le dénombrement des francophones - Organisation internationale

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le dénombrement des francophones - Organisation internationale
PREMIÈRE PARTIE
Le
dénombrement
des
francophones
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Population francophone dans les pays de l’OIF
+ Algérie, États-Unis, Israël et Val d’Aoste
Pourcentage de francophones
Moins de 5 %
5 à 15 %
16 à 35 %
36 à 60 %
Plus de 60 %
C ANADA
CANADAQUÉBEC
CANADANOUVEAUBRUNSWICK
ÉTATS-U N I S
St-Pierreet-Miquelon (Fr.)
BELGIQUE
AUTRICHE
LETTONIE
COMMUNAUTÉ
RÉP.
TCHÈQUE LITUANIE
FRANÇAISE
DE BELGIQUE
POLOGNE
LUXEMBOURG
SLOVAQUIE UKRAINE
FRANCE SUISSE
HONGRIE
MOLDAVIE
VAL D’AOSTE
ROUMANIE
MONACO
ANDORRE
BULGARIE
SLOVÉNIE
Ex-Rép. yougoslave ARMÉNIE
CROATIE
de MACÉDOINE
ALBANIE
Océan
Atlantique
HAÏTI
DOMINIQUE
STE-LUCIE
Océan
Pacifique
Guadeloupe (Fr.)
Martinique (Fr.)
Guyane (Fr.)
TUNISIE
MAROC
GRÈCE
Océan
Pacifique
CHYPRE
LIBAN
ISRAËL
ALGÉRIE
ÉGYPTE
LAOS
CAP-VERT MAURITANIE MALI
NIGER TCHAD
SÉNÉGAL
BURKINA
GUINÉE-BISSAU
FASO
GUINÉE
DJIBOUTI
CÔTE BÉNIN
CENTRAFRIQUE
D'IVOIRE
GHANA TOGOCAMEROUN
SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE
GUINÉE GABON
RÉP. DÉM. RWANDA
ÉQUATORIALE
CONGO DU
CONGO BURUNDI
THAÏLANDE
CAMBODGE
VIETNAM
SEYCHELLES
COMORES
Océan
Indien
Mayotte (Fr.)
MOZAMBIQUE
MADAGASCAR
MAURICE
Réunion (Fr.)
Walliset-Futuna
(Fr.)
VANUATU
NouvelleCalédonie (Fr.)
Polynésie
française
Échelle à l’équateur
2 000 km
20°Sud
140° Ouest
Généralités
L’estimation globale du nombre de francophones donnée ici (y compris les francophones «partiels»)
ne concerne que les populations des pays membres et observateurs de l’Organisation internationale
de la Francophonie. Nous y agrégeons néanmoins quelques données disponibles pour des pays
n’appartenant pas à l’OIF mais dont nous savons, comme pour l’Algérie (11,2 millions en 20081),
Israël (entre 0,3 et 0,7 million selon des chiffres souvent repris2) ou le Val d’Aoste (environ 90 000
personnes3), qu’y résident – pour des raisons de nature historique – de nombreux francophones, et/
ou pour lesquels des données fiables existent, comme pour les États-Unis (2,1 millions de personnes
parlent le français à la maison d’après le recensement de 2000). Au total, près de 220 millions de
personnes peuvent être définies comme francophones de façon certaine, sachant que ce calcul
minimaliste, non seulement ne tient pas compte de ceux qui sont capables de s’exprimer en français
ou de le comprendre dans les autres pays de l’échantillon4 décrit ci-dessus, mais aussi minore cette
réalité dans beaucoup de pays membres (cf. note méthodologique en annexe de ce chapitre).
Quoi qu’il en soit, depuis notre dernière enquête, le nombre de francophones dans le monde
a globalement progressé, mais la comparaison n’est pas toujours pertinente avec l’estimation
antérieure pour les raisons que nous expliquons en détail dans la note méthodologique qui
suit la présentation des données. En résumé, les différences substantielles qui nous interdisent
de mesurer valablement une évolution sont de deux ordres : scientifique et épistémologique.
Scientifique d’abord, car la vérification systématique des données produites antérieurement
et la fiabilité des nouvelles sources utilisées (recensements, enquêtes statistiques européennes
ou nationales) nous ont conduit, bien que pour très peu de pays, à revoir des estimations anciennes manifestement amplifiées, aussi bien à la hausse qu’à la baisse (cas de Madagascar, par
exemple). L’absence de chiffres actualisés nous oblige également à reporter les chiffres antérieurs, sans possibilité sérieuse de leur appliquer un taux de variation, ce qui donne un ordre de
grandeur utile au lecteur mais ne permet aucune analyse valable (cas de l’Égypte, par exemple).
Enfin, deux nouveaux pays pour lesquels nous ne disposions pas d’informations jusqu’alors sont
étudiés depuis leur intégration comme observateurs à l’OIF en 2008 (Lettonie et Thaïlande).
Épistémologique d’autre part, car un choix nouveau a été fait pour une vingtaine de pays
du continent africain et de l’océan Indien qui représentent une part essentielle du nombre total
de francophones. En effet, comme il est expliqué dans la note méthodologique présentée en annexe, le choix de puiser à la source des recensements de populations lorsque cela était possible, et
1. Nombre de personnes âgées de cinq ans et plus déclarant savoir lire et écrire le français, d’après les
données du recensement de 2008 communiquées par l’Office national des statistiques d’Algérie.
2. Voir, par exemple : «60 ans de francophonie – À la poursuite d’un "rêve" méditerranéen», tribune de
David Mendelson et Beni Issembert dans Le Devoir.com du 17 mai 2008.
3. D’après Plurilinguisme administratif et scolaire en Vallée d’Aoste (PASVA), enquête effectuée en 2001, citée
par Profil de la politique linguistique éducative – Vallée d’Aoste – Rapport régional, Assessorat à l’Éducation et à la
Culture, Département Surintendance aux études, février 2007.
4. Nous dénombrons tout de même une partie significative de ces francophones dans les tableaux de
l’enseignement du et en français dans le monde présentés dans la partie «Une langue pour apprendre» .
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GÉNÉRALITÉS
CINQ À SIX MILLIONS DE FRANCOPHONES AUX ÉTATSUNIS ?
D’après un rapport1 de recherche récent,
le nombre de francophones aux États-Unis
est probablement supérieur aux 2,1 millions
de locuteurs recensés en 2000 et ayant
déclaré parler le français à la maison.
En effet, selon le recensement de 2000,
plus de 11 millions d’individus ont déclaré
une origine « ethnique » : « française »,
« canadienne-française », « cadjine » ou
« haïtienne ». Si cela ne permet pas d’estimer
le nombre exact de personnes capables de
s’exprimer en français ou de le comprendre,
on peut raisonnablement considérer, comme
l’avancent les auteurs de l’étude, que le
nombre se situe entre ces deux chiffres2.
1. Rapport final sur le travail de recherche – Francophonie des Amériques (définition et localisation) – Dans le cadre
d’un projet d’exposition du Musée de la civilisation de Québec, présenté à Mme Pauline Currien, agente de recherche,
Service de la recherche et de l’évaluation, Musée de la civilisation, et préparé par Étienne Rivard (Ph.D.), géographe
et coordonnateur scientifique au Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), Université Laval, pour le
Centre de la Francophonie des Amériques (http://www.francophoniedesameriques.com/), avril 2008.
2. Voir à ce sujet le site du Centre de la Francophonie des Amériques.
d’utiliser des données d’enquêtes sur la connaissance des langues, l’alphabétisation et la scolarisation,
ce dans un contexte africain où le français est une langue apprise et d’enseignement, nous a conduit à
ne considérer comme «francophones», sans distinction de niveaux, que les personnes sachant lire et
écrire en français. Cette décision, qui dans certains cas entraîne une baisse et dans d’autres une augmentation de l’estimation antérieure, provoque une rupture entre les deux séries de chiffres concernant ces pays, qui interdit la comparaison terme à terme. En revanche, elle nous permet d’approcher
au plus près la réalité d’un usage certain du français, quitte à le sous-estimer dans les cas – nombreux
en Afrique, comme le montrent les enquêtes réalisées par l’institut TNS Sofres qui sont présentées ici
– où la capacité à s’exprimer dans cette langue excède souvent sa maîtrise scolaire (comme en Côte
d’Ivoire, par exemple). C’est néanmoins la garantie de pouvoir, à l’avenir, disposer d’un indicateur de
mesure incontestable de l’évolution des situations linguistiques et d’apprécier dans le même temps les
variations intervenant dans le secteur stratégique, pour la Francophonie comme pour tous les acteurs
du développement, de l’éducation. Pour plus de clarté, un tableau distinct permettra au lecteur de
prendre connaissance des données nouvelles concernant ces pays.
Il est cependant au moins un pays pour lequel la régularité et la fiabilité des statistiques
produites à l’échelle nationale (fédérale en l’occurrence) permettent aux spécialistes de se livrer
à de vraies analyses comparatives basées sur une observation longue : c’est le Canada. Grâce aux
questions précises, nombreuses et récurrentes posées sur la connaissance et l’usage des langues
officielles dans les recensements, l’ancien directeur de la division des études démolinguistiques
de Statistique Canada, M. Réjean Lachapelle, nous trace un tableau d’une remarquable précision
sur la population francophone du Canada.
Afin d’apprécier la dynamique particulière qui caractérise la francophonie africaine, le directeur
de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF), M. Richard
Marcoux, nous livre son analyse et, avec la collaboration de chercheurs associés à l’ODSEF, nous
propose un résumé des travaux récents conduits à partir de l’exploitation des derniers recensements
intervenus au Burkina Faso et au Mali. Les indications sensiblement différentes qu’ils révèlent pour
l’un et l’autre pays permettent d’apprécier la variabilité des contextes linguistiques africains et leur
influence sur la place qu’y occupe la langue française, tout comme la grande enquête conduite,
sous la coordination scientifique de M. Arnaud Carpooran, par les chercheurs du pôle «Langues
pour le développement» de l’Agence universitaire de la Francophonie nous permet de le faire pour
l’océan Indien.
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CHAPITRE
1
Panorama
chiffré
AFRIQUE : LES INDIVIDUS SACHANT LIRE ET ÉCRIRE LE FRANÇAIS
Zone/pays
Population
en 2010
(en milliers)
Francophones
(sachant lire et
écrire ; en milliers)
En pourcentage
de la population
totale
En pourcentage de
la population âgée
de 10 ans et plus
AFRIQUE DU NORD ET MOYENORIENT
Afrique du Nord et Moyen-Orient
Maroc
Mauritanie
32 381
10 366
32 %
39 %
3 366
429
13 %
18 %
AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET OCÉAN INDIEN
Afrique subsaharienne
9 212
2 984
32 %
47 %
Burkina Faso
16 287
3 195
20 %
30 %
Cameroun
Bénin
19 958
7 078
36 %
60 %*
Centrafrique
4 506
1 306
29 %
40 %
Congo
3 759
2 094
56 %
78 %
Congo (République
démocratique)
67 827
30 990
46 %
68 %
Côte d’Ivoire
21 571
7 390
34 %
48 %
Gabon
1 501
829
55 %
73 %
Guinée
10 324
2 223
22 %
31 %
Mali
13 323
2 416
18 %
27 %
Niger
15 891
1 970
12 %
20 %
Rwanda
10 277
311
3%
ND
Sénégal
12 861
3 132
24 %
35 %
Tchad
11 506
1 617
14 %
21 %
Togo
6 780
2 252
33 %
46 %
691
142
21 %
33 %*
Océan Indien
Comores
* : pays où le pourcentage est rapporté à la population âgée de 15 ans et plus.
ND : non disponible.
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
Comme annoncé dans les généralités et précisé dans la note méthodologique en annexe,
les chiffres présentés dans ce premier tableau peuvent être considérés comme les estimations
les plus fiables produites par l’Observatoire de la langue française et les organismes qui l’ont
précédé. Les sources1 utilisées (recensements et enquêtes nationales) et la méthode de calcul
qui a été appliquée aux données sont scientifiquement reconnues2 . De plus, les statistiques
de base nous ayant été fournies par les administrations et institutions publiques des États
eux-mêmes, nous pouvons être sûrs de leur validation.
En revanche, ce choix comporte, un risque de sous-estimation du nombre réel de francophones et mérite, dans quelques cas, d’être commenté pour expliquer une variation apparente importante par rapport à l’estimation produite antérieurement, même si, comme
nous l’avons montré dans les généralités, la comparaison n’est pas pertinente compte tenu de
la différence radicale des termes en présence.
En remarque générale, il faut inviter le lecteur à s’attacher plutôt à la colonne
présentant le pourcentage de la population âgée de 10 ans et plus. En effet, le contexte
plurilingue dans lequel évolue la langue française pour ces pays et le fait qu’elle soit dans
tous les cas apprise à l’école (sauf dans quelques configurations familiales trop rares pour
peser sur les chiffres) laissent à penser qu’en dessous de 10 ans, la réalité de la francophonie
africaine, bien que probable, n’est pas très importante et, surtout, encore fragile. En effet,
en supposant même qu’un enfant commence son apprentissage scolaire à six ou sept
ans – ce qui est loin d’être une règle dans nombre de ces pays aux taux de scolarisation
parfois faibles –, sa connaissance du français ne saurait être correcte avant trois ou quatre
ans d’apprentissage. D’où l’importance de l’éducation, dont les progrès conditionnent le
développement de ces pays et vont de pair avec le maintien et la diffusion du français.
Ainsi, très logiquement, le pourcentage de cette population (âgée de 10 ans et plus,
voire 15 ans et plus) capable de lire et d’écrire en français est le plus souvent supérieur à
celui présenté dans les rapports antérieurs, même s’il convient de s’arrêter sur quelques
exceptions : les Comores, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Rwanda. Un commentaire nous
a semblé également utile pour le Cameroun, le Sénégal et le Tchad.
Au Cameroun, l’une des enquêtes utilisées (ECAM3), réalisée en 2007, ne concernait que
les personnes âgées de 15 ans et plus. Or, la population de moins de 15 ans étant supérieure à
huit millions de personnes (sur 19,9 M), l’effet réducteur est plus fort que pour les autres pays
dans lesquels nous avons pu avoir des données concernant les moins de 10 ans. Le même
cas de figure se retrouve avec les Comores dont nous ignorons les connaissances en français
(pourtant probables) des personnes de moins de 15 ans. De plus, ces pays sont officiellement
multilingues. Certaines provinces du Cameroun et une partie du système d’enseignement des
Comores dispensent un enseignement dans une autre langue que le français (l’anglais dans
1. Les références complètes des sources utilisées figurent dans la notice bibliographique située après la
note méthodologique.
2. Nous tenons ici à remercier tout particulièrement l’Observatoire démographique et statistique de
l’espace francophone (ODSEF) et son directeur Richard Marcoux qui nous ont éclairés de leurs conseils et
aidés à encadrer le travail de la stagiaire-boursière du gouvernement québécois, Camille Bouchard-Coulombe,
spécialement affectée à l’Observatoire, ainsi que le ministère des Relations internationales du Québec pour
cette mise à disposition.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
le premier cas et l’arabe dans le second), ce qui réduit l’effectif scolarisé à prendre en compte
pour le calcul des francophones (francophones parce que scolarisés, selon la méthode
appliquée aux pays où le français est seule langue d’alphabétisation).
Concernant la Côte d’Ivoire, les observateurs s’accordent à dire que le français y est
beaucoup mieux parlé qu’écrit ou lu, ce qui affecte notre résultat uniquement fondé sur ces
compétences. Les enquêtes réalisées à Abidjan par l’institut TNS Sofres, et présentées plus
loin, confirment d’ailleurs cet état de fait avec des différences supérieures à 20 points selon
qu’il s’agit de la capacité à parler le français (99 % des répondants) ou à l’écrire (75 %).
S’agissant de la Guinée, on doit sans doute parler d’ajustement d’une estimation jusque-là
non étayée.
Pour le Sénégal, outre la relative stagnation des taux de scolarisation, il faut préciser que,
faute de résultats d’une enquête antérieure, nous n’avons pu retenir que le taux constaté
pour l’année 2005 et l’appliquer directement à l’année 2010, alors qu’il est raisonnable de
considérer qu’une augmentation est intervenue entre-temps, comme c’est le cas dans
tous les pays pour lesquels nous disposions de deux repères temporels permettant de
calculer un rythme théorique de progression. Il en va de même pour le Tchad, pour lequel
nous ne disposions de données sur la population et le niveau d’étude que pour une seule
année (2004) et où il a fallu également tenir compte de la présence d’une autre langue
d’enseignement (arabe).
Enfin, dans le cas du Rwanda, le pourcentage figurant dans le recensement de 2002
nous donne la répartition de la population totale sachant parler le français, soit 3,9 % des
Rwandais, ce qui correspond à une baisse, comparé au calcul effectué en 1991. Celui-ci,
produit à partir des données des enquêtes réalisées sur le nombre d’années d’études par
tranches d’âge de la population, aboutissait à une estimation de 5,1 % de francophones.
Faute de résultats plus récents, nous avons suivi la tendance indiquée par ces deux repères
temporels, d’autant que nous tenons compte de la forte présence du kinyarwanda dans
l’enseignement.
La présentation des données figurant dans le tableau ci-après se trouve exposée dans
le détail par la note méthodologique annexe à ce chapitre. Néanmoins, afin d’épargner
le lecteur non spécialiste, nous avons jugé préférable de livrer avec le tableau lui-même
quelques clés de lecture qui essayent d’anticiper les interrogations que pourrait susciter sa
consultation.
Tout d’abord, il faut signaler que tous les pays marqués d’un astérisque n’ont pu faire
l’objet d’une actualisation et que nous avons donc repris les estimations antérieures. Par
ailleurs, le manque de précision ou de fiabilité de certaines sources nous a fait renoncer, dans
quelques cas, à la distinction «francophones partiels», trop incertaine, ce qui se traduit par la
présentation d’un chiffre global dans la colonne «francophones», mais ne doit pas conduire
le lecteur à conclure à l’homogénéité des niveaux de maîtrise de la langue française par les
individus ainsi dénombrés.
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
POPULATION FRANCOPHONE DES ÉTATS ET GOUVERNEMENTS
DE LA FRANCOPHONIE
Population
en 2010 (a)
Zone/pays
Francophones
Pourcentage
Francophones
Pourcentage
partiels
AFRIQUE DU NORD ET MOYENORIENT
Afrique du Nord et Moyen-Orient
Tunisie
10 374 000
6 639 000
84 474 000
4 255 000
300 000
765 900
64 %
Moyen-Orient
Égypte
Liban*
0,4 %
18 %
2 500 000
851 000
3%
20 %
AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET OCÉAN INDIEN
Afrique subsaharienne
Burundi*
Cap-Vert
Djibouti
Ghana
Guinée-Bissau
Guinée équatoriale
Mozambique
São Tomé et PrÍncipe*
8 519 000
513 000
425 900
18 000
5%
3,5 %
255 600
30 000
3%
6%
879 000
439 500
24 333 000
1 000 000
4%
50 %
1 647 000
82 300
5%
164 700
10 %
693 000
50 000
7%
150 000
22 %
23 406 000
70 000
165 000
33 000
20 %
199 000
59 700
837 000
20 146 000
1 297 000
85 000
664 600
1 007 300
194 500
25 500
331 200
1%
0,3 %
74 200
45 %
30 %
139 300
70 %
79 %
5%
15 %
30 %
126 400
3 021 900
748 400
59 500
15 %
15 %
58 %
70 %
Océan Indien
Mayotte (France)*
La Réunion (France)*
Madagascar*
Maurice
Seychelles
AMÉRIQUE ET CARAÏBE
Amérique du Nord
Canada (total)
Nouveau-Brunswick
(Canada)
Québec (Canada)
Saint-Pierre-etMiquelon (France)*
31 612 900
9 590 700
30 %
730 000
313 900
43 %
7 546 100
7 028 700
93 %
6 000
6 000
100 %
Caraïbe
Dominique*
Guadeloupe (France)*
Martinique (France)*
Haïti
Sainte-Lucie*
67 000
1 500
2%
5 000
7,5 %
467 000
374 500
80 %
69 600
15 %
406 000
324 800
80 %
62 900
15,5 %
10 188 000
1 222 600
12 %
3 056 400
30 %
174 000
3 000
2%
ASIE ET OCÉANIE
Asie centrale
Arménie
Géorgie
3 090 000
4 219 000
20 000
15 053 000
406 400
0,6 %
ND
180 000
6%
Extrême-Orient
Cambodge
3%
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
POPULATION FRANCOPHONE DES ÉTATS ET GOUVERNEMENTS
DE LA FRANCOPHONIE
Zone/pays
Laos
ThaÏlande
Vietnam*
Population
en 2010 (a)
Francophones
Pourcentage
Francophones
Pourcentage
partiels
6 436 000
68 139 000
89 029 000
173 800
562 000
623 200
3%
0,8 %
0,7 %
254 000
203 200
80 %
25 400
10 %
272 000
217 600
80 %
27 200
10 %
246 000
110 700
45 %
15 000
15 000
100 %
Océanie
Nouvelle-Calédonie
(France)*
Polynésie française
(France)*
Vanuatu
Wallis-et-Futuna
(France)*
EUROPE
Europe centrale et orientale
Albanie*
Bulgarie
Croatie
Ex-Rép. yougoslave
de Macédoine
Hongrie
3 169 000
7 497 000
4 410 000
316 900
301 100
24 300
4%
0,6 %
10 %
249 500
107 700
3%
2%
2 043 000
150 000
7%
80 000
4%
9 973 000
40 200
0,4 %
46 400
0,5 %
Lettonie
2 240 000
20 800
Lituanie
67 000
894 000
447 800
2%
Pologne
3 255 000
3 576 000
38 038 000
Rép. tchèque
10 411 000
153 900
Roumanie
21 190 000
1 853 000
Moldavie*
Serbie
9 856 000
0,9 %
1%
61 200
25 %
622 500
2%
2%
1,5 %
93 600
0,9 %
9%
2 903 100
14 %
ND
Slovaquie
5 412 000
75 500
1%
46 400
0,9 %
Slovénie
2 025 000
38 600
2%
34 400
2%
Ukraine
45 436 000
285 800
87 000
8 387 000
34 900
406 400
40 %
5%
26 100
497 200
30 %
6%
Belgique (total)
Comm. française
de Belgique
Chypre
10 698 000
6 838 100
64 %
1 405 800
13 %
4 505 000
4 415 000
880 000
36 600
France (métropole)
62 637 000
62 483 600
Grèce
11 183 000
492 000
33 000
7 597 000
415 300
352 800
25 800
3 827 300
0,6 %
Europe de l’Ouest
Andorre
Autriche
Luxembourg
Monaco*
Suisse
98 %
4%
73 800
8%
100%
4%
72 %
50 %
475 200
87 000
78 %
1 599 300
4%
18 %
21 %
(a) Source : World Population Prospects : The 2008 Revision Population Database, http://esa.un.org/unpp/, sauf pour Canada, Québec
et Nouveau-Brunswick : 2006, année du recensement et Communauté française de Belgique : 2008, État.
* : reprise des anciennes données en l’absence de nouveaux éléments.
ND : non disponible.
Les pourcentages ont été arrondis à la moitié la plus proche (sauf ente 0 % et 1 %) et les chiffres à la centaine.
15
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
L’attention du lecteur doit être particulièrement attirée sur deux pays pour lesquels la prise
en compte – nouvelle et systématique cette année – des données sur la connaissance du français
(enquête «Eurobaromètre» 2005 et Adult Education Survey 2007 pour la Belgique et Recensement fédéral de 2000 pour la Suisse) et l’enseignement du et en français (statistiques nationales)
a provoqué une augmentation de l’estimation du nombre de francophones. En effet, pour la Belgique comme pour la Suisse, la langue française est, selon la communauté linguistique à laquelle
on appartient, apprise comme une langue étrangère (parfois très tôt) ou la seule langue de scolarisation initiale, ce qui nous a autorisé à compter précisément les uns et les autres en distinguant
les francophones (langue maternelle, très bonne et bonne connaissance du français, apprenants
en français pour les moins de 15 ans) des francophones partiels (connaissance basique, apprenants du français pour les moins de 15 ans). De plus, elle fait partie intégrante de l’environnement
de la plupart des citoyens, ce qui influence favorablement sa maîtrise, même partielle.
Autre grand pays francophone européen, la France est traitée comme les années
précédentes avec une distinction entre la métropole et les départements, collectivités et
territoires d’outre-mer. Pour ces derniers, en l’absence de données nouvelles, les pourcentages
présentés lors de l’édition précédente ont été appliqués à la population de 20101, en tenant
compte, le cas échéant, des résultats de l’étude conduite par l’équipe de chercheurs de l’AUF
sur la situation du français dans l’océan Indien (pour Mayotte et La Réunion).
L’influence des données concernant l’enseignement du français sur notre estimation est
tout aussi importante pour les pays dans lesquels sa maîtrise en dépend entièrement. Leurs
variations à la hausse ou à la baisse, que le lecteur retrouvera dans les tableaux de la partie
consacrée à l’enseignement, se retrouvent dans les chiffres présentés ici. À titre d’exemple,
on peut citer les baisses enregistrées en Bulgarie, en Grèce, en Pologne ou en Roumanie ;
aussi bien que les hausses (modestes) constatées en Hongrie, en Lituanie et en République
tchèque.
Quelques pays disposaient d’enquêtes spécifiques comprenant des données nationales sur
la connaissance des langues, dont le français, que nous avons directement reprises : Andorre2,
Canada3, Québec (Canada)4, Nouveau-Brunswick5, Luxembourg, Suisse et Ukraine. Dans le cas
de Monaco6 , le chiffre fourni par le dernier recensement ne concernait que la langue maternelle
du répondant, ce qui, dans le contexte monégasque, ne rend pas du tout compte du nombre
réel de francophones.
Pour certains pays, en l’absence de statistiques ou d’enquêtes précises, nous avons choisi
de reprendre – lorsqu’elles étaient cohérentes avec les données antérieures, avec les chiffres de
1. Sauf mention contraire, le chiffre retenu pour la population des pays et des territoires est issu de World
Population Prospects : The 2008 Revision Population Database, http://esa.un.org/unpp/.
2. Dans ce cas, l’enquête ne comptabilisait pas les enfants de zéro à quatre ans qui ont le français comme
langue maternelle.
3. Réponse officielle du Canada au questionnaire de l’Observatoire selon les données du recensement de
2006 concernant la connaissance des langues officielles (français seulement + anglais et français).
4. Selon les données du recensement de 2006 concernant la connaissance des langues officielles (français
seulement + anglais et français).
5. Idem.
6. Selon le recensement de 2008, le nombre de personnes dont la langue maternelle est le français en
Principauté s’élève à 17 808 personnes, ce qui représente 57,2 % de la population.
16
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
l’enseignement du et en français disponibles et avec d’autres constatations7 – les estimations
proposées par les autorités nationales dans leurs réponses à notre questionnaire (Arménie,
Cambodge, Égypte, Guinée équatoriale, Maurice, Ex-Rép. yougoslave de Macédoine et
Seychelles) ou, à défaut, celles suggérées par les réseaux de coopération culturelle et
linguistique francophones (Burundi, Cap-Vert, Djibouti, Ghana, Guinée-Bissau, Haïti, Laos,
Liban, Madagascar, São Tomé et PrÍncipe, Thaïlande, Vanuatu et Vietnam). Dans ces cas de
figure, nous avons tenu compte, pour les pays de l’océan Indien, des résultats présentés par
les chercheurs de l’AUF.
Enfin, en l’absence totale de toute source, même peu fiable, nous avons préféré ne
communiquer aucune estimation (Géorgie et Serbie), sauf pour la Dominique et SainteLucie, pays pour lesquels des observations directes rapportées lors de missions d’agents de
l’OIF ont été jugées suffisamment crédibles, en raison, notamment, du nombre peu élevé de
la population totale de ces territoires.
Note méthodologique
Depuis les années 1990, l’OIF assure une estimation du nombre de francophones à l’échelle
mondiale. Dans les années antérieures, il revenait à chaque pays d’évaluer le nombre de
personnes ayant une connaissance de la langue française, qu’elle soit partielle ou complète8 .
En cumulant les chiffres obtenus d’un pays à l’autre, l’OIF fournissait le nombre estimé de
francophones dans le monde. Ces estimations de référence apparaissaient cohérentes et réalistes.
Il était néanmoins possible de les actualiser et d’améliorer la fiabilité des chiffres. En effet, pour
certains pays, une mise à jour s’imposait car le nombre ou le pourcentage de francophones était
systématiquement repris d’un rapport à l’autre. Pour d’autres pays, les estimations semblaient
sous-estimer ou surestimer le nombre de francophones. Dans le souci d’actualiser et de fiabiliser
ces données, l’OIF a choisi de valider, par le biais de sources externes, les estimations des États.
Comme il sera démontré dans cette note, le processus de validation a conduit à apporter
des modifications à la définition même des francophones pour plusieurs pays, surtout africains.
Cette modification est justifiée par le fait que les données disponibles ne concernent pas toujours la connaissance de la langue française à l’oral mais plutôt à l’écrit. Par ailleurs, toujours pour
les pays africains, les informations ne concernaient pas les francophones âgés de moins de 10 ans.
Par conséquent, pour plusieurs pays, le pourcentage de francophones a dû être calculé aux
moyens de deux méthodes d’estimation qui vont être précisées ci-dessous. Ce changement de
définition et la réduction du champ d’observation à la population des 10 ans et plus entraînent
une forme de cassure entre les estimations présentées dans les derniers rapports et celles de celui-ci. Les estimations présentées ici s’inscrivent donc dans une nouvelle démarche de validation
et de fiabilisation plutôt que dans le processus de continuité instauré depuis les années 1990.
7. La grille d’observation établie par le professeur Robert Chaudenson, dont les résultats ont été publiés
pour plusieurs pays dans Robert Chaudenson et Dorothée Rakotomalala (coordonnateurs), Situations
linguistiques de la Francophonie. État des lieux, réseau «Observation du français et des langues nationales» de
l’Agence universitaire de la Francophonie, 2004, nous a particulièrement servi dans ce cas.
8. Les États et gouvernements membres et observateurs de l’OIF étaient saisis officiellement par
un questionnaire comportant, entre autres, la question suivante : «Quelle est l’estimation du nombre
de francophones? Préciser : Francophones (personnes capables de faire face, en français, aux situations
de communication courante) et Francophones partiels (personnes ayant une compétence réduite en français,
leur permettant de faire face à un nombre limité de situations).»
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
La comparaison entre les estimations produites antérieurement et celles-ci est par conséquent
déconseillée dans le cas de plusieurs pays. C’est par le recours à trois grandes sources de données
que ce nouveau processus de validation a pu être mis en œuvre.
Sources de données
À quelques exceptions près, estimer le nombre de francophones dans les États membres et
observateurs n’est pas une tâche facile. Peu de pays ont à leur disposition une base de données
qui présente un volet très élargi sur la connaissance des langues, quelle qu’en soit la définition.
Pour analyser les estimations produites par les pays, trois sources de données ont été mobilisées :
les recensements, les enquêtes sur des thèmes divers ayant en commun de permettre d’induire
des informations sur la connaissance du français et les données sur l’éducation.
Recensements
Dans la majorité des pays membres et observateurs, un recensement de la population est
effectué tous les cinq ou 10 ans et les données sont mises à la disposition des requérants sur
demande. Les recensements constituent une source de données idéale pour produire des
estimations car les questionnaires sont normalement remplis par l’ensemble des habitants du
territoire, ce qui nous fournit un portrait complet et totalement représentatif de la population
à l’étude. D’un pays à l’autre, les questions posées dans les recensements varient. Certains
recensements tiennent sur une page alors que d’autres contiennent plusieurs questions réparties
sous différents thèmes. Cependant, mis à part le recensement canadien qui compte un volet
linguistique très détaillé, peu de recensements comportent plus d’une question sur les langues.
Dans la majorité des recensements européens et asiatiques, une seule question est
posée sur la langue. Très souvent, il s’agit d’une question portant sur la langue maternelle.
Cependant, cette seule question n’est pas suffisante pour valider les estimations du nombre
de francophones car dans la très grande majorité des pays membres et observateurs de l’OIF,
la langue française n’est pas la principale langue maternelle des habitants. Par conséquent,
il n’est pas possible de repérer au moyen de cette seule question les gens qui connaissent
peut-être la langue française mais qui déclarent une autre langue maternelle. Il s’agit là d’une
part très importante des francophones dans le monde.
Dans quelques recensements figure une question sur la langue maternelle et sur la
langue d’usage au foyer. Les réponses à cette question nous permettent d’identifier des
francophones supplémentaires, c’est-à-dire les francophones qui n’ont pas le français comme
langue maternelle mais qui parlent cette langue à la maison. Toutefois, dans plusieurs pays, ces
francophones «supplémentaires» sont peu nombreux et ne représentent pas l’ensemble des
francophones qui connaissent la langue française bien qu’elle ne soit ni leur langue maternelle
ni leur langue d’usage au foyer. Les résultats obtenus ne sont donc pas non plus suffisants
pour valider les estimations.
Dans certains pays, dont la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie, s’ajoute à la question sur la
langue maternelle une question sur la connaissance d’autres langues. Le répondant est dès
lors en mesure d’affirmer s’il connaît une autre langue que sa langue maternelle, et de préciser
laquelle ou lesquelles. Par ce biais, il est aisément possible de valider les estimations du nombre
de francophones, puisqu’est révélé le nombre de personnes qui ont une connaissance de la
langue française, que le français soit langue maternelle ou non. Malheureusement, peu de
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
pays posent une telle question à l’occasion de leurs recensements, ce qui nous contraint à
utiliser d’autres sources pour procéder à la validation des estimations.
Dans quelques pays africains, une question sur la langue d’usage ou sur la langue couramment parlée est ajoutée. Ces deux questions ne permettent d’estimer que très sommairement
le nombre de francophones, car ne peuvent pas être comptabilisés ceux qui n’utilisent pas
le français à la maison ou qui parlent plus couramment une autre langue. Cependant, dans
quelques États, une question sur la langue dans laquelle le répondant sait lire et écrire est présente. Sachant que le français n’est qu’à de très rares exceptions près une langue maternelle et
qu’il est appris à l’école, le nombre de personnes alphabétisées en français recouvre la quasitotalité des francophones. Toutefois, comme précisé plus loin, le fait d’utiliser cette variable
amène à modifier la définition des francophones dans certains États africains.
Dans plusieurs pays africains, les recensements sont une excellente source de données
puisqu’ils permettent de dénombrer les francophones alphabétisés qui constituent, comme
dit précédemment, la part majoritaire des francophones locaux. Toutefois, plusieurs de ces
recensements ne sont pas très récents. En Europe, les recensements sont généralement produits
tous les 10 ans alors que dans certains pays africains, les intervalles de temps intercensitaires ne
sont pas constants. De plus, étant donné que la comptabilisation et l’analyse des questionnaires
prennent du temps, il n’a pas toujours été possible dans le présent rapport de valider le
dénombrement des francophones avec les tout derniers recensements produits (cas du
Burundi). Malgré ces inconvénients, il n’en reste pas moins que plus de 20 pays membres
et observateurs de l’OIF possèdent une base de données tirée des recensements où
des variables sur la connaissance des langues sont disponibles et suffisantes pour avancer des
estimations fiables pour quelques pays africains et européens ainsi que pour le Canada.
