Tortue géographique(Graptemys geographica)

Transcription

Tortue géographique(Graptemys geographica)
Évaluation et Rapport
de situation du COSEPAC
sur la
tortue géographique
Graptemys geographica
au Canada
ESPÈCE PRÉOCCUPANTE
2002
COSEPAC
COMITÉ SUR LA SITUATION DES
ESPÈCES EN PÉRIL
AU CANADA
COSEWIC
COMMITTEE ON THE STATUS OF
ENDANGERED WLDLIFE IN
CANADA
Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des
espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :
Nota : Toute personne souhaitant citer l'information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport
comme source (et citer les auteurs); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPAC
doit indiquer l'évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si
des renseignements supplémentaires sur l'évolution du rapport de situation sont requis.
COSEPAC. 2002. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la tortue géographique
(Graptemys geographica) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.
Ottawa vii + 36 p.
ROCHE, B. 2002. Rapport de situation du COSEPAC sur la tortue géographique (Graptemys
geographica) au Canada, in Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la tortue
géographique (Graptemys geographica) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril
au Canada. Ottawa. 1-36 p.
Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :
Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3
Tél. : (819) 997-4991 / (819) 953-3215
Téléc. : (819) 994-3684
Courriel : COSEWIC/COSEPAC@ec.gc.ca
http://www.cosepac.gc.ca
Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Northern Map Turtle
Graptemys geographica in Canada.
Illustration de la couverture :
Tortue géographique – Illustration par Mandi Eldridge, Guelph (Ontario)

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2003
No de catalogue CW69-14-350-2004F-PDF
ISBN : 0-662-75623-1
HTML: CW69-14/350-2004F-HTML
0-662-75624-X
Papier recyclé
COSEPAC
Sommaire de l'évaluation
Sommaire de l’évaluation – Mai 2002
Nom commun
Tortue géographique
Nom scientifique
Graptemys geographica
Statut
Espèce préoccupante
Justification de la désignation
Aucune étude quantitative ou à long terme n'a été effectuée en ce qui concerne cette espèce au Canada. Il existe donc peu
de preuves relatives à la récente contraction de l'aire de répartition ni à la disparition locale de l'espèce. Cependant, le
cycle biologique à long terme, l'âge de maturité tardif de l'espèce ainsi que les nombreuses menaces éventuelles qui
pèsent sur l'espèce et son habitat indiquent une importante vulnérabilité au déclin des populations. Cette espèce devrait
faire l'objet d'une surveillance des populations afin de déterminer les tendances démographiques et d'établir certaines
estimations de la taille des populations.
Répartition
Ontario et Québec
Historique du statut
Espèce désignée « préoccupante » en mai 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
iii
COSEPAC
Résumé
Tortue géographique
Graptemys geographica
Information sur l’espèce
La tortue géographique (Graptemys geographica) est fortement aquatique et
présente un dimorphisme sexuel. La dossière olive à brunâtre est ornée d’un motif
réticulé de lignes jaune pâle qui s’estompent à mesure que la tortue vieillit. Lorsqu’on a
décrit l’espèce pour la première fois, on a trouvé que le motif de la dossière était
semblable à une carte géographique, ce qui lui a valu son nom commun et son nom
scientifique.
Répartition
En Amérique du Nord, l’aire de répartition de l’espèce couvre l’Est des États-Unis,
le Sud-Est de l’Ontario et le Sud-Ouest du Québec. Au Canada, elle s’étend dans le
bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent depuis le lac Sainte-Claire, en
Ontario, jusqu’à Montréal, au Québec. Elle correspond aux régions les plus densément
peuplées et les plus industrialisées de l’Ontario et du Québec.
Habitat et biologie
La tortue géographique habite les cours d’eau et les rives des lacs, où elle se
chauffe au soleil sur des roches émergentes et des arbres tombés durant le printemps
et l’été. En hiver, elle hiberne dans les zones profondes à courant lent des cours d’eau.
Grégaire et farouche, elle est difficile à approcher; dans un groupe se chauffant au
soleil, dès qu’on dérange une des tortues, tous les membres du groupe se dispersent.
Les mollusques constituent la plus grande partie de la nourriture de la tortue
géographique, les mâles et les juvéniles se nourrissant aussi d’insectes. Au Canada,
les femelles produisent au plus une ponte de 10 à 16 œufs par année, mais on ne
connaît pas le succès de la ponte. Même si les besoins de l’espèce en matière d’habitat
et certains aspects de son comportement sont bien connus, les connaissances relatives
à son cycle biologique sont assez limitées.
iv
Taille et tendances des populations
Au Canada, il n’existe pas de programme de surveillance des populations de
tortue géographique. Selon des évaluations ponctuelles effectuées sur la rivière des
Outaouais, on compte en certains endroits de 15 à 35 tortues par kilomètre de rive.
Selon les mentions consignées dans la base de données de l’OHS, il semble que les
populations les plus importantes et les plus persistantes soient dans les Grands Lacs
celles de Long Point et du parc provincial Rondeau, et dans les rivières de l’intérieur
des terres, celles des rivières Thames et Grand.
Facteurs limitatifs et menaces
Au Canada, la plus grande partie de l’aire de répartition de la tortue géographique
est située dans la région la plus densément peuplée du pays. L’aménagement des rives
et la navigation de plaisance peuvent empêcher la tortue d’utiliser des habitats propices
le long des principales voies navigables. La régularisation des niveaux de ces voies,
particulièrement par les barrages, devrait aussi avoir une incidence négative sur les
tortues, en raison de l’inondation de sites de ponte et de l’altération de l’habitat.
L’augmentation du commerce international des espèces sauvages constitue une autre
menace pour la tortue géographique parce qu’elle est semblable à d’autres tortues très
recherchées (tortues pseudogéographiques et espèces des genres Pseudemys et
Chrysemys).
Protection actuelle ou autres désignations
En vertu de la Loi de 1997 sur la protection du poisson et de la faune, la tortue
géographique est une espèce protégée de la chasse, du piégeage, de la garde en
captivité et de l’achat et de la vente en Ontario. Au Québec, elle est classée S2
(menacée). Ses nids sont protégés de la perturbation, de la destruction ou de
l’altération par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, et la collecte,
la garde en captivité et la vente d’individus sont interdites par le Règlement sur les
animaux en captivité. Le G. geographica est une espèce protégée dans au moins
neuf États américains.
Résumé du rapport de situation
On connaît peu la taille et les tendances des populations canadiennes de tortue
géographique, ainsi que les taux de mortalité, les succès de reproduction et les
structures par âge. Sans ces renseignements, il est impossible de déterminer
quantitativement si les effectifs augmentent ou diminuent et d’évaluer la sensibilité de
l’espèce à l’empiètement humain. Dans le but de dégager les tendances
démographiques, les populations exposées aux effets de la présence humaine
devraient faire l’objet d’une surveillance. Vu la maturité tardive et la longévité élevée de
l’espèce, elle est vulnérable à une augmentation chronique des taux de mortalité des
adultes. De plus, elle perd de bons habitats aux dépens de l’aménagement des rives et
elle est soumise à une diminution de qualité de l’habitat attribuable à l’augmentation de
l’utilisation des rives, des lacs, des cours d’eau et des îles à des fins récréatives. Les
bateaux à moteur et les véhicules circulant sur les routes tuent un certain nombre de
v
tortues. Les taux de survie des œufs et des jeunes nouvellement éclos ont
probablement diminué avec l’augmentation de la prédation des nids par les ratons
laveurs et les insectes. Par ailleurs, le déclin des populations des mollusques que
mangent l’espèce et l’accumulation de contaminants dans ces proies peuvent lui nuire.
vi
MANDAT DU COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine le statut, au niveau national, des
espèces, des sous-espèces, des variétés et des populations sauvages canadiennes importantes qui sont
considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées à toutes les espèces
indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, lépidoptères,
mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.
COMPOSITION DU COSEPAC
Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes fauniques des gouvernements provinciaux et
territoriaux, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des
Pêches et des Océans, et le Partenariat fédéral sur la biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature),
de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésident(e)s des sous-comités de spécialistes
des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour étudier les rapports de
situation des espèces candidates.
DÉFINITIONS
Espèce
Espèce disparue (D)
Espèce disparue du Canada (DC)
Espèce en voie de disparition (VD)*
Espèce menacée (M)
Espèce préoccupante (P)**
Espèce non en péril (NEP)***
Données insuffisantes (DI)****
*
**
***
****
Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de
flore sauvage géographiquement définie.
Toute espèce qui n’existe plus.
Toute espèce qui n’est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui
est présente ailleurs.
Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.
Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs
limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas renversés.
Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la
rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains
phénomènes naturels.
Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.
Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d’un manque de
données scientifiques.
Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis
« indéterminé » de 1994 à 1999.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une
recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le comité avait pour mandat
de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En
1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des
espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier
sont ajoutées à la liste.
Environnement
Canada
Environment
Canada
Service canadien
de la faune
Canadian Wildlife
Service
Canada
Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier
complet au Secrétariat du COSEPAC.
