Dictionnaire dissuasion de la

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Dictionnaire dissuasion de la
Dictionnaire
dissuasion
de la
© Infomer - septembre 2011
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Philippe Wodka-Gallien
RÉFACE
Le dictionnaire de la dissuasion que m’a présenté Philippe Wodka-Gallien arrive à point nommé. Les derniers mois nous ont en effet offert un agenda
particulièrement chargé sur le dossier nucléaire. En septembre 2009, l’Assemblée générale de l’ONU, en présence des chefs d’États et de gouvernements,
portait précisément sur le désarmement. Au printemps 2010, la Maison-Blanche publiait une nouvelle stratégie nucléaire, tandis que Moscou affichait
au même moment un concept national de sécurité, deux actes suivis immédiatement de la signature à Prague d’un nouveau traité de réduction des armements stratégiques entre les présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev. L’année 2010 a vu l’ouverture des négociations pour le renouvellement du
traité de non prolifération. Adopté au sommet de Lisbonne, les 19 et 20 novembre 2010, le nouveau concept stratégique de l’Alliance Atlantique a confirmé
le rôle de la dissuasion, qualifiée « d’éléments central » et de « garantie suprême de la sécurité des alliés ». Ressurgissent également, à l’initiative de
plusieurs personnalités, des propositions prônant la disparition des armes nucléaires, ou tout du moins développant l’idée de ne leur réserver qu’une
place marginale. Face à cette actualité chargée, il convient d’être vigilant et de garder à l’esprit les fondamentaux du nucléaire et de la dissuasion. C’est
aussi l’intérêt de ce livre : nous éclairer un peu plus sur ce que représente l’arme nucléaire. Le dictionnaire de la dissuasion est ainsi le premier ouvrage
à aborder la dissuasion sous une forme pratique et accessible.
Pour nous autres Français, attachés au rang et à la crédibilité de la France dans le monde, le sujet est essentiel.
Sous l’impulsion du général de Gaulle, la France s’est dotée d’une force de frappe nucléaire crédible et cohérente. Rendons-en hommage aux Ailleret,
Gallois, Beaufre et autre Poirier qui l’ont conceptualisée. Cinquante ans plus tard, le message des pères fondateurs est plus que jamais d’actualité. Notre
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 l’a opportunément rappelé.
Ce dictionnaire s’emploie logiquement à rappeler ces bases conceptuelles : vocation dissuasive de l’arme nucléaire en France alors que d’autres États
pouvaient, à l’image de l’URSS, en faire une arme d’emploi. Pour être plus précis, l’arme nucléaire a pour vocation de dissuader quiconque de porter atteinte à
nos intérêts vitaux, sans que ceux-ci ne soient, d’ailleurs fort justement, précisément définis. Concept qui, au plan politique, renvoie au libre exercice de notre
souveraineté, à notre existence en tant qu’Etat-nation et acteur crédible sur la scène internationale. Cette crédibilité repose aussi, et le dictionnaire a le mérite
de l’exposer, sur la large adhésion du peuple français, nourrie par un large consensus politique et par la transparence de ses mécanismes de décision. Depuis
50 ans, tous les présidents de la République se sont inscrits dans une stricte continuité du discours et de l’action, donnant ainsi à notre dissuasion la crédibilité
que confère la longue durée. Le Parlement, en votant les lois de programmation militaire comme les budgets de la Défense, en toute transparence, lui assure
sa nécessaire légitimité démocratique. Enfin, les acteurs politiques (gouvernement – parlement), militaires, scientifiques tels que le CEA, intellectuels (thinktank) et médiatiques, au travers de rapports publics, publications, études et débats ont contribué à porter ces questions souvent pointues sur le devant de la
scène, favorisant ainsi leur appropriation par tout un chacun. Autant d’éléments donc qui viennent consolider le consensus national.
Forte de ses 300 têtes, notre dissuasion a été définie selon un principe de stricte suffisance. L’état actuel du monde ne nous invite certainement pas à une
réduction unilatérale du format de notre force de frappe. Autour de nous, le désarmement nucléaire, bien loin d’être acquis, reste peut-être un rêve, sans
doute une utopie, un leurre en tous cas. États-Unis et Russie, comme le prévoit le traité New Start d’avril 2010, se gardent le droit d’aligner des arsenaux
nucléaires considérables, de l’ordre de 1500 à 1700 vecteurs et de plusieurs milliers de charges. La Chine travaille au perfectionnement de tous ses moyens.
L’Inde et le Pakistan sont acceptés comme des puissances nucléaires. La Corée du Nord se dote de missiles et semble faire effort pour concevoir ses propres
charges nucléaires, ceci après avoir quitté unilatéralement le traité de non prolifération. En Iran, il semble que le régime de Téhéran manifeste ses propres
velléités. Quant à l’État d’Israël, il est admis qu’il dispose d’un certain nombre de têtes nucléaires. Bref, on ne désinventera pas l’arme nucléaire et il serait
pure folie de s’en dépouiller lorsque d’autres font tant d’efforts pour s’en doter. Qui plus est, notre dissuasion nous confère une crédibilité politique particulière
parce qu’elle reste l’un des attributs de la puissance. États-Unis, Chine, Russie, Inde développent des forces conventionnelles considérables. Certains cherchent à se doter de capacités nouvelles pour maîtriser le cyberespace et l’espace exo-atmosphérique, ceci à travers notamment les programmes de défense
anti-missiles balistiques. Notre arme nucléaire nous permet de rester dans la cour des grands et pourrait permettre à l’Europe d’y accéder dans l’avenir.
Qu’on le veuille ou non, cette Europe là, l’Europe politique que l’on appelle de nos vœux, parce qu’elle seule pourra équilibrer la future puissance des nouveaux
géants, devra aussi être une puissance nucléaire. Et elle le sera alors grâce à l’arsenal français et peut-être, d’une autre manière, à l’arsenal britannique.
C’est dire l’enjeu.
L’avenir est donc au pragmatisme et au réalisme.
Pragmatisme d’abord. Les dernières années et les derniers mois ont été marqués par une relance du débat sur le désarmement nucléaire. On
ne peut trouver dans cet objectif de contradiction avec la position de la France, dès lors qu’il s’agit de réduire les arsenaux actuels et d’enrayer la
prolifération dans l’esprit du TNP. La France y a d’ailleurs pris sa part. Ainsi, à partir de 1995, sous l’impulsion de Jacques Chirac, l’arsenal nucléaire
français a été réduit avec le démantèlement des missiles d’un plateau d’Albion devenu obsolète, la réduction et la modernisation des SNLE, la diminution et la modernisation de nos bombardiers, l’arrêt du centre d’expérimentation du Pacifique et le démantèlement des usines de production de
matières fissibles. La ratification du traité d’interdiction complète des essais rend d’ailleurs impossible la reprise des expérimentations. La fiabilité
de nos armes nucléaires repose désormais sur le programme de simulation confié au CEA. Unique en Europe, ambitieux au plan technologique,
ce programme est également susceptible d’explorer des domaines de dualité avec le domaine civil. Sur tous ces sujets, ce premier dictionnaire de
la dissuasion met en avant plusieurs thématiques qui me tiennent à cœur : le fait avéré que la puissance nucléaire ait été consubstantielle de la
puissance spatiale, l’importance de la sûreté en matière de production d’énergie nucléaire, et la mission désormais élargie du CEA dans les énergies
renouvelables.
