BRAVO, LES FEMMES!
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BRAVO, LES FEMMES!
FÉVRIER - MARS 1991 • VOLUME 20 • No 3 - 4 REVUE D'INFORMATION ET DE RÉFLEXION DES FEMMES F R A N C O P H O N E S Y BRAVO, LES FEMMES! Pour son vingtième anniversaire, Femmes d'action souligne cent ans d'histoire 1890-1990! 2,95$ • Courrier de 2e classe : Enr. 7242 PROCHAIN NUMERO les défis de l'autonomie financière au féminin Une lecture sans prix! Sortie 15 mai 1991 Les femmes, comme groupe humain, sont pauvres, pourquoi? Les conditions salariales de la majorité des femmes sont criantes d'injustices, pourquoi? La dépendance des femmes ou leur autonomie est-elle une affaire de famille, de sexe ou de société industrielle? Leur autonomie, une mission impossible à accomplir? La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (FNFCF) publie la revue Femmes d'Action, un outil d'information et de réflexion sur la condition féminine et la francophonie. La FNFCF est un organisme national voué à l'avancement des droits et à la défense de la spécificité des femmes francophones. Il est engagé au développement de l'action collective au sein de la francophonie canadienne. Il offre à ses membres des outils de développement; un service de formation, d'information et de sensibilisation aux questions reliées à la condition féminine au Canada français; un réseau de ressources; des documents de recherche-action et des outils politiques: une CONSEIL NATIONAL concertation nationale, des D'ADMINISTRATION rencontres de comités, une assemblée générale Comité exécutif annuelle. Claire Lanteigne, présidente La Fédération nationale Madeleine LeFort, vice-présidente des femmes canadiennesFrançoise Viau, vice-présidente françaises est le porteLouise Cantin Merler, vice-présidente parole de près d'une Agathe Brunei, trésorière cinquantaine de groupes autonomes de femmes du Canada français. Représentantes provinciales France J. Bélanger, Diane Gallant, Bureaux de la Fédération Betty Dugas Leblanc, Madeleine nationale des femmes Breton Prud'homme, Ginette Hébert, canadiennes-françaises Gisèle P. Marion, Madeleine Côté 325 rue Dalhousie, Lepage, Thérèse Duchesne Allard, porte 525 Anne Doris Malenfant, Linda Ottawa, Ontario KIN 7G2 Pettersen. Tel: (613) 232-5791 Bélino: (613) 232-6679 La FNFCF est membre de la Fédération des francophones hors Québec et du Comité canadien d'action sur le statut de la femme. UNE AFFAIRE D'ARGENT Un document de sensibilisation à la valeur du travail que les femmes effectuent, que ce travail soit au foyer ou à l'extérieur, et à la nécessité d'être reconnues comme être économique à part entière disposant librement de ressources financières pour satisfaire leurs besoins. Cet ouvrage est signé par la chercheuse Micheline Desjardins pour le compte de la Fédération nationale des femmes canadiennesfrançaises. Il vient ceindre l'ensemble des dossiers sur lesquels la FNFCF travaille depuis les dix dernières années au Canada français. Pour en obtenir un exemplaire, on écrit à la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises, 325, rue Dalhousie, pièce 525, Ottawa (Ontario) K1N 7G2. Cette publication est gratuite. • I VOL 20 NO 3 111 SOMMAIRE Bravoy les femmes ! 4 FRANGINE Courrier des lectrices ANNE PHILO 2o Lettre de Zénaïde 29 Une révolution inachevée MORIER, 5 CHRONIQUE Editorial DE MICHELINE PICHÉ D'UNE PETIE PENSIONNARE PAR LUCIE MORGADO DE L'OUEST 7 Manchette ou la voix des silencieuses 32 PAR MICHELINE DESJARDINS Entre les lignes Une source à la rivière PAR DENISE VEILLEUX 9 Des épingles à chapeaux pour les soeurs Desloges 33 PAR MONIQUE DUMONT PRÉPARÉ PAR LUCIE MORGADO, 16 12 La Elles ont écrit pour nous art des P femmes, il faut la dire Annette St-Amant ou Mère-Grand SUIVI DE PAR MONIQUE HÉBERT PAR THÉRÈSE BOUTIN Le deuxième sexe PAR LUCIE BRUNEI 24 Qui a peur de Mathilda Blanchard? Chronique d'une petite pensionnaire de l'Ouest 37 PAR COLETTE GODIN La décennie à venir: solitude ou partage? PAR MYRIAME EL YAMANI PROPOS RECUEILLIS PAR DENISE MORJER 21 Où est passé notre science infuse? ENTREVUE RÉALISÉE PAR ANITA PELLETIER 24 Mère Dorothée : la fierté d'être acadienne et instruite PAR CLAUDETTE LAJOIE LA DECENNIE A VENIR: 26 MARICHETTE OU LA VOIX DES SILENCIEUSES Femmes d'action: vingt ans déjà! PAR MICHELINE PICHÉ VOL 20 No 3 0 SOLITTUDE OU PARTAGE 38 Besoin d'espoir PAR ANITA BEAUDETTE COURRIER Au sujet de Sylvie, that's me Voilà que le cas de Sylvie (voir Sylvie, That's me vol. 20 no 1) illustre un prototype bien établi à l'intérieur des moeurs des mariages mixtes anglais/français. Ma réaction vise uniquement la communication chez le couple car parmi l'ensemble de tous les rapports intimes, le rapport homme-femme est sans doute très déterminant sur le plan de l'assimilation avec des conséquences bien connues. On pourrait dire «bravo Sylvie» pour toute l'astuce qu'elle doit déployer pour s'arracher un peu de vie en français en dehors du mariage. Par contre, sans la victimiser, c'est plutôt la «pauvre Sylvie» qu'il faut reconnaître parce que dans son rôle de femme, elle est doublement colonisée dans son mariage, d'une part le fait d'être femme et d'autre part le fait de s'assujettir à la langue de l'autre. Naturellement, cela semble rendre la vie de couple plus facile. Que faut-il faire pour conscientiser les Sylvie pour qu'elles puissent faire l'équation: égalité des sexes - égalité des langues (officielles)? quelle dynamique de couple appauvrissante (sur le plan culturel) fait que le partenaire anglophone soit privilégié dans son choix de langue sans respecter cette même dimension chez l'autre? À qui revient la responsabilité et l'obligation de faire fructifier tant bien que mal la dualité canadienne dans le microcosme-couple? Alors, je dis aux Sylvie: Parlez-le le français à vos conjoints, ils finiront bien par comprendre «quelque chose». Un bon mariage mérite bien cela! François Bilodeau Ottawa, Ontario Bravo! J'ai beaucoup apprécié votre magazine (La maternité, à quel prix? Vol. 20 no 2). J'ai particulièrement aimé l'article: Mettre au monde demain, sur les nouvelles technologies de la reproduction. Voici mon abonnement et j'abonne une amie. Roxanne Cauz Toronto, Ontario Nos excuses Voici l'opinion originale émise par Marilyn Côté Dupuis dans l'article Un, deux, trois... quatre?paru dans le vol. 20 no 2. Le texte de ce numéro a omis qu'un «nombre limité» (de couple) n'ont que deux enfants pour des raisons assez égoïstes. «La plupart des couples ressentent un besoin, un grand désir et parfois une obligation d'avoir au moins deux enfants. Certains se limitent à deux pour des raisons de santé, l'aspect financier, l'âge, leurs dispositions émotionnelles; ils se sentent comblés avec deux ou encore ils pensent que plus de deux enfants serait trop difficile. Un nombre limité, à mon avis, arrête à deux pour des raisons assez égoïstes. Ils tolèrent une certaine interruption de leurs ambitions personnelles mais considèrent que deux, cela suffit.» e, francophone a droit d'existence et d'épanouissement dans sa tangue Le président, Guy Matte Le directeur général, Aurèle Thériault JBa dfaàération ô&s francophones tffîors Q/u&Bec 1404-1, RUE NICHOLAS, OTTAWA (ONTARIO) K1N 7B6, TÉL.: (613) 563-0311 TÉLÉCOPIEUR (613) 563-0288 2 PLACE QUÉBEC, SUITE 416, QUÉBEC (QUÉBEC) G1R 2B5, TÉL.: (418) 523-8471 TÉLÉCOPIEUR (418) 522-6449 A VOL 20 No 3 Rédactrice m chef Micheline Piché Équipe de direction Rachel Gaudreau, Micheline Piché, Diane Vachon Équipe de rédaction Monique Dumont, Colette Godin, Denise Morier, Denise Veilleux Correspondantes Anita Beaudette, Thérèse Boutin, Lucie Brunei, Micheline Desjardins, Monique Dumont, : Myriame El Yamani, Colette Godin, Monique Hébert, Claudette Lajoie, Lucie Morgado, Anita Pelletier, Denise Veilleux Éditeure Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises BRAVO, FEMMES D'ACTION! R etracer cent ans d'histoire de femmes en quelques pages pour célébrer un vingtième anniversaire, quelle idée! La folle du logis est certainement passée par là le soir où l'équipe de rédaction s'est mise à la tâche de préparer ce numéro spécial. Justifiant notre choix, nous avons conclu que: puisque nous en étions là aujourd'hui, c'est qu'avant nous des femmes ont tracé le chemin. Nous sommes allées voir... Publicité Lyne desormeaux Page couverture Photo Mate A. Price Sur la photo: Noémie Godin Vigneau (à gauche) Jacqueline Martin (droite) FEMMES D'ACTION est une revue d'information et d'opinion sur la condition féminine au sein de la francophonie canadienne. Parutions Sept., Nov., Fév,, avril, Juin Politiques de la direction Les articles de FEMMES D'ACTION peuvent être reproduits en indiquant la source, le mois, l'année et j'auteure. Pour reproduire les illustrations on doit demander l'autorisation de la direction. Les opinions émises par les correspondantes n'engagent que celles-ci. FEMMES D'ACTION encourage la participation de nouvelles correspondantes. Les textes soumis peuvent être utilisés dans l'un ou l'autre des numéros et ils seront soumis aux règles éditoriales courantes. Tarifs d'abonnements Cinq numéros 12$ (individuel) Dix numéros 20$ (individuel) Cinq numéros 23$ (groupes, institutions, corporations) Adresse Dépôt légal Femmes d'action Bibliothèque nationale du Canada 325, rue Dalhousie pièce 525 Ottawa, Ontario KIN7G2 Tel: (613) 232-5791 Bélino: (613) 232-6879 ISSN 0226-9902 Courrier de deuxième classe Enregistrement no. 7242 Port payé à Ottawa Fév.Mars199l (parution-février 1991) Cette publication est imprimée sur papier recyclé Ce survol ne représente qu'une goutte d'eau, mais qu'elle est rafraîchissante. Alors que l'on met la dernière main à la présentation d'ensemble (renouvelée pour l'occasion comme vous le constatez), un grand plaisir m'envahit, celui de vous offrir ces quelques histoires toutes aussi captivantes les unes que les autres. Quelques exemples: Manchette, première féministe acadienne... exige en 1891 le droit de vote, les soeurs Desloges défient le règlement 17 en Ontario interdisant l'enseignement du français, Annette St-Amant Fremont rédactrice à La Liberté met en place une page féminine, Mère Dorothée oeuvre à l'enseignement post-secondaire pour les filles: une première en Acadie. Et bien qu'elles ne brillent pas au sommet de la gloire, nos «héroïnes», ont chacune à leur manière influencé la vie d'autres femmes. Elles témoignent d'une histoire commune à toutes, qui est celle de la reconnaissance que l'on doit porter à la contribution des femmes dans notre société. Elles nous rappellent également notre long cheminement vers l'égalité. En leur rendant hommage nous souhaitons que chacune se sente fière d'être femme et encouragée dans ses démarches vers l'autonomie et l'équité. Notre réflexion sur ces derniers vingt ans nous a menées, entre autres, à vous présenter les retombées du rapport Bird vingt ans plus tard et à laisser la parole à deux correspondantes sur leur vision de l'avenir. Elles mettent chacune en évidence leurs propres préoccupations et en ces temps incertains on ne saurait se surprendre de leur appel à la paix, à la qualité de l'environnement et à notre interdépendance les unes et les uns aux autres et envers notre planète. Ces thèmes prendront au cours des prochaines années plus d'ampleur encore. Femmes d'action accompagnera-t-elle ses lectrices jusqu'en l'an 2011 ? Jacqueline Martin fondatrice de la revue en 1971 et interviewée dans le présent numéro ne croyait pas que Femmes d'action survivrait toutes ces années. Mais l'appui des correspondantes bénévoles et des lectrices (que nous souhaitons plus nombreuses encore) et la volonté de la FNFCF de maintenir cet outil d'information et d'opinion pour les femmes francophones ont permis à Femmes d'action de poursuivre sa route jusqu'à aujourd'hui. Bravo, les femmes! La publication de Femmes d'action est rendue possible grâce à l'aide financière du Secrétariat d'État. VOL 20 No 3 0 fmœtfttim a VOL 20 wo 3 1890-1910"* B R A V O , LES F E M M E S ! sont fatigué d'attendre que la loi passe... Les femmes souffre d'envie de se rendre aux poils pour montrer à nos vieux comment voter.» À la fin du siècle dernier, il fallait certainement une bonne dose de courage pour oser émettre ce genre de commentaire. La Marichette serait-elle la première féministe acadienne? «Tu te plains, mon pauvre mari, de tes dix heures d'ouvrage. Voici quatorze heures que je travaille moi, et je n'ai pas encore fini ma journée.» MARICHETTE OU LA VOIX DES SILENCIEUSES par Micheline Desjardins es lettres acadiennes de Manchette publiées entre 1895 et 1898 dans l'Évangéline nous permettent de voir comment une femme de l'époque a su décrire avec beaucoup d'intelligence, de finesse et d'humour la vie politique, sociale, culturelle et économique des Acadiens et des Acadiennes de la fin du XIXe siècle. En 1982, Pierre Gérin et Pierre M. Gérin publiaient une édition commentée des Lettres acadiennes de Manchette aux éditions Naaman. Dans cet ouvrage, les auteurs ont reconstitué non seulement l'environnement historique de l'époque mais ils ont également fait une recherche poussée pour retracer l'identité de Marichette. Selon les auteurs, les chances sont grandes que Marichette soit le pseudonyme choisi par Emilie C. Leblanc pour exprimer ses opinions aux lecteurs et lectrices de l'Évangéline. Nous ne nous attarderons pas à la personnalité d'Emilie C. Leblanc ni au contexte historique et linguistique de la correspondance car ce qui nous semble plus stimulant c'est la lecture «en direct» de quelques extraits de cette correspondance originale qui a enthousiasmé le public lecteur de l'Évangéline de 1895 à 1998 et qui continue de fasciner en 1991 les personnes soucieuses de connaître le passé des femmes, la place que celles-ci ont occupée sur la place publique et le regard qu'elles ont porté sur leur temps. Marichette s'inscrit dans une tradition qui se prolonge jusqu'à nos jours. Pour reprendre Gérin et Gérin: si «en 1971, l'Acadie a été secouée par une bombe, la Sagouine. Ce fut une révélation. On cria au miracle. Cependant, elle n'était pas tombée du ciel. Toute une tradition la préparait de longue main, discrètement. Si l'on parcourt les journaux du vieux temps, l'on constate l'existence de lettres souvent satiriques ou même revendicatrices, écrites en un langage populaire plus ou moins truculent.1» Voici quelques extraits de lettres de Marichette. Ces extraits nous permettent de voir les positions que cette femme a prises face au droit de vote, face aux moeurs électorales, face aux problèmes posés par l'émigration des Acadiens et des Acadiennes aux Etats-Unis et face à la difficulté de vivre dans sa langue. VOL 20 No 3 0 Si nous entretenons souvent le préjugé que les femmes dans le passé sont restées muettes devant leurs conditions de vie, la lecture des lettres de Marichette constitue un remède efficace pour élimer ce préjugé. Ces lettres montrent un certain engagement féministe qui se transforme parfois en mépris à l'égard des hommes. Cependant, dans son ensemble, la correspondance reflète surtout le point de vue d'une femme ordinaire. La Marichette semble exprimer tout haut ce qui sans doute était dit et véhiculé par les femmes autour d'elle. Marichette témoigne d'un souci de faire voir à l'opinion publique le point de vue de la classe moyenne et populaire. Marichette choisit d'écrire dans la langue acadienne montrant par là son désir d'affirmer son identité nationale et l'importance pour les classes populaires acadiennes de s'affirmer face à une élite politique et religieuse. Evangéline, jeudi 14 février 18952 J'veut vous écrire pour vous dire que j'sont fatiguée d'attendre que la loi passe en Chambre pour le souffrage des femmes pour nous donner le droit de voter. Durant c'temps les femmes souffre d'envie de se rendre au poils pour montrer à nos vieux comment voter. (...) Pour commencer mon histoire, j'ai presque honte de vous dire que mon vieux aime la goutte, même trop pour mon bien et l'sien; et c'est pour ça qu'on prend avantage sur lui. Depuis quelques temps il passe deux coureux de chemin, de Digby pour nous parler d'élection. Il nous dise toute sorte de bonne chose et quand ils sont rendu chez eux (s'ils en ont) ils nous traite de d...d frenchman et disent à leurs amis les anglais que Clare est tout pour zeux et qu'ils peuvent nous acheter dans le temps des élections avec une bouteille de wisqui ou de rum, comme se j'étions des ivrognes commes eux à Digby, le trou de wisqui. Dieu merci, dans Clare on respecte les lois mieux ça. Nous avons la Scott Act et je la suivons. Yà rien qu'à Digby et à Weymouth que tout le tapage se fesons, les deux seul place du comté pour la grog. Eh bien, ce coureux là nous dit qu'il est un temperance man depuis quelques semaines et s'il peut gagner son élection il ne boira rien à Ottawa, et il ne battra pas sa femme, ne la jetteras pas de hors en plein hiver, fidra luimême les cochons, et le diable et son train. Je lui dis d'aller à Mr Daly, c'est lui qui confesse et pardonne les pécheurs quand ils sont sincères. Je dis en via une belle ma tri! J'dis à mon vieux, c'est un MANIEUR3. (...) s Evangéline, jeudi 28 février 1895 Chiqu'c'est s'ti là qui se monte sur l'Evangéline la semaine passée, de la Salmon River? l'se nomme «Un Électeur Libéral». On m'fourrera pas dans l'idée que s'ti là est un libéral, c'est plutôt un tory, l'infâme, chi se déghise. Il a honte de bayer son nom, peur de se faire prôner à l'église. Mais j'croyons quil en a pas de nom, c'est un crapeau. Quanqu'j'écris sur vote journal j'on pas peur de bayer note nom. Les femmes de Chéticamp n'ont pas frette aux yeau. Les hommes sont plus lâches que ça, rien quanq ça vient pour buser les femmes, les traiter de vieilles pètraques, c'tamps là ils ont de choeur, trep. (...) J'sont contente, M. l'Editeur, que les femmes pourront voter bientôt. J'espère que M. Fielding, et M. Comeau passeront le souffrage des femmes dans leur chambre. Si M. Comeau fait passer c'te Bill là, j'voterons pour lui et j'metteron toute dehors pour lui quanqui viendra courir sa lection. C'est l'ami des femmes et c'est pour ça qu'il a les hoûmes pour lui. Sti là par exemple, s'il courait pour Ottawa, boingre j'me tuerait pour aller voter. Toutes les femmes et les filles y'rions comme des troublées pour voter, parce qu'il fait du bien au acajins. M. Pothier, du Cap fourchu, sti là aussi prendrait bien avec nous autres à Chéticamp, il est smart on m'dit, et y prêchons toutes comme des jables, dans la chambre de Fielding et Longley.(...) bras pour faire usage du manche à balai. Javons pas la langue pu longue que ceux qui portons les chulottes, qu'on vienne la mesurer sakerjé et on voira who //es. Nous avons une lange et s'avons s'en servir, et une cervelle itout. J'heu nous a baillé plus d'esprit qu'aux hoummes. Quanc qu'il a fait la femme il a trouvé Adam, le boss de tous les hommes, endormi un beau jour, le ventre au soleil, trop paresseux pour travailler dans son jardin, on y a arraché la cervelle et pris le meilleur sfufYde dedans et on a fait la femme qui a sauvé les hoummes du naufrage. Je suis trop vieille pour écrire much, mais j'ai ma plus jeune fille que j'veux faire instruire, et rien en français s'te fois cite. Mes deux plus vieilles j'Ies ont envoyé à l'école plusieurs années, mais le maître ou la maîtresse voulions pas yeux montrer ('français, qu'on se moquerait de nous autres si j'Ie parlions devant les étrangers, et pi toute nos jeunes filles, depi checque'temps se fesont instruire en anglais et pi quanqu'elles avons passé le deuxième livre et pi capable de dire «How di do», et se plicer le bec, sa honte même de parler à leur mères en français4. (...) Pensez-vous pas M. l'Editeur qu'on a fait un mistake quanc qu'on a placé le monde sur la terre? C'est les femmes qu'aurions du porter les chulottes et gouverner le pays. Mais quand j'y pense, comment on prendrait garde à nos p'tits bébés, ça m'fait peur. Imaginez vous un houmme avec un chawde tabac dans la bouche pour venir voir ça qui a dans le berceau!(...)B s Evangéline, jeudi le 2 mai 18955 (...) Asteur, M. l'Editeur, j'voulons vous parler de nos filles qui sont à la State. J'trouve une lettre que ma pu vieille a écrit à sa jeune soeur au logis. A dit qu'à la travaillé dur dans lé factries depi deux ans et a tout dépensé son argent pour s'acheter dé broach, dé rings, dé bagues, dé fleurs, et toute sorte de jâblerie. Elle a payé cinq piastres pour une broach et dans deux semaines toute l'or était parti et à rester le plomb. Elle ça déjà trouvé un feller, un anglais, et elle parle déjà pu français. A dit que nos acajennes voulons pu parler français, un fois à la state. Ce plus nice à parler à nos fellers en anglais. Y a beaucoup de nos acajennes qui ont passé l'hiver à l'hôpital et d'autres qui sont mortrd par la fatique et qui avons attraper du frette à courir avec leu feller les soir, a moitié (libeller pour l'hiver. Mon cher M. l'Editeur, ça ma fait pitchié quanq j'ai lit sa lettre, de voir nos jeunes filles aller se tuer dans les factries, corp et âmes.6' ' Evangéline, jeudi, 18 mars 18977 (...) Oui, le bon j'heu a baillé aux femmes (de Chéticamp), une langue pour s'en servir, et des 0 VOL 20 No 3 Marichette fournit, tout au long de sa correspondance au journal, un aperçu de la vie quotidienne des petites gens d'un petit village de la Nouvelle-Ecosse. Elle décrit comment les nouvelles en provenance des grandes villes, les décisions politiques d'Ottawa ou les idées modernes importées des Etats-Unis sont véhiculées, analysées et critiquées par la population. Il nous a semblé que ces lettres constituaient d'excellents documents sur l'époque, et notamment sur les prises de position de certaines femmes dans une communauté minoritaire des Maritimes en fin de siècle. Espérons que ces quelques extraits vous donneront le goût de lire dans son entier les lettres acadiennes de Marichette. 1. Pierre Gérin et Pierre M. Génn, Lettres acadiennes, Éditions Noaman,p.13 2. p.2, col.5 3. Extrait de Gérin et Gérin op.cit, pp.52-53 4. lbidpp.55-59 5. p.3, col. 2 et 3 6. Ibid p. 73 7. p.2, col. 4 et 5 8. Ibid pp.105-106 in Micheline Desjardins habite Montréal. Elle travaille à titre de consultante et de chercheuse. Elle est auteure de plusieurs publications pour le compte de la FNFCF. 