vii
Rapport de situation du COSEPAC
sur la
tortue géographique
Graptemys geographica
au Canada
Bridget Roche1
2002
1
802, rue Talbot, Unit 5
London (Ontario)
N6A 2V6
TABLE DES MATIÈRES
INFORMATION SUR L’ESPÈCE .................................................................................... 4
Nom et classification.................................................................................................... 4
Description................................................................................................................... 4
Études réalisées au Canada........................................................................................ 5
RÉPARTITION ................................................................................................................ 6
Répartition mondiale.................................................................................................... 6
Répartition canadienne................................................................................................ 7
HABITAT ......................................................................................................................... 9
Généralités .................................................................................................................. 9
Habitats particuliers ................................................................................................... 10
Différences entre les classes d’âge ou de taille quant à l’utilisation de l’habitat ........ 11
Tendances et protection ............................................................................................ 12
BIOLOGIE ..................................................................................................................... 13
Reproduction ............................................................................................................. 13
Physiologie ................................................................................................................ 14
Alimentation............................................................................................................... 15
Croissance et survie .................................................................................................. 16
Hibernation ................................................................................................................ 17
Comportement ........................................................................................................... 17
Déplacements et migration ........................................................................................ 18
TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS ........................................................... 19
FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES ...................................................................... 24
Commerce ................................................................................................................. 25
Empiètement urbain................................................................................................... 25
PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS ......................................... 27
RÉSUMÉ DU RAPPORT DE SITUATION .................................................................... 28
RÉSUMÉ TECHNIQUE................................................................................................. 29
REMERCIEMENTS....................................................................................................... 31
OUVRAGES CITÉS ...................................................................................................... 31
L’AUTEURE....................................................................................................................36
EXPERTS CONSULTÉS............................................................................................... 36
Liste des figures
Figure 1. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) en
Amérique du Nord........................................................................................... 7
Figure 2. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) en
Ontario ............................................................................................................ 8
Figure 3. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) au
Québec ........................................................................................................... 9
Figure 4. Nombre total de tortues géographiques (G. geographica) observées par
année dans trois régions de parcs situés sur les rives canadiennes du lac
Érié ............................................................................................................... 21
Figure 5. Nombre total de tortues géographiques (G. geographica) observées par
année dans des rivières du Sud de l’Ontario ................................................ 21
Figure 6. Variations mensuelles du nombre total de tortues géographiques observées
sur l’année .................................................................................................... 22
Liste des tableaux
Tableau 1. Comtés du Québec où la tortue géographique (Graptemys geographica)
a été signalée ............................................................................................. 20
Tableau 2. Cotes de la tortue géographique pour la conservation à l’échelle du
monde, des pays et des provinces et États ................................................ 22
Tableau 3. Observations de tortues géographiques dans des zones protégées de
l’Ontario ...................................................................................................... 23
Tableau 4. Facteurs de mortalité pour la tortue géographique (G. geographica) en
Ontario........................................................................................................ 24
INFORMATION SUR L’ESPÈCE
« Durant l’été de 1816, j’ai découvert dans un marais situé en bordure du lac Érié une
tortue qui, d’après moi, n’avait pas encore été décrite … Les lignes et les marques de la
dossière font un dessin qui ressemble à une carte géographique, d’où le nom
vernaculaire que j’ai donné à cette tortue (LeSueur, 1817). »
Nom et classification
La première mention de la tortue géographique (Graptemys geographica) remonte à
1816 sur les rives du lac Érié (Le Sueur, 1817). La dossière ornée de marques
semblables aux courbes de niveau d’une carte lui a valu son nom scientifique
(graptos = inscrit ou peint; gê = terre; graphikos = qui concerne l’action d’écrire, l’art
d’écrire et la peinture) (Froom, 1971; Johnson, 1989). Tous ceux qui ont étudié l’espèce
ont remarqué qu’elle est particulièrement farouche et, par conséquent, difficile à observer
de près.
Avec ses douze espèces, le genre Graptemys constitue le genre de la famille des
Émydidés (ordre des Testudinés) qui contient le plus grand nombre d’espèces et se
classe parmi les premiers à ce chapitre pour l’ensemble des tortues. Le nom de
Graptemys geographica a changé souvent (Testudo geographica [Le Sueur, 1817]),
Emys geographica [Say, 1825], Terrapene geographica [Bonaparte, 1830],
Emys megacephala [Holbrook, 1844], Emys labyrintha [Dumeril, 1851],
Graptemys geographica [Agassiz, 1857], Clemmys geographica [Strauch, 1862],
Malacoclemmys geographica [Cope, 1875], Malacoclemmys geographicus [Davis et
Rice, 1883]; noms répertoriés dans McCoy et Vogt, 1990), et les relations évolutionnaires
à l’intérieur du genre Graptemys font continuellement l’objet de discussions
(Lamb et al., 1994). Le problème est la relation entre les genres Malaclemys et
Graptemys. Wood (1977) pense que le genre Graptemys est un groupe polyphylétique
issu du genre Malaclemys. Son hypothèse est fondée sur la géologie et sur la tolérance à
la salinité de chacun des genres. À partir des caractéristiques ostéologiques et externes,
Dobie (1982) a conclu que le genre Graptemys forme un groupe nettement distinct du
genre Malaclemys; cependant, il admet que le genre Malaclemys est sans aucun doute
plus étroitement apparenté au genre Graptemys qu’à tout autre genre actuellement
existant. Dans l’étude la plus récente sur l’évolution du genre Graptemys, fondée sur la
génétique, on avance que les genres Graptemys et Malaclemys auraient eu un ancêtre
commun issu d’une tortue de type Trachemys et apparu au milieu du Miocène, les
genres Malaclemys et Graptemys ayant divergé avant la fin du Miocène. La lignée
distincte du Graptemys geographica était constituée il y a de 6 à 8 millions d’années
(Lamb et al., 1994). Aucune sous-espèce n’a été décrite (de McCoy et Vogt, 1990).
Description
La dossière olive à brunâtre est ornée d’un motif réticulé de lignes jaune pâle qui
s’estompent à mesure que la tortue vieillit. Elle est ovale, allongée et basse et porte une
légère carène médiane; les écailles marginales postérieures sont grossièrement
4
dentelées (Froom, 1971), légèrement denticulées (Babcock, 1971) ou non fortement
dentelées (McCoy et Vogt, 1990). Chez les jeunes tortues, la dossière est plus plus
fortement carénée, et profondément échancrée à l’arrière et sur les côtés. Le plastron est
jaune pâle à crème et habituellement uni, les ponts étant parfois ornés d’un motif de
cercles concentriques foncés (McCoy et Vogt, 1990) ou une tache centrale étant
présente (Babcock, 1971). Le dessous des écailles marginales est pâle et porte des
marques concentriques foncées, centrées à l’avant de chaque suture (Logier, 1939). La
tête, le cou et les membres sont vert olive foncé et portent des rayures longitudinales
jaune verdâtre; une tache plus ou moins triangulaire se trouve derrière l’œil et est
séparée de l’orbite par deux ou trois rayures (McCoy et Vogt, 1990). Toutes les espèces
appartenant au genre Graptemys se caractérisent par une tête large et des surfaces de
broyage importantes et fortes aux mâchoires (Anderson, 1965), qui sont particulièrement
développées dans les populations consommant des mollusques (McCoy et Vogt, 1990).
Il existe un dimorphisme sexuel très net chez la tortue géographique. La dossière
de la femelle peut mesurer plus de 25 cm de longueur, tandis que celle du mâle mesure
en moyenne 14 cm (Froom, 1971). En moyenne, le poids des mâles n’est que de
seulement 20 p. 100 de celui des femelles (Vogt, 1980). Chez le mâle, la tête est plus
petite, la queue est plus épaisse et plus longue, les pattes de derrière sont plus grosses,
la carène s’estompe moins avec l’âge et le bord postérieur de la dossière est plus
anguleux (Carr, 1952). Vogt (1980) voit plusieurs avantages à ce dimorphisme sexuel :
Premièrement, il permet un partitionnement des ressources alimentaires, les mâles se
nourrissant de petites larves d’insectes et de mollusques énergétiques et les femelles
adultes, omnivores, d’invertébrés et de végétaux. Deuxièmement, la petite taille du mâle
lui permet de consacrer son énergie à la recherche de femelles, à la parade
pré-copulatoire et à la production de sperme plutôt qu’à la croissance. Enfin, le mâle
atteint la maturité sexuelle à une plus petite taille et peut ainsi se reproduire à un plus
jeune âge. Dans le cas de la femelle, plus elle est grosse, plus ses pontes sont
importantes. En outre, la femelle étant plus grosse, elle se trouverait mieux protégée des
prédateurs aviens et mammaliens lorsqu’elle gagne la terre pour pondre (Vogt, 1980).
Études réalisées au Canada
Au Canada, les premières mentions publiées de tortues géographiques sont celles
de Logier (1925) et de Patch (1925), qui ont vu l’espèce à la pointe Pelée (Ontario)
en 1920, et à Norway Bay (Québec) en 1922, respectivement. Ensuite et jusqu’au début
des années 1980, tous les documents sur l’espèce n’avaient trait qu’à sa répartition et
consistaient en des mentions dans des inventaires locaux et nationaux des reptiles, à
l’exception d’un article sur la physiologie de son sang en Ontario (Semple et al., 1969).
Gordon et MacCulloch (1980) ont été les premiers à publier un article sur l’écologie de la
tortue géographique au Canada. Ces auteurs y décrivent les préférences en matière
d’habitat ainsi que la structure de la population du lac des Deux Montagnes, au Québec.
La recherche sur cette population a été poursuivie avec le mémoire de maîtrise de
Flaherty (1982), réalisé sous la direction de Roger Bider à l’Université McGill.
5
Ces premiers résultats ont soulevé des questions en ce qui concerne la situation de
l’espèce au Québec. Selon Sarrazin et al. (1983), la tortue géographique était
potentiellement menacée au Québec. En 1992, l’espèce a été ajoutée à la liste des
espèces potentiellement vulnérables ou menacées au Québec (Beaulieu, 1992). Au
cours des années 1990, on a rédigé plusieurs rapports sur la répartition et l’abondance
du Graptemys geographica dans la province de Québec (Daigle, 1992), et les études ont
été étendues à Norway Bay sur la rivière des Outaouais (Chabot et al., 1993), à la rivière
des Outaouais entre Hull et Rapides-des-Joachims (Daigle et al., 1994), au fleuve
Saint-Laurent (Centre Saint-Laurent, 1996) et aux basses-terres du Saint-Laurent (Daigle
et Lepage, 1997). Le ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec a publié
récemment un rapport sur la situation de la tortue géographique (Bonin, 1998).
Malgré la grande étendue de l’aire de répartition de la tortue géographique en
Ontario, ou en raison de cette grande étendue, on dispose de très peu d’information sur
la situation de l’espèce dans cette province. Le Hamilton Herpetofaunal Atlas (Lamond,
1994) contient sur l’espèce de l’information précise mais ancienne. En général, on porte
peu attention aux espèces considérées comme septentrionales, et notamment aux effets
que peuvent avoir sur elles les pratiques de gestion visant les espèces plus rares. On a
tendance à négliger ces espèces jugées communes, jusqu'à ce que les problèmes
deviennent évidents (Dodd Jr. et Franz, 1993). L’Ontario Herpetofaunal Summary (OHS)
(Oldham, 1997) renferme toutes les observations de la tortue géographique en Ontario
depuis la toute première, faite en 1922. L’OHS et l’Atlas des amphibiens et des reptiles
du Québec (Bider et Matte, 1994) contiennent des descriptions détaillées de l’aire de
répartition de la tortue géographique et d’autres espèces.
RÉPARTITION
Répartition mondiale
Dans le Nord-Est des États–Unis, l’aire de répartition de la tortue géographique est
assez étendue (figure 1). Elle s’étend dans le bassin hydrographique des Grands Lacs
jusque dans le Wisconsin et, dans le bassin hydrographique du Mississippi, depuis le
Centre du Minnesota jusqu’au Nord de la Louisiane et vers l’ouest, jusque dans l’Est de
l’Oklahoma et du Kansas. L’espèce est présente dans tout le bassin de la rivière
Tennessee, dans des cours d’eau du bassin de la rivière Tombigbee en Alabama , en
amont de la ligne de chutes (Fall Line) et dans le bassin de l’Ohio, de la
Virginie-Occidentale à l’Illinois. Des populations isolées vivent dans le bassin du fleuve
Susquehanna en Pennsylvanie (limite est de l’aire de répartition) et au Maryland, dans le
bassin du fleuve Delaware, depuis l’embouchure jusque, vers le nord, dans le comté de
Sussex, au New Jersey, et dans le cours inférieur du fleuve Hudson, dans l’État de New
York (Patch, 1925; Logier, 1939; Carr, 1952; McCoy et Vogt, 1990).