Réalisme ensuite et surtout par la modernisation des moyens qui garantissent la pérennité de notre dissuasion. L’année 2010 voit la mise en
service du missile M51 sur le Terrible, 4e SNLE NG et du missile ASMP-A pour en équiper les Rafale. Cette modernisation de notre force de frappe
s’inscrit totalement dans la ligne fixée à Cherbourg le 21 mars 2008 par le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui avait ainsi affiché sa
conviction : « Il est indispensable de maintenir deux composantes nucléaires, une océanique et une aéroportée. Leurs caractéristiques respectives
en termes de portée et de précision les rendent complémentaires. Pour faire face à toute surprise, le chef de l’État doit pouvoir compter sur elles en
permanence. » Approuvé par le parlement, le budget de la Défense a permis de garantir une force de frappe, au plus haut niveau technologique. Ses
performances permettent de couvrir l’ensemble des situations pouvant mettre en jeu notre dissuasion.
L’ouvrage n’oublie pas non plus de signaler le professionnalisme des militaires français qui ont servi et servent dans les forces nucléaires, l’expertise des ingénieurs qui les ont conçues, mais aussi l’engagement des personnels des expérimentations nucléaires au Sahara et en Polynésie. Bien
que trop tardive, la loi du 5 janvier 2010 portant sur l’indemnisation des victimes des essais reconnaît ainsi le sacrifice de ceux qui ont effectué cette
mission au service de la défense nationale dans des conditions particulièrement dangereuses pour la santé.
Dans la revue Défense nationale de janvier 1956, j’avais noté cette réflexion du général Ailleret, futur chef d’état-major des armées sous la présidence du général de Gaulle : « En règle générale, le Français, normalement porté à avoir son opinion sur toutes choses et à l’exprimer librement,
souffre, dès qu’il s’agit de questions atomiques, d’un étonnant complexe qui semble lui ôter la plupart de ses facultés personnelles de raisonnement :
il se sent probablement en face d’un monde rempli de mystères et de secrets, et qui ne lui semble pouvoir être abordé sans danger que par quelques
rares initiés grandis et instruits dans le sérail des professionnels. » Cette observation avait été formulée avant que la France ne devienne une puissance nucléaire. Les choses ont-elles changé depuis dans notre pays ? Oui, fort heureusement. Mais il convenait d’aller plus loin dans l’information.
C’est chose faite avec ce premier dictionnaire de la dissuasion dont il faut saluer l’initiative.
Notre force de frappe est une assurance-vie pour notre pays. Elle pourrait le devenir, demain, pour l’Europe tout entière.
Le monde est en plein bouleversement. Basculement de la puissance vers l’Asie qui concentre 70 % de la population mondiale ; émergence d’un
nouveau géant, la Chine ; peut-être l’Inde demain. Déséquilibres économiques et sociaux majeurs avec, en corollaire, une lutte sans doute croissante pour l’appropriation des ressources naturelles – énergie et matières premières ; destructions environnementales qui peuvent engendrer de
nouvelles lignes de fractures entre États...Bref, le temps n’est pas à l’angélisme. Celui-là même qui nous conduisit, en 1940, au pire désastre de
notre histoire nationale. Le temps est à la pérennité des vecteurs de la crédibilité de la France et de l’Europe dans le monde. Qu’on le veuille ou non,
l’arme nucléaire en fait partie.
Serge Grouard, Député du Loiret, maire d’Orléans
Membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.
NTRODUCTION
L’idée de ce livre m’est venue aux États-Unis, dans l’Ohio en septembre 2003, en parcourant les allées du musée de l’US Air
Force à Dayton, lors du temps libre que m’avait accordé un congrès sur la guerre électronique de l’Association of Old Crows.
C’est dans ce musée que je découvre l’ampleur de l’arsenal nucléaire américain. Je réalise alors qu’il n’existe aucun ouvrage
rassemblant de manière simple et accessible les principales composantes de la planète nucléaire, qu’elles soient politiques,
diplomatiques, militaires, voire culturelles.
Nous découvrirons dans ce dictionnaire que les stratégies nucléaires et les concepts d’armes ont été pour l’essentiel
conçus dans les années 1940 et 1950. C’est effectivement durant cette période de guerre froide que les puissances nucléaires élaborent les grands principes de la dissuasion. C’est durant cette période aussi que se développent les systèmes
d’armes en charge d’appliquer les stratégies atomiques. Au seuil de la décennie 1960, tout est défini : bombardiers à long
rayon d’action, missiles balistiques, et enfin un système d’arme entièrement révolutionnaire, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins. Par son invulnérabilité, sa mobilité, sa discrétion, son endurance et les milliers de kilomètres de portée de
ses armes, il introduit une véritable rupture dans les stratégies de dissuasion. Il permet en effet à un pays de lancer ses
missiles, même après avoir été totalement détruit. C’est le principe de la frappe en second. Cette notion de « frappe en
second », désignée aussi « seconde frappe » est la clé de voute des stratégies de dissuasion, figeant ainsi les rapports de
force entre puissances nucléaires. On observe aussi durant la décennie 1950, une dissémination des charges nucléaires.
Vues comme un explosif surpuissant, elles démultiplient les effets des armes classiques dans une logique d’utilisation
au combat. Des charges nucléaires – certes de faible puissance – sont placées dans tous les projectiles connus : bombes,
obus, torpilles, mines, roquettes et missiles en tout genre (air-air, sol-air, surface-air, air-sol). En 1960, scientifiques et
ingénieurs parviennent à concevoir tous les types de charges. Par nécessité, le contrôle gouvernemental est également
plus robuste et plus sûr, ceci afin d’éviter le déclenchement d’une guerre accidentelle. Le pic en matière d’arsenaux est
atteint durant ces années, puis s’engage un lent processus de réduction des forces, tandis que le club nucléaire s’élargit à la fin des années 1990 à l’Inde et au Pakistan, suivi par la Corée du Nord en 2008. En cette nouvelle décennie, la
prolifération des armes de destruction massive nucléaires constitue plus que jamais la principale préoccupation de la
communauté internationale.
Nous porterons notre attention sur la France. Des puissances nucléaires, la France est en effet, la seule à avoir été traversée par un débat sur l’opportunité, oui ou non, de se doter de l’arme nucléaire. Très vif, le débat prospère dans tous les
milieux : politiques, scientifiques, forces armées, églises, intellectuels, universitaires, journalistes, artistes, et les citoyens
eux-mêmes bien évidement. Le goût très français de la polémique explique peut-être ce débat qui prend souvent une tournure académique, autre spécificité hexagonale. La France, jusque dans les années 1980, est aussi le seul pays démocratique
occidental à offrir un paysage politique occupé par un parti communiste puissant, qui s’aligne sur des positions idéologiques
fixées par l’Union soviétique, l’adversaire du moment, ceci jusqu’à la chute du mur de Berlin. Vingt ans plus tard, de toutes
les puissances nucléaires démocratiques, la France est resté le pays où le consensus sur la dissuasion est le plus solide, où
le sujet ne fait l’objet d’aucun tabou, et où chacun l’aborde librement avec ses convictions. Il est vrai qu’en France, gauche et
droite se partagent la paternité de la bombe. La décision de la construire a été prise par la gauche sous la IVe République, en
confiant cette mission au Commissariat à l’énergie atomique qu’avait fondé le général de Gaulle. À sa tête, il avait placé un
scientifique de génie, un des rares prix Nobel français, Frédéric Joliot-Curie, alors sympathisant communiste ! Le ralliement
des communistes français en 1977 à la dissuasion vient ainsi consolider l’adhésion du pays pour sa force de frappe. J’ai
ainsi été frappé par la force du consensus en France sur la dissuasion, un consensus bien visible au-delà des résultats des
sondages d’opinions qui donnent 75 à 80 % de bonne opinion sur la dissuasion : il est intéressant d’observer qu’en France,
lorsque la dissuasion s’expose en public, elle suscite l’admiration, la curiosité, l’intérêt, et en aucune manière des réactions
d’hostilité. En septembre 2005, pour les journées « nation-défense » organisées par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de
la Défense, il y a foule sur l’esplanade des Invalides à Paris autour de la maquette du missile nucléaire ASMP, sur le stand
des sous-marins de la Marine nationale, ou encore autour de la maquette du Laser mégajoule dans l’espace occupé par le
CEA. Le 26 juin 2006, sur la base aérienne de Saint-Dizier, pour la cérémonie d’entrée en service du Rafale dans l’armée de
l’air, il fallait entendre les applaudissements des 40 000 spectateurs lorsque les avions se présentent à eux pour la première
fois. Des milliers de personnes aussi au Salon du Bourget 2009 sur le stand du ministère de la défense et qui observent un
Rafale et un missile nucléaire ASMP-A. Que dit le suffrage universel, seul instrument de mesure dans un pays démocratique ? Le dépouillement des urnes montrent que les Français ont toujours donné par leur vote le pouvoir à des formations
politiques, à gauche comme à droite, favorables à l’atome civil comme militaire.