1910-1930 BRAVO, LES FEMMES! DES EPINGLES A CHAPEAUX POUR LES SOEURS DESLOGES ja rentrée scolaire -1915. Deux jeunes institutrices, Diane et Béatrice Desloges, reçoivent une lettre leur ordonnant de ne plus enseigner à l'école Guigues, rue Murray, dans la basse-ville d'Ottawa. De quoi sont-elles coupables? D'enseigner en français et d'aller ainsi à rencontre du Règlement XVII qui interdit le français comme langue de communication entre les enseignants et les élèves dans les écoles de l'Ontario de cette époque. Comme des centaines d'enseignantes et d'enseignants franco-ontariens, elles ne reçoivent pas de salaire depuis 1912 en raison de leur insubordination au Règlement XVII. Ce sacrifice financier témoigne du courage de la francophonie en Ontario français dans sa lutte menée contre ce règlement, un véritable instrument d'anglicisation. Les combattantes de la résistance Vingt mères de famille se rallient à la cause, se mobilisent et envahissent l'école Guigues pendant plusieurs mois afin de revendiquer leur droit à une éducation en français: l'historienne Georgette Lamoureux les appelle les dames gardiennes de l'école Guigues1. Cette occupation, comme tant d'autres manifestations en Ontario français à l'époque (grèves, parades, délégations auprès des politiciens) constitue un vrai témoignage de la résistance acharnée du peuple franco-ontarien dans sa lutte scolaire. n ne saurait trop insister sur l'apport des femmes à la survie de la langue et de la culture canadienne-française. Le règlement XVII en Ontario a représenté quinze ans de lutte pour les Franco-Ontariennes, son haut moment a été, sans doute, le refoulement des intrus à l'aide d'épingles à chapeaux! Tout a débuté par l'affront des soeurs Desloges... Chassées de l'école Guigues, les soeurs Desloges ouvrent, à la demande des contribuables, une école indépendante dans la chapelle de la rue Murray. Tous leurs élèves les suivent et à l'école Guigues, les classes sont désertes. Elles déménagent ensuite leurs élèves dans deux magasins vacants de la basse-ville où elles enseignent jusqu'aux vacances de Noël. En janvier 1916, à l'ouverture des classes, les mères de famille décident qu'elles en ont assez et que la situation a duré assez longtemps. Elles ordonnent à leurs enfants de retourner à l'école Guigues avec leurs deux institutrices et les escortent jusqu'à l'entrée, quelques maris les accompagnent. Une foule de soixante personnes se retrouve donc sur les lieux. Trois policiers les empêchent d'entrer mais les hommes réussissent à se faufiler par la porte d'entrée malgré les menaces de la force policière. La foule les suit et prend ainsi possession de l'école. Un renfort de 25 policiers envoyés au courant de la journée ne réussit pas à déloger les combattantes de la résistance. Ces femmes tenaces, aidées par leurs maris qui montent la garde la nuit, occupent l'école pendant plusieurs mois pour que leurs enfants reçoivent une éducation en français. VOL 20 No 3 ftws/te Georgette Lamoureux donne une excellente description de l'occupation de l'école Guigues par ces femmes: ...les gardiennes portent de longues jupes de serge foncé, des vestes serrées et confortables et, surtout, elles arborent un chapeau de bonne proportion qui demande à être ancré sur la tête par une solide et longue épingle. Ah! ces épingles à chapeau dont on a tant parlé et qui servirent aux gardiennes à tenir tout intrus en respect! Nulle épée de mousquetaire n'aurait pu se comparer à ces longues et fines lames brandies au bout du bras. «Approchez, approchez donc, semblaient-elles dire... et je vous piquerai au bon endroit». Toujours est-il qu'armées ou non, ces vaillantes dames réussirent à garder l'école pour les élèves canadiens-français.2 Pendant ce temps, les soeurs Desloges reçoivent plusieurs ultimatums de quitter l'école. Elles sont privées de leur certificat d'institutrice et sont menacées par les policiers. Mais les gardiennes sont là pour les défendre. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, protectrice des intérêts français au Canada, ne laisse pas passer sous silence leur geste et leur décerne un hommage très spécial dont voici le texte: Profondément touchée du dévouement vraiment héroïque dont la population canadienne-française d'Ontario continue de nous offrir le réconfortant spectacle, et ne pouvant manifester ses sentiments à tous ceux qui, dans cette lutte, ont mérité de la population Quand on se décide à mettre Shannon Dunne avait décidé de prendre les choses en main. C'est pourquoi elle s'est inscrite au séminaire "Comment lancer votre entreprise" de la Banque fédérale de développement. Aujourd'hui, une dizaine de franchises Pizzanne's principalement dans la région de Winnipeg vendent ses pizzas à cuire à la maison, moins de trois ans après que Shannon et son beau-frère eurent refermé la boîte sur leur première pizza. Et Shannon estime que le séminaire de la BFD lui a permis de partir du bon pied... En plus d'assurer des services de formation, la BFD aide les PME à obtenir du financement d'autres institutions. Elle offre également du capital de risque, des prêts, des cautionnements de prêts ainsi que des services de consultation et de planification. Ces services offerts aux PME dans votre localité viennent s'ajouter à ceux du secteur privé. Pour plus de renseignements, communiquez avec le personnel de la succursale la plus près de chez vous ou téléphonez sans frais au 1800361-2126. Cl Ici p Banque fédérale de développement Federal Business Development Bank Canada -, e n'est pas l'infériorité des femmes qui a déterminé leur insignifiance historique; c'est leur insignifiance historique qui les a vouées à l'infériorité.» Simone de Beauvoir Le deuxième sexe ,1949 VOL 20 NO 3 RECETTE AUX DAMES POUR AVOIR UN HEUREUX MÉNAGE I. Ton cher mari tu aimeras, Même s'il est parfois méchant! II. Et ton ménage tu soigneras, Ne le quittant que rarement, III. De tes enfants t'occuperas, Jour et nuit diligemment. IV. Un bon dîner prépareras, Le variant le plus souvent. V. Si l'homme gronde, tu te tairas, Sans riposter aucunement. VI. Et s'il a bu, tu garderas, De le lui dire amèrement. VIL Jamais tu finterposeras, S'il a dû punir un enfant. VIII. Jamais tu ne dépenseras, Plus qu'tu ne puisses payer comptant. IX. À ta voisine ne dis pas, Tout ton intime affairement. X. De ton mari parti prendras: V'tà l'secret d'être sans tourment. L'Almanach des familles, 1904, p.57 1916 - Dames gardiennes de l'école Guigues. Au centre, de chaque côté de la table, Diane et Béatrice Desloges. Les gardiennes sont en haut (de g. à d.) Albertine Sarault, Euphrasie Dubé, Annette Trépanier, MarieAntoinette Bérubé, Donalda Biais, Adèle Défayette. Au milieu (de g. à d.) Alice Lafrenière, Honorine Brazeau, Valentine Bédard, Yvonne Grenon, Marie-Blanche Desloges (mère de Diane et de Béatrice), Adelia Richard, Georgianna Lapierre, Adèle Baizana, Agnès Blanchette. Assises (de g. à d.) Ernestine De Lasalle, Alexina Fink, Diane Desloges, Béatrice Desloges, Delisca Dionne. française et de la justice, la Société Saint-JeanBaptiste de Montréal profite du geste courageux que viennent de faire les demoiselles Desloges en résistant à toutes les tentatives de subordination et en affirmant fièrement que la lutte actuelle est une question d'honneur et de devoir pour leur offrir, et offrir en leur personne à toute la vaillante minorité ontarienne, l'hommage d'admiration et de gratitude de la population catholique et française du Québec3. La lutte se poursuit L'incident de l'école Guigues ne fut qu'un parmi tant d'autres dans la lutte des FrancoOntariens contre le Règlement XVII. La crise scolaire a aussi été caractérisée en 1916 par la marche de 3 000 élèves des écoles séparées dans les rues d'Ottawa vers l'Hôtel de Ville pour demander que soient payés leurs instituteurs. Il y a eu la démission de tout le personnel enseignant des écoles bilingues d'Ottawa: 17 écoles furent ainsi fermées libérant ainsi 4 000 élèves. Il n'était pas question d'enseigner en anglais aux jeunes francophones, même si en 1916 le ministre intérimaire de l'Éducation, George Howard Ferguson, se rend à Ottawa en affirmant qu'il prendra tous les moyens pour faire respecter la loi. Ce n'est qu'en 1927 que le Règlement XVII est abrogé et que le gouvernement ontarien reconnaît le français comme langue de communication entre les enseignantes et les élèves. Cette victoire a été gagnée au prix de beaucoup d'acharnement. Outre le Règlement XVII, il y eut celui de parler en anglais quand une personne unilingue anglophone était présente... D'autres crises scolaires sont venues par la suite marquer l'histoire de la francophonie ontarienne. Nous ne faisons pas ici état du travail des représentants de l'Association canadienne-française auprès de l'Assemblée législative de l'Ontario, ni de nos politiciens et membres du clergé dévoués à la cause française, mais ce travail ajeté la base sur laquelle se fondent aujourd'hui nos acquis dans le domaine de l'éducation française en Ontario. L'orchestration de l'effort collectif de toute la communauté franco-ontarienne et sa constante vigilance ont déterminé et continueront à déterminer le succès des revendications du peuple franco-ontarien, et cela dans un climat politique qui ne les favorise pas toujours... Vous connaissez peut-être d'autres règlements qui ont marqué l'histoire des minorités francophones au Canada qui ressemblent étrangement au Règlement XVII? Comme le «règlement» de parler en anglais quand une personne unilingue anglophone est présente... Je termine sur les propos de Georgette Lamoureux «... la population... s'impliqua à fond dans la résistance. Elle ne laissa pas cette VOL 20 No 3 défense de ses libertés uniquement aux présidents d'organismes et aux politiciens mais prit en main sa propre destinée. C'est cela qui est remarquable et si, à l'heure actuelle, les enfants canadiens-français étudient, en toute liberté, leur langue chantée par les poètes, c'est grâce en grande partie au courage et à la vaillance de leurs mères et de leurs pères. Il faudrait leur rappeler cela quelquefois.11» Des gens m'ont dit que plusieurs FrancoOntariennes se sont défendues par la suite avec leurs épingles à chapeaux lors de manifestations de résistance au Règlement XVII sur la Colline parlementaire. Les gardiennes de l'école Guigues auraient créé un mouvement qui a marqué notre histoire. m 1. Georgette Lamoureux. Histoire d'Ottawa, Tome IV 1900 -1926, Ottawa et sa population canadiennefrançaise, p. 164. 2. Ibid., p. 180. 3. Album Souvenir du 75' anniversaire de l'école Guigues, p. 30. 4. Op. cit., p. 183. Monique Dumont est psychopédagogue à l'Université d'Ottawa. Les membres de la Fédération, qui sont regroupés en sections sur une base paroissiale, s'empressent de confectionner vêtements, pansements et tricots. La Fédération recueille des centaines de superbes layettes destinées aux mères de Belgique et de France. Almanda Marchand va même jusqu'à transformer le troisième étage de sa maison en atelier, d'où des centaines de colis et de «boîtes de douceurs» sont préparés et expédiés à destination, tant dans les camps militaires qu'outre-mer. LA PART DES FEMMES, IL FAUT LA DIRE... par Lucie Brunei ue sait-on de la contribution des femmes canadiennes-françaises aux oeuvres de guerre? L'exemple de la Fédération des femmes canadiennes-françaises et de sa présidente, Almanda Marchand, illustTébien l'apport des femmes durant les deux conflits mondiaux de 1914-18 et de 1939-45. fi Prrentière Grande Guerre C'est au début de la Première Grande Guerre que naît la Fédération des femmes canadiennes-françaises, suite à un appel lancé par la duchesse de Connaught, épouse du gouverneur-général. Celle-ci demande à la population canadienne de recueillir des fonds destinés à équiper un navire-hôpital à l'intention des blessés des champs de bataille. En réponse à cette sollicitation, Almanda Marchand d'Ottawa prend l'initiative de regrouper, le 16 août 1914, dans les salles du Monument national, des Canadiennesfrançaises. Le groupe s'entend pour fonder une société d'aide aux victimes de guerre et pour travailler au bien-être des soldats canadiens et aux oeuvres de guerre de la Croix-Rouge. Lady Laurier, épouse de Sir Wilfrid Laurier et une amie proche d'Almanda Marchand, en est la présidente d'honneur. La campagne de sollicitation pour le navire-hôpital terminée, les organisatrices remettent à la duchesse la somme de 2 500$, provenant des offrandes des familles canadiennes-françaises d'Ottawa et de Hull. Par la suite, des concerts et des conférences sont organisés, permettant d'envoyer des dons généreux à la Croix-Rouge, au Fonds de secours belge et au Fonds national de France. VOL 20 No 3 Consciente des besoins linguistiques particuliers des soldats d'expression française qui sont au front, la Fédération entreprend des démarches pour assurer la présence d'infirmières et d'aumôniers militaires bilingues auprès des recrues et des blessés. Elle demande et obtient un aumônier pour les militaires des parcs Landsdowne et Rockliffe d'Ottawa. Tous les jours, un prêtre y célèbre la messe en plein air pour les conscrits catholiques. Les femmes de la Fédération visitent les militaires deux fois par semaine. En 1918, les membres des sections d'Ottawa et de Hull font la promesse que si Dieu permet que la guerre finisse sans autre campagne d'hiver, elles feront chaque année, le dernier dimanche de mai, un pèlerinage à la grotte de Notre-Dame-de-Lourdes à Vanier. Cette promesse est tenue à la lettre. L'histoire du blé de Courcelette, en France, mérite d'être soulignée. En 1921, une mission française visite le Canada. Au nombre des invités d'honneur se trouve l'évêque de Dijon, Mgr Landrieux. À la demande d'Almanda Marchand, il envoie au Canada des grains de blé mûris sur les tombes des soldats canadiensfrançais inhumés à Courcelette. Au cours d'une cérémonie mémorable, l'aumônier du 22e Régiment, l'abbé Desjardins, bénit le blé qui est ensuite semé sur la propriété des Soeurs Grises de la Croix, à Hurdman, près d'Ottawa. Almanda Marchand déclare que la récolte sera moulue et employée à faire des hosties qui seront distribuées dans des paroisses canadiennes-françaises à travers tout le Canada. De plus, la Fédération lance une campagne de souscription afin de faire ériger un autel-souvenir à Courcelette à la mémoire des membres du 22e Régiment tombés au champ d'honneur. Deuxième Grande Guerre Lorsque la Deuxième Grande Guerre est déclarée en septembre 1939, la FFCF prête son concours aux oeuvres de guerre, dès les premières heures. Des tricots et des friandises sont régulièrement expédiés aux soldats canadiens. Une aide substantielle est apportée à la Croix-Rouge. Il faut souligner qu'au cours des deux guerres, la Fédération remet à la CroixRouge du Canada des quantités considérables de gilets, bas et gants destinés aux nécessiteux ainsi qu'aux blessés des armées canadiennes et des armées des pays alliés. L'apport le plus remarquable de la FFCF lors du conflit de 1939-45 est l'achat d'une ambulance militaire qui servira aux soldats canadiens en Angleterre et sur lequel est inscrit le nom de l'organisme. En 1942, suite à la remise, à cette fin, d'un chèque de 1 750$ au ministère de la Défense nationale, le premier ministre de l'époque, Mackenzie King, remercie la FFCF de «ce geste de dévouement patriotique». La Fédération crée également une Caisse de secours de guerre ainsi que des caisses succursales dans 25 sections réparties à travers l'Ontario et les provinces de l'Ouest afin de prélever des fonds pour les oeuvres de guerre. Des activités spéciales sont organisées, telle une causerie donnée par son Altesse Royale, la Princesse Alice, épouse du gouverneur-général, avec collecte au profit de l'Oeuvre anglofrançaise pour les réfugiés. Sur un autre plan, la présidente de la FFCF est convoquée par le ministre des Finances en vue de mobiliser les Canadiennes à l'effort de guerre, en les invitant à participer à la lutte contre l'inflation. Avec Thérèse Casgrain et Charlotte Whitton, Almanda Marchand donne des causeries à la radio en décembre 1941. Le gouvernement compte également sur les femmes pour mousser la souscription à la campagne du troisième emprunt de la Victoire. La guerre de 1939-45 terminée, la Fédération participe à l'organisation de la maison de repos des anciens combattants de langue française au Canada: la Maison Sac-au-dos, à Ste-Adèle, au Québec. Durant la présidence d'Almanda Marchand qui dura 32 ans, le Bureau de direction de la FFCF fait chanter à chaque année, à la Basilique d'Ottawa, un service funèbre pour le repos éternel des victimes des deux guerres. Chaque section fait célébrer une messe pour ses membres morts au champ d'honneur. En outre, les membres de la FFCF prennent une large part à la vente annuelle des coquelicots et le bureau national achète et dépose, au cénotaphe de guerre à Ottawa, une couronne, le jour de l'Armistice. offerts aux femmes et aux enfants belges durant la guerre de 1914-18, le Royaume de Belgique décerne à Almanda Marchand une décoration d'honneur de la plus haute distinction. En 1925, c'est l'Association canadienne des Vétérans de la Grande Guerre, par l'entremise du Lt.-Col. Laflèche (Ministre de la Défense durant la Deuxième Guerre), qui décerne à Almanda Marchand tentera à plus d'une reprise de se faire nommer au Sénat mais sans succès Une femme fascinante La présidente de la FFCF avait une personnalité fascinante. Ce qui surprend surtout à prime abord, c'est que, bien qu'elle soit issue d'une famille canadienne-anglaise - la famille Walker de Québec - elle embrasse la cause des francophones en épousant Paul-Emile Marchand, un ingénieur-électricien. En plus d'élever neuf enfants dans la Côte-de-Sable d'Ottawa où la famille habite, elle se dévoue à une multitude d'oeuvres pour lesquelles elle est constamment sollicitée. Ainsi elle siège à de nombreux comités d'envergure nationale et provinciale et voyage à travers le Canada, à une époque où les moyens de transports sont assez rudimentaires. Même si elle jouit d'une certaine aisance financière, elle demeure sensible à la misère qu'elle veut soulager autour d'elle. Deux de ses fils, Eugène et Gabriel, servent dans les rangs de l'aviation durant la Première Guerre. Eugène est fait prisonnier de guerre par les Allemands pendant deux ans. Active au sein du Parti libéral du Canada, elle tente à plus d'une reprise, mais sans succès, de se faire nommer au Sénat. Femme généreuse et volontaire, elle sera l'âme dirigeante de la FFCF pendant près d'un tiers de siècle et ne démissionne de la présidence qu'à l'âge de 78 ans. Elle est décédée en 1949. Almanda Marchand le Dominion Commandai FWVA, un diplôme de reconnaissance pour son inlassable dévouement auprès des orphelins, des veuves, des malades, et surtout des anciens combattants et de leurs familles. D'autres honneurs sont conférés à la présidente de la FFCF: elle reçoit en 1930 la décoration Pro Ecclesia et Pontifice accordée par le Pape Pie XI. En 1943, elle est créée Membre de l'Ordre de l'Empire Britannique, pour ses loyaux services à la nation. La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises a célébré en 1989 son 75' anniversaire de fondation. L'organisme compte maintenant près d'une quarantaine de groupes-membres répartis dans les milieux francophones à l'extérieur du Québec. Il se donne pour mandat d'améliorer les conditions de vie des femmes et travaille à l'avancement de nombreux dossiers touchant la condition féminine en milieu minoritaire. Pour rendre hommage à la fondatrice de l'organisme, la Fédération a lancé en 1990 la Bourse d'études Almanda Walker Marchand, en vue de permettre à une femme francophone de poursuivre des études. Il s'agit d'une autre façon de rappeler que la part des femmes, il faut la dire, afin de ne jamais l'oublier... Mi Le dévouement de la Fédération des femmes canadiennes-françaises et de sa présidente - autant aux oeuvres de guerre qu'aux oeuvres de paix - n'est pas passé inaperçu. En remerciement pour les secours VOL 20 No3 Lucie Brunei travaille à son compte comme consultante à Ottawa. Dans le cadre de la série Témoins du passé de TV Ontario, elle a effectué la recherche pour l'émission portant sur Almanda Marchand. Elle travaille présentement à une biographie à son sujet. «Toioute jeune, ma mère, Gabrielle Wanii est venue de la Wallonie en Belgique pour habiter à Duck Lake en Saskatchewan. Plus tard, elle a épousé un Britannique immigré dans l'Ouest. Je n'avais que trois ans lorsque nous avons quitté la Saskatchewan pour l'Angleterre. Ce séjour, auprès de grands-parents qui voulaient connaître leurs petits enfants, a duré deux ans. Le retour s'est effectué sans mon père. Ma mère avait alors la charge de quatre enfants: Eileen l'ainée, Christine ma jeune soeur, moi-même et un bébé de six mois, mort par la suite. Mon père devait rejoindre ma mère mais il ne l'a jamais fait... Elle s'est alors trouvée un emploi de secrétaire à Régina où elle avait déjà travaillé avant son mariage. Nous, les filles, sommes allées au couvent à Forget, au sud-est de Régina. Pendant trois ans, les Filles de Notre-Dame de la Croix, originaires de France, nous ont enseigné en français. Pour aider ma mère, elles ont pris soin de la plus jeune même si elle était d'âge préscolaire. Francine Anne (au cenlre), en compagnie de ses deux soeurs CHRONIQUE D'UNE PETITE PENSIONNAIRE DE L'OUEST Propos recueillis par Denise Morier A l'âge de sept ans, Francine Anne Philo se retrouve pensionnaire dans un couvent avec ses deux soeurs. Nous sommes en 1928, en Saskatchewan, à l'aube de la Dépresssion et d'une grande sécheresse dans l'Ouest. Sa mère, cheffe de famille monoparentale, doit travailler pour subvenir à leurs besoins. Francine passera près de dix ans de sa vie au pensionnat. Qu'a-î-elle retenu de ces années et de sa vie auprès des religieuses? Longtemps enfouientau fond de sa mémoire, elle nous fait partager ici quelques-uns de ses souvenirs. VOL 20 No 3 En 1931, nous nous sommes retrouvées chez les soeurs de la Présentation de Marie à Duck Lake. Ces dernières avaient été les institutrices de ma mère et de sa soeur Yvonne. A