6
Figure 1. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) en Amérique du Nord
(Ernst et al., 1994).
Répartition canadienne
La physiographie et le climat de l’Est du Canada sont variés et influent
considérablement sur l’abondance et la répartition des reptiles et des amphibiens
(Bleakney, 1958). Dans les basses-terres du Saint-Laurent, où se trouve la plus grande
part de l’aire de répartition de la population canadienne de tortue géographique, le climat
est plus chaud que dans les régions montagneuses situées au nord et au sud, qui
semblent créer une barrière thermique pour ce qui est de la répartition de l’espèce. Dans
le Sud du Québec, ce sont les contreforts du Bouclier canadien et les températures
basses des régions situées au nord du fleuve Saint-Laurent qui en limitent la répartition
alors que dans l’Est de la province, c’est l’augmentation de la salinité des eaux du fleuve
(Bleakney, 1958).
Dans son étude sur la répartition des reptiles et des amphibiens de l’Est du Canada,
Bleakney (1958) propose une hypothèse sur la façon dont la tortue géographique est
arrivée au Canada. Selon lui, l’aire de répartition actuelle de l’espèce est attribuable à
une immigration post-glaciaire depuis des refuges situés à l’extérieur des marges
glaciaires. Une des principales voies empruntées par les tortues auraient été les vallées
du Mississippi et de ses tributaires jusqu’aux Grands Lacs, puis au réseau
hydrographique du Saint-Laurent.
7
Au Canada, l’aire de répartition de la tortue géographique se limite au Sud de
l’Ontario (figure 2) et au Sud-Ouest du Québec (figure 3), ce qui correspond à la limite
nord de l’espèce. Aucune diminution de l’aire de répartition n’a été documentée au
Canada, mais des populations locales de zones urbaines ont probablement disparu.
L’absence d’études à court ou à long terme sur les populations rend difficile l’évaluation
des tendances des populations. Selon les données de l’OHS, depuis 1985, 16 p. 100 de
tous les districts ne comptent aucune mention pour des régions où l’espèce avait été
signalée antérieurement; cependant, aussi depuis 1985, 16 p. 100 des districts comptent
des mentions pour la première fois. Il est peu probable que l’espèce se soit dispersée
dans ces dernières régions depuis 1985; on pense plutôt qu’elle y a toujours vécu sans
avoir été signalée.
Figure 2. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) en Ontario. Ébauche préparée par le
Centre d'information sur le patrimoine naturel (1998) d’après les mentions contenues dans la base de
données de l’Ontario Herpetofaunal Summary.
8
Figure 3. Répartition de la tortue géographique (Graptemys geographica) au Québec (Bonin, 1998).
En Ontario, la tortue géographique est dispersée sur les rives de la baie Georgienne
(aussi loin au nord que dans le district de Sudbury Sud), du lac Sainte-Claire (limite
ouest), de la rivière Detroit et des lacs Érié et Ontario. Dans les terres, elle est présente
le long des principales rivières comme la Thames, l’Ausable, la Sydenham, la Grand et la
rivière des Outaouais (aussi loin à l’ouest que Deep River) et dans certains des plus
grands lacs de la limite sud du Bouclier canadien (lacs Rideau) (Cook, 1981;
Froom, 1971; Lamond, 1994; Bonin, comm. pers.).
Depuis le début des années 1980, on s’intéresse à la situation de la tortue
géographique au Québec parce qu’on pensait que son aire de répartition se limitait à
Norway Bay, à l’Ouest d’Ottawa, et au lac des Deux Montagnes, à l’extrémité est de la
rivière des Outaouais. On a ainsi trouvé des tortues géographiques sur les rives de la
rivière des Outaouais entre Deep River et Montréal, à l’extrémité sud du lac
Saint-François sur le fleuve Saint-Laurent et dans la baie Missisquoi du lac Champlain
(Gordon et MacCulloch, 1980; Flaherty, 1982; Daigle et al., 1994; Daigle et
Lepage, 1997).
HABITAT
Généralités
La tortue géographique est presque exclusivement aquatique; elle ne sort de l’eau
que pour se chauffer au soleil ou pondre ses œufs. Elle vit tant dans les lacs que dans
les cours d’eau (Froom, 1971) et préfère les faibles courants, les fonds vaseux et les
zones où il y a beaucoup de végétation aquatique (Anderson, 1965; Behler et King, 1979;
DeGraff, 1983). L’habitat doit renfermer de bons sites d’exposition au soleil, comme des
9
roches et du bois canard, desquels les tortues peuvent se jeter directement à l’eau en
cas de menace (Logier, 1939; Froom, 1971; Cook, 1981). Lorsque les niveaux d’eau sont
hauts au printemps, les sites d’exposition au soleil sont habituellement submergés au
début de l’été, et les tortues ont tendance à se chauffer au soleil sur les rives. Quand les
niveaux baissent, elles préfèrent se chauffer au soleil à distance de la rive et près des
eaux profondes. Les sites de bain de soleil doivent être exposés au soleil durant au
moins une partie de la journée (Gordon et MacCulloch, 1980). La tortue géographique
pond dans du sable ou du sol meubles à une certaine distance de l’eau, peut-être pour
protéger les nids des inondations (Gordon et MacCulloch, 1980; DeGraff, 1983). Au
Canada, la tortue géographique hiberne durant environ cinq mois et peut rester active
dans des dépressions profondes sous la glace (voir Biologie - Hibernation). Graham et
Graham (1992) ont observé que le fond de la rivière au site d’hibernation est
généralement de même type que celui du cours d’eau dans son ensemble, avec des
zones sablonneuses et graveleuses.
Habitats particuliers
1. Rivière des Outaouais
Règle générale, le courant est faible dans la rivière des Outaouais, qui s’élargit à
certains endroits pour former des lacs et des réservoirs (de barrage) d’une superficie de
plusieurs centaines d’hectares. La rivière se caractérise par de nombreuses îles et baies,
qui constituent habituellement des habitats marécageux à végétation émergente
abondante, et par des milieux rocheux où la végétation est rare mais qui offrent
beaucoup de sites d’exposition au soleil (Daigle, 1992; Daigle et al., 1994).
À Norway Bay, situé à environ 40 km à l’ouest d’Ottawa, on trouve un groupe de
petites îles et une rive sinueuse. Le lit de la rivière est souvent peu profond avec un
substrat vaseux et rocheux. La présence d’éléments comme des troncs d’arbre, des
billes et des roches dans l’eau ainsi que d’endroits où les tortues peuvent se mettre à
l’abri des vagues constituent deux caractéristiques importantes de l’habitat
(Chabot et al., 1993). La plupart des tortues étudiées par Chabot et al. (1993) ont été
trouvées sur des objets qui émergeaient de l’eau.
Le lac des Deux Montagnes est situé à l’extrémité sud-est de la rivière des
Outaouais, avant que celle-ci ne rejoigne le fleuve Saint-Laurent. La population de tortue
géographique du bassin est du lac a été étudiée en détail. Toutes les baies sont peu
profondes, les fonds sont argileux ou sablonneux, et la végétation submergée et
émergente est assez étendue. Les arbres tombés et les roches exposées constituent de
nombreux sites d’exposition au soleil. Les rives sont formées principalement de roches et
de pierres de taille variable enfoncées dans de l’argile sableuse (Gordon et
MacCulloch, 1980). Flaherty et Bider (1984) ont trouvé que la structure physique de
l’habitat n’était pas le facteur clé dans le choix de l’habitat, étant donné que les sites
potentiels de bain de soleil et de ponte n’étaient pas tous utilisés également et qu’il y
avait des regroupements de tortues dans les baies du lac. Les sites de bain de soleil
étaient souvent éloignés des rives, fixes et orientés vers l’est. Les sites utilisés étaient
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significativement plus longs, plus loin des rives et de la végétation aquatique et terrestre
et en eaux plus profondes que les sites non utilisés (Flaherty, 1982; Flaherty et
Bider, 1984).
2. Fleuve Saint-Laurent
La seule section du fleuve Saint-Laurent où le G. geographica a été signalé est la
section fluviale, qui va de la région de Cornwall, à l’ouest de la frontière du Québec,
jusqu’au lac Saint-Pierre. La section fluviale se caractérise par une plaine inondable
assez étendue, favorisant beaucoup la formation de milieux humides. Dans cette section
du fleuve, l’eau est douce et il n’y a pas de marées. Les sédiments de la zone riveraine
du lac Saint-François sont surtout de type sable-limon, tandis que ceux des environs de
Montréal sont un mélange de limon-argile, de gravier et de sable. Les berges de la
section fluviale ont souvent été altérées par des routes, des murs, des digues, des
brise-lames ou des barrages construits pour répondre aux besoins des villes, de
l’industrie et de l’agriculture; ces ouvrages ont modifié l’équilibre dynamique des rives
(voir Facteurs limitatifs) (Centre Saint-Laurent, 1996).
3. Rives des Grands Lacs
Les rives où vit la tortue géographique se caractérisent habituellement par
l’abondance de milieux humides et de plages (tableau 3).
4. États-Unis
En Pennsylvanie, Pluto et Bellis (1988) ont trouvé que la plupart des tortues se
chauffaient au soleil sur des morceaux de bois et des roches situées à environ 22 m de
la rive la plus proche, dans les zones d’eaux profondes et calmes du cours d’eau. Une
étude menée au Kansas a révélé que l’espèce y exploitait un habitat assez différent
(Fuselier et Edds, 1994). Les auteurs ont trouvé le G. geographica seulement dans de
petits cours d’eau ombragés au substrat rocheux et graveleux, et non pas dans de plus
grands cours d’eau à fond sablonneux. Au Kansas, l’espèce vivait dans des cours d’eau
aux rives dénudées et n’a pas été signalée dans des zones où il y avait de grandes
quantités de végétation émergente ou submergée.
Différences entre les classes d’âge ou de taille quant à l’utilisation de l’habitat
En Pennsylvanie, l’étude de Pluto et Bellis (1986) laisse penser que les tortues
géographiques juvéniles et adultes utilisent des microhabitats différents. Ces auteurs ont
trouvé plus souvent de grosses tortues (longueur de la dossière supérieure à 125 mm)
dans les zones profondes et calmes du cours d’eau, prenant un bain de soleil à une
distance moyenne de 22 m de la berge la plus proche. Les grosses tortues pouvaient
mieux se déplacer et s’orienter dans les courants rapides et plongeaient plus longtemps
que les juvéniles. Par conséquent, les adultes étaient en mesure d’occuper plus
facilement les eaux plus profondes et plus rapides. Au contraire, les petites tortues
(longueur de la dossière inférieure à 66,5 mm) préféraient les zones d’eaux peu
11
profondes et calmes situées près de la rive. Pluto et Bellis (1986) ont émis l’hypothèse
qu’en vivant dans ces zones, les juvéniles devaient nager beaucoup moins pour respirer
et se nourrir. De plus, l’utilisation de cet habitat constitue peut-être un compromis entre
exposition à la prédation terrestre et exposition à la prédation aquatique : dans les eaux
plus profondes, les petites tortues seraient plus susceptibles d’être mangées par de gros
poissons, alors que, si elles demeuraient sur les rives, cela augmenterait le risque
présenté par les prédateurs terrestres. Le comportement de fuite des petites tortues
consistait à se cacher sous ou entre de petites roches et débris ligneux plutôt que de se
précipiter vers les eaux profondes (Pluto et Bellis, 1986).