Cet ouvrage se lit aussi comme un témoignage envers ceux qui ont servi la dissuasion française. S’ajoutant aux 150 000 techniciens, ingénieurs, et militaires, ce sont des centaines de milliers de Français qui ont servi la dissuasion : dans les forces, dans
les bureaux d’études, dans les usines, dans les centres d’essais. Nombre d’entre eux ont payé de leur vie cette implication : les
équipages disparus en service aérien, les personnels des essais nucléaires, pour certains frappés d’une atteinte grave à leur
santé. Tous sont victimes de la guerre froide. Pour autant, les négligences et les lacunes passées du droit français ne doivent
pas, selon moi, remettre en cause l’apport indéniable de la dissuasion nucléaire à la sécurité du pays et à la cause de la paix.
L’arme nucléaire est aussi une « arme de communication massive », comme me l’avait confié le commandant des forces aériennes stratégiques, le général Paul Fouilland, le 31 mars 2009 à Saint-Dizier, lors de la cérémonie de reconstitution de l’escadron
de chasse 1.91 Gascogne sur Rafale. Le message de la dissuasion reste porté par le récit des raids sur Hiroshima et Nagasaki, puis
par la conduite des essais nucléaires. Depuis le traité d’interdiction complète des essais, la dissuasion est dès lors plus abstraite,
plus lointaine. L’expression « assurance-vie » reprise par le président de la République à Cherbourg en mars 2008 correspond
bien à la vocation de la dissuasion nucléaire. Mais, il n’y a pas de dissuasion sans information. Par delà le secret qui s’applique
nécessairement à la conception des armes, l’atome militaire est un monde qui communique beaucoup, conjonction d’une volonté
politique et de la pratique propre à chaque nation nucléaire. Très étoffée aux États-Unis et en France, l’information s’est récemment
développée en Russie. En comparaison, le Royaume-Uni offre une image plus discrète. Nouvel acteur de la planète nucléaire, l’Inde
affiche une communication intense sur sa stratégie et ses programmes que porte une presse très abondante, la langue anglaise
rendant en outre le message accessible au plus grand nombre. La Chine reste pour sa part très opaque, mais affiche ses capacités
avec ostentation, dans l’espoir d’en retirer admiration et crainte. Dans ce registre, nous découvrirons aussi que la culture populaire
s’est emparée de l’atome, sous toutes ses formes d’expression, dans le roman, la chanson, et surtout le cinéma.
La stratégie de dissuasion de la France montre qu’elle cherche à ne pas s’isoler des enjeux de sécurité de l’Europe. Tel est le
sens que l’on peut donner à cette extrait du discours de François Fillon, premier ministre, prononcé à l’École militaire le 8 octobre 2010 : « La solidarité atlantique symbolisée par l’article 5 du Traité de Washington, est évidemment une priorité qui doit être
réaffirmée, mais aussi la dissuasion nucléaire qui doit rester au cœur de la défense collective. La crédibilité de l’Otan s’appuie sur la
dissuasion nucléaire, et il en sera ainsi aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde. ». Exposé à l’ouverture
de la session 2010-2011 de l’Institut des hautes études de défense nationale, ce schéma met clairement en relief le rôle de
l’arme nucléaire française au profit de la sécurité de l’Alliance Atlantique, et donc de ses membres européens. C’est aussi
un message qui vient en conclusion d’une année de risque de remise en cause de la dissuasion française. Sur décision du
président de la République, la France a sanctuarisé sa force de frappe, et ce dans un contexte budgétaire difficile. Acteur
actif des politiques de non-prolifération, il a formulé une proposition de lutte contre la prolifération des missiles balistiques
et maintient une position très ferme à l’égard des ambitions nucléaires de l’Iran. Le pays n’a pas non plus suivi les sirènes
abolitionnistes qui avaient cru trouvé appui dans le discours de générosité du président américain Barack Obama prononcé
à Prague en avril 2009.
Ce livre est l’occasion de souligner que la crédibilité d’une force nucléaire repose sur une chaîne humaine et technique
intégrant en un tout cohérent : la maitrise des armes et de leurs vecteurs, des personnels spécialisés et le maintien en
conditions opérationnelles des matériels, l’objectif étant de garantir une fiabilité et une disponibilité de 100%. C’est la posture choisie par les grandes nations, dont la France et nous aborderons donc aussi la problématique posée par la relance
de l’idée d’un monde sans armes nucléaires. Une réponse nous a déjà été donnée : « Quitter la sûreté d’une situation, certes
paradoxale, mais garantissant l’impossibilité d’un conflit majeur - conventionnel ou nucléaire -, pour le retour à une situation où la
guerre redeviendrait possible ne saurait être considéré avec légèreté », avaient averti l’avocat Olivier Debouzy et l’ambassadeur
François de Rose dans la revue Commentaire en juillet 2009.
Au regard de l’envolée des dépenses militaires dans le monde, la force de frappe conserve dès lors toute sa pertinence
dans un pays comme la France, pour ses bénéfices politiques, militaires, comme scientifiques. La dissuasion nucléaire reste
bien l’assurance vie de ce pays, sa garantie ultime et intangible de sécurité.
Facile à consulter, ce dictionnaire se donne ainsi pour objet de compléter une information déjà très riche sur la dissuasion, sans avoir la prétention d’épuiser un dossier qui méritera pour longtemps encore un suivi toujours plus attentif.
C’est tout cela que l’on trouvera dans cet ouvrage.