Enquêtes
Pour beaucoup de pays, les questions posées sur les langues dans les recensements ne sont
pas suffisantes pour estimer le nombre de francophones. Par conséquent, pour étayer ses
estimations, l’OIF a eu recours aux données tirées d’enquêtes réalisées dans certains pays
européens et africains. Les enquêtes, quel qu’en soit le thème, s’adressent généralement à une
classe d’âge précise de la population. La nature de l’information varie en fonction du thème
de l’enquête et des questions qui y sont reliées. Très peu d’enquêtes nationales contiennent un
volet linguistique. Pour pallier cette lacune, dans le cas des pays européens, l’OIF s’est fondée sur
les résultats tirés de deux enquêtes réalisées par Eurostat dans plus d’une vingtaine de pays au
cours des dernières années. Dans le cas des pays africains, les Enquêtes démographiques et de
santé (EDS), financées par l’Agence américaine pour le développement international (USAID)
et réalisées dans plus de 85 pays, collectent entre autres des données sur la scolarisation et
l’alphabétisation. Bien qu’aucune question ne soit directement posée sur la connaissance des
langues, des informations obtenues sur l’alphabétisation permettent d’évaluer indirectement
le nombre de francophones pour plusieurs pays africains dans lesquels le français est la langue
d’enseignement.
Au total, les données d’enquêtes auront permis de valider les estimations du nombre de
francophones dans près d’une quinzaine de pays africains et d’une vingtaine de pays européens.
Bien souvent, ces enquêtes ne concernent pas l’ensemble de la population et les
questions sont régulièrement posées aux gens âgés de 15 ans et plus. Dès lors, pour dresser
19
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
un portrait de l’ensemble de la population francophone, il a fallu mobiliser des données sur
l’éducation, et plus précisément sur le nombre d’élèves inscrits à des cours de français, langue
d’enseignement, langue seconde ou langue étrangère.
Données concernant l’éducation
Une section des questionnaires adressés par l’OIF aux États portait sur l’éducation. Dans cette
section, il était demandé d’inscrire le nombre d’élèves recevant des cours en français ou des cours
de français langue seconde/étrangère et ce, pour les niveaux primaire, secondaire et supérieur.
Pour certains pays, notamment dans le cas des pays européens, ces données ont permis d’estimer
le nombre des «jeunes francophones», c’est-à-dire des francophones âgés de moins de 15 ans.
Dans les pays où le français est la langue d’enseignement, nous avons également obtenu le
nombre de jeunes francophones par le biais des données diffusées en ligne par l’Institut de
statistique de l’Unesco (ISU)1. Chaque année, l’ISU collecte de nombreuses données concernant
une multitude de variables liées à l’éducation dans tous les pays du monde. Ces données
sont communiquées par les ministères de l’Éducation et sont libres d’accès. Dans certains
cas, les données de l’ISU ont permis de confirmer les données communiquées par les États.
Par le biais des trois sources précédemment évoquées, nous avons été en mesure de valider
les estimations de près de 50 pays des continents américain, européen, africain et asiatique.
Malheureusement, pour près d’une vingtaine de pays, il n’aura pas été possible de faire aboutir
le processus de validation, faute de données. Pour ces pays, nous avons donc dû appuyer nos
estimations sur les chiffres fournis dans les derniers rapports portant sur le nombre d’apprenants,
le taux de scolarisation et sur certaines enquêtes réalisées par les réseaux de chercheurs de
l’Agence universitaire de la Francophonie. La méthodologie suivie pour produire ces estimations
varie d’une région du monde à l’autre. En effet, en fonction des données disponibles et du statut
de la langue dans chaque pays, une méthodologie adaptée devait être appliquée. Dans la suite
de ce chapitre sont précisées la méthodologie et les sources de données utilisées. La définition
des francophones et les résultats obtenus pour certains pays sont également commentés.
Afrique et Moyen-Orient
Dénombrer les francophones en Afrique et au Moyen-Orient est très complexe car le
statut de la langue française varie énormément d’un pays à l’autre. Alors que dans certains
pays, le français est la seule langue officielle, dans d’autres il est une des langues officielles et
dans d’autres encore, il n’a aucun statut. Il en est de même pour la langue d’enseignement.
Certains pays membres ou observateurs ont un système d’éducation où le français est la
seule langue d’enseignement, d’autres offrent une éducation en français à partir d’un certain
niveau scolaire seulement, en alternance avec une autre langue du pays. Dans d’autres pays
enfin, le français est uniquement enseigné comme langue étrangère. Conséquemment,
sachant en plus que le type de données disponibles varie largement d’un pays à l’autre, il est
impossible d’appliquer une méthode d’estimation uniforme pour cette trentaine de pays.
Pour choisir la méthodologie appropriée à chaque pays, cet ensemble a été divisé en deux
catégories : une première catégorie de pays où le français est la seule langue d’enseignement
et où une première méthode d’estimation indirecte a été appliquée ; une seconde catégorie
de pays où le français n’est pas la seule langue d’enseignement ou bien est enseigné à
1. http://www.uis.unesco.org/ev.php?ID=2867_201&ID2=DO_TOPIC.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
titre de langue étrangère et pour lesquels une méthodologie beaucoup plus simple a suffi .
Bien évidemment, cette catégorisation suppose l’obtention de données externes pour
produire les estimations. Ainsi, plusieurs pays ont dû être placés dans une catégorie « Autres »
pour laquelle la méthode d’estimation est moins rigoureuse et un peu plus subjective.
Cette catégorie est reprise en fin de section car elle ne comprend pas uniquement des pays
africains.
Pays où le français est la seule langue d’enseignement
Dans les pays où le français est la seule langue d’enseignement, même si les données directes
sur la connaissance des langues sont insuffisantes, nous sommes en mesure d’évaluer assez
justement le nombre de francophones par le biais de données sur l’éducation. Puisque les
individus apprennent le français à l’école (où le français est la seule langue d’enseignement),
la population des francophones équivaut à peu près à la population scolarisée du pays. Par
conséquent, dès lors que le recensement donne le nombre de personnes alphabétisées, le
nombre approximatif de francophones est connu. Certes, le niveau de compétence varie en
fonction du nombre d’années d’études, mais cette variable permet tout de même de dresser
un portrait assez complet et réaliste de la situation. Dans plusieurs pays africains où le français
est la seule langue d’enseignement, soit les recensements ne contenaient pas de question sur
la langue d’alphabétisation, soit ils dataient de plusieurs années, voire de plus d’une décennie.
L’objectif ultime de notre exercice étant de produire des estimations qui soient les plus justes
et les plus actuelles possible, une autre source de données a été mobilisée, à laquelle a été
appliquée une méthode d’estimation indirecte.
Méthode d’estimation indirecte
L’objectif de cette méthode est d’estimer le pourcentage de personnes qui ont une
connaissance de la langue française, qu’elle soit partielle ou complète, dans les pays africains
où le français est la principale langue d’enseignement. Elle a été développée par une étudiante
démographe, Camille Bouchard-Coulombe, grâce à une bourse du ministère des Relations
internationales du Québec ; cette étudiante a effectué un stage professionnel à l’Observatoire
de la langue française. Sa méthode a été validée par Richard Marcoux, responsable de l’ODSEF,
partenaire de l’OIF.
Dans plusieurs pays africains, les données issues des recensements ou des enquêtes ne nous
permettent pas d’estimer directement la proportion de personnes ayant une connaissance
de la langue française car aucune question n’est posée sur le sujet. Pour pallier cette lacune,
Camille Bouchard-Coulombe s’est basée sur le travail de Moussa Bougma2 . Dans son étude,
M. Bougma a utilisé les données des recensements burkinabés de 1985, 1996 et 2006 dans
le but d’analyser l’évolution des dynamiques linguistiques au Burkina Faso. Sachant que le
français est la langue officielle du pays mais que plusieurs autres langues détiennent le statut
de langues nationales ou locales, il s’est, entre autres, intéressé à la place du français dans cette
société par rapport aux autres langues en considérant les variables sur l’alphabétisation et la
langue couramment parlée.
2. Moussa Bougma, Dynamique des langues locales et de la langue française au Burkina Faso : un éclairage
à travers les recensements généraux de la population (1985, 1996 et 2006), rapport de recherche de l’ODSEF
(Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone), Université Laval, Québec, 2010, http://
www.odsef.fss.ulaval.ca/Upload/odsef_rrmbougma2010._18022010_110928.pdf.
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
À partir des données du recensement burkinabé de 1985, M. Bougma (2010) a élaboré
une grille dans laquelle la proportion des personnes alphabétisées en français est inscrite
en fonction du nombre d’années d’études et du groupe d’âge (tableau 1). Le tableau tient
uniquement compte de la population âgée de 10 ans et plus. Par exemple, si nous nous
référons à cette grille, nous savons que sur 100 personnes âgées de 35 à 44 ans et qui
ont poursuivi trois années d’études, 71,86 d’entre elles sont alphabétisées en français.
Cette grille nous démontre donc que nous pouvons estimer indirectement le nombre
de personnes alphabétisées en français même si nous n’avons pas l’information. Pour ce
faire, il suffit de créer, pour un pays africain donné, un tableau dans lequel l’effectif de
population est catégorisé selon le groupe d’âge et le nombre d’années d’études (tableau 2).
Une fois ce tableau produit, nous appliquons les proportions de M. Bougma (2010) à
l’effectif correspondant. Prenons l’exemple où nous savons que 2 620 personnes ont entre
10 et 24 ans et ont suivi cinq années d’études. Sachant que 95,14 % (tableau 1) de ces
personnes sont alphabétisées en français, il suffit de faire le calcul 2 620 x 95,14 % pour
savoir que sur ces 2 620 personnes 2 493 sont réellement alphabétisées en français. Une
fois ce calcul fait pour chaque cellule du tableau (tableau 3), nous additionnons l’ensemble
des effectifs obtenus. Cette somme nous donne concrètement le nombre de personnes
que nous estimons de façon indirecte comme alphabétisées en français. En divisant le
nombre d’individus que nous estimons alphabétisés en français par la population totale,
nous obtenons le pourcentage des personnes qui ont une connaissance du français pour
un pays africain donné (tableau 4).
TABLEAU 1 : PROPORTION % DES PERSONNES ALPHABÉTISÉES EN FRANÇAIS
EN FONCTION DU NOMBRE D’ANNÉES D’ÉTUDES SELON LES
GROUPES D’ÂGE AU RECENSEMENT DE 1985
Nombre
d’années
d’études
0
Groupe d’âge
10-24
0,03
25-34
35-44
45-54
0,09
0,06
0,08
55+
Total
0,05
0,06
1
31,89
32,25
36,90
38,54
34,62
32,49
2
44,57
44,60
45,84
47,16
46,69
44,72
3
68,04
70,56
71,86
66,75
63,62
68,62
4
87,50
85,97
84,15
83,68
79,59
87,11
5
95,14
93,42
92,23
92,47
88,39
94,76
6
97,76
96,82
96,44
95,88
92,53
97,35
7
99,13
96,03
97,81
92,09
96,92
98,81
8
99,09
95,93
96,23
93,55
93,18
98,58
9
98,83
96,38
97,19
97,93
89,33
98,32
10
98,56
96,62
97,12
96,92
94,18
97,84
11
99,17
95,51
96,06
96,90
95,65
98,28
12
99,09
96,28
97,10
93,44
98,15
98,26
13+
99,31
97,96
95,62
93,20
93,20
98,30
Source : M. Bougma, op. cit., 2010, p. 61.
22
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
TABLEAU 2 : POPULATION FICTIVE RÉPARTIE SELON LE GROUPE D’ÂGE
ET LE NOMBRE D’ANNÉES D’ÉTUDES
Nombre
d’années
d’études
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Groupe d’âge
10-24
25-34
35-44
45-54
55+
Total
8 200
6 944
4 711
3 843
5 111
52 780
597
184
94
53
42
3 925
1 479
499
248
146
116
4 915
2 178
2 448
2 620
554
522
935
228
260
516
155
102
257
110
78
176
4 585
3 945
4 711
1 945
445
246
202
208
3 078
2 298
1 821
227
169
52
24
1 287
272
227
46
37
1 871
1 143
347
348
81
56
1 979
773
225
211
94
79
1 385
461
99
77
39
18
696
476
205
189
149
27
1 046
13+
550
564
328
231
100
1 774
Total
25 978
12 023
7 852
5 450
6 183
88 986
N.B. : Les totaux ne correspondent pas toujours à la somme de leurs éléments constituants en raison de la suppression des chiffres
après la virgule.
TABLEAU 3 : POPULATION FICTIVE ALPHABÉTISÉE EN FRANÇAIS UNE FOIS
LES PROPORTIONS CORRESPONDANTES APPLIQUÉES
Nombre
d’années
d’études
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Groupe d’âge
10-24
25-34
35-44
45-54
55+
Total
2
6
3
3
3
17
190
59
35
21
14
319
659
223
114
69
54
1 119
1 482
391
163
103
70
2 210
2 142
449
218
85
62
2 956
2 493
1 901
1 805
1 275
874
430
218
261
476
237
166
219
237
194
48
43
156
192
23
34
4 236
2 954
2 260
1 832
1 130
335
338
79
50
1 932
10
762
217
205
91
75
1 350
11
458
95
74
38
17
682
12
471
197
184
139
27
1 019
13+
Total
547
15 317
552
313
216
93
1 721
4 308
2 745
1 366
871
24 608
N.B. : Les totaux ne correspondent pas toujours à la somme de leurs éléments constituants en raison de la suppression des chiffres
après la virgule.
23
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
TABLEAU 4 : ESTIMATION DE LA PROPORTION DE FRANCOPHONES
Individus alphabétisés en français
24 608
Population totale (10 ans et plus)
57 486
88 986
Population totale
Population francophone
(rapportée à la population 10 ans +)
42,8 %
Population francophone
(rapportée à la population totale)
27,8 %
Pays à l’étude
Nous avons été en mesure d’appliquer cette méthode à 13 pays africains car bien que
certains pays aient un système d’éducation où le français est la seule langue d’enseignement,
faute de données sur l’éducation, ces pays ont dû être classés dans la catégorie «Autres»,
développée dans une autre section. Les pays à l’étude sont les suivants : Bénin – Burkina
Faso – Centrafrique – Congo – Congo (République démocratique du) – Côte d’Ivoire –
Gabon – Guinée – Mali – Niger – Sénégal – Tchad – Togo.
Sources
Comme mentionné, pour appliquer la méthode d’estimation indirecte, il faut simplement
bâtir un tableau dans lequel la population de chaque pays est catégorisée en fonction du
groupe d’âge des individus et du nombre d’années d’études atteint. Pour dresser ces tableaux
ont été exploitées les données des fichiers « ménages » des enquêtes EDS. Ces enquêtes ont
été réalisées dans plus de 85 pays et concernent principalement la fécondité, la mortalité
et la santé des individus interrogés. Financées par la United States Agency for International
Development (USAID), elles collectent une multitude d’informations sur chacun des
membres des ménages étudiés, qui forment un échantillon représentatif de la population,
et sont utilisées aux fins de nombreuses études. Dans chacune des études sont posées des
questions sur l’éducation. À partir des variables hv108 (éducation en année) et hv105 (âge),
il est très facile de construire le tableau de base auquel appliquer ensuite les proportions de
M. Bougma. Pour plusieurs pays à l’étude, différentes enquêtes EDS ont été réalisées dans
les 15 dernières années. Par conséquent, dans plusieurs pays, le nombre de francophones a
pu être estimé à deux moments précis dans le temps. Lorsque nous disposions de ces deux
estimations, nous avons actualisé le pourcentage de francophones en 2010 à l’aide d’une
projection linéaire. Dans les cas où nous ne disposions pas de deux enquêtes, nous avons
dû appliquer le taux ressortant de l’enquête disponible à la population de 2010 du pays
correspondant.
Pour quelques pays cités dans cette section, des données tirées d’un recensement ou
d’enquêtes nationales permettaient d’estimer le nombre de francophones. La méthode
d’estimation indirecte leur a également été appliquée dans le but de comparer les résultats
de cette méthode aux résultats tirés des recensements et des enquêtes, et de s’assurer ainsi
de la validité de la méthode d’estimation indirecte. En comparant les données nationales
béninoises, burkinabées et sénégalaises aux résultats obtenus à l’aide des enquêtes EDS et de
la méthode d’estimation indirecte, nous avons constaté que les estimations du nombre des
francophones étaient les mêmes. La fiabilité de cette nouvelle méthodologie d’estimation du
nombre de francophones dans les pays où le français est la seule langue d’enseignement se
trouve donc vérifiée.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Limites
Bien que cette méthode permette d’estimer indirectement le nombre de francophones dans
des pays où, à première vue, il était impossible de le faire directement à partir des données
disponibles, elle comporte néanmoins certaines limites qu’il convient de préciser.
Francophones âgés de 10 ans et plus
De nombreuses études, dont celles de M. Bougma (2010) et de l’Unesco, démontrent qu’il faut
environ quatre à six années d’études pour être à l’aise dans une langue. Sachant que les enfants
entrent à l’école vers six ans, ils commenceraient donc à maîtriser la langue française vers l’âge de
10 ans. Par conséquent, nous pouvons valablement les considérer comme francophones à partir
de cet âge. N’ayant pas de données sur la connaissance des langues à l’oral, quel que soit l’âge,
nous n’avons pas d’autre choix que de baser nos estimations sur des données de scolarisation.
Par le fait même, nos francophones ne peuvent théoriquement pas avoir moins de 10 ans. En
estimant la population francophone âgée de 10 ans et plus, deux choix se présentent à nous.
Nous pouvons soit présenter la proportion de francophones (âgés de 10 ans et plus) par rapport
à la population totale, soit la rapporter à la population totale âgée de 10 ans et plus. Selon l’une ou
l’autre option, les résultats sont grandement modifiés dans les pays africains où la population est
très jeune. Prenons, par exemple, le cas du Congo où plus de deux millions de personnes âgées de
10 ans et plus sont estimées francophones. Rapporté à la population totale, le nombre permet de
conclure que 56 % de la population congolaise est francophone en 2010, alors que la proportion
de francophones était estimée à 60 % dans le dernier rapport. Si ce nombre est rapporté au total
des personnes âgées de 10 ans et plus, la proportion de francophones s’élève à 78 %.
Francophones et alphabétisation
Dans les rapports précédents, les francophones étaient définis en fonction de leur capacité
à s’exprimer en français. Une personne ne sachant ni lire ni écrire cette langue, dans la
mesure où elle la parlait, était tout de même considérée comme francophone. Par le biais
de la méthode d’estimation indirecte ne peuvent être pris en compte que les francophones
sachant lire et écrire le français. Ce qui pose problème, notamment en Côte d’Ivoire, où la
proportion de francophones «informels», c’est-à-dire de personnes parlant le français mais
ne sachant ni le lire, ni l’écrire, semblerait assez importante. Toutefois, très rares sont les pays
où des données sur l’aptitude des gens à parler le français sont disponibles. Conséquemment,
en ayant recours à cette méthode d’estimation indirecte, nous sommes conduits à modifier
la définition des francophones dans tous les pays africains où nos estimations sont produites
à partir de données liées à la scolarisation. Sont donc définis comme francophones tous ceux
qui savent lire et écrire la langue française, indépendamment du niveau de compétence.
Une seule catégorie de francophones
Dans les rapports précédents, les francophones étaient scindés en deux catégories. Dans la
première catégorie se trouvaient les francophones définis comme personnes «capables de
faire face, en français, aux situations de communication courante». Dans la deuxième catégorie
figuraient les «francophones partiels», c’est-à-dire les personnes «ayant une compétence
réduite en français, leur permettant de faire face à un nombre limité de situations». La méthode
d’estimation indirecte ne nous permet pas de distinguer aussi aisément deux catégories de
francophones. Certes, il serait possible de considérer tous les gens ayant achevé le cycle d’études
primaires comme francophones, et comme francophones partiels tous ceux qui n’ont pas terminé
leurs études primaires. Cependant, comme déjà précisé, la méthode ne permet pas d’évaluer le
25
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06/09/10 10:30
CHAPITRE
1
Panorama chiffré
niveau de compétence des individus concernés. Par conséquent, il serait totalement arbitraire et
subjectif de diviser les francophones en deux catégories en fonction du nombre d’années d’études,
d’autant que les âges d’entrée et de sortie comme les taux de redoublement sont variables. Nous
avons donc fait le choix de grouper en une seule catégorie tous les francophones estimés à partir
de cette méthode, donc tous les francophones issus de pays où le français est la seule langue
d’enseignement et pour lesquels nous disposons de données tirées des enquêtes EDS.
Exemples
Le recours à cette nouvelle méthodologie entraîne une forme de cassure avec les estimations
publiées dans les derniers rapports. En effet, puisque la méthodologie, la définition et la population
étudiée ne sont plus les mêmes, nous ne pouvons pas comparer les estimations de 2010 à celles
présentées antérieurement. Dans les rapports précédents, les estimations étaient communiquées
par les États sans que les sources soient précisées. Une des exigences du présent rapport était de
valider ces estimations au moyen de sources fiables et actuelles. Conséquemment, pour certains
pays comme le Burkina Faso, les estimations antérieures ont dû être revues à la hausse. Alors que
5 % des Burkinabés étaient considérés comme francophones dans le dernier rapport, l’utilisation
de nouvelles sources de données a permis de confirmer qu’en réalité 20 % des Burkinabés sont
francophones en 2010 et que 30 % de la population burkinabée âgée de 10 ans et plus est
francophone. Pour d’autres pays, on constate que les précédents rapports manquaient de précision
dans l’estimation. Par exemple, au Sénégal, où 31 % de la population était estimée francophone en
2006-2007 (dont 21 % de francophones partiels), les nouvelles données nous permettent d’estimer
les francophones, sans distinction de niveau, à 24 % de la population totale et à 35 % de la population
âgée de 10 ans et plus. Pour d’autres pays encore, comme le Mali, les estimations des derniers
rapports se trouvent confirmées. 16 % des Maliens étaient considérés comme francophones dans
le dernier rapport ; ils représentent 18 % de la population totale en 2010.
Les estimations produites cette année s’inscrivent davantage comme un «nouveau
départ» plutôt que dans un processus de continuité. Bien qu’elles ne permettent pas, en toute
rigueur, de mesurer l’évolution du nombre de francophones pour les pays considérés depuis
le dernier rapport, en contrepartie, elles permettent de valider la plupart des estimations
produites antérieurement et d’avoir une image plus juste, bien que minimaliste, de la situation.
Pays où le français n’est pas la seule langue d’enseignement,
ou bien est enseigné à titre de langue étrangère ou seconde
Dans les pays où le français n’est pas la seule langue d’enseignement et où il est enseigné à titre de
langue étrangère/seconde, c’est l’existence de données nationales sur la connaissance des langues
qui a rendu possible l’estimation des francophones. Cinq pays sont concernés par cette méthode
de validation : Cameroun – Comores – Maroc – Mauritanie – Rwanda.
Mis à part pour le Cameroun, l’ensemble des données permet de valider les estimations tirées
des recensements nationaux. Dans le cas du Cameroun, les données proviennent de la troisième
enquête camerounaise auprès des ménages 2007 (ECAM3). Bien entendu, d’un pays à l’autre,
les questions figurant dans les recensements ne sont pas les mêmes. Dans le cas du Cameroun
et des Comores, les estimations du nombre de francophones ont pu être validées au moyen de
données concernant la langue dans laquelle les habitants savent lire et écrire. Au Cameroun et
aux Comores, la question a été posée aux gens âgés de 15 ans et plus. Pour les trois autres pays
(le Maroc, la Mauritanie et le Rwanda), des informations étaient disponibles sur la/les langue(s)
parlée(s) par les répondants. Au Maroc et en Mauritanie, la question était posée aux individus âgés
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
de 10 ans et plus, et au Rwanda, aux individus de tous âges. Grâce à ces données, les estimations
du nombre de francophones dans ces cinq pays d’Afrique ont pu facilement être validées.
Limites
L’utilisation de ces données permet de confirmer ou d’avancer des estimations à partir de chiffres
crédibles et fiables. Leur exploitation trouve cependant deux limites. Premièrement, à l’exception du Rwanda (où la question était posée à toute la population), nous sommes contraints
d’estimer le nombre de francophones à partir d’un certain âge, soit 10 ans ou 15 ans. Il est
vrai qu’un nombre très faible d’enfants de moins de 10 ans sont susceptibles d’être considérés
comme francophones, surtout dans un pays où le français n’est pas la langue d’enseignement.
En revanche, dans le cas du Cameroun et des Comores, où le nombre de francophones est estimé en tenant compte uniquement des personnes âgées de 15 ans ou plus, il s’agit d’une vraie
lacune que nous n’avons pas les moyens de combler. Nous pourrions certes utiliser les données
sur l’éducation, mais ne disposant pas de données par groupe d’âge, il nous est difficile d’estimer
le nombre de francophones comoriens et camerounais âgés de 10 à 15 ans. Deuxièmement,
les données n’étant pas les mêmes d’un pays à l’autre, la définition du mot «francophone»
peut également varier selon les pays. Alors qu’au Cameroun et au Comores, les francophones
sont définis comme ceux sachant lire et écrire en français, au Maroc, en Mauritanie et au
Rwanda, ils sont définis comme ceux qui parlent la langue française, à quelque niveau de
compétence que ce soit. Là encore, dans le premier cas, il y a un risque de sous-estimation du
nombre de francophones.
La vigilance s’impose
Il faut être très vigilant dans l’analyse des résultats car ils ne sont pas forcément comparables
avec les résultats présentés dans les derniers rapports. Puisque les estimations concernent la
population âgée de 10 ou 15 ans et plus, il est impossible de les inclure dans une perspective
de continuité avec les estimations diffusées dans les années antérieures. À titre d’exemple,
alors que 45 % de la population camerounaise était estimée francophone dans le rapport de
2006-2007, les données de l’enquête camerounaise nous ont permis de constater que, bien
que 36 % de la population camerounaise totale soit alphabétisée en français, ce sont en fait
60 % des Camerounais âgés de 15 ans et plus qui le sont dans cette langue.
Europe
En Europe, hormis les États et gouvernements où le français est langue officielle (souvent aux
côtés d’autres langues), le statut de la langue française est celui de langue étrangère. Il a donc
été plus simple de valider les estimations du nombre de francophones car nous avons appliqué une méthode uniforme à l’ensemble des pays à partir des données (peu nombreuses) de
quelques enquêtes nationales et européennes sur l’éducation. Des estimations sur le nombre
de francophones ont ainsi été produites pour 19 des 26 pays européens.
Sources
À l’exception des données sur l’éducation, les pays européens sont peu nombreux à fournir
des données nationales de nature linguistique, que ce soit par le biais des recensements ou
des enquêtes nationales. Pratiquement aucune donnée concernant la connaissance de la
langue française n’est disponible. Et lorsque des données sont disponibles, elles concernent
davantage la langue maternelle ou la langue d’usage au foyer. Ces deux variables ne nous
suffisent donc pas pour produire des estimations réalistes du nombre de francophones à
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
l’échelle nationale d’un pays. Toutefois, à l’échelle européenne, des données sur les langues sont
disponibles via deux enquêtes réalisées par Eurostat. Comme ces enquêtes contiennent des
variables concernant le niveau de connaissance de la langue française, il nous a été possible de
classer les francophones en deux catégories («francophones» et «francophones partiels»)
ainsi que précédemment. Par conséquent, en Europe, la définition des francophones reste
identique à celle donnée dans les derniers rapports.
Enquête Eurobaromètre 63.4 : Les Européens et les langues
En 2005, Eurostat a axé l’une de ces enquêtes Eurobaromètre1 sur la connaissance des
langues dans plus de 25 États membres de l’Union européenne, ainsi qu’en Bulgarie, Croatie,
Roumanie, Turquie et dans la communauté chypriote turque (pays alors candidats à l’UE).
Dans chaque pays, un échantillon représentatif de la population âgée de 15 ans et plus a été
interrogé. Des questions concernant la langue maternelle ainsi que la connaissance d’autres
langues (avec des précisions sur les niveaux de compétence) lui ont été adressées. Lorsque
les participants affirmaient avoir la connaissance d’une langue étrangère, ils devaient qualifier
leur niveau de connaissance en choisissant parmi trois réponses : basique, bon ou très bon.
À partir des résultats de cette enquête, nous avons été en mesure d’estimer la proportion de
gens âgés de 15 ans et plus qui soit ont le français comme langue maternelle, soit ont une
connaissance partielle ou complète de cette langue à titre de langue étrangère.
Enquête sur l’éducation des adultes
En 2007, Eurostat a réalisé une enquête sur l’éducation des adultes dans 29 pays européens2 .
L’objectif était de collecter des données sur l’éducation tout au long de la vie des adultes âgés
de 25 à 64 ans vivant dans des ménages privés. Cette enquête a le grand avantage d’avoir
concerné un échantillon assez important des populations européennes et de contenir un
volet sur la connaissance des langues. Une fois de plus, les participants devaient préciser leur
langue maternelle, les langues étrangères qu’ils maîtrisaient ainsi que leur niveau de connaissance
(basique, bon, très bon).
Enquête suisse
La Suisse n’étant ni membre de ni candidate à l’Union européenne, Eurostat n’a pas réalisé
les deux enquêtes précédemment mentionnées sur ce territoire. Toutefois, dans le cadre
d’un programme national de recherche intitulé «Diversité des langues et compétences
linguistiques en Suisse», une enquête sur les conditions favorables et défavorables au
multilinguisme3 a été produite en 2006. Le questionnaire a été adressé à un échantillon
représentatif de la population âgé de plus de 18 ans. Dans le cadre de cette enquête, il a
été possible de récolter des données par niveau sur la connaissance de la langue française
dans les régions linguistiques suisses. Les questions sur la connaissance du français étaient
posées à tous les Suisses qui n’avaient pas le français comme langue maternelle. Pour pallier
cette lacune, nous avons aussi eu recours aux données sur la langue maternelle tirées du
recensement suisse de 2000.
1. Eurostat, «Les Européens et les langues», Eurobaromètre Spécial 237 – Vague 63.4 – TNS Opinion &
Social, 2005, http://www.dglf.culture.gouv.fr/rapport/eurobarometre.pdf.
2. Eurostat, Adult Education Survey, 2007.
3. Sprachkompetenzen der erwachsenen Bevölkerung in der Schweiz, Institut für Sprachwissenschaft,
Iwar Werlen, août 2008.
28
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Enquête luxembourgeoise
Dans le cadre de l’enquête luxembourgeoise «Baleine Bis4» effectuée en 2008, il a été
possible de recueillir des informations sur la connaissance des langues parmi la population
luxembourgeoise âgée de 18 à 70 ans. Eurostat n’ayant pas effectué l’enquête sur l’éducation
des adultes au Luxembourg, l’enquête «Baleine Bis» a permis de corroborer les résultats fournis
par l’enquête «Eurobaromètre». Les résultats portent non seulement sur la connaissance
générale des langues mais aussi sur l’utilisation des langues au travail, à la maison, dans les
commerces et restaurants, etc.
Enquête andorrane
Andorre n’étant pas non plus membre de l’Union européenne, aucune étude concernant les
langues dirigée par Eurostat n’est disponible pour ce pays. Toutefois, une étude nationale5
très récente portant sur la connaissance et l’utilisation des langues en Andorre nous a permis de dénombrer les francophones dans cet État. Cette étude, conduite en 2009 avec un
échantillon représentatif de la population âgée de 15 ans et plus, comportait en effet plus
de 60 questions portant sur la connaissance et l’utilisation des langues dans toutes les sphères
de la vie privée et publique des individus.
Méthode
En combinant les différentes sources de données européennes aux données sur l’éducation,
nous avons donc été en mesure d’estimer le nombre de francophones dans plus de 19 pays
européens. Sachant que les données des enquêtes européennes mentionnées plus haut
concernent soit la population âgée de 15 ou 18 ans et plus, soit la population âgée de 25
à 64 ans, soit encore la population âgée de 18 à 70 ans, nous avons utilisé les données de
l’éducation pour estimer le nombre de francophones plus jeunes. Ainsi, les apprenants du
français et en français sont intégrés à nos calculs. Par ailleurs, une des vertus majeures des
enquêtes européennes est d’avoir interrogé les répondants sur leur niveau de compétence.
Puisque les données disponibles répartissent les francophones selon un niveau basique, bon
ou très bon, nous avons pu distinguer les francophones des francophones partiels. Sont
considérés comme francophones tous les apprenants en français et tous ceux ayant un
niveau de connaissance bon et très bon de la langue française ; comme francophones partiels,
les apprenants du français et tous ceux qui ont une connaissance basique de la langue.
Dans le cadre de son enquête sur l’éducation des adultes, Eurostat n’a toutefois pas collecté
de données en Roumanie. Pour estimer le nombre de francophones, nous n’avons donc pu
que combiner les données de l’enquête «Eurobaromètre» et les données sur l’éducation.
Enfin, le manque de données sur l’Albanie, l’Arménie, l’ex-République yougoslave de
Macédoine, la Géorgie, la Moldavie, Monaco et la Serbie ne nous a pas permis d’appliquer
cette méthode pour estimer la population francophone de ces sept pays. Ils ont donc été
placés dans la catégorie «Autres».
Autres
Pour certains pays membres et observateurs de la Francophonie, aucune donnée externe ne
nous a permis d’estimer le nombre de francophones. Pour certains de ces pays, les réponses
4. Baleine Bis, une enquête sur un marché linguistique multilingue en profonde mutation, Luxemburgs
Sprachenmarkt im Wandel, Fernand Fehlen, février 2009.
5. Coneixements i usos lingüístics de la població d’Andorra 2009 : situació actual i evolució 1995-2009,
Centre de Recerca Sociòlogica, septembre 2009.
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CHAPITRE
1
Panorama chiffré
apportées aux questionnaires adressés par l’OIF aux États ont paru cohérentes avec les estimations précédentes. Nous avons donc intégré ces réponses dans le tableau des estimations.
Pour d’autres pays, faute de données externes et de réponses des États, nous avons reporté
les estimations présentées dans le rapport précédent. Pour l’ensemble de ces pays, nous avons
toutefois tenu compte de la place du français dans le système éducatif et des données sur la
scolarisation. C’est en nous appuyant sur ces données que nous avons pu valider les estimations communiquées par les États, ou décidé de reprendre les estimations antérieures.
Bibliographie
Recensements
Algérie, 1998 et 2008 ; Arménie, 2001 ; Bénin, 2002 ; Bulgarie, 2001 ; Burkina Faso, 2006 ;
Cambodge, 2008 ; Canada, 2006 ; Comores, 2003 ; Hongrie, 2005 (microrecensement) ;
Lettonie, 2000 ; Lituanie, 2001 ; Mali, 1998 ; Maroc, 2004 ; Mauritanie, 2000 ; Niger, 2001 ;
Rwanda, 2002 ; Sénégal, 2002 ; Serbie, 2002 ; Slovénie, 2002 ; Suisse, 2000 ; Tchad, 1993 ;
Ukraine, 2001.
Enquêtes démographiques et de santé (EDS)
Bénin, 2001 et 2006 ; Burkina Faso, 1998-1999 et 2003 ; Centrafrique, 1994 ; Congo, 2005 ;
République démocratique du Congo, 2007 ; Côte d’Ivoire, 1998-1999 et 2005 ; Gabon, 2000 ;
Guinée, 1999 et 2005 ; Mali, 2001 et 2006 ; Niger, 1998 et 2006 ; Sénégal, 1999 et 2005 ; Tchad,
2004 ; Togo, 1998.