D’après l’étude de Pluto et Bellis (1986), les risques de prédation pour les grosses
tortues semblent augmenter à mesure que la distance de la rive diminue. Les gros
individus évitaient de fréquenter les zones d’eaux peu profondes situées près des rives et
de se chauffer au soleil sur les rives ou à proximité, sauf lorsque les sites d’exposition au
soleil du milieu du cours d’eau étaient submergés durant les périodes de hautes eaux.
Les grosses tortues fuyaient en nageant vers les eaux profondes; elles se cachaient
rarement sur les rives.
Tendances et protection
L’urbanisation, l’industrialisation et l’agriculture détruisent l’habitat de la tortue
géographique (Gibbons, 1997). La plupart des espèces de tortues peuvent se déplacer
vers divers autres habitats dans les régions touchées par le développement, mais les
espèces spécialistes en matière d’habitat, comme la tortue géographique, peuvent ne
pas pouvoir tolérer certaines altérations de leur habitat et être remplacées par une
espèce plus tolérante. Près des latitudes extrêmes de leur aire de répartition, les tortues
sont peut-être plus menacées (Pritchard, 1997). Par exemple, à Norway Bay, les tortues
géographiques sont complètement disparues des sites où on les trouvait régulièrement
après que les arbres et les billes sur lesquels elles se chauffaient au soleil aient été
enlevés. Les arbres et les billes ont été éliminés pour assainir la rivière, mais cela a eu
une incidence négative sur l’habitat de l’espèce (Chabot et al., 1993). Chabot et al.
(1993) ont proposé que soient placées dans le milieu des plates-formes ou de nouvelles
billes et ont recommandé que le gouvernement du Québec protège l’habitat dans la
région. Pour l’instant cependant, la seule région du Québec dans laquelle l’habitat de
l’espèce est protégé est la Réserve nationale de faune du lac Saint-François (Bonin,
comm pers.) (tableau 3). En 1994, on a établi les exigences relatives au Fonds
d'assainissement des Grands Lacs 2000 pour la mise en œuvre des projets de
restauration des habitats, notamment pour les espèces non gibier telles les reptiles. En
principe, le fonds d’assainissement assure la présence de débris ligneux pour les bains
de soleil des tortues et de fonds meubles pour l’hibernation dans des régions où la tortue
géographique a déjà été signalée (baie Rondeau, port de Hamilton, Grand Toronto,
fleuve Saint-Laurent, rivière Detroit, baie Long Point) (Dunn, 1995).
Même si de nombreuses populations de tortues géographiques sont mentionnées
dans des régions déjà protégées (tableau 3), ces populations sont quand même
exposées à d’importantes pressions découlant des activités récréatives. En outre, des
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secteurs protégés et non protégés des rives des Grands Lacs et de la voie maritime du
Saint-Laurent sont exposés à une forte pollution industrielle, au ruissellement agricole et
aux déversements de substances toxiques provenant de navires (Gillespie et al., 1991).
Il est difficile d’évaluer l’impact des activités humaines sur les populations de tortues
pour lesquelles il n’existe aucune information historique. Par exemple, la construction de
barrages dans l’aire de répartition des espèces du genre Graptemys peut avoir nui à
leurs populations, mais on ne sait pas dans quelle mesure en raison d’un manque de
données sur la situation des populations avant la construction (Gibbons, 1997). Sur le
plan de la gestion, la réalisation de relevés avant impact et la collecte de données à long
terme faciliteraient la mise en œuvre des stratégies de protection de l’habitat.
BIOLOGIE
Reproduction
La saison de reproduction de la tortue géographique commence alors même que
les tortues sont encore regroupées dans l’hibernacle (c’est-à-dire entre octobre et avril).
C’est alors que prennent place la parade nuptiale et l’accouplement (Anderson, 1965;
Vogt, 1980), les mâles identifiant les femelles de leur espèce grâce à des signaux visuels
et olfactifs. Après un premier contact cloacal avec une femelle, le mâle peut tenter de la
monter, ou nager jusqu’à sa tête, établir un contact bec-à-bec et hocher rapidement la
tête sur la verticale. Pour monter la femelle, il enroule l’extrémité de sa queue autour de
celle de la femelle pour maintenir son équilibre, et tire le cloaque de la femelle jusqu’à
une position permettant l’intromission. La durée de la copulation peut varier de
15 secondes à 4 heures (Vogt, 1980). En quittant l’hibernacle en avril, les femelles
gagnent les plages de nidification, et passent six semaines à se chauffer au soleil et à
constituer l’enveloppe des œufs. Plus la température est élevée en avril et mai, plus le
métabolisme des tortues est rapide; la coquille des œufs peut alors se former plus vite,
ce qui permet une ponte plus hâtive (Vogt, 1980). Cet effet de la température peut
expliquer le fait que certaines populations méridionales de la tortue géographique
nidifient plus tôt que des populations plus septentrionales. Par exemple, en Illinois et en
Indiana, la nidification commence en mai ou au tout début de juin (Cahn, 1937; Newman,
1906), alors qu’au Wisconsin, la ponte survient de la fin de juin au milieu de juillet (Vogt,
1980). Toutes les nidifications observées dans le cadre de l’Ontario Herpetofaunal
Summary (Oldham, 1997) se situaient entre le 10 juin et le 24 juillet.
Newman (1906) a noté que la carapace des femelles nicheuses mesurait toujours
au moins 19 cm de longueur. Pour la population du lac des Deux Montagnes, Gordon et
MacCulloch (1980) ont estimé que la longueur de la carapace à la maturité sexuelle était
de 17,5 cm chez les femelles et 7,5 cm chez les mâles. Les femelles peuvent s’éloigner
jusqu’à des distances considérables dans l’intérieur des terres à la recherche de sites
bien drainés et bien ensoleillés (Johnson, 1982), ou de sites offrant un sol labouré mou
ou du sable clair et sec (Carr, 1952). Les zones exemptes de végétation et d’ombre
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assurent une exposition maximale au rayonnement solaire pour réchauffer le substrat et
incuber les œufs (Vogt et Bull, 1984).
Le nid est une cavité symétrique, en forme de bouteille; deux couches d’œufs sont
déposées dans la partie large, et les deux ou trois derniers dans l’étroit goulot. La tortue
ramène de la terre ou du sable dans et sur le trou, et en nivelle la surface en la lissant de
son plastron. Une ponte se compose généralement de 10 à 16 œufs (Carr, 1952), qui
éclosent à la fin d’août ou au début de septembre (Froom, 1971). L’émergence des petits
peut être retardée si la ponte survient plus tard dans la saison. Les petits passent l’hiver
dans le nid et en émergent à la fin de mai ou au début de juin de l’année suivante (Cahn,
1952; Behler and King, 1979). Il n’y a pas d’indication de retard de l’émergence dans les
populations canadiennes, mais le phénomène a été documenté dans le Nord des ÉtatsUnis (Gibbons et Nelson, 1978). Les tortues du Sud peuvent produire plus d’une ponte
(jusqu’à trois), alors que celles du Nord sont limitées à une ponte par saison (White et
Moll, 1991).
Physiologie
1. Thermorégulation
La tortue géographique assure sa thermorégulation en se chauffant au soleil durant
le printemps et l’été, et en hibernant sous la glace pendant l’hiver. Pendant la période
des bains de soleil, elle peut plonger dans l’eau jusqu’à une profondeur de 6 m, où la
température de l’eau peut être jusqu’à 20 °C plus basse que celle de la plate-forme
d’exposition au soleil. Les ajustements physiologiques exigés par ces fluctuations de la
température sont donc considérables (Semple et al., 1969). Semple et al. (1969) ont
étudié les tortues géographiques en Ontario et indiquent que leurs températures
corporelles varient de 3 °C sous la glace en hiver jusqu’à 30 °C à certains sites
d’estivage, et que leur physiologie sanguine varie avec les saisons. Ils ont aussi constaté
que le volume de plasma par rapport à la masse corporelle est élevé chez le
G. geographica en comparaison de ceux de nombreuses autres espèces de tortues, et
que le plasma était piégé dans certaines régions du réseau vasculaire de l’animal en
hibernation. Cette mobilisation du liquide du sang des régions périphériques (peau,
carapace) vers les organes vitaux (cœur, poumons) réduit les pertes de chaleur dans ces
derniers (Semple et al., 1969). Dans une autre expérience, avec des températures se
situant entre 10 °C et 40 °C, le changement de la température des organes vitaux a
montré un retard sur celui des températures rectale et ambiante, et aucune des tortues
dont les organes vitaux ont été portés à une température supérieure à 35 °C n’a survécu
(Akers et Damm, 1963).
Contrairement à d’autres tortues, cette espèce n’entre pas totalement en léthargie
mais continue à se déplacer sur le fond du cours d’eau ou du lac. Son métabolisme est
plus rapide que celui d’autres Émydidés hibernants, et il est deux à trois fois plus rapide
chez le mâle que chez la femelle (Graham et Graham, 1992). À mesure que l’animal se
refroidit, son rythme cardiaque ralentit avec la baisse de la température, passant de
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20-21 battements/minute à 20 °C à 5-6 battements/minute à 5 °C (Akers et Damm, 1963;
Semple et al., 1969).
2. Thermodépendance de la détermination du sexe
On note chez les Graptemys une détermination du sexe thermodépendante qui
survient dans le second tiers du développement, les mâles se développant à une
température constante d’incubation de 25 °C, et les femelles à 30,5 °C (Bull et Vogt,
1979). Bull et al. (1982b) ont suggéré que, aux températures intermédiaires, le facteur
déterminant pourrait être une prédisposition génétique vers un sexe ou l’autre. Divers
facteurs se conjuguent pour déterminer le sex-ratio : comportement de la mère dans le
choix du site de nidification, réponse du zygote à la température pour ce qui est de la
détermination de son sexe, et effets environnementaux de la température de la zone de
nidification (Bull et al., 1982a). Les nids qui produisaient des femelles étaient situés dans
des étendues sableuses dégagées, et ceux qui produisaient des mâles dans des sites
accompagnés de végétation à la lisière d’une plage. Cette dépendance du sex-ratio face
à l’environnement indique que ses variations peuvent totalement découler de
changements subis par l’environnement; il pourrait donc s’ensuivre un biaisage du
sex-ratio des jeunes d’une population, à moins que les femelles ne changent
l’emplacement de leurs sites de nidification (Vogt et Bull, 1984). Contrairement à ce à
quoi on s’attendait, les valeurs seuils des températures n’étaient pas différentes entre
des populations du Nord et du Sud (différence de 2 à 4 oC de la température quotidienne
moyenne pendant la saison de nidification), et on n’a pas non plus noté de biaisage
évident du sex-ratio en faveur des femelles dans le Sud. Cet état de choses est
probablement dû au fait que les différences des comportements de nidification
contrebalançaient les différences climatiques (Bull et al., 1982a).
