La place et le rôle des parents dans l`aventure du sport de haut niveau
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La place et le rôle des parents dans l`aventure du sport de haut niveau
Recueil des Actes Conférence-débat du jeudi 22 mars 2007 Chambre de commerce et d’industrie de Nantes-St Nazaire « La place et le rôle des parents dans l’aventure du sport de haut niveau » SOMMAIRE Introduction de Michel Thomas………………………………………….. Page 3 Présentation des quatre orateurs…………………………………………. Page 4 Préambule de Camille Noblet…………………………………………….. Page 5 Intervention de Michel Rat……………………………………………….. Page 6 Intervention de Danielle Allain…………………………………………... Page 8 Intervention de Françoise Fraisse………………………………………... Page 11 Intervention de Pierre Amardeilh………………………………………... Page 13 Témoignages, questions et conclusion………………………………......... Page 19 Annexes……………………………………………………………………. Page 23 1/Diaporama haut niveau Camille Noblet 2/Document power-point support de l’intervention de Danielle Allain 3/Document power-point support de l’intervention de Françoise Fraisse 4/Articles de presse 2 Tous des éducateurs ? Nous recherchons constamment la qualité dans l’accompagnement des sportifs de haut niveau de notre région. Pour cette recherche de qualité, un certain nombre d’actions sont conduites. L’organisation de cette conférence-débat s’inscrit pleinement dans ce cadre. En effet, la pratique sportive de haut niveau nécessite assurément des qualités physiques et psychologiques mais aussi un investissement sur la durée et une grande motivation. Cette « aventure du haut niveau », un jeune seul ne peut la mener à bien. L’entourage : l’entraîneur, le dirigeant sportif, le médecin, les parents, a donc toute son importance. S’agissant des parents justement, doivent-ils tout contrôler ou au contraire observer « de loin » ? Sont-ils des entraîneurs en puissance ? Et le jeune qui est-il, comment le caractériser ? Quant au haut niveau, comment le défini t-on ? Autant de questions et beaucoup d’autres auxquelles vont essayer de répondre nos quatre invités. Michel THOMAS Directeur régional et départemental de la jeunesse et des sports Des pays de la Loire et de la Loire-Atlantique 3 Présentation des quatre orateurs Michel RAT : Ex international de basket-ball, DTN adjoint et responsable fédéral haut niveau « jeune » à la fédération française de basket-ball. Danielle ALLAIN : Sophrologue. Françoise FRAISSE : Médecin pédiatre à l’INSEP. Pierre AMARDEILH : Directeur départemental de la jeunesse et des sports du Val d’Oise, ancien DTN adjoint à la fédération française de natation, sélectionné aux Jeux Olympiques de Munich en 1972. 4 Préambule : Camille Noblet (chargé de mission sport à la direction régionale de la jeunesse et des sports des pays de la Loire): pour introduire le débat de ce soir et afin de bien « planter le décor », il nous est apparu nécessaire de tenter de s’accorder sur ce que l’on pourrait inscrire autour du thème « haut niveau ». Le sujet de ce soir nous amène à observer le rôle et la place des parents dans l’aventure du sport de haut niveau. Bien évidemment le sport de haut niveau et l’accès au sport de haut niveau, chacun peut les définir à l’aune de son parcours de ses habitudes et de son environnement. Toutefois, pour notre part, même si toutes les formes de pratiques sportives sont légitimes : santé, loisir, compétition, recherche de performance, haut niveau et sans hiérarchie entre elles, il nous faut, pour éviter tout malentendu, définir ce qu’est le haut niveau. Le sport de haut niveau repose en France sur 4 critères principaux : 1. Des disciplines reconnues de haut niveau, par le ministère de tutelle ; 2. Des compétitions de références et elles ne sont pas nombreuses : JO, championnats du monde et championnats d’Europe. 