Enquêtes
– Eurostat, «Les Européens et les langues», Eurobaromètre Spécial 237 – Vague 63.4 – TNS
Opinion & Social, 2005, http://www.dglf.culture.gouv.fr/rapport/eurobarometre.pdf.
– Eurostat, Adult Education Survey, 2007.
– Sprachkompetenzen der erwachsenen Bevölkerung in der Schweiz, Institut für Sprachwissenschaft,
Iwar Werlen, août 2008.
– Baleine Bis, une enquête sur un marché linguistique multilingue en profonde mutation,
Luxemburgs Sprachenmarkt im Wandel, Fernand Fehlen, février 2009.
– Coneixements i usos lingüístics de la població d’Andorra 2009 : situació actual i evolució 19952009, Centre de Recerca Sociòlogica, septembre 2009.
– Moussa Bougma, Dynamique des langues locales et de la langue française au Burkina
Faso : un éclairage à travers les recensements généraux de la population (1985, 1996 et 2006),
rapport de recherche de l’ODSEF (Observatoire démographique et statistique de l’espace
francophone), Université Laval, Québec, 2010, http://www.odsef.fss.ulaval.ca/Upload/odsef_
rrmbougma2010._18022010_110928.pdf.
– World Population Prospects : The 2008 Revision Population Database, http://esa.un.org/
unpp/.
30
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CHAPITRE
2
Approche
démolinguistique
La population francophone
du Canada d’après les recensements
récents : définitions, répartition
géographique et évolution1
Deux stratégies peuvent être utilisées pour estimer l’effectif d’un groupe linguistique. La première consiste à former des catégories mutuellement exclusives pour les estimer. Par exemple, la
ventilation de la population selon la langue maternelle ou encore selon la langue parlée le plus
souvent en milieu familial définit une série de modalités dont chacune correspond à un groupe
linguistique particulier, sous réserve, bien sûr, d’une répartition «convenable» des réponses
doubles, voire triples, ce qui ne fait pas problème lorsque leur fréquence est faible. C’est la stratégie qui fut adoptée au Canada par le gouvernement fédéral, l’estimation des «francophones»
et des «anglophones» découlant de l’application des mêmes règles. On présentera dans la suite
les définitions opératoires retenues dans les versions successives de la loi sur les langues officielles, soit la langue maternelle pour la version de 1969 et la première langue officielle
parlée pour la version de 1988. Rien n’empêche d’avoir plutôt recours à une stratégie qui centre
l’attention sur un seul groupe linguistique. Cela permet d’élargir les critères d’appartenance sans
se préoccuper des chevauchements implicites avec les autres groupes linguistiques. On présentera à ce propos une estimation fondée sur la capacité de tenir une conversation en français, ce
qui procure une approximation du nombre de locuteurs du français. Certains d’entre eux ont
une langue maternelle ou une langue prédominante différente du français.
Après avoir présenté les différentes définitions opératoires utilisées, on décrira la répartition
géographique des francophones d’après le recensement de 2006, puis son évolution au cours des
dernières décennies2 . L’évolution de la population francophone est résumée par la répartition
des personnes concernées par âge, laquelle procure aussi un premier aperçu de leur avenir.
1. Article rédigé par Réjean Lachapelle (rejean.lachapelle@ucs.inrs.ca), chercheur invité, Centre
Urbanisation Culture Société, Institut national de la recherche scientifique.
2. On trouvera une présentation détaillée des questions linguistiques posées dans les recensements
récents et des statistiques qu’on peut en tirer dans Réjean Lachapelle, «L’information démolinguistique
et les définitions de "francophone" à des fins statistiques au Canada», Actes du séminaire international
sur la méthodologie d’observation de la langue française dans le monde, Organisation internationale de la
Francophonie, Paris, du 12 au 14 juin 2008, p. 163-178 (www.francophonie.org/IMG/pdf/Contributions_
Ecrites-Seminaire_methodologie_observation_langue_francaise.pdf).
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
Les définitions de «francophone»
et des locuteurs du français
Après avoir détaillé les définitions de «francophone» fondées sur la langue maternelle
et sur la première langue officielle parlée, une définition supplémentaire, plus large, sera
présentée. Celle-ci correspond à l’ensemble des locuteurs du français, francophones comme
«francophiles». On entend ici par «francophiles» les non-francophones qui peuvent
tenir une conversation en français. Toutes ces définitions se fondent sur les trois questions
linguistiques de base des recensements récents portant sur la langue maternelle, la langue
parlée le plus souvent à la maison et la connaissance du français et de l’anglais.
La question sur la langue maternelle (LM) est ainsi libellée dans le questionnaire du
recensement de 2006 (le questionnaire ayant une présentation dite matricielle, les questions
en ligne et les membres du ménage en colonne) :
«Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison
dans son enfance et qu’elle comprend encore ?» (Les caractères gras figurent sur le
questionnaire. On sera toujours fidèle dans la suite à la présentation du recensement.)
Une instruction suit : «Si cette personne ne comprend plus la première langue apprise,
indiquez la seconde langue qu’elle a apprise.»
Le libellé de la question a peu changé depuis le recensement de 1941. On posait une
condition plus stricte avant ce recensement : il fallait que la première langue apprise fût
encore parlée. La définition s’écarte quelque peu des normes internationales en raison de la
condition à laquelle il faut satisfaire pour déclarer que la première langue apprise à la maison
dans l’enfance est la langue maternelle. La condition «encore comprise» entraîne toutefois
une sous-estimation négligeable de la population de langue maternelle française, sauf dans
les milieux à très faible densité francophone. Toujours est-il qu’il serait difficile de modifier la
définition de la langue maternelle dans le recensement puisque celle-ci apparaît à l’article 23
(sur les droits à l’instruction dans la langue de la minorité) de la charte canadienne des droits
et libertés insérée dans la Constitution du Canada en 1982.
La première langue officielle parlée est une variable linguistique créée à partir des trois
questions de base posées dans les recensements décennaux depuis 1971 et de ceux de la midécennie depuis 1986. Outre la langue maternelle, les réponses à deux autres questions sont
mobilisées : celle sur la connaissance du français et de l’anglais et celle sur la langue parlée le
plus souvent à la maison.
Posée pour la première fois durant le recensement de 1901, la question relative à
la connaissance du français et de l’anglais a peu varié depuis le recensement de 1971.
En 2006, elle était formulée comme suit :
«Cette personne connaît-elle assez bien le français ou l’anglais pour soutenir une
conversation ?» Quatre possibilités de réponse étaient offertes : «Français seulement» ;
«Anglais seulement» ; «Français et anglais» ; enfin, «Ni français ni anglais».
La réponse est laissée à l’appréciation des personnes recensées, sans doute dans beaucoup
de cas à la personne dans le ménage qui remplit le questionnaire pour tous. Il s’agit d’une
question subjective. Les réponses seraient sans doute différentes pour certaines personnes
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
si, au lieu de mentionner «une conversation», on indiquait soit «une brève conversation»
soit «une conversation assez longue sur divers sujets». Tout changement important dans le
libellé de la question compromettrait la comparabilité chronologique sans en faire disparaître
le caractère subjectif. On peut considérer comme locuteurs du français les recensés ayant
déclaré à la question soit «Français seulement» soit «Français et anglais».
Une nouvelle question linguistique fut ajoutée pour le recensement de 1971. Elle portait
sur la langue parlée le plus souvent à la maison. En 2006, la question était libellée comme suit :
«Quelle langue cette personne parle-t-elle le plus souvent à la maison ?» Comme pour
la question relative à la langue maternelle, trois possibilités de réponse sont proposées :
«Français» ; «Anglais» ; «Autre – Précisez» (cette dernière proposition est suivie d’un espace
vierge).
Dès les années 1970, les informations tirées de cette question ont été souvent recoupées
avec celles portant sur la langue maternelle pour estimer la mobilité linguistique. Certains
auteurs préfèrent parler d’assimilation linguistique. Certes, la proportion des personnes de
langue maternelle française qui parlent l’anglais le plus souvent à la maison est un indice parmi
d’autres de l’assimilation linguistique, mais ce n’est pas le seul. Il ne faut pas confondre du reste
l’usage prédominant de l’anglais à la maison avec l’abandon de la langue maternelle française.
La variable première langue officielle parlée (PLOP) divise la population en quatre
modalités, deux modalités principales, français pour l’une et anglais pour l’autre, et deux
modalités résiduelles, français et anglais dans un cas et ni français ni anglais dans l’autre. Elle est
créée en trois étapes. En premier lieu sont classées dans la modalité «français» les personnes
ayant déclaré pouvoir soutenir une conversation en français, mais non en anglais, et dans
la modalité «anglais» celles qui ont indiqué pouvoir soutenir une conversation en anglais,
mais non en français. En deuxième lieu, on fait appel aux réponses à la question sur la langue
maternelle pour classer les cas non résolus (les personnes ayant déclaré ignorer le français et
l’anglais ou, à l’inverse, celles ayant déclaré pouvoir parler les deux langues officielles) : sont
classées dans la modalité «français» les personnes ayant déclaré pour langue maternelle le
français ou le français et une langue autre que l’anglais ; la modalité «anglais» est assignée
de la même manière. En troisième lieu, on a recours, mutatis mutandis, aux réponses à la
question sur la langue parlée le plus souvent à la maison pour classer les cas non encore
résolus. Persistent ensuite deux modalités résiduelles que l’information utilisée n’a pas permis
de classer dans l’une ou l’autre des modalités principales.
La modalité «ni anglais ni français» rassemble les personnes ayant déclaré avoir une
tierce langue maternelle (c’est-à-dire une langue maternelle autre que le français ou l’anglais)
et parler le plus souvent à la maison une tierce langue, et ayant indiqué ne pouvoir soutenir
une conversation ni en français ni en anglais. Quant à l’autre modalité résiduelle, «français
et anglais», elle est formée neuf fois sur 10 de personnes ayant déclaré avoir une tierce langue maternelle, parler le plus souvent à la maison une tierce langue et pouvoir soutenir une
conversation et en français et en anglais. Il y a aussi un petit nombre de personnes ayant
déclaré avoir le français et l’anglais en tant que double langue maternelle et aussi en tant que
double langue parlée le plus souvent à la maison tout en ayant indiqué pouvoir soutenir une
conversation tant en français qu’en anglais. Les modalités principales regroupaient 97,3 % de
la population en 2006, la catégorie «français et anglais», 1,1 %, et la catégorie «ni français ni
anglais», 1,6 % (tableau 1).
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
TABLEAU 1 : POPULATION SELON LA LANGUE MATERNELLE ET LA PREMIÈRE
LANGUE OFFICIELLE PARLÉE, CANADA, QUÉBEC ET CANADA À L’EXTÉRIEUR
DU QUÉBEC, 2006
Langue maternelle
Zone
Canada
Langue(s)
Anglais
31 241 030 23 197 095
Anglais
17 882 780 17 879 570
Français
Anglais
Ni anglais
et français ni français
7 204 390
331 925
507 620
Français
plus*
7 370 353
3 205
0
0
3 205
Français
6 817 650
32 705
6 784 950
0
0
6 784 950
Autre
6 147 840
4 985 785
350 975
303 455
507 625
502 703
98 625
50 310
24 300
24 020
0
36 310
Anglais
et autre
240 010
239 625
380
0
0
380
Français
et autre
43 340
4 325
39 010
0
0
39 010
Anglais,
français
et autre
10 795
4 780
1 565
4 450
0
3 790
7 435 900
885 445
6 263 945
218 555
67 955
6 373 223
575 555
572 835
2 720
0
0
2 720
5 877 660
1 235
5 876 430
0
0
5 876 430
886 280
283 750
333 055
201 525
67 950
433 818
Anglais
et français
43 335
10 120
19 070
14 150
0
26 145
Anglais
et autre
16 200
15 925
280
0
0
280
Français
et autre
31 350
245
31 100
0
0
31 100
Anglais,
français
et autre
5 515
1 335
1 300
2 880
0
2 740
Total
23 805 130 22 311 650
940 445
113 370
439 665
997 130
Anglais
17 307 225 17 306 735
485
0
0
485
Total
Anglais
Français
Autre
Canada
moins
le Québec
Total
Total
Anglais
et français
Québec
Première langue officielle parlée
939 990
31 470
908 520
0
0
908 520
5 261 560
4 702 035
17 920
101 930
439 675
68 885
55 290
40 190
5 230
9 870
0
10 165
Anglais
et autre
223 810
223 700
100
0
0
100
Français
et autre
11 990
4 080
7 910
0
0
7 910
Anglais,
français
et autre
5 280
3 445
265
1 570
0
1 050
Français
Autre
Anglais
et français
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
TABLEAU 1 : POPULATION SELON LA LANGUE MATERNELLE ET LA PREMIÈRE
LANGUE OFFICIELLE PARLÉE, CANADA, QUÉBEC ET CANADA À L’EXTÉRIEUR
DU QUÉBEC, 2006
Langue maternelle
Zone
Langue(s)
Première langue officielle parlée
Total
Anglais
Anglais
Ni anglais
et français ni français
Français
Français
plus*
Répartition (en %) selon la langue maternelle
Canada
Québec
Canada
moins
le Québec
Total
100
74,2
23,1
1,1
1,6
Anglais
100
100
0
0
0
0
Français
100
0,5
99,5
0
0
99,5
Autre
Anglais
et français
Anglais
et autre
Français
et autre
Anglais,
français
et autre
100
81,1
5,7
4,9
8,3
8,2
100
51,0
24,6
24,4
0
36,8
100
99,8
0,2
0
0
0,2
100
10
90
0
0
90
100
44,3
14,5
41,2
0
35,1
Total
100
11,9
84,2
2,9
0,9
85,7
Anglais
100
99,5
0,5
0
0
0,5
Français
100
0
100
0
0
100
Autre
Anglais
et français
Anglais
et autre
Français
et autre
Anglais,
français
et autre
100
32
37,6
22,7
7,7
48,9
100
23,4
44
32,7
0
60,3
100
98,3
1,7
0
0
1,7
100
0,8
99,2
0
0
99,2
100
24,2
23,6
52,2
0
49,7
Total
100
93,7
4
0,5
1,8
4,2
Anglais
100
100
100
3,3
0
96,7
0
0
0
0
0
96,7
100
89,4
0,3
1,9
8,4
1,3
100
72,7
9,5
17,9
0
18,4
100
100
0
0
0
0
100
34
66
0
0
66
100
65,2
5
29,7
0
19,9
Français
Autre
Anglais
et français
Anglais
et autre
Français
et autre
Anglais,
français
et autre
23,6
N.B. : Les totaux ne correspondent pas toujours à la somme de leurs éléments constitutifs en raison de l’arrondissement aléatoire
indépendant de chaque cellule effectué par Statistique Canada.
* : La modalité «Français plus» correspond à la somme de la modalité «Français» et de la moitié de la modalité «Anglais et français».
Source : Recensement du Canada, 2006.
35
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
On n’a pas fait mention de la variable première langue officielle parlée avant 1989, un
an après l’adoption de la seconde version de la loi sur les langues officielles. La loi sur les
langues officielles de 1969 faisait plutôt référence à la langue maternelle dans le contexte des
dispositions visant à la création des districts bilingues. La définition par la langue maternelle
a l’inconvénient d’exclure une fraction croissante de la population qui n’a ni le français ni
l’anglais comme langue maternelle. De 13 % de la population en 1971, la proportion tenue
par les langues maternelles tierces dans l’ensemble du Canada est passée à 15 % en 1991 et à
20 % en 2006. Cette hausse a été observée dans toutes les provinces, notamment au Québec
(de 6 % en 1971 à 12 % en 2006) et en Ontario (de 16 % en 1971 à 27 % en 2006), en raison
de la montée de l’immigration à partir du milieu des années 1980. Celle-ci est composée en
grande majorité de personnes ayant une langue maternelle tierce. On désigne souvent ce
tiers groupe linguistique par le terme «allophone».
Plus de 85 % des personnes dont la langue maternelle unique est autre que le français ou
l’anglais ont comme première langue officielle parlée, à l’échelle du Canada, le français (5,7 %)
ou l’anglais (81,1 %). Au Québec, une forte proportion des allophones a le français et l’anglais
comme première langue officielle parlée (22,7 %), alors qu’à l’extérieur du Québec, ils sont
très peu nombreux (1,9 %) et, parmi les allophones, l’anglais (89,4 %) y domine nettement
le français (0,3 %). Au Québec, le français (37,6 %) surclasse légèrement l’anglais (32,0 %).
Les déplacements linguistiques des allophones vers le français ou l’anglais résultent non
seulement de l’adoption de l’une ou l’autre langue officielle comme langue parlée le plus
souvent à la maison, mais encore de l’«unilinguisme» français ou anglais des allophones qui
parlent toujours leur langue maternelle le plus souvent à la maison.
La quasi-totalité des recensés ayant pour langue maternelle unique le français ou
l’anglais reçoivent le même classement à la première langue officielle parlée, sauf pour les
francophones vivant à l’extérieur du Québec. En effet, 3 % d’entre eux ont l’anglais pour
première langue officielle parlée : ceux-ci ne peuvent soutenir une conversation en français.
Ces pertes sont compensées par des gains aux dépens des tierces langues maternelles et des
langues maternelles doubles pour lesquelles le français est combiné avec l’anglais ou avec une
tierce langue maternelle.
La notion de première langue officielle parlée est mentionnée explicitement dans
le Règlement sur les langues officielles – communications avec le public et prestation des
services, adopté par le gouvernement fédéral en décembre 1991. On y décrit dès l’article 2
la méthode utilisée pour déterminer «la première langue officielle parlée». De plus, pour
estimer les minorités de langue officielle, l’anglophone au Québec et la francophone dans les
autres provinces et territoires, le règlement stipule qu’il faut ajouter à la modalité principale
appropriée la moitié des effectifs de la modalité «français et anglais». C’est ce qu’on fera
dans la suite tant pour les minorités que pour les majorités de langue officielle. La modalité
résiduelle «ni français ni anglais» ne sera pas répartie.
Pour la langue maternelle, on procédera sensiblement de la même manière. Les réponses
multiples seront également réparties entre les langues déclarées et s’ajouteront aux réponses
uniques.
Répartition territoriale des francophones
L’histoire du peuplement français aux xviie et xviiie siècles explique en bonne partie la
répartition géographique actuelle de la population francophone. Un peu plus de 85 %
des francophones résident en effet au Québec (tableau 2). C’est la seule province où les
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
francophones sont majoritaires au Canada. Une autre province, le Nouveau-Brunswick,
a une proportion de francophones supérieure à la moyenne nationale (22 % pour la langue
maternelle et 24 % pour la première langue officielle parlée). En effet, dans cette province
située à l’est du Québec, les francophones représentent près du tiers de la population.
Ailleurs au Canada, la proportion de francophones est partout inférieure à 5 %, encore que
le nombre de francophones soit deux fois plus élevé en Ontario, province la plus populeuse
du Canada, qu’au Nouveau-Brunswick.
TABLEAU 2 : POPULATION FRANCOPHONE D’APRÈS LA LANGUE MATERNELLE
LM, LA PREMIÈRE LANGUE OFFICIELLE PARLÉE PLOP ET LES LOCUTEURS
DU FRANÇAIS, AU TOTAL ET NON MATERNELS, 2006
Région
Terre-Neuve-et-Labrador
Population
totale
Francophones
LM
500 610
Locuteurs du français
PLOP
2 053
Total
1 933
Non maternels
23 765
21 713
Île-du-Prince-Édouard
134 205
5 606
5 133
17 160
11 554
Nouvelle-Écosse
903 090
33 702
32 223
96 010
62 308
Nouveau-Brunswick
719 650
235 275
235 128
313 835
78 560
Québec
7 435 905
5 916 843
6 373 223
7 028 740
1 111 898
Ontario
12 028 895
510 241
537 595
1 426 535
916 294
1 133 510
45 516
43 123
105 450
59 934
Manitoba
953 850
16 789
14 848
47 935
31 146
Alberta
3 256 355
64 748
62 785
225 085
160 338
Colombie-Britannique
4 074 385
58 883
61 735
297 715
238 832
Saskatchewan
Yukon
30 195
1 165
1 180
3 545
2 380
Territoires du Nord-Ouest
41 055
1 001
1 005
3 715
2 714
Nunavut
29 325
385
425
1 190
805
Canada moins le Québec
2 3805 125
975 362
997 110
2 561 940
1 586 578
Canada
31 241 030
6 892 205
7 370 333
9 590 680
2 698 475
1,6
0,4
0
0,1
0
0,1
0,2
0,2
0,8
0,4
Répartition en %
Terre-Neuve-et-Labrador
Île-du-Prince-Édouard
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Québec
Ontario
Manitoba
Saskatchewan
2,9
0,5
0,4
1
2,3
2,3
23,8
38,5
3,6
3,4
85,8
7,4
0,7
3,2
86,5
7,3
0,6
3,3
73,3
14,9
1,1
2,9
41,2
34,0
2,2
3,1
0,2
0,2
0,5
1,2
10,4
0,9
0,9
2,3
5,9
Colombie-Britannique
13
0,9
0,8
3,1
8,9
Yukon
0,1
0
0
0
0,1
Territoires du Nord-Ouest
0,1
0
0
0
0,1
0,1
76,2
100
0
14,2
100
0
13,5
100
0
26,7
100
0
58,8
100
Alberta
Nunavut
Canada moins le Québec
Canada
37
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
TABLEAU 2 : POPULATION FRANCOPHONE D’APRÈS LA LANGUE MATERNELLE
LM, LA PREMIÈRE LANGUE OFFICIELLE PARLÉE PLOP ET LES LOCUTEURS
DU FRANÇAIS, AU TOTAL ET NON MATERNELS, 2006
Région
Population
totale
Francophones
LM
Locuteurs du français
PLOP
Total
Non maternels
Composition en %
Terre-Neuve-et-Labrador
100
0,4
0,4
4,7
4,3
Île-du-Prince-Édouard
100
4,2
3,8
12,8
8,6
Nouvelle-Écosse
100
3,7
3,6
10,6
6,9
Nouveau-Brunswick
100
32,7
32,7
43,6
10,9
Québec
100
79,6
85,7
94,5
15
Ontario
100
4,2
4,5
11,9
7,6
Manitoba
100
4
3,8
9,3
5,3
Saskatchewan
100
1,8
1,6
5
3,3
Alberta
100
2
1,9
6,9
4,9
Colombie-Britannique
100
1,4
1,5
7,3
5,9
Yukon
100
3,9
3,9
11,7
7,9
Territoires du Nord-Ouest
100
2,4
2,4
9
6,6
Nunavut
100
1,3
1,4
4,1
2,7
Canada moins le Québec
100
4,1
4,2
10,8
6,7
Canada
100
22,1
23,6
30,7
8,6
N.B. : Le nombre de francophones inclut, tant pour la LM que pour la PLOP, une partie des réponses multiples, celles-ci étant également réparties entre les langues indiquées ou assignées.
Source : Recensement de 2006.
Le nombre de francophones par la première langue officielle parlée excède le nombre
de francophones par la langue maternelle dans les trois provinces du Québec, de l’Ontario et de
la Colombie-Britannique. Ces provinces reçoivent un grand nombre d’immigrants allophones.
Leurs déplacements linguistiques vers le français compensent les pertes attribuables aux
personnes de langue maternelle française qui déclarent ne pouvoir soutenir une conversation
en français. Les gains sont importants au Québec et, par conséquent, dans l’ensemble du pays :
le nombre de francophones par la langue maternelle s’élève à 6,9 millions en 2006, nombre
inférieur à celui des francophones par la première langue officielle parlée, soit 7,4 millions.
Si l’on ajoute aux locuteurs maternels du français (6,9 millions) les locuteurs non maternels
(2,7 millions), on obtient un total de 9,6 millions de locuteurs du français. Même si la propension
des personnes de langue maternelle autre que française à parler français est beaucoup plus élevée
au Québec (73 %) que dans le reste du pays (7 %), le Québec est néanmoins minoritaire (41,2 %)
parmi les locuteurs non maternels du français dans l’ensemble du Canada, car la population de
langue maternelle autre que française n’y représente que 20 % de la population totale, contre
67 % au Nouveau-Brunswick et plus de 95 % dans les autres provinces et territoires. Quant aux
locuteurs du français qui ne parlent pas anglais, leur nombre s’élève à 4,1 millions, dont 97 %
vivent au Québec.
La répartition géographique des francophones dépend peu de la variable utilisée pour les
définir, langue maternelle ou première langue officielle parlée. On s’en tiendra dans la suite à
la seconde définition.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Répartition des francophones au Canada
YUKON
1 200
TERRITOIRES DU NORD-OUEST
1 000
Océan
Atlantique
NUNAVUT
400
TERRE-NEUVEET-LABRADOR
1 900
COLOMBIEBRITANNIQUE
61 700
Océan
Pacifique
ALBERTA
62 800
SASKATCHEWAN
14 800
MANITOBA
43 100
QUÉBEC
6 373 200
ONTARIO
537 600
ÎLE-DUPRINCEÉDOUARD
5 100
NOUVEAUBRUNSWICK
235 100
Nombre de francophones* par province ou territoire
et pourcentage de francophones selon la division de recensement, 2006
peu
peuplé
0 à 4,9 %
5 à 9,9 %
10 à 19,9 %
* Francophones : population ayant le Français comme première langue officielle parlée
(y compris la moitié de la catégorie français et anglais)
20 à 49,9 %
0
50 à 84,9 %
NOUVELLEÉCOSSE
32 200
500 km
85 % et plus
Source : Statistique Canada, recensement de la population de 2006
Au Nouveau-Brunswick et en Ontario, les francophones se concentrent surtout dans les
régions proches du Québec et, du côté québécois, la population non francophone représente
une proportion plus élevée dans les régions limitrophes de ces provinces ou des États-Unis
(cf. carte supra1). Presque toutes les divisions de recensement2 (DR) où les francophones
représentent 85 % ou plus de la population se trouvent au Québec. Il y a une exception : la
division de Madawaska (94 % de francophones), au Nouveau-Brunswick, qui jouxte la frontière
du Québec. Près de six francophones du Canada sur 10 (58 %) vivent dans l’ensemble de ces
divisions de recensement. Cette vaste région se situe pour l’essentiel de part et d’autre des
rives du Saint-Laurent, ancien foyer du peuplement français aux xviie et xviiie siècles. Près d’un
Canadien sur sept (14 %) vit dans cette région, qui regroupe 4,5 millions3 de personnes en 2006,
et le nombre de francophones qui y habitent s’élève à 4,3 millions, soit 96 % de la population.
Cette région essentiellement francophone est entourée d’une zone tampon qui la sépare
des régions essentiellement anglophones du pays, là où la proportion de francophones est inférieure à 5 %. Ces régions regroupent 69 % de la population du pays. Les francophones n’y re1. La couleur de la classe statistique à laquelle appartient une division de recensement est projetée non pas
sur l’ensemble de son territoire, mais seulement sur son écoumène ou sa surface habitée. Cela évite de surestimer
pour l’œil l’importance réelle des DR dont une grande partie du territoire n’est pas habitée. Un jeu de cartes très
variées sur la situation démolinguistique du Canada est accessible à l’adresse électronique suivante :
http://atlas.nrcan.gc.ca/site/francais/maps/peopleandsociety/lang/languages2006.
2. Il y a 288 divisions de recensement au recensement de 2006, dont 98 au Québec, 49 en Ontario et 15
au Nouveau-Brunswick. Une division de recensement correspond à un groupement de municipalités voisines
les unes des autres qui sont réunies pour des besoins de planification régionale et de gestion de services.
Les divisions de recensement sont créées en vertu des lois en vigueur dans certaines provinces. Dans les autres
juridictions, Statistique Canada définit des régions équivalentes à des fins statistiques en collaboration avec
les provinces et territoires concernés.
3. Ce nombre est équivalent à la population combinée des trois territoires, des quatre provinces de
l’Atlantique, du Manitoba et de la Saskatchewan.
39
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
présentent que 2 % de la population. À l’extérieur du Québec, près de 40 % des francophones
vivent dans cette vaste région où ils résident en majorité dans les grandes régions urbaines.
La zone tampon est constituée, du côté québécois, de plusieurs DR de la grande région
de Montréal qui ont des proportions de francophones inférieures à 85 % : Longueuil (84,6 %),
Avignon (83,9 %), Argenteuil (81 %), Laval (80 %), Brome-Missisquoi (76 %), VaudreuilSoulanges (74 %), Le Haut-Saint-Laurent (69 %) et Montréal (île) (65 %). À noter qu’à Montréal
(île), la proportion tenue par la langue maternelle française est inférieure à 50 % (49,8 %).
Les déplacements linguistiques des allophones poussent la proportion de francophones à
65 %. La proportion de francophones est inférieure à 50 % dans la DR Nord-du-Québec
(47 %)1 et dans celle de Pontiac (41 %), seule division de recensement à majorité anglophone
(59 %) ; la DR de Pontiac est limitrophe de l’Ontario. D’autres divisions de recensement ont
des proportions de francophones comprises entre 50 % et 85 % à l’ouest du Québec (surtout
en Outaouais), en Estrie (zone au voisinage de la frontière avec les États-Unis au sud de
Montréal) et en Gaspésie (zone proche de la frontière avec le Nouveau-Brunswick).
Au Québec, 60 % de la population (4,4 millions d’habitants) vit dans des divisions de
recensement où la proportion de francophones est égale à 85 % ou plus. Les deux tiers des
francophones de la province y vivent. Ils représentent 96 % de la population habitant ces
divisions. En revanche, 40 % de la population (trois millions d’habitants) réside dans les DR où
la proportion de francophones est inférieure à 85 %. Un tiers des francophones y vivent et ils
y représentent 70 % de la population.
Les DR situées au nord et à l’est du Nouveau-Brunswick ont des proportions élevées de
francophones. Outre à Madawaska, ils sont majoritaires à Gloucester (85 %), à Kent (73 %) et à
Restigouche (64 %) ; ils représentent aussi des proportions importantes à Westmorland (43 %),
à Victoria (43 %) et à Northumberland (26 %). Toutes les DR du sud de la province ont des
proportions de francophones inférieures à 10 %.
En Ontario, une seule division de recensement a une majorité de francophones : PrescottRussell (67 %), division qui jouxte le Québec au sud-est de l’Ontario. Deux autres DR ont
plus de 10 % de francophones dans la même région : Stormont, Dundas et Glengarry (23 %),
et Ottawa (17 %). Dans le nord-est de la province, plusieurs divisions comptent plus de 10 %
de francophones : Cochrane (47 %), Grand Sudbury (28 %), Sudbury (27 %), Nipissing (25 %)
et Temiskaming (25 %). Toutes les autres DR de l’Ontario ont moins de 10 % de francophones.
En Nouvelle-Écosse, quatre divisions de recensement ont plus de 10 % de francophones :
Digby (32 %) et Yarmouth (21 %) au sud-ouest, Richmond (22 %) et Inverness (15 %) au nordest. Dans le reste du pays, il n’y a qu’une division dans laquelle les francophones représentent
plus de 10 % : la Division n° 2 (13 %) au sud-est du Manitoba.
Évolution de la population francophone
De 1971 à 2006, la proportion des francophones est passée au Canada de 27 % à 22 % d’après
la LM et de 28 % à 24 % d’après la PLOP (graphique 1). Le nombre de francophones a néanmoins continué d’augmenter, quelle que soit la définition adoptée, mais à un rythme plus
lent. Ainsi, l’effectif du «français plus», première langue officielle parlée, s’est accru à un taux
annuel moyen de 0,7 % de 1971 à 1996 et de 0,5 % de 1996 à 2006. L’écart entre la proportion
de francophones définis d’après la PLOP et la proportion de francophones définis d’après
1. La division Nord-du-Québec est composée d’une population en majorité de langue maternelle
autochtone. C’est pourquoi 10 % de l’ensemble de la population ne parle ni français ni anglais. Quant aux
anglophones, ils regroupent 43 % de la population.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
la LM s’est élargi quelque peu au fil des ans, ce qui témoigne de la croissance de l’attraction
du français sur les tierces langues. La part des déplacements linguistiques des tierces langues
maternelles vers le français est passée de 3 % à 7 %, niveau bien inférieur toutefois au poids
des francophones dans la population canadienne.
GRAPHIQUE 1 : ÉVOLUTION EN % DE LA FRANCOPHONIE CANADIENNE
Locuteurs du français (LF), langue maternelle (LM), première langue officielle parlée (PLOP)
et locuteurs non maternels (LNM), 1951 à 2006.
35
30
25
LM
LF
PLOP
LNM = LF-LM
20
15
10
5
0
1951
1961
1971
1981
1991 1996 2001 2006
À l’extérieur du Québec, la proportion de francophones et son évolution de 1971 à 2006
sont presque identiques que ceux-ci soient définis par la LM ou par la PLOP (graphique 2),
passant de 6 % à 4 %. Le nombre de francophones a atteint un sommet en 2006 avec un
effectif de 997 000 d’après la catégorie «français plus» de la première langue officielle parlée,
GRAPHIQUE 2 : ÉVOLUTION EN % DE LA FRANCOPHONIE
À L’EXTÉRIEUR DU QUÉBEC
Locuteurs du français (LF), langue maternelle (LM), première langue officielle parlée (PLOP)
et locuteurs non maternels (LNM), 1951 à 2006.
12
10
8
LM
LF
PLOP
LNM = LF-LM
6
4
2
0
1951
1961
1971
1981
1991 1996 2001 2006
41
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
nombre qui dépasse de peu celui des francophones d’après la langue maternelle (975 000). Le
français n’accueille qu’environ 0,5 % des très nombreux déplacements linguistiques des tierces
langues maternelles en 1971 et en 2006. Si l’on ajoute la moitié des déplacements indécis,
les allophones assignés à la modalité «français et anglais», la proportion de l’ensemble des
déplacements linguistiques vers le français passe à 1,5 % tant en 1971 qu’en 2006. Le NouveauBrunswick fait un peu exception. La proportion des déplacements linguistiques vers le français
y est passée de 5 % en 1971 à 9 % en 2006. Les déplacements linguistiques y sont toutefois très
peu nombreux en raison du faible nombre d’allophones.
Au Québec, au cours des 20 dernières années, la hausse de l’immigration a pesé sur l’évolution de la proportion des francophones définis par la langue maternelle, passant de 80,7 %
en 1971 à 82,5 % en 1981 et à 81,4 % en 2001 ; elle a ensuite chuté à 79,6 %, soit une perte
de 1,5 point en 5 ans (graphique 3). Sauf au cours du dernier lustre, la baisse de la proportion de francophones a été atténuée par le déclin de la proportion d’anglophones. L’évolution du poids des francophones définis d’après la première langue officielle parlée («français plus») est plus régulière : il affiche une hausse de 82,5 % en 1971 à 86,3 % en 2001, puis
descend à 85,7 % en 2006, ce qui représente une baisse de 0,6 point, plus faible que celle de
la langue maternelle. Grâce aux déplacements linguistiques des tierces langues maternelles
vers le français, l’écart entre la proportion tenue par le «français plus», première langue officielle parlée, et la proportion du français, langue maternelle, est passé de 1,8 point en 1971
à 3,8 points en 1991 et à 6,1 points en 2006. La proportion des déplacements des tierces
langues maternelles vers le français a augmenté de 1971 à 2006, passant de 30 % à 54 %.