Alimentation
La tortue géographique est un carnivore privilégiant les mollusques, mais peut à
l’occasion varier son alimentation. Le régime alimentaire varie au sein de l’espèce; les
femelles, avec leurs mâchoires puissantes et plus grosses, peuvent briser les coquilles
de bivalves (Unionidés) et de gros escargots (Logier, 1939), alors que les mâles et les
juvéniles se nourrissent d’insectes, d’écrevisses et de mollusques plus petits (Behler et
King, 1979; Vogt, 1981). Bien que le G. geographica puisse se nourrir de plantes
aquatiques (Carr, 1952; Froom, 1971), Vogt (1981) a indiqué que les végétaux étaient en
fait happés accessoirement avec les autres aliments. Le G. geographica peut rester sous
l’eau jusqu’à six minutes, se déplaçant à travers la végétation à la recherche d’escargots,
et retournant de petites roches pour se nourrir des escargots et bivalves ainsi découverts
(Vogt, 1981). Les tortues géographiques ont deux façons de se nourrir : la première
consiste à capturer le mollusque lorsque le pied et les branchies sont largement sortis de
la coquille et à en arracher les parties tendres, en laissant sur place la coquille; pour la
seconde, la tortue broie la coquille du mollusque entre ses mâchoires et en sépare les
éclats de la chair à l’aide des griffes avant (Newman, 1906). La nourriture est toujours
avalée sous l’eau (Froom, 1976).
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Dans la rivière des Outaouais, les mâles commencent à s’alimenter en mai, peu
après la rupture de la glace, et les femelles en juin, une fois terminée la nidification.
Quand les femelles commencent à s’alimenter, les mâles ont tendance à se disperser, ce
qui indique qu’il pourrait alors y avoir compétition pour la nourriture (Flaherty, 1982).
Dans la région des Grands Lacs, l’invasion de la moule zébrée (Dreissena
polymorpha) a considérablement modifié la composition et la structure des communautés
de macroinvertébrés, surtout des populations d’Unionidés. Dans le haut Saint-Laurent, le
lac Sainte-Claire et le lac Érié, les Unionidés indigènes ont disparu des régions où la
moule zébrée est présente en densités élevées (Nalepa, 1994; Schloesser et Nalepa,
1994; Serrouya et al., 1995; Ricciardi et al., 1996). Ce déclin des Unionidés, qui sont la
principale source de nourriture de la tortue géographique, pourrait avoir une incidence à
long terme sur ses populations (Mitchell, 1994). Les tortues géographiques des régions
touchées ne consomment des moules zébrées qu’en situation de rareté de proies plus
profitables. Dans le haut Saint-Laurent, le lac Champlain, le secteur inférieur des Grands
Lacs et le bassin supérieur du Mississippi, les populations de tortues géographiques et
de moules zébrées sont sympatriques (Serrouya et al., 1995).
Croissance et survie
Il a été mené peu de recherches sur la structure par âge et les taux de croissance
de la tortue géographique, et aucune sur les taux de survie et de mortalité par âge. L’âge
de la maturité est inconnu pour les populations canadiennes, et mal connu pour celles
des États-Unis. Ernst et al. (1994) suggèrent que, au Wisconsin, les femelles n’atteignent
pas la maturité avant l’âge de 10 ou 12 ans au moins. Il est probable que, au Canada,
l’âge de maturité est d’au moins 12 ans. Par ailleurs, il est difficile d’étudier la structure
par âge et les taux de croissance dans ces populations, parce que les juvéniles et les
femelles adultes échappent à l’observation (Gordon et MacCulloch, 1980; Chabot et al.,
1993). Gordon et MacCulloch (1980) ont estimé que les juvéniles de moins de deux ans
comptaient pour environ 8 p. 100 de la population du lac des Deux Montagnes. On
s’entend généralement à dire que les populations de tortues géographiques sont à
dominance mâle (Ernst et al., 1994). Il peut s’agir d’un biais lié au comportement, les
femelles étant plus difficiles à capturer (Chabot et al., 1993), ou d’une conséquence de la
thermodépendance de la détermination du sexe (Gordon et MacCulloch, 1980).
Les taux de croissance de la tortue géographique ont été étudiés au lac des Deux
Montagnes (juvéniles) et en Indiana. Dans la population du lac des Deux Montagnes,
Gordon et MacCulloch (1980) ont avancé que les mâles étaient plus gros que les
femelles à l’éclosion, mais grossissaient moins vite au stade de juvénile. Les mâles et les
femelles de la population de l’Indiana étudiée par Iverson (1988) avaient sensiblement le
même taux de croissance pendant les deux premières années de vie; par la suite, les
femelles grossissaient significativement plus vite que les mâles.
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Hibernation
Graham et Graham (1992) ont effectué une étude approfondie de l’hibernation chez
la tortue géographique au Vermont. La majorité des tortues se réunissaient à la fin de
l’automne dans une dépression ovale de 6,7 m sur le fond du cours d’eau, à environ
10 m de la rive sud, au point le plus profond du cours inférieur de la rivière. Les zones
profondes à courant lent étaient les sites privilégiés pour l’hibernation, puisqu’elles
risquent moins de geler jusqu’au fond, d’être exposées en cas de sécheresse extrême ou
d’être affouillées par les déplacements de la glace à la fin de l’hiver (Pluto et Bellis,
1988). Aux sites d’hibernation, le fond était généralement semblable à celui de la rivière
dans son ensemble, avec des zones de sable et de gravier. Le courant y était de 0,1 m/s
à 1 m sous la surface, mais pratiquement nul au fond. Lorsque la température atteignait à
peu près 2 °C, les tortues se rassemblaient dans le creux. On pense que c’est
l’abaissement de la température de l’eau qui poussait les tortues à entreprendre le
déplacement automnal vers les hibernacles (Pluto et Bellis, 1988).
L’hibernation est communautaire, femelles et mâles s’empilant les uns sur les
autres. Graham et Graham (1992) ont noté des différences d’activité entre les sexes, les
mâles restant beaucoup plus actifs que les femelles pendant tout l’hiver. On peut
attribuer cette situation au fait que leur métabolisme est plus rapide, ce qui contribue à
retarder leur entrée en torpeur profonde. Les femelles restent immobiles, un grand
nombre d’entre elles à côté, au-dessus ou au-dessous de roches et troncs ou branches
submergés, et d’autres sur des substrats de sable ou de gravier dégagés (Graham et
Graham, 1992). Les petits de l’année et les jeunes juvéniles ne semblent pas faire partie
du groupe en hibernation. On ne sait pas où ils passent l’hiver, mais on voit souvent de
jeunes tortues se chauffer au soleil jusqu’en novembre, être immobilisées par l’arrivée du
froid et rester sur les rives après la formation de la glace (Newman, 1906). Les tortues
géographiques émergent de l’hibernation à la fin de mars ou au début d’avril, et
commencent immédiatement à prendre des bains de soleil (Newman, 1906; Lamond,
1994). L’élévation de la température de l’eau et la recherche de sites de nidification
peuvent déclencher le départ des hibernacles (Pluto et Bellis, 1988).
Comportement
La tortue géographique est une espèce extrêmement farouche, qui se réfugie
immédiatement dans l’eau quand elle est dérangée. Il est facile d’en capturer après
l’émergence de l’hibernation mais, en l’espace d’une semaine, elle devient difficile à
approcher à moins de 50 pieds, et doit être observée de loin ou prise au piège (Newman,
1906; Gordon et MacCulloch, 1980; Daigle et al., 1994). Quand elle se sent menacée,
elle n’est généralement pas agressive, ne mordant qu’en tout dernier recours. Si on
l’attaque, elle se réfugie dans sa carapace, la tête bien reculée entre les épaules, le cou
rentré, les pattes repliées à l’intérieur entre les bords libres de la carapace, et la queue
rabattue sur le côté (Babcock, 1971).
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Le G. geographica se chauffe au soleil en groupes, formant parfois plusieurs
couches pouvant totaliser 30 individus (Froom, 1971; Daigle et al., 1994). L’avantage de
ce comportement est qu’il assure une bonne visibilité sur tous les côtés. Le groupe au
complet se jettera à l’eau au premier mouvement ou bruit insolite, même à plusieurs
centaines de pieds de distance, et même si c’est celui d’un congénère qui a plongé
(Froom, 1971). Il semble y avoir une certaine hiérarchie au site d’exposition au soleil; les
tortues plus grosses peuvent faire tomber les individus de taille moyenne à l’extérieur du
site, et interdisent généralement l’accès de celui-ci aux juvéniles, s’installant juste à la
limite de l’eau. On a vu régulièrement des individus plus petits faire surface à un site
bloqué, puis s’éloigner à la nage vers un site proche encore inoccupé (Pluto et Bellis,
1986).
Déplacements et migration
Les milieux lotiques connaissent des changements saisonniers du courant, de la
profondeur d’eau et du substrat. Ces fluctuations peuvent déclencher chez certaines
espèces locales des migrations saisonnières vers des habitats plus hospitaliers (Pluto et
Bellis, 1988). Pluto et Bellis (1988) ont étudié en profondeur les déplacements
saisonniers de tortues géographiques dans un cours d’eau de Pennsylvanie, et noté
deux types de déplacements annuels. Dans le premier cas, à la fin du printemps ou en
été, les mâles, et eux seuls, passaient de zones profondes à faible courant vers des sites
en amont ou en aval. Là, il s’établissait pour deux mois une aire d’estivage, à laquelle les
mâles revenaient chaque année. En août ou septembre, ceux-ci revenaient vers la zone
d’eau profonde à faible courant. Il n’est pas clair pourquoi les mâles passent, vers
l’amont ou vers l’aval, de ces zones profondes lentes à d’autres habitats. Ils n’étaient
probablement pas à la recherche de partenaires, puisqu’on trouve peu de femelles en
été, et qu’on n’a pas observé de cas d’accouplement en cette saison. Dans le second
cas, les mâles et les femelles limitaient tous leurs déplacements de l’année à une
superficie relativement petite, généralement aux environs des principaux sites de bains
de soleil. La longueur de territoire (distance entre les deux captures les plus éloignées du
même individu) des mâles était en moyenne de 2 114,8 m par an, ce qui était
significativement plus que les 1 210,7 m par an pour les femelles (Pluto et Bellis, 1988).