3. Des listes établies par le ministère de la jeunesse et des sports sur proposition des directions techniques fédérales ; 4. Et des filières d’accès au sport de haut niveau définies par les directions techniques fédérales, dans lesquelles existent également des structures de haut niveau. On reconnaît donc à la fois, des sportifs mais également des structures. Le tout validé par une instance de concertation et d’orientation du sport de haut niveau qui est la commission nationale du sport de haut niveau. Quelques chiffres maintenant pour situer les Pays de la Loire dans ce dispositif : il y a, à ce jour, dans notre région, 286 sportifs de haut niveau, 381 espoirs ou partenaires d’entrainement, 7 pôles France, 23 pôles espoirs et 5 centres de formation agréés, ces centres sont rattachés aux clubs professionnels de la région. Voilà la carte qui situe « le maillage » (voir annexe) de ce dispositif de haut niveau dans la région. Je vous propose également ce tableau qui détaille la situation des sportifs de haut niveau de la région (voir annexe) où l’on peut voir qu’entre les collégiens, lycéens et post-bac ou sportifs en formation, nous arrivons à plus de 60% d’individus qui sont ce soir notre « public cible » ! Après ce rappel un peu réglementaire, on peut constater que le haut niveau est qualifié comme l’excellence ou au moins comme la recherche de l’excellence. Pour agrémenter cette notion d’excellence, je vous propose la comparaison suivante : « Le sportif de haut niveau est au sport ce que le virtuose est à la musique », en ce sens qu’il est à la fois l’exemple, l’exemple d’être allé au bout de sa démarche et l’exemple pour les jeunes car l’on sait également que le virtuose comme le sportif de haut niveau participe au rêve des autres et des jeunes en particulier. Accéder au haut niveau suppose un apprentissage, une formation structurée, organisée et validée. Autant de mots que je pense nos intervenants pourront décortiquer au gré de leurs interventions. 5 Le haut niveau c’est donc une stratégie, cela suppose un environnement qui se compose de plusieurs acteurs : entraineurs, médecin, kiné, accompagnateurs, dirigeants et… les parents qui occupent une place particulière, d’où l’intérêt du thème de cette soirée : « La place et le rôle des parents dans l’aventure du sport de haut niveau ». Interventions : Michel Rat : Je ne suis pas là pour faire un cours, bien que je sois enseignant de formation, c’est plutôt un témoignage que je veux apporter ici. D’une part, par rapport à l’expérience professionnelle qui est la mienne avec notamment un passage prolongé à l’INSEP de 1984 à 1999 pour l’encadrement de nos jeunes et la mise en place des pôles régionaux à l’époque avec André Ostric, et d’autre part en ma qualité de parent, puisque j’ai 3 enfants qui ont pratiqué le basket en suivant les filières de haut niveau, d’ailleurs à l’INSEP et en club, et je pense donc pouvoir m’adresser à vous en tant que parent et pas seulement en tant que représentant d’une institution. Comme nous l’a dit Camille tout à l’heure, le thème est bien ciblé, cela concerne une certaine population de jeunes à qui l’on s’adresse, que l’on a repérée, sélectionné pour effectivement entrer dans un parcours vers le haut niveau, vers l’excellence sportive. Dans le monde du basket-ball, qui me concerne plus particulièrement, je voudrais indiquer qu’il y a une influence qui joue énormément de nos jours, c’est la mondialisation et la professionnalisation. Dans le basket, on est imprégné de ces phénomènes et cela a une répercussion sur les représentations des parents mais également sur celles des enfants. La relation parents/enfants peut en être également en ressentir les effets. Le thème s’adresse tout particulièrement aux parents, mais les parents ne sont pas « une réalité homogène ». On constate, et cela est le fruit de l’expérience de plusieurs années, qu’il y a plusieurs types de parents, même si nous ne sommes pas là pour dresser une typologie, on peut remarquer qu’en fonction des origines, de la position sociale, il y a des conséquences sur la place et le rôle que les parents vont jouer auprès de leur enfant. Par exemple, on a beaucoup, dans nos sélections et à l’INSEP en particulier, des jeunes qui sont d’origine africaine, et la relation à la famille n’est pas du tout la même que chez nous. Ainsi l’oncle occupe une place importante, ce qui n’est pas le cas chez nous. Cela juste pour situer l’un de ces aspects. Il y a aussi des parents qui investissent énormément, pensant