Philippe Wodka-Gallien
AU SENS DU TRAITÉ DE NON PROLIFÉRATION
[TNP]
ESRI France
LANÈTE NUCLÉAIRE EN 2011
SITE B ET C
Nouvelle Zemble
SITE A
POLYGONE NUCLÉAIRE
DE SEMIPALATINSKI
KAPUSTIN YAR
LOP NOR
NEVADA TEST SITE
ALAMOGORDO TEST RANGE TRINITY SITE
REGGANE CENTRE SAHARIEN
D’EXPÉRIMENTATION MILITAIRE
RAS KOH
HILLS
IN EKKER CENTRE
D’EXPÉRIMENTATION MILITAIRE
DES OASIS
POKHARAN
NUCLEAR TEST SITE
PACIFIC PROVING
GROUNDS
CENTRE D’ESSAIS DU PACIFIQUE
MONTEBELLO ISLAND
EMU FIELD
MARALINGA
ARCHIPEL DU PRINCE EDOUARD
États signataires du TNP et dotés d’armes nucléaires (EDAN)
États signataires du TNP non dotés d’armes nucléaires
États signataires du TNP ayant été contraint de renoncer
États signataires du TNP, disposant de la capacité technologique
de conduire un programme nucléaire militaire, puis ayant renoncé
États non membres du TNP et possédant l’armes nucléaires (Inde, Pakistan)
État non membre du TNP et puissance nucléaire supposée (Israël)
État signataire du TNP soupçonné d’un programme nucléaire militaire clandestin (Iran)
État initialement adhérent au TNP (jusqu’en 2003) et ayant procédé à des expérimentations (Corée-du-Nord)
Raids nucléaires effectués en temps de guerre (Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945)
Nombre de charges estimé
Polygones d’expérimentations nucléaires
NNSA-NTS
NNSA-NTS
28 mai 1957, Nevada Test Site, le centre d’essais nucléaires du Nevada, à 100 km au nord de Las Vegas. Les autorités américaines ont invité des observateurs de l’Otan pour assister à un essai nucléaire. Leurs lunettes
leur permettent de ne pas être aveuglés par l’éclair de l’explosion. Le tir a pour nom de code Boltzmann. Il
constitue le premier acte de la campagne d’expérimentations Plumbbob. La charge a été placée au sommet
d’une tour de 150 m. Elle dégage une puissance de 12 kilotonnes, soit un peu moins que l’énergie délivrée par
la bombe d’Hiroshima.
Le climat de guerre froide, la rivalité entre le camp occidental et l’Union soviétique, mais aussi la suprématie
américaine au sein de l’Alliance atlantique apparaissent clairement en arrière-plan de cette démonstration
organisée comme un spectacle en plein air. Face aux armées du Pacte de Varsovie, les pays européens de
l’Otan sont en première ligne, et le président américain Eisenhower a décidé de déployer des armes nucléaires en Europe. Il convient donc de préparer les armées européennes à l’emploi de ces armes nouvelles
dans les opérations militaires.
Ces images appartiennent à l’histoire. Le traité de Moscou de 1963 met un terme aux essais atmosphériques,
tout en autorisant les essais souterrains. Suite au traité d’interdiction complète des essais nucléaires de
1996, toutes les puissances nucléaires membres du conseil de sécurité de l’ONU – Chine, États-Unis, France,
Royaume-Uni et Russie – se sont engagées à ne plus réaliser d’essais nucléaires.
Nous venons de lâcher sur le Japon la force d’où le soleil tire sa puissance.
Nous avons maîtrisé l’énergie fondamentale de l’univers. Cette force vient d’être
lancée contre ceux qui ont déchaîné la guerre en Extrême-Orient. Nous avons
maintenant deux grandes usines et plusieurs établissements se consacrant à
la production de la puissance atomique.
I
Harry Truman
Discours radiophonique du 6 Août 1945
Président des États-Unis
NDEX
w
A, de bombe atomique .
w
Abris anti-atomiques .
w
Accidents nucléaires .
w
w
Ader (Clément).
ADM-2C Quail .
. . . . .
16
w
AGM-129 ACM .
. . . . . .
18
w
Agni .
. . . . . .
19
w
AIEA
21
w
Ailleret (Charles)
21
w
Air-2 Genie.
22
w
Air Combat Command .
. . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . .
25
w
Allemagne
. . . . . . . . . . . . . . . . .
26
w
Alsos (mission) .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27
w
AN11, AN21, AN22
. . . . . . . . .
29
w
AN52.
. . . . . . . . . . . . .
30
w
Appel de Stockholm .
31
w
w
Afrique du Sud .
w
AGM-28 Hound Dog.
w
AGM-69 SRAM.
. . . . . . . . . . . .
24
w
Air Force One .
w
AGM-86 ALCM .
. . . . . . . . . . . .
24
w
AIRIX .
. . . . . . . . . .
. . . . . . .
23
w
Air Force Global
Strike Command .
. . . . .
33
w
ASMP
. . . . . . . . .
35
w
ASMP-A .
. . . . . . . . . . . . . . . .
44
. . . . . . . . . .
36
w
Astarte .
. . . . . . . . . . . . . . . .
46
37
w
Atlas SM-65 .
38
w
Atolls
. . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . .
Armes
dedestructionmassive .
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . .
47
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
48
. . . .
38
w
Atome.
. . . . . . .
Atomic Testing Museum .
. . . . . . . . . . . . . . . . .
31
w
Armes nucléaires .
39
w
. . . . . . . . . . .
32
w
Armes Nucléaires : leurs effets. . 41
w
Aviatsiia Dalnego Deistviia .
. . . . . . . . . . . . . . . . .
33
w
Arrow .
w
Awe, Awre et Aere
. . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . .
42
43
. . . .
. . .
. . . . . . . .
48
49
49
50
16
16 juillet 1945, États-Unis :
essais Trinity, nord d’Alamogordo (Nouveau-Mexique)
29 août 1949, Union soviétique :
premier éclair, (
), Semipalatinsk (Kazakhstan)
2 octobre 1952, Royaume-Uni :
opération Hurricane, îles de Monte Bello (Australie)
13 février 1960, France :
essais Gerboise bleue, à Reggane dans le Sahara algérien
16 octobre 1964, Chine :
nom de code « 596 », Lop Nor., province du Sinkiang
15 mai 1974, Inde :
site de Thar
25 mai 1998, Pakistan :
désert du Baloutchistan
25 mai 2009, Corée du Nord.
A
B
C
D
E
F
G
H
N
O
P
Q
R
S
T
U
es premiers essais
V
L
W
sile, équivaut donc à près de 30 000 MOP environ,
ou encore à 150 000 missiles de croisière à charge
conventionnelle ! Et encore, la MOP ne peut être
lancée qu’à proximité de la cible, par un avion B-52
ou B-2. Certes, ce dernier présente des caractéristiques de furtivité radar, mais on ne peut garantir
qu’il en sera toujours ainsi au vue des progrès en
matière de systèmes antiaériens.
Au vu de ces données, pour que la dissuasion
avec des armes conventionnelles puisse avoir un
effet, elle ne peut être que le fait d’un pays apte à
aligner des milliers de missiles à charge classique.
Aujourd’hui, c’est le cas des seuls États-Unis.
Pour les autres, l’arme nucléaire offre le meilleur
rapport coût-efficacité. Ces considérations montrent qu’il n’y a pas de continuum entre armes
conventionnelles et armes nucléaires. D’ailleurs,
X
6 août 1945, île de Tinian dans le Pacifique, la première bombe atomique de l’histoire. Officiellement c’est
une Mark-1, mais l’histoire a retenu le nom de « Little Boy ». L’arme est dans une fosse pour être fixée dans
la soute du B-29 qui ira la porter le jour-même sur Hiroshima. Très compact, l’engin ne mesure que 3,5 m
de long.
Le phénomène de la fission nucléaire produit deux
noyaux plus légers et radioactifs appelés produits de
fission ainsi qu’une émission spontanée de neutrons
et un très important dégagement d’énergie. Les neutrons libérés vont alors percuter d’autres atomes de
matière fissile, qui à leur tour vont libérer des neutrons et ainsi de suite. C’est la réaction en chaîne.