Dans la population du lac des Deux Montagnes, au Québec, les déplacements
étaient très différents de ceux de la population étudiée en Pennsylvanie. Les femelles
avaient un domaine vital significativement plus grand que les mâles (67,83 ha contre
32,33 ha) et se déplaçaient significativement plus souvent et, en moyenne, sur de plus
grandes distances (12,5 km contre 3,77 km) (Gordon et MacCulloch, 1980; Flaherty,
1982). On a constaté un important chevauchement des territoires occupés par les mâles
et par les femelles (Flaherty, 1982). Le nombre de tortues observées dans les baies du
lac augmentait après l’hibernation, pour atteindre un pic à la mi-mai. Les femelles
restaient dans les baies jusqu’à la nidification, au milieu de juin. Les mâles de la
population du lac des Deux Montagnes se déplaçaient eux aussi, mais moins que les
femelles et de façon plus désordonnée. Ces types de déplacement des mâles et des
femelles étaient à l’inverse de ceux observés en Pennsylvanie, où les tortues se
dispersaient après la nidification au début de juillet, et les femelles plus que les mâles. À
18
la fin d’août, elles réapparaissaient dans les baies, et avaient tendance à y rester jusqu’à
la prise de la glace. Si l’alimentation des tortues était limitée durant le printemps, les
densités relativement élevées avant la nidification étaient tolérables, mais la dispersion
post-nidification pouvait être nécessaire pour alléger la pression sur les ressources
alimentaires disponibles (Gordon et MacCulloch, 1980).
Les recherches effectuées par Flaherty (1982) sur cette population ont montré que
les déplacements des mâles étaient assez uniformément répartis dans le temps, alors
que ceux des femelles augmentaient lentement jusqu’à une pointe en juillet. Les femelles
conservaient une assez grande activité jusqu’en septembre, mais c’est en été que leurs
déplacements étaient le plus longs, ce qui coïncidait avec la fin de la nidification. Le
retour vers l’hibernacle a été observé à la fin de l’été et au début de l’automne (22 août29 septembre) (Flaherty, 1982).
Ces études de cas mettent en évidence les variations des régimes de déplacement
de cette espèce. Les déplacements sont généralement liés à la recherche de sites
d’exposition au soleil, d’alimentation et de nidification, ainsi qu’à la recherche de
partenaires sexuels et d’aires d’hivernage.
TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS
Au Canada, il n’y a aucune surveillance des populations de tortue géographique.
Seules des évaluations ponctuelles ont été effectuées pour des populations de la rivière
des Outaouais. En 1980, on a estimé la population de tortue géographique du lac des
Deux Montagnes à 351 individus ou 15 tortues/km de rive (Gordon et MacCulloch, 1980).
Chabot et al. (1993) ont évalué la population de Norway Bay à 350 tortues ou de 32,4 à
38,2 tortues/km de rive. Daigle et al. (1994) ont estimé que plus de 1 000 tortues vivaient
dans la rivière des Outaouais, entre le lac des Deux Montagnes et Deep River. Par
ailleurs, Daigle et Lepage (1997) ont estimé à 1 191 le nombre de tortues recensées le
long du Saint-Laurent et de ses tributaires (tableau 1).
Les données pour l’estimation de la taille des populations en Ontario sont rares.
Cependant, dans le but d’évaluer la taille relative des populations, on considérera que le
nombre total de tortues vues par année par population est représentatif de la taille réelle
de la population. Dans les Grands Lacs, les populations les plus importantes et les plus
persistantes semblent être celles de Long Point et du parc provincial Rondeau (figure 4),
tandis que les populations les plus importantes et les plus persistantes dans les rivières
sont celles des rivières Thames et Grand (figure 5). Dans le parc provincial Rondeau, on
estime qu’environ 200 à 400 adultes vivent dans la baie et ses tributaires (S. Gillingwater,
comm. pers.). L’évaluation est fondée en partie sur une étude approfondie de la
nidification effectuée dans le parc Rondeau en 2000-2001 (Gillingwater et Brooks, 2002).
Le parc national de la Pointe-Pelée renferme de plus faibles effectifs, dans lesquels les
classes d’âge supérieures semblent surreprésentées, ce qui laisse présager un éventuel
déclin (Browne et Hecnar, 2002).
19
Tableau 1. Comtés du Québec où la tortue géographique
(Graptemys geographica) a été signalée. Les données sont tirées de l’Atlas
des amphibiens et des reptiles du Québec (1997). L’information contenue
dans les articles publiés et les documents gouvernementaux ne figure pas
dans l’Atlas et, par conséquent, dans le tableau.
1
2
3*
4
5*
6
7*
8
9
10*
11*
12
13*
1980
X
X
X
1981
1982
1983
X
1984
1985
X
1986
1987
1988
X
X
1989
X
X
1990
X
X
1991
1992
X
1993
X
X
1994
X
X
X
X
X
X
X
1995
X
X
X
1996
X
X
X
(X=observation; *=observations durant les années 1960 et/ou 1970).
1=Argenteuil, 2=Chambly, 3=Deux-Montagnes, 4=Gatineau, 5=Huntingdon, 6=Iberville, 7=Île de Montréal,
8=L’Assomption, 9=Missisquoi, 10=Pontiac, 11=Shefford, 12=Terrebonne, 13=Vaudreuil
La taille des populations de tortue géographique est variable dans l’aire de
répartition de l’espèce (tableau 2). En 1958, l’espèce était considérée comme commune
dans l’Est de l’Ontario (Bleakney, 1958) et, dès 1928, localement commune dans le
Sud-Ouest de l’Ontario (Brown, 1928; Logier, 1931; Toner, 1936; Logier et Toner, 1961).
Pour l’Ontario, des populations rares ou disparues ont été mentionnées pour le Grand
Toronto, notamment dans la vallée de la Rouge (Johnson, 1982) et dans la région de
Hamilton (J. Lamond, 1994; J. Bonin, comm. pers.). En 1993, la tortue géographique était
considérée comme vulnérable sur les rives du lac Ontario de Burlington à Trenton
(Brownwell, 1993); cependant, il en existe encore de petits groupes dans la région de
Cootes Paradise (K. Barrett, comm. pers., 2002).
Au Québec, la tortue géographique a été étudiée récemment. Bleakney (1958) la
considérait comme rare dans les basses-terres du Saint-Laurent et dans le Sud-Est du
Québec. Depuis les années 1980, des inventaires ont permis de repérer plusieurs
populations importantes, particulièrement le long de la rivière des Outaouais; cela indique
que l’espèce est plus répandue que ce que l’on croyait auparavant (Daigle et Lepage,
1997). Malgré la découverte de ces populations, on envisage d’attribuer à la tortue
géographique le statut d’espèce menacée ou d’espèce préoccupante au Québec (Bonin,
comm. pers.).
20
Figure 4. Nombre total de tortues géographiques (G. geographica) observées par année dans trois régions de parcs
situés sur les rives canadiennes du lac Érié. Les données sont tirées de l’Ontario Herpetofaunal Summary
(Oldham, 1997). L’effort d’échantillonnage dans les différentes années et aux différents endroits n’a pas
été pris en compte.
Figure 5. Nombre total de tortues géographiques (G. geographica) observées par année dans des rivières du Sud de
l’Ontario. Les données sont tirées de l’Ontario Herpetofaunal Summary (Oldham, 1997). L’effort
d’échantillonnage dans les différentes années et aux différents endroits n’a pas été pris en compte.
21
Figure 6. Variations mensuelles du nombre total de tortues géographiques observées sur l’année. Source : mentions
de l’Ontario Herpetofaunal Summary pour une période de 72 ans.
Tableau 2. Cotes de la tortue géographique pour la conservation à l’échelle du monde, des
pays et des provinces et États. (Source : Eastern Regional Office of the Nature
Conservancy, 1997. Natural Heritage Central Databases)
Pays
Province/
État
Monde
Canada
Cote
Alabama
Georgie
Iowa
Indiana
Kansas
G5
N4
S4
S1
N5
S5
S1
S4
S4
S2
Kentucky
Maryland
Ontario
Québec
États-Unis
Date de la
désignation
96-10-05
88-10-24
89-01-26
Autre
désignation
Commentaires
SDMV
91-09-20
87-10-23
94-05-24
87-04-21
91-07-30
R
Rare
T
Menacée
(threatened)
S4S5
S1
90-10-10
86-10-01
E*
En voie de disparition
(endangered)/région
limitée seulement
Michigan
New Jersey
S5
S3
92-06-24
84-08
U
New York
S4
83-11-17
U
Oklahoma
S1
95-01-05
P
Non déterminée
(undetermined)
Non protégée
(unprotected)
Interdiction de récolte
dans l’État
Pennsylvanie
Virginie
Vermont
S3
S2S3
S3
84-03
93-12-15
92-11-15
SC
Wisconsin
S5
86-05-29
22
Espèce préoccupante
(special concern)
Tableau 3. Observations de tortues géographiques dans des zones protégées de
l’Ontario. (AC = aire de conservation, PN = parc national, PP = parc provincial, ZINS =
zone d'intérêt naturel et scientifique, RES = région écologiquement sensible, RNF =
réserve nationale de faune * = aire protégée au Québec)
District
Brantford
Durham
Essex
Frontenac
Halton
Haldimand-Norfolk
Observations dans des aires
protégées ou à proximité
AC Brant
PP Kendall
AC Big Bend
AC plage Holiday
AC Ruscom Shores (RES)
AC plage Tremblay
Île Pelée (ZINS, RES)
PN Pointe Pelée (ZINS,
RAMSAR)
PP Frontenac
Royal Botanical Gardens
PP Long Point (ZINS, RNF,
RAMSAR, Réserve mondiale
de la biosphère [UNESCO])
Marais du ruisseau Big (ZINS,
RNF, RES)
Royal Botanical Gardens
Information sur l’habitat
riverain
Plage de sable, milieu humide
Plage de sable, milieux
humides de bordure
Cordon de sable, lagune
Milieu humide étendu, plage de
sable, lagune, dunes
Présence humaine
Marina, enrochement
Résidences, marinas,
enrochement
Plages récréatives
fortement utilisées
Une plage récréative
Milieu humide étendu
-
-
-
Cootes Paradise (ZINS)
Plage mixte
Lac Sainte-Claire (RNF)
Milieux humides de bordure
PP Rondeau (ZINS)
Milieu humide étendu, plage
mixte, dunes
Leeds et Grenville
PP du Lac Charleston
Lambton
Îles du Saint-Laurent
Île Walpole (RES)
Pointe Kettle (RES)
Milieux humides de bordure
Enrochement, zone
urbaine
Forte utilisation récréative,
résidences
Plages fortement utilisées,
rampes de mise à l’eau,
résidences
Utilisation récréative
modérée
Enrochement, rampes de
mise à l’eau
-
HamiltonWentworth
Kent
Lanark
Middlesex
Muskoka
Northumberland
Ottawa-Carleton
Comté Prince
Edward
Dundee*
AC Rock Glen
PP de la Pointe Murphys
AC Big Bend
AC Fanshawe
PN des Îles-de-la-Baie
Georgienne
Milieux humides, plage de
sable, dunes
-
PP Ferris
AC Crowebridge
PP Fitzroy
PP Sandbanks (ZINS)
Escarpement rocheux, milieux
humides de bordure, berges
couvertes de végétation basse
Milieu humide étendu, berges
basses couvertes de végétation
Plage de sable, dunes
Plage Outlet
Plage de sable, dunes
Lac Saint-François (RNF,
RAMSAR)
Milieux humides
PP Presqu’île (ZINS)
23
Loisirs et quelques
résidences
Rampes de mise à l’eau
Plage récréative fortement
utilisée, rampes de mise à
l’eau, résidences
Plage récréative fortement
utilisée
Loisirs (chalets) à
proximité
Tableau 4. Facteurs de mortalité pour la tortue géographique (G. geographica) en
Ontario. Les données sont tirées de l’Ontario Herpetofaunal Summary (Oldham, 1997).