que celui-ci va faire « une carrière », à l’image de la jeune Sauré ou Edwige Lawson, ou chez les garçons Boris Diaw et Tony Parker, et qui se trompent ! Il y a également des parents qui connaissent le sport de haut niveau et d’autres qui ne le connaissent pas. Il faut donc faire une éducation des parents qui ne savent pas ce qu’est le haut niveau, et qui notamment ne se représentent pas la durée du parcours pour atteindre le haut niveau, qui en basket est au moins de 8 à 10 ans. Ainsi, si l’on sélectionne des jeunes de 12, 13 ans, il faut attendre 22, 23 ans pour qu’ils atteignent la plénitude de leur moyens et soient véritablement des sportifs de haut niveau ! 6 Pour la période qui nous concerne, c'est-à-dire 12, 13 ans jusqu’à 19 ans, les parents ont un rôle à jouer. Nous constatons que certains parents ont un rôle hyper-protecteur ! Tout ce que fait l’enfant doit être connu par les parents et, vis-à-vis de l’encadrement, il y a de fait une pression constante. A l’inverse, il y a des parents qui sont au contraire laxistes et qui laissent véritablement « la bride sur le cou ». Entre ces deux positions extrêmes, le rôle et la place des parents doivent se situer dans un espace dans lequel va s’établir une relation extrêmement forte entre les parents, l’enfant bien évidemment et l’institution, c'est-à-dire l’entraîneur. C’est un triangle qui me semble très important parce que non seulement les parents vont être en relation avec leur enfant, mais ils doivent médier cette relation par rapport à l’entraineur et à l’institution. Cela est d’autant plus vrai en basket-ball que notre formation repose sur notre formation fédérale dans sa phase initiale, dans les pôles et en amont des pôles chez les benjamins. A ces différentes étapes, des relations doivent s’établir pour que l’on fasse en sorte de préserver le « souci éducatif » qui vise, et cela me semble très important, à respecter l’intégrité physique et morale des jeunes pratiquants dans ce parcours qui est long, chargé d’aléas, dont l’issue est incertaine, et qui va mettre en relation des éducateurs, des techniciens et des parents dans ce parcours qui doit construire un individu qui va peut-être devenir un « performer » , mais qui en même temps sera un citoyen qui aura un « après » sportif. Tout cela devra être fait en gardant la motivation et le plaisir chez le jeune. Autre élément qui m’apparaît important, c’est que le rôle des parents et la place qu’ils doivent tenir doivent évoluer au cours du parcours sportif. On ne peut pas accompagner de la même façon des jeunes de 12/13 ans et de 16/18 ans (J’attire ici votre attention sur la différenciation que l’on peut faire entre fille et garçon. Ainsi il faut être attentif à la relation père/fille et à la relation mère/fils). Nous pouvons dire succinctement qu’il s’agit d’aller du partage, du plaisir et d’un rôle de supporter de l’enfant, pour maintenir une motivation, vers une implication nécessaire des parents pour la période intermédiaire que je situerais entre 15 et 18 ans, nous pourrions même parler d’une collaboration avec les entraîneurs, tout en laissant une part d’autonomie au jeune en faisant notamment en sorte que les choix du jeune soient ses propres choix et non ceux des parents ! Qui pour certains ont « projeté » des choix qui sont les leurs. Ils doivent également savoir rester en dehors des aspects techniques et garder des relations de confiance avec le « coach » ou l’encadrement. Ainsi, dans le cadre de la mondialisation et de la professionnalisation que j’évoquais au début de mon intervention, nous avons constaté à l’INSEP notamment, qu’au sortir de leur formation les jeunes étaient contactés très rapidement par des agents et/ ou des « marchands d’illusions », même en pleine nuit pour que le jeune vienne jouer dans tel ou tel championnat. Cette situation nous a contraint à élaborer un règlement à ce sujet. Mais, lorsque les parents ont confiance dans le staff technique cela est plus facile à gérer car celui-ci peut les guider, les conseiller dans ce domaine que les parents ne connaissent pas. En conclusion, si l’on considère que les enfants ne sont pas doués « à priori » mais plutôt qu’ils ont des aptitudes, le rôle des parents et de l’institution (je garde mon idée du triangle) est de faire en sorte que le jeune puisse exprimer son potentiel au plus haut niveau, atteindre l’excellence, en sachant qu’ils n’iront pas tous comme Parker, en NBA, mais qu’ils pourront, dans ce cas, exprimer tout de même un potentiel en rapport avec leur capacité. 