et débris
devenus radioactifs retombent
ensuite. Ce sont les retombées
radioactives ou « cendres mortelles ». Elles peuvent se propager
très loin. Les personnes directe-
ment exposées meurent rapidement. Au fil des années, de nombreuses victimes développent
des malformations, des leucémies…
C. Pidou
Les effets
Quand une bombe atomique
explose, elle dégage une boule de
feu. Cette boule rayonne et détruit
tout. L’explosion crée également
une onde de choc. Les énormes
souffles de celle-ci dévastent tout
sur leur passage. La chaleur produite par l’explosion brûle l’oxygène et crée un vide. Les débris
du sol sont alors aspirés en altitude. Il se forme un nuage caractéristique en forme de champi-
AP
E
n 1905, le scientifique Albert
Einstein dévoile la théorie
de la relativité. L’équation
E = mc2 permet d’affirmer qu’une
petite quantité de matière peut
devenir une énorme quantité
d’énergie. Mise en pratique, cette
théorie est à l’origine de la première bombe atomique. Réfugié
aux États-Unis de peur du régime
nazi, Albert Einstein incite le
président Franklin D. Roosevelt
à lancer les recherches pour battre les Allemands dans la course
à l’armement. Entre décembre
1941 et août 1945, les Américains
entreprennent le Projet Manhattan au laboratoire de Los Alamos,
au Nouveau Mexique. La première bombe atomique est testée
le 16 juillet 1945 (voir l’actu
n° 1 805).
Les radiations émises par l’explosion de la bombe ont brûlé cette
femme. Les dessins de son kimono ont ainsi marqué son dos.
Après Hiroshima, l’ère
de la dissuasion nucléaire
D
epuis Hiroshima et Nagasaki, l’arme nucléaire n’a
plus été utilisée. Mais sa
menace n’a pas disparu. Elle est
même demeurée une des préoccupations majeures dans le concert des nations. Après la Seconde Guerre mondiale, la Guerre
froide (1945-1991) a été caractérisée par des affrontements indirects entre l’Union soviétique et
les États-Unis. Pendant la Guerre
froide, le déclenchement d’une
troisième guerre mondiale constituait une peur très intense dans
les populations des deux camps.
Mais les deux belligérants sont
toujours parvenus à éviter un
conflit direct. Notamment car,
possédant tous les deux l’arme
atomique, l’affrontement aurait
mené à l’anéantissement des
deux camps ou à des dégâts
considérables.
La bombe nucléaire
sert à faire peur
Après 1945, plusieurs pays ont
cherché à obtenir l’arme nucléaire (l’Union soviétique, la GrandeBretagne, la France, la Chine
6 ● l’actu - Samedi 6 août 2005 - www.lactu.com
puis l’Inde), davantage pour dissuader un ennemi éventuel de
l’attaquer que pour l’utiliser réellement. C’est le concept même
de la dissuasion nucléaire.
Corée du Nord, Iran…
le danger n’est pas écarté
Aujourd’hui, 15 ans après la fin
de la Guerre froide, les armes
nucléaires menacent toujours la
sécurité internationale. Au moins
huit pays possèdent la bombe :
les six pré-cités plus Israël et le
Pakistan, qui entretient des rela-
tions tendues avec son voisin
indien. Le régime totalitaire de
la Corée du Nord s’est targué au
début de l’année de posséder
l’arme nucléaire. Les États-Unis
et plusieurs pays voisins ont
entamé des négociations pour
le convaincre de l’abandonner.
Quant à l’Iran, il vient d’annoncer
la reprise de son programme
de transformation de l’uranium,
entraînant les soupçons de la
communauté internationale sur
sa volonté de se procurer la
bombe.
R. Vedrenne
Uniquement par abonnement
En juillet 1945, deux bombes
sont prêtes : l’une à l’uranium
(Little Boy), l’autre au
plutonium (Fat Man).
Les quantités de plutonium
étant plus abondantes,
les chercheurs du Projet
Manhattan font un essai.
Le 16 juillet, à 5 h du matin,
le ciel est illuminé par la
première explosion nucléaire
de l’histoire.
AP
Pourquoi les ÉtatsUnis ont-ils utilisé
la bombe atomique ?
« Le Japon se présente
comme une victime »
G
uillaume Carré est historien
et enseigne les civilisations
de l’Asie. Il explique les conséquences d’Hiroshima sur la
société japonaise actuelle.
Un pays victimisé
« Chaque année, les survivants
témoignent de l’horreur, mais
cette mémoire vive tend à disparaître. Ce qui prend le relais, c’est
ce que l’on entretient. Dans les
cérémonies, les discours politiques, le drame d’Hiroshima symbolise la barbarie militaire occidentale. Il apparaît comme un
crime indépassable qui efface
tous les autres. On ne transmet
plus aux jeunes générations que
ce moment traumatisant de la
guerre. Cela peut être dangereux
car, dans l’inconscient collectif
japonais, le bombardement d’Hiroshima est assimilé à un crime
contre l’humanité. Le Japon se
présente comme une victime,
entraîné malgré lui dans la guerre. Cette position met en avant la
souffrance du peuple et tend à
dédouaner le Japon des actes qu’il
a commis pendant la Seconde
Guerre mondiale. »
École traditionnelle
« Le gouvernement est plutôt
conservateur et contrôle tout le
contenu des manuels scolaires.