Région
Nombre (F= femelle)
Cause
Date
Brantford
1 F + œufs
Morte sur la route
2 juin 1991
Tilbury
1
Morte sur la route
7 juin 1987
Lac Desert
2F
Mortes sur la route
Août 1988
Norfolk
2
Mortes sur la route
8 juin 1985
Long Point
1
Mangée par un raton laveur 3 juin 1987
Long Point
150+
Mortes dans une mare
3 juillet 1977
asséchée
28 août 1988
Long Point
1
Morte sur la plage probablement frappée par
une hélice de bateau
Long Point
2
Carapaces recueillies dans 8 juin 1989
un nid de Pygargue à tête
blanche
Baie de Quinte
2
?
Juillet 1979
Rondeau
1
?
21 déc. 1981
Rondeau
1
Morte sur la route
5 juillet 1986
Rondeau
1 F + œufs
Morte sur la route
25 juin 1966
Rivière Salmon
1
Morte sur la route
27 juillet 1988
Centreville
1
Morte sur le bord d’un
27 juillet 1988
ruisseau
Ivy Lea
1F
Morte sur la route
24 juin 1973
Rivière Thames
1
Morte sur la route
30 avril 1987
PN des
1F
Morte sur la route
15 juillet 1989
Îles-de-la-Baie
Georgienne
Pointe Twelve
1F
Morte sur la route
11 août 1987
O'Clock
Cambellford
1
Morte sur la route
14 août 1987
Sandbanks
1
Tuée à l’aide d’une hache
12 juillet 1987
FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES
Au Canada, les tortues géographiques font face à de nombreuses menaces, mais il
existe peu d’évaluations quantitatives à ce sujet. Comme elles sont à limite
septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce, il est presque certain que, à l’instar
d’autres espèces de tortues vivant au Canada, elles atteignent l’âge de la maturité
beaucoup plus tard et ne se reproduisent sans doute pas avant l’âge d’au moins 12 ans.
Par ailleurs, le taux d’échec de la nidification est certainement élevé en raison des
températures d’incubation relativement basses par rapport à celles que connaissent les
populations vivant plus au sud (Holt, 2000; Flaherty, 1982; Galbraith et al., 1997). De
plus, les tortues géographiques sont peut-être exceptionnellement vulnérables aux
24
attaques de leurs œufs par une mouche sarcophage (Metasarcophaga :
Tripanurga importuna [Walker]) (S. Marshal, comm. pers.). Dans le parc provincial
Rondeau, toutes les tortues géographiques inspectées étaient infestées d’asticots de
cette mouche en 2001 (Gillingwater et Brooks, 2002). Les asticots tuent les embryons et
les jeunes de l’année.
Commerce
L’expansion du commerce international des espèces sauvages a contribué
largement au déclin de nombreuses populations de tortues (Luiff, 1997). Les tortues
n’étant pas des espèces suscitant un grand intérêt, on accorde peu d’importance au
piégeage et au commerce de ces animaux (Galbraith et al., 1997). Même si le
G. geographica n’est pas une espèce populaire dans le commerce des espèces
sauvages (Carr, 1952; Anderson, 1965), sa ressemblance avec plusieurs autres espèces
(tortue pseudogéographique [genre Graptemys], tortues peintes, Pseudemys spp. et
Trachemys spp.) (Conant et Collins, 1991) recherchées comme nourriture et animaux de
compagnie peut représenter un danger pour elle. Aux État-Unis, de 1989 à 1993, les
exportations totales d’espèces du genre Graptemys ont augmenté de 673 tortues/année
à 37 233 tortues/année, et la valeur unitaire a presque triplé (Anon. 1996a). Cette
augmentation énorme du commerce et la difficulté de distinguer les espèces ont été à
l’origine de la proposition d’inclure toutes les espèces du genre Graptemys dans
l’annexe II de la CITES. L’annexe II comprend les espèces qui, bien que non menacées
d’extinction pour le moment, pourraient le devenir si le commerce n’est pas strictement
contrôlé. Elle comprend aussi les espèces qui doivent être réglementées afin de contrôler
efficacement le commerce d’autres espèces actuellement menacées ou susceptibles de
l’être (par exemple en raison de la difficulté de distinguer les spécimens d’espèces
actuellement menacées ou susceptibles de l’être des spécimens d’autres espèces) (U.S.
Fish and Wildlife Service, 1996). On connaît très peu l’incidence du commerce
international sur les populations des Graptemys, mais l’augmentation du nombre de
tortues exportées, combinée à la faible taille des pontes et aux faibles fréquences de
reproduction, est préoccupant.
Empiètement urbain
La plus grande partie de l’aire de répartition de la tortue géographique est située
dans la région la plus densément peuplée du pays, en particulier près des voies
navigables et des lacs les plus utilisés. Par conséquent, l’espèce est régulièrement
exposée aux effets des activités récréatives et de l’aménagement (Gordon et
MacCulloch, 1980; Centre Saint-Laurent, 1996). Les activités récréatives (navigation de
plaisance et baignade) augmentent fortement sur le lac des Deux Montagnes en juillet et
en août. En 1996, on comptait 82 marinas et quais dans la section fluviale du fleuve
Saint-Laurent (Centre Saint-Laurent, 1996). Les activités perturbatrices et la nature
farouche des tortues pourraient contribuer à éloigner les individus d’habitats utilisables.
Au moment de l’étude de Gordon et MacCulloch (1980) sur la population de tortues
géographiques, on prévoyait aménager d’autres baies du lac à des fins récréatives. Or,
50 p. 100 des tortues utilisaient ces baies, qui renfermaient des habitats susceptibles
25
d’être utilisés pour la nidification. En supposant que les activités récréatives sont
effectivement nuisibles aux tortues géographiques, Gordon et MacCulloch (1980)
prévoyaient qu’il ne faudrait pas plus de quinze ans pour que la population devienne
gravement affaiblie.
Les aménagements de tout genre le long des rives peuvent détruire des habitats
importants parce que les tortues font leur nid et se chauffent au soleil dans les zones
sablonneuses à proximité de l’eau. Les femelles pourraient être forcées de se déplacer
pour trouver de bons sites de nidification et se trouver ainsi exposées aux véhicules et
même aux ratons laveurs, plus nombreux près des régions urbaines (Anon. 1996). Même
dans des zones relativement protégées et non développées comme celle du lac Opinicon
dans la région de la station de biologie de la Queen’s University, la construction de
chalets sur les rives, et en particulier sur les îles, détruit des aires de nidification et
entraîne une augmentation de la circulation automobile et du nombre de femelles tuées
sur la route durant la période de nidification (G. Blouin-Demers, S. Holt, M. Gross; comm.
pers., 2002). La construction de barrages peut nuire aux tortues géographiques de
plusieurs façons. Par exemple, la femelle est fidèle à son site de nidification, et la hausse
artificielle des niveaux d’eau peut inonder et détruire des sites de nidification
(Flaherty, 1982). En outre, le nombre de sites de ponte se trouve réduit par la diminution
de l’action des vagues et des crues printanières, qui favorise la colonisation des rives
sablonneuses par la végétation. Enfin, la disparition de rapides réduit la quantité
d’oxygène dissous dans l’eau (voir Biologie - Hibernation) (Centre Saint-Laurent, 1996).
On estime qu’entre 1945 et 1988, 3 240 hectares d’habitat aquatique ont été dégradés
dans la section fluviale par le remblayage, le drainage, l’empiètement et les changements
de débit (Centre Saint-Laurent, 1996). Ces problèmes ont aussi pour effet de réduire les
effectifs des mollusques dont les tortues se nourrissent.
Malgré les projets d’assainissement dans les Grands Lacs, il existe encore
certaines sources de contamination (Anon. 1996). Les Grands Lacs constituent la plus
grande source de pesticides et contribuent pour 40 p. 100 à la charge de polluants du
fleuve Saint-Laurent. Cornwall, Massena et Montréal déversent dans le fleuve
d’importantes quantités de rejets industriels, et l’industrie des pâtes et papiers pollue la
rivière des Outaouais (Bonin et al., 1995). Les rives du lac Saint-François sont fortement
contaminées par les BPC, et on pense que le lac des Deux Montagnes peut constituer
une zone de dépôt et d’accumulation de sédiments contaminés (Centre
Saint-Laurent, 1996). Des études sur les effets des contaminants présents dans le fleuve
Saint-Laurent sur les chélydres serpentines (Chelydra serpentina) ont révélé que de
fortes concentrations d’organochlorés dans les testicules peuvent réduire la viabilité de la
progéniture (Hebert et al., 1993). Les contaminants sont assimilés par les producteurs
primaires et se concentrent d’un niveau trophique à l’autre (Hebert et al., 1993). Pour ce
qui est des tortues géographiques, la consommation d’Unionidés entraînerait
l’accumulation de métaux lourds, d’organochlorés et d’hydrocarbures aromatiques
polycycliques. Malheureusement, les moules zébrées, qui sont devenues plus
nombreuses que les Unionidés et qui sont également consommées par les tortues
géographiques, peuvent renfermer des concentrations de contaminants, en particulier de
mercure, plusieurs fois supérieures à celles mesurées dans les populations d’Unionidés
26
indigènes (Serrouya et al., 1995). De plus, au cours des dernières années (2000-2001),
on a trouvé environ 30 tortues géographiques adultes mortes dans le parc provincial
Rondeau; on ne connaît pas la cause de leur mort (Gillingwater, comm. pers, 2002). Les
ratons laveurs (Procyon lotor) tuent des tortues géographiques de toutes tailles et
mangent une grande partie des œufs pondus (Gillingwater et Brooks, 2002).