7 Danielle Allain : Merci, j’ai une expérience qui est beaucoup plus humble que celle de Michel Rat, je n’interviens que sur la région même si dans les Pays de la Loire un certain nombre de sportifs sont de niveau national voir international. Mon métier c’est d’être sophrologue, c'est-à-dire de m’occuper plutôt de la partie mentale et psychologique de l’individu et pas du tout des aspects techniques et purement sportifs. J’interviens généralement plutôt à la demande des entraîneurs des pôles notamment, mais aussi parfois auprès des sportifs à titre individuel quand par exemple ces derniers contactent « jeunesse et sport » à la recherche d’une aide dans ce domaine et que cette institution me faisant confiance, leur communique mes coordonnées. Par conséquent, je vois les jeunes quand ils sont en difficulté, je dirais relationnelle et psychologique. C’est de cette expérience là dont je peux vous faire part. J’ai été amenée suite à ces expériences à réfléchir au sujet des types de relations qui existent entre les entraineurs, les parents et les jeunes et j’ai mené également ma petite enquête auprès des fratries dont on parle peu mais qui ont parfois des choses à dire concernant ces expériences. Fratrie au sein de laquelle évolue un jeune sportif de haut niveau. J’aime bien rappeler dans ce type d’intervention ce que sont un cadet, un junior, un adolescent en général. Voyons d’abord les aspects du développement psychomoteur pour lesquels les professionnels de la santé ici présents pourront apporter des compléments. Les cadets et les juniors sont des adolescents en pleine période de puberté et de croissance qui mobilise beaucoup d’énergie. Cette période est synonyme de beaucoup de modifications hormonales, de prise de poids… Qui créent des modifications également dans les représentations. Ainsi, il peut y avoir des enfants qui sont excellents lorsqu’ils sont benjamins et minimes et qui du fait des modifications vécues à l’adolescence, en particulier au niveau du schéma corporel, ne vont plus du tout avoir le même degré de performance et même de motivation. D’autre part, il y a cette image de soi qui est perturbée, le jeune ne va pas forcément se reconnaître dans son corps, il ne va pas être très bien dans sa peau. A titre d’exemple, les jeunes filles vont être perturbées par leur cycle menstruel si cela tombe au moment d’une compétition. Le jeune va ainsi avoir du mal parfois à accepter ces transformations. Cela peut prendre du temps, mais la saison continue et le jeune pendant ce temps là n’a peut-être pas le rythme biologique qui va suivre. Donc il va chercher à se rassurer dans le regard des autres, de ceux qui l’entourent qui eux aussi sont inquiets. Ainsi, dans ces cas là on ne sait plus très bien qui va pouvoir rassurer qui ! A cet âge là aussi, le jeune va acquérir un raisonnement qui va être basé sur l’expérience. Vous savez très bien qu’à cet âge lorsque l’on dit au jeune : « crois en mon expérience », cela a peu d’impact et le jeune va chercher à vérifier par lui-même et expérimenter pour lui, pour se retrouver dans sa propre expérience, ce qui peut parfois engendrer des tensions car les parents vont également penser que l’entraineur n’agit pas comme il le devrait. Et puis à cet âge le jeune commence à acquérir toutes les notions d’abstraction et de conceptualisation. Par exemple, il commence à comprendre vers 16 ans que s’il travaille au début de la saison il en récoltera les fruits en fin de saison. A 12/13 ans c’est loin d’être acquis : « 6 mois ! C’est quand ça ! » Pour une compétition dans 8 jours il va se mobiliser mais pour dans 6 mois ? Concernant le développement psycho affectif, le jeune va presque systématiquement refuser un certain nombre de demandes. Alors que pour atteindre l’excellence on va plutôt se situer dans les composantes : « discipline » « rigueur » « obéissance ». 