cet endroit, bien que nous vivions au couvent, nous devions aller à l'école publique. En Saskatchewan, la majorité religieuse avait, à cette époque, la responsabilité de l'enseignement dans les écoles publiques. Huit ans plus tard ma mère nous a fait venir plus près d'elle à Winnipeg, nous avons été placées chez les Oblates au village de Saint-Charles. L'année suivante cependant, je suis retournée à mon pensionnat à Duck Lake pour y terminer mes études. Une mère novatrice Pendant ces années au couvent, ma mère vivait avec sa soeur Yvonne; l'une était responsable du ménage et l'autre du loyer. Puis elle a perdu son emploi chez des avocats à Régina. Elle est entrée au service d'une compagnie d'assurance à Saskatoon qui un an plus tard s'est fusionnée à une compagnie de Winnipeg. Ma mère, secrétaire par excellence, a pu conserver son poste en acceptant une diminution de salaire de 25%. Elle tapait à la dactylo un peu comme elle tricotait... à une allure vertigineuse! Elle était souvent plus éduquée que ses patrons devenus riches lors de spéculations. Elle a même poursuivi des études à temps partiel en «business» sous la direction des religieuses. A son retour à Winnipeg, elle est demeurée au YWCA où logeaient des dames seules; on la croyait veuve. C'est là qu'elle a rencontré ses premières amies. Puis ma soeur Eileen est venue la rejoindre et elles ont vécu dans un appartement communautaire où l'on partage la salle de bain et la cuisine. Je suis persuadée que mes grands-parents envoyaient de l'argent à ma mère même si elle n'était que leur bru. Un geste, à mon avis, peu courant pour cette époque. Le français et la religion: illégal... Au cours des années passées à Duck Lake, je me souviens que le gouvernement Anderson de la Saskatchewan avait défendu aux religieuses de porter leur uniforme religieux si elles enseignaient dans des écoles publiques. Un règlement suivi par les soeurs de la Providence dans la petite campagne de Donrémi. D'autres, comme les soeurs de la Présentation cachaient leur crucifix et revêtaient une toge. Sur les murs, des reproductions de peintures de la renaissance italienne remplaçaient le crucifix. En Saskatchewan, le seul cours en français qui était reconnu par le ministère de l'Éducation était, ce qu'on appelait entre nous, le «French-English» soit la GABR1ELLE WANT[ PHILO SECRÉTAIRE DB 1921 à 1931, les femmes ne gagnent que 54 à 60% du salaire des hommes. Elles sont censées être courtoises et affables. Les femmes doivent prouver qu'elles sont respectables pour obtenir un emploi et l'on surveille leur vie privée. Vers des horizons nouveaux: fa femme canadienne de 1870 à 1940, Jeanne L'Espérance, Arch. publ. Canada -Y. traduction. Une association de langue française l'ACFC organisait cependant des couis parallèles à la fin de la classe. Nous n'avions aucun livre de littérature canadienne, tout était polycopié. L'enseignement de la religion se faisait après la classe. Plus tard, alors que j'étudiais chez les Oblates à Saint-Charles au Manitoba, une religieuse m'a enseigné le français en privé. Sa congrégation avait obtenu, je ne sais comment, des livres en français. La vie de couventine Les amitiés n'étaient pas encouragées entre pensionnaires. J'ai toujours cru, par exemple, qu'il était interdit de se promener bras dessus bras dessous pour éviter les maladies contagieuses. Les religieuses nous transmettaient leurs valeurs surtout par leur comportement et leur manière de vivre. Je me rappelle, entre autres, la mort d'un élève anglican. Pour se rendre au cimetière, le cortège devait passer devant notre couvent; la soeur supérieure nous avait ordonné de sortir et d'assister au passage du corbillard. Ceci par respect... et ça m'a toujours impressionné. Pendant les Fêtes, certaines d'entre nous restaient au couvent. C'est la seule fois dans l'année où l'on se levait plus tard que 6hOO du matin. Il y avait un dépouillement d'arbre de Noël et la directrice jouait à la Mère Noël. J'ai toujours cru que plusieurs fillettes n'auraient rien reçu si les religieuses n'avaient pas commandé des jouets du catalogue Eaton. Les soeurs ont été bonnes pour moi. Malade pendant un mois (j'avais attrapé la rougeole et la coqueluche), elles m'ont soignée et comme je ne digérais que les bananes, elles en ont trouvé même si c'était une denrée rare pendant la dépression. La discipline régnait et, à ma connaissance, il y avait peu de punitions corporelles. La directrice se servait alors de ce qu'on appelait la «strape», mais très rarement. D'autres, je sais, ont vécu des expériences différentes. Il faut dire que j'avais très peur des «scènes», que j'étais sage et très gênée! Je correspondais régulièrement avec ma mère. Les premières années, une religieuse, Soeur Ludovick écrivait pour moi. Elle me disait : «Que voulez-vous dire à votre mère?» Naturellement, je ne le savais pas. Alors, elle VOL 20 No 3 Francine Anne Philo Morier disait : «Voulez-vous dire telle ou telle chose?», et elle écrivait pour moi. J'ai eu peu de contact avec mes soeurs car les activités étaient divisées en trois groupes et nous appartenions à des groupes différents. Ce n'est que plus tard que j'ai connu ma soeur ainée. En général, je dirais que ma vie au couvent s'est avérée une expérience positive. On ne nous offrait pas souvent de compliments car il ne fallait pas devenir orgueilleuse. Les compliments étaient plutôt indirects; en grammaire la religieuse lisait le travail d'une élève et disait, par exemple: «Regardez-moi comme c'est bien écrit.» Malgré cela nous recevions de l'encouragement et de l'aide pour nos études. En somme, je dirais que ça m'a donné une formation imbattable. Elle m'ont peut-être appris que l'on doit toujours quelque chose à la communauté dans laquelle on vit.» Au sortir du couvent, Francine Anne Philo est allée suivre un cours d'infirmière à Régina, l'une des trois carrières possibles pour les filles. Elle a travaillé et enseigné, à temps partiel, jusqu'à son mariage. Aujourd'hui et depuis ce temps, elle participe de façon bénévole à diverses organisations dans la région de Winnipeg au Manitoba. it i Denise Morier est la fille de Francine Anne Philo. Elle travaille au Congrès du travail canadien à Ottawa. 1930-1950'"'BRAVO, LES F E M M E S ! M 4w «rfouf» co«tr»-Mtvr«, «t e««form« à ko loi »oh«r«IU. «L'historien qui écrira l'histoire de notre siècle portera sur notre génération le jugement qui suit: On rencontrait des femmes anormales qui, méprisant les fins pour lesquelles elles avaient contracté mariage, fermaient la porte à l'enfant qui eût égayé leur foyer et préféraient déverser leur affections sur des chiens... Le paganisme de ce siècle était peut-être plus raffiné que celui des Grecs et des Romains, mais il n'en différait pas essentiellement... «//s se marient sans tenir compte de Dieu et sans penser à Lui et, semblables aux bêtes, ils n'écoutent que leurs passions.» — Tobie, VI, 17» ANNETTE ST-AMANT OU MERE-GRAND uelies étaient les préoccupations des Franco-Manitobaines de 1930 à 1950? Pour connaître leurs propos, dont il ne reste que peu de traces, les courriers du coeur, publiés dans les journaux de l'époque, se révèlent une mine d'or. Que viventelles? Que racontent-elles? L'article qui suit nous fait entendre l'écho de leurs paroles dans une période qualifiée de traversée du désert1 pour la communauté franco-manitobaine. Ô u, ne société menacée Lors de la création du Manitoba, en 1870, les deux groupes colonisateurs avaient presque la même importance démographique. L'Acte du Manitoba, qui donne le statut de province à cette région, accorde des garanties constitutionnelles aux francophones et aux anglophones tant du point de vue religieux que linguistique2. Vingt ans plus tard «Les francophones perdent l'égalité devant la loi mais aussi tout ce qui découle du niveau constitutionnel: une fonction publique bilingue, des publications gouvernementales bilingues, des tribunaux provinciaux bilingues3.» En 1915-1916, pour mieux canadianiser les multiples groupes ethniques minoritaires déjà présents au Manitoba (Allemands, Ukrainiens, Polonais) le gouvernement Norry adopte une loi qui accorde seulement à l'anglais le droit de cité. 0 VOL 20 Mo 3 par Monique Hébert La race canadienne-française est grandement menacée dans sa langue et sa religion4. «Toutes les énergies, financières ou autres, seront uniquement consacrées à la question des écoles5.» Le rôle des femmes dans cette lutte n'a pas été mis à jour puisque les porte-parole étaient des hommes. La communauté francophone du Manitoba persiste à enseigner dans l'illégalité sa langue et sa religion6. Pour appuyer sa lutte, l'Eglise dote la communauté d'un journal libre de toute allégeance politique et capable de parer les coups grâce à son indépendance financière: La Liberté. Un journal reflet de son époque Quatrième journal francophone de la province depuis sa création, La Liberté, fondé en 1913, par l'évêque de St-Boniface Monseigneur Langevin est dirigé par une communauté d'envergure.les Pères Oblats de Marie Immaculée. Il se veut un outil de combat pour défendre les droits des francophones. Sans être progressiste, il possède sa chronique féminine reflétant une époque où les femmes s'approprient peu à peu le droit de parole. Il ne faut pas s'étonner de retrouver cette page féminine dès 192Q7 car, dès le début des années 1890, on assistait au Québec à la naissance d'un journal fondé par Joséphine Marchand Dandurand, intitulé «Au Coin du Feu». Dans cette province, pendant la période de 1930 à 1950, cinq différents journaux, dirigés par des rédactrices en chef, vont s'adresser aux Québécoises8. La Liberté ne diffère donc pas des journaux d'époque tels que La Patrie, La Presse ou Le Devoir qui possèdent eux aussi des rubriques féminines. Dans le journal francomanitobain, la «Page Féminine» se retrouve en général à la deuxième ou troisième page entre les annonces de la farine «Purity», du thé «Blue Ribbon» et des concours d'histoire9. Cette chronique, qui possède son editorial signé la plupart du temps par une femme dont le nom de plume est Jacqueline des Érables, sera présente jusqu'en 1950. Deux femmes au Manitoba joueront cependant un rôle-clé pour permettre à la population féminine de s'exprimer par le biais d'une chronique de correspondance: Annette et Paule St-Amant. Les soeurs Saint-Amant sont nées à l'Avenir, au Québec; petites filles du dernier seigneur de la Chevrotière, leur père est écrivain-notaire et historien. Après des études chez les soeurs de l'Assomption et des Ursulines de Québec, Paule et Annette quittent le Québec pour répondre à l'appel de l'abbé P. Gravel qui réclame des institutrices diplômées de langue française pour Gravelbourg en Saskatchewan. En 1918, Annette épouse Donatien Fremont, futur rédacteur en chef du journal La Liberté (de 1923 à 1943). Lorsque les deux époux sont engagés à La Liberté,«La Page féminine» est rajeunie et rénovée avec l'apport intelligent et approprié de Mme Fremont10. Cette dernière avait déjà contribué à une «Page féminine» dans le journal Le Patriote de l'Ouest. Elle ouvre également une chronique dans la page réservée aux enfants sous le pseudonyme de Mère-Grand. Après sa mort, en 1928, Paule Saint-Amant prendra la relève pendant dix-huit ans auprès de son beau-frère. Histoires de coeurs, histoires de moeurs Le 20 septembre 1933 paraît, sous la responsabilité de Paule, la première chronique «Courrier de Mère-Grand» qui se poursuit jusqu'en 1939, année où la guerre vient perturber toutes les colonnes du journal. MèreGrand insiste sur le fait qu'elle répondra à toutes les demandes et surtout, rassure-t-elle: «Ne craignez pas de m'importuner, je suis à votre entière disposition11.» En fait, peu de choix de carrière s'offrent aux femmes. À une personne qui a signé «Institutrice», Mère-Grand répond: «Pourquoi frissonnez-vous ainsi sur les jours à venir? Vous n'avez aucune envie de la vie religieuse, vous ne voulez pas vous marier et rien que la pensée de coiffer la Sainte-Catherine vous effraie à ce point. Quel enfantillage! Retournez-vous en à vos élèves15.» Quant au bonheur, Mère-Grand affirme que «Ce n'est pas possible, chère amie; vous allez bien vite reconnaître que vous faites fausse route. Le mirage du bonheur est «Votre mari a raison. C'est bien mal comprendre sa tâche que de se dévouer pour des étrangers et de négliger sa famille.» On ignore si Mère-Grand répond seulement par l'intermédiaire de sa chronique ou si elle entretient une véritable correspondance avec ses lectrices. De plus, seules sont publiées les réponses. On ne connaîtra jamais la question de Brunette et qui lui valut les conseils suivants : «Continuez à être vous-même simplement; défiez-vous de ces rôles adoptés par dépit, qu'on joue maladroitement et qui masquent la vraie personnalité. C'est à ce prix que vous garderez l'estime et l'affection de votre ami12.» En elle, les femmes francophones du Manitoba trouvent une oreille pleine de compassion. Maintes fois.eUe débute sa réponse par «Ah, combien je vous comprends» ou encore «Je comprends fort bien votre situation mais...» trompeur. Cherchez plutôt le calme de la conscience16.» En fait, l'altruisme reste le seul secret du bonheur: «Sortez de vous-même et pensez aux autres17.» En somme, toute la vie des femmes sera réglementée par les rapports de sexe13. Très peu de réponses de Mère-Grand touchent des questions de religion, de langue ou de race. Ce n'est que beaucoup plus tard, après la Deuxième Guerre mondiale, qu'apparaissent des propos de ce genre. Courrier de Louise Les lectrices de Mère-Grand la questionnent vraiment sur tout: la santé; la dichotomie entre les gens de la ville et ceux de la campagne; l'éthique soit sociétale, familiale ou les relations amoureuses; l'amitié; les enfants; l'économie; la nourriture. L'abnégation totale de la femme est encouragée à maintes reprises. À Mme L, Mère-Grand recommande: «Non, il ne serait pas raisonnable d'influencer votre mari pour lui faire quitter le village. Vous dépenseriez vos économies en pure perte. Mettez de l'intelligence et du coeur à aimer les travaux de la ferme13.» À une mère de six enfants, elle conseille : «Votre mari a raison. C'est bien mal comprendre sa tâche que de se dévouer pour des étrangers et de négliger sa famille14.» VOL20 NOS fymsd'aiïm La chronique de Mère-Grand mourra avec la Deuxième Guerre mais une chronique similaire renaîtra le 21 janvier 1942 sous le nom de «Courrier de Louise», publié toutes les deux semaines, dans la «Page Féminine». Sous cette chronique, désormais, Louise publie les lettres et les réponses. Qui était cette nouvelle chroniqueuse? Le mystère sur son identité reste à élucider mais, de toute façon ce sont les propos de ses lectrices qui sont les plus révélateurs. D'ailleurs, pourquoi lui écrivent-elles? Louise les incite à chercher conseil auprès d'elle: «Vous avez peut-être un problème à résoudre, quelque règle d'étiquette que vous aimeriez à connaître, quelque procédé sur lequel vous désirez être renseigné19?» Les questions sont aussi variées que celles de la décennie précédente: «une jeune fille doit-elle adresser la parole en dansant? Lorsqu'un prêtre entre au salon, les femmes doivent-elles se lever? Doiton accepter des cadeaux des jeunes jeunes hommes? Les questions de guerre touchent aussi les femmes. Une jeune fille qui veut entrer dans le service auxiliaire de l'armée ou de l'aviation doit-elle avoir un certificat d'études20?» «Je désirprais connaître le procédé à suivre pour faire parvenir de mes nouvelles à mes psrents en France occupée et en recevoir d'eux21.» «Est-ce qu'on peut se procurer des formulaires d'applications en français pour obtenir les coupons de rationnement d'essence22?» «Une telle doit-elle se marier avant le départ pour la guerre de son ami? Qu'arrivera-t-il après la guerre? Devra-t-on quitter son emploi? Est-ce que les jeunes filles peuvent travailler au «Macdonald's Aircraft23?» Les questions de religion semblent plus préoccuper les femmes des années '40. À moins que Louise croit plus que Mère-Grand que ces questions intéresseront ses lectrices! Par exemple : «Je fréquente un jeune homme protestant et, vu que je suis catholique, on me blâme. Quel mal peut-il y avoir? On ne parle jamais de religion l'un l'autre24•• Louise répond naturellement qu'il s'agit d'une trahison de sa foi, de sa religion, de sa nation. Ce sont en général les parents qui s'opposent à ce genre de fréquentations et Louise renforce l'autorité parentale en leur donnant entièrement raison25. Quant aux moeurs, les correspondantes continuent toujours de s'en faire des questions de morale. «Que faut-il penser d'un jeune homme qui veut se permettre certaines familiarités malhonnêtes avec sa fiancée sous prétexte que bientôt il la mariera26?» «Une jeune fille doit-elle remettre les cadeaux qu'elle a reçus d'un jeune homme si elle refuse de l'épouser27?» Il ne faut donc pas s'étonner de l'article «Les hommes font les lois, les femmes...les moeurs» écrit dans la chronique «Pour vous, Mesdames»28. Grâce à l'initiative d'Annette et de Paule St-Amant et par les témoignages qu'elles nous ont légués dans les courriers de Mère-Grand et de Louise, les Franco-Manitobaines nous révèlent, en partie, le rôle qu'elles ont joué dans la survie de leur société. À elles revient le mérite d'avoir préservé, dans le quotidien, la vie française dans l'Ouest. I II Que dire de leur vie? L'histoire officielle a souvent passé sous silence la contribution pourtant essentielle des femmes à la survie de la communauté. En effet, cette histoire officielle s'attache davantage, sinon exclusivement aux revendications scolaires, linguistiques et juridiques. Pour leur part, les femmes accomplissaient chaque jour, gratuitement, des gestes permettant de perpétuer la vie. Confinées au domaine «du quotidien, du privé, de l'affectif29», les femmes ont dû, au Manitoba comme ailleurs, s'effacer pour mettre de l'avant des besoins, les désirs PLUS QUE MÉNAGÈRES: FEMMES COLLABORATRICES n plus des des autres, que ce soit avant ou après la Deuxième Guerre mondiale, les FrancoManitobaines perpétuaient la vie de ce qu'on nommait alors la «race canadienne-française», avec toutes ses particularités alimentaires, vestimentaires, linguistiques et religieuses. Originaire du Québec, Monique Hébert habite depuis huit ans le Manitoba où elle a enseigné au palier secondaire. Détentrice d'une maîtrise, elle poursuit des études doctorale en histoire des femmes à l'Université du Manitoba. Sincères remerciements à Denise Veil/eux pour ses conseils forts judidieux 1. Blay, J., L'article 23, p.59 2. Blay, J., op.cit., p.16 3. Blay, J., op.cit., p.25 4. 5. 6. 7. Groulx, L., L'appel de la race Blay, J., op.cit., p.53 Ferland, M., Les batteux Chaput, H., Donatien Fremont, journaliste de l'Ouest, pp16-17 8. Eid-Fahmy, N., «La presse féminine au Québec», in Cohen, Y. et al Femmes et pouvoir politique. 9. La Liberté, bobines 1920-1924 et 1924-1926 10. Ibid 11. Ibid, vol. XXI, no 17, le 20 septembre 1933 12. Ibid, vol. XXI, no 29, le 13 décembre 1933 13. La Liberté, vol.XXI, no 35, le 30 janvier 1934 14. Ibid «Mon Dieu, laites que j'aie au ciel en balayant la place» F. Gaudet-Smet tâches quotidiennes, les femmes rurales, durant la période 1900-1940, assument encore très souvent des tâches de pharmaciennes, d'infirmières, de sages-femmes, rôle qui va souvent de pair avec les soins à donner aux morts. Avec le développement de la poste, du téléphone, du travail de bureau et de commerce de détail, on les voit travailleuses de poste, téléphonistes, épicières collaboratrices du mari dans une entreprise artisanale,... Ces nouveaux rôles assumés par les femmes rurales, en plus de mettre en relief l'importance de la femme dans ia vie rurale, ont certaines caractéristiques communes annonciatrices d'un modèle de cycle de vie féminin qui se perpétuera jusqu'à nos jours. Elles exercent des tâches d'appoint, en plus du travail ménager, pour dépanner ou aider financièrement, souvent gratuitement ou pour un salaire dérisoire, avec bonne humeur et dévouement même en étant, la plupart du temps, étroitement surveillées par tes hommes. Source: Vers des horizons nouveaux: la femme canadienne 1870 à 1940, Arch. pubi. Canada. VOL 20 NO 3 15. La Liberté, vol.XXI, no 35, le 30 janvier 1934 16. Ibid, vol.XXI, no 37, le 18 février 1934 17. Ibid, vol.XXI, no 39, le 28 février 1934 18. Strong-Boag, S., The New Day Recall, p.3 19. La Liberté et le Patriote, vol. XXIX, no 38, le 21 janvier 1942 20. Ibid, vol. XXIX, no 47, le 25 mars 1942 21 .Ibid, vol. XXX, no 12, le 29 juillet 1942 22. Ibid, vol. XXIX, no 45, le 11 mars 1942 23. Ibid, vol. XXIX, no 41, le 11 février 1942 24. Ibid, vol. XXIX, no 40, le 4 février 1942 25. Ibid, vol. XXX, no 4, le 28 mai 1942 26. Ibid, vol. XXIX, no 41, le 11 février 1942 27. Ibid, vol. XXIX, no 42, le 18 février 1942 28. Ibid, vol. XXXIV, no 46, le 7 mars 1947 29. Lemieux, D, et Mercier L, les femmes au tournant du siècle, 1989, p.31 QUI A PEUR DE MATHILDA g 7 ne rencontre intéressante avec une femme hors du i J commun qui consacre sa vie à la justice sociale : de ^""^ ses années formatrices avant la guerre à son action dans le milieu syndical en passant par l'action politique. JL/e soleil était de la partie en cette matinée hivernale, de tin décembre; il était ià pour m'accompagner à un rendez-vous très important puisque j'allais rencontrer une personnalité reconnue de la communauté acadienne. Une femme que moi, Acadienne expatriée au Québec depuis plus de quinze ans, je connaissais peu, Mathilda Blanchard. Personnage public, Mathilda Blanchard a créé bien des remous, suscité de nombreuses controverses dans cette région du Nord-Est, particulièrement durant les années '60. Approuvée par les uns, critiquée par les autres, elle ne laissait personne indifférent. Mathilda Blanchard, première femme à s'engager dans le mouvement ouvrier, avec les travailleurs-euses des usines de poissons. Première femme également à tenter d'investir les lieux du pouvoir, dans une Acadie qui, à l'époque, n'approuvait pas de telles initiatives de la part des femmes. En avance sur son temps, elle en a fait jaser plus d'un et a fait couler beaucoup d'encre. J'avais encore cette image de la femme qui ne mâche pas ses mots quand elle a quelque chose à dire, de celle qui n'a pas froid aux yeux, quand il s'agit de se porter à la défense des plus démuni-e-s. J'ai découvert une femme calme et sereine, à qui je n'aurais pas donné 70 ans. Dans la chaleur enveloppante du poêle à bois de sa maison à Caraquet, elle m'a raconté les hauts et les bas de sa vie publique et surtout, elle m'a parlé de la jeune fille qu'elle a été. Des années formatrices J'ai grandi dans une famille différente de celles qui nous entouraient, me dit-elle. '.'