L’explosion est provoquée par le rapprochement à
très grande vitesse de deux masses sous-critiques
permettant le déclenchement du phénomène. Pour
obtenir le rapprochement brutal des deux masses
sous-critiques, la technique des bombes atomiques
fait appel à une charge explosive classique. La masse
critique se définit comme la masse de matière fissile
minimale suffisante pour que la réaction en chaîne
s’enclenche.
La sûreté d’une arme atomique repose donc sur
une série de sécurités empêchant que les masses
sous-critiques ne se rapprochent accidentellement. Dans la bombe A, deux techniques ont été
adoptées pour obtenir la masse critique et déclencher l’explosion : la technique de l’insertion et la
technique de l’implosion. La première consiste en
un canon lançant une masse sous-critique d’uranium sur la seconde. D’où la forme allongée de
l’arme. La bombe lancée sur Hiroshima avait été
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Department of Energy
Principe de fonctionnement
Une arme
de destruction massive
L’énergie dégagée par une bombe nucléaire se
mesure en équivalent de tonnes de TNT (trinitrotoluène), un explosif chimique classique. Ainsi une
bombe atomique de 20 kilotonnes (kt), un peu plus
puissante que celle lancée sur Hiroshima, équivaut
à 20 000 tonnes de TNT. En termes de capacité de
destruction, le pas franchi est considérable. Pour
bien mesurer l’écart, notons que la bombe classique la plus lourde de la seconde guerre mondiale,
le Grand Slam, de conception britannique, avait une
masse de 10 tonnes.
Aujourd’hui, les bombes classiques les plus
puissantes dans les forces aériennes affichent
des masses de 1 000 à 1 200 kg, typiquement les
GBU-22 ou GBU-24 américaines (compte tenu de
leur enveloppe, leur charge correspond à moins
d’une tonne d’explosif). L’arme conventionnelle
la plus puissance est la MOP américaine : pesant
13,6 tonnes, elle doit être portée par un bombardier
lourd. Dès lors, une seule charge nucléaire stratégique, par exemple de 300 kt, emportée par un mis-
que l’explosion ne la disperse. À cette fin, on place
des boucliers autour de la matière fissile, combinés à des générateurs de neutrons. On parle alors
de bombe A « dopées », délivrant une puissance
bien plus importante.
L’effet radioactif est l’une des spécificités de
cette arme nouvelle. Il génère à court, moyen et
long terme, sur les individus exposés aux radiations directes ou aux retombés contaminées (poussières, eau de pluie, etc.), des maladies, souvent
mortelles : cancers de la peau, de la thyroïde,
leucémies… C’est bien ce caractère effrayant de
l’arme nucléaire qui en fait une arme de dissuasion, une arme de non-emploi.
M
US Air Force
La possibilité d’utiliser cette réaction en chaîne
pour en faire une arme est mise en évidence à la fin
des années trente sur la base des travaux scientifiques sur l’atome, en Europe et aux États-Unis. La
bombe A ouvre la voie au développement d’armes
nucléaires plus complexes. La bombe H, ou bombe
à hydrogène, repose sur le principe de la fusion, et
est également appelée bombe thermonucléaire.
Elle produit une énergie encore plus grande dans
une arme de volume équivalent : de quelques centaines de kilotonnes, à plusieurs mégatonnes (voir
Bombe H). La troisième arme nucléaire est l’arme
à rayonnement renforcé, ou bombe N, la bombe à
neutrons (voir Bombe N). Elle se caractérise par
une faible puissance mécanique et thermique, mais
une émission très importante de radiations sous la
forme de rayons X et gamma. Cette émission est
suffisamment intense pour traverser les blindages
des véhicules de combat et tuer leurs occupants.
conçue selon ce principe. Sa forme allongée a
inspiré son nom : Little Boy. Dans la technique
de l’implosoir, les masses sous-critiques de plutonium, sont disposées en étoile dans une sphère
et un explosif classique, réparti à la périphérie,
rassemble ces masses vers le centre produisant
ainsi la masse critique et la réaction en chaîne. La
technique de l’implosoir a été adoptée pour la seconde arme nucléaire américaine. Elle fut baptisée
Fat Man, en raison de sa forme arrondie. L’enjeu
pour le physicien se situe au niveau du rendement
de l’arme : il faut que la compression de la matière
fissile puisse générer un nombre maximum de
réactions en chaîne, de cassure de noyaux, avant
Test d’une bombe atomique dans le désert du Nevada, le 30 octobre 1950. Il s’agit de l’essai « Charlie » effectué
avec une bombe Mark/4, une version modernisée de la bombe Fat Man, l’arme de Nagasaki. Larguée d’un bombardier B-50, elle développe une puissance de 14 kt. A l’issue de l’explosion produite à 345 m de hauteur, le nuage
est monté jusqu’à une altitude 12 200 m.
17
Y
La bombe A, communément appelée bombe atomique, correspond à la première génération d’armes nucléaires. Son
principe repose sur la fission nucléaire : la rupture des noyaux d’uranium 235 ou de plutonium 239 provoque l’émission
de neutrons qui eux-mêmes vont briser d’autres atomes, déclenchant ainsi une réaction en chaîne. Ce phénomène
provoque le dégagement d’une énergie colossale.
fabriquer des armes nucléaires qui auraient la
puissance d’une arme conventionnelle n’a au fond
aucun sens.
Pour mesurer l’effet d’une arme nucléaire, il
convient d’observer les bilans des frappes sur
Hiroshima et Nagasaki d’août 1945. Selon les données officielles américaines, le nombre de victimes
par kilomètre-carré atteint 12 400 à Hiroshima,
16 600 à Nagasaki, 4 500 à Tokyo (bombardé les 9 et
10 mars 1945 et bilan bien supérieur aux 800 comptabilisées pour la moyenne des bombardements
sur les centres urbains. Quant à la mortalité, elle
atteint respectivement 5 800, 7 700 et de 2 000 par
kilomètre-carré. En outre, portée par une munition
unique, l’arme nucléaire ne donne pas le temps à la
population d’aller se réfugier dans les abris.
Par leurs effets, les bombes nucléaires modifient donc les stratégies de défense : ce sont des
armes de non-emploi. Cette rupture stratégique est
entrevue par Maurice Nahmias dans Sciences et Vie
dès septembre 1945 . Pour lui, la bombe atomique
signifie tout simplement « la mort définitive de la
guerre ». Mais, paradoxe unique dans l’histoire des
armements, des conflits et des relations internationales, le non-emploi de l’arme nucléaire impose
des dispositifs opérationnels permettant d’être apte
à frapper sûrement l’adversaire désigné.
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A, DE BOMBE ATOMIQUE
ABRIS ANTI-ATOMIQUES
Entrée des carrières de la base aérienne de Taverny, au nord de Paris, qui abrite, le poste de commandement des forces aériennes stratégiques.
18
Dans ce registre, le danger est venu des retombées différées d’essais nucléaires atmosphériques
ou à faible profondeur. À Bikini, dans le pacifique,
le 1er mars 1954, la bombe H dégage 15 Mt au lieu
de 5 attendus provoquant des retombées sur les
populations de deux atolls (Rongelap et Ailinganae).