Le programme d’histoire est, par
exemple, très strict. L’enseignement ne pousse pas à la réflexion.
Il a pour but d’apporter un maximum de connaissances aux
élèves pour les préparer aux
concours. »
Les malades mis à l’écart
« Après la guerre, il y avait beaucoup de drames humains. Les
personnes contaminées, appelées les hibakushas (« irradiés »),
étaient mises à l’écart. Les gens
avaient peur car les effets de la
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bombe atomique sur le corps
humain étaient mal connus. Ces
personnes ne trouvaient pas
d’emploi, pas de conjoint. Le gouvernement leur a versé des pensions. Mais l’administration est
très tatillonne, et il est difficile
d’établir des critères de reconnaissance des maladies ou des
décès causés par les radiations.
À l’heure actuelle, un certain
nombre d’affaires concernant
des victimes sont encore en
cours. »
Évolution des mentalités
« Le pays reste toujours méfiant
face au nucléaire, mais, avec les
nouvelles générations, des barrières commencent à tomber. La
ville d’Hiroshima n’est plus une
ville maudite : elle est désormais
une ville moderne comme les
autres. »
Dans ses mémoires,
le président américain
Truman affirme qu’il
a hésité entre deux plans
pour mettre fin à la guerre
du Pacifique : soit envahir
le Japon, ce qui aurait coûté
la vie à 500 000 GI’s,
soit larguer des bombes
atomiques sur l’archipel.
À contrecœur, il aurait
choisi la deuxième solution
pour épargner ses soldats.
Selon de nombreux
historiens, la vérité est tout
autre : Truman a décidé
d’utiliser la bombe pour
prendre de vitesse Staline,
qui voulait déclarer
la guerre au Japon.
L’Américain redoutait
que les Soviétiques,
et donc le communisme,
soient couverts de lauriers
en cas de victoire. Et qu’ils
en profitent pour demander
une zone d’occupation
au Japon, comme
en Allemagne.
l’actu
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n° 0608 C 77649. Imprimerie : Fécomme. Loi n° 49-956 du 16 juillet
Propos recueillis
1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
– Conception : Fantoni/Mignon - Formules Presse.
par C. Pidou
www.lactu.com - Samedi 6 août 2005 - l’actu ● 7
Les catastrophes d’Hiroshima et de Nagasaki ont largement influencé les auteurs
japonais, dans tous les domaines. Voici quelques œuvres inspirées plus ou moins
directement de la Seconde Guerre mondiale et les effets de la bombe atomique.
Akira, de
Katsuhiro Otomo
30 ans après la
Troisième Guerre
mondiale, pendant
laquelle Tokyo a été
dévastée, un enfant
aux pouvoirs
immenses sort
de son sommeil. Akira,
c’est son nom, a été l’objet d’expériences
scientifiques. Il veut se venger.
Film d’animation, DVD
(Fox Pathé Europa), 26 €.
Le Tombeau
des lucioles,
d’Isao
Takahata
Japon, 1945.
Deux
orphelins,
Seita, 14 ans,
et sa sœur
Setsuko,
4 ans, se
réfugient dans
un bunker désaffecté au milieu de
milliers de lucioles.
Film d’animation, DVD (Arte vidéo), 30 €.
Gen d’Hiroshima, de Nakazawa
La tragédie d’Hiroshima, vécue de
l’intérieur par une famille japonaise dont
seul le fils, Gen, et sa mère survivent.
L’œuvre comprend une grande part
autobiographique :
l’auteur, originaire
de la ville, avait 6 ans
lors de l’explosion
de la bombe
atomique.
BD, 10 volumes,
(Vertige graphique),
14 € le volume.
Les films
sur Godzilla
Personnage
récurrent au
Japon, Godzilla
est un lézard
géant
préhistorique
qui est réveillé
par les
explosions atomiques. De nombreux
films ont été réalisés sur cette créature.
Le dernier en date, Godzilla Final Wars,
de Ryuhei Kitamura, sortira en France
le 31 août prochain.
Les Fleurs
d’Hiroshima,
d’Edita Morris
En 1960, un jeune
Américain entame
un séjour dans
la ville martyre.
Il loue une chambre
dans la maison
d’une famille
japonaise. Il découvre peu à peu les
secrets des survivants de la bombe,
qui sont exclus de la société.
Roman (J’ai lu), 1,90 €.
Neon Genesis
Evangelion,
d’Hideaki Anno
En 2000, un
cataclysme fait
des millions de
victimes à
travers le
monde… 15 ans
plus tard, la Terre est
attaquée par d’étranges créatures. Son
sort dépend d’adolescents qui pilotent
des robots géants, les Evangelions.
Série d’animation, 26 épisodes (en 7 DVD),
29 € le volume.
Les prix sont indicatifs.