8 On lui demande la même chose dans le domaine scolaire et on voudrait aussi qu’il soit gentil avec sa famille, ses amis et tous ses coéquipiers. Par conséquent il revendique à un certain moment qu’effectivement il n’a pas besoin de l’adulte, il sait ! L’adolescent a besoin de discuter de piailler, de pinailler… De chercher à comprendre, cela peut durer dans la séance, il va parfois chercher à négocier, ce qui peut aussi conduire parfois à des conduites d’évitement. Le miroir des autres est aussi particulièrement présent dans les sports à risques où il va y avoir des compétitions d’image, c’est notamment vrai pour les jeunes filles en natation synchronisée, en gymnastique, mais également dans les sports à catégories de poids où les jeunes peuvent démarrer l’année dans une certaine catégorie et être obligés d’en changer à cause des évolutions de leur corps. De plus, cette période correspond aussi pour le jeune à la construction d’un projet de vie. Peut-être voudra t-il être un professionnel dans son sport ou bien un technicien du sport ou bien encore complètement autre chose et du coup, il peut commencer à remettre en question son investissement dans le sport. Mais comme il est en quelque sorte pris dans un engrenage, il n’ose pas forcément s’exprimer au risque de décevoir toutes les projections que les adultes avaient pu placer sur lui, cette situation peut-être source alors de tension avec l’entourage. Nous arrivons maintenant à l’aspect de la socialisation. Là, vous l’avez tous constaté, c’est un peu l’âge des ruptures : quelques fois avec le milieu sportif, le milieu scolaire, et il a envie de se libérer de tout ça car il veut vivre des aventures plus personnelles, plus amoureuses ! Il peu y avoir un décalage entre l’investissement de l’adulte et du jeune « qui s’investit ailleurs » à cette période. L’affirmation de soi : « de quoi suis-je capable ? » Ici la performance va permettre de valider alors que la contre-performance va être source d’angoisse pour le jeune. Il va essayer de se construire une idéologie, un certain idéal qui n’est plus forcément l’idéal des parents ! Alors dans tout ça, je vais plutôt alerter les parents sur les signes de « mal être » parce qu’effectivement l’entraineur va voir une certaine facette du jeune et les parents une autre. Il y a donc là un grand travail de vigilance, de grande attention à réaliser. Cette période n’est déjà pas simple à gérer pour les parents d’enfants qui ne sont pas dans l’excellence alors pour ceux qui sont dans l’aventure du haut niveau ! La vigilance doit notamment s’exercer à propos de toutes les plaintes que l’enfant va manifester. Le jeune va répéter ses plaintes, il va y avoir des « choses » que même le diagnostic médical ne révèlera pas. On peut constater également une perte des repères chez le jeune : il arrive souvent en retard alors qu’il ne l’était pas, il va oublier, il va tomber, il va se blesser (schéma corporel). Des modifications du sommeil peuvent également à cette période être constatées, mais quand ces jeunes sont en internat, cela n’est pas visible tout de suite. Une modification des comportements alimentaires peut apparaître : certains qui mangeaient à peu près de tout vont commencer à grignoter, à chipoter, à ne plus vouloir tel ou tel type d’aliment…Attention ! Ce sont là aussi des signaux. L’agressivité peut également être un signal à prendre en compte. Ce n’est pas un signal qui va être intéressant mais plusieurs signaux. Les motivations peuvent aussi évoluer : souhait d’arrêter son sport, de passer à un autre. 