•_' (, ;, Occupant le troisième rang - ' - ' A ' '*• d'une famille de six enfants, elle a eu un père qui avait un sens inné de l'organisation. Il a d'ailleurs été organisateur général de la Société l'Assomption durant de nombreuses années. «Mon père a été un modèle pour moi. Il lisait beaucoup et valorisait l'apprentissage autant chez les filles que chez les garçons.» Sa mère avait déjà beaucoup voyagé quand sa famille s'est installée à Caraquet, tour à tour enseignante et maîtresse de poste, elle avait une ouverture d'esprit et un savoir qui ont certainement influencé notre Acadienne. «J'ai grandi entourée de livres. De plus, nous étions abonnés à divers journaux ce qui nous a donné une ouverture sur le monde que bien de nos compagnons et compagnes de classe ne possédaient pas.» Après l'école publique, c'est au couvent qu'elle poursuivit ses études. De VOL 20 No 3 Mathildafà droite), !944 cette période, elle souligne: «Enfant j'écrivais beaucoup et plus tard au couvent, les «bonnes» soeurs détruisaient mes écrits: poésies, pièces de théâtre, etc. Pour la reconnaissance des droits De cette période, les années 1930-40, elle me souligne l'emprise de la religion catholique sur les gens, particulièrement sur les femmes, à qui l'on imposait toutes sortes de règles. Mathilda Blanchard n'a pas hésité à maintes reprises à les transgresser. Ainsi, elle a porté le pantalon à son école; ce qui est devenu pratique courante par la suite. Même scénario pour la bicyclette et la natation qu'elle a commencé à pratiquer dès l'âge de 10 ans. Je ne faisais pas ça pour être différente des autres, me dit-elle, mais pour le plaisir, parce que j'avais envie de le faire. Survient la guerre, les femmes sont appelées à remplacer les hommes partis au front. Mathilda quitte sa région natale pour aller travailler dans les usines à Windsor en Ontario. Elle s'inscrira à un cours de peinture au fusil. Tenue de s'arrêter pour des raisons de santé (empoisonnement au plomb), elle se dirige vers Montréal et travaille comme inspecteur dans la peinture. Elle est la première femme à exercer ce poste au Canada. Dans la même période, elle suivra un cours de coiffeuse «par la force des choses... beaucoup de choses...» C'est à Caraquet, dans son village natal, qu'elle ira exercer son nouveau métier. «Par la suite, je suis restée à Caraquet parce que je suis tombée en amour.» Dans les années qui suivirent, elle donna naissance à trois enfants: deux garçons et une fille. Mathilda Blanchard, 1990 «Les conditions de iravail, malgré des années de revendications, semblent se détériorer à mesure que progresse l'industrie des pêches. C'est surtout chez les femmes que le résultat de ces conditions malsaines se manifeste le plus. Puisqu'elles sont responsables de 80% de tout le travail qui se fait, le portrait en est d'autant plus sombre. Et qui fera enquête sur la santé de celles qui sont responsable de la vie d'une autre génération.» Mathilda Blanchard Extrait, MANIFESTE, sept. 1979 L'Évangéline Toujours pour Injustice sociale De son engagement dans le mouvement syndical, elle me confie: «C'est par la coiffure que j'ai été amenée à m'engager dans le mouvement ouvrier. On est venu me chercher parce que j'avais un certain savoir et que j'avais de la facilité à m'exprimer en public.» Les travailleuses des usines de poissons qui fréquentaient son salon de coiffure l'ont sollicitée pour être secrétaire de leur regroupement, puis très vite à défendre leurs droits. «On m'a monté une image, à savoir que je pouvais régler les problèmes de tout le monde et, d'ajouter Madame Blanchard, de tous les temps, les citoyens en général ont toujours cherché quelqu'un pour parler en leur nom.» Pour Mathilda Blanchard n'a été ni le début ni la fin de sa carrière. Première femme de sa communauté à parler dans les assemblées politiques, composées majoritairement d'hommes, elle rappelle que c'était très mal vu qu'une femme se lève pour parler, me dit-elle, dans cette société qu'elle considère fermée, traditionnelle et catholique. Elle a aussi à différentes reprises posé sa candidature à divers niveaux, tant municipal, provincial que fédéral. Elle garde de cette période des souvenirs pas toujours agréables. Non seulement un grand nombre de femmes ne l'ont pas supportée, mais elles ont été nombreuses à la bouder en ne fréquentant pas son «salon». «J'ai été dérangeante, parce que je disais des vérités qu'on ne voulait pas entendre et, de continuer Madame Blanchard, on ne m'a pas acceptée parce que je travaillais pour les assistés sociaux, pour les plus démunis. Ça existe toujours des gens qui n'ont pas d'argent. L'écart des salaires entre les ouvriers et les professionnels est encore plus grand... Lénine, Marx l'ont écrit, il faudra un jour le répéter: les hommes ne valent pas plus les uns que les autres. L'un ne vaut pas 70 000$ par année et l'autre 10 000$, c'est absurde!» Elle ne sera pas élue, mais aura certainement tracé un chemin pour les femmes qui suivront. Ainsi, quelques années plus tard, lorsque sa fille se présente comme conseillère à la ville, elle remporta la palme avec forte majorité. Elle sera la première à occuper ce poste au NouveauBrunswick. Nul n'est prophète dans son pays et la maxime lui va comme un gant. Invitée ces VOL 20 No 3 dernières années à prononcer des conférences à travers le Canada (Montréal, Québec, Toronto, Rimouski), ce n'est que tout récemment que le Nouveau-Brunswick lui lance de semblables invitations. En 1988, on lui rend hommage en lui accordant le prix «Séraphin Marion», de la Société St-Jean-Baptiste, la désignant ainsi personnalité francophone de l'année. Elle est la première femme à recevoir cet honneur. Elle ne semble pas garder rancune pour toutes ces difficultés qu'on lui a fait subir. Au contraire, elle est encore déterminée à travailler pour les gens du peuple. «Il y a encore des choses à faire ici, des revendications à mettre de l'avant. Il faut arrêter de faire monter les hauts salaires; au bout de la ligne, ce sont toujours les plus pauvres qui paient.» Après ces années d'intense activité qui la tenait occupée sept jours par semaine, Mathilda Blanchard se permet un peu de repos. Elle travaille présentement à mettre sur pied un syndicat qui serait davantage à l'image des Acadiens; occasionnellement, elle se porte à la défense de travailleurs-euses devant des conseils arbitraux. De rester active, me dit-elle, ça m'empêche de vieillir. Elle a entrepris récemment un autre projet qui lui tient à coeur, la rédaction de ses mémoires. Ce projet nécessite une bonne somme de travail mais quand on s'appelle Mathilda Blanchard, le travail ne nous fait pas peur. En terminant l'entretien, nous parlons du mouvement féministe. «Je ne suis pas féministe, et je ne suis pas d'accord avec toutes les revendications des féministes», me dit-elle. Mais quand je lui demande si elle n'a pas aidé la cause des femmes et tracé la voie à d'autres femmes qui, aujourd'hui veulent intégrer l'arène politique au Nouveau-Brunswick, elle est d'accord avec moi. Une phrase me revient en mémoire de cet entretien et qui démontre bien la détermination dont a fait preuve madame Blanchard, au cours de ses nombreuses années d'implication politique. Un jour elle répond à quelqu'un qui l'avait traité de Jeanne D'arc. «Je suis peut-être une Jeanne D'Arc, dit-elle, mais moi, vous ne me brûlerez pas.» «I I Colette Godin occupe le poste de coordonnatrice au Centre des femmes Actu'Elles à Buckingham, Quebec. Elle est aussi pigiste en communication. Aux écoutes Bulletin de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises Vol. 4, No 3 Mars 1991 Le bulletin de liaison de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises a comme objectif d'informer toute personne intéressée à la vie associative des femmes au Canada français de l'évolution de ce mouvement. Il rend compte des dossiers, des services, des actions et des recherches de la FNFCF et de ses groupes affiliés. Il présente également des nouvelles des groupes homologues. Publié pour la première fois à l'intérieur de la revue Femmes d'action, FNFCF aux écoutes souhaite ainsi élargir son bassin de lectrices et offrir une meilleure connaissance du travail collectif des femmes francophones. Ce troisième bulletin de l'année met l'accent sur l'importance de la participation politique des membres de la FNFCF au projet de société coordonné par la FFHQ (auquel l'organisme est affilié): Dessein 2000. Message de la présidente Pour une société à notre image La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises se prépare à collaborer à une vaste consultation concernant l'avenir de la francophonie hors Québec. Cette consultation, préparée par la Fédération des francophones hors Québec, a comme principal objectif de jeter les bases d'un nouveau discours pour mieux établir notre position au sein de la société canadienne et la place que nous souhaitons y occuper dans l'avenir. Pour les femmes regroupées au sein de la Fédération nationale des femmes canadiennesfrançaises, cette participation est capitale. L'affirmation politique de notre organisme en vue d'une meilleure connaissance et reconnaissance du mouvement associatif des femmes est déjà bien engagée, nos initiatives (comme vous le lirez dans ce bulletin) en sont la preuve. Nous nous devons de poursuivre en ce sens car les défis qui se posent devant nous, comme femmes et francophones, sont énormes. Ce n'est qu'au prix d'un engagement collectif dynamique et fort que nous réaliserons ce partenariat souhaité quant à l'orientation des décisions politiques concernant notre avenir et celui de nos enfants. C'est avec ce « pouvoir» en tête que je vous invite à participer au projet de société Dessein 2000 dans le cadre de notre Assemblée générale annuelle en juin prochain. Claire Lanteigne présidente nationale de la FNFCF Dossier francophonie Le fait français au pays : à nous d'y voir! Le Canada est, depuis l'échec du lac Meech, en plein questionnement sur son avenir constitutionnel. Au Québec, la Commission Bélanger Cam peau a déjà entendu des dizaines de mémoires dont celui de la FNFCF reçu aux audiences publiques en compagnie de la FFHQ en novembre dernier. De son côté, le gouvernement canadien a mis sur pied la Commission Spicer et le Comité mixte spécial sur la procédure de modification de la constitution. Notre participation au projet Dessein 2000 Outre la Commission Spicer, une autre avenue s'offre à nous, cette fois, pour établir notre vision de la francophonie canadienne, de la place que nous souhaitons occuper et du rôle que nous entendons jouer. Dessein 2000 se veut un nouveau projet de société pour la francophonie hors Québec et vise, comme l'annonce le Comité d'orientation de la FFHQ, à développer un «discours de bâtisseurs». Ce nouveau discours insistera sur la mise en valeur de notre dynamisme et notre combativité par opposition à la notion de minoritaire et de l'image de «citoyen-nés de deuxième classe» qui nous accompagne depuis quelques années déjà. Pour faire face suite F N PCF A U X ; E G 0 UsT E S Dossier francophonie aux années 1990 dans un contexte de changements comme nous le connaissons, la francophonie hors Québec se doit d'utiliser la «voie de la prise en charge, sous-tendue par le développement de partenariats et de modes d'intégration politique» comme le souliqne le comité. Il faut aussi créer un «espace francophone qui transcende les limites géographiques» c'est-à-dire «un espace qui a plutôt à voir avec notre attitude, notre confiance en soi, en nos capacités et comme citoyen-nés à part entière.» Ces quelques éléments du nouveau discours sur lequel se penche Dessein 2000 nous offre matière à réflexion alors que justement, nous tentons, de notre côté, de prendre notre place au sein de la société en général aux niveaux social, économique et juridique. Être acceptées et respectées comme partenaires à part entière dans la définition d'une nouvelle société, n'est-ce pas notre objectif ultime? C'est pourquoi, selon la FNFCF, il est crucial de participer activement à ce projet de société. Déjà, depuis sa dernière Assemblée générale annuelle en juin dernier et pour répondre aux besoins des membres tels que manifestés lors d'un sondage préalable, la Fédération a entrepris de politiser davantage ses actions. Son mémoire au projet Vision d'avenir de la Fédération des jeunes canadiens-français, celui à la Commission Bélanger Campeau, la tournée d'une délégation de femmes francophones au Québec en novembre en sont les principaux exemples. Notre participation à la consultation de la FFHQ autour du Projet de société Dessein 2000 en juin prochain s'inscrit dans la poursuite de cet engagement. Nous avons notre mot à dire et, doiton l'ajouter, on a besoin de cet avis. Les groupes affiliés à la Fédération nationale sont appelés à choisir une ou des déléguées pour participer pleinement à cette entreprise détaille mais combien stimulante. Dessein 2000 et Pouvoir en tête: l'alliance des femmes au projet de société En acceptant l'invitation de la FFHQ de tenir son assemblée générale annuelle au cours de la même fin de semaine, le Conseil national d'administration de la FNFCF souhaite donner l'occasion à ses groupes affiliés d'être de réelles partenaires dans la définition de ce projet de société significatif pour l'avenir des francophones hors Québec. Suite à ses discussions et avec l'accord du CNA, le Comité d'étude et d'action politique de la FNFCF s'est fixé comme objectif général «d'amener les déléguées à prendre en charge le discours des femmes francophones». Sous le thème Pouvoir en tête, ce discours, affirmera le pouvoir que les femmes se sont données dans la valorisation de leur apport à la société d'hier, d'aujourd'hui et de demain. C'est aussi celui de faire reconnaître les besoins spécifiques des femmes dans la recherche de leur autonomie, de leur fierté d'être et de leur confiance en soi. Pour la FNFCF, qui s'est penchée depuis deux ans sur la question de la santé mentale, il va de soi que le bien-être global des femmes dans la société les amène à poursuivre pleinement leur engagement politique et à prendre les décisions nécessaires à l'orientation de leur avenir collectif. Ces conditions assureront, pour la FNFCF, la réussite de Dessein 2000. Qui votre groupe déléguera-t-il les 14-15-16 juin prochains à Ottawa? Chaque groupe affilié est appelé à choisir une ou des déléguées pour participer à cette consultation de la FFHQ et par la suite à l'AGA de la FNFCF qui se déroulera le dimanche. La personne choisie apportera avec elle «la couleur de sa communauté, les réussites des groupes de femmes de sa région ou de sa province selon le cas, de même que les réussites de femmes engagées dans différents dossiers de lafrancophonie». Elle recevra en appui un document préparatoire qui complétera sa propre expérience et lui permettra de mettre en valeur, lors de la consultation, le discours collectif des femmes francophones de la FNFCF. Une rencontre entre déléguées est aussi prévue dans la soirée du vendredi. Hâtez-vous de choisir votre déléguée afin qu'elle soit en mesure de contribuer à part entière à cette rencontre annuelle très spéciale pour notre avenir. Nouvelles du Conseil national d'administration Les défis du développement Bien que la participation de la FNFCF à la consultation Dessein 2000 ait été un sujet important de la rencontre du Conseil national d'administration de décembre, les membres se sont aussi penchées sur différentes questions dont les priorités de développement pour l'année 1991/1992. Soulignons ici les grandes lignes de deux projets présentés au Secrétariat d'État et qui permettraient à la Fédération de poursuivre son action politique et de répondre aux besoins de développement de ses groupes: Un premier projet vise la concertation et la planification des actions des différents groupes en favorisant la tenue de trois grands forums régionaux d'étude de stratégies de développement. Alors que le plan d'action quinquennal de la FNFCF prend fin, l'heure est venue de rassembler les groupes et d'appuyer une démarche de planification pour faire un bilan, se concerter quant aux objectifs poursuivis et se donner une vision d'avenir sur l'évolution du mouvement. Un second projet, tout aussi important, met l'accent sur une étape nécessaire de l'évolution du mouvement au Canada français: le lobbying national. Ce projet s'inscrit dans la continuité des démarches de la Fédération qui est d'assurer une plus grande visibilité au mouvement des femmes francophones de milieu suite F MF G F minoritaire et être davantage efficace dans sa fonction principale de représentation. Ce projet, s'il est retenu, se déroulera en trois volets: recherche, formation, action. Il actualisera,entre autres, les données recueillies dans le rapport Femmes et francophones: double infériorité publié en 1981. Souhaitons qu'ils reçoivent un accueil favorable! La nécessité du mouvement des femmes: une fois de plus Le mot «coupures» plane toujours au-dessus des groupes de femmes. Le budget de février du gouvernement fédéral affectera-t-il une fois de plus le Programme promotion de la femme? Pour les groupes de femmes ces coupures causeraient des torts irréparables. La FNFCF conjointement avec la Coalition des groupes nationaux de femmes, demandent aux membres des conseils d'administration des groupes de femmes de la coalition d'approcher leurs députés fédéraux et provinciaux pour leur parler des réalisations du mouvement, des services qu'il offre auxfemmes et aux communautés, des dossiers qu'il documente, etc. Faire valoir la nécessité de la présence des groupes de femmes nationaux, provinciaux ou régionaux est une démarche essentielle de lobbying compte tenu de la situation politique pour défendre les besoins, pourtant pressants, des femmes dans notre société. Comités en bref Information Le comité sous la présidence de Françoise Viau propose aux représentantes provinciales de profiter des activités du 8 mars pour organiser un lancement du numéro spécial de la revue FEMMES D'ACTION qui marque son vingtième anniversaire. Ce numéro a pour thème 100 ans d'histoire et faire revivre par le bia's de reportages, d'entrevues, de profils, la vie des femmes de 1890 à aujourd'hui au Canada français. Un numéro historique! Finances L'un des aspects du travail du comité dirigé par la trésorière Agathe Brunei a été d'élaborer une démarche de levée de fonds pour la bourse Almanda Walker Marchand. Un objectif de 5 000$ doit être atteint d'ici lafin mars. Les dons pour lesquels sont émis des reçus de charité serviront à assurer la continuité de cette initiative qui nous a permis, l'an dernier de remettre une première bourse d'études (voir un peu plus loin). La FNFCF encourage le CNA à profiter de l'appui du Secrétariat national qui a préparé une trousse d'information pour faciliter les démarches de levée de fonds. Etude et action politique Comme il est mentionné plus haut ce comité présidé par Madeleine LeFort a la responsabilité de déterminer le type de participation de la FNFCF à la consultation Dessein 2000 de juin prochain. AUX ECO UT ES Autres nouvelles Mise en candidatures pour la bourse d'études Â.W.M. La FNFCF offre pour la deuxième année consécutive une bourse d'études de 1000$ à une femme francophone de milieu minoritaire qui fait un retour aux études. Pour être admissible, la candidate doit répondre à certains critères. Le Secrétariat national de la FNFCF se fera un plaisir de fournir l'information nécessaireet unformulaire de demande de candidatures. La date limite de réception des demandes est le 30 avril 1991. Le nom de la lauréate sera dévoilé lors de l'Assemblée générale annuelle de la FNFCF le 16 juin prochain. La bourse d'études a été instituée pour commémorer l'action politique des membres de l'organisme qui ont, depuis de nombreuses années, oeuvré pour la défense de la langue française au pays et qui travaillent aujourd'hui en faveur de l'autonomie des femmes francophones. Bonne chance aux candidates! Des remerciements à profusion! La FNFCF remercie les donatrices et donateurs suivants pour leur générosité. Ces contributions sont nécessaires pour la mise sur pied du Fonds de la bourse d'études Almanda Walker Marchand. Merci: Elyette Dangin, Diane Lanande, Jean Brideau, Gilberte Proteau, Claire Gagnon, Dyane Adam, Agathe Gaulin, Linda Cardinal, FFC Oshawa. Une voix pour la paix Lorsque vous lirez ces lignes où en sera la guerre? «A travers le pays, les femmes ont commencé à manifester, à écrire et à lever la voix contre la guerre dans le Golfe et la participation canadienne» écrit, dans son bulletin de janvier/février le Comité canadien d'action sur la statut de la femme. La FNFCF, membre affiliée au CCA, vous transmet la proposition de ce dernier d'inciter le Canada à devenir «une voix pour la paix». Le CCA propose différents moyens aux groupes et aux femmes pour manifester contre la guerre et faire connaître leur point de vue au gouvernement canadien. Pour plus d'information, communiquez avec notre Secrétariat national et tenez-nous au courant de vos initiatives! Une semaine de l'éducation La FNFCF tient à souligner l'heureuse initiative du Réseau national Action Education Femmes de mettre sur pied une Semaine de l'éducation pour les femmes francophones. Ayant pour thème «Moi, j'apprends en français c'est tout naturel», celle-ci se déroulera pour la première fois du 17 au 23 mars prochains. Nous encourageons les femmes à réfléchir, au cours de cette semaine, à l'importance de l'éducation dans nos vies. F N FC F AUX E C O U T E S Nouvelles des groupes affiliés En ce début d'année certains de nos groupes sont, comme ils le disent:»très occupés mais n'ont pas de nouvelles à partager!» Comme le Cercle des fermières de Terre-Neuve et du Labrador qui prépare une rencontre provinciale et est à mettre sur pied une activité de levée de fonds pour reccueillir des dons en vue de la bourse A. W. Marchand. Bon succès! Ile-du-Prince-Edouard Les Acadiennes de la région Évangeline, seul groupe de femmes francophones sur l'île, a présenté en janvier un atelier dans le cadre des Services aux membres sur les droits juridiques des femmes. L'organisme attend toujours une réponse concernant son projet d'embauché d'une employée au service des Acadiennes. Nouvelle-Ecosse Dans la plupart des régions on se prépare à organiser les activités du 8 mars. La régionale de Richmond de l'Association des Acadiennes de la N.