GRAPHIQUE 3 : ÉVOLUTION EN % DE LA FRANCOPHONIE QUÉBÉCOISE
Locuteurs du français (LF), langue maternelle (LM), première langue officielle parlée (PLOP)
et locuteurs non maternels (LNM), 1951 à 2006.
100
90
80
70
LM
LF
PLOP
LNM = LF-LM
60
50
40
30
20
10
0
1951
1961
1971
1981
1991 1996 2001 2006
Au Québec comme dans le reste du pays, la proportion de locuteurs seconds ou non maternels de chaque langue officielle a évolué à la hausse au cours des dernières décennies. À l’extérieur du Québec, la proportion de locuteurs seconds du français est restée assez faible, bien
qu’elle ait néanmoins progressé de 2 % en 1961 à 3 % en 1971 et à 7 % en 2006. Au Québec,
celle-ci a augmenté plus rapidement, passant de 6 % en 1961 à 8 % en 1971 et à 15 % en 2006. Ces
valeurs ne donnent pas une bonne idée de la prévalence de la connaissance du français dans la
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
population dont le français n’est pas la langue maternelle, car celle-ci ne représente qu’environ
20 % de la population québécoise. La connaissance du français parmi les non-francophones y
est passée de 33 % en 1961 à 40 % en 1971, puis à 64 % en 1991 et à 73 % en 2006.
Répartition par âge
Le nombre de francophones vivant à l’extérieur du Québec s’élève à 997 000 d’après la première
langue officielle parlée (PLOP) et à 975 000 d’après la langue maternelle, le premier nombre dépassant le second de 2 %. Des gains nets sont enregistrés parmi les moins de 50 ans, sauf chez les
0-4 ans, et des pertes nettes parmi les 50 ans ou plus (graphique 4). Cela signifie qu’à ces âges plus
avancés les gains que procurent les déplacements des tierces langues maternelles vers le français ne compensent pas les pertes occasionnées par les déplacements vers l’anglais, attribuables
notamment aux personnes de langue maternelle française qui ne peuvent plus soutenir une
conversation dans cette langue. Parmi les plus jeunes, les gains nets en pourcentage dépassent
de loin la moyenne générale (tous âges confondus) de 2 % parmi les 5-9 ans (7 %) et surtout les
10-14 ans (12 %) ainsi que les 15-19 ans (11 %) ; les pourcentages diminuent au-delà de ces âges,
mais restent supérieurs à la moyenne jusqu’au groupe d’âge 40-44 ans. Ce profil se retrouve dans
presque toutes les provinces à l’extérieur du Québec : gains nets (parfois négatifs) en pourcentage inférieurs à la moyenne chez les 0-4 ans et au-delà de 50 ans, pourcentages supérieurs à la
moyenne dans les groupes d’âge compris entre 5-9 ans et 45-49 ans avec un sommet aux âges
scolaires, entre cinq et 20 ans, voire 25 ans. Si l’Ontario affiche sensiblement le même profil, on
n’y enregistre pas de pertes nettes au-delà de 50 ans, la moyenne d’ensemble des gains nets atteignant 5 %. Autre province à forte proportion d’allophones, la Colombie-Britannique enregistre
aussi une moyenne d’ensemble de 5 %, avec cependant des gains nets en pourcentage très élevés
entre 5 et 24 ans, mais de fortes pertes nettes en pourcentage au-delà de 50 ans.
GRAPHIQUE 4 : RÉPARTITION PAR ÂGE DE LA POPULATION FRANCOPHONE
Canada à l’extérieur du Québec, 2006
80 ans et plus
LM
PLOP
75 à 79 ans
70 à 74 ans
65 à 69 ans
60 à 64 ans
55 à 59 ans
50 à 54 ans
45 à 49 ans
40 à 44 ans
35 à 39 ans
30 à 34 ans
25 à 29 ans
20 à 24 ans
15 à 19 ans
10 à 14 ans
5 à 9 ans
0 à 4 ans
0
10
20
30
40
50
60
Effectifs en milliers
70
80
90
100
43
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
Quoi qu’il en soit, en raison de la forte baisse de la fécondité, de cinq enfants par femme à la
fin des années 1950 à 1,5 enfant par femme dans les récentes périodes quinquennales, l’effectif des
francophones a diminué rapidement du groupe d’âge 45-49 ans au groupe d’âge 0-4 ans, passant
de 95 000 à 34 000. Cette évolution annonce un vieillissement prononcé de la population.
Lorsqu’ils sont définis par la PLOP, le nombre de francophones au Québec s’élève à 6 373 000,
tandis que ce nombre s’élève à 5 917 000 s’ils le sont par la LM, le premier nombre dépassant
le second de 8 %. Des gains nets sont enregistrés à tous les âges (graphique 5). La proportion
des gains nets est nettement supérieure à la moyenne entre 30 et 39 ans (12 %), encore que la
valeur enregistrée soit bien inférieure à celle de la population anglophone. Dans l’ensemble des
déplacements nets vers le français ou l’anglais, la proportion qui se dirige vers le français est, à tous
les âges, égale ou supérieure à 50 %, sauf parmi les 80 ans et plus (47 %). Le sommet est atteint
parmi les moins de 20 ans : 65 % à 0-4 ans, 68 % à 5-9 ans, 64 % à 10-14 ans et 58 % à 15-19 ans. Dès
le groupe d’âge suivant, 20-24 ans, la proportion (51 %) passe sous la moyenne d’ensemble (54 %).
Vue d’ensemble
Les francophones du pays sont de plus en plus concentrés au Québec, qui regroupait
86 % d’entre eux en 2006, par comparaison à 84 % en 1971. La majorité des francophones
vit dans une vaste région essentiellement francophone au cœur du Québec avec un léger
débordement au Nouveau-Brunswick. Cette région avait une population de 4,5 millions
d’habitants en 2006 et se composait de 96 % de francophones. Ceux-ci représentaient 58 %
des francophones du pays.
Au Québec, la proportion de la population dont la première langue officielle parlée est le
français a connu une hausse de 1971 (82,5 %) à 2001 (86,3 %), un sommet depuis plus d’un
GRAPHIQUE 5 : RÉPARTITION PAR ÂGE DE LA POPULATION FRANCOPHONE
Québec, 2006
80 ans et plus
LM
PLOP
75 à 79 ans
70 à 74 ans
65 à 69 ans
60 à 64 ans
55 à 59 ans
50 à 54 ans
45 à 49 ans
40 à 44 ans
35 à 39 ans
30 à 34 ans
25 à 29 ans
20 à 24 ans
15 à 19 ans
10 à 14 ans
5 à 9 ans
0 à 4 ans
0
100
200
300
Effectifs en milliers
400
500
600
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
siècle, mais a fléchi à 85,7 % en 2006. La part du français dans l’ensemble des déplacements
linguistiques des allophones est passée de 34 % en 1971 à 53 % en 2006.
Le nombre de francophones vivant à l’extérieur du Québec s’accroît à un rythme relativement lent depuis une quinzaine d’années, passant de 969 000 en 1991 à 997 000 en 2006,
soit à un taux annuel moyen de 0,2 %. Leur proportion dans la population a diminué régulièrement de 1971 (6,1 %) à 2006 (4,2 %). La part du français dans les déplacements linguistiques
de plus en nombreux des allophones a peu varié, stagnant autour de 1,5 % de 1971 à 2006.
Les déplacements vers le français concernent essentiellement les moins de 50 ans et en particulier les jeunes en âge scolaire. Cet ajout atténue quelque peu la baisse rapide du nombre de
personnes de langue maternelle française d’un groupe d’âge au précédent à partir du groupe
d’âge 45-49 ans, baisse consécutive à la chute de la fécondité.
Les populations francophones : passé, présent et perspectives1
L’évolution à travers le temps et l’espace des populations francophones est largement
conditionnée par deux composantes :
1. Les tendances démographiques variées dans ce que nous pouvons nommer l’espace
francophone mondial ;
2. L’évolution des comportements linguistiques, c’est-à-dire les transformations qui s’opèrent parmi les populations qui peuvent communiquer en français. Si les tendances démographiques
(horizon 2050) sont maintenant relativement bien connues, les comportements linguistiques passés et actuels sont encore mal cernés (transferts linguistiques, multilinguisme, etc.).
Pierre Bourdieu a toutefois démontré que l’école joue un rôle considérable dans ce qu’il
nomme «le marché linguistique». Il n’est pas étonnant d’ailleurs que la fréquentation de l’école
française soit au cœur des politiques linguistiques du Québec.
L’objectif fixé ici est de dresser un portrait de l’évolution temporelle et spatiale des
populations dites francophones sur toute la planète. En nous appuyant sur quelques exemples
de pays de la Francophonie, nous tenterons d’examiner comment s’est transformée la carte
mondiale de la population francophone depuis 1960. Nous nous prêterons ensuite à un
exercice prospectif des populations francophones à l’horizon 2050 et ce, en nous appuyant
sur les plus récentes projections démographiques des Nations unies. En conclusion, nous
présenterons certains enjeux qui se dégagent de cet exercice et qui ouvrent la voie vers de
nouvelles formes de solidarités francophones.
Les tendances démographiques mondiales
Comme le souligne Henri Leridon, directeur de recherche à l’Institut national des études
démographiques (INED), il y a 40 ans, le monde connaissait un phénomène démographique
dont on n’a pas suffisamment parlé2 . En effet, à la fin des années 1960, la croissance de la
population mondiale atteignait un sommet jamais égalé, avec un taux de croissance de 2 %
par an. Depuis, ce taux a progressivement diminué, se situant aujourd’hui à un peu plus de
1. Article rédigé par Richard Marcoux, professeur titulaire à l’Université Laval (Québec) et directeur de
l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF).
2. Henri Leridon, De la croissance zéro au développement durable, «Leçons inaugurales du Collège de
France», Paris, Collège de France/Fayard, 2009.
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
1 % par an, et devrait continuer à diminuer de telle sorte que la population de la planète
pourrait se stabiliser à 9,3 milliards d’habitants durant la deuxième moitié du xxie siècle.
Ce taux de croissance démographique à l’échelle de la planète cache des disparités
importantes : ainsi le taux de croissance actuelle est presque nul pour l’Europe alors qu’il
se maintient à 2,3 % pour le continent africain. De telles tendances ont des répercussions
considérables sur le plan géographique : alors que la population du continent africain devrait
doubler d’ici 2050 pour atteindre deux milliards de personnes, la population de l’Europe se
stabilisera autour de 700 millions d’individus selon les plus récentes projections des Nations
unies. Évidemment, ces tendances contrastées ont des répercussions importantes sur la
démographie de l’espace francophone.
Qui fait partie de la Francophonie ?
L’un des problèmes auquel le démographe est confronté lorsqu’il tente un exercice prospectif
est d’abord de définir la population appartenant à cet espace francophone. Deux approches
peuvent être retenues. La première repose sur un critère politico-administratif, à savoir que
nous pouvons définir les populations francophones en regroupant les effectifs de l’ensemble
des pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Si l’on opte
pour ce regroupement et que l’on examine les tendances passées et à venir, on peut estimer
que ce sous-ensemble comptait 260 millions de personnes en 1960, près de 560 millions en
2000 et dépasserait le milliard en 2050 et ce, en s’appuyant sur les plus récentes projections
démographiques des Nations unies. Sachant que ces pays membres de l’OIF comptent des
proportions de francophones fort variées, parfois même très faibles, cette première approche
peut sembler fort insatisfaisante. Une variante de cette approche politico-administrative
consiste à s’appuyer sur une définition quelque peu plus restrictive en ne retenant que les États
membres de l’OIF où la langue française a le statut de langue officielle. Dans ce cas de figure, le
regroupement de cette trentaine de pays nous conduit à estimer sa population à 150 millions
en 1960 et à plus de 300 millions en 2000. On peut prévoir qu’elle dépasserait les 700 millions
en 2050.
Cette approche politico-administrative qui consiste à définir la population francophone
sur des critères politiques ou juridiques pose l’énorme contrainte de définir la Francophonie
sans tenir compte des locuteurs du français. Cette démarche peut être trompeuse car,
comme le soulignait feu Michel Têtu, «les pays dits francophones comptent des proportions
extrêmement variables de locuteurs francophones»1. De plus, on trouve des francophones
ailleurs que dans les pays membres de la Francophonie.
Cette dernière approche qui consisterait à tenter de dénombrer les locuteurs francophones
sur la planète, bien que séduisante a priori, pose l’énorme problème des sources de données
fiables et comparables permettant de se prêter à cet exercice. Il s’agit d’ailleurs d’une des
limites reconnues par l’OIF lors de chaque livraison de son rapport sur la Francophonie
dans le monde. L’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone
(ODSEF), créé en 2009 à l’Université Laval, avec l’appui de l’OIF, de l’AUF et du ministère
des Relations internationales du Québec, a notamment comme tâche d’identifier les sources
et les méthodologies qui permettront de mieux évaluer l’évolution des francophones à
l’échelle planétaire. Selon la déclaration de Québec sur la sauvegarde et la mise en valeur des
1. Michel Têtu, La Francophonie : histoire, problématique et perspectives, Guérin universitaire, Montréal,
1992.
46
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
POPULATION EN MILLIONS DES PAYS OÙ LE FRANÇAIS
EST LANGUE OFFICIELLE ET DES PAYS MEMBRES DE L’OIF
Estimations pour 1960 et 2000 et projections pour 2025 et 2050
1 200
1 000
800
Pays où le français
est langue officielle
600
Pays membre
de l’OIF
400
200
0
1960
2000
2025
2050
Source : World Population Prospects : The 2008 Revision Population Database, http://esa.un.org/unpp/.
recensements africains, déclaration signée en 2007 par plus d’une centaine de chercheurs du
Nord et du Sud, l’une des priorités de l’ODSEF est d’utiliser les recensements de la population et
les enquêtes démographiques afin de mieux suivre l’évolution des francophones de la planète
et ce, plus particulièrement dans les pays d’Afrique où d’importants changements se font sentir,
notamment suite aux investissements substantiels dans le domaine de l’éducation.
Les effets des actions dans le domaine de l’éducation,
Québec et Mali
On sait que l’école joue un rôle considérable dans ce que Pierre Bourdieu nomme «le marché
linguistique». Il n’est pas étonnant d’ailleurs que l’institution scolaire soit au cœur des politiques
linguistiques adoptées au Québec depuis le milieu des années 1970. En rendant obligatoire
la fréquentation de l’école française, le Québec a pu réduire considérablement les transferts
linguistiques vers l’anglais et ainsi assurer l’utilisation de la langue française auprès des nouvelles
générations. Les travaux de Réjean Lachapelle indiquent par exemple que les «locuteurs
du français», qui représentaient 87 % de la population du Québec en 1961, composaient lors
du recensement de 2006 près de 95 % de la population du Québec, dont une part importante
du million de Québécois dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais2 .
L’exemple du Québec illustre donc le fait que l’école représente un puissant transmetteur
de la langue française.
Qu’en est-il en Afrique où, selon plusieurs observateurs, se joue l’avenir de la Francophonie ? Bien sûr, les politiques linguistiques y sont fort différentes de celles que l’on trouve
au Québec, mais il est important de souligner que la langue française a le statut de langue
2. Réjean Lachapelle, «L’information démolinguistique et les définitions de "francophone" à des fins statistiques au Canada», Actes du séminaire international sur la méthodologie d’observation de la langue française dans
le monde, Organisation internationale de la Francophonie, Paris, du 12 au 14 juin 2008, p. 163-178 (www.francophonie.org/IMG/pdf/Contributions_Ecrites-Seminaire_methodologie_observation_langue_francaise.pdf).
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
officielle dans près d’une vingtaine de pays d’Afrique subsaharienne. Qui plus est, dans la plupart de ces pays, l’enseignement primaire et secondaire se fait soit exclusivement en français
ou du moins largement dans cette langue. Grâce aux enquêtes et recensements effectués
en Afrique depuis les années 1960, il est possible pour certains pays d’exploiter les réponses
aux questions sur la capacité à lire et à écrire en français comme indicateur de la population
francophone. Évidemment, cet indicateur est relativement restrictif dans la mesure où certains analphabètes peuvent s’exprimer en français. Pour les fins du présent exercice, retenons
néanmoins ce critère de capacité à lire et écrire en français et prenons le Mali comme cas de
figure pour illustrer les tendances que l’on observe en Afrique francophone.
Une vaste enquête réalisée en 1960 sur le territoire de la toute nouvelle République du
Mali a permis d’estimer à 66 000 le nombre de personnes de 10 ans et plus qui savaient lire et
écrire en français. Un quart de siècle plus tard, alors que la population du Mali avait doublé,
le nombre d’individus sachant lire et écrire en français lors du recensement de 1987 avait, lui,
été multiplié par près de 10, pour atteindre plus de 620 000.
Le recensement de 1998 nous permettait d’estimer à près de 1 million le nombre de Maliens qui savaient lire et écrire en français. Une statistique qui résume bien les transformations
qu’a connues ce pays : uniquement chez les jeunes, on comptait au Mali 180 000 enfants de 12
à 14 ans sachant lire et écrire au tournant du siècle, ce qui représente trois fois le nombre que
nous obtenions en 1960 pour la population totale. Évidemment, il s’agit d’une croissance phénoménale directement liée aux investissements faits dans le domaine de l’éducation, qui ont
ainsi eu pour conséquence d’augmenter le nombre de francophones du Mali. Mais les défis
en matière d’éducation demeurent considérables dans ce pays comme, du reste, dans l’ensemble de l’Afrique francophone. En effet, ce résultat ne doit pas nous faire oublier que ces
180 000 jeunes de 12 à 14 ans ne représentaient que le quart des enfants de ce groupe d’âge au
Mali. En d’autres termes, les trois quarts des jeunes Maliens de 12 à 14 ans ne savaient ni lire ni
écrire en l’an 2000.
Malgré toutes les critiques, fondées ou non, que l’on peut formuler à l’endroit de l’école
malienne et des systèmes d’éducation en Afrique francophone, il demeure néanmoins que
des gains appréciables ont pu être faits… et que des défis considérables seront à relever au
cours des prochaines décennies pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Néanmoins, en s’appuyant sur l’exemple du Mali, pour le Sud, et du Québec,
pour le Nord, il nous est possible de dresser un tableau de ce que pourrait être la population
francophone d’ici le milieu du xxie siècle.
Les populations francophones de demain :
quelques résultats
On vient de voir que, dans les pays où la croissance démographique demeure élevée et où le
français est langue d’enseignement, l’école représente un puissant levier conduisant à augmenter
considérablement la population francophone. En nous appuyant sur les travaux des experts
démographes des Nations unies et en intégrant les tendances observées et à prévoir en matière
d’éducation dans les pays du Sud, il est possible de dessiner les contours de la Francophonie de
demain. C’est l’exercice que nous avons tenté en combinant différentes hypothèses qui nous
permettent d’envisager certains scénarios prévisionnels que nous résumerons ici.
Les tendances démographiques observées et prévisibles conduisent à une reconfiguration
importante du poids des nations à l’échelle de la planète. Le monde francophone n’est nul48
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
lement épargné par cette reconfiguration, bien au contraire, et le poids démographique des
francophones sur les différents continents se modulera considérablement : l’Europe, qui comptait près de la moitié des francophones de la planète en 2000, ne regroupera plus que 12 % de
ceux-ci en 2050. Pendant ce temps, la conjugaison du maintien d’une forte croissance démographique et des gains prévisibles et souhaités dans le domaine de l’éducation fera en sorte que
l’Afrique verra son poids démographique augmenter considérablement : alors que moins de la
moitié des francophones du monde y vivaient en 2000, on peut s’attendre à y trouver près de
85 % des locuteurs du français en 2050. En termes d’effectifs, cela signifie que l’Afrique comptera
au milieu du xxie siècle plus d’un demi-milliard des 715 millions de francophones de la planète.
Par ailleurs, le phénomène de vieillissement, déjà bien amorcé dans les pays du Nord, aura
des effets sur la répartition des jeunes dans l’espace francophone : on estime ainsi que neuf
francophones de 15 à 29 ans sur 10 seront originaires de l’Afrique en 2050.
En somme, s’il semble destiné à passer par l’Afrique, l’avenir démographique de la
Francophonie est conditionné par au moins deux éléments majeurs :
1. Des mesures fortes et efficaces dans le domaine de l’enseignement devront permettre de
relever substantiellement les niveaux d’éducation dans les pays de l’Afrique francophone ;
2. Les pays de l’Afrique francophone et leurs populations devront considérer que ce
relèvement très sensible des indicateurs dans le domaine de l’éducation (nécessaire
à leur développement social et économique) peut et doit se faire dans le cadre de
programmes d’enseignement et de formation où la langue française occupe une place
importante.
Étant donné le multilinguisme pratiqué dans la plupart des pays d’Afrique, en particulier
ceux appartenant à la Francophonie, il faudra nécessairement identifier la place et le rôle de
la langue française par rapport aux autres langues en usage dans ces pays, mais également aux
autres langues qui semblent s’imposer dans le monde, notamment l’anglais, l’arabe et l’espagnol.
ESTIMATIONS DES EFFECTIFS EN MILLIONS DES FRANCOPHONES
PAR CONTINENT, 20002050
Source : World Population Prospects : The 2008 Revision Population Database, http://esa.un.org/unpp/.
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
Conclusion
Évidemment, le rôle de la Francophonie dans le monde ne peut se résumer au seul décompte
des individus appartenant aux pays francophones ou au nombre des locuteurs du français. En
effet, c’est notamment à travers le dynamisme de ses institutions et de ses acteurs politiques, de
la créativité de ses milieux artistiques et scientifiques et de la puissance de ses économies que l’espace francophone pourra conserver une reconnaissance mondiale. Il importe tout de même de
considérer que le poids démographique d’un groupe n’est pas un attribut marginal puisque, on
le sait, il est l’élément central des mécanismes décisionnels de tous les appareils démocratiques.
Le poids démographique d’un groupe constitue un enjeu social et politique majeur dans
de nombreux débats, tant au niveau local, régional, national qu’à l’échelle internationale. Dans
ce qu’il est convenu de nommer «le concert des nations», les pays francophones ne pourront
se faire entendre que dans la mesure où ils formeront un ensemble suffisamment important
sur le plan démographique… et s’entendront bien sûr pour parler d’une même voix.
Nos travaux montrent qu’il y a des raisons de croire que les locuteurs de la langue française
vont continuer à croître démographiquement : estimés à environ 200 millions aujourd’hui,
ils pourraient dépasser le demi-milliard au milieu du xxie siècle.
Pour ce faire, toutefois, il faudra que l’ensemble des acteurs de la Francophonie puissent
travailler à diminuer les inégalités que l’on observe entre les pays de la Francophonie, plus
particulièrement dans le domaine de l’éducation. Compte tenu des écarts disproportionnés
dans les moyens dont disposent les pays, il est évident que l’avenir démographique de la
Francophonie que nous venons de dessiner dépendra grandement des gestes de solidarité et
des efforts que seront prêts à consentir les pays du Nord de la Francophonie à l’endroit des
pays francophones d’Afrique.
Les acteurs de la Francophonie auront aussi un rôle majeur à jouer pour susciter ou maintenir un intérêt pour le développement du français dans de nombreux secteurs en Afrique, notamment dans les médias (écrits, radiophoniques, audiovisuels et électroniques), dans le milieu des
arts (cinéma, littérature, etc.) et dans le secteur de l’enseignement et de la recherche scientifique.
Les populations francophones
au Burkina et au Mali depuis le milieu
des années 19801
À la fin des années 1960, devant l’absence d’informations de base sur les populations dans la
vaste majorité des pays d’Afrique subsaharienne nouvellement indépendants, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a mis sur pied le Programme africain de recensements
(PAR). Ce programme a ainsi permis à plus d’une vingtaine de pays du continent de tenir le premier recensement de leur jeune histoire. Pour des raisons diverses, certains pays ont dû attendre
1. Article rédigé par Moussa Bougma, Mamadou Konaté et Richard Marcoux, Observatoire
démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF).
Moussa Bougma est démographe à l’Institut national de la statistique et de la démographie au Burkina
Faso ; Mamadou Konaté est sociologue et directeur du Centre d’appui à la recherche et à la formation (CAREF)
au Mali et Richard Marcoux est démographe et professeur au Département de sociologie de l’Université
Laval. Ce texte reprend en partie certains des résultats que l’on retrouve dans deux rapports de recherche de
l’ODSEF disponibles sur le site web www.odsef.fss.ulaval.ca.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
les années 1980 ou 1990 avant de pouvoir mener une telle opération de collecte d’informations
d’envergure nationale. D’autres ont depuis accumulé des informations sur leur population à la
suite de plusieurs opérations de collecte, comme c’est le cas du Burkina Faso et du Mali, qui ont
réalisé leur quatrième recensement de la population respectivement en 2006 et 2009.
Pour ces deux pays, des informations issues de ces recensements portent sur la principale
langue utilisée au quotidien par les personnes recensées et sur leur capacité à lire et à écrire
en français. Il nous est ainsi possible de dresser une esquisse de l’évolution des différentes
langues en usage mais également de dégager, sur plus d’une vingtaine d’années, l’évolution de
la place du français dans ces pays largement multilingues.
Le français comme principale langue couramment
parlée : des tendances contrastées dans
un environnement largement multilingue
Dans les deux pays qui nous intéressent ici, les langues dites africaines occupent largement
les espaces linguistiques nationaux. Ainsi, le mooré au Burkina et le bambara (ou bamanan)
au Mali sont déclarés comme langues principalement parlées par environ la moitié des
populations de ces deux pays. De nombreuses autres langues nationales sont également
présentes (hal pular ou fulfuldé, sonrhaï, soninké, etc.), bien que les capacités à lire et à écrire
dans ces langues demeurent extrêmement faibles (moins de 3 % des populations).
Il ressort par ailleurs que le français est de plus en plus souvent déclaré comme première
langue parlée par les Burkinabés. En effet, le nombre de personnes qui déclarent le français
comme première langue couramment parlée au Burkina est passé de 20 947 en 1985 à
49 647 en 1996, pour atteindre 151 184 en 2006. Il s’agit d’une augmentation de 205 % pour
la dernière période intercensitaire (1996-2006). Ouagadougou, qui a accueilli le Xe Sommet
de la Francophonie en 2004, semble devenir une ville de plus en plus francophone selon cet
indicateur : en 2006, près de 10 % des Ouagalais déclaraient le français comme principale
langue couramment parlée. L’effectif de ces primo-francophones a ainsi été multiplié par 10 à
Ouagadougou et ce, en une vingtaine d’années, passant de 11 080 en 1985 à 104 772 en 2006.
Au Mali, ce type d’informations n’est disponible pour l’instant que pour les recensements
de 1987 et de 1998 et indique que le français peine à émerger comme première langue couramment parlée : situation qui concernait moins de 7 000 personnes lors de chacun des deux
recensements, soit environ 0,1 % de la population malienne de 12 ans et plus. En fait, c’est l’omniprésence du bambara en tant que langue véhiculaire, et particulièrement son usage dans la vie
quotidienne par la plupart des Maliens et dans le fonctionnement courant de l’administration
publique, qui fait que parler le français comme première langue est loin d’être une nécessité au
Mali. Cela ne signifie pas que le français n’y a pas fait des gains, comme nous le verrons.
La capacité à lire et à écrire le français
Le Mali et le Burkina Faso ont mené différentes actions dans le domaine de l’alphabétisation
dans les langues nationales, tout en maintenant le français comme principale langue
d’enseignement. Au cours des deux dernières décennies, avec l’appui de la communauté
internationale, ces deux pays ont consacré d’importants investissements dans le domaine
de l’enseignement primaire et secondaire qui ont eu des répercussions considérables sur le
nombre de personnes aptes à lire et écrire en français. Le tableau suivant résume les tendances
observées à partir des données des recensements.
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CHAPITRE
2
Approche démolinguistique
On constate qu’en définissant les francophones à partir des capacités autodéclarées en
matière de lecture/écriture de la langue française, les effectifs ont connu des croissances très
élevées au cours des deux dernières décennies. Au Burkina, ceux-ci passent de moins de
200 000 en 1985 à près de 1 million en 2006. Au Mali, les personnes aptes à écrire et à lire le
français étaient au nombre de 565 000 en 1987 et sont estimées à 2,2 millions en 2009.
EFFECTIFS DE PERSONNES ÂGÉES DE 10 ANS ET PLUS AU BURKINA FASO ET
DE 12 ANS ET PLUS AU MALI SACHANT LIRE ET ÉCRIRE EN FRANÇAIS, 19852009
Pays
Capitale
Burkina Faso
Mali
Ouagadougou
Bamako
1985/1987
1996/1998
195 601
564 465
125 931
183 034
318 434
918 647
229 995
324 909
2006/2009*
993 552
2 200 000*
698 814
700 000*
* En ce qui concerne les chiffres de 2009, pour le Mali et Bamako, nous avons utilisé les résultats provisoires publiés du recensement
de 2009 et avons procédé à une estimation.
Sources : Exploitation des recensements du Burkina Faso (1985, 1996 et 2006) et du Mali (1987 et 1998).
Les deux capitales de ces pays, qui chacune ont dépassé le cap du million d’habitants au
tournant du millénaire, voient également leurs effectifs de personnes sachant lire et écrire
en français augmenter considérablement : ils approchent en 2009 les 700 000 personnes.
Ces effectifs ont été atteints grâce à la croissance démographique que connaissent ces villes
(liée notamment à l’exode rural des populations et au maintien d’une forte natalité), mais
également à la suite des investissements importants qui ont été consentis dans le domaine de
l’éducation et dont les capitales de ces pays profitent davantage que le reste du pays.
En somme, bien que les langues typiquement africaines (bambara et mooré, pour ne
nommer que celles-ci) continuent à se maintenir comme langues couramment parlées par
les populations maliennes et burkinabées, le français fait des gains considérables comme
langue de communication lue et écrite.
Conclusion
À l’instar de nombreux pays du continent africain, le Burkina Faso et le Mali connaissent
des taux de croissance démographique qui se maintiennent depuis plusieurs années à des
niveaux nettement plus élevés que ceux que l’on retrouve ailleurs dans le monde. Par ailleurs,
les efforts consentis dans le domaine de l’enseignement semblent avoir conduit à augmenter
considérablement les niveaux d’éducation des populations de ces pays au cours des dernières
décennies.
Ainsi, au Burkina et au Mali, deux pays où l’enseignement formel se déroule essentiellement en français, la combinaison d’une importante croissance démographique et d’un relèvement substantiel des niveaux d’éducation a provoqué une augmentation prodigieuse du
nombre des personnes qui sont aptes à lire et à écrire le français. Dans des environnements
largement multilingues, le français comme langue de communication écrite semble ainsi occuper une place de plus en plus substantielle dans ces deux pays.
52
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CHAPITRE
3
Quelques
enquêtes
africaines
Connaissance du français dans
quelques capitales (enquête TNS Sofres)
Depuis 2008, le département Média de TNS Sofres a mis en place l’étude annuelle Africascope
réalisée dans plusieurs pays d’Afrique : Sénégal, Cameroun, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo (RDC). En 2010, deux nouveaux pays s’ajoutent à cette liste : le Gabon et
le Mali. Cette étude a pour vocation d’être une mesure d’audience mais présente aussi
d’autres données, notamment sur la Francophonie et l’utilisation de la langue française.
Ci-dessous sont présentées les données 2010 de ces études sur le Cameroun et le Sénégal
(avec une comparaison par rapport à 2009 et à 2008), le Gabon et le Mali ; et les données
2009 pour la Côte d’Ivoire et la RDC, afin de mesurer la situation et l’évolution du français
dans sept villes : Douala (Cameroun), Libreville (Gabon), Bamako (Mali), Dakar et Pikine
(Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Kinshasa (RDC).
MÉTHODOLOGIE1
Dans chaque ville sont interrogés en face
à face à leur domicile 1 000 individus de
15 ans et plus selon la méthode des quotas. Ainsi, les populations interrogées
sont représentatives régionalement en
termes de sexe, d’âge (six classes), de niveau d’instruction et de profession. L’évaluation du niveau de francophonie dans
chacune des capitales peut être analysée
à partir d’un indicateur synthétique.
La construction de cet indicateur est la
combinaison des questions suivantes :
● « Parlez-vous le français ? » (Q11)
● « Savez-vous lire le français ? » (Q12)
« Savez-vous écrire le français ? » (Q13)
Compréhension d’un bulletin d’information à la radio ou à la télévision en
français (Q14)
● Dernière classe suivie (Q17)
Les réponses aux questions permettent
de créer trois groupes d’individus selon
leur niveau de francophonie :
● Non francophone
● Francophonie simple
● Francophonie maîtrisée
●
●
1. Pour tout aspect méthodologique de l’étude, le lecteur pourra s’adresser à TNS Sofres :
stanislas.seveno@tns-sofres.com.
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3
CHAPITRE
Quelques enquêtes africaines
CAPACITÉ À PARLER LE FRANÇAIS 2010
Sous-total
Oui
Libreville – 2010
1%
26 %
1%
25 %
60 %
14 %
99 %
Base : 1 210
1%
27 %
56 %
16 %
99 %
2008
2%
17 %
98 %
Base : 1 103
Douala – 2010
Base : 1 255
2009
Base : 1 000
Bamako – 2010
22 %
35 %
Base : 1 127
52 %
21 %
59 %
31 %
23 %
11 %
99 %
65 %
Dakar/Pikine – 2010
26 %
28 %
27 %
19 %
74 %
2009
29 %
30 %
26 %
15 %
71 %
2008
28 %
29 %
19 %
72 %
Base : 1 105
Base : 1 105
Base : 1 105
XX % : écart statistiquement significatif
Base : individus 15+
24 %
Oui, avec difficulté
Non
Oui, assez bien
Oui, très bien
Parlez-vous le français ?
Le français est très largement parlé dans toutes les régions. La ville de Bamako se montre bien en retrait par rapport
à Libreville et à Douala.
À Douala, l’aisance en français (caractérisé par la réponse «très bien») est en léger retrait sur les trois dernières années
(– 3 points entre 2008 et 2010).
CAPACITÉ À PARLER LE FRANÇAIS 2008/2009
Sous-total Oui
Abidjan – 2009
1%
32 %
2008
3%
33 %
Kinshasa – 2009
8%
2008
13 %
Base : 1 116
Base : 1 116
Base : 1 121
Base : 1 121
XX % : écart statistiquement significatif
Base : individus 15+
28 %
25 %
Non
52 %
15 %
37 %
43 %
35 %
Oui, avec difficulté
99 %
27 %
97 %
21 %
92 %
27 %
Oui, assez bien
87 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ?
Le français est très majoritairement parlé dans toutes les régions. Les villes sénégalaises se montrent en retrait (sans évolution
entre 2008 et 2009). L’aisance en français caractérisée par la réponse «très bien» est en recul à la fois à Kinshasa (– 6 points) et
à Abidjan (– 12 points).