Le 1er mai 1962, la France réalise son second
essai souterrain, dans le massif montagneux
d’In Ekker dans le sud de l’Algérie. C’est l’essai
Beryl. L’arme fonctionne correctement, mais la
montagne devant contenir l’explosion se fissure
et libère un important nuage de particules radioactives. Les vents les diffuse ensuite vers des
militaires placés en protection du site et vers le
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Les conséquences
d’essais nucléaires mal maîtrisés
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Le premier accident de l’histoire nucléaire est
daté du 24 juin 1942. À Leipzig, en Allemagne, la
pile atomique Leipzig L-IV, sous la responsabilité
de Werner Heisenberg et de Robert Dopel, prend
feu et explose. L’appareil était en phase de révision. Pendant l’inspection, de l’air s’introduit dans
le cœur du réacteur, conduisant à l’allumage de la
poudre d’uranium présente à l’intérieur. L’eau de
refroidissement entre alors en ébullition, créant
suffisamment de pression pour faire exploser le
réacteur. Un jet de particules d’uranium enflammées traverse le laboratoire déclenchant un incendie.
Le deuxième accident de l’histoire nucléaire
se déroule aux États-Unis dans le cadre du projet
Manhattan. Le 2 septembre 1944, dans le laboratoire d’Oak Ridge (Tennessee), un récipient d’hexafluorure d’uranium éclate dans la salle de transfert
du laboratoire, tuant deux personnes et en blessant
trois autres. Un tuyau de vapeur a explosé et la vapeur arrivant s’est combinée avec un composé à
base d’uranium pour former du fluorure d’hydrogène, inhalé par les cinq personnes.
Toujours aux États-Unis, le 21 août 1945,
Harry K. Daghlian, un employé de Los Alamos au
Nouveau-Mexique, a accidentellement créé une
masse surcritique en laissant tomber une brique
de carbure de tungstène sur un noyau de plutonium. Il enlève rapidement le morceau, mais a
été fatalement irradié dans l’incident. Il meurt le
15 septembre.
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Sensible, le sujet l’est très légitimement, car
il touche au secret des opérations militaires. Ensuite, il s’agit dans les démocraties nucléaires
(États-Unis, Royaume-Uni et France) de ne pas
donner d’arguments aux mouvements pacifistes
et antinucléaires. Ces accidents n’ont donc pour la
plupart révélés qu’avec la fin de la Guerre froide,
à la faveur de livres de témoignages, d’actions
en justice de victimes, et de révélations dans la
presse. Et ils sont depuis une vingtaine d’années
reconnus publiquement dans les rapports des parlementaires et des ministères.
Les États-Unis ont inauguré ce mouvement de
transparence. Le Radiation Exposure Compensation Act du 5 octobre 1990 met en lumière la responsabilité de l’État américain dans les maladies
contractées par les personnels durant les essais
nucléaires. En 1993, la sortie du livre La dramatique
histoire des sous-marins nucléaires soviétiques par
d’anciens commandants lève le voile sur la série
des accidents qui ont frappé les sous-marins de
l’URSS.
En France, la loi d’indemnisation des victimes
du 5 janvier 2010 confirme les accidents qui ont
émaillé le programme militaire nucléaire français,
l’information étant portée depuis plus de dix ans à
la connaissance des Français dans plusieurs rapports du parlement et du ministère de la défense.
Le ministre de la défense français, s’est particulièrement investi sur ce dossier : la France «peut enfin répondre au sentiment d’injustice de femmes et
d’hommes qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour
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Les accidents liés
aux activités de recherche
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Une question moins taboue
Le 21 mai 1946 se produit l’un incident similaire.
À Los Alamos, le physicien canadien Louis Slotin manipule sans protection une masse critique
de plutonium au cours d’une démonstration. Son
dispositif était constitué de deux demi-sphères
de plutonium recouvertes par du béryllium, qui
pouvaient être déplacées lentement pour mesurer la criticité. Normalement les sphères auraient
dû être disposées dans une machine, mais Slotin
les manipule manuellement. Un certain nombre
de butées auraient dû empêcher les deux hémisphères de se rencontrer, mais il les avait retirées,
utilisant un tournevis pour contrôler l’écart entre
les sphères. Celui-ci glisse et l’ensemble devient
critique. Réalisant sur l’instant le danger, il retire à
main nue la masse sous-critique sauvant les sept
observateurs, aucun n’ayant reçu de dose mortelle
(deux d’entre eux mourront toutefois plus tard d’un
cancer). Quelques jours plus tard, le 30 mai 1946,
Louis Slotin meurt d’un empoisonnement massif.
Cet accident a été mis en scène de manière magistrale dans le film Shadows makers, (en français, Les
maîtres de l’ombre), mais avec un anachronisme, le
scénario situant l’épisode dans le cadre du projet
Manhattan.
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Forces Aériennes Stratégiques
Pour autant, les abris, notamment ceux destinés
à protéger les institutions politiques ou les centres
de commandement, sont eux-mêmes devenus la
cible des plans de frappes adverses, d’où le développement de missiles et de bombes pénétrants
très puissants et très précis capables de les détruire : bombes conventionnelles de très forte puissance, telle que la MOP américaine de 13 tonnes,
ou des armes nucléaires spécialement adaptée.
C’est à cette fin notamment qu’ont été conçues
les micro-nukes – armes nucléaires de faible puissance (d’une à quelques kilotonnes) ou encore des
armes nucléaires stratégiques contenues dans un
corps de bombe blindé pénétrant, à l’exemple de la
B83 américaine. Le missile américain Pershing II,
de par sa précision, avait également cette capacité
de destruction d’installations militaires durcies ou
enterrées.
Aux États-Unis, la crainte d’une guerre atomique
a donné naissance au mouvement survivaliste, dont
les adeptes ont fait construire sous leur maison
individuelle un abri permettant de survivre plusieurs semaines à plusieurs mois en autarcie. Très
souvent victimes de peurs irrationnelles, les survivalistes envisagent aussi cette protection contre
d’autres phénomènes susceptibles de transformer
les fondements de la société américaine : catastrophes naturelles, changement climatique, voire
arrivée d’extraterrestres. Ces angoisses ont aussi
inspiré plusieurs films, notamment Tremors, Le
jour d’après, ou encore Mad Max. Dans les scénarios
de guerre nucléaire généralisée, la théorie de l’hiver nucléaire, changement brutal du climat associé à un abaissement des températures, laisserait
cecpendant peu de chance de survie à la surface de
la terre, pour les personnes sortant de leurs abris,
même après plusieurs mois.
permettre à notre pays de relever le formidable défi
du nucléaire », déclarait Hervé Morin le 22 décembre 2009. Un décret public, le 13 juin 2010,
précise l’application de la loi et les procédures
d’indemnisations auxquelles les victimes peuvent
prétendre, dispositif incluant les ayants-droit. Un
comité d’indemnisation, ainsi qu’un comité consultatif où siègent les représentants d’associations,
ont été mis en place.
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sol de la capitale, des abris ont été construits pour
permettre aux institutions de fonctionner en cas
d’attaque nucléaire.
La construction d’abris au profit de la population peut représenter aussi une composante d’une
politique de défense qui met l’accent sur la protection civile. C’est en particulier l’option choisie par
Israël, la Suède et la Suisse, qui ont investi lourdement dans la construction d’abris : abris collectifs ou individuels sous les immeubles et les habitations individuelles. Pour permettre la survie de
ses occupants, ils sont dotés d’un filtre à air contre
les particules chimiques ou radioactives. Les abris
protégeant contre les radiations doivent permettre
aux occupants de survivre jusqu’à six mois, intervalle nécessaire à la réduction de la radioactivité
dans l’atmosphère. Une société suisse Andair AG
s’en est même fait une spécialité, affichant la
construction en 40 ans de plus de 3 000 abris collectifs dans 55 pays.