Les premiers stades de développement sont souvent les plus sensibles aux effets
toxiques des contaminants de l’environnement. Étant donné que les concentrations de
contaminants dans les tortues adultes augmentent en fonction de l’âge et de la taille, il y
a peut-être une relation entre l’âge ou la taille de la mère et la viabilité des œufs. Les
œufs pondus par les tortues plus vieilles ou plus grosses recevraient la plus grande
charge de produits toxiques et mourraient en plus fortes proportions (Hebert et al., 1993).
Cependant, on ne peut confirmer ou rejeter ces hypothèses, car aucune étude à ce sujet
n’a été faite en ce qui a trait à la tortue géographique.
PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS
En Ontario, les espèces indigènes d’amphibiens et de reptiles sont protégées par la
loi dans les parcs nationaux et provinciaux ainsi que dans les aires de conservation. En
vertu de la Loi de 1997 sur la protection du poisson et de la faune du ministère des
Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO), la tortue géographique est une espèce
spécialement protégée. Il est interdit de chasser, de piéger, de garder en captivité et
d’acheter ou vendre des tortues géographiques, si ce n’est en vertu d’un permis et
conformément aux règlements.
Au Québec, la tortue géographique n’a pas de statut légal en vertu de la loi
provinciale sur la conservation et la mise en valeur de la faune (Loi sur la conservation et
la mise en valeur de la faune, C-61.1), mais elle y est considérée comme sensible. Il est
interdit de déranger, de détruire ou d’endommager ses nids (L.R.Q., chapitre C-61.1,
article 26). La collecte, la garde en captivité et la vente d’individus sont interdites en vertu
du Règlement sur les animaux en captivité (Pierre Aquin, comm. pers.). Le Centre
Saint-Laurent (1996) a attribué un statut prioritaire à la tortue géographique. En 2002,
l’espèce était classée S2 au Québec (Natureserve, 2002).
En 1996, le United States Fish and Wildlife Service a proposé l’ajout du
G. geographica (et de onze autres espèces appartenant au genre) à l’annexe II de la
CITES, en raison de sa ressemblance avec d’autres espèces de Graptemys qui sont
récoltées intensivement aux États-Unis. Deux de ces espèces, le G. pseudogeographica
et le G. ouachitensis, figurent sur la liste des espèces menacées de l’Endangered
Species Act. Le G. nigrinoda est en voie de disparition au Mississippi, et le G. barbouri
est considéré comme vulnérable à l’extinction en Floride (Anon, 1996). Le Secrétariat de
la CITES a rejeté la proposition (Gray, 1997). En 2002, le G. geographica était classé S1
dans trois États, S2 dans trois États, S3 dans quatre États et S4 ou S5 dans huit États
(Natureserve, 2002). La plupart des États dans lesquels l’espèce est classée S1, S2
ou S3 sont situés en bordure de l’aire de répartition du G. geographica.
27
RÉSUMÉ DU RAPPORT DE SITUATION
On ne possède pas de données historiques qui permettraient d’établir si les
effectifs de la tortue géographique sont en déclin, stables ou en croissance. Il nous
manque beaucoup d’information sur les taux de croissance, les taux de mortalité, les
caractéristiques des populations (dont l’âge à la maturité et la longévité), le succès de
reproduction et le potentiel reproducteur. Pour évaluer complètement la situation de
l’espèce, il faudrait obtenir ces informations. De plus, il faudrait mener des études avant
et après impact pour déterminer les effets de l’altération de l’habitat (par exemple dans
le cas de la construction de barrages). Il serait important d’étudier les effets des
contaminants sur l’ontogénie et le succès de reproduction de la tortue géographique en
rapport avec la présence de moules zébrées dans son alimentation. Une surveillance à
long terme visant spécifiquement la tortue géographique ou l’ensemble des espèces de
tortues qui se chauffent au soleil pourrait permettre de répondre à de nombreuses
questions. Des relevés récents ont fourni de bonnes données de référence pour la
surveillance future des populations (voir Bonin, 1998).
Au Canada, plusieurs menaces peuvent causer de graves problèmes à la tortue
géographique. Ces menaces sont les suivantes : a) prédation des œufs par des insectes;
b) disparition d’habitats de nidification et d’exposition au soleil sur les rives; c) présence
de barrages sur des cours d’eau importants, modifiant les niveaux d’eau et l’habitat des
mollusques consommés par l’espèce; d) déclin des Unionidés et accumulation de
contaminants dans ces proies; e) températures basses réduisant le succès de la
nidification; f) mortalité sur les routes; g) cycle vital caractéristique des espèces à
longévité élevée.
Même si on ne peut prouver directement qu’il y ait eu récemment rétrécissement de
l’aire de répartition de la tortue géographique ou disparitions locales, l’importance des
facteurs limitatifs, son cycle vital d’espèce à longévité élevée caractérisé par une maturité
tardive ainsi que les menaces potentielles pesant sur l’espèce et son habitat laissent
penser que ses effectifs sont susceptibles de diminuer. Dans le but de dégager les
tendances démographiques, les populations exposées aux effets de la présence
humaine devraient faire l’objet d’une surveillance. Nous recommandons que la tortue
géographique (Graptemys geographica) soit désignée espèce préoccupante.
28
RÉSUMÉ TECHNIQUE
Graptemys geographica
Tortue géographique
Ontario, Québec
Northern Map Turtle
Information sur la répartition
• Zone d’occurrence (km²)
• Préciser la tendance (en déclin, stable, en expansion,
inconnue).
• Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone
d’occurrence (ordre de grandeur > 1)?
• Zone d’occupation (km²)
• Préciser la tendance (en déclin, stable, en expansion,
inconnue).
• Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone
d’occupation (ordre de grandeur > 1)?
• Nombre d’emplacements existants
• Préciser la tendance du nombre d’emplacements (en
déclin, stable, en croissance, inconnue).
• Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre
d’emplacements existants (ordre de grandeur >1)?
• Tendance de l’habitat : préciser la tendance de l’aire, de l’étendue
ou de la qualité de l’habitat (en déclin, stable, en croissance,
inconnue).
Information sur la population
• Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la
population : indiquer en années, en mois, en jours, etc.).
• Nombre d’individus matures (reproducteurs) au Canada (ou
préciser une gamme de valeurs plausibles).
• Tendance de la population quant au nombre d’individus matures
(en déclin, stable, en croissance ou inconnue).
• S’il y a déclin, % du déclin au cours des
dernières/prochaines dix années ou trois générations,
selon la plus élevée des deux valeurs (ou préciser s’il
s’agit d’une période plus courte).
• Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus
matures (ordre de grandeur > 1)?
• La population totale est-elle très fragmentée (la plupart des individus
se trouvent dans de petites populations relativement isolées
[géographiquement ou autrement] entre lesquelles il y a peu
d’échanges, c.-à-d. migration réussie de < 1 individu/année)?
• Énumérer chaque population et donner le nombre
d’individus matures dans chacune.
•
•
Préciser la tendance du nombre de populations (en déclin,
stable, en croissance, inconnue).
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de
populations (ordre de grandeur > 1)?
29
2
~200,000 km
Probablement en déclin
Non
Inconnue
Probablement en déclin
Non
Inconnu
Probablement en déclin
Non
Aire, étendue et qualité de
l’habitat en déclin
>20 ans
Inconnu
Probablement en déclin
--
-Probablement pas
Baie Rondeau ~200
Riv. des Outaouais ~1000
Saint-Laurent ~1000
Inconnue
Non
Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)
- Destruction ou altération de l’habitat : développement, industrialisation, envasement des voies
navigables en raison de l’agriculture, « assainissement » des bassins hydrographiques, construction
de barrages sur les voies navigables, aménagement des rives entraînant particulièrement la
destruction de sites de nidification.
- Diminution des réserves de nourriture (mollusques).
- Inondation des nids et des sites de nidification dans les voies navigables endiguées et à débit
régularisé.
- Forte prédation des nids par les ratons laveurs et les insectes.
- Bioaccumulation des contaminants de l’environnement.
- Mortalité causée par les véhicules motorisés lorsque les tortues traversent les routes pour gagner
des sites d’hibernation ou utilisent les bords de route pour la nidification.
- Cycle vital d’espèce à longévité élevée caractérisé par une maturité tardive (> 12 ans).
Effet d’une immigration de source externe
Oui
• L’espèce existe-t-elle ailleurs (au Canada ou à l’extérieur)?
Variable
• Statut ou situation des populations de l’extérieur?
Non constatée mais possible
• Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle
possible?
Oui
• Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour
survivre à l’endroit en question?
On ne sait pas.
• Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible pour les
individus immigrants à l’endroit en question?
Analyse quantitative
30
REMERCIEMENTS
Nous remercions Mike Oldham, de l’Ontario Herpetefaunal Summary (OHS) et du
Centre d'information sur le patrimoine naturel (CIPN), ainsi que David Rodrigue, de la
Société d’histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent, qui ont fourni des données
provenant de l’Ontario Herpetofaunal Atlas et de l’Atlas des amphibiens et des reptiles du
Québec. Pierre Aquin, du Service des Habitats du ministère de l’Environnement et de la
Faune, a fourni des publications du gouvernement du Québec, et Joël Bonin, de
l’Université McGill, de l’information récente relative à la situation de la tortue
géographique au Québec. Lara Minium, de l’organisme The Nature Conservancy, a
fourni certains rapports, et Allen Greenbaum, des Toronto Field Naturalists, des numéros
déjà parus du bulletin de l’organisme.
Ce rapport a été financé par le Service canadien de la faune
d’Environnement Canada.
Ron Brooks et Melissa Cameron ont mis en forme l’ébauche et la version finale (2002).
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L’AUTEURE
Bridget Roche a obtenu en 1997 un baccalauréat spécialisé en zoologie à la University
of Guelph. Durant plusieurs étés, elle a travaillé comme assistante de terrain à la
Wildlife Research Station du parc provincial Algonquin, en Ontario, où elle a travaillé sur
les petits mammifères, les amphibiens et les reptiles et rédigé son mémoire de
baccalauréat. À l’automne 1998, elle a commencé une maîtrise en gestion des milieux
humides à la University of Western Ontario, à London.
EXPERTS CONSULTÉS
Roger Bider
Société d’histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent
21125, chemin Sainte-Marie
Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec)
H9X 3L2
Joël Bonin
Musée Redpath, Université McGill
859, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec)
H3A 2K6
Jacques Chabot
Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
Hull (Québec)
Claude Daigle
Ministère de l’Environnement et de la Faune
150, boul. René-Lévesque Est
Québec (Québec)
G1R 4Y1
Scott Gillingwater
Upper Thames River Conservation Authority
London (Ontario)
N5V 5B9
36