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
LIBREVILLE  2010
Fréquentation école française (hors maternelle) : 74 % (2010)
Sous-total
Oui
Français parlé – 2010
1%
26 %
Français lu – 2010
8%
26 %
Français écrit – 2010
9%
Compréhension – 2010
7%
Non
Base : 1 103 (individus 15+)
52 %
41 %
30 %
25 %
44 %
22 %
45 %
Oui, avec difficulté
99 %
21 %
92 %
17 %
91 %
26 %
Oui, assez bien
93 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
Près de trois Librevillois sur quatre déclarent avoir fréquenté l’école française. La connaissance de la langue française est très
élevée à Libreville : plus de neuf individus sur 10 affirment pouvoir parler le français, le lire, l’écrire et comprendre un flash info.
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
DOUALA  2008/2009/2010
Fréquentation école française (hors maternelle) : 85 % en 2010
(86 % en 2008 et 2009)
Français parlé – 2010
2009
2008
1%
1%
2%
Français lu – 2010
2009
2008
7%
8%
7%
Français écrit – 2010 9 %
2009 9 %
2008 8 %
Compréhension – 2010
2009
2008
Base 2010 : 1 255
Base 2009 : 1 210
Base 2008 : 1 000
(individus 15+)
4%
3%
5%
Non
25 %
27 %
22 %
Sous-total Oui
60 %
56 %
60 %
22 %
25 %
20 %
50 %
43 %
51 %
30 %
30 %
26 %
48 %
44 %
51 %
21 %
23 %
18 %
50 %
50 %
52 %
Oui, avec difficulté
Oui, assez bien
14 %
16 %
16 %
21 %
24 %
22 %
99 %
99 %
98 %
93 %
92 %
93 %
13 %
17 %
15 %
91 %
91 %
92 %
25 %
24 %
25 %
96 %
97 %
95 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
La fréquentation de l’école française ainsi que la connaissance de la langue française restent toujours aussi élevées à Douala.
La quasi-totalité des Doualais dit «connaître» la langue française. Notons un léger retrait sur la très bonne maîtrise de la
lecture et de l’écriture (mention «oui, très bien» en baisse).
55
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
BAMAKO  2010
Fréquentation école française (hors maternelle) : 47 %
Sous-total
Oui
Français parlé – 2010
35 %
31 %
Français lu – 2010
49 %
17 %
19 %
Français écrit – 2010
50 %
17 %
19 %
Compréhension – 2010
Base : 1 127 (individus 15+)
35 %
Non
27 %
Oui, avec difficulté
23 %
11 % 65 %
15 %
51 %
14 %
24 %
Oui, assez bien
50 %
14 %
65 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
À Bamako, moins d’une personne sur deux fréquente l’école française. Il existe par ailleurs un décalage entre les personnes qui
peuvent parler ou comprendre le français et celles qui peuvent le lire ou l’écrire.
La part des personnes maîtrisant «très bien» la langue française est finalement réduite (un peu plus d’un Bamakois sur 10
en moyenne).
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
DAKAR/PIKINE  2008/2009/2010
Fréquentation école française (hors maternelle) : 66 % en 2010
(67 % en 2008 et 66 % en 2009)
Sous-total Oui
Français parlé – 2010
2009
2008
26 %
29 %
28 %
28 %
30 %
29 %
27 %
26 %
24 %
19 %
15 %
19 %
74 %
71 %
72 %
Français lu – 2010
2009
2008
32 %
32 %
32 %
21 %
23 %
23 %
23 %
20 %
20 %
24 %
25 %
25 %
68 %
68 %
68 %
Français écrit – 2010
2009
2008
35 %
33 %
32 %
20 %
23 %
24 %
22 %
20 %
21 %
23 %
24 %
23 %
65 %
67 %
68 %
Compréhension – 2010
2009
2008
Base : 1 105 (individus 15+)
26 %
27 %
28 %
Non
24 %
24 %
25 %
Oui, avec difficulté
25 %
22 %
22 %
Oui, assez bien
25 %
27 %
25 %
74 %
73 %
72 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
Deux tiers des personnes interrogées déclarent fréquenter l’école, lire le français et l’écrire.
Les trois quarts comprennent un flash info et déclarent parler le français.
Nous ne constatons pas d’évolutions notables depuis 2008.
56
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
ABIDJAN  2008/2009
Fréquentation école française (hors maternelle) : 58 % en 2008
et 65 % en 2009
Sous-total Oui
Français parlé – 2009
1%
32 %
2008
3%
33 %
Français lu – 2009
2008
28 %
Français écrit – 2009
2008
28 %
24 %
Compréhension – 2009
2008
XX % : écart statistiquement significatif
Base : 1 116 (individus 15+)
39 %
8%
16 %
Non
37 %
75 %
27 %
72 %
47 %
28 %
Oui, avec difficulté
97 %
72 %
16 %
24 %
99 %
76 %
28 %
28 %
24 %
27 %
16 %
25 %
22 %
21 %
15 %
37 %
21 %
19 %
25 %
52 %
17 %
32 %
92 %
84 %
Oui, assez bien
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
À Abidjan, nous observons un décalage entre les personnes qui peuvent parler français et celles qui peuvent le lire ou l’écrire.
La part des personnes fréquentant l’école française peut expliquer ce décalage, même si elle a augmenté entre 2008 et 2009.
CONNAISSANCE DE LA LANGUE FRANÇAISE
KINSHASA  2008/2009
Fréquentation école française (hors maternelle) : 77 % en 2008
et 77 % en 2009
Sous-total Oui
Français parlé – 2009
2008
8%
13 %
Français lu – 2009
2008
17 %
Français écrit – 2009
2008
18 %
12 %
13 %
Compréhension – 2009
9%
2008
13 %
XX % : écart statistiquement significatif
Base : 1 121 (individus 15+)
Non
28 %
43 %
25 %
35 %
26 %
21 %
21 %
27 %
39 %
32 %
28 %
24 %
24 %
23 %
Oui, avec difficulté
87 %
23 %
30 %
39 %
28 %
42 %
32 %
Oui, assez bien
87 %
82 %
25 %
32 %
88 %
83 %
20 %
30 %
92 %
91 %
87 %
Oui, très bien
Parlez-vous le français ? Savez-vous lire le français ? Savez-vous écrire le français ? Pouvez-vous comprendre un bulletin
d’information en français à la radio ou à la TV ?
La connaissance de la langue française progresse et se rapproche du niveau observé à Douala, même si la fréquentation de
l’école n’est pas aussi élevée.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
NIVEAU DE FRANCOPHONIE 2010
Libreville
Douala
Bamako
2010
2010
Rappel
2009
Rappel
2008
2010
Francophone
73 %
85 %
85 %
85 %
45 %
Francophonie
maîtrisée
44 %
42 %
42 %
42 %
32 %
Francophonie
simple
29 %
43 %
43 %
43 %
13 %
Non francophone
27 %
15 %
15 %
15 %
55 %
Base : individus 15+
Globalement, c’est à Douala et à Libreville que le taux de francophonie est le plus élevé avec une large majorité d’individus
qui maîtrisent la langue française. Celui de Bamako est en retrait par rapport aux deux autres capitales, mais près d’un
Bamakois sur trois déclare tout de même maîtriser la langue française.
À Douala, le taux de francophones reste parfaitement stable d’une année sur l’autre.
C’est chez les hommes et les personnes qui ont fait des études que le taux de francophones est le plus élevé. À Bamako,
ce taux est aussi plus important chez les plus jeunes (les 15-24 ans).
NIVEAU DE FRANCOPHONIE 2010/2009/2008
Dakar/Pikine
Abidjan
Kinshasa
2010
Rappel
2009
Rappel
2008
2009
Francophone
63 %
62 %
63 %
64 % 58 %
76 % 75 %
Francophonie
maîtrisée
34 %
34 %
35 %
29 % 37 %
55 % 55 %
Francophonie
simple
29 %
28 %
28 %
35 % 21 %
21 % 20 %
Non francophone
37 %
38 %
37 %
36 % 42 %
24 % 25 %
2008
2009
2008
Base : individus 15+
Globalement, c’est à Kinshasa que le taux de francophonie est le plus élevé avec plus de la moitié de la population qui maîtrise
la langue française. À Abidjan, si le taux de francophonie augmente, la maîtrise du français a tendance à se dégrader.
Abidjan et Dakar/Pikine sont plus en retrait malgré une progression de 6 points à Abidjan.
C’est chez les hommes et les personnes fréquentant l’école au moins jusqu’au primaire que le taux est le plus élevé.
Logiquement, la francophonie maîtrisée est plus forte chez ceux qui ont fait des études supérieures.
58
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS LIBREVILLE  2010
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Sous-total
Important
Faire des études
supérieures
1 %1 %
Réaliser des démarches
administratives
1 %2 %
S’informer dans
les médias
1% 2%
Obtenir un travail
80 %
84 %
6%
Réussir sa vie
Base : 1 103 (individus 15+)
74 %
62 %
Ne se prononce pas
Pas importante
98 %
17 %
97 %
13 %
75 %
27 %
24 %
19 %
97 %
94 %
11 %
73 %
Importante
Indispensable
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS DOUALA  2010
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Sous-total
Important
Rappel
2010 2009
Faire des études
supérieures
4%
67 %
29 %
96 % 95 %
Réaliser des démarches
administratives
1%5%
69 %
25 %
94 % 94 %
S’informer dans
les médias
1% 2%
73 %
6%
65 %
Obtenir un travail
Réussir sa vie
XX % : écart statistiquement significatif
Base : 1 255 (individus 15+)
23 %
61 %
Ne se prononce pas
24 %
29 %
16 %
Pas importante
Importante
97 % 96 %
94 % 93 %
77 %
81 %
Indispensable
59
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS BAMAKO  2010
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Sous-total
Important
Faire des études
supérieures
1 %1 %
Réaliser des démarches
administratives
1%2%
S’informer dans
les médias
1%2%
Obtenir un travail
1%3%
Réussir sa vie
Base : 1 127 (individus 15+)
54 %
44 %
68 %
29 %
70 %
27 %
61 %
21 %
35 %
57 %
Ne se prononce pas
98 %
22 %
Pas importante
97 %
97 %
96 %
79 %
Importante
Indispensable
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS DAKAR/PIKINE  2009
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Faire des études
supérieures
2%
Réaliser des démarches
administratives
8%
S’informer dans
les médias
8%
Obtenir un travail
11 %
Réussir sa vie
Base : 1 105 (individus 15+)
52 %
46 %
63 %
63 %
59 %
34 %
45 %
Pas importante
Sous-total
Important
29 %
92 %
29 %
92 %
30 %
21 %
Importante
98 %
89 %
66 %
Indispensable
60
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS ABIDJAN  2009
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Sous-total
Important
Faire des études
supérieures
1%
Réaliser des démarches
administratives
1%
61 %
38 %
99 %
S’informer dans
les médias
1%
62 %
37 %
99 %
Obtenir un travail
3%
Réussir sa vie
1%
Base : 1 116 (individus 15+)
50 %
49 %
56 %
18 %
41 %
50 %
Ne se prononce pas
99 %
97 %
31 %
Pas importante
81 %
Importante
Indispensable
PERCEPTION DE LA PLACE INCONTOURNABLE
DU FRANÇAIS KINSHASA  2009
Selon vous, la connaissance du français est-elle indispensable, importante ou pas importante pour…
Sous-total
Important
Faire des études
supérieures
1%
Réaliser des démarches
administratives
4%
S’informer dans
les médias
9%
Obtenir un travail
10 %
Réussir sa vie 1 %
Base : 1 121 (individus 15+)
68 %
31 %
75 %
21 %
71 %
20 %
64 %
54 %
36 %
Ne se prononce pas
Pas importante
26 %
9%
99 %
96 %
91 %
90 %
45 %
Importante
Indispensable
61
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
PERCEPTION DE L’ÉVOLUTION
DE LA LANGUE FRANÇAISE 20092010
Diriez-vous que l’utilisation de la langue française dans votre pays…
Libreville – 2010
15 %
Base : 1 103
28 %
57 %
Douala – 2010
1%
20 %
25 %
54 %
2009
4%
19 %
26 %
51 %
Base : 1 255
Base : 1 210
Bamako – 2010
2 % 12 % 8 %
Base : 1 127
Base : individus 15+
Ne se prononce pas
78 %
Diminue
Reste stable
Progresse
À Libreville et à Douala, plus de la moitié des personnes interrogées pensent que l’utilisation de la langue française progresse
dans leur pays.
À Bamako, elles sont plus des trois quarts.
PERCEPTION DE L’ÉVOLUTION
DE LA LANGUE FRANÇAISE 2009
Diriez-vous que l’utilisation de la langue française dans votre pays…
Dakar/Pikine
Base : 1 105
5%
Abidjan
Base : 1 116
Kinshasa
Base : 1 121 4 %
Base : individus 15+
17 %
7%
20 %
14 %
22 %
58 %
31 %
19 %
Ne se prononce pas
48 %
55 %
Diminue
Reste stable
Progresse
Environ la moitié des interviewés pensent que l’utilisation de la langue française progresse dans leur pays.
Notons que les personnes ayant fait des études supérieures et les «francophones maîtrisés» sont plus nombreux à avoir
le sentiment d’un recul de l’utilisation de la langue française.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
En résumé :
Douala, Kinshasa et Libreville : «championnes» de la francophonie
À Libreville, le français est parlé par la quasi-totalité des individus (99 %). De plus, l’école
française y est largement fréquentée (74 %). La connaissance de la langue française est
également très élevée (plus de 90 % des personnes interrogées disent parler, écrire, lire et
comprendre le français).
● Le français est également parlé par la quasi-totalité des Doualais (99 %) et l’école française
y est même davantage fréquentée qu’à Libreville (85 %). La connaissance de la langue
française atteint le même niveau qu’à Libreville, et est stable dans le temps.
● De même, avec 92 % des interviewés parlant français et 77 % fréquentant l’école française,
Kinshasa est bien placée. De plus, plus de la moitié (55 %) des Kinois atteignent le niveau
de francophonie maîtrisée, résultat meilleur qu’à Libreville et Douala.
Libreville obtient un niveau de francophonie maîtrisée élevé avec plus de quatre Librevillais sur 10 qui maîtrisent la langue française, et Douala enregistre le niveau de francophonie
global le plus élevé (85 %) et un niveau de francophonie maîtrisée proche de celui de Libreville.
Ces indicateurs sont stables d’une année sur l’autre.
●
Bamako et Dakar/Pikine : en recul
●
●
Le français y est moins parlé (65 % pour Bamako et 74 % pour les villes sénégalaises)
et l’école française est fréquentée par moins de la moitié des Bamakois et par 66 % des
Sénégalais de l’échantillon. La connaissance de la langue française est également plus faible,
surtout à Bamako, en particulier pour la lecture et l’écriture.
Bamako enregistre ainsi le niveau de francophonie le plus faible (45 %) ; trois Bamakois
et Sénégalais de l’échantillon sur 10 seulement maîtrisent le français. Les Bamakois sont
cependant bien plus nombreux que les Doualais et les Librevillais à penser que l’utilisation
de la langue française progresse dans leur pays (78 %).
Abidjan : à part
●
La fréquentation de l’école française est en hausse (+ 7 points entre 2008 et 2009) et près de
100 % des Abidjanais parlent le français, mais la capacité à écrire et à lire est bien plus basse
(75-76 %). De même, si le niveau global de francophonie augmente (+ 6 points en un an),
la francophonie maîtrisée régresse (– 8 points).
De manière générale, dans les sept villes étudiées, le français joue avant tout un rôle dans
l’instruction : sa connaissance est jugée importante pour accéder à l’éducation puis à la vie
professionnelle ou encore pour effectuer des démarches administratives. Cette tendance
est encore plus forte auprès des individus les plus éduqués : ceux qui ont fait des études
supérieures et ceux qui maîtrisent le français. Mais l’importance de la langue française est
aussi perçue par ceux qui vivent dans les bidonvilles et qui n’ont pas accès à l’éducation ou
au travail.
En revanche, il est jugé moins indispensable pour «réussir sa vie» surtout à Dakar/
Pikine et à Kinshasa, où respectivement 34 % et 54 % des personnes interrogées jugent la
connaissance du français sans importance pour atteindre cet objectif.
Enfin, les populations interrogées disent majoritairement (plus de 50 % partout, sauf à Abidjan – 48 %) avoir le sentiment que l’utilisation de la langue française progresse dans leurs pays.
63
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06/09/10 10:30
CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
La situation du français
dans les îles et archipels du Sud-Ouest
de l’océan Indien
La présente contribution fournit un ensemble de données macrosociolinguistiques réunies par
une équipe de chercheurs de l’océan Indien sur la situation du français dans sept îles et archipels
de la région : Madagascar, Seychelles, Réunion, Mayotte, Comores, Maurice et Rodrigues1.
L’approche ici est résolument quantitativiste, comme il sied d’ailleurs à toute démarche
«macro-». Ce sont surtout des données chiffrées, puisées autant que possible dans des sources
officielles quand et là où elles existent, ou empruntées à des documents publiés dans des
ouvrages scientifiques2, qui seront privilégiées ici. On comprendra que le produit synthétisé,
dans la limite des contraintes éditoriales imparties ici, ne pourra que prendre la forme d’une
vision panoramique de la situation du français dans cet ensemble géographique.
Cette contribution s’inscrit dans la dynamique complémentaire d’une enquête de terrain,
d’approche microsociolinguistique et qualitative, menée depuis plusieurs mois par la même
équipe de chercheurs, dans les différentes îles citées plus haut, sur le thème : «Observation du
français et des langues partenaires dans l’océan Indien à partir des pratiques et des représentations d’enfants et d’adolescents». Le produit fini en sera un ouvrage collectif, dont la sortie est
prévue pour la fin de l’année 2010, qui visera à mettre en évidence les spécificités de chacune
des sept îles et archipels à l’étude ici par rapport à la situation de «sa francophonie» et, plus
globalement, du partenariat en œuvre entre le français et les autres langues en présence.
Dans le texte présent, les données pour chaque pays sont organisées en fonction d’un
ensemble de thématiques plus ou moins communes. Trois d’entre elles font l’objet d’une
description relativement élaborée dans toutes les monographies : 1. survol historique du pays
et/ou de l’implantation du français ; 2. situation sociolinguistique contemporaine ; 3. place
du français dans le domaine de l’enseignement. D’autres thématiques apparaissent mais les
particularités de chaque pays font qu’elles ne bénéficient pas toutes du même traitement
dans la présentation. Elles concernent les rapports entre les langues dans différents domaines :
les espaces publics ; la culture ; la religion ; l’économie ; l’administration et la politique.
Afin d’éviter de nuire à la cohérence interne de chaque monographie, en regard du profil
sociohistorique et du cadre politique global de chaque situation, tout en permettant là où
c’est possible une présentation contrastive du dynamisme évolutif à l’œuvre dans les différentes îles et dans les archipels de la région, notamment dans ce qui touche concrètement
1. Les chercheurs concernés ici sont nommément : Lambert-Félix Prudent et Mylène Lebon-Eyquem
(Réunion), Vololona Randriamarotsimba et Monique Rakotoanosy (Madagascar), Joëlle Perreau (Seychelles),
Yannick Bosquet-Ballah (Maurice et Rodrigues), Ali Abdoulhamid et Saïd Mahamoud (Comores), Foued
Laroussi (Mayotte). Il est à noter que Yannick Bosquet-Ballah est assistée de M. Gaëtan Jabeemessur pour
le terrain rodriguais. Arnaud Carpooran, signataire du rapport, s’est chargé de son harmonisation et de sa
mise en synthèse, avec quelques contributions pour la partie mauricienne. Il est également responsable de la
rédaction de l’introduction et de la conclusion.
2. Et notamment dans Robert Chaudenson et Dorothée Rakotomalala, coordonnateurs, Situations
linguistiques de la Francophonie. État des lieux, Réseau «Observation du français et des langues nationales»,
Agence universitaire de la Francophonie, 2004.
64
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
et quotidiennement aux pratiques linguistiques des populations concernées, nous avons
opté ici pour une organisation en deux temps : 1. une présentation séparée, pays par pays,
des trois premières rubriques (cf. supra) ; 2. une présentation, par thèmes regroupant différentes situations, des autres rubriques mentionnées plus haut, en privilégiant une approche
contrastive.
Présentation par pays
La situation à Madagascar
Survol historique
Île située dans l’océan Indien, Madagascar est aussi grande que la France et la Belgique
réunies avec une superficie de 584 040 km2. Les statistiques actuelles estiment le nombre des
Malgaches à 20 653 5563 .
Selon Louis-Jean Calvet : «S’il y a une histoire des langues, elle constitue donc un chapitre
de l’histoire des sociétés. […] Et si l’on considère, ce qui n’est guère original, que la violence est
la grande accoucheuse de l’histoire, alors cette violence affecte aussi l’histoire des langues»
(1987, p. 10). L’histoire de la présence du français à Madagascar sera en ce sens fondamentalement considérée comme le versant linguistique des liens historiques reliant le pays à la France.
La première tentative d’annexion française de l’île date du xviie siècle et fut le fait de
la fondation de la Compagnie des Indes orientales, dirigée successivement par Jacques Pronis et Étienne de Flacourt. Ce dernier y demeura de 1649 à 1655. La présence française se
traduisit au plan linguistique par quelques mots malgaches francisés dans l’orthographe ou
inversement, par des mots nouvellement introduits par les marins français dans le contexte
malgache, en particulier sur les côtes est et sud-est où l’on répertorie le plus grand nombre
de mots d’origine française, et par la rédaction d’un catéchisme bilingue français-malgache
(F. Ranaivo, in A. Valdman, 1979, p. 509-510).
Au xixe siècle, à l’époque du règne de Radama Ier, l’enseignement fut confié aux missions
étrangères. D’un côté, la mission anglaise de la London Missionary Society (LMS) installa
l’anglais dans le pays, mais valorisa aussi la langue malgache nouvellement codifiée et lui
donna le statut de langue d’enseignement. De l’autre, la mission catholique privilégia plutôt le
français (C. Bavoux, in D. de Robillard et M. Beniamino, 1993, p. 174).
La colonisation de Madagascar par la France en 1896 renversa la tendance grâce à
la vigoureuse politique linguistique de l’administration coloniale en faveur du français. Le
français s’installa officiellement dans le contexte malgache, avec l’école comme «la clé de
voûte et le point d’orgue» de la réussite de l’hégémonie politique de l’administration coloniale
(A. Thevenin, 2000, p. 68). Il en résulta une valorisation excessive du français par sa pratique
dans l’administration, dans l’enseignement et dans la presse, une perte progressive des
prérogatives de l’anglais dans un pays annexé par la France et une minoration du malgache.
L’installation hégémonique du français dans le contexte malgache rendit fluctuantes
ses relations avec les usagers malgaches. Celles-ci allèrent de la haine et du rejet de celui-ci
à sa réhabilitation. Les événements sociopolitiques de mai 1972 aboutirent par exemple à
l’institution de la «malgachisation» de l’enseignement à Madagascar à travers la loi n° 78-040
3. Statistiques mondiales sur Madagascar, données de 2009, http://www.statistiques-mondiales.com/
madagascar.htm, consulté le 9 août 2009.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
du 17 juillet 1978, sous-tendant le cadre général du Système d’éducation et de formation1.
Il s’agissait de revaloriser le malgache et de rejeter le français, la langue de l’ancienne
puissance coloniale. L’échec cuisant de cette politique linguistique, faute de planification et
d’aménagements linguistiques adéquats, aboutit à la revalorisation du français par le Forum
national regroupant les forces vives de la Nation, érigé lors des mouvements sociopolitiques
de 1991. La maîtrise du français devint source de stratification sociale séparant les nantis et
les intellectuels francophones urbains de la majorité de la masse populaire aussi bien urbaine
que rurale, ne disposant que de peu d’occasions pour se frotter à la langue de prestige. La
dynamique des contacts du malgache et du français de l’époque aboutit à l’émergence de
l’alternance codique fran-gasy bien visible en milieu urbain. La pratique de cette langue
mélangée tend à se généraliser chez la majorité des urbains malgaches. Si la presse écrite
s’astreint à l’éviter, les présentateurs des stations radiophoniques et de télévision l’utilisent
dans leurs émissions, lui donnant ainsi une plus grande visibilité.
La situation sociolinguistique actuelle de Madagascar : quelle francophonie ?
La francophonie malgache s’apparente, selon Claudine Bavoux (1993), à un phénomène
complexe. Elle s’appuie sur les travaux de Gabriel Manessy (1991) pour considérer qu’à
Madagascar, le français, loin de renvoyer à une variété linguistique unique et homogène,
s’assimile plutôt à plusieurs aires linguistiques renvoyant respectivement au français standard,
au français scolaire, etc., et même au créole (1993, p. 173). Les Malgaches francophones ont
une représentation hypernormative du français appelée le «français de France», la seule
variété à être légitimée, bien que réduite à une simple construction subjective. Ils évacuent en
conséquence tout discours sur la variété populaire, minorée malgré un corpus bien présent
dans le contexte malgache (op. cit., p. 179).
La situation sociolinguistique malgache se présente actuellement sous la forme d’un
enchâssement de trois diglossies. La première, endogène, date du xixe siècle. Elle oppose les
variétés régionales au merina, la variété royale de l’époque, d’Antananarivo et de ses environs,
suite à la codification et la standardisation par les missionnaires de la London Missionary
Society (LMS) en 1823 du merina, devenu malgache officiel. La deuxième, opposant le
malgache au français, émane de la colonisation du pays et de l’imposition du français dans
le contexte malgache. La troisième et dernière diglossie, impliquant le français, l’anglais et le
malgache, résulte de la mondialisation.
Ce phénomène a en effet charrié à Madagascar sa lingua franca, l’anglais. Le pays est
institutionnellement trilingue depuis le 27 avril 2007, avec le malgache comme langue
nationale, et l’anglais comme langue officielle au même titre que le malgache et le français2 .
Le choix de l’anglais est hautement politique et ne se fonde que sur un nombre infime
de Malgaches anglophones. Le français affronte, semble-t-il, un adversaire de taille dans
son propre giron. Apparemment, la valeur marchande de l’anglais auprès des Malgaches
détrône celle du français. Néanmoins, certaines analyses donnent à voir les deux langues
évoluant dans des sphères différentes, économique et commerciale pour l’anglais, éducative
et culturelle pour le français. La situation est cependant en réalité dynamique et complexe,
tant le poids du commerce d’origine française est encore bien significatif. Malgré l’effritement
des représentations linguistiques favorables à l’endroit du français, ce dernier continue à
1. Journal officiel de la République démocratique de Madagascar, n° 1260 du 31 juillet 1978.
2. Constitution de la République de Madagascar, titre premier, article 4, http://www.hcc.gov.mg/, site de
la Haute Cour constitutionnelle.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
ce jour d’assurer son statut de langue officielle. Le journal officiel malgache demeure par
exemple bilingue, malgré le trilinguisme institutionnel. Le français maintient son statut de
langue du savoir car il est non seulement la langue d’enseignement majoritaire du primaire
au supérieur mais également celle qui est la plus utilisée en matière de documentation
scientifique si l’on se réfère au nombre élevé d’ouvrages écrits en français proposés par les
bibliothèques et les librairies du pays.
La francophonie malgache correspond à un phénomène exclusivement urbain. Elle ne
concerne que 25 % des Malgaches. Les 75 % de ruraux sont peu ou pas du tout exposés
à la langue française et demeurent monolingues. Le Haut Conseil de la Francophonie
(HCF) semble tabler, sauf erreur de saisie, sur une progression spectaculaire du nombre de
Malgaches francophones au regard de ses estimations de 2003 et de 2007 synthétisées par le
tableau suivant :
NOMBRE DE FRANCOPHONES À MADAGASCAR EN 2003 ET 2007 SELON LE HCF3
Années
Francophones
Francophones partiels
88 000 (0,52 %)
865 000 (5,0 %)
2003
2007
2 452 000 (15,82 %)
2 664 200 (15,4 %)
Si le nombre de Malgaches francophones partiels n’a pas beaucoup évolué de 2003 à 2007,
l’on ne peut que se poser des questions sur l’effectivité d’une augmentation de 4,4 points du
nombre de francophones durant la même période, eu égard au corpus peu étendu du français dans le pays et aux difficultés notoires en français de la majorité des Malgaches urbains.
Plus vraisemblablement, comme le reconnaissent les auteurs de l’estimation, le chiffre de 2003
était sous-estimé.
L’enseignement du et en français à Madagascar
En général, les enfants malgaches, surtout venant de milieux ruraux, sont peu exposés au
français avant leur entrée à l’école. Le volume horaire du français en tant que discipline varie
selon le niveau d’étude et le type d’établissement. Le tableau suivant synthétise par exemple
ceux des établissements publics :
VOLUME HORAIRE DE L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
Niveaux
Primaire
Secondaire
Collège
Lycée
Seconde
Première
Terminale
Séries
Volumes horaires
20 min par jour
4 h par semaine
4 h par semaine
6 h par semaine
3 h par semaine
5 h par semaine
3 h par semaine
A
C et D
A
C et D Par ailleurs, les écoles dites d’«expression française» tentent de s’aligner sur le modèle des
établissements français et homologués installés dans le pays. Ces établissements constituent
les bastions de la langue française à Madagascar.
3. Sources pour 2003 : Gil Dany Randriamasitiana, 2004, p. 175 ; pour 2007 : OIF, 2007, p. 17.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Si l’on ne peut pas estimer le niveau effectif en français des enseignants et des élèves des
niveaux supérieur et secondaire en l’absence d’évaluation faite en la matière, l’on possède en
revanche des informations pour le primaire à travers les résultats de l’évaluation des PASEC
VII et VIII obtenus dans ce niveau éducatif dans 11 pays, à savoir Maurice, Madagascar,
la Mauritanie, le Congo, le Bénin, le Togo, le Cameroun, le Sénégal, le Gabon, le Tchad et
le Niger1. Le projet a démarré à Madagascar en mai 2005, avec comme échantillon national
249 enseignants, 100 élèves de la deuxième année et 100 élèves de la cinquième année. Ces
derniers sont issus de 150 écoles primaires originaires des six anciennes provinces malgaches.
Les témoins identifiés ont passé le Test de connaissance du français (ou TCF) élaboré par
le CIEP de Sèvres, destiné aux personnes ayant le français comme langue non maternelle.
Ont été évaluées la compréhension écrite et orale, l’expression écrite et orale et la maîtrise
de la structure de la langue. Sur les 259 enseignants, 46, soit 18 %, sont des utilisateurs
indépendants et 203, soit 82 %, des utilisateurs élémentaires du français. Les scores des élèves
en français progressent du pré-test (test effectué en début d’année) au post-test (test réalisé
en fin d’année). En outre, Madagascar obtient en français de meilleurs scores que le Tchad ou
la Mauritanie, par exemple, selon le tableau suivant :
SCORES EN FRANÇAIS DES ÉLÈVES DE LA 2e ET DE LA 5e ANNÉE
Niveaux
Pays
2e année
Madagascar
Cameroun
Tchad
Madagascar
Cameroun
Mauritanie
5e année
Pré-test
Post-test
40 %
45,2 %
27 %
37 %
46 %
19,5 %
47,9 %
64,9 %
41,1 %
39,4 %
55,5 %
22,2 %
Si les résultats qui concernent les enseignants sont assez réalistes, ceux relatifs aux élèves
laissent, en revanche, quelque peu perplexe, rapportés au niveau en français des enseignants
et au fait que seuls 0,7 % des 100 élèves malgaches identifiés déclarent parler le français à la
maison contre 94,3 % au Gabon, 31 % au Cameroun, 10,2 % au Tchad ou 2,7 % en Mauritanie.
Malgré le niveau peu élevé en français des enseignants et des élèves, cette langue jouit
du statut de langue d’enseignement privilégiée dans le système éducatif où il devance
le malgache. Si tous les cours sont, en effet, donnés en malgache durant les premières
années de scolarisation, le français est ensuite introduit comme langue d’enseignement
des « Disciplines non linguistiques » (ou DNL), à savoir les mathématiques, les sciences
physiques, les sciences de la vie et de la Terre, et l’histoire-géographie à partir de la troisième
année pour les anciens programmes encore en vigueur dans la majorité des circonscriptions
scolaires (CISCO) ou de la sixième année comme le prévoit la réforme lancée en 2008,
uniquement appliquée dans 20 CISCO modèles. Le français devient, en revanche, langue
d’enseignement à part entière dans le secondaire et le supérieur. Une telle situation explique
les difficultés de l’enseignement/apprentissage du et en français, la valorisation excessive du
français scolaire et le poids de la norme du français et de l’écrit dans le contexte malgache
(C. Bavoux, 1993, p. 180-181).
Au niveau de la recherche, en particulier sur la situation des langues dans l’enseignement,
plusieurs travaux ont été effectués sur le français et sur ses contacts avec le malgache et les
1. http://www.confemen.org/IMG/pdf/II_et_VIII.pdf, consulté le 29 octobre 2009.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
autres langues évoluant dans le contexte malgache. À titre d’exemple, citons les travaux de
linguistes, de sociolinguistes, de didacticiens ou d’historiens de l’éducation2 et les mémoires
de Certificat d’aptitude pédagogique de l’École normale (CAPEN) des étudiants de l’École
normale supérieure de l’Université d’Antananarivo. Ces travaux constituent de précieux
documents, malheureusement encore peu exploités à ce jour par le ministère de l’Éducation
nationale (MEN) et par les organismes partenaires.
Les Journées scientifiques intitulées «Les langues et l’enseignement des disciplines non
linguistiques à Madagascar. État de la recherche» organisées les 25, 26 et 27 août 2009
par le Centre de recherche en linguistique (CRL) de l’École normale supérieure3 se sont
particulièrement attachées à valoriser ces travaux tout en les confrontant aux expériences
de terrain des acteurs du MEN. Les Actes des Journées sont actuellement en cours de
préparation. Les travaux ont abouti à la mise en place d’un Réseau de chercheurs en DNL.
La situation à l’île Maurice
Survol historique
L’île Maurice, ancienne île de France, a connu deux colonisations importantes qui ont
façonné son paysage linguistique : la colonisation française de 1715 à 1810 et la colonisation
britannique de 1810 à 1968. Cette succession de deux systèmes coloniaux explique en partie
la complexité de la situation linguistique mauricienne. L’occupation française introduit à
Maurice des variétés de français (langues des colons) ainsi que des langues africaines (langues
des esclaves) au contact desquelles émergera le créole mauricien. L’occupation britannique,
quant à elle, tente d’imposer l’anglais et introduit à Maurice des masses de travailleurs
parlant différentes langues asiatiques. Ces vagues d’immigration forcées et libres ont eu
pour conséquences la création d’une situation plurilingue dynamique et l’émergence d’une
population dotée de stratifications sociales et ethniques complexes.
Maurice a pour langue officielle de facto l’anglais car cette langue est présente dans les
domaines du judiciaire, de l’administratif, de l’exécutif et de l’éducatif. Cependant, le français
jouit d’un statut de langue «co-» ou «semi-» officielle de facto, car il est également présent dans
ces domaines, en particulier à l’oral, ainsi que dans les principaux médias du pays. Tantôt langue
de résistance, face à l’imposition de l’anglais par les autorités britanniques, tantôt langue de
prestige et de revendication identitaire auprès d’une partie de la population, ou encore langue
culturelle, le français a toujours eu une image plutôt positive au sein de la population.