La fin des alertes en vol et des vols d’entraînement des bombardiers avec armes nucléaires à
leur bord, décision prise en 1968 aux États-Unis,
écartent définitivement l’une des sources majeures
d’accidents. Sans être exhaustif, le panorama
ci-après prend le parti de revenir sur les accidents
les plus graves. L’accident nucléaire le plus grave,
est en fait d’origine civile, c’est, en 1986, l’explosion
du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Union soviétique.
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En fait, en raison de leur coût de fabrication et
d’entretien, les abris anti-atomiques sont surtout
réservés aux forces afin de pouvoir agir en cas de
conflit. C’est ainsi que les centres de commandement ont été installés dans des abris enfouis,
spécialement dédiés à la mise en œuvre des forces
de frappe nucléaire. Les caractéristiques géologiques du sol sont alors déterminantes pour le
choix du site. C’est sur ces critères qu’ont été choisis les lieux d’implantation du commandement des
forces aérienne stratégiques françaises : Taverny
et Lyon-Mont-Verdun ainsi que les postes de tir des
missiles balistiques du plateau d’Albion dans les
Alpes-de-Haute-Provence.
Aux États-Unis, les mêmes critères ont motivé
le choix de la base du Norad (défense aérienne
et spatiale) de Cheyenne Mountain près de Colorado Springs et le site de Raven Rock Mountain en
Pennsylvanie où loge l’Alternate National Military
Command Center. À Washington DC, dans le sous-
Touchant aux applications militaires de l’atome, les accidents nucléaires se sont produits, pour la plupart des cas, au
plus fort de la guerre froide, et ce, à tous les niveaux : recherches, essais, activités des forces. Fort heureusement, on
ne compte aucune explosion accidentelle d’arme nucléaire. Les conditions de sécurité des armes et la fiabilité toujours
améliorée des vecteurs ont en effet permis de limiter les risques.
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Les abris sont des sous-terrains destinés à protéger leurs occupants des effets des explosions nucléaires qu’ils
soient mécaniques, thermiques, électromagnétiques ou radioactifs. Ils servent aussi de protection contre les frappes
conventionnelles ou les armes chimiques, biologiques ou radiologiques. Placés jusqu’à plusieurs dizaines de mètres
sous la surface, ils sont construits en béton armé, et peuvent reposer sur de puissants ressorts afin d’amortir les
effets de souffle. Un abri comprend aussi une série d’équipements permettant la survie pendant une période plus ou
moins longue : moyens d’alerte, sources d’énergie, filtres contre les retombées NBC.
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ACCIDENTS NUCLÉAIRES
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: INGÉNIEUR ET THÉORICIEN DE LA PUISSANCE AÉRIENNE
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Dans son livre L’aviation militaire, au sujet des
avions torpilleurs, on peut lire cette prédiction
étonnante, préfigurant le concept de dissuasion :
« Les grands avions torpilleurs deviendront de véritables terreurs ! Nous sommes persuadés que
leur redoutable puissance et la crainte de les voir
apparaître inspireront de salutaires réflexions aux
hommes d’États et aux diplomates, vrais dispensateurs de la paix ou de la guerre, et qu’en définitive, ils
seront favorables à la cause de l’humanité. » Il faudra attendre 1945 pour que l’apparition de l’arme
nucléaire puisse donner corps à la prophétie de
l’ingénieur français.
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réédité sept fois jusqu’en 1913. Ader en distribue à
ses frais à tous les parlementaires. Pour lui, le sort
d’un conflit repose sur la maîtrise des airs. Il préconise trois types d’appareils : les torpilleurs (les
bombardiers), les éclaireurs (les avions de reconnaissance et de commandement), et les avions de
lignes (chasseurs, bombardiers et intercepteurs).
Il propose même une « artillerie verticale » et des
porte-avions, « dont le pont sera dégagé de tout
obstacle », car « l’air est partout ». Sa vision de
l’aviation, formulée parfois sur le ton de la sciencefiction, rejoindra celle de Douhet et Mitchell entre
les deux guerres.
M
Clément Ader baptise cette machine « avion »,
à partir du latin avis, oiseau, nom entré ensuite
dans le langage courant. Mais, ses tentatives dans
les années 1890 se soldent toutes par des échecs,
faute de modèle théorique. Ses travaux s’achèvent
en 1897 après l’échec de l’Avion n° 3.
Patriote acharné, marqué par la défaite de 1871
face à l’Allemagne, Clément Ader est l’un des tout
premiers théoriciens de l’arme aérienne. Il tente
de convaincre les dirigeants politiques de doter la
France d’une force aérienne, d’où sa lettre au président de la République du 12 octobre 1908 et son
livre L’aviation militaire. Paru en 1908, l’ouvrage est
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Diplômé de l’École nationale des arts et métiers, Clément Ader (1841-1925) se distingue pour avoir construit l’un des tout
premiers avions, l’Éole, mais aussi pour ses travaux théoriques sur l’arme aérienne. Il fonde sa fortune sur le dépôt de
multiples brevets dont les revenus sont investis dans le développement de ses machines volantes. Un essai de l’Éole
est réalisé le 8 octobre 1890, à Gretz-Armainvilliers. L’appareil aurait quitté le sol de quelques centimètres sur plusieurs
dizaines de mètres. Certains y voient le premier «vol» motorisé au monde.
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ADM-2C QUAIL
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Une fois le Quail largué, ses ailes se déploient, la
propulsion étant assurée par un turboréacteur General Electric J85. Le contrôle en vol s’opére automatiquement via une centrale inertielle. Grâce à son électronique de bord, un transpondeur, ce leurre produit
une signature radar équivalente à celle d’un B-52
En tout, 616 ADM-2C Quail sont livrés entre septembre 1960 et mai 1962, quatorze escadrons de
B-52 étant équipés. Les contrôleurs radars de l’US Air
Force montrent, en 1972, que le Quail peut être distingué d’un bombardier. Il est alors retiré du service, l’autoprotection des bombardiers étant assurée par des
contre-mesures intégrées à l’avion. Ses successeurs,
les leurres TALD et BQM-74C ont été utilisés avec succès lors les guerres du Golfe en 1991 et en 2003.
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Développé à partir de 1956 par Mc Donnell Douglas, l’ADM-2C Quail (préalablement désigné GAM-72 Quail) est un drone
embarqué destiné à leurrer les défenses aériennes adverses afin de faciliter la pénétration des bombardiers du Strategic Air Command vers leurs cibles. Se présentant comme un missile de croisière de petite taille, le Quail est en charge
d’une mission de guerre électronique. En mission, un B-52 emporte quatre de ces engins en soute, et le B-47, deux.
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Avant l’accident survenu en mars 2011 sur
trois réacteurs de la centrale Fukushima Daïshi,
on comptait quatre événements graves dans le
nucléaire civil : Three Miles Island (1979), TokaiMura (1999) et le plus grave fut celui de la centrale
de Tchernobyl, le 28 avril 1986, dans la ville de
Prypiat, en Ukraine. Il est classé 7 sur l’échelle de
l’Ines (International Nuclear Event Scale). L’explosion du réacteur 4, suite à des erreurs humaines
lors d’une expérimentation, provoque la formation
d’un nuage radioactif qui couvre toute l’Europe occidentale.