-E. organise également une table ronde sur la réalité des jeunes Acadiennes. Nouveau-Brunswick Suite à une étude sociologique sur les besoins de trois de ses Cercles en milieu minoritaire, la Fédération des Dames d'Acadie assure un suivi avec comme personne-ressource Jacqueline Collette, animatrice de groupes bien connue. La FDA décernera pour la première fois lors de son assemblée générale annuelle le prix Gemma Pelletier Caron, du nom de sa fondatrice. Ce prix récompense celui de ses 27 Cercles qui se sera signalé de façon particulière soit parson action commautaire, son engagement au fait français ou à la condition féminine. Au cours de l'année 1991 -1992, l'Institut féminin se penchera sur les dossiers de l'alphabétisation, la violence faite aux femmes, la reconnaissance des acquis et la pauvreté. Le Comité féminin de l'Université du 3e âge prépare un colloque sur les droits des aidantes et des aidé-e-s. Cet événement qui aura lieu les 7 et 8 avril à Moncton traitera de la difficulté pour les familles de répondre aux besoins des personnes nonautonomes qui seront appelées à réintégrer leur famille comme l'indique la tendance. Etant donné que la vie des fem mes a changé, à qui reviendra cette responsabilité? OUEST Saskatchewan La Fédération provinciale des Fransaskoises sous l'égide de ses deux composantes la Régionale Nord et la Régionale Sud vient de terminer sa programmation pour l'année 1991 -1992. Ses priorités sont: la santé, les communications et le pouvoir économique des femmes. C'est avec ces dossiers qu'elle entend travailler au développement des localités et régions. L'Assemblée générale aura lieu le 20 avril prochain. La Régionale Nord a embauché en février sa nouvelle coordonnatrice et tient son assemblée annuelle en mars. La Régionale Sud de son côté, sensibilise les femmes des régions au programme Nouveau Départ. Elle travaillera aussi au développement des localités de Moose Jaw, Swift Current et Bellegarde. Dans les diverses localités telles que Gravelbourg, Zenon Park, Willow Bunch, Prince Albert, Ferland et Ponteix, des activités (conférences à distance, discussions, ateliers, causeries) toucheront entre autres la santé globale et la situation des agricultrices. Dans le cadre de la Semaine nationale de l'éducation on présentera deux conférences à distance sur la reconnaissance des acquis et la réappropriation de la langue. La présidente de la FNFCF était de passage en Saskatchewan les 2,3 et 4 février derniers. Alberta Le groupe Entre-Femmes présente au cours de l'hiver une série de films sur la condition féminine. Le Comité femmes de l'Asso- ciation canadienne-française de l'Alberta organise le 9 mars une grande rencontre pour inaugurer la fondation d'un premier regroupement provincial. D'autres activités s'organisent autour du 8 mars; la FFCF de St-isidore présente deux soupers-conférences. Colombie-Britannique Réseau-Femmes de Vancouver est déçu de ne pas avoir encore reçu la subvention promise afin d'assurer la permanence de l'organisme et son développement. Le Comité ad hoc participera à la mi-février à une session de formation du programme Services aux membres de la FNFCF sur le fonctionnement de groupe et la planification. Un comité de jeunes femmes (entre 25 et 30 ans) s'est formé et se rencontre une fois par mois pour des activités diverses (autodéfense, vidéo-femmes, etc.). On présente également des ateliers-théâtre qui suscitent beaucoup d'intérêt. La représentante provinciale Anne Doris Malenfant prépare un lancement pour souligner le vingtième anniversaire de la revue Femmes d'action. Le Comité exécutif de la FNFCF se réunit à Vancouver les 1,2 et 3 mars prochains. Territoires du Nord-Ouest Le Regroupement des femmes des T.N.O. accueille sa nouvelle permanente en février et entend, dès lors, préparer sa planification annuelle et son activité du 8 mars. 1950-1970 •••'BRAVO, LES F E M M E S ! OU EST PASSE NOTRE SCIENCE INFUSE? Un retour sur une époque décisive de notre système de santé avec Dyane Adam Entrevue réalisée par Anita Pelletier ongtemps protectrices de la santé, les femmes se sont retrouvées à partir des années '50 jusqu'aux années 70, démunies devant un système de soin qui se voulait de plus en plus scientifique. Depuis lors, et grâce au mouvement féministe, les femmes apprennent à se réapproprier leur corps et leur santé. /our nous parler de ce tournant décisif et analyser cette évolution, nous avons interrogé Dyane Adam, psychologue, vicerectrice adjointe (enseignement et services en français) à l'Université Laurentienne de Sudbury. Elle est déjà connue des lectrices de FEMMES D'ACTION par le biais de ses articles qui ont laissé transparaître son intérêt à la fois pour la santé et pour tout ce qui touche la cause des femmes. années '50 mais d'une façon différente. Durant les années '60, c'est le monde médical qui a le contrôle et l'infirmière est au service du médecin. Par la suite, plus on se rapproche des années '70, plus on commence à entendre parler non seulement de curatif mais aussi de prévention et cela ouvre la porte à des professionnels autres que les médecins. FA: Que faut-il penser des changements survenus dans le système de santé au cours de la période qui nous préoccupe soit les années 1950-1970? FA: II me semble que quand j'étais jeune, on nous soignait généralement avec de l'aspirine, du sirop pour le rhume, de la vaseline et de la teinture d'iode. On allait très rarement chez le médecin et seulement pour des motifs sérieux. DA: Les changements au niveau de la santé ont, bien sûr, varié d'une province à l'autre, mais ce qui me semble être la grande caractéristique de ces années-là, c'est vraiment le passage d'une gestion matriarcale du système de santé où le clergé et les religieuses étaient impliqués à celui, au début des années '60, où la santé est prise en charge par l'État et les médecins. Bien sûr, les médecins étaient très présents dans les DA: C'est vrai, l'assurance-maladie n'a été établie que dans les années '60. Jusqu'à cette période, les frais médicaux n'étaient pas couverts et on allait chez le médecin seulement pour des problèmes graves. En un sens, cet état de choses n'était pas entièrement négatif. On ne faisait pas l'objet de toutes sortes de manipulations médicales et il y avait une certaine dépendance envers la mère de famille VOL 20 No 3 qui jouait un rôle dans la promotion de la santé et qui veillait au bien-être des siens, et à l'hygiène personnelle. À cette époque, les femmes avaient plus d'autonomie au niveau de la gestion de la santé de leur famille. Elles étaient davantage consultées. Après l'établissement de l'assurance-maladie, on leur a maintes fois reproché les soins donnés en alléguant qu'ils n'étaient ni efficaces ni scientifiquement prouvés. C'est intéressant cette primauté de la science qu'on a vu émerger suite à l'assurance-maladie. Tout traitement se devait d'être basé sur des principes scientifiques observables et mesurables alors qu'en fait, on connaît l'importance d'un bon jugement clinique pour un médecin. FA: Et la santé mentale...? DA: C'est un domaine que je connais mieux. Les années ' 50 représentent vraiment la période asilaire. À cette époque-là, les soignantes étaient en majorité des femmes. Selon la perception qu'on en avait, pour employer un langage contemporain, les malades étaient non pas des clients ou des bénéficiaires mais bien des pensionnaires. Le langage a évolué plus tard. On les hébergeait, c'est à peu près tout. La femme ou l'homme qui étaient admis en centre psychiatrique étaient dans une situation où on lui offrait une certaine discipline de vie et où on assurait ses besoins de survie. La pensionnaire était une personne passive qui n'avait aucun droit. Certaines personnes hospitalisées à cette époque racontent qu'à l'admission, on leur enlevait tous leurs biens personnels et qu'elles devaient même parfois revêtir un uniforme selon celles des experts du domaine médical ou autre mais plutôt sur des traditions familiales qui avaient été passées de génération en génération. Les religieuses aussi avaient beaucoup de pouvoir sur la santé mentale et physique parce qu'elles étaient très présentes comme soignantes et comme gestionnaires dans les hôpitaux et autres institutions. Il y a eu toutes sortes d'histoires d'horreur sur le temps des religieuses mais nous savons qu'elles n'étaient pas la règle. l'asile où elles allaient. Elles en arrivaient ainsi à perdre tout sens de leur identité. Il n'y avait d'ailleurs, durant cette période, que peu de diagnostics et peu de traitements. Les malades étaient surtout classés selon leurs comportements. Ils pouvaient obtenir des privilèges si leurs comportements n'étaient pas trop décourageants. Ce n'est que vers les années 60 que les changements sont apparus. FA: C'est d'ailleurs à cette époque que les Éditions de l'Homme ont publié les fous crient au secours. DA: C'est ça. Il n'y a pas de doute que si l'on retourne à l'époque des années '50, la perception était que les personnes qui montraient des problèmes de santé mentale ou des problèmes psychologiques étaient, sans discrimination, tous des «fous». Si je me souviens du langage utilisé par ma mère, elle disait: «telle personne trouble, on l'envoie à l'asile.» Ces malheureux «fous» étaient retirés de leur famille et enfermés. On les isolait et leur enlevait du même coup toute responsabilité sociale. Un retour dans leur famille et leur village était toujours possible mais la réinsertion était souvent difficile puisque l'étiquette qu'on leur avait collée les privait de certains de leurs droits. Je ne puis m'empêcher de comparer avec ce qui se passe depuis les années 80 alors que le discours porte maintenant sur les droits de la personne, et je constate la longueur du chemin parcouru. À l'ère des asiles, la personne étiquetée «folle» n'avait plus aucun pouvoir de décision, ne pouvait se représenter ou demander les services d'un avocat ni refuser un traitement. On imagine facilement les abus possibles. On raconte encore l'histoire de femmes hospitalisées parce qu'elles étaient marginales, s'affirmaient trop ou trop fort ou encore devenaient dérangeantes pour leur conjoint! Il y a plusieurs cas de femmes qui, à mon avis, ont été internées sur des bases qu'aujourd'hui on considérerait carrément abusives. Malheureusement pour l'Ontario français, on a pas beaucoup de recherches là-dessus. Nous devons aussi reconnaître que les religieuses ont donné des soins à des gens dont personne d'autre ne voulait s'occuper. Cela est encore assez typique des femmes. Les changements que nous avons identifiés tantôt ont fait que, grâce au progrès de la science, on en est venu à mieux connaître la maladie tant mentale que physique. Les médecins sont devenus les experts de tout ce qui touche la santé et cela a contribué à dévaloriser et insécuriser les mères de famille. En même temps, on a délogé les religieuses de la place qu'elles occupaient auparavant et fait disparaître l'aspect humain des soins. L'art de la médecine a été sacrifié au profit de la science qui a pris toute la place. FA: Ce que vous dites, c'est que tout en offrant un aspect très positif, l'avancement de la science a aussi sur la vie des femmes un impact que l'on pourrait qualifier de négatif, DA: Je crois surtout que l'empirisme médical a fait qu'on a oublié pour un temps que, malgré ou avec les médicaments, il n'en reste pas moins que c'est la personne elle-même qui va se guérir. Si le médicament aide à combattre le virus, on sait tout de même que le bien-être physique et mental de la personne aura un impact important sur sa guérison. C'est heureusement à ce type de croyance que l'on semble s'attacher de plus en plus aujourd'hui. FA: Vous avez, à deux reprises, souligné l'implication des communautés religieuses dans le système de santé. Vous avez aussi utilisé le mot «matriarcal» pour qualifier le système. Je soupçonne que ces deux réalités sont intimement reliées. FA: Une des découvertes importantes des années '50-70 me semble être celle des psychotropes, ces médicaments qu'on emploie pour soigner les troubles mentaux. Quel a été l'impact de cet apport de la médecine? DA: Je rattache la femme des années '50 à nos bonnes mères qui nous ont soignées et qui ne faisaient pas reposer leurs décisions sur DA: Les psychotropes ont été introduits vers 1953 et étaient d'abord utilisés pour les personnes les plus sévèrement atteintes. tarais VOL 20 No 3 Évidemment cela a ouvert la porte aux autres drogues. L'impact sur les femmes a été à la fois positif et négatif. Les psychotropes ont permis de justifier l'élimination des asiles parce qu'on pouvait dorénavant donner à des patients hébergés depuis x nombres d'années, donc complètement dépendants du système, des médicaments qui leur permettait d'atteindre un niveau de fonctionnement suffisant pour retourner dans leur famille ou, du moins, vivre à l'extérieur de l'hôpital. Ce que l'on sait maintenant, après presque 40 ans, c'est que les médicaments n'ont pas été la solution miracle qu'on avait prévue. Les médicaments ne guérissent pas mais aident tout au plus à contrôler les symptômes. réapproprier leur corps et leur santé. C'est ce que les derniers vingt ans nous ont apporté depuis les années 60 et ce que nous sommes en train de vivre aujourd'hui. Ce que l'on vise maintenant, c'est de considérer la personne et, par conséquent sa santé, dans sa globalité. Si la personne est économiquement autonome, si elle est entourée d'un réseau social où elle peut trouver un minimum de support, si elle n'est pas alcoolique ou dépendante de drogues et de médicaments et si elle peut donner un sens à sa vie, je crois qu'un bon nombre de symptômes disparaîtront et qu'elle sera en santé. La maladie devrait être considérée comme un accident de parcours. FA: Ce que vous dites c'est que si, comme personne et comme société, nous recon-naissons la nécessité de satisfaire nos besoins les plus fondamentaux, nous serons en santé. DA: Oui. Le médecin n'aura alors à soigner que les problèmes qui sont vraiment d'ordre médical. H! Anita Pelletier est professeure adjointe à l'École des sciences infirmières de l'Université Laurentienne à Sudbury. Elle est membre du Collectif des femmes francophones du Nord-est ontarien. FA: Je pense aussi au rôle des psychotropes dans les traitements des problèmes de santé présentés par les femmes, problèmes qu'on «étiquette» souvent comme étant de l'anxiété ou de la dépression. DA: En fait, cela a dévié l'interprétation des problèmes. Si on réussit à traiter les dépressions et les symptômes de l'anxiété par des médicaments, il est moins nécessaire de fouiller dans les conditions de vie psychologiques ou sociales pour identifier la cause des problèmes. Un déséquilibre biochimique est traité par des médicaments et tout est dit! On libère donc la société de sa responsabilité de fournir à la personne des conditions de vie saines. CETTE PILULE QUI A CHANGE LE MONDE DES FEMMES... FA: Aujourd'hui, en 1991, quel serait votre bilan des changements dont nous venons de parler? À :?OU - Découverte marquante du siècle, la pilule contraceptive est l'un des plus puissants mythes modernes, sa diffusion à partir des années soixante permet à l'espèce humaine de faire l'apprentissage d'un pouvoir nouveau: le contrôle de la reproduction. Dissocier la sexualité de la procréation est une révolution qui transformera en profondeur les relations entre hommes et femmes, ainsi que la façon dont sont considérés les enfants. Les femmes, qui peuvent maîtriser leur fécondité, sont délivrées de l'hypothèque d'une grossesse non désirée, de mieux diriger leur avenir et d'exercer, grâce à cette liberté nouvelle, d'autres responsabilités. DA: Ce qui me semble caractériser cette période, c'est le passage à un état de dépendance envers l'opinion médicale, à cette confiance aveugle et soumise au pouvoir des médecins. Surtout durant les années 60, les femmes ont été exposées à une pléiade de théories nouvelles, à des changements qu'elles étaient plus ou moins préparées à assumer et elles se sont senties dévalorisées et surtout insécurisées. Elles ont donc remis leur pouvoir au médecin. Heureusement, nous sommes constamment en mouvement et avec la liberté qu'apportent un degré plus élevé de scolarité, la contraception, la prise de conscience des droits de la personne et l'influence des mouvements féministes, les femmes sont moins ballottées par les changements et apprennent à se Les progrès décisifs dans la connaissance de la reproduction humaine datent des années vingt et trente. En 1937, on observe qu'en administrant à des lapines une hormone sexuelle, la progestérone, on bloque leur ovulation. Mais la guerre retarde l'application de VOL 20 No 3 cette découverte capitale, suivie de la mise au point de la première hormone de synthèse... La «pilule» (nom courant des contraceptifs oraux) est d'une efficacité quasi totale, de même que le stérilet qui commence aussi à se répandre dans les années soixante. Ces méthodes de contraception en sont venues à symboliser la libération des femmes, ce qui n'était nullement le but poursuivi par les inventeurs de la pilule. Leur priorité: réduire la fécondité des pauvres... C'est seulement dans les années soixante-dix que des féministes poseront la liberté de reproduction comme l'un des droits humains fondamentaux. MERE DOROTHEE OU r A LA FIERTE D'ETRE ACADIENNE ET INSTRUITE! j\ ans un petit salon du couvent des religieuses Notre-Dame du t§ Sacré-Coeur, rue King à Moncton, j'attends Mère Dorothée. C'est un moment un peu spécial. Il y a trente ans cette femme a été mon professeur. Je garde d'elle un souvenir affectueux. Cette éducatrice a été à la fois professeur de philosophie, d'histoire, de mathématiques et de sciences tout d'abord au Couvent de Memramcook puis au collège Notre-Dame d'Acadie (N.D.A) à Moncton. Trente ans! Les choses ont tellement changé depuis: le rôle de l'église et des institutions religieuses, l'éclatement d'une société ballottée parles ismes: fascisme, socialisme, féminisme, individualisme et..le N.D.A. n'existe plus. «On ne retourne pas en arrièe, peu importe les difficultés. Il faut avancer vers la plénitude... une sérénité.» Mère Dorothée par Claudette Lajoie JL/a voici qui arrive vêtue de son costume noir de religieuse. Elle l'aurait quitté un bout de temps pour le reprendre par la suite parce qu'elle s'y sent plus à l'aise. La démarche décidée et vive pour ses 77 ans, le verbe tout autant, elle m'accueille avec beaucoup de chaleur. Elle se dit étonnée qu'une de ces anciennes s'intéresse tant à elle. Pourtant cette religieuse a été l'une des premières à croire au potentiel intellectuel des femmes en Acadie, en plus d'être une excellente éducatrice. D'accord ou non avec elle, personne ne dormait pendant ses cours. Comment oublier l'énergie, le dynamisme, le tact aussi qu'elle déployait à construire une hypothèse philosophique, ou encore à établir les multiples ramifications d'un événement historique. Une nationaliste dans l'âme Aussi, en tant que nationaliste convaincue, elle a su transmettre la fierté d'être acadienne aux premières générations de femmes ayant accès à une éducation post-secondaire en Acadie. Ce qui n'est pas peu dire à un moment VOL 20 No 3 où les Acadiennes commencent à peiné à prendre une toute petite place. Son penchant nationaliste s'éveille dès sa tendre enfance à Rogersville, alors qu'elle écoutait les parents et les amis parler des exploits de Monseigneur Marcel-François Richard pour faire valoir le point de vue des Acadiens face à un évêque anglophone et récalcitrant. Elle se souvient aussi l'inquiétude qu'elle ressentait lorsqu'elle étudiait l'histoire du Canada. «Je comptais les fois que les Français avaient gagné. La petite acadienne d'humble origine que j'étais, cherchait des preuves pour s'assurer que son peuple était grand, qu'il finirait par gagner un jour.» Ce goût du dépassement, elle le doit à sa mère adoptive. «Même si elle n'était pas instruite, elle tenait à lire les journaux, à se tenir au courant. Elle voulait que j'aie un fini qu'elle ne pensait pas être en mesure de me donner. D'où l'importance pour elle que je poursuive mes études, non pas pour devenir une maîtresse d'école, ni même pour faire de l'argent, mais pour devenir plus scienceuse. C'est le mot qu'elle employait.» Elle ouvre de nouvelles voies aux filles À ce moment-là, trois voies s'ouvrent aux femmes: se marier et faire des enfants, rester célibataire ou bien...entrer en communauté ce que fait Alice Millet. Son arrivée chez les religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur à Memramcook coïncide avec une effervescence qui lui plaît beaucoup. N'oublions pas que cette communauté acadienne vient tout juste de naître non sans difficultés, en se séparant des Soeurs de la Charité de Saint-Jean N.-B., d'origine irlandaise. S'agit'il bel et bien d'un premier exemple de dualité, concept si cher aux Acadiennes d'aujourd'hui et que nous prônons de plus en plus dans les différentes sphères de la vie dans l'unique province bilingue qu'est le Nouveau-Brunswick? Mère Dorothée évoque l'atmosphère qui y règne à ce moment-là. «Il y avait de la jeunesse, de l'enthousiasme. On sentait que tout était possible.» Et il y avait Mère Jeanne de Valois (Bella Léger) qu'elle admire beaucoup. Dès le début des années 30, Mère Jeanne rêve d'offrir le cour classique aux filles. Avec une équipe soit les mères Albina, Juliette, Agusta et...Dorothée, elle travaille à mettre sur pied une maison d'enseignement post-secondaire pour filles. Une première en Acadie.» Projet très audacieux pour l'époque. Nous sommes en pleine dépression avant l'ère des subventions. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. Aussi parce que la place de la femme est à la maison, et qu'elle n'a pas besoin d'études classiques pour élever ses enfants. D'où une certaine résistance au projet. Résistance masculine d'abord. Puis, résistance féminine venant de l'intérieur de la communauté. «Il y avait la peur de la nouveauté, peur de s'embarquer dans quelque chose au-dessus de nos forces, peur d'échouer et l'appréhension de voir des jeunes filles s'émanciper trop vite et devenir un mauvais exemple pour les autres élèves.» Malgré les obstacles elles vont de l'avant. En 1943, elles ouvrent les portes au cours classique pour les filles à Memramcook, ensuite au Collège Notre-Dame d'Acadie à Moncton de 1949 à 1965. Pendant 23 ans le N.D.A. joue un rôle de premier plan dans l'éducation des filles en Acadie grâce à la collaboration de ces femmes comme Mère Dorothée qui doivent prendre des bouchées doubles afin de faire fonctionner le collège. «J'ai enseigné tous les sujets à l'exception du français. J'aimais mon métier. On dirait que je trouvais toujours l'énergie nécessaire.» De l'énergie il en fallait pour enseigner l'avant-midi et le soir sans oublier la surveillance de huit à neuf le matin...cinq jours par semaine. Une Acadie à l'aube du vingt et unième siècle a sans doute des leçons à tirer de ces femmes qui n'ont pas eu peur de foncer afin de réaliser leur rêve. Puis arrive les années'60. Le cours classique traditionnel ne répond plus aux besoins d'une société qui change sans cesse. L'Université de Moncton prend de l'ampleur et...il y a des sorties en masse des communautés. Phénomène auquel ne peut échapper la communauté de Notre-Dame du Sacré Coeur. «On a fait une oeuvre de suppléance et on savait qu'il y aurait des changements, que quelque chose se préparait. Mais...on ne savait pas que ça viendrait aussi vite. Après discussions nous en sommes venues à la conclusion qu'il valait mieux fermer les portes du collège en 1965. Sur son visage une étincelle de douleur...de tristesse, «ça n'a pas été facile pour personne. J'ai perdu le sommeil pendant un mois. Mais pourtant» la tristesse fait place à un coup de tête volontaire comme celle qui ne veut pas se laisser abattre, «jamais, je n'aurais voulu retourner en arrière. On ne retourne pas en arrière peu importe les difficultés qui s'annoncent. Il faut avancer vers une plénitude...une sérénité.» Une femme intéressée à l'actualité Qui l'inspirent aujourd'hui? «C'est difficile de trouver les grands hommes, les grandes femmes chez les politiciens. Il faut plutôt regarder du côté des penseurs. J'aime bien Jean Guiton, Julien Green, Ghandi et Mère Thérèsa. Il faut dire que je n'ai pas haï De Gaule lorsqu'il a lancé son «Vive le Québec libre». Veut, veut pas, la souveraineté du Québec s'en vient. Quant aux Acadiens, qu'est-ce qu'on devient? J'ai confiance. On a développé des VOL 20 No 3 Collège N.D.A. Une équipe de religieuses mettent sur pied la première maison d'enseignement postsecondaire pour filles. forces, des mécanismes qu'on n'avait pas autrefois». Quant au conflit dans le golfe Persique. «Ce n'est pas une guerre entre les bons et les méchants Du moins les bons sont pas nécessairement d'un seul côté. Il ne faut pas oublier que le Koweït faisait partie de l'Irak jusqu'au moment où les Etats-Unis et l'Angleterre en ont décidé autrement. La situation est très compliquée. Moi ma très grande peur c'est que la guerre dans le Golfe soit avant tout une affaire de banques de multinationales...qui manipulent le peuple.» Décidément cette femme n'a pas perdu de son piquant. Mère Dorothée demeure très active. Elle vient de publier un quatrième livre sur la vie du premier évêque acadien, bien sûr. Les autres portent sur l'histoire de sa communauté et du N.D.A. il i Claudette Lajoie est coordonnatrice de l'organisme Jeunesse du Monde en Atlantique. Elle collabore à Vent d'Est. Elle a réalisé divers documentaires pour l'O.N.F. '"BRAVO LES FEMMES! FEMMES D'ACTION : VINGT ANS DEJA! de posséder leur propre revue. Une revue qui en ferait autant et qui servirait leur propre cause. Car entre les femmes du Québec et nous, il y a une nuance, une couleur différente. FA: Dès le départ, Femme d'action s'est affirmée, me semble-t-il, sur deux plans: l'information et la réflexion. Est-ce une dualité voulue? Jacqueline Martin, première responsable de la revue en compagnie de la présente rédactrice en chef. Une heureuse rencontre. S ur vingt ans d'existence, la revue Femmes d'action en a passé la moitié sous la conduite de Jacqueline Martin. Elle en a été l'instigatrice à une époque où se vivait des bouleversements sociaux, culturels, politiques et religieux touchant de très près les fondements même de la collectivité canadienne-française. Pour ces femmes, il s'agissait d'un revirement important, d'une remise en question de leur rôle dans la famille et la société. Le mouvement des femmes venait de les rejoindre. Les choses devaient changer «veut, veut pas» et Jacqueline Martin y est pour quelque chose. Femmes d'action est allée la rencontrer pour souligner son vingtième anniversaire et retourner aux sources... I? A: Si on se reportait en 1971, Madame Martin, vous pourriez être assise à ma place ce matin... qu'est-ce qui vous a motivé à mettre sur pied Femme d'Action? JM: À mon arrivée à la présidence de la Fédération des femmes canadiennes-françaises, je visais l'expansion nationale de l'organisme. Je souhaitais rendre à la Fédération l'envergure et la visibilité qu'elle avait connu du temps de sa fondatrice Madame Almanda Walker Marchand. Pour être en mesure de réaliser cette expansion, il fallait y associer la communication et l'information. Pour rejoindre notre clientèle nous avions besoin d'un outil. De plus, j'étais au courant par mes contacts que toutes les associations de femmes du Québec telles la FFQ, l'AFEAS disposaient d'une revue et je trouvais cela extraordinaire. Cela nous ressourçait de lire leurs publications! Les femmes francophones hors Québec se devaient VOL 20 NO 3 JM: Au début des années 1970, on se retrouvait au carrefour de nombreux changements, tant au point de vue culturel que social. C'était la crise des valeurs, de la religion et cela amenait chez les femmes une remise en question énorme. Pour les aider et s'entraider, il fallait que les associations prennent tout cela en main et alimentent la réflexion en plus d'informer les femmes. FA: C'est donc pour cela qu'un article paru dans un des premiers numéros m'a frappé par son caractère provocateur, si l'on veut. C'est un texte sur l'opinion d'adolescentes et d'adolescents à propos de la contraception, de l'avortement, des drogues. Cet article a fait des vagues, si j'en crois les lettres qui ont été publiées par la suite. JM: C'était voulu. Il n'y a pas de moyens plus efficaces pour faire en sorte que les femmes s'expriment que de publier ce genre d'article. En s'exprimant on crée le choc des idées. Celui-ci amène des différences d'opinions et souvent un changement d'attitude, une autre façon de voir les choses. FA: Parlait-on de condition féminine dans les premiers numéros de la revue? JM: On en parlait pas ouvertement mais c'était notre préoccupation que la femme prenne conscience des fonctions multiples de son rôle dans une société en mouvement. Il y avait des mots tabous comme les mots «politique», «avortement», «féminisme». Il fallait y aller à la petite cuillère. Nous vivions également des changements de valeurs qu'il fallait respecter. Comme je l'ai écrit à l'époque: ce n'était pas par l'âge mais par les attitudes qu'il fallait rajeunir la Fédération. On traitait avec une clientèle qui avait été moulée dans la tradition. Les jeunes qui arrivaient voyaient les choses autrement. Comment concilier les deux! Il fallait agir un peu comme un tampon pour accepter les jeunes et garder les plus âgées qui avaient fait un travail formidable. Je ne voulais éliminer ni les unes, ni les autres. Cela a pris beaucoup de diplomatie et de temps. FA: Malgré cela la revue a toujours véhiculé un contenu assez avant-gardiste pas ses choix de sujets. JM: II fallait qu'elle le soit...il fallait qu'elle sème. Si on ne sème pas de nouvelles idées on ne peut récolter le changement, on reste au même point. FA: Se pourrait-il que certains religieux vous aient appuyé favorablement dans cette démarche de «libération de la femme» tel qu'on le disait à l'époque? J'ai relevé des extraits où Mgr Landriault énonce «un manque de valeurs féminines au sein de la société et de l'église». Un autre où le pape Jean XX111 parle de «l'insertion de la femme dans tous les secteurs de vie: familial, social, économique et politique». JM: Pour saisir l'importance de la présence religieuse au sein de la Fédération donc dans la revue, il faut rappeler que les objectifs de Madame Marchand étaient de fonder une association qui serait le pendant de la Catholic's Women's Ligue, alors très forte au Canada. L'organisme devait militer dans les paroisses. Sans la bénédiction des aumôniers et des curés nous n'aurions pu fonctionner. Les femmes étaient très rattachées aux prêtres. Alors, je me suis dit: si on n'a pas des aumôniers très avantgardistes de notre côté, pour l'évolution des femmes, on ne pourra pas aller de l'avant. Nous les avons donc associés à notre démarche en les invitant à nos congrès, en leur offrant de l'espace dans la revue. Mgr. Landriault a été l'un de nos aumôniers les plus actifs en ce sens. Il en a été de même pour l'abbé Ducharme en Saskatchewan, s'il n'avait pas stimuler les femmes, elles n'auraient jamais fait ce qu'elles ont fait. Ces aumôniers étaient des «leaders» nés et qui encourageaient l'évolution de la Fédération. Quand un aumônier s'amenait et parlait les femmes avaient l'oreille attentive. FA: En 1978, peu avant votre départ, les thèmes abordés soulignaient des revendications et des préoccupations aussi présentes en 1991. Que pensez-vous du chemin accompli? JM: H y a dix ans, nos thèmes étaient la discrimination, la santé mentale, l'apport insuffisant de l'homme aux travaux domestiques, la situation économique des femmes, la politique, les garderies. Ces thèmes sont encore traités dans Femmes d'action mais de façon plus moderne, plus ouverte, plus positive et de manière plus radicale. On voit que les préoccupations ne sont pas entièrement résolues. FA: Comment se prenaient les décisions au niveau du contenu? JM: Nous discutions des sujets ensemble, autour de la table. Le travail était bénévole à tout point de vue. De la révision à la mise en page à la dactylo, de l'assemblage à l'expédition. Nous collions même les timbres. Nous étions fières de nos échéanciers. C'était un travail assidu et nous y passions de nombreuses heures...cette énergie dépensée pendant dix ans n'a jamais été comptabilisée. FA: Dans quelle mesure êtes-vous satisfaite de l'information dont les femmes disposent aujourd'hui? JM: Je suis épatée de voir la tournure qu'a pris la revue. J'ai eu peur qu'après mon départ, on la laisse tomber. Mais on a compris qu'elle était très utile...indispensable. C'est au-delà de toutes mes espérances de la voir telle qu'elle est aujourd'hui. Tant par les opinions qui sont émises que par la participation bénévole des femmes. Elles proviennent de toutes les provinces, de tous les milieux. Elle est fort agréable à lire. Certaines la trouvent très «sophistiquée»... mais il faut s'élever. Je n'ai que des félicitations à offrir à toutes celles qui s'en occupent! Je n'ai jamais rêvé de voir cette revue-là vivre vingt ans. I M CONNAISSEZ-VOUS JACQUELINE'MARTIN? « J aurais aimé faire de la politique si je n'avais pas été attachée à la Fédération des femmes canadiennes-françaises si longtemps». Fondatrice de la revue Femme d'action et présidente de la FFCF de 1971 à 1979, Jacqueline Martin en a abattu du boulot, cumulant ses tâches de mère de sept enfants (enceinte tors de son élection) et de bénévole à temps plein! Elle a certainement facilité le passage de cet organisme reconnu pour ses oeuvres paroissiales à une Fédération nationale représentative de la cause des femmes francophones. Une évolution nécessaire qui demandait beaucoup de doigté en cette période d'émancipation des femmes. dans les journaux, m'impressionnait beaucoup. Plus tard en 1950, alors mère de jeunes enfants et me sentant isolée, je me suis jointe à une section de ma paroisse, Cyrville dans la région d'Ottawa. J'ai renoué avec mon militantisme de jeunesse et cette fois, pour stimuler la femme francophone dans sa culture et son identité.» Secrétaire de section, présidente régionale, viceprésidente puis présidente nationale, elle a, en plus de la revue, contribué à la réalisation de plusieurs projets dont: l'expansion de la FFCF, les «Ralty-Ève» à l'occasion de l'Année internationale de la femme, le Centre Match international, le programme Nouveau Départ en Ontario dont elle est aujourd'hui coordonnatrice pour l'Union culturelle des Franco-Ontarîennes et bien d'autres. Comment s'est-elle intéressée à la FFCF? « Dès l'âge de 12 ou 13 ans, je suivais ses activités. J'étais attirée d'une façon particulière: la présidente-fondatrice Almanda Walker Marchand que l'on voyait Si Jacqueline Martin a plus de temps aujourd'hui pour sa musique, elle est organiste, elle ne demeure pas moins attachée à ta cause des femmes francophones qu'elle voudrait voir, plus que jamais, dans le feu de l'action. VOL 20 No 3 LETTRE M a chère Thérèse, Félicitations ma chère pour ton nouveau poste! Cheffe de l'information à Radio-Canada...Je savais bien que tu retournerais à tes anciennes amours un de ces jours! Tu es née journaliste chère Thérèse et ce qui est heureux, c'est que tu sois de retour dans le domaine des communications, plus particulièrement à la radio. Comme l'écrit si bien Jacques Godbout dans L'écran du bonheur (Boréal 1990) «Le son par lui-même est innocent. Il permet de rêver à mille images. En ce sens, la Radio est un outil poétique.» Avec ton expérience en gestion, ta connaissance du pays et de ses communautés, ton ambition surtout, je sens que tu vas y laisser ta marque à moins que tu tombes victime des compressions à la Mulroney... FEMMES DE VISION Une initiative inspirante . >: r emmes de vision, une inspiration pour la francophonie, peut-on lire sur cette superbe ^affiche publiée par l'Association des enseignantes et des enseignants franco-, ontariens. On y retrouve plus d'une soixantaine de femmes provenant de diverses époques et de multiples champs d'activités. Le comité du statut de la femme de l'AEFO voulait ainsi valoriser la contribution de femmes d'expression française ayant un lien avec la communauté franco-ontarienne et que «l'on reconnaisse rengagement de toutes les femmes francophones de chez-nous qui ont signé une page de notre histoire et de toutes celles qui :: ouvrent aujourd'hui de nouveaux chemins». L'affiche, avec son montage photographique et : ses textes de présentation, met en évidence des femmes de grande valeur pour la communauté franco-ontaroise. Un document à;afficher fièrement! Pour plus d'information on doit communiquer avec l'AEFO, 681 Chemin Belfast, Ottawa, Ontario. Tel: (613) 230-9583 " Changer de carrière à l'aube de tes 40 ans, faut le faire! D'un autre côté, je suppose que le temps est propice. Ta petite dernière qui a commencé l'école cette année, c'est un peu tourner une page du grand livre de ta vie. Et puis, tu étais due pour un défi d'un nouveau genre. J'espère seulement que tu ne trouveras pas trop difficile de retourner travailler à un poste permanent qui te garde à ton bureau 8 à 10 heures par jour après avoir travaillé à ton compte pendant trois ans. Mais si, je te connais, tu as déjà tout prévu: il y a eu réunion au sommet de la famille, chacun a pris ses responsabilités et comme par enchantement tout s'est mis à marcher sur des roulettes. J'admire cette complicité que tu as avec ton mari et tes enfants; vous êtes toujours sur la même longueur d'onde, toujours prêts à partira l'aventure au sein de la maisonnée ou ailleurs! Je t'envie un peu tu sais...cette énergie sans fin que tu as...un vrai volcan. Et pourtant, les éruptions sont plutôt rares! Maintenant que tu as terminé ton contrat au Théâtre, tu continues comme bénévole, je suppose? Et les cours que tu donnais à l'Université ? Je parie que tu vas tellement t'ennuyer de tes jeunes que tu vas y retourner à l'automne. Et ta thèse...ça me surprend et ça. m'inquiète que tu n 'aies pas encore terminé... faudrait pas que tu laisses tomber après tout le temps que tu y a mis depuis deux ans... Et pour dessert, une nouvelle chronique dans FEMMES D'ACTION; tu le prends où le temps pour lire ces livres? Thérèse, Thérèse, un Gémeau avec des cornes de Taureau. Tout feu tout flamme, tout le temps. Une chandelle qui brûle aux deux bouts! tu m'inquiètes et pourtant je te sais les deux pieds sur terre, une source rafraîchissante pour toutes celles et tous ceux autour de toi. Je voudrais donc ne pas être si loin... Je t'embrasse, Zénaïde VOL 20 No 3 La commission royale d'enquête sur la situation de la femme 20 ans plus tard UNE REVOLUTION INACHEVEE année 1990 a marqué le vingtième anniversaire du premier rapport entièrement consacré à la situation des femmes canadiennes et déposé à la Chambre des communes en décembre 1970. Le Rapport de la Commission royale d'enquête présidée par Madame Florence Bird ne contenait pas moins de 167 recommandations auprès de nos gouvernements. Ce début de 1991 offre donc aux femmes l'occasion de se rappeler les multiples enjeux du mouvement féministe en identifiant les succès et les échecs des vingt dernières années qui sont en quelque sorte les années de «Révolution tranquille» pour les femmes. Une révolution ni tranquille, ni révolutionnaire mais toujours inachevée. Revoyons d'abord le contexte historique et les objectifs de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme pour ensuite examiner et évaluer1 certaines de ces recommandations en fonction de quatre différents domaines soit la vie politique, le travail, l'éducation et la famille. Le contexte historique et les objectifs de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme L'existence du Rapport Bird s'inscrit d'une part dans une logique qui provient directement de la culture politique des années '70. Avec les élections qui portent Pierre Elliot Trudeau au pouvoir vient aussi l'espoir de créer une société plus égalitaire. Au cours des années '70, nous assistons donc au renforcement de l'Étatprovidence par lequel s'effectue de nombreuses réformes. Cette plus grande intervention de l'État vient modifier les conditions sociales, économiques et politiques du pays. Les conditions sont donc bonnes pour faire entendre la cause des femmes qui dans le feu de l'action s'incarne dans un courant féministe plutôt libéral. Dans ce contexte, la Commission adopte les principes généraux suivants: • «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits; • le plein emploi des ressources humaines est dans l'intérêt même de la nation; • les femmes doivent avoir d'égales possibilités de partager les responsabilités de chacun envers la société, aussi bien que les privilèges et les prérogatives que celle-ci leur reconnaît» Quatre autres principes viendront influencer les résultats de la Commission: • la femme doit avoir le droit de décider ellemême, en toute liberté, si elle va occuper un emploi en-dehors ou non; • le soin des enfants est une responsabilité que doivent se partager la mère, le père et la société; • la société a une responsabilité particulière envers la femme, à cause de la grossesse et des naissances, et il faudra toujours des mesures spéciales concernant la maternité; • dans certains domaines, les femmes ont besoin, pendant une période intérimaire, des mesures spéciales afin d'effacer et de combattre les effets néfastes de la discrimination.» L'affirmation selon laquelle les femmes sont laissées pour compte dans presque toutes les VOL 20 No 3 sphères d'activités de la société sous-tend les travaux de la Commission. Celle-ci doit présenter des recommandations quant aux mesures pouvant être apportées par le gouvernement fédéral afin d'assurer aux femmes des chances égales à celles des hommes dans toutes les sphères de la société canadienne. Le défi que se lance la Commission n'est pas seulement celui d'apporter des changements à la condition des femmes mais bien celui de transformer les valeurs qui animent les relations intimes et sociales. Bien que la Commission soit à l'origine de lois qui ont comme objectif l'élimination des mesures discriminatoires à l'égard des femmes, le problème réside encore amplement dans les attitudes. Examinons ensemble maintenant certaines recommandations de la Commission royale d'enquête afin de mieux apprécier l'impact que celle-ci a eu sur les pratiques gouvernementales et de mieux saisir le chemin qui reste à parcourir. La vie politique À ce sujet, la Commission recommande la nomination de ministres responsables du dossier de la condition féminine, la création de bureaux gouvernementaux et de conseils consultatifs sur la situation des femmes et d'adoption de lois sur les droits de la personne. En consultant les communiqués de presse du bureau de la condition féminine rappelant le vingtième anniversaire du rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme, nous pouvons retracer les efforts du L'équité en matière d'emploi gouvernement à donner suite à ces recommandations. «La Commission recommande que [...] la Commission de la fonction publique et les ministères fédéraux prennent des mesures spéciales pour augmenter le nombre de femmes nommées à des postes qui ne sont pas traditionnellement réservés aux femmes». En 1971, le poste de ministre responsable de la Condition féminine est créé. Son mandat est de «promouvoir l'égalité des chances pour les femmes et de donner suite aux recommandations de la Commission». Les efforts du Ministre seront également appuyés par la création d'un bureau de la coordonnatrice de la condition féminine. En 1976, le Ministre assume