Le plurilinguisme mauricien et le paradoxe francophone
Selon le recensement de 2000 (publié en 2002)4 , le créole et le bhojpuri sont les deux langues
les plus parlées à Maurice5 avec respectivement 791 465 locuteurs (70 %) et 142 385 locuteurs
2. Entre autres, les travaux de Michel Rambelo, Claudine Bavoux, Mathilde Rakotozafy, RafaralahyZefaniasy Bemananjara, Monique Rakotoanosy, Sophie Babault, Irène Rabenoro, Gil Dany Randriamasitiana,
Vololona Randriamarotsimba, Chantal Rakotofiringa, Velomihanta Ranaivo.
3. Cette manifestation scientifique a été soutenue par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF)
dans le cadre du programme «Langue française, diversité culturelle et linguistique» et par le Service de
coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France, par l’intermédiaire du projet «Appui au
bilinguisme à Madagascar».
4. Les résultats du recensement sont disponibles dans leur intégralité sur http://www.gov.mu/portal/
sites/ncb/cso/report/hpcen00/Demogra/demofer.htm.
5. Selon la question posée dans le formulaire, il s‘agit très exactement de «langue(s) habituellement ou
le plus souvent parlée(s) à la maison».
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
(12,5 %), pour une population totale de 1 143 069 habitants. Il convient de préciser que ces
deux langues n’ont pas de statut officiel1. Viennent ensuite le français avec 39 827 locuteurs
(3,5 %) et l’anglais avec 3 505 locuteurs (0,3 %). Le reste de la population parle soit une
langue asiatique, soit un mélange de créole et de langue asiatique. Il faut toutefois noter que
33 216 individus déclarent parler quotidiennement le créole et le français. Le plurilinguisme
mauricien est donc caractérisé par la cohabitation de langues européennes dites de prestige,
de langues asiatiques dites vernaculaires et de la langue créole dite véhiculaire. Il en résulte
une population mauricienne qui est au moins bilingue voire trilingue (c’est en tout cas l’un
des objectifs du système scolaire mauricien) et une situation caractérisée par une diglossie
importante.
Si le créole est la langue du quotidien, le français est utilisé dans des situations plus
formelles. Le français est aussi une langue urbaine (A. Carpooran, 2009) : 71 % des
39 827 habitants déclarant parler le français au quotidien vivent en ville. Cette langue est
aussi associée aux segments de la population regroupés sous le désignatif « Blancs » ou
« Franco-Mauriciens » (descendants de colons jouissant d’un statut social plutôt élevé),
à ceux connus comme « Gens de couleurs » ou « Mulâtres » (population issue du métissage)
et aux « Créoles » de petite et moyenne bourgeoisie (descendants d’esclaves et/ou de
groupes métissés).
La francophonie mauricienne est souvent perçue comme paradoxale (A. Carpooran
2003 ; D. Baggioni et D. de Robillard, 1990). Le premier paradoxe s’explique par le fait que
le français, langue minoritaire en termes arithmétiques sur le territoire, est néanmoins une
langue officielle tolérée à côté de l’anglais, et ce après plus de 150 années de colonisation
britannique. Deuxièmement, le statut de première langue officielle de facto de l’anglais peut
surprendre au regard du nombre encore moins important de locuteurs déclarant pratiquer
cette langue au quotidien (3 505 pour l’anglais contre 39 827 pour le français). Il convient
également d’ajouter que l’île Maurice est aussi perçue comme l’un des rares territoires au
monde où le français est en progression face à l’anglais (B. Atchia-Emmerich, 2005, p. 37,
et A. Carpooran, 2003, p. 35). Il y a lieu toutefois de préciser que si les Mauriciens ont des
compétences en français et cela grâce à l’école et aux médias, il n’en est pas moins vrai que
l’usage effectif de cette langue reste réservé à des situations sociolinguistiques particulières.
Le contact permanent des langues a construit et construit encore une variété de
français mauricien qui est caractérisée par des traits phonologiques tels que la vélarisation2
et l’allongement de certains sons vocaliques comme le [a]. Par ailleurs, le lexique se trouve
fortement enrichi de mots empruntés ou calqués à partir du créole, de l’anglais, de l’hindi,
du bhojpuri, entre autres. Le tableau suivant présente quelques exemples de particularités
lexicales du français mauricien (pour plus de détails, voir A. Carpooran, 2005 ; D. Baggioni et
D. de Robillard, 1990).
1. Sous réserve des changements qui pourraient être apportés à ce niveau dans les mois ou années
qui viennent, dans la mesure où le programme de l’actuel gouvernement issu des urnes lors des élections
législatives de mai 2010 plaide pour l’introduction formelle du créole et du bhojpuri comme matières dans les
écoles primaires (cf. Le Mauricien du mardi 8 juin 2010).
2. Phénomène articulatoire durant lequel la partie arrière de la langue se rapproche du voile du palais.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Français mauricien
Origine
Français standard
Sud Afrique
Calque de l’anglais
Afrique du Sud
Standard One/First/Première
Emprunts de l’anglais/français
Première année du cycle primaire
Pagla
Emprunt de l’hindi
Fou
Chauffer-soleil
Composition du français
Bronzer
Baba roche cari
Emprunt du créole
Genre de mortier
Pipengaille
Emprunt assimilé du tamoul
Légume de la famille
des cucurbitacées
Achard
Emprunt assimilé de l’hindi
Préparation épicée à base de fruits
ou de légumes
Le français dans le système scolaire mauricien
L’Education Act de 1957 qui réglemente l’emploi des langues au sein des écoles publiques
et privées (catholiques) stipule que l’enseignant a le libre choix du médium d’enseignement
jusqu’en milieu du parcours primaire. Pour le reste de la scolarité, l’anglais est le médium
obligatoire, exception faite pour l’enseignement d’autres langues. Toutefois, dans la pratique,
la réalité ne correspond pas toujours à la réglementation. Il existe trois types d’écoles à Maurice : les écoles publiques qui privilégient le créole et l’anglais, les écoles confessionnelles catholiques qui privilégient le français et les écoles privées payantes exclusivement anglophones
ou francophones. Parmi les institutions éducatives, on compte trois établissements français
conventionnés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, deux établissements
homologués et quatre établissements de formation délivrant des diplômes français.
Au sein des écoles pré-primaires, on utilise principalement le créole comme médium
d’enseignement. Le français est toutefois plus spécifiquement présent dans les écoles
des régions urbaines où il y a aussi eu une émergence d’écoles privées anglophones ces
15 dernières années. Au primaire, le français y est une matière obligatoire, et aussi un médium
d’enseignement, en particulier dans les écoles privées catholiques des régions urbaines, et ce
durant tout le cycle primaire. Le taux de réussite en français aux examens du CPE, régissant
la fin du cycle primaire, pour la période allant de 2006 à 2009, varie entre 73,3 % et 77,7 %.
Dans l’enseignement secondaire, le français est une matière obligatoire jusqu’à la 5e année du
cycle secondaire, qui est sanctionnée par un examen connu comme le School Certificate. Sur
une moyenne de 15 000 élèves prenant part aux examens de français, on compte un taux
moyen de réussite de 90 %3 . Le parcours secondaire s’achève avec le Higher School Certificate.
Chaque année, environ 3 000 élèves choisissent le français comme matière principale pour
un taux moyen de réussite de 95 %. Il faut toutefois relativiser ces chiffres, en précisant que le
français est évalué par un organisme anglais (Cambridge) comme une langue étrangère, alors
qu’à Maurice le français est une L24 ou L35 . Au niveau tertiaire, l’Université de Maurice a un
fonctionnement anglophone et tous les cours sont dispensés en anglais, hormis les matières
linguistiques autres que l’anglais. Il existe quatre cours de et en langue française dans le cursus
universitaire mauricien, soit le BA (Hons) French6 offrant une formation en linguistique et
littérature française, le BA (Hons) Humanities, programme mixte combinant deux langues et
l’histoire, le MA French (spécialisation : littérature) et le MA Language Studies (spécialisation :
3. Moyenne calculée à partir des rapports du Mauritius Examination Syndicate de 2004-2009.
4. Deuxième langue.
5. Troisième langue.
6. Cours équivalant à une licence de Lettres modernes.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
anglais ou français). En moyenne, un étudiant choisissant la filière «langue française» a environ
450 heures de cours en français. Chaque année, l’Université de Maurice produit en moyenne
50 diplômés de langue française au niveau de la licence et une dizaine de diplômés en maîtrise.
L’Université de Maurice dispose aussi d’un Campus numérique francophone, antenne de
l’Agence universitaire de la Francophonie.
La situation à l’île Rodrigues
Survol historique
D’une superficie de 109 km2 et située dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, l’île Rodrigues, qui
tient son nom d’un navigateur portugais, est la plus petite île de l’archipel des Mascareignes.
Son histoire s’est construite en parallèle avec celle de Maurice, dont elle dépend aujourd’hui.
Tout comme l’île Maurice, Rodrigues sert essentiellement de port de ravitaillement au
xviie siècle et ce n’est qu’à partir de 1751 que la Compagnie française des Indes entreprend sa
colonisation. Rodrigues joue un rôle stratégique dans la prise de l’ancienne île de France par
les Britanniques, car elle constitue leur principale base de ravitaillement durant les batailles
de prise de possession. L’abolition de l’esclavage constitue une étape fondamentale dans le
peuplement de l’île : durant cette période, la population rodriguaise passe d’une centaine de
personnes à 3 000 habitants. Cette vague d’immigration concerne surtout d’anciens esclaves
devenus libres, ce qui explique que la population rodriguaise actuelle se compose à plus
de 96 % de «Créoles», descendants d’esclaves. Même si les Rodriguais ont revendiqué leur
autonomie depuis 1915 et obtenu une autonomie administrative en 2001, l’île fait toujours
partie du territoire mauricien et possède le statut de 10e district de l’île Maurice.
Situation sociolinguistique
Rodrigues est une île créole, tant sur le plan ethnonymique que sur le plan linguistique, car sa population est composée à 96 % de «Créoles» qui revendiquent sans complexe leur créolophonie
au quotidien. Le français y occupe une place minoritaire avec 126 individus déclarant parler le
français quotidiennement sur une population totale de 35 779 habitants, soit 0,35 % de la population rodriguaise. Même si l’île Rodrigues est une dépendance de la République de Maurice
et est donc soumise à la même législation et à la même influence médiatique, entre autres, ces
chiffres démontrent clairement que la situation sociolinguistique du pays ne peut en aucun cas
ressembler à celle de Maurice. De ce fait, il semble nécessaire de traiter le cas rodriguais selon ses
spécificités locales et d’éviter toute forme d’assimilation à la situation mauricienne.
Au sein de ce milieu créole, créolophone et rural, les instances de contact de la population
rodriguaise avec le français sont plutôt restreintes et formelles et regroupent essentiellement
l’école, l’Église, les médias, certaines activités professionnelles se rapportant au tourisme, et
l’affichage commercial dans la ville principale de Port-Mathurin.
Le français dans le système scolaire
En matière de législation linguistico-éducative, Rodrigues est soumise à la même loi que celle
prévalant à l’île Maurice, soit l’Education Act de 1957.
Dans le cycle primaire, 900 élèves en moyenne participent annuellement à l’épreuve
obligatoire de français et les données disponibles font état en 2008 et 2009 d’un taux de réussite
de respectivement 69 % et 66 %. Compte tenu de la situation rodriguaise, ces résultats peuvent
être jugés corrects, mais une réussite à un examen écrit n’est pas forcément le gage d’une maîtrise
correcte de la langue en question. Il est aussi important de noter que les élèves du primaire ne
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
sont en contact avec le français qu’en classe de français, ce qui représente quatre à cinq heures
par semaine en dehors desquelles le créole et l’anglais prennent le relais au sein de l’école.
Dans le cycle secondaire, le français est plus présent, même s’il reste minoritaire.
Les données disponibles pour la période allant de 2005 à 2009 mettent en avant un taux de
réussite avoisinant les 100 % aux épreuves de français sanctionnant la fin du cycle secondaire.
Il convient de préciser que pour ces mêmes années, une moyenne de 85 élèves prennent part
aux épreuves de français, ce qui représente environ 13 % de la population estudiantine du
secondaire ; un examen des résultats détaillés permet d’observer que seuls 10 % de ces 85 élèves
obtiennent un A, critère sine qua non pour une inscription en cours de français à l’Université
de Maurice. Cette même université accueille chaque année un ou deux étudiants rodriguais
poursuivant une formation universitaire en français.
La situation aux Seychelles
Survol historique
L’archipel des Seychelles est composé de 115 îles granitiques et coralliennes, situées au
4e degré de latitude sud, dans l’océan Indien, au nord de la Réunion, de l’île Maurice et
de Madagascar, et à l’est du Kenya. Ce petit état insulaire s’étend sur une superficie de
455 km2 sur une zone totale de 1,4 million de km2. 33 des 115 îles sont habitées. La majeure partie de la population seychelloise se trouve sur les quatre îles les plus grandes,
à savoir Mahé (qui est l’île principale), Praslin, La Digue et Silhouette. La capitale, Victoria, qui se trouve dans le nord-est de Mahé, est considérée comme l’une des plus
petites capitales du monde. D’après l’estimation du Bureau national des statistiques,
le nombre de Seychellois s’élevait, en décembre 2009, à 87 122. C’est un peuple très fortement
métissé.
C’est en 1756 que les Français commencèrent à occuper les Seychelles. Cette occupation
dura jusqu’en 1814. Elle laissa comme héritage la religion catholique (qui reste la religion
dominante du pays – à 85 %) et la langue française, qui a donné naissance au créole seychellois,
langue maternelle de la quasi-totalité de la population. De 1814 à 1976, le pays fut colonisé
par les Britanniques. Cette période de l’histoire seychelloise vit s’instaurer le système judiciaire,
le système administratif et le système éducatif.
Le 29 juin 1976, la Grande-Bretagne accorda son indépendance aux Seychelles. Sir James
Mancham devint le premier président seychellois. Pendant un an, la nouvelle république
connut une période de transition et de réorganisation administrative. Par la même occasion,
le pays devint à la fois membre du Commonwealth et de la Francophonie. Le nouveau
gouvernement fut renversé le 5 juin 1977 lors d’un coup d’État organisé par l’opposition
de l’époque, et France-Albert René devint le nouveau président. Ce fut un régime socialiste
autoritaire jusqu’en 1993, date à laquelle la direction politique changea et devint démocratique
avec ouverture au multipartisme. France-Albert René occupa le poste de président jusqu’en
mars 2004, date à laquelle il céda le pouvoir au vice-président, James Alix Michel, élu ensuite
au scrutin présidentiel de 2006. Notons que la fête nationale de la République des Seychelles
est le 18 juin, jour où la nouvelle Constitution (de 1993) fut votée par le peuple seychellois.
Le gouvernement actuel des Seychelles considère que tout Seychellois a droit à une
bonne éducation gratuite, à des soins médicaux gratuits, à un logement confortable et à un
équilibre alimentaire acceptable. Cela nécessite un investissement dans les secteurs clés de
l’économie (notamment la pêche et le tourisme). Cet investissement a pour devise dans le
système éducatif : «L’éducation est la clé du progrès».
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Présentation macrosociolinguistique actuelle des Seychelles
La Constitution de la Troisième République en vigueur depuis 1993 déclare, dans ses toutes
premières pages, qu’il y a trois langues nationales et officielles aux Seychelles : le créole, l’anglais et le français. Bien qu’elles partagent toutes officiellement un statut égalitaire, elles n’occupent pas la même place et n’ont pas les mêmes utilités dans la réalité seychelloise. Le créole,
issu du français, est reconnu comme langue maternelle de la quasi-totalité de la population et
langue véhiculaire de communication authentique dans l’administration. Au moins 90 % de
son lexique est d’origine française. C’est la langue la plus utilisée dans le quotidien seychellois.
L’anglais est compris par un grand pourcentage de la population seychelloise. Dans le cadre
administratif, c’est la langue la plus répandue aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Elle prend le statut
de langue seconde. Le français est la langue la moins utilisée tout en étant comprise par une
grande partie de la population. Les rapports des recensements nationaux organisés par le Bureau national des statistiques donnent un meilleur aperçu des choix/préférences des langues
par les Seychellois.
Le recensement national de 1977 ne fait pas référence aux langues. La seule chose à
signaler est que l’ordre dans lequel les langues sont présentées dans l’introduction du rapport
de ce recensement est complètement différent des rapports plus récents : l’anglais occupait
la première position dans l’énoncé du rapport et le créole arrivait en deuxième ou même en
troisième position après le français ; depuis que les langues occupent une place importante
dans la vie politique du pays, le créole est passé en première position.
Le deuxième recensement national a eu lieu en 1987. L’anglais, le français et le créole
étaient, désormais, devenus les langues officielles des Seychelles, avec le créole parlé (comme
premier choix) dans 88 % des foyers. Les détails figurent dans le tableau ci-dessous :
CHOIX DES LANGUES  RECENSEMENT NATIONAL DE 19871
Préférence
de langue
La plus parlée
Deuxième
plus parlée
Troisième
plus parlée
Créole
13 954
92,3 %
239
1,6 %
58
0,4 %
Langue parlée
Anglais Français Autre
453
3,1 %
1 600
10,6 %
124
0,8 %
172
1,1 %
212
1,4 %
698
4,6 %
188
1,2 %
98
0,6 %
57
0,4 %
Rien
0
0,0 %
12 969
85,8 %
14 181
93,8 %
Pas répondu
351
2,3 %
0
0%
0
0%
Total
foyers
15 118
100 %
15 118
100 %
15 118
100 %
Le troisième recensement national a eu lieu en 2002. L’anglais, le créole et le français
avaient alors été reconnus dans la Constitution de 1993 comme langues nationales et
officielles. Elles étaient déjà toutes égales et les Seychellois étaient libres de dire dans
laquelle des trois ils préféraient parler, correspondre, etc. De ce fait, pour ce recensement,
le Bureau national des statistiques a demandé à chaque foyer participant à cet exercice de
spécifier les trois langues utilisées principalement à la maison. Le tableau suivant présente
les résultats obtenus.
1. Rapport du Bureau national des statistiques, 1987.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
CHOIX DES LANGUES  RECENSEMENT NATIONAL DE 20022
Première
langue
parlée
Créole
Anglais
Français
Tamil
Autre
Pas répondu
Total
Nombre
de foyers
%
Deuxième
langue
parlée
Nombre
de foyers
19 221 91,8 Anglais
1 022 4,9 Créole
169 0,8 Français
112 0,5 Autre
359 1,7 Rien
50 0,3
20 933 100 Total
%
Troisième
langue
parlée
Nombre
de foyers
%
4 577 21,9 Français
564 2,7 Anglais
300 1,4 Créole
241 1,2 Autre
15 251 72,8 Rien
1 782 8,5
177 0,8
139 0,7
107 0,5
18 728 89,5
20 933 100 Total
20 933 100
On peut observer que la majorité des foyers considère le créole comme la première langue
parlée (92 % contre 5 % pour l’anglais et 1 % pour le français). D’autre part, l’anglais est
considéré comme la deuxième langue la plus parlée dans les foyers seychellois. Le créole
apparaît en deuxième position, toujours devançant le français. Celui-ci prend, comme
d’habitude, la troisième place. Il est également important de noter ici que les trois quarts des
foyers participant à ce recensement ne parlent qu’une langue à la maison.
Depuis janvier 2010, le Bureau national des statistiques en collaboration avec le ministère
de l’Éducation organise de nouvelles sessions de recensement. La première vise à établir le
niveau d’alphabétisation des Seychellois et la deuxième, prévue en août 2010, sera le nouveau
Recensement national. Le rapport de la première session n’a pas encore été publié au moment où s’écrit cet article.
Le français dans le système scolaire seychellois
La République des Seychelles a adopté un système éducatif s’inspirant principalement du système britannique. L’école est obligatoire dès l’âge de cinq ans jusqu’à seize ans. Il est intéressant
de noter, cependant, que la plupart des parents envoient leurs enfants à la maternelle, qui est
rattachée à l’école primaire, dès l’âge de trois ans et trois mois. Cette situation oblige le ministère
de l’Éducation à produire un curriculum avec les ressources nécessaires et aussi à former les
enseignants spécifiquement pour la crèche (maternelle). Les enfants suivent six années d’études
primaires et cinq ans d’études secondaires. S’ils obtiennent de bons résultats aux examens,
ils peuvent postuler pour une place dans l’une des institutions post-secondaires et/ou à l’Université des Seychelles.
Le système éducatif est organisé en cycles : cycle 1 – de la maternelle à la deuxième année
du primaire ; cycle 2 – troisième et quatrième années du primaire ; cycle 3 – cinquième et
sixième années du primaire ; cycle 4 – de la première à la troisième année du secondaire ;
cycle 5 – quatrième et cinquième années du secondaire.
Les trois langues nationales sont enseignées dans le système éducatif seychellois. Elles
occupent différents statuts aux différentes étapes du curriculum. Elles sont soit enseignées
comme matières (c’est-à-dire qu’elles partagent le même statut que toutes les autres matières
du curriculum telles que les sciences ou les mathématiques avec des horaires spécifiques), soit
utilisées comme médiums d’enseignement (langues officiellement désignées pour enseigner
2. Rapport du Bureau national des statistiques, 2002.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
une matière spécifique, ce qui implique que tous les concepts, connaissances et savoir-faire
sont enseignés dans cette langue), soit encore employées en tant que langues de soutien
pour d’autres matières où une autre langue est prescrite comme médium.
L’anglais occupe la première place dans le système éducatif seychellois car son importance
s’accroît du début jusqu’à la fin du cursus scolaire, comparée aux deux autres langues : c’est une
situation similaire à celle que l’on observe dans la réalité quotidienne du pays. Cette langue a pu
garder sa position depuis les années de colonisation anglaise. En cycle 1, l’anglais n’est qu’une
matière, mais à partir du cycle 2 et jusqu’à la fin de la scolarité, il est langue d’enseignement.
Le créole a été introduit dans le système éducatif seychellois en 1982. Au cours des deux premières années de la maternelle, le créole est le médium d’enseignement et il est également
enseigné comme matière. En première et deuxième années du primaire, il garde son statut de
médium pour toutes les matières du curriculum. À partir de la troisième année, il n’est utilisé
comme médium d’enseignement que pour certaines matières. Il est enseigné comme matière
jusqu’à la sixième année du primaire. En cycles 4 et 5 au secondaire, il demeure le médium
d’enseignement pour les matières qui ne sont pas sanctionnées par les examens, telles que la
religion et l’éducation civique. Il n’est à ce stade plus enseigné comme matière.
Le français est utilisé pour l’apprentissage de certaines activités langagières de base
comme les salutations, les interactions sociales, etc., en première année de la maternelle. En
deuxième année, cette langue est enseignée formellement à travers des activités plus approfondies. Elle est introduite comme matière uniquement pour la compréhension orale au
départ. Ce n’est qu’au troisième trimestre de la deuxième année que les élèves commencent
à réaliser des activités de lecture et d’écriture. En première et deuxième années du primaire,
elle est toujours enseignée comme matière. Le français devient, depuis la troisième année du
primaire jusqu’au niveau post-secondaire, une matière obligatoire. Il sert également de langue
de soutien à tous les niveaux. Il est évident que le français occupe une place inférieure dans
le système scolaire seychellois comparativement aux deux autres langues nationales, mais
DELF SCOLAIRE 2008
120
Taux de réussite
100
95,83 %
96,54 %
87,83 %
80
65,06 %
60
40
20
0
A1
A2
B1
B2
Niveaux
76
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
les résultats des étudiants à la fin de leur scolarité montrent que ces derniers ont un niveau
acceptable en français. Le ministère de l’Éducation a choisi le DELF scolaire comme examen
de fin des études secondaires en français depuis 2005. Il existe des épreuves pour chacun des
niveaux A1, A2, B1 et B21. Les graphiques représentés ci-contre et ci-dessous donnent les taux
de réussite de 2008 ainsi que les moyennes obtenues par les étudiants seychellois en 2009.
Le graphique ci-dessous indique les moyennes des étudiants pour chacune des compétences (distinction faite entre la compétence «C» et la production «P», orales «O» ou écrites
«E») en 2009.
Moyennes
MOYENNES PAR COMPÉTENCES
DELF SCOLAIRE 2009 NOTES SUR 25
CO
CE
PO
PE
A1
18,7
19,6
12,8
18,1
A2
22,6
20,7
14,2
17,8
B1
14
15
14
18
B2
13,1
15,2
12
17,3
Compétences
La situation à La Réunion
Survol historique
Repérée au début du xvie siècle par des marins de diverses origines, l’île Mascareigne figure
sur des cartes sous des noms variés et demeure longtemps inhabitée. Ses premiers occupants
sont 12 Français exilés à la suite d’une mutinerie du poste qu’ils occupaient à Fort-Dauphin.
De retour à Madagascar, ils en font une description favorable au gouverneur Étienne de Flacourt qui vient alors s’y installer. En 1663, Louis Payen arrive dans l’île avec 10 Malgaches.
Il est rejoint en 1665 par une vingtaine de colons qui s’y établissent pour le compte de la
Compagnie des Indes. Quelques années plus tard, des rescapés du massacre de Fort-Dauphin
y prennent pied pour renforcer la colonie naissante. Au début du xviiie siècle, la Compagnie
des Indes décide de mettre en valeur l’île Bourbon, en y introduisant la culture du café, puis
celle des épices, qui sera suivie plus tard par celle de la canne à sucre. Il s’ensuit un développement agro-industriel progressif qui entraîne un besoin de main-d’œuvre croissant, auquel les
colons répondent en développant la traite originaire de Madagascar, d’Afrique de l’Est et de
l’Inde. C’est le passage d’une économie d’habitation à une société de plantation. La population augmente alors fortement : 700 habitants en 1700, 2 000 en 1717 pour atteindre 50 000
à la fin du siècle (INSEE, 1998).
1. A1, A2, B1, B2, C1, C2 : l’échelle globale des niveaux communs de référence définit les compétences
attendues des utilisateurs élémentaires (A1 et A2), indépendants (B1 et B2) et expérimentés (C1 et C2). En
savoir plus : http://www.coe.int/T/DG4/Portfolio/?L=F&M=/main_pages/levelsf.html.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Le 20 décembre 1848 voit la fin du système servile : Sarda-Garriga proclame à Saint-Denis
l’abolition de l’esclavage. Libérés, 62 000 anciens esclaves rejoignent les 35 000 travailleurs
libres africains et asiatiques arrivés depuis 1825 pour assurer le travail agricole. L’ex-population
servile abandonnant les champs, les colons propriétaires font appel à de nouveaux «engagés»
pour cultiver la canne en plein essor. La Réunion vit alors une brève période de richesse
économique marquée par l’ouverture de routes et de ponts et la construction d’édifices
publics. Cependant à partir de 1865 commence la crise du sucre, qui modifie profondément
la structure sociale, même si l’immigration se poursuit en dépit de la misère.
Les migrations massives cessent à la fin du xixe siècle à cause du marasme économique, mais
la population est dans un état sanitaire préoccupant : au paludisme endémique s’ajoutent des
poussées de choléra, de variole et même de peste, et la mortalité infantile se révèle importante.
Même si elle n’entraîne directement aucune perte humaine, la Seconde Guerre mondiale
accentue encore l’effondrement économique. Sous le régime de quasi-monoculture de la canne
et soumise au blocus, l’île ne peut exporter son sucre, que l’on est parfois contraint de stocker
jusque dans les cinémas et les églises. Les produits de première nécessité comme le riz et les
tissus manquent cruellement, la situation sociale est catastrophique, et les historiens signalent
surtout le délabrement de l’état sanitaire et éducatif de la population.
Officiellement, c’est en 1946 que La Réunion accède au statut de département d’outremer. La sortie du système colonial sera lente. Priorité est donnée aux travaux d’infrastructures
les plus urgents ainsi qu’à l’amélioration de l’état sanitaire, comme en témoigne l’éradication
du paludisme en 1959. Mais on considère que le développement de l’île prend réellement de
l’ampleur au cours des années 1960 avec l’installation effective des grandes administrations
de l’État français et la véritable mise en place du système scolaire républicain.
Du point de vue politique, l’île passe du régime colonial au statut départemental «ultramarin» qui implique pour tous les Réunionnais une accession aux mêmes droits que tous les
Français. Un certain nombre de mesures sociales, accompagnées d’une dotation d’infrastructures, améliorent les conditions de vie de façon spectaculaire : la sécurité sociale et les allocations
familiales sont instaurées ; elles assurent le recul des maladies endémiques et de la mortalité infantile, et concourent à l’élévation du pouvoir d’achat des habitants. Les établissements scolaires
se multiplient, le réseau routier se développe et le parc automobile quadruple en 30 ans : on
passe de 56 000 véhicules en 1972 à 243 600 en 1999 ; 60 % des ménages réunionnais possèdent
alors au moins une voiture. Le transport aérien se «démocratise», ce qui facilite les voyages, principalement vers l’Hexagone. L’accroissement démographique est l’un des plus élevés de France et
la population augmente en moyenne de 1,8 % contre 0,4 % en France métropolitaine. Des logements sociaux sont construits, introduisant de nouvelles formes de bâti comme les lotissements
et les immeubles. Les villes se densifient et le paysage rural se transforme.
Cette «sortie de la nuit coloniale» entraîne de sensibles modifications de la structure
économique et de la composition de la population, modifications qui ne manquent pas à
leur tour d’influencer la situation sociolinguistique.
La situation sociolinguistique réunionnaise
L’histoire de La Réunion est donc celle d’une île déserte de l’océan Indien, colonisée par des
Français, qui y font venir pendant deux siècles des travailleurs serviles de Madagascar, d’Afrique
et d’Inde, et qui passent à partir de 1848 à une forme de recrutement de main-d’oeuvre en
provenance d’Asie qu’on a appelé l’«engagisme». Ce type de «vieille colonisation» a entraîné
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
un ensemble de transformations anthropologiques et linguistiques qui a pris le nom de
créolisation. Dès la fin du xixe siècle, les langues créoles ont retenu l’attention des linguistes pour
le type de structure qu’elles présentent autant que pour les problèmes de leur genèse. Depuis
une quarantaine d’années, les linguistes utilisent le terme «diglossie» pour décrire la situation
réunionnaise, concept que Charles Ferguson avait proposé pour d’autres cas dans un article
de 1959. C’est dire qu’ils y voient deux systèmes linguistiques couvrant l’ensemble de l’espace
énonciatif du territoire selon une répartition stricte : la variété haute, réservée aux énonciations
prestigieuses et officielles, et la variété basse, qui serait reléguée à l’espace informel. La situation
sociolinguistique locale peut être, en effet, considérée comme diglossique puisqu’elle comprend
deux systèmes linguistiques apparentés (le français et le créole), socialement hiérarchisés et
de statut inégal : le français est la langue bénéficiant d’un statut écrit, officiel et international,
tandis que le créole est peu valorisé. Toutefois, par d’autres aspects, l’application de la définition
canonique semble difficile. En effet, la complémentarité fonctionnelle des langues, considérée
par Ferguson comme l’un des caractères définitoires de la diglossie, ne va pas de soi à La Réunion.
En 1978, Robert Chaudenson et Michel Carayol montrent déjà que les pratiques langagières ne
remplissent jamais exactement des fonctions identiques et ne sont pas valorisées de la même
façon. Si le français est majoritairement utilisé dans les administrations, dans l’enseignement et
dans la presse et que le créole est la langue de la communication quotidienne, ils constatent que
le basilecte ne se cantonne pas à l’espace informel et pénètre parfois les administrations, l’Église
et les activités professionnelles, notamment celles liées au commerce. À l’inverse, il arrive que le
français occupe la sphère privée : certaines conversations familiales se déroulent dans ce code
ou bien dans les deux langues en présence qui alternent alors, selon le sujet abordé ou selon la
présence ou non des enfants. Ces observations se voient confirmées et majorées 30 années plus
tard (M. Lebon-Eyquem, 2008) : le créole réunionnais se risque à apparaître aujourd’hui dans des
lieux où il n’était guère admis auparavant, comme dans les espaces énonciatifs publics. Le voici
au journal télévisé, dans des émissions radiophoniques sérieuses, des spectacles humoristiques,
des conversations à caractère administratif, dans l’enseignement de classes bilingues et même
dans le discours de certains politiciens. Plus inhabituel encore, il se montre parfois sous sa version
écrite et on voit fleurir à présent à La Réunion des publicités sous forme d’affiches, de tracts,
de spots télévisuels. Le français quant à lui se rencontre de plus en plus souvent dans le cadre
familial, seul ou dans des négociations avec le créole.
La diglossie fergusonienne est remise également en cause en raison de la bipolarité structuraliste des langues qu’elle suggère. Signalant la diversité des énoncés produits dans l’île, Michel
Carayol et Robert Chaudenson suggèrent l’adoption du modèle du continuum pour décrire la
situation réunionnaise. Ils avancent l’idée que les productions langagières pourraient être rangées sur un même axe dont le français standard, constituant l’«acrolecte», occuperait le pôle
supérieur, tandis que la variété de créole la plus éloignée du français, le «basilecte», se positionnerait à l’autre extrémité. Entre ces deux pôles se situent les «mésolectes», notamment le français créolisé et le français régional. Ces principales variétés du continuum possèdent, selon eux,
des caractéristiques linguistiques relativement définies et sont corrélées, dans leurs premières
descriptions, à des facteurs ethniques : le français «standard» est parlé par une infime partie de
la population issue de la métropole ou de milieux socioculturels réunionnais très favorisés. Le
français régional est la variété de la bourgeoisie blanche ou de couleur. Le français créolisé, parfois appelé par certains «créole des Hauts», est utilisé surtout dans les Hauts du sud de l’île par
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
les «Petits Blancs», que l’on appelle parfois les «Yabs». Enfin, le créole est utilisé par les populations «noires» (les Cafres), «indiennes» (les Malbars) et métissées des Bas de l’île. Toutefois,
les définitions des variétés du continuum posent un certain nombre de problèmes car elles
s’avèrent souvent peu précises ou fluctuantes par endroits. Ainsi, au plan terminologique, le
français créolisé est aussi étiqueté «créole acrolectal» ou «créole francisé». En outre, le français
créolisé est considéré également comme une variété intermédiaire entre le français régional et
le créole tout en étant peu différent du français régional. Les critères s’avèrent insuffisamment
rigoureux pour valider la différenciation précise du système. Dès 1985 se fait jour une critique
du continuum et de l’analyse implicationnelle tant la variation est mouvante. Les auteurs du
modèle continuiste signalent eux-mêmes les difficultés d’utilisation qu’il induit. Même si l’on
admet un grand nombre de variantes, on constate dans les pratiques langagières actuelles des
locuteurs réunionnais une utilisation irrégulière voire erratique de plusieurs variétés, qui alternent ou s’agencent selon une organisation peu prédictible, parfois dans l’énoncé d’un même
locuteur. Enfin, étant donné que le métissage a brouillé considérablement les frontières, la corrélation des usages à l’ethnicité ne semble pas ou plus correspondre totalement à la réalité des
productions réunionnaises.
Des descriptions plus récentes proposent par conséquent de traiter la spécificité des
paroles réunionnaises en les apparentant aux «formes interlectales» mises en évidence et
décrites par Lambert-Félix Prudent sur le terrain martiniquais, c’est-à-dire «à cet ensemble
de paroles qui ne peuvent être prédites par une grammaire de l’acrolecte ou du basilecte»
(L.-F. Prudent, 1981, p. 31). Pour ce linguiste, la créolisation entamée au xviiie siècle ne s’est
pas achevée sur la création d’une frontière «arrêtée» entre créole et français. Il pose donc
l’existence d’une zone interlectale de la parole où les deux systèmes se rencontrent, se
combattent et fusionnent dans un incessant métissage. Les énoncés qui la composent font
partie intégrante d’un ensemble cohérent et dynamique, un «macrosystème», qui connaît
certes de la variation idiolectale, mais qui présente suffisamment de régularités lexicales et
syntaxiques pour constituer un système langagier (L.-F. Prudent, 1993).