Classé 5 sur l’échelle de l’Ines, l’accident de la
centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie, le
28 mars 1979, marque fortement l’opinion. L’interruption de l’alimentation en eau du générateur de
vapeur de l’un des réacteurs, un enchaînement de
défaillances mécaniques et d’erreurs humaines
entraînent la fonte d’un tiers du cœur, le reste
étant très endommagé. L’enceinte de confinement
reste intacte sans mettre en danger les populations
environnantes. Mais l’accident provoque le relâchement, à dose très faible, de produits radioactifs
dans l’environnement.
À 160 km au nord de Tokyo, sur la côte Pacifique, la centrale de Tokaï Mura connaît un incident
de niveau 4 sur l’échelle de l’Ines. Le 30 septembre
1999, dans une cuve de décantation, la manipulation par un personnel mal formé d’une quantité
d’uranium (environ 16 kg), dépassant très largement la valeur de sûreté (égale à 2,3 kg) amorce
une réaction en chaîne. Cet accident de criticité expose plus de 600 riverains à des radiations importantes, tue deux des ouvriers du centre, 19 autres
étant irradiés. Une zone interdite de 200 m a été
mise en place, ainsi que l’évacuation des habitants
dans un périmètre de 350 m, et le confinement
des habitants au-delà de 350 m. Les enfants sont
confinés dans les écoles. Le confinement est aussi
imposé aux habitants de Naka machi proche de
Tokaï.
CLÉMENT]
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Accidents nucléaires civils
ADER [
Auteur
Aux États-Unis, on recense plus d’une vingtaine
d’accidents d’avions qui s’écrasent avec leurs
armes nucléaires. Il s’agit de bombardiers B-29,
B-47, B-50, B-58, B-52, de chasseurs A-4 et F-86,
et d’un P-5M de la marine. Tous ces accidents se
déroulent dans les années cinquante et soicxante.
À l’impact, les armes sont souvent détruites, mais
les sécurités empêchent, l’explosion de la charge.
Le 24 janvier 1961, les États-Unis passent très
près de la catastrophe. Ce jour-là, un B-52 de Seymour Johnson (Caroline du Nord) explose en plein
vol, relâchant deux bombes nucléaires Mark 39 de
2,4 mégatonnes. L’une d’elles se pose en douceur
sous son parachute, mais l’autre pénètre dans le
sol jusqu’à sept mètres de profondeur. Cinq des six
sécurités s’avèrent défaillantes, c’est la dernière
qui empêche une explosion qui aurait pu être mégatonnique.
Pour la crise qu’il provoque, citons l’accident
du 17 janvier 1966. Au cours d’un ravitaillement en
vol au large de Palomares, en Espagne, un KC-135
percute un B-52. Les deux avions explosent, tuant
leurs huit membres d’équipage. Sur les quatre
bombes H, deux sont détruites à l’impact. La troisième se pose et reste intacte. En revanche, la quatrième est perdue en mer. Il faudra une fouille de
80 jours mobilisant 38 bâtiments de l’US Navy et
un sous-marin Alvin pour la retrouver. Elle gît par
869 mètres de fond, à 8 km du rivage. Sur terre,
1 400 tonnes de sol légèrement contaminé sont expédiées vers le centre de retraitement de Savannah
River Plant à Aiken en Caroline du Sud.
Le dernier accident de cette nature a lieu le
21 janvier 1968. Un B-58 de l’USAF avec quatre
bombes H s’écrase près de la base de Thulé
AFB en Arctique. L’enveloppe extérieure d’au
moins l’une des bombes explose et pulvérise des
fragments de plutonium le long d’un couloir de
100 mètres de large de part et d’autre de la trajectoire de l’avion. Un membre d’équipage est tué
dans le crash. L’histoire sera tenue secrète. Une
bombe est manquante : elle aurait traversé la
croûte de glace et se serait retrouvée au fond de
avec leurs missiles. Le 12 août 2000, le Koursk
sombre au large de la presqu’île de Kola avec son
équipage lors d’un exercice naval avec ses missiles de croisière à charge nucléaires. L’accident
aurait été provoqué par l’explosion d’une torpille
dans le compartiment avant. La faible profondeur
du naufrage permet à la marine russe de récupérer le bâtiment avec l’ensemble de ses armes. En
mars 2009, la collision dans l’Atlantique des deux
SNLE français et britannique à basse vitesse est
heureusement sans plus de gravité que de la tôle
froissée.
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Les accidents liés aux activités
opérationnelles des forces
la mer de Thulé. Ce crash provoque une crise diplomatique entre les États-Unis et le Danemark,
car, à l’époque, le Danemark était responsable des
affaires étrangères, de la sécurité et de la défense
du Groënland, et avait interdit les armes nucléaires
sur son territoire. Robert McNamara, le secrétaire
à la défense américain ordonne alors le retrait des
missions d’alerte en vol avec armes nucléaires. La
bombe manquante est finalement retrouvée trois
mois plus tard, en avril 1968.
On ne dispose pas d’éléments sur les accidents
aériens équivalents en Union soviétique. En revanche, s’agissant des sous-marins, ils paient un
lourd tribut. Le 4 juillet 1961, se produit le naufrage
du K19, sous-marin nucléaire armé de trois missiles à tête nucléaire. Au large des côtes de Norvège, une panne du système de refroidissement fait
monter la température du réacteur jusqu’à 800°.
Des membres d’équipage interviennent directement sur le réacteur, l’exposition aux radiations
tuant plusieurs marins. Leur sacrifice sauvera le
bâtiment, évitant ainsi l’explosion du réacteur.
En mars 1968, le K-129, sous-marins à propulsion classique type Golf armé de trois missiles
balistiques sombre par 5 000 m de fond dans le Pacifique, au nord d’Hawaï.
Le 10 août 1985, dans la baie de Chazma, près de
Vladivostok, le réacteur nucléaire d’un sous-marin
expérimental soviétique (projet 570) explose lors de
sa recharge. Dix hommes d’équipage meurent sur
le coup. L’explosion projète des particules de matériel à plusieurs kilomètres. Le sous-marin et ses
matériaux radioactifs reposent toujours au fond de
la baie, sous plusieurs mètres de sédiments.
Si le traité de 1967 interdit de déployer des
armes nucléaires dans l’espace, il n’exclut pas
les satellites dotés d’un réacteur nucléaire. C’est
le cas de Cosmos-954, un satellite de renseignement de type Radar Ocean. Il est la cause du premier incident spatial nucléaire. Suite à une panne
de son système d’altitude, il retombe sur terre le
24 janvier 1978 et s’écrase le nord-ouest du Canada. L’accident provoque la dispersion du combustible radioactif sur une zone allant du grand
lac des Esclaves à Baker Lake sur plus de 800 km.
Les recherches s’effectuent sur 40 000 km² durant
les six mois necessaires pour retrouver les débris
radioactifs. Le Canada réclamera des indemnités
financières.
La fin des tensions entre les États-Unis et
l’Union soviétique ramène à zéro les risques liés
à l’emport des armes nucléaires dans les avions.
Les accidents de ces deux dernières décennies
ne concernent désormais plus que les sous-marins, qui eux effectuent les patrouilles armées
Z
poste de commandement, où avaient pris place
plusieurs autorités, dont le ministre de la Défense,
Pierre Messmer.
Dans le même registre, aux États-Unis, le 10 décembre 1961, au Nouveau-Mexique, un test souterrain libère des nuages imprévus de particules
radioactives, ce qui entraîne la fermeture des autoroutes du Nouveau-Mexique.
Un drone de leurrage Quail, au musée national de l’US Air Force à Dayton.
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