la responsabilité d'intégrer les préoccupations des femmes aux instances de planification et de prise de décision du gouvernement. Nous assistons donc à la mise sur pied d'un organisme fédéral, Condition féminine Canada. Celui-ci a le mandat «d'offrir des compétences et des conseils stratégiques au Ministre et aux ministères fédéraux sur les questions qui touchent les femmes». En 1976, le gouvernement adopte la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette loi interdit la discrimination fondée sur le sexe, établit le principe de salaire égal pour des fonctions équivalentes ainsi que le droit à l'égalité pour les femmes. Droit qui, grâce à l'acharnement des femmes, est aujourd'hui enchâssé dans la Constitution. En ce qui a trait à la présence de femmes politiques, il n'y avait qu'une seule femme à la Chambre des communes en 1970 contre 40 aujourd'hui. Les femmes ne sont représentées qu'à 13% au Sénat et ne comptent que pour 9% dans les fonctions de juges à compétences fédérales. Le financement des groupes de femmes La Commission recommande que les gouvernements aient davantage recours aux services des groupes de femmes bénévoles et augmentent l'appui financier accordé à ceux-ci. Cette recommandation fût partiellement suivie mais les acquis sont précaires. Depuis quelques années, les groupes de femmes tant gouvernementaux que communautaires sont en proie aux coupures budgétaires. Les groupes de femmes se retrouvent aussi manifestement exclus du processus décisionnel. Le travail Le domaine du travail soulève le problème important des inégalités en termes de pouvoir économique. En 1970, les femmes travaillant à temps plein ne gagnaient que 59% du revenu des hommes. En 1989, ce chiffre n'atteint que 65%. La féminisation de la pauvreté est une tendance réelle et ceci à l'échelle de la planète. Salaire égal pour un travail de valeur égale La Commission recommande que la loi sur l'égalité de salaire pour les femmes s'applique à toutes les employées du gouvernement. Cette recommandation a eu un meilleur succès en théorie qu'en pratique. En 1978, l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit un salaire égal pour un travail de valeur égale. En 1990, un rapport d'étude établit que la majorité des employées (secrétaires, préposées au traitement des données et commis) demeurent encore souspayées. Le travail à temps partiel «La Commission recommande que le gouvernement fédéral entreprenne une étude sur les possibilités d'avoir plus souvent recours à l'emploi à temps partiel dans l'économie canadienne». Cette recommandation a été partiellement suivie mais devrait être abandonnée. Le travail à temps partiel ne peut être considéré encore comme une bonne alternative. Il vient plutôt engendrer d'autres problèmes tels que la précarité d'emploi, la non-syndicalisation, l'absence d'avantages sociaux et les bas salaires. VOL 20 No 3 En 1986, le Parlement adopte la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Elle s'applique aux sociétés privées et aux Sociétés d'État comptant cent employés et plus et vise l'élimination de la discrimination systémique. Cette loi repose sur le postulat suivant: «que les désavantages qui marquent les groupes désignés [les femmes, les autochtones, les minorités visibles et les handicapés] ne sont pas la manifestation de préjugés individuels, mais plutôt des caractéristiques intégrantes du marché du travail». Cette loi n'a de valeur cependant que si les employeurs ont la bonne volonté de l'appliquer. Le revenu annuel garanti La Commission recommande l'adoption du revenu annuel garanti versé par le gouvernement fédéral à tout chef de famille qui est seul au foyer et qui a des enfants à sa charge. Cette recommandation n'a pas été suivie. L'éducation La Commission défend l'idée que l'égalité en matière d'éducation a des répercussions importantes sur l'égalité sociale et économique des femmes. Les stéréotypes La Commission recommande que les manuels scolaires montrent des femmes qui se livrent à des activités et à des occupations variées. Cette recommandation a été partiellement suivie. Selon un groupe de travail créé par la Fédération canadienne des sciences sociales en 1986, plusieurs maisons d'édition admettent leurs responsabilités en ce qui concerne l'élimination du sexisme mais personne ne s'entend sur une définition de ce qu'est le sexisme. Le Commission recommande aussi que les gouvernements encouragent les femmes à s'engager dans les professions où elles y sont encore minoritaires. Cette recommandation a été partiellement suivie. En 1986, une étude auprès de 70 élèves du primaire démontre que les enfants ne se sont pas libérés des images stéréotypées. Et que même les aspirations des jeunes filles ne prévoyaient pas l'obtention d'un travail rémunéré. Que dire du domaine des sciences et du génie! Il faut ajouter à cela les attitudes sexistes de certains enseignants et conseillers pédagogiques qui malheureusement influencent le choix de carrière des jeunes. L'éducation sexuelle dans les écoles La Commission recommande que les cours d'éducation sexuelle se donnent aux garçons et aux filles. Et que ces cours commencent à la maternelle pour se poursuivre au secondaire. Cette recommandation n'a pas été suivie. En 1984, les cours d'éducation sexuelle sont offerts dans la moitié des écoles seulement. Selon un sondage Gallup de la même année 50% des Canadiens et Canadiennes trouvaient que les cours d'éducation sexuelle offerts à cette époque étaient inadéquats. de conserver leur propre nom. Les lois sur le divorce favorisent un partage plus équitable des biens. Et en 1985, la Loi sur les Indiens est modifiée afin d'éliminer les mesures discriminatoires qui retiraient le statut d'Indienne à celles qui mariaient un non-indien. Les pensions alimentaires La Commission reconnaît que les tribunaux de la famille fixe les pensions alimentaires et en effectue le paiement. Cette recommandation a été partiellement suivie. «Une étude menée au Québec a fait ressortir que parmi les mères avec enfants à charge, seules, 58% ont réussi à obtenir une ordonnance au profit de leurs enfants [...] Le rapport souligne par ailleurs que près de la moitié des femmes qui ont reçu une pension alimentaire avaient des revenus totaux inférieurs à 10 000$. Dans 37% des cas, le père avait au moins une fois fait défaut à ses engagements et dans 23% des cas, les femmes ne recevaient absolument rien au titre de l'ordonnance rendue par la cour». La garde des enfants La Commission recommande que les tarifs des garderies soient fixés en fonction des revenus des parents et que les provinces paient au moins 80%. Ces recommandations ont été partiellement suivies. Les types d'aide financière accordée aux garderies varient d'une province à l'autre. Cependant les services de garde d'enfants sont en véritable crise. Le nombre de places subventionnées n'arrivent pas à combler la demande. Et certains parents attendent jusqu'à un an avant d'y avoir accès. L'avortement La famille Le Commission recommande la modification du code criminel afin de permettre l'avortement à la seule demande de la femme enceinte de 12 semaines ou moins. La Commission reconnaît que le concept de la famille doit être pluraliste et que les responsabilités à l'égard du bien-être des enfants doivent être partagées entre la mère, le père et la société. Nous pouvons nous réjouir de certains acquis pour les femmes en ce qui a trait au droit familial. Les femmes mariées ont le droit Cette recommandation n'a pas été suivie. La Loi sur l'avortement déposée en novembre 1989 rend criminel l'avortement provoqué à toute étape de la grossesse à moins que la santé mentale, physique ou psychologique de la femme soit en danger. VOL 20 No 3 En conclusion Nous avons passé en revue quelques recommandations sur le rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme. Celui-ci qui documente toutes ces questions est plus riche que ce que nous laissons entendre ici. Certaines recommandations visent l'amélioration des conditions de vie des femmes vivant en milieu rural et travaillant dans les industries agricoles, ainsi que les conditions de vie des immigrantes et des amérindiennes. Le choix des questions que nous avons traité s'avère ainsi limité. Mais d'autres problèmes sont passés sous silence dans notre exposé. Et ceci est dû au fait que ceux-ci ne figurent tout simplement pas parmi les préoccupations de la Commission. Ainsi, le problème de la violence des hommes contre les femmes, problème des plus critiques pour les femmes d'hier comme aujourd'hui fait mal par son absence. Bien que la Commission oeuvrait dans une atmosphère plutôt favorable à l'intervention de l'État, nous pouvons conclure tout de même que les initiatives politiques en vue d'améliorer les conditions de vie des femmes n'ont pas osé franchir la frontière de la sphère privée. in 1. À l'aide d'un document publié par Dawn Black, députée et critique néo-démocrate pour la condition féminine, 20 ans après: Une évaluation des suites données aux recommandations de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada (sept.1990), nous serons également en mesure d'évaluer la mise en oeuvre de ces recommandations. Lucie Morgado étudie à l'Université d'Ottawa. Elle complète sa maîtrise en sciences politiques ENTRE LIGNES UNE SOURCE A LA RIVIERE Pionnières québécoises et regroupements féminins d'hier à aujourd'hui de Simonne Monet Chartrand, aux éditions remue-ménage par Denise Veilleux A-^es lectrices qui attendaient la suite de Ma vie comme rivière devront prendre leur mal en patience, car Simonne Monet Chartrand a délaissé ses mémoires pour rédiger un recueil historique. Dans son ouvrage qui vient de paraître aux Éditions du remue-ménage, l'auteure nous livre le fruit d'un énorme travail de compilation retraçant la petite histoire des pionnières du mouvement des femmes et des associations mises sur pied pour mener la lutte sociale et politique, depuis le début de la colonie jusqu'au milieu des années '70. Comme on le voit, le projet ne manque pas d'ambition! D'entrée de jeu, Monet Chartrand prévient le public que son recueil renferme seulement «le nom de certaines pionnières et de certains regroupements qui ont fait l'objet d'articles de journaux, de revues, de livres historiques et de biographies». Outre ces sources, l'auteure a consulté des documents d'archives, notamment ceux de communautés religieuses. Au lieu d'adopter une approche historique traditionnelle qui découpe le temps en périodes arbitraires, Monet Chartrand a subdivisé son ouvrage en grands thèmes qui reflètent mieux la réalité des femmes. Ainsi passons-nous de la vie des premières habitantes aux premières communautés religieuses, puis à la génération des dames patronnesses, au droit de vote et d'éligibilité, et au Cercle des fermières; les autres chapitres portent sur le travail, les journalistes, artistes et écrivaines, les années '60, les 25 années qui ont suivi l'obtention du droit de vote pour se terminer par la radicalisation du féminisme dans les années '70. Un second tome couvrira la période de 1975 à nos jours. L'auteure signe quelques courtes introductions qui figurent au début de la plupart des chapitres et parfois un bref résumé biographique. Dommage que l'on ait laissé aux lectrices le soin de déduire que les textes de Monet Chartrand sont présentés en italiques. L'ouvrage est toutefois facile à consulter, car un titre général ou le nom d'une femme ou d'un organisme coiffe chaque section. L'index permet de repérer rapidement ce qui vous intéresse. Les extraits sont suivis de la source entre parenthèses mais, malheureusement, comme cette indication ne comporte pas l'année de publication, il faut se reporter à la bibliographie pour situer l'écrit en question. À titre d'exemple, il serait utile de savoir que les remarques sur les féministes anglophones du début du siècle ont été écrites non à cette époque mais en 1979. Quel plaisir pourtant de feuilleter ce livre où surgissent au fil des pages les noms de femmes dont la contribution demeure inconnue ou méconnue. Monet Chartrand les fait sortir de l'ombre et donne le goût d'en savoir davantage à leur sujet. Outre les figures illustres comme les Marguerite Bourgeois, Justine Lacoste Beaubien et Thérèse Casgrain, nous découvrons entre autres Agathe Lacourcière Lacerte, première professeure à l'Université Laval dans les années '30, et Irma Levasseur, première femme médecin du Québec. Parce que Simonne Monet Chartrand réunit la religieuse, la dame patronnesse, la suffragette, la syndicaliste, la journaliste, l'artiste eMa féministe radicale, elle nous fait prendre conscience que la reconnaissance de nos droits est tributaire des efforts cumulés de femmes de tous les milieux sociaux et de tous les horizons politiques. S'il convient de saluer l'heureuse initiative de Simonne Monet Chartrand qui a fait revivre dans ces quelques cinq cent pages des figures importantes de l'histoire des femmes, il faut néanmoins signaler quelques lacunes. La première est le manque d'uniformité dans la présentation des renseignements. Ainsi, seules certaines rubriques biographiques comportent les années de naissance et de mort. VOL 20 No 3 La deuxième est le choix des extraits qui semble parfois discutable. À titre d'exemple, son traitement des femmes autochtones laisse perplexe. Après un rappel des événements d'Oka, elle se contente de citer deux pages tirées du manuel d'histoire du secondaire IV pour montrer l'apport des Amérindiennes à la société du début de la colonie. Notons toutefois à sa décharge qu'elle consacre sept pages aux droits des femmes autochtones dans le chapitre sur les 25 années qui ont suivi l'obtention du droit de vote. Peut-être les sources sont-elles plus nombreuses pour cette période récente. La publication des textes de Johanne Doré et de Denise Guénette dans le chapitre sur le droit de vote semble également contestable. En effet, pourquoi citer deux textes certes hilarants mais qui nous apprennent somme toute peu de choses sur la lutte pour ce droit? Comme l'auteure ne prétend pas traiter de toutes les femmes ni de toutes les questions, on pourrait difficilement lui reprocher son manque d'exhaustivité. Pourtant, il lui manque des sources importantes, notamment, l'ouvrage de Denise Lemieux et Lucie Mercier, Les femmes au tournant du siècle. Cet oubli prive malheureusement les lectrices de renseignements utiles. Toutefois, ces critiques n'enlèvent pas à l'auteure son mérite principal: celui d'avoir oser produire un premier recueil des femmes et groupes importants du mouvement féministe. Malgré ces lacunes, l'ouvrage servira certainement de point de départ pour des recherches historiques plus poussées. D'ici là, Simonne Monet Chartrand aura su mettre à la portée de toutes, un outil unique en son genre. Ml Denise Veilleux est une militante féministe de longue date. Elle collabore occasionnellement à diverses publications, à titre de journaliste et de traductrice. Elle coanime à une émission radiophonique, Ellipse, à l'Université d'Ottawa. CES FEMMES ONT ECRIT POUR NOUS préparé par lucfeMorgado L a bibliographie d'ouvrages féministes que nous vous proposons n'est évidemment pas exhaustive. Seulement trente publications sur des centaines. Nous tenions cependant à vous présenter un éventail assez représentatif des diverses préoccupations des femmes de notre histoire récente. Un hommage à toutes celles qui ont pu nous inspirer et faire avancer la pensée féministe, (par ordre alphabétique d'auteures) Le Silence des médias Le Silence des médias nous montre ce qu'est l'information aujourd'hui. Si un groupe d'hommes puissants gère à sa façon l'information et si la majorité de ceux qui la fabrique sont aussi des hommes, quelle place reste-t-il pour les femmes? Comment parle-t-on d'elles et comment leur parole peut-elle se faire entendre? Colette Beauchamp tente de répondre à toutes ces questions en nous brossant un tableau de ce qu'est le monde de l'information. BEAUCHAMP, Colette. Le silence des médias, Montréal, Remue-ménage, 1988 (1987). Du Côté des petites filles Elana G. Belotti analyse les modalités des conditionnements sociaux sur la formation du rôle féminin dans la petite enfance. L'auteure défend une éducation dite égalitaire où le développement des qualités «humaines» indifférenciées du sexe est privilégiée. BELOTTI, Elana, G.. Du côté des petites filles, Paris, Éditions des femmes, 1974 (1973). L'Eugélionne Dans une immense fresque allégorique, l'auteure fait table rase des idéologies féministes en cours et fait ressortir la confusion qui règne dans la psychologie de la femme. L'audace et l'humour sont incontestablement les caratéristiques dominantes de cet ouvrage et s'allient à une lucitidé efficace pour démasquer les multiples tabous qui hantent encore l'existence de l'espèce féminine. L'INTERVENTION FÉMINISTE BERSIANIK, Louky. L'Eugélionne, Montréal, Éditions La Presse, 1976. Viol et Pouvoir Les auteures tentent de développer une approche théorique du viol basée sur des données empiriques rigoureuses et irréfutables. Théoriciennes et féministes, les auteures veulent développer une théorie qui tienne compte du rôle joué par les femmes dans l'Histoire et de l'évolution historique du concept du délit de viol. CLARK, Lorenne et Debra LEWIS. Viol et pouvoir, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1983. Femmes et contre pouvoirs Quels enseignements peut-on tirer des diverses stratégies développées par les femmes pour affirmer leur place dans la société et plus particulièrment dans la vie politique? Y a-t-il des conclusions à tirer de l'Algérie du Front de libération nationale, de l'Espagne de l'AprèsFranco, de l'Argentine des Militaires ou de la Pologne de Solidarité? À d'autres niveaux, quelles significations faut-il donner aux actions menées au travers des associations bénévoles [...] ou encore par le biais de l'écriture? C'est entre autres à ces questions que tentent de répondre les études inédites de ce livre. Permettant de comparer des expériences historiques et sociales très diversifiées, des VOL 20 No 3 Notre corps, spécialistes et des militantes de plusieurs pays proposent ici une vision renouvelée de l'émancipation des femmes. COHEN, Yolande (sous ladir. de). Femmes et contre pouvoirs, Montréal, Boréal, 1987. Femmes et Politique Ancré dans la réalité que nous vivons, ce livre présente les réflexions de dix femmes témoins - politologues, sociologues, anthropologues, psychologues, historiennes — sur la politisation des femmes. Un document (...) qui passionnera tous ceux et toutes celles qui s'intéressent à l'avenir politique du Québec. COHEN, Yolande (sous la dir. de). Femmes et politique, Québec, Le jour, 1981. L'Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles Voici un autre livre d'histoire mais une histoire «dite autrement». Quatre historiennes ont relevé ce défi. S'appuyant sur une recherche fouillée et abondamment documentée, elles rapportent les actions, les gestes de toutes ces femmes, le plus souvent anonymes, qui n'avaient pas de signification historique aux yeux des historiens. On retrouve leurs traces, entre autres, à travers les changements qui ont affecté l'organisation du travail, à travers les modifications dans la taille et la fonction des familles en suivant le cours de l'évolution de leur rôle au sein de la société des hommes pendant ces quatre siècles d'histoire. Collectif Clio. L'Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, sous la dir. de nicole BROSSARD et Andrée YANACOPOULO. Montréal, Les quinze, 1982. Le Féminisme ou la mort Le féminisme c'est l'humanité toute entière en crise, et c'est la mue de l'espèce; c'est véritablement le monde qui va changer de base. Et beaucoup plus encore: il ne reste plus de choix; si le monde refuse cette mutation qui dépassera toute révolution comme la révolution a dépassé l'esprit de réforme, il est condamné à mort. D'EAUBONNE, Françoise. Le Féminisme ou la mon, Paris, Pierre Horay Éditeur, 1974. Collection Femmes en mouvement. Le Deuxième Sexe L'ouvrage de Simone de Beauvoir a contribué à créer les conditions idéologiques qui ont permis la théorisation de la condition des femmes. (Voir encadré) DE BEAUVOIR, Simone. Le deuxième sexe, tomes I et II, Paris, Gallimard, 1976 (*1949), réédition 1990. Pour un Féminisme libertaire Micheline de Sève propose dans ce livre une approche nouvelle fondée sur une conception radicale de la liberté, qui débouche sur des modèles sociaux alternatifs où différence et égalité cessent de s'opposer et où les rapports hiérarchiques cèdent la place à une multiplicité d'échanges libres et créateurs. DE SÈVE, Micheline. Pour un féminisme libertaire, Montréal, Boréal Express, 1985. Droits des Femmes, Pouvoir des Hommes Le vécu de notre oppression nous est familier, mais son institutionnalisation par le discours juridique, par la loi, par les pratiques administratives et judiciaires, par la politique réformiste du pouvoir, demeure largement inexplorée. La Femme mystifiée Ce livre est devenu une sorte de catalyseur pour le mouvement féministe américain. Il a modifié la culture et la conscience des femmes et demeure un ouvrage en mesure d'influencer les choix que doivent affronter les femmes en 1990. FRIEDAN, Betty. La femme mystifiée, traduit de l'américain par Yvette Roudy, Paris, Éditions Gonthier, 1964(1963), Un Vol organisé: la discrimination des femmes Parce que des lois, des règlements, des conventions collectives et des organismes ont, depuis quelques années, fait disparaître certains signes extérieurs de la discrimination des femmes, on s'imagine parfois que tout est réglé... Or il n'en est rien. Il existe encore de multiples formes de discrimination, plus subtiles et plus insidieuses, qui démontrent clairement que le chemin à parcourir est long. Ce livre présente, morceau par morceau, l'ensemble des éléments essentiels à la compréhension de la réalité des ghettos d'emploi féminins au sein des secteurs public et parapublic québécois. GAGNON, Nathaly. Un vol organisé: la discrimination des femmes, Hull, Éditions Asticou, 1989. Une Si Grande Différence Instrument d'analyse et arme de combat, ce livre, né du choc de la lutte des femmes et du droit, apporte à