Notre conclusion est ici qu’une définition de la place du français à La Réunion ne peut
raisonnablement épouser un modèle statistique du bilinguisme. Si Robert Chaudenson
posait en 1979 qu’un quart de la population réunionnaise parlait le français, s’il corrigeait ses
propres chiffres quelques années après en suggérant que 40 % de la population totale était
francophone, il nous semble difficile d’annoncer aujourd’hui un chiffre de la francophonie
«réelle» dans ce département.
Le français dans le système social réunionnais contemporain
Pour décrire le fonctionnement du français dans La Réunion de 2010, il faut donc commencer par dire qu’il est perçu avec une réelle ambiguïté. Pour certains observateurs, c’est une
langue en plein développement quantitatif, mais d’autres discours mettent en avant des facteurs d’inquiétude quant à la correction et à la qualité de la langue parlée. On peut affirmer
sans crainte de se tromper que l’école, les médias, les transports intérieurs autant que ceux
menant à l’Europe, bref l’ensemble des secteurs touchés par les modifications liées à la départementalisation de 1946, ont permis un développement quantitatif du français langue
de la République, et, concurremment, une forme de régression du créole, que certains observateurs appellent la «décréolisation». On observera cependant qu’il y a deux dimensions
de décréolisation : la première, quantitative, décrit la décroissance de la population des locuteurs unilingues créoles ; la seconde, qualitative, affaiblit les normes d’usage du système
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
grammatical créole, les rendant perméables aux structures françaises. Autrement dit, depuis
un demi-siècle, un nombre croissant de Réunionnais parlerait moins créole et plus français, et
ceux qui parlent créole le parleraient de moins en moins correctement, en glissant dans leurs
énoncés des éléments originaires du français. Si ce schéma, présent dans bien d’autres sociétés créoles (Hawaii, Jamaïque, Antilles françaises), est peu discuté dans le détail ici, sa simple
évocation pose en tout cas la problématique de la prégnance de ce qu’on appelle le «français
réunionnais» ou plus académiquement la «norme endogène».
S’il ne peut être question de dire que les 750 000 Réunionnais sont de parfaits francophones, on ne peut pas non plus les exclure complètement de cette orbite. Les Réunionnais
vivent dans une communauté où deux «langues» se partagent l’espace communicatif, avec
une zone de contact dite interlectale assez développée qui ne peut être niée. Aujourd’hui,
un «Métropolitain» ne parlant que français sera compris à peu près partout dans l’île, tant
qu’il abordera des sujets de conversation courante. Mais il n’est pas sûr qu’il comprendra en
retour ce que lui répondront tous les habitants de l’île et il est sûr qu’il ne comprendra pas
une discussion courante tenue entre deux Réunionnais créolophones.
La principale raison de l’avancée du français standard doit être imputée à l’école. Les effectifs
des enfants scolarisés se sont accrus de 7,7 % dans les 10 dernières années. En 2010, on compte
241 000 élèves et étudiants de la maternelle à l’université. 8 067 candidats ont décroché le baccalauréat à la session de juin 2009. Le taux de réussite s’élève à 85,1 %. C’est le meilleur score
jamais atteint à La Réunion. L’écart de taux de réussite avec l’Hexagone s’est fortement atténué,
passant de six points à un point en 10 ans. La session de juin 2009 a conduit 56,6 % d’une génération au baccalauréat (contre 54,3 % en 2008). Toutefois, des difficultés persistent : les résultats aux évaluations nationales restent en deçà des résultats métropolitains. À chaque rentrée
scolaire, les élèves de 6e font l’objet d’une évaluation diagnostique de leurs acquis en français
(57 items en 2008) et en mathématiques (101 items). Les résultats académiques se situent en
deçà des références nationales. L’écart entre la métropole et La Réunion tend toutefois à se
réduire en français, mais reste inchangé en mathématiques. En français, le score moyen académique est de 46 % contre 57 % pour les élèves de métropole, soit un écart de 11 points.
On estime à 110 000 le nombre de personnes illettrées âgées de 16 à 65 ans en 2007,
soit 22 % de la population (INSEE), chiffre qui n’a pas évolué depuis 20 ans. Cette proportion
est très élevée par rapport à la moyenne nationale. Parmi les jeunes Réunionnais repérés en
situation d’illettrisme, 41 % n’étaient plus scolarisés. Plus on va vers les couches sociales en
difficulté, plus cette situation s’aggrave : en 2001, 39 % des bénéficiaires du RMI étaient illettrés.
La moyenne nationale est de 9 % d’illettrés. En outre, une enquête de l’INSEE, qui a porté sur
513 000 Réunionnais, a recensé, en 2007, 7 000 personnes qui n’auraient jamais fréquenté l’école.
C’est donc l’école qui joue le rôle de principal vecteur de francisation dans ce pays
créole. Toutefois, Robert Chaudenson dénonçait déjà il y a plus de 20 ans les insuffisances
de la politique linguistique et éducative locale. Pour espérer améliorer les résultats scolaires,
il aurait fallu, selon tous les linguistes concernés, envisager «une reconnaissance du "fait
créole"» (R. Chaudenson et CREFOI – Université de La Réunion, 1989, p. 189). L’absence
d’adaptation de l’enseignement du français à la créolophonie globale et à la présence d’un
continuum ou d’une zone interlectale complexe a pour conséquences un manque d’efficacité
et de rentabilité du système scolaire. Quelques actions «pilotes» d’enseignement adapté sont
menées ici et là dans des écoles mais elles émanent de volontés individuelles et seule une
faible minorité d’entre elles sont officiellement soutenues par l’Académie.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Autre domaine responsable et témoin de la progression linguistique d’un certain français,
celui des médias. Trois quotidiens et divers magazines au tirage plus occasionnel se partagent
la faveur du lectorat réunionnais. Tous ces journaux paraissent en français, accordant
très rarement un espace souverain au créole, mais faisant place très régulièrement à des
alternances de codes dans leurs titres ou au cours des articles. Les trois quotidiens disposent
d’un site Internet qui permet une lecture différée et élargie.
TIRAGES DÉCLARÉS OFFICIELLEMENT
JIR
Lundi
Vendredi
Samedi
Dimanche
Le Quotidien
32 000
32 000
44 000
34 000
32 000
41 000
32 000
32 000
Témoignages
6 000
6 000
6 000
6 000
Les radios et les télévisions émettent principalement en français, tant qu’elles traitent
d’informations importantes et sérieuses. Elles font place au créole dans les créneaux d’animation
et surtout lors d’émissions interactives où il est demandé aux auditeurs et aux téléspectateurs
d’appeler par téléphone. Mais les premières études systématiques menées par les linguistes
révèlent alors que ce sont plutôt les variétés intermédiaires (français régional, français créolisé,
créole francisé) qui dominent dans ce genre très prisé des Réunionnais.
Les perspectives de développement du français réunionnais
En conclusion, on peut considérer que La Réunion, département français d’outre-mer, est une
île bilingue, francophone et créolophone. Si l’on admet les récentes évolutions juridiques, sociales, scolaires, économiques et culturelles, le français est indéniablement en train de s’affirmer comme langue dominante dans les échanges ordinaires de la population. Il est cependant
indispensable alors de préciser que ce français courant est affecté par un ensemble de marques
phonétiques, morphosyntaxiques et lexico-sémantiques qui le rendent, par endroits, quasi
incompréhensible du locuteur francophone venu d’Europe ou d’Amérique du Nord.
Insistant il y a déjà 30 ans sur le rôle particulier de ce «français régional», un spécialiste
proposait comme énoncés limites de cette langue réunionnaise les phrases «Le tapenaque
de ma case est faille» («Le pignon de ma maison est en mauvais état») et encore «Les marmailles ont gagné des bonbons avec leur tantine» («Les enfants ont reçu des gâteaux de leur
tante»), en assumant que «seule la structure grammaticale est déterminante, c’est elle qui
fait le départ entre deux phrases, l’une française, l’autre créole, qui mettraient en œuvre les
mêmes mots lexicaux» (R. Chaudenson, 1979 a, p. 557). En ajoutant que la situation se fait
encore plus «mélangée» aujourd’hui, on peut considérer que l’avenir du français est assuré
à La Réunion pour peu que la communauté laisse parler la part de créolité qu’il véhicule
naturellement.
La situation à Mayotte
Survol historique
L’histoire de Mayotte est riche de rencontres et d’apports extérieurs ; c’est, entre autres, un lieu
où se sont brassées des populations bantoues, arabo-musulmanes et occidentales. La civilisation swahilie, issue de la rencontre du monde bantou de l’Afrique de l’Est et des musulmans
venus surtout de Chiraz et de la péninsule arabique, l’a profondément influencée.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Les premiers Européens à la recherche d’une nouvelle route vers l’Inde ne découvrent
l’archipel que vers le xve siècle ; ce dernier va leur servir de point de ravitaillement. Le début
du xixe siècle voit l’effondrement du régime napoléonien, dû entre autres à une indéniable
carence maritime. Durant cette période, la politique française enregistre des revers en matière
coloniale : perte des comptoirs de l’Inde, du Sénégal, de la Martinique, de la Guyane et de
Saint-Domingue en 1809, de la Guadeloupe, de l’île Bourbon (La Réunion) et de l’île de France
(Maurice) en 1810, puis des derniers établissements de la côte orientale de Madagascar. Des
colonies de l’océan Indien, l’Angleterre n’accepte de restituer que l’île Bourbon mais conserve
les Seychelles et surtout l’île de France. Aussi manifeste-t-elle des réticences à laisser renaître
l’influence française à Madagascar. Si le xixe siècle voit l’Angleterre et la France se disputer les
colonies, la domination, surtout entre 1805 et 1850, est incontestablement britannique. Face
à cette situation, la France décide, à partir de 1843, de mener une politique de compromis
vis-à-vis de l’Angleterre : c’est la politique dite «des points d’appui».
L’histoire de la Mayotte française commence en 1841 avec le sultan Andriantsouli, un
roi malgache qui, chassé de son royaume en 1832, s’est réfugié auprès du sultan de Mayotte,
Boina Combo. Très vite, il l’élimine et s’empare de l’île dont il se proclame souverain. Lassé
des querelles avec les sultans des Comores, Andriantsouli cherche l’appui d’une puissance
étrangère : c’est la France qui sera pressentie. Encouragé par le gouverneur de Bourbon, le
contre-amiral Louis de Hell, le commandant Pierre Passot procède à l’achat de Mayotte,
le 25 avril 1841. C’est le traité de cession de Mayotte à la France, conclu avec le sultan de
Mayotte1. La prise effective de l’île n’a lieu que le 13 juin 1843. La nouvelle politique française
de grignotage géostratégique a pour objectif de s’assurer un abri maritime sûr dans l’océan
Indien afin d’y contrecarrer la politique expansionniste de l’Angleterre.
Entre 1886-1887, Mayotte sert de base de départ à l’établissement du protectorat français
sur les trois autres îles de l’archipel des Comores. Dzaoudzi devient la capitale administrative
de la colonie de Mayotte et des trois îles : Grande Comore, Anjouan et Mohéli. Le 24 septembre 1946, les Comores accèdent au statut de territoire d’outre-mer (TOM), doté d’une large
autonomie administrative. Parallèlement au glissement de l’autonomie interne des Comores
vers l’indépendance va s’affirmer progressivement le particularisme mahorais, les Mahorais
allant réclamer le maintien de Mayotte au sein de la France. Le 14 mai 1958, l’Assemblée territoriale des Comores vote une motion demandant le transfert de la capitale de Dzaoudzi
à Moroni, ce qui va jouer un rôle capital dans la détermination des Mahorais de se séparer
politiquement des Comores. Le 22 décembre 1974, lors du référendum d’autodétermination
des Comores, les Mahorais votent contre l’indépendance à 63,8 %, alors que les trois autres îles
l’approuvent massivement. Par la suite, les Mahorais sont consultés à plus d’une reprise. Faute
de place, nous évoquerons simplement la dernière consultation en date, celle du 29 mars 2009
sur la départementalisation de Mayotte, sans cesse réclamée par les Mahorais. Lors de ce référendum, le «oui» à la départementalisation l’a emporté avec 95,24 % des suffrages exprimés.
1. Pour comprendre la suite de l’histoire française de Mayotte, on peut citer les deux premiers articles
dudit traité :
«Article 1 : Le sultan Andriantsouli cède à la France, en toute propriété, l’île de Mayotte qu’il possède par
droits de conquête et par convention, et sur laquelle il règne depuis treize ans.
Article 2 : En retour de la présente cession, le gouvernement français fera au sultan Andriantsouli une
rente annuelle et viagère de mille piastres ; cette rente qui sera versée par trimestre ne sera pas réversible sur
les enfants du sultan Andriantsouli, mais deux de ses fils pourront être envoyés à Bourbon pour y être élevés
aux frais du gouvernement français.»
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Le plurilinguisme actuel de Mayotte
À l’image de son histoire et de son peuplement, la situation linguistique de Mayotte est
pluriculturelle et plurilingue. Bien que le shimaore et le kibushi soient les deux principales
langues parlées à Mayotte, d’autres y sont aussi présentes : l’arabe, enseigné à l’école coranique
et utilisé comme langue liturgique ; trois langues comoriennes, à savoir le shindzuani (Anjouan),
le shingazidja (Grande Comore1) et le shimwali (Mohéli) ; le shihindi, l’idiome parlé par les
Indiens, et le créole. À ces langues s’ajoute bien sûr le français, langue officielle et administrative.
Analyser le plurilinguisme à Mayotte, c’est cerner de façon systématique les dynamiques
langagières à travers le repérage des usages, de leur dynamisme et de leur évolution. Outre
l’analyse des pratiques langagières, nous nous intéressons aux discours épilinguistiques des
Mahorais sur les langues en présence. Ce qui consiste entre autres à établir quels faits sociaux
déterminent les usages linguistiques et à préciser quelles valeurs symboliques les usagers
associent à leurs variétés linguistiques afin d’apprécier leur incidence sur la dynamique des
pratiques langagières dans l’île.
En raison de sa petite superficie, des mutations rapides qu’elle subit et surtout des mouvements migratoires massifs en provenance des Comores, Mayotte est en évolution constante.
Concernant son plurilinguisme, ce qu’on affirme aujourd’hui risque fort de se trouver en décalage avec la réalité du terrain deux ans plus tard. Étant la langue des grandes villes (Mamoudzou, par exemple) et la langue la plus employée dans les discours et meetings politiques, le
shimaore pourrait supplanter le kibushi, y compris dans les villages dits kibushiphones. Présent
dans plus de 60 % des villages mahorais, sinon compris par quasiment tous les Mahorais, le
shimaore est incontestablement la langue la plus parlée à Mayotte. Avec le français, il sert aussi
de langue véhiculaire : durant les meetings politiques, lorsque les élus locaux ne s’expriment
pas en français, ils utilisent le shimaore pour se faire comprendre de tous. De même, quand
deux Mahorais qui ne se connaissent pas se rencontrent, ils recourent automatiquement au
shimaore, parce que les kibushiphones sont majoritairement shimaorephones, alors que l’inverse n’est pas toujours vrai. D’après les enquêtes que le GRPM2 a réalisées sur l’île, pour les
kibushiphones, si la domination de fait du shimaore ne pose pas de problèmes réels, la domination de droit, elle, pourrait être source de conflits car aucune disposition légale n’a attribué
un statut précis aux langues locales jusque-là. Dans certains villages, tels Chiconi et M’tsangamouji, les locuteurs revendiquent plus fortement leurs traits d’individuation sociolinguistique
kibushiens. Pour eux, le shimaore est utilisé comme une langue fonctionnelle, un instrument
de communication véhiculaire et non comme une langue identitaire. Contrairement au français, par exemple, le shimaore ne semble pas bénéficier de projections positives. «Le français
est en voie de devenir une langue de Mayotte», nous répond un jeune kibushiphone.
Autre fait important à signaler, les grandes enquêtes quantitatives que nous sommes
en train d’analyser montrent déjà que, compte tenu de l’importance de l’immigration en
provenance de l’île d’Anjouan, le shindzuani est en phase de supplanter quantitativement le
kibushi, ce qui témoigne de l’évolution rapide que connaît le plurilinguisme mahorais.
Place du français dans le système éducatif mahorais
Mayotte étant un territoire français, ce sont les instructions et programmes nationaux
officiels qui s’y appliquent. La mise en place réelle et la généralisation du système éducatif
1. Voir infra la présentation sociolinguistique des Comores.
2. Groupe de recherche sur le plurilinguisme à Mayotte créé et dirigé par Foued Laroussi, directeur
du Laboratoire LiDiFra (Linguistique, Didactique, Francophonie) dont fait partie le GRPM.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
et de ses infrastructures sont récentes, puisqu’elles datent des années 1980. L’enseignement
préélémentaire est encore plus récent, puisque les premières écoles maternelles publiques
ont été ouvertes en 1993. Dotée d’un vice-rectorat depuis 2001, l’organisation administrative
et pédagogique est conforme aux établissements de métropole : les examens (brevet et
baccalauréat) sont les mêmes. Quant à l’enseignement supérieur, il existe à travers l’Institut
de formation des maîtres (IFM), et le Centre des études et formations supérieures de
Mayotte (CEFSM), lesquels ont signé des partenariats via l’enseignement à distance avec
plusieurs établissements de métropole. Quant aux effectifs des élèves, ils sont en croissance
exponentielle :
CROISSANCE DES EFFECTIFS SCOLAIRES À MAYOTTE
Premier degré
1997
31 643
2007
45 476
2008
46 349
Second degré
2009
1997
49 193
2007
12 065
24 733
2008
26 609
2009
28 410
En raison d’une très forte natalité et d’une immigration massive en provenance surtout
des Comores, Mayotte représente le territoire français le plus peuplé. Cela a forcément un
impact sur la population scolaire, laquelle a augmenté de près de 77,5 % entre 1997 et 2009 :
55,5 % dans le premier degré et plus de 135,5 % dans le second degré3 .
STRUCTURES SCOLAIRES À MAYOTTE
1997
Élèves
Écoles
Collèges
Lycées
2009
43 708
158
11
4
77 603
197
19
9
Comme on peut le constater avec ces deux tableaux, bien qu’un grand effort au niveau des
structures scolaires ait été accompli face à la croissance exponentielle des effectifs, les moyens disponibles ne satisfont pas tous les besoins. Dans le premier degré, en 2009, on compte 197 écoles
primaires (maternelles et élémentaires). Ces établissements ne suffisent pas à accueillir tous les
élèves dans de bonnes conditions. Il en résulte des classes souvent très chargées, et plusieurs
écoles pratiquent un système de «rotation» : une partie des écoliers est accueillie le matin, l’autre,
l’après-midi. Aux difficultés matérielles dues au manque de locaux, s’est ajouté, au cours des 20
dernières années, un autre problème, celui du déficit au niveau du recrutement des instituteurs.
Face à cela, la Collectivité départementale a fait appel, pendant plusieurs années, à des instituteurs
mahorais de niveau collège, voire inférieur, avec une formation pédagogique insuffisante, puisque
certains avaient un déficit au niveau de la maîtrise du français. En 1997, il est décidé que les instituteurs recrutés doivent être titulaires d’un baccalauréat, bénéficier d’une formation de deux ans
à l’IFM et avoir un statut local. Depuis 2006, les instituteurs sont recrutés au niveau bac +2, continuent à bénéficier d’une formation de deux ans et sont intégrés aux corps des instituteurs d’État.
La plupart des acteurs du système éducatif s’accordent pour dire que le taux d’échec scolaire est trop élevé : pas moins de 70 % des jeunes sont en situation d’échec à l’école primaire.
3. Vice-rectorat de Mayotte, éditions 2009-2010.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Dans les classes primaires, environ 30 % des élèves seulement arrivent à passer dans la classe
supérieure, et ce en tenant compte aussi des réglementations en vigueur (âge de l’élève, seuil
de redoublement, etc.). L’échec scolaire commence donc dès le primaire, continue quasiment
à tous les niveaux et s’aggrave encore au moment des études supérieures.
Comment expliquer ce déficit de l’apprentissage du français après un siècle et demi de
présence française, un quart de siècle d’enseignement obligatoire en français et un engagement politique massif de la part de la population mahoraise pour le rattachement de Mayotte à la France ?
Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation, six hypothèses sont
ici avancées.
1. L’absence d’une politique éducative forte et un laxisme de l’institution scolaire : l’un des
constats du rapport de la mission «Enseignement du français langue seconde et langues
régionales à Mayotte», établi par Michèle Verdelhan-Bourgade (2005, p. 3), semble aller dans
ce sens. Selon ce rapport, «de multiples actions ont été entreprises en matière de formation
depuis plusieurs années, ou en matière d’expérimentation pédagogique, mais semblent
avoir donné peu de résultats suivis. Il manque une mémoire des actions entreprises, une
cohérence d’ensemble et une diffusion des résultats lorsqu’ils sont positifs.»
2. Des conditions matérielles ou structurelles peu favorables malgré les efforts accomplis :
des classes chargées, peu de matériel didactique et pédagogique, des locaux en nombre
insuffisant et des horaires mal adaptés.
3. Le français représente non seulement la langue enseignée mais aussi l’idiome d’enseignement,
véhicule de la totalité des apprentissages scolaires, ce qui n’est pas sans poser des problèmes
de compréhension à la majorité des élèves et des difficultés pédagogiques aux enseignants.
4. Une rupture entre la culture scolaire et la culture locale. Cette dernière est très éloignée de
celle véhiculée par les programmes officiels qui sont censés être appliqués. Il existe ainsi un
décalage entre l’école (programmes, consignes pédagogiques, contenus culturels…) et le
milieu de vie de l’enfant mahorais.
5. Une formation insuffisante des enseignants (surtout à l’école primaire), voire un déficit au
niveau de la maîtrise du français, qui constitue une entrave à l’apprentissage du français.
6. Un conflit sociolinguistique latent qui serait à l’origine des blocages face à l’apprentissage
du français. Ce conflit est décrit dans un article de Mayotte Hebdo1 en ces termes : «Les
difficultés des jeunes face à la langue française sont le résultat de multiples réalités de la société
mahoraise et cristallisent en quelque sorte la nature des relations entre communautés locale et
métropolitaine.» Parallèlement à une adhésion massive à l’ouverture culturelle et sociale offerte
par la départementalisation se mettent en place des stratégies de préservation identitaire et de
repli sur la culture locale que les habitants ressentent menacée dans son existence.
À Mayotte, la maîtrise de la langue française reste la condition sine qua non de la réussite
scolaire : l’école se doit de relever ce défi. Mais la réceptivité réelle au changement et à la
modernité s’accompagne d’une interrogation constante sur les périls de l’assimilation, une
interrogation suscitée par un sentiment d’amertume et de reniement. Il ressort de nos
enquêtes de terrain que la plupart de ceux que nous avons interrogés s’accordent pour dire
que le français est la langue de l’avenir à Mayotte ; rares sont ceux qui sont hostiles à sa
présence à l’école comme idiome d’enseignement. Ils dénoncent cependant un enseignement
calqué sur celui de la métropole et qui stigmatise les langues et les cultures mahoraises.
1. N° 180 du 6 février 2004.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
La situation aux Comores
Survol historique
Les Comores sont situées dans le canal de Mozambique, à distance égale du nord-ouest
de Madagascar et des côtes orientales de l’Afrique. Il s’agit d’un archipel d’une superficie
de 2 030 km2 formé de quatre îles : Grande Comore (ou Ngazidja), Anjouan (ou Ndzuani),
Mohéli (ou Mwali) et Mayotte (ou Maoré), sous administration française.
Jusqu’au milieu du xxe siècle, la capitale de l’archipel est Dzaoudzi, dans l’île de Mayotte.
Mais au début des années 1960, les autorités coloniales la transfèrent à Moroni, en Grande
Comore. Selon le recensement général de 2006, la population comorienne (sans Mayotte)
est estimée à 710 960 habitants, dont 150 000 vivent à l’étranger, essentiellement en France.
La densité des trois îles est de 328 habitants au km2. Il s’agit d’une population majoritairement
rurale. Les mythes nous enseignent que les premiers habitants de l’archipel sont des
Antalaotres, peuples venus de la mer. L’histoire à son tour nous informe que le peuplement
des Comores s’est fait avec l’arrivée de Perses, mariés à des femmes bantoues de Zanzibar,
de leurs esclaves, de Malgaches et d’Indiens musulmans.
Les Arabes islamisent l’archipel dès le xiie siècle et l’intègrent au commerce swahili entre la
côte orientale de l’Afrique, le Proche-Orient et l’Orient. Des Perses de Chiraz établis à Zanzibar et
sur les côtes africaines s’installent dans l’archipel dès le début du xvie siècle et nouent des alliances
avec les chefs locaux. Ce contact forme peu à peu des sultanats et un mélange de deux langues :
swahili et perse. Les Portugais sont les premiers Européens à aborder l’archipel à la même époque.
Les Français aussi visitent l’archipel en 1529. Certains de ces voyageurs offrent leurs services
comme pirates aux sultans. Ainsi s’établit le premier contact avec les langues européennes.
L’archipel constitue pendant plusieurs siècles, pour les Européens en général et pour les pirates, une escale sur la côte est de l’Afrique. Des relations entre ces Européens et les souverains
locaux se tissent, mais elles reposent pour l’essentiel sur des rapports de force. Les incursions
malgaches et les divisions internes permettent aux puissances coloniales (la France, le Portugal,
l’Allemagne et l’Angleterre, qui rivalisent pour imposer leur hégémonie dans cette zone stratégique qui ouvre sur le commerce avec l’Orient) d’intervenir dans les affaires politiques locales.
Les Comores sont une ancienne colonie française. Les Français s’introduisent dans le pays
en 1841, d’abord dans l’île de Mayotte, puis dans les autres îles vers la fin du siècle. De 1918 à
1946, les Comores sont rattachées à Madagascar. Mais à partir de 1946, la France accorde à l’archipel une autonomie interne, avec son propre gouvernement et sa propre assemblée. Lors d’un
référendum organisé par la France sur leur autodétermination, les Comoriens votent massivement en faveur de la décolonisation et proclament leur indépendance le 6 juillet 1975, à l’exception de Mayotte, dont la population a voté en faveur du maintien de l’île dans le giron français.
Présentation sociolinguistique des Comores
La Constitution actuelle des Comores reconnaît trois langues officielles : le comorien, langue
maternelle de la population, le français et l’arabe. Ces trois langues ont le même statut
mais n’occupent pas la même place dans la société comorienne. La langue comorienne,
en tant que langue maternelle de la population, est la langue de communication de plus
de 98 % des Comoriens. C’est donc la langue la plus utilisée dans la vie quotidienne, dans
ses quatre variantes dialectales : le shingazidja (dialecte de la Grande Comore), le shimwali
(dialecte de Mohéli), le shindzuani (dialecte d’Anjouan) et le shimaore (dialecte de Mayotte).
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
Le français est compris par près de 55 % de la population. Certaines familles l’utilisent
occasionnellement comme langue de communication. C’est la langue la plus utilisée dans
l’administration. Elle assure le fonctionnement de l’État, de l’école, des médias, etc. Elle est capable
d’outrepasser les limites non franchies par la langue maternelle. Le français est utilisé par les familles
de l’élite comorienne ou celles ayant vécu en métropole. Il est quotidiennement employé dans
plusieurs domaines professionnels. Il constitue une porte ouverte à la compréhension de la culture
occidentale. C’est la langue qui crée le plus de contacts entre les Comoriens et le monde extérieur.
Elle est parfois utilisée en segments linguistiques au milieu de discours en langue comorienne.
Bien que la plupart des Comoriens sachent écrire et lire l’arabe pour des raisons religieuses
(la population est musulmane à 99 %), c’est la langue la moins comprise de la population.
Moins de 20 % des Comoriens se déclarent arabophones. Cette langue est en usage dans
les cérémonies religieuses (prières, enterrements, mariages, etc.). Mais très peu de locuteurs
l’emploient comme langue de communication. L’arabe est la seconde langue officielle du
pays. Son importance dans les affaires administratives et économiques est moindre que celle
de la langue française. Son usage se développe pourtant suite à l’intensification des échanges
avec le monde arabophone. Sept familles sur 10 considèrent que l’arabe est un patrimoine
qu’il faut conserver.
Les Comores présentent une diversité linguistique alimentée au fil des temps par divers
mouvements migratoires. C’est ainsi qu’on peut mentionner quatre autres langues : le malgache,
le swahili, les langues indiennes et l’anglais. La langue malgache devance de loin l’arabe parlé
sur l’archipel. Aucune école n’enseigne le malgache aux Comores, pourtant son usage est très
courant dans des familles ou groupes entiers. Il est acquis seulement dans sa pratique orale.
Nombreux sont les mots malgaches empruntés par la langue comorienne. Cette langue s’est
largement imposée suite aux événements de 1977 qui ont provoqué le retour de nombreux
Comoriens chez eux. Les étudiants revenant de Madagascar intègrent parfois le malgache dans
leurs discussions pour marquer leur nostalgie, le souvenir d’un pays qu’ils ont connu et bien
aimé. Quant au swahili, il est conservé comme langue maternelle par des familles entières et est
enseigné comme matière complémentaire dans au moins une école privée. On recense des tentatives régulières, car souvent avortées, de lui accorder une place dans les informations à la radio
nationale. La diffusion de chansons swahilies sur les médias sonores ou visuels attise sa propagation dans l’archipel. Enfin, un groupe minoritaire d’Indiens pratique un langage commun qu’il
se refuse à partager avec les Comoriens. Cette langue indienne est perçue par les Comoriens
comme la marque d’une entité qui ne se mêle jamais aux autres.
Les Comores ne se soustraient pas au nombre des pays dans lesquels l’anglais exerce son
influence à travers les médias, les chansons… L’anglais est une langue transversale. Elle sert
de référence pour les communicants non francophones. Cette langue est utilisée dans la
conversation avec les étrangers dont les Sud-Asiatiques, les Sud-Africains, les Américains,
de passage aux Comores dans le cadre de la Coopération internationale ou des échanges
commerciaux. Le Galawa Beach, qui fut un hôtel de renommée internationale, a suscité
l’apprentissage de l’anglais par les habitants de la région de Mitsamiouli, située dans le nord
de la Grande Comore. L’hôtel appartenait à des Sud-Africains qui y venaient en masse
et pratiquement toutes les semaines. Comme de nombreux jeunes de la planète, ceux
des Comores accueillent de manière euphorique l’anglais. L’impact n’est pas négligeable,
notamment dans les domaines de la musique, des affaires, de l’art et de la technologie.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
Le français dans le système scolaire
Le système scolaire comorien est organisé comme suit : l’école primaire dure six ans, le collège
quatre ans, le lycée trois ans. Selon les textes du ministère de l’Éducation nationale, l’enfant
doit entrer à l’école à l’âge de six ans. L’école maternelle n’existe pas encore dans le système
éducatif de l’archipel. D’une manière générale, il était d’usage que les enfants comoriens âgés
de trois à six ans fréquentent les écoles coraniques, où ils apprennent à réciter le Coran et à
respecter certaines règles élémentaires de la vie en communauté. Mais depuis une quinzaine
d’années, des écoles maternelles privées ont ouvert leurs portes, dans un premier temps dans
les capitales des îles, puis partout dans le pays.
Le français et l’arabe sont reconnus dans les textes comme les deux langues d’enseignement
du pays. Officiellement, les parents ont le choix de scolariser leurs enfants en français ou en
arabe. Mais offrir ce choix suppose qu’il y ait partout des écoles francophones et des écoles
arabophones. Or, l’État comorien ne dispose pas des moyens nécessaires pour ériger ces deux
types d’écoles dans chaque localité du pays. Ce sont les écoles francophones qui forment
essentiellement le système scolaire comorien. Les établissements arabophones sont présents
seulement dans les capitales des îles ; ils sont financés par des ONG ou des gouvernements
arabes. Jusqu’à la fin des années 1990, la scolarité arabophone s’arrêtait à la fin du collège,
en troisième, et était sanctionnée par le brevet (BEPC). Les plus chanceux partaient avec
une bourse terminer leurs études secondaires dans un pays arabe. Mais depuis quelques
années, l’État a introduit un enseignement de second cycle du secondaire entièrement en
arabe, sanctionné par le bac A2. Dans ces écoles arabophones, le français est enseigné comme
matière, au même titre que les autres matières du programme.
Le français est donc la langue qui domine dans le système scolaire du pays. Il est enseigné
comme matière du primaire jusqu’en terminale ; il sert également de langue d’enseignement
des autres disciplines. Dans les écoles maternelles, essentiellement privées et dotées chacune
de son propre programme, la langue française domine également. Presque toutes les écoles
l’enseignent dès la première année de maternelle : on apprend aux enfants certains termes
du vocabulaire lié aux salutations, à l’école. L’introduction du français dès la première année
de maternelle est très appréciée par les parents, qui considèrent que la réussite de leurs
enfants est liée à la maîtrise de cette langue. À l’École française de Moroni, par exemple,
les responsables voulaient introduire le comorien comme langue d’enseignement à l’école
maternelle, comme cela se pratique dans les autres écoles françaises, mais ils se sont heurtés
à la protestation des parents ; ces derniers ont expliqué que s’ils avaient envoyé leurs enfants
à l’École française, ce n’était pas pour apprendre le comorien, mais plutôt pour qu’ils parlent
français. Depuis quelques années, l’État comorien expérimente des écoles maternelles
publiques dans certaines localités du pays. Cette année, il a procédé à une évaluation de
ces établissements, et l’une des critiques formulées par les parents portait sur le fait que
certains animateurs ne parlaient pas français à leurs enfants. On constate que les enfants qui
prononcent des mots ou des expressions en français à la maison font plaisir à leurs parents.
La langue comorienne est absente du système scolaire des Comores. Pendant longtemps,
les autorités ne voyaient pas la nécessité de l’enseigner. Mais, suite aux expériences menées
dans certains pays africains, l’État envisage de l’introduire dans la scolarité des enfants. Au
début de l’année 2010, il l’a érigée au statut de langue d’enseignement des écoles maternelles
et prévoit de l’introduire comme matière dans les écoles primaires dès la rentrée 2010-2011.
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3
Quelques enquêtes africaines
Des manuels à destination des enseignants et des élèves ont été élaborés à cette fin ; une
formation de formateurs a été dispensée par un spécialiste de la langue. Mais, vu l’instabilité
politique et institutionnelle du pays, à laquelle s’ajoutent les réticences de certains parents, on
ne sait pas si ce projet aboutira.