9 Enfin, les conduites d’évitement apparaissent : « je voulais venir mais je n’ai pas pu, je n’ai pas entendu ce que tu as dit… » Comment réagir face à toutes ces conduites et attitudes ? N’oubliez pas, même si vous avez pratiqué le sport et le sport de haut niveau, vous n’êtes pas l’entraineur de l’enfant ! Car sinon 2 modèles peuvent s’affronter : celui des parents et celui de l’entraineur. « Je ne veux plus ressembler à mon père mais à mon entraineur ! » Attention à cette histoire d’identification ! En tant que parent vous n’avez pas à prendre parti pour ou contre : ce n’est ni le club ni l’entraineur ni le jeune qui a raison ! Pensez par conséquent à prendre du recul et à être plutôt dans le calme vous-même. Et puis, à mon sens, la seule fonction que vous pouvez avoir, vous, parents, dans le contexte du haut niveau, c’est de rassurer le jeune, de l’encourager et de le valoriser. C’est le boulot de l’entraineur de dire au jeune : « Là je ne suis pas d’accord, ce n’est pas bien ce que tu as fait, ton geste technique, ton comportement » Comment le jeune va pouvoir trouver son équilibre ? Il faut réussir à établir un équilibre entre nos compétences, naturelles et/ou développées, et le défi que l’on se fixe ou qui nous est imposé (la compétition). Le plaisir viendra de cet équilibre. Un déséquilibre à ce niveau (pas assez de compétences, trop de « défi », « la barre est trop haute ») sera synonyme d’anxiété ou d’ennui, de démotivation, si les compétences sont trop fortes et/ou le défi trop faible. Le parent qui est « à l’extérieur » peut le percevoir. La question qui moi m’interpelle dans tout çà, c’est : « A qui est ce rêve d’excellence, ce rêve de haut niveau ? » Si c’est le rêve du parent alors oui le jeune va bien vouloir faire plaisir pendant un certain temps, mais à un moment donné, il ne pourra plus, car ce n’est pas son rêve. Je vous rassure, on constate ce type de problème dans les familles d’artistes, les familles du cirque par exemple, dans le monde de l’entreprise également. Et en même temps, j’ai envie de m’adresser aux jeunes qui sont ici pour leur dire que : « Quand vous êtes d’accord avec vous-même, que c’est vraiment VOTRE rêve alors allez y! » Cette phrase est de Saint Exupéry ! 10 Françoise Fraisse : Avant d’être un sportif de haut niveau, un enfant va faire du sport, je vais donc vous parler des pratiques sportives de l’enfant et de l’adolescent. Pourquoi des pratiques sportives ? 1. Parce que l’enfant est un grand producteur de mouvement, vous avez tous vu une cours de récréation d’école maternelle par exemple. 2. Et parce que les fédérations développent leurs pratiques et leur avenir repose sur le plus grand nombre d’espoirs. Petits rappels : • Dans les fédérations olympiques les licences des moins de 19 ans occupent la plus grande place par rapport au nombre total de licenciés. Les fédérations les plus jeunes sont le football, le tennis, le judo, le basket… • Les droits de l’enfant dans le sport (Union européenne) : on a le droit de faire du sport, de s’amuser, de jouer, de bénéficier d’un milieu sain, d’être traité avec dignité, d’être entouré par des personnes compétentes, de faire un entrainement adapté à ses capacités, de se mesurer à d’autres jeunes qui ont à peu près le même niveau dans des compétitions adaptées, de pratiquer le sport en toute sécurité et aussi d’avoir le droit de se reposer. • L’enfant a également le droit de ne pas être un champion ! C’est un point qu’il me semble bon de rappeler aux parents. Le haut niveau en sport repose sur des critères qui nous ont été présentés en introduction. Toutefois on peut ne pas être un sportif sur listes ministérielles et pratiquer de manière intensive. Cela me semble important, car lorsque l’on est un enfant et que l’on s’entraine plus de 10 heures par semaine, on a besoin d’une surveillance particulière, on a besoin d’un examen précompétitif complet chez un médecin qui va prendre le temps d’interroger. Cet entretien doit d’ailleurs occuper plus de 60% du temps lors de la visite chez l’enfant. Les parents doivent être informés de ce qu’est un entrainement sportif intensif chez l’enfant, les entraineurs aussi. La scolarité, l’hygiène de vie doivent être surveillées. Les parents doivent savoir ce qu’est le dopage, les enfants aussi. Tout cet entrainement sportif intensif où il y a des sportifs de haut niveau mais où il y a également des sportifs en devenir qui s’entrainent aussi 10, 20 heures par semaine. Alors, l’enfant sportif a deux spécificités, comme l’a rappelé Danielle Allain : • • Il est en croissance, il n’est pas stable comme nous les adultes, il grandit, aussi bien sur les plans