l'une et à l'autre un éclairage nouveau. DHAVERNAS, Odile. Droits des femmes, pouvoir des hommes, Paris, Seuil, 1978. Un ouvrage de très grande importance dans le domaine de la psychologie. Carol Gilligan nous démontre que l'expérience et le point de vue des femmes posent un défi aux théories traditionnelles du développement humain qui opposent le caractère déviant de l'expérience des femmes au caractère normatif de l'expérience des hommes. La Fascination du pouvoir En faisant appel à de nombreuses disciplines - anthropologie, histoire, théorie politique, théologie, médecine, loi et éducation - Marilyn French démontre que le système du pouvoir n'est ni naturel, ni inévitable. FRENCH, Marilyn. La fascination du pouvoir, traduit de l'américain par Hélène Ouvrard, Paris, Acropole, 1986(). VOL 20 No 3 GILLIGAN, Carol. Une si grande différence, traduit de l'américan par Anne Kwialek, Paris, Flammarion, 1986 (). Nous, notre Santé, nos Pouvoirs Ce recueil de textes s'inscrit [...] directement dans la lignée des nombreux ouvrages féministes québécois, américains, français et autres, concernant les différentes facettes de la réappropriation de nos corps et de nos vies. G.R.A.F.S. Nous, notre santé, nos pouvoirs, Montréal, Éditions coopératives Albert Saint-Martin, 1983. La Femme eunuque II est impossible de plaider avec succès la cause de l'émancipation féminine tant qu'on aura pas déterminé avec certitude le degré d'infériorité ou de dépendance naturelle de la femme. Ce livre fait l'étude du corps, de l'âme, de l'amour et de la haine, et plaide la révolution qu'autant que l'on rectifie des perspectives faussées par nos préjugés sur la féminité, la sexualité, l'amour et la société. Ce livre n'est qu'une contribution parmi d'autres aux questions que la femme perplexe se pose devant le monde. Il n'y répond pas, mais les formule peut-être plus clairement qu'elles ne l'ont été jusqu'ici. GREER, Germaine. La femme eunuque, traduit de l'anglais par Laure Casseau, Paris, Éditions Robert Laffont, 1973 (1970). Sexe et Destinée Germaine Gréer accuse aujourd'hui l'occident d'être allé trop loin dans sa révolution sexuelle. Elle prêche désormais le retour à certaines valeurs ou techniques traditionnelles. Surtout, elle juge que l'absence de toute morale sexuelle a fait de la femme moderne un être vidé de lui-même. LE DEUXIEME SEXE REFAIT SURFACE Le livre qui a déclenché une «épidémie de liberté». par Thérèse Boutin /L relire absolument ce livre de Simone de Beauvoir! Et pour celles qui n'ont jamais osé, c'est le temps ou jamais de lire ce traité sur le féminisme publié la première fois en 1949. Je recommande Le Deuxième Sexe 40 ans après sa publication d'abord pour la préface de Benoîte Groult: cette écrivaine et commentatrice sociale peu égalée en son pays est également ma romancière européenne préférée. J'ai pensé qu'elle ferait non seulement l'éloge de cette oeuvre, mais qu'elle y mettrait une lumière et une interprétation qui ne pourraient qu'éclairer la démarche féministe depuis 1949. Je ne me suis pas trompée, et le livre vaut le coût pour sa seule préface. Peu de livres, écrit-elle, ont suscité à travers le monde une pareille prise de conscience collective et incarné les aspirations avouées, réprimées ou inconscientes d'une si large partie de l'humanité. Même quand elles n'ont pas été lues, les oeuvres de Simone de Beauvoir ont pénétré les mentalités et impulsent encore une bonne part de ce que disent, font ou écrivent les femmes d'aujourd'hui. du quotidien (au Canada du moins) on relit Simone de Beauvoir et on se rend compte à quel point il est vrai qu'»on ne naît pas femmes, on le devient». Il faut bien comprendre que Le Deuxième Sexe est un traité de philosophie, un essai sur l'existentialisme du point de vue d'une femme brillante qui s'est foutue toute sa vie de ce que pensaient ses congénères (a l'exception de ses proches amis et de son compagnon de vie pendant plus de 50 ans, Jean-Paul Sartre). Il faut aussi être consciente du contexte. La France se relevait de la guerre et de !a résistance. Les femmes étaient pauvres, exploitées et abusées, et le taux d'avortement était au plus haut de toute l'histoire de la France (taux qui a été réduit de moitié après la légalisation de l'avortement sous les offices de Simone Veil). Ce qui reste désarmant et alarmant à la lecture ou relecture de ce traité, c'est qu'en 1990 les choses n'ont pas beaucoup changé. Certes il y a eu des changements importants sur la forme (du moins au Canada) - mais sur le fond, on reste perplexe une fois le livre refermé. 11 n'est pas douteux que le recul du féminisme dans les années 80 et un rejet de ce militantisme honni - auquel les femmes doivent pourtant des droits dont elles n'imaginent plus d'être privés - ont desservi la mémoire de Simone de Beauvoir. Elle n'est pas encore à sa vraie place dans l'histoire des idées. Une nécessité absolue dans toute bibliothèque personnelle. Ce Sexe qui n'en est pas un Elle [S. de B,] a en tout cas contribué plus que tout autre à l'émergence d'une conscience féminine capable de surmonter la fatalité de sa condition, ce qui est le sens même de l'existentialisme. Luce Irigaray examine la sexualité féminine qui, dans nos sociétés patriarcales, est soumise au désir masculin. Ce Sexe qui n'en est pas un «Le jour où il sera possible à la femme d'aimer, d'aimer dans sa force et non dans sa faiblesse, non pour se fuir mais pour se trouver, non pour se démettre mais pour s'affirmer, alors l'amour deviendra pour elle comme pour l'homme source de vie et non mortel danger. » Puis, justement en cette fin de siècle, alors que les préoccupations des femmes font partie Avec Sexe et destinée, Germaine Gréer jette les bases d'un nouveau féminisme où le maître mot n'est plus libération, mais épanouissement. GREER, Germaine. Sexe et destinée, traduit de l'anglais par Anne D'amour, Paris, Grasset, 1986(1984). VOL 20 No 3 Simone de Beauvoir. Le Deuxième Sexe, Paris, Édition France Loisir 1990. Préface de Benoîte Groult. 1100 pages, 40$. «Il Simone de Beauvoir exprime l'urgence de rendre aux femmes leur propre érotisme. IR1GARAY, Luce. Ce sexe qui n'en est pas un, Paris, Éditions de Minuit, 1977. Citoyennes? Femmes, droit de vote et démocratie Citoyennes?relate les diverses péripéties de la lutte pour l'obtention du droit de vote par les femmes du Québec comme au Canada. L'auteure analyse les arguments des opposants au vote des femmes ainsi que ceux des suffragettes. Outre le portrait qu'elle brosse d'Idola Saint-Jean, Diane Lamoureux étudie la notion de la citoyenneté et nous présente une réflexion théorique sur la contribution du féminisme contemporain au débat sur la démocratisation politique et sociale. LAMOUREUX, Diane. Citoyennes? Femmes, droit de vote et démocratie, Montréal, Remue-ménage, 1989. La Politique du mâle Ce qu'on oublie dans la société actuelle, c'est que l'homme impose ses lois à la femme en vertu d'une sorte de «colonialisme intérieur» considéré comme naturel. L'analyse de Kate Millet, basée sur un examen de la prétendue révolution sexuelle, du freudisme, d'une certaine littérature [...] est impitoyablement lucide, fascinante et difficile à réfuter. MILLET, Kate. La politique du mâle, traduit de l'américain par Elisabeth Gille, Paris, Stock, 1971 (1969). La Dialectique de la reproduction La Dialectique de la reproduction est une critique sur la philosophie politique traditionnelle. L'ouvrage porte principalement sur la nature et la différence de l'expérience masculine et féminine de la reproduction biologique, ainsi que sur l'impact de l'expérience masculine de la reproduction sur la théorie et la pratique politique. O'BRIEN, Mary. La dialectique de la reproduction, traduit de l'anglais par Claudine Vivier, Montréal, Remue-ménage, 1987(1981). Tant qu'il y aura des femmes Elula Perrin nous raconte ici la vie de neuf lesbiennes, leurs espoirs, leurs joies, leurs difficultés d'être et leur sexualité. Une histoire crue, poignante, authentique. PERRIN, Elula. Tant qu'il y aura des femmes, Paris, Éditions Ramsay, 1978. Le Corps paradoxal: regards de femmes sur la maternité Malgré le nombre imposlant d'ouvrages sur la maternité, on sait peu de choses sur ce que les femmes elles-mêmes pensent de cette expérience et sur la façon dont elles la vivent, dans leur corps. Les femmes font l'objet de nombreux écrits, certes, mais n'en sont jamais les sujets. L'originalité du livre de Ûuéniart, c'est de leur laisser la parole et de nous amener à voir et comprendre la maternité de leur point de vue. QUENIARD, Anne. Le corps paradoxal: regards de femmes sur la maternité, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1988. Naître d'une femme Dans Naître d'une femme Adrienne Rich explore les différentes facettes de la maternité. La maternité est présentée, d'un côté, comme expérience mettant en valeur le pouvoir des femmes, pouvoir créateur de vie, et de l'autre, comme institution maintenant les femmes sous le contrôle des hommes. RICH, Adrienne. Naître d'une femme: la maternité en tant qu'expérience et institution, traduit de l'américain par Jeanne Faure-Cousin, Paris, Denoel-Gonthier, 1980 (). Quand Dieu était femme: à la découverte de la Grande Déesse, source du pouvoir des femmes Merlin Stone présente sous un jour nouveau un chapitre de l'histoire que trente siècles de pouvoir de la religion des hommes avaient réussi à reléguer dans l'obscurité. Elle apporte des données essentielles aux luttes que les femmes mènent encore aujourd'hui pour leurs droits et, chemin faisant, elle ouvre aux hommes qui sont intéressés à en faire la démarche une vision plus VOL 20 No 3 large de l'évolution historique de leurs propres stéréotypes sexuels. STONE, Merlin. Quand Dieu était femme: à la découverte de la Grande Déesse, source du pouvoir des femmes, traduit de l'américain par Catherine Germain et al., Montréal, L'Étincelle, 1979(1976). La Parole aux négresses Longtemps les négresses se sont tues. Il est temps qu'elles redécouvrent leur voix, qu'elles prennent ou reprennent la parole, ne serait-ce que pour dire qu'elles existent, qu'elles sont des êtres humains et qu'en tant que tels, elles ont un droit à la liberté, au respect, à la dignité. THIAM, Awa. La parole aux négresses, Paris, Denoel-Gonthier, 1978. Sexe, Pouvoir et Plaisir II s'agit d'un travail ambitieux car il analyse les problèmes posés par les options sexuelles ouvertes aux femmes — hétérosexualité, lesbianisme et bisexualité — par l'importance de la pornographie et par les représentations du désir féminin qui nous sont imposées et que nous tentons de modifier. En conclusion, il aborde aussi la problématique d'une éthique sexuelle qui puisse être assez souple pour convenir, sinon à toutes les femmes, du moins à un grand nombre d'entre nous. VELVERDE, Mariane. Sexe, pouvoir et plaisir, traduit de l'anglais par Lyna Lepage, Montréal, Remue-ménage, 1989 (1985). Du Travail et de l'Amour: les dessous de la production domestique Un ouvrage clé qui va au coeur de la vie quotidienne. À partir d'une très vaste revue de littérature, cette recherche a permis de dégager et de systématiser toutes les informations, données, enquêtes, bribes d'histoire, analyses, etc. pour enfin cerner les différents aspects du monde domestique. VANDELAC, Louise (sous la dir. de). Du travail et de l'amour: les dessous de la production domestique, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1985. Ml Vers l ' a n 2000* - B R A V O , LES ous voilà rentrées dans la dernière décennie avant l'an 2000, et en ces débuts d'année, nous sommes toujours pleines de bonnes résolutions. On veut se remettre en santé après les Fêtes et arrêter de gaspiller. Pourtant, il me semble que cette fois-ci, les cartes sont brouillées. Personne ne veut de troisième guerre mondiale, et malgré tout, le conflit du Moyen-Orient est devenu un combat de petits coqs qui ne veulent pas perdre la face. Tout le monde s'insurge contre laT.P.S., mais bon an, mal an, nous allons finir par acheter des paquets de six yogourts plutôt qu'à l'unité pour ne pas la payer. Quelle impuissance est la nôtre devant ce monde qui ne tourne plus très rond et dont nous sentons qu'il nous échappe de plus en plus! Paradoxalement, nous sommes arrivé-e-s à un point tel, où, tout en faisant partie intégrante de ce monde, nous nous en distançons de plus en plus jusqu'à nous en être marginalisé-e-s. Plus rien ne semble nous affecter et pourtant il nous faut arriver à prendre conscience simultanément de notre relation fondamentale avec le cosmos et de notre étrangeté. Tout le monde communique, mais personne ne se communique. Hommes/femmes, Nord/ Sud, Est/Ouest, êtres humains/Nature, êtres humains/Culture, l'ensemble de ces couples forment un monde fragmenté, isolé, cloisonné, sans parole, et surtout sans partage, ni dialogue. Nous n'arrêtons pas de communiquer, mais nous ne nous comprenons plus, car la communication devient vide de sens, à force de vouloir unifier un monde qui ne sait plus où il va, ni ce qu'il veut. Au début des années 70, les femmes ont commencé à se révolter, à revendiquer un certain nombre de droits socio-politiques, ça; elles n'acceptaient plus les limites traditionnellement imposées par les hommes. Mais ces batailles sur l'équité au travail, par exemple, le droit de disposer librement de son corps ou la recherche d'une identité autre que celle des 3 F (femme-épouse; femme-mère; femmetravailleuse) ne datent pas d'hier, d'autres femmes les avaient commencées et d'autres les continueront. En effet, il ne semble que rien n'est jamais totalement acquis pour les femmes. «Mais, qu'est-ce qu'elles veulent encore?», FEMMES! par Myriame E! Yamani Nicole Valléee LA DECENNIE A VENIR: SOLITUDE OU PARTAGE? nous demandaient certains hommes, lorsqu'à l'été 1989, il nous a fallu, une nouvelle fois, sortir dans les rues pour exiger un avortement libre et gratuit pour toutes... Vingt ans plus tard, il me semble que c'est à notre tour de leur demander ce qu'ils veulent. Nos aînées nous ont appris à devenir autonomes économiquement et socialement, à prendre la parole, à comprendre les situations d'oppression, à combattre toutes les formes de violence intentées contre les femmes, et finalement à tenter d'être reconnues comme des personnes à part entière. Pourtant, il me semble que les liens qui unissent actuellement les hommes et les femmes sont imprégnés du même sentiment d'étrangeté que celui qui règne dans notre relation au monde. Terre malade, coeur malade! Nous nous sentons de plus en plus seul-e-s face à notre incapacité de dire notre amour des choses simples de la vie, à partager nos désirs et aussi nos peurs de vivre pleinement, en harmonie avec l'Autre. Car, ce que nos aînées ne nous ont pas appris, c'est d'avoir la force de gérer nos solitudes. Non pas celle qui nous saisit le matin devant notre bol de café ou la veille de Noël, mais celle qui, VOL 20 No 3 subrepticement, vient ponctuer notre quête de bonheur ici-bas. Reconnaître nos relations d'interdépendance, c'est sans doute commencer par admettre notre dépendance écologique et sociale avec le monde, la terre, la nature, mais c'est aussi pour les femmes affirmer notre dépendance amoureuse avec les hommes, sans pour autant dénier les fruits de notre indépendance. Fragile équilibre, question difficile, mais n'est-ce pas notre défi pour la prochaine décennie? Donner, mais aussi apprendre à recevoir, en exigeant notre part de responsabilité et d'engagement réciproque, c'est sans doute par là que passe le partage que nous devons maintenant mettre en pratique dans nos vies individuelles. Notre conscience de faire partie de ce monde et d'essayer de l'améliorer nous encourage à vaincre ce sentiment d'isolement et d'impuissance qui parfois nous envahit, malgré nous. in Myriam El Yamani est journaliste pigiste. Elle a collaboré également à Vent d'Est et divers autres publications BESOIN D'ESPOIR:" par Anna Beaudette C omment faire confiance à l'avenir? se demande Anita Beaudette, une jeune femme du Manitoba, à qui nous avions demandé d'imaginer l'avenir pour conclure notre dossier. Sa vision est plutôt négative avoue-t-elle sinon réaliste. À ses yeux, la pollution et les menaces de guerre présentent un horizon bien sombre. Le rêve d'un monde meilleur est-il possible? ous, les humains, dans notre grande sagesse, avons décidé que la nature ne faisait pas assez bien les choses pour nous. Nous avons alors détruit des forêts, des plaines pour construire des villes où l'air est vicié. Là se retrouve aussi des routes pour que nos voitures puissent nous transporter d'un endroit à l'autre laissant derrière eux des nuages de polluants. Nous avons créé un monde qui offre de plus en plus de confort à ceux qui possèdent l'argent et où se pratiquent trop facilement le crime et l'injustice. De l'autre côté, beaucoup de gens vivent dans la famine et la pauvreté. Après avoir transformé la terre en un énorme dépotoir, nous regardons le dommage et nous essayons d'en empêcher la reproduction. On se dit que si on pouvait apprendre à travailler en harmonie avec la nature, au lieu de travailler contre elle, la terre ne serait pas en si mauvais état. Eh bien, ce n'est pas très logique tout ça! Combien d'espèces d'animaux et de plantes avons-nous déjà perdues? Combien de lacs sont déjà si pollués que toute vie y est disparue? Plusieurs pays et leurs gouvernements ont reconnu les problèmes environnementaux, mais pourquoi continue-t-on à couper les arbres, à verser nos déchets dans les cours d'eau et, plus près de nous, à se servir de tasse en polystyrène? On nous dit que les processus décisionnels gouvernementaux empêchent la mise en vigueur immédiate des lois. Ça prend du temps, dit-on, mais ce temps perdu dans les formalités et la «paperasse» n'améliore pas la qualité de notre environnement terrestre. Ce qui est positif dans tout cela, c'est que nous avons appris notre leçon: nous voulons de plus en plus nettoyer nos dégâts en nous s'assurant que cela ne se reproduise plus. Bravo! très fort qui déchire, qui donne envie de crier son désespoir ou mieux encore, de disparaître simplement. Après avoir connu ces émotions, il me semble inconcevable de justifier une guerre. Que ce soit pour défendre sa religion, sa terre, son pétrole ou quoique ce soit. Le tout ne devrait pas être échangé contre des milliers de vies. Il est difficile d'être optimiste après avoir vu les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale. Le pire réside dans le fait que nous continuons de nous battre comme si la violence et la mort seraient la réponse à nos problèmes. Aujourd'hui, j'écoute les nouvelles et je lis les journaux pour y découvrir que des milliers de gens meurent de faim, que la récession au pays est de plus en plus sévère et que la guerre sévit dans le golfe Persique. C'est très encourageant tout ça! Comme jeune Franco-Manitobaine, je regarde l'avenir un peu avec pessimisme. À l'heure actuelle, les choses vont bien. Je prends mes cours universitaires en français avec des jeunes, comme moi, prenant leur langue et leur culture à coeur. Par contre, si je regarde les statistiques, la communauté franco-manitobaine s'assimile à une vitesse alarmante. Dans cinq, dix ou vingt ans, la «langue belle et fière» de Daniel Lavoie deviendra peutêtre la langue de nos ancêtres. Comme étudiante, je partage les mêmes frustrations et les mêmes peurs que la plupart de mes consoeurs et confrères des universités canadiennes. Les frais d'inscription augmentent chaque année et le gouvernement menace maintenant de taxer les livres. J'ai eu un professeur à l'école secondaire qui encourageait ses élèves à changer de lunettes pour voir les choses d'un autre point de vue. Si je mettais mes lunettes jaunes, signifiant la joie et l'optimisme, je verrais les choses d'une façon plus positive. C'est vrai, il y a de belles choses sur cette terre: la beauté d'un lever ou d'un coucher du soleil, la musique, la naissance d'un enfant, l'amour, le partage, pour n'en nommer que quelques-unes. Il est aussi vrai que la majorité des gens ici-bas feraient beaucoup pour aider leur prochain. Ce serait tellement plus agréable de vivre dans une société où l'argent et les biens matériels ne seraient pas si importants. On accepterait tout le monde; quels que soient leur fortune, leur pouvoir politique, leur nationalité, leur race et leur religion. Ah, que c'est beau de rêver! J'espère sincèrement que ma génération saura apprendre des fautes 'qu'ont fait les générations du passé et que, peut-être de cette façon, les jeunes de demain feront face à un avenir plus resplendissant. Une autre réalité de la vie humaine m'afflige: la guerre. En février 1990, j'ai passé quelques jours à Hiroshima, au Japon, où j'ai visité le Musée de la Paix. Dans ce musée, j'ai vu l'horreur du génocide de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. C'est la première fois que j'ai ressenti toute la honte d'appartenir au genre humain. C'est un sentiment MI Anita Beaudette est étudiante en première année au baccalauréat es sciences au Collège universitaire de St-Boniface. Anita est originaire du village de St-Jean-Baptiste au Manitoba. Promue en juin 1990 de l'école secondaire de ce village, elle habite maintenant à Winnipeg. VOL 20 No 3 VINGT ANS DÉJÀ ••• VINGT ANS ENCORE! OÏEZ CAÏD DAT la BOURSE D'ÉTUDES Almanda Walker Marchand Qui sera l ' h e u r e u s e l a u r é a t e pour l'année 1991-1992? La FNFCF reçoit les L'an dernier, Pierrette demandes de bourse d'études Vallières de Hearst en Ontario s'est méritée une Almanda. Walker bourse de 1000$ Marchand, les candidates peuvent s'adresser au Service d'aide financière de leur collège ou Si vous êtes: • citoyenne canadienne •d'expression française • du Canada français université ou au Secrétariat national de la FNFCF, 325 rue Dalhousie, porte 525, Ottawa (Ontario), BONNE r u 7\7 r1 I? C H A. /Y G E ! Si vous avez l'intention de: 'faire un retour aux études et de poursuivre une formation collégiale ou universitaire •d'étudier dans une province canadienne autre que le Québec Tél.: (613) Vous êtes eligible à une bourse d'études offerte par le Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises. 232-5791 Date limite d'inscription: 30 avril 1991 KIN 7G2.