Perspectives pour l’avenir du français aux Comores
Malgré la primauté du français dans le système éducatif, malgré sa présence dans l’administration, dans les médias ou encore dans la littérature écrite, les niveaux de langue sont assez
contrastés dans l’archipel des Comores pour que les plus pessimistes s’inquiètent de l’expression
«désastreuse» de cette langue par les Comoriens. Si plus de 50 % des habitants se déclarent francophones, force est de constater que beaucoup d’entre eux ne maîtrisent pas le français comme
le manifestent les copies des élèves candidats au baccalauréat, ou encore le niveau de langue
des étudiants de l’Université des Comores. Ces difficultés d’expression en français sont perceptibles également chez les journalistes (notamment à la radio ou à la télévision). Dans la situation
sociolinguistique comorienne, les inquiétudes des puristes sur l’avenir du français retrouvent du
sens dans la mesure où se pratique un français beaucoup plus scolaire que véhiculaire, à la différence de ce qui se passe dans d’autres anciennes colonies françaises, comme la Côte d’Ivoire, le
Cameroun ou le Gabon, pays dans lesquels le français permet aux personnes de diverses communautés linguistiques de communiquer. Les Comoriens n’ont besoin du français que pour leur
ouverture à d’autres mondes et, sur ce plan, l’arabe et l’anglais peuvent aussi jouer ce rôle.
L’attraction vers le monde anglophone est suffisamment forte pour que, demain, l’anglais
devienne la langue de l’économie, confinant le français à son statut de prestige et à ses fonctions
traditionnelles de langue d’enseignement. Le double usage par les voisins mauriciens du français et de l’anglais est apprécié très positivement par l’élite comorienne. Sans doute peut-on se
consoler en se disant que les Comores, dans une vision idéaliste, apparaissent comme «le pays
le plus francophone de la région, par rapport à Madagascar qui a déjà tenté de malgachiser son
système éducatif et administratif ou l’île Maurice et les Seychelles qui sont plus ancrées dans le
Commonwealth que dans la Francophonie.» (M. E.-A. Souef, 2008, p. 24). Mais la pression de l’anglais et de l’arabe est réelle. La mondialisation des échanges, qui donne un avantage comparatif et
symbolique à l’anglais, le vaste mouvement de migration de la jeunesse estudiantine comorienne
vers les pays arabes, conjugués aux effets pervers des politiques d’immigration française et européenne de plus en plus restrictives, ne peuvent que limiter l’expansion du français dans l’archipel.
Présentation par thème
Le français et les médias dans l’océan Indien
L’île Maurice possède l’une des plus anciennes presses de l’océan Indien, et elle est francophone. C’est en effet le 13 janvier 1773 que paraît ce qui semble bien être le tout premier
«journal» de l’océan Indien, sous le titre d’Annonces, Affiches et Avis divers pour les colonies
des Isles de France et de Bourbon. Il s’agit d’un hebdomadaire placé sous la responsabilité éditoriale de Pierre Nicolas Lambert et imprimé par l’«Imprimerie Royale»1. Depuis, le français
est demeuré la langue privilégiée de la presse écrite, en dépit de la colonisation britannique
(1810-1968). 80 % du contenu des journaux est écrit en français et les quotidiens et hebdomadaires à grand tirage sont tous publiés en français.
Dans les médias audiovisuels, la situation n’est pas aussi simple. Même s’il semble que la préférence des téléspectateurs aille au français (cela s’explique en partie par la proximité lexicale de
1. Voir à ce propos l’article de Chit Dukira dans Le Mauricien du 7 juin 2010.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
cette langue avec le créole, parlé par 80 % de la population), il existe à la MBC (chaîne nationale
mauricienne) une volonté de proposer un temps d’antenne pour les principales langues du
pays. C’est ainsi que les films américains doublés en français suivent les feuilletons brésiliens doublés eux aussi en français, voire en créole, ou encore les feuilletons en hindi sous-titrés en anglais.
Le journal télévisé est diffusé en hindi, en anglais et en français, version qui a été la plus populaire
auprès des Mauriciens jusqu’à la création en 1995 d’un bulletin diffusé en créole. La production
télévisuelle locale se fait de plus en plus en créole, mais les émissions à vocation culturelle sont
principalement en français. Il est à noter aussi que les Mauriciens ont une assez mauvaise image
de la télévision locale, en raison du contrôle de l’État sur cet organisme, et optent de plus en
plus pour les chaînes satellitaires diffusées à 80 % en français. Depuis une dizaine d’années, l’île
Maurice a connu une ouverture de ses ondes radiophoniques et on compte maintenant quatre
radios privées, dont la deuxième en termes d’audience (Radio One) s’est rapidement imposée
comme étant la radio mauricienne d’expression française.
L’île Rodrigues est également desservie par la MBC, la chaîne de radiotélévision nationale,
qui constitue pour les Rodriguais un espace de contact quotidien avec le français. La majorité
des émissions radiophoniques proposées aux Rodriguais sont d’expression française ou créole.
À Madagascar, les quotidiens en langue malgache deviennent de plus en plus
nombreux (Gazetiko, Ny vaovaontsika, Taratra, etc.) par rapport aux quotidiens en français
(Les Nouvelles) ou bilingues malgache/français (L’Express de Madagascar, Midi Madagasikara,
etc.). Les premiers sont lus par les classes populaires et moyennes, non seulement grâce à
leur prix modique (100 ariary, moins de cinq centimes d’euro), mais également à cause des
problèmes de compréhension du français de leurs lecteurs. Les seconds sont en revanche
lus par la classe aisée. Les magazines mensuels, en quadrichromie, donc plus chers, comme la
Revue de l’Océan Indien, sont écrits en français. Le septième art en langue malgache devient
de plus en plus florissant à Madagascar. Si le centre culturel Albert-Camus fait la promotion
des films en français, les salles de cinéma de la capitale valorisent des films malgaches,
très prisés par la population. Des téléfilms malgaches diffusés par les chaînes de télévision
obtiennent également un audiomètre important, malgré la supériorité en nombre des films
et téléfilms français, ou américains, allemands et brésiliens traduits en français. Ces téléfilms
et films en malgache sont vendus en VCD et DVD par des marchands ambulants dans les
grandes villes.
La situation est plus simple à La Réunion. Comme l’indiquent les données présentées
plus haut, il n’y a aucun média écrit entièrement en créole, bien que sur certaines radios libres
le créole soit dominant. Seul le journal Témoignages propose occasionnellement un article en
créole, mais c’est celui qui a le plus petit tirage.
Aux Seychelles, le seul pays de l’océan Indien où le français ne joue pas un rôle prédominant
dans les médias, la SBC (Seychelles Broadcasting Corporation), la chaîne de télévision nationale,
tente de s’assurer que les trois langues nationales, le créole, l’anglais et le français, soient plus
ou moins traitées à égalité dans sa programmation. Sont diffusés quotidiennement un journal
dans chacune de ces trois langues ainsi que des films, documentaires, et autres émissions. TV5
Afrique est aussi disponible en ondes hertziennes et un bouquet francophone (Canal +, etc.)
est proposé via le câble. La SBC offre également deux stations de radio. Comme à la télévision,
les langues occupent chacune en moyenne 33 % de la programmation sur la première station,
SBC AM, alors que la deuxième station, Paradise FM, est principalement anglophone. RFI et
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Quelques enquêtes africaines
la BBC sont les deux autres stations diffusées largement en dehors des stations présentes sur
le câble. Dans la presse écrite, on retrouve les trois langues nationales, mais il faut signaler que
le français et même le créole y sont dominés par l’anglais. C’est seulement dans les articles
politiques que le créole occupe la première place. Le français est principalement utilisé dans
L’Écho des Îles, presse de l’Église catholique.
Aux Comores, dans les médias, les trois langues officielles du pays n’occupent pas la
même place. Dans la très jeune chaîne de télévision publique, ces trois langues sont présentes,
à des niveaux différents. Tous les films et documentaires sont en français : il s’agit de produits
étrangers, et aucun effort de traduction ou de sous-titrage n’est fait pour les téléspectateurs
qui ne comprennent pas le français. La plupart des émissions locales sont en langue comorienne. Seuls certains jeux à caractère éducatif sont en français. C’est au niveau du journal
que l’on retrouve les trois langues. En dehors du journal, aucune émission n’est proposée en
arabe. Sur les chaînes de télévision privées, l’arabe disparaît du paysage. Seuls sont présents
le comorien et le français, avec une prédominance de ce dernier. Sur les radios, on retrouve
les trois langues : sont diffusées des émissions en français, en arabe et en comorien, mais ici
c’est la langue comorienne qui domine. Dans la presse écrite, le comorien est presque absent.
C’est le français qui tient la vedette. Tous les journaux sont édités dans cette langue. Certains
proposent des pages en arabe, à l’instar du journal Albalad, un quotidien résolument bilingue.
Les langues et la culture
À Madagascar, le centre culturel Albert-Camus, basé à Antananarivo, la capitale, ainsi que
les 30 alliances françaises réparties dans les grandes villes du pays, assurent un environnement
linguistique francophone aux Malgaches. Le ministère de l’Éducation nationale, en
partenariat avec le projet «Appui au bilinguisme à Madagascar» (ABM), a installé dans les
régions enclavées 100 Centres locaux d’échanges francophones (CLEF) avec pour objectif de
pallier la disparité de la diffusion du français entre zones urbaines et zones rurales du pays.
On y dénombre actuellement près de 90 000 adhérents, avec une fréquentation mensuelle
moyenne de 491 personnes par CLEF1. Des recherches-actions ont été par ailleurs menées sur
le partenariat linguistique entre le malgache et le français afin de faciliter l’apprentissage de la
langue française, qui ont abouti, entre autres, au «Cube conteur», manuel d’autoformation
en français, à un manuel de malgache pour la classe de sixième, à un abécédaire… Sont
également diffusées des émissions radiophoniques comme «La parole aux éducateurs»,
«L’affaire du coffret» et «Nos ancêtres les pirates»2 . Malgré les efforts entrepris, les actions
de diffusion du français peinent à couvrir le pays et demeurent insuffisantes au regard de
l’immensité du territoire et du nombre croissant d’habitants.
Il existe également à Maurice plusieurs institutions visant la promotion de la langue
et de la culture françaises. Créée en 1884, l’alliance française de l’île Maurice compte parmi
les plus anciennes au monde et possède actuellement six antennes dans tout le pays. Cet
organisme visant la diffusion de la langue française est très actif sur le plan culturel, éducatif
et professionnel. En 2008, 4 567 élèves mauriciens se sont inscrits dans les divers concours
proposés, dont le principal est le Concours annuel de l’alliance française. Après 40 années
d’existence, le centre culturel Charles-Baudelaire, qui avait pour mission la diffusion de la
1. http://www.ambafrance-mada.org/ambafrance-mada/IMG/pdf_ABM-2.pdf.
2. http://www.ambafrance-mada.org/ambafrance-mada/spip.php?article1286.
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
culture et de la littérature française et francophone à Maurice, a été restructuré et rebaptisé
«Institut français de Maurice», avec une présence beaucoup plus marquée en plein cœur de
Rose-Hill. Chaque année, les Mauriciens ont ainsi la possibilité de participer à des dizaines
de manifestations culturelles françaises. La littérature d’expression française est une réalité
vivante à Maurice car 80 % des œuvres littéraires vendues sont en français (D. Baggioni et
D. de Robillard, 1990, p. 153). Si la production littéraire en anglais est modeste, le français
est la langue à travers laquelle bon nombre d’auteurs mauriciens se forgent un nom et une
réputation d’auteurs confirmés, à l’instar de Jean-Marie Gustave Le Clézio, prix Nobel de
littérature, ou encore d’Ananda Devi et de Shenaz Patel, primées à plusieurs reprises.
Aux Seychelles, le créole domine dans le domaine de la culture et le français y est présent
notamment dans les chansons d’origine française, certains contes, etc. Les chansons écrites
par les artistes seychellois sont en créole et quelquefois en anglais, mais le français est de plus
en plus utilisé pour leur permettre une plus grande ouverture sur le monde. En littérature,
beaucoup de publications, romans, contes, poèmes, etc., sont en créole. Certains écrivains
aiment utiliser la langue française dans leurs textes, mais ils sont rares.
À La Réunion, le français est évidemment la langue dominante dans le champ littéraire.
Les librairies ont dans leurs rayons quelques ouvrages en créole (romans jusqu’alors, mais
l’année 2009 a vu essentiellement arriver des classiques de bande dessinée franco-belges
traduits, comme Astérix, Lucky Luke et Tintin). La prose et la poésie créoles représentent
moins de 1 % de leurs chiffres de vente et les BD créoles moins de 2 %. Pour le reste, l’essentiel
du marché de l’écrit est rédigé en français.
Aux Comores, si la langue française est parfois sollicitée dans les manifestations culturelles, c’est le comorien qui domine en matière de culture. La plupart des chansons comoriennes sont écrites dans cette langue. Rares sont celles qui sont composées en français et, à
notre connaissance, il n’y a pas de chanson comorienne en arabe. En littérature, les publications écrites sont essentiellement en français : romans, contes, poèmes, théâtre ; en littérature
orale, c’est le comorien qui est utilisé. Les contes, les légendes sont repris en langue française
à partir d’un fonds comorien, ce qui donne lieu à des transpositions de la langue maternelle
vers le français plutôt qu’à une véritable traduction.
Les langues et les religions
À Maurice, s’il y a une institution religieuse qui a toujours été associée à la langue française,
c’est sans aucun doute l’Église catholique. Hormis l’anglicanisme qui est de tradition anglophone, le christianisme, deuxième religion du pays, a en effet pendant longtemps été considéré comme l’un des plus solides bastions de la francophonie à Maurice. Inculturation oblige,
il est vrai cependant qu’on assiste depuis une vingtaine d’années à une créolisation partielle et
progressive d’un certain nombre d’aspects touchant au fait religieux chrétien jusqu’à concerner la dimension éducative, notamment à travers le lien entre l’école et l’Église catholique.
La situation est relativement identique à celle que l’on retrouve à Rodrigues, où la pratique du
catholicisme, religion de 96 % des Rodriguais, est associée au français. Toutes les célébrations
religieuses, les prières, les lectures évangéliques et les chants se font principalement dans cette
langue et dans certains cas en créole. Il est toutefois important de préciser que les interactions
avec les représentants de l’Église en dehors du cadre formel de la messe se font principalement en créole. Tout comme les Rodriguais, les Seychellois sont majoritairement catholiques.
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Quelques enquêtes africaines
La langue de cette religion étant principalement le français, il s’ensuit que les Seychellois ont
une pratique religieuse dominée par le français. Toutefois, depuis quelques années, l’anglais et
le créole ont fait également leur entrée dans la liturgie. La religion anglicane est la deuxième religion des Seychelles et elle a pour langue dominante l’anglais. Cependant, on entend aussi le français et le créole dans ses célébrations. À La Réunion, si certains sermons se font en créole ou à
l’aide de formes interlectales, la majorité d’entre eux sont prononcés en français. À Madagascar,
les cultes chrétiens (catholiques, protestants et anglicans) sont en général assurés en malgache,
sauf dans les églises ou temples francophones. Aux Comores, dans la religion, l’arabe règne en
maître absolu. C’est la langue utilisée par presque tous les Comoriens dans leurs pratiques.
Les langues dans les espaces publics
Les enseignes trilingues malgaches, françaises et anglaises des bâtiments ministériels donnent
une certaine visibilité au trilinguisme institutionnel de Madagascar. Les enseignes des
magasins sont, à 90 %, écrites en français. En revanche, les affiches publicitaires sont soit
bilingues (malgache officiel/français), soit en français, et rarement en malgache officiel, en
anglais ou trilingues (malgache/français/anglais).
En contexte mauricien, la communication écrite au sein des espaces publics se fait en
anglais, en français ou en créole. Au sein des corps étatiques, les annonces et directives sont
affichées en anglais, mais il n’est pas rare de trouver une annonce en anglais juxtaposée à
une autre en français. Par ailleurs, les campagnes d’annonces étatiques visant la population
mauricienne dans son ensemble se font de plus en plus souvent en créole. Il convient aussi de
préciser que le système toponymique mauricien est largement dominé par le français, dont
voici quelques exemples : Rivière des Anguilles, Fond-du-Sac, Quatre-Sœurs, Trois-Boutiques,
Bois-des-Amourettes, Baie du Tombeau, Quartier-Militaire, Roches-Brunes, Plaines-des-Papayes,
Bel-Ombre. Pour ce qui est des publicitaires, ils ont le libre choix des langues, mais force est de
constater que le français est la langue dominante pour vanter les produits de consommation.
Au sein des grandes surfaces et autres importantes galeries marchandes, le français, langue
de prestige, domine. La situation est tout autre pour ce qui est des petits commerces où l’on
trouve beaucoup plus de créole que de français, et plus rarement de l’anglais.
À Rodrigues, les annonces publiques écrites émanant de l’administration sont, comme
à Maurice, rédigées en anglais, mais on retrouve à certaines occasions le français et le créole.
Les publicités vantant les mérites de produits de consommation y sont principalement en
français. Les petits commerçants, quant à eux, écrivent principalement en français et créole.
Dans l’archipel créole de l’océan Indien que sont les Seychelles, la majorité des enseignes,
panneaux et affiches est en anglais. Si un effort est fait en faveur du créole, le français,
en revanche, est plutôt rare sur les affiches, sauf sur celles qui militent contre la cigarette
et sur les bannières déployées par l’Église catholique pour les fêtes religieuses. À l’aéroport,
on peut trouver des panneaux en anglais et en français, alors que ceux de certains
ministères ou départements du gouvernement sont écrits dans les trois langues nationales.
Le gouvernement a pour projet de revoir la signalétique et de faire en sorte qu’elle reflète au
mieux le trilinguisme du pays.
En terre réunionnaise, les agences publicitaires les plus importantes indiquent que les
messages et les enseignes publicitaires en créole représentent environ 2 % de l’ensemble du
volume d’énonciation de ce domaine. Les demandes des clients sont peu nombreuses et il
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Le dénombrement des francophones
arrive que ce soit le publiciste qui encourage la création de messages en créole. Mais là encore
un examen plus détaillé et plus systématique des corpus nous apprend que les Réunionnais
réclament de plus en plus des énoncés «mixtes» où tel mot créole ou tel tour syntaxique
perçu comme «mélangé de français et de créole» aura la faveur du public. Ces attitudes
demeurent encore minoritaires.
Aux Comores, la plupart des affiches et enseignes officielles sont bilingues français et
arabe. Ce sont ces deux langues que l’on retrouve, par exemple, au fronton des bâtiments de
l’État. À l’aéroport international de Moroni-Hahaya, pour des raisons évidentes, l’anglais se
rajoute à ces deux langues. La langue comorienne commence à apparaître timidement dans
les enseignes publicitaires nouvellement installées dans la capitale.
Les langues dans l’administration, l’économie et/ou la politique
Dernier ensemble thématique à nous intéresser ici : la place des langues dans l’administration
(incluant aussi celle de la justice et du Parlement), l’économie et/ou la politique dans l’océan
Indien. À Madagascar, le malgache est la langue de prédilection de la politique, et devient
de plus en plus celle de l’administration et de la justice. Si les lettres administratives des
hautes sphères de l’État sont en général écrites en français, les jugements des tribunaux sont
rendus en malgache. Le français et, de plus en plus, l’anglais dominent le milieu économique.
À Maurice, malgré une imposition officielle de l’anglais comme langue de travail dans
ces domaines, en particulier sur le plan bureaucratico-étatique, le français y joue un rôle
relativement important, surtout pour la communication orale. À l’Assemblée nationale,
l’anglais et le français sont les langues officielles de travail. L’anglais y est toutefois en position
de force car plus de 80 % des échanges, ainsi que toute la partie protocolaire et rédactionnelle,
se font dans cette langue. En 1981, 14,4 % des échanges parlementaires se faisaient en français,
contre 1,06 % en 1992 (A. Carpooran, 2004, p. 23). Selon les dispositions officielles datant de
1832, l’anglais est la langue de l’administration du pays et toute la communication écrite se
fait dans cette langue. Il y a cependant lieu de préciser que sur le plan oral, l’anglais est de
loin la langue la moins utilisée, alors que le créole prédomine et que le français occupe la
deuxième place. Si les lois linguistiques de 1845 et 1945 imposent l’anglais dans les cours de
justice et aux professionnels du droit, il existe certaines dispositions permettant aux citoyens
qui ne maîtrisent pas cette langue de s’exprimer en français, voire dans une autre langue s’ils
ont une compétence limitée en anglais. Par ailleurs, le français est présent dans la législation
mauricienne du fait de la conservation du Code Napoléon, et l’État mauricien a fait appel à
des juristes français pour moderniser son code civil. Il est à noter aussi que les professionnels
du barreau sont formés au droit français et anglais (A. Carpooran, 2003).
Dans le monde des affaires, c’est l’anglais qui prime, toutefois le français n’est pas en reste ;
il est pratiqué surtout dans les entreprises privées du secteur bancaire et des assurances. Les
liens franco-mauriciens sont amicaux, avec des contacts fréquents, et Maurice se positionne
comme un partenaire important dans la zone de l’océan Indien, car elle compte une Mission
économique française qui inclut également les Seychelles et les Comores.
Depuis 2001, la gestion administrative de Rodrigues est sous la tutelle du Rodrigues
Regional Assembly1, qui a pour fonction de faire voter et d’adapter certaines lois en fonction des
spécificités rodriguaises, tout en restant dans le cadre de la législation mauricienne. Tout ce qui
1. L’Assemblée régionale de Rodrigues est composée de dix-huit membres, d’un chef-commissaire et de
six commissaires, dont un à l’éducation.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
relève de l’administration se fait en anglais, en particulier sur le plan de l’écrit, mais pour ce qui est
de l’oral, c’est le créole qui domine dans les échanges. L’utilisation du français fait figure
d’exception ici. La vie économique rodriguaise est basée principalement sur l’agriculture
et le tourisme n’est que le sixième secteur pourvoyeur d’emplois dans l’île. En 2008, 47 778
personnes sont arrivées par avion sur l’île, dont 11 907 d’origine française. En excluant de
ce total les 24 272 personnes d’origine mauricienne et les 8 680 d’origine rodriguaise, il est
possible d’estimer que les Français représentent 80 % du tourisme rodriguais. Même si les
chiffres fournis incluent aussi les Réunionnais, il est aisé de déduire, qu’en dehors du créole, le
français est la deuxième langue la plus associée au tourisme.
Aux Seychelles, l’anglais est la langue de l’administration et de l’économie. Le français
n’est utilisé dans ces domaines que si les correspondants (investisseurs ou organisations) sont
francophones. La majorité des touristes étant français (près d’un tiers du flux annuel), les
Seychellois travaillant dans cette industrie sont de plus en plus intéressés par cette langue. Dans
le domaine de la justice, les Seychellois sont libres de choisir la langue dans laquelle ils veulent
communiquer. La loi seychelloise est anglophone mais aussi, dans certains aspects, francophone.
Plusieurs avocats seychellois ont été formés dans des pays francophones. Le créole, langue
maternelle de la quasi-totalité des Seychellois, domine, logiquement, le domaine de la politique.
Les discours politiques sont à 96 % en créole. Le français et l’anglais ne sont utilisés qu’en cas de
nécessité, si l’audience, par exemple, n’est pas entièrement seychelloise. À l’Assemblée nationale,
la langue des communications orales est le créole, mais l’anglais est utilisé à l’écrit dans les
documents officiels. Avec le développement des échanges au sein de la Commission de l’océan
Indien (COI) dont le français est la langue commune, celui-ci gagne néanmoins du terrain.
En contexte réunionnais, on constate, dans les administrations, de plus en plus
d’échanges en créole ou à l’aide de formes interlectales, mais le français domine toujours.
Au niveau des échanges commerciaux, dans les commerces de proximité (épicerie, marché
forain), c’est le créole qui est majoritaire. Au niveau des grandes surfaces, c’est le français.
Au niveau de la justice, les magistrats s’expriment majoritairement en français (ils utilisent le
créole pour fournir des explications aux prévenus ou traduire les propos en français). Quant
aux justiciables, lorsqu’ils s’expriment, c’est plutôt en créole.
Aux Comores, les textes juridiques comoriens sont écrits en deux langues, l’arabe et le
français. Les textes en arabe concernent les affaires qui touchent à la religion dont la justice
est rendue par les cadis. Les textes en français touchent les affaires pénales. Dans les deux cas,
la population communique en langue comorienne. Il arrive qu’on assiste à des échanges en
français au tribunal, jamais en arabe. La langue comorienne domine les discours politiques,
mais le français est très présent. Le plus souvent, lors d’un discours officiel du président de la
République ou d’un ministre, l’orateur s’exprime en comorien puis en français. C’est seulement
pendant les campagnes électorales que les hommes politiques s’expriment exclusivement en
comorien. À l’Assemblée nationale, jusqu’à la fin des années 1990, les débats parlementaires
se déroulaient exclusivement en français. C’était une situation très gênante, qui réduisait au
silence certains députés qui ne maîtrisaient pas cette langue. C’est seulement au début de ce
millénaire que les élus ont commencé à débattre en comorien.
Conclusion
Les informations qui précèdent nous ont donné une idée d’ensemble de ce qu’est la situation
des langues dans les îles et archipels de l’océan Indien d’un point de vue macrosociolinguis96
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
tique, avec une attention spéciale accordée au français. Le détour par l’histoire des différents
pays et celle de leur peuplement a permis de mieux comprendre le paysage plurilingue actuel
de ces différents espaces francophones, ainsi que les enjeux des politiques linguistiques (explicites ou par défaut) qui y ont cours.
Nous aurons, par exemple, compris que Madagascar souffre d’un problème de diffusion
du français auprès des couches populaires malgaches, et que, compte tenu de la présence
plus que séculaire et du statut de langue officielle de cette langue dans le pays, cela peut
constituer une atteinte aux droits fondamentaux des Malgaches, voire un facteur de blocage
du développement du pays. Aux Seychelles, les autorités dirigeantes se sont lancées depuis
un certain nombre d’années dans un vaste chantier de réformes sur le plan éducatif et visent
à créer un environnement qui reflète réellement le trilinguisme annoncé dans la Constitution
nationale. C’est surtout en direction du français, qui arrive trop souvent en troisième position,
derrière l’anglais et le créole, que se concentrent les efforts, dans la formation des enseignants
aussi bien qu’au niveau de la signalétique et de la traduction. Le tourisme, l’un des piliers de
l’économie du pays, est également en train de redonner des forces au français car la majorité
des visiteurs sont français et les jeunes Seychellois trouvent plus facilement un emploi dans
cette industrie. À La Réunion, c’est autour de l’ancienne diglossie français-créole que se
situent les enjeux. On assiste de plus en plus à une progression du créole dans les échanges
et, partant, à une négociation des frontières entre le créole et le français dans des énoncés
interlectaux. À Maurice et Rodrigues, où la situation francophone a souvent été considérée
comme paradoxale, compte tenu de l’influence des Britanniques dans l’histoire du pays,
on est en permanence à la recherche de l’équilibre plurilingue qui permettrait à toutes les
langues faisant partie du paysage linguistique global de prendre la place qui leur revient, tout
en donnant satisfaction aux différentes composantes ethno-religieuses (ethno-linguistiques,
ethno-culturelles, etc.) qui composent la population de l’île Maurice et des autres îles de la
République de Maurice, et en leur permettant ainsi de se percevoir comme nation.
Comme nous l’avons dit en introduction, il s’agit là d’informations macrosociolinguistiques qui préparent et donneront un dynamisme commun à un projet d’enquête de terrain
d’ordre microsociolinguistique sur les pratiques et représentations sociolangagières d’enfants
et d’adolescents par rapport au français. Enquête qui s’inscrit elle-même dans un projet de
publication, faisant à son tour partie du cahier des charges d’un observatoire des langues et
des littératures de l’océan Indien, actuellement en construction.
Bibliographie
– B. Atchia-Emmerich, 2005 : La Situation linguistique à l’île Maurice. Les développements
récents à la lumière d’une enquête empirique, thèse de doctorat, Université Friedrich Alexander
d’Erlangen-Nuremberg.
– D. Baggioni et D. de Robillard, 1990 : Île Maurice, une francophonie paradoxale, L’Harmattan.
– D. Baggioni et M. Beniamino, 1993 : «Le français, langue réunionnaise», in M. Beniamino
et D. de Robillard (dir.), Le Français dans l’espace francophone, Honoré Champion, tome 1,
p. 151-172.
– C. Bavoux, 1993 : «Francophonie malgache : images et réalités», in M. Beniamino et D. de
Robillard (dir.), Le Français dans l’espace francophone, Honoré Champion, tome 1.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
– M. Beniamino et D. de Robillard (dir.), 1993 : Le Français dans l’espace francophone, Honoré
Champion, tomes 1 et 2.
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in N. Gueunier, É. Genouvrier et A. Khomsi, Les Français devant la norme, Honoré Champion,
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Francophonie et Plurilinguisme, Université de Maurice, p. 20-36.
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– R. Chaudenson et CREFOI – Université de La Réunion, 1989 : Créoles et enseignement du
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– R. Chaudenson (dir.), 1991 : La Francophonie : représentations, réalités, perspectives, Didier
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– R. Chaudenson et D. Rakotomalala (coordonnateurs), 2004 : Situations linguistiques de
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PREMIÈRE PARTIE
Le dénombrement des francophones
– P. Fioux, 1999 : Enseigner le français à La Réunion, «Langue», éditions Tramail, Saint-Denisde-La-Réunion.
– Haut Conseil de la Francophonie, 2003 : État de la Francophonie dans le monde, Larousse.
– M.-R. Hoareau, 2005 : «Le créole Seselwa dans tous ses états», in S. Wharton, Études créoles,
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– Ifa/Aupelf-Uref, 1983 : Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, Edicef.
– INSEE, 1998 : «Démographie et économie à l’époque de l’abolition de l’esclavage», in
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– INSEE, 2000 : Tableau économique de La Réunion, p. 135-136.
– Z. Labiche, 2010 : «Rapport des épreuves DELF Scolaire 2009 et 2010», ministère de
l’Éducation des Seychelles, Victoria.
– F. Laroussi (dir.), 2009 a : Langues et cultures à Mayotte, éditions du Baobab, Mamoudzou.
– F. Laroussi (dir.), 2009 b : Langues, identités et insularité. Regards sur Mayotte, «Dyalang»,
Publication des Universités de Rouen et du Havre (PURH), Rouen.
– M. Lebon-Eyquem, 2003 : Transmission des langues et minoration linguistique, mémoire de
maîtrise de Lettres modernes, sous la direction de L.-F. Prudent, Université de La Réunion.
– M. Lebon-Eyquem, 2004 : Paroles réunionnaises entre créole et français : dynamique
conversationnelle et productions interlectales, mémoire de DEA «Langage et Parole», sous la
direction de L.-F. Prudent, Université de La Réunion.
– M. Lebon-Eyquem, 2007 : Une approche du développement langagier de l’enfant réunionnais
dans la dynamique créole-français, thèse de doctorat en Sciences du langage, sous la direction
de L.-F. Prudent, Université de La Réunion.
– M. Lebon-Eyquem, 2008 : «"La dodo lé la". Stylistique du "mélange" à La Réunion : à la recherche
de l’efficacité pragmatique endogène», in C. Bavoux, L.-F. Prudent et S. Wharton (dir.), Normes
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– J. Maurais J. & al. (éds.), 2008 : L’Avenir du français, AUF/Éditions des archives contemporaines.
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– Ministère de l’Éducation des Seychelles, 2001 : Curriculum national pour le français.
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– OIF, 2007 : La Francophonie dans le monde, Nathan.
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système créole, thèse de doctorat d’État en Sciences du langage, sous la direction de J.-B. Marcellesi,
Université de Rouen Haute-Normandie.
– L.-F. Prudent, 2005 : «Interlecte et pédagogie de la variation en pays créole», in L.-F. Prudent,
F. Tupin et S. Wharton (éds), Du plurilinguisme à l’école. Vers une gestion coordonnée des langues
en contextes éducatifs sensibles, «Transversales», Peter Lang, p. 359-378.
– M. Rambelo, 1991 a : «Madagascar : la politique de relance du français et ses effets sur la
situation linguistique», in R. Chaudenson (dir.), Langues, économie et développement, Institut
d’études créoles et francophones, Didier.
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CHAPITRE
3
Quelques enquêtes africaines
– M. Rambelo, 1991 b : «Madagascar», in R. Chaudenson (dir.), La Francophonie :
représentations, réalités, perspectives, Didier Érudition, p. 121-132.
– F. Ranaivo, 1979 : «La situation du français à Madagascar», in A. Valdman (dir.), Le Français
hors de France, Honoré Champion, p. 507-525.
– V. Ranaivo et V. Randriamarotsimba (2007) : «Des langues-cultures aux pratiques de
classe en contexte diglossique : quelle cohérence ? L’exemple de Madagascar», in C. Noyau
(dir.), Appropriation du français et construction de connaissances via la scolarisation en situation
diglossique, ouvrage multimédia sur CD-Rom, Université Paris-X, service COMETE.
– V. Randriamarotsimba, 2005 : «La malgachisation de l’enseignement à Madagascar. État
des lieux et perspectives», in L.-F. Prudent, F. Tupin et S. Wharton (éds), Du plurilinguisme à
l’école. Vers une gestion coordonnée des langues en contextes éducatifs sensibles, «Transversales»,
Peter Lang, p. 197-217.
– V. Randriamarotsimba et H. Robjhon, 2006 : «Contacts de langues-cultures : de la
réalité à la fiction : l’exemple de Madagascar», in Appropriation de la langue française dans les
littératures francophones de l’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de l’océan Indien, Actes des
Journées scientifiques des réseaux de chercheurs concernant la langue et la littérature, Agence
universitaire de la Francophonie, publication en ligne, http://www.dlf.auf.org/IMG/pdf/qa-2091300-interreseaux-js-2006-03-dakar-actes.pdf.
– G. D. Randriamasitiana, 2000 : Les Rôles respectifs des milieux institutionnel, social et familial
dans l’apprentissage du français à Madagascar depuis 1972, thèse de doctorat nouveau régime en
Sciences du langage, option «Linguistique et didactique des langues», Université de La Réunion.
– G. D. Randriamasitiana, 2004 : «Madagascar», in R. Chaudenson et D. Rakotomalala,
coordonnateurs, Situations linguistiques de la Francophonie. État des lieux, Réseau «Observation
du français et des langues nationales», Agence universitaire de la Francophonie, p. 173-184. – Mohamed El-Amine Souef, 2008 : Les Comores en mouvement, éditions De La Lune.
– A. Thevenin, 2000 : «L’installation du français à Madagascar (1896-1898)» in Les Revues
pédagogiques de la Mission laïque française. Connaissance du français, n° 39.
– R. Tirvassen (dir.), 2003 : École et plurilinguisme dans le sud-ouest de l’océan Indien,
L’Harmattan.
– A. Valdman (dir.), 1979 : Le Français hors de France, Honoré Champion.
– M. Verdelhan-Bourgade, 2005 : Rapport de la mission : «Enseignement du français langue
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Webographie
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– http://www.madagascar.gov.mg/, site de la présidence de la République de Madagascar,
consulté le 18 août 2007.
– http://www.francophonie.org/IMG/pdf/La_francophonie_dans_le_monde_2006-2007.pdf,
consulté le 23 avril 2010.
– http://www.confemen.org/IMG/pdf/II_et_VIII.pdf, consulté le 29 octobre 2009.
– http://www.ambafrance-mada.org/ambafrance-mada/IMG/pdf_ABM-2.pdf,
consulté le 12 mai 2010.
– http://www.ambafrance-mada.org/ambafrance-mada/spip.php?article1286,
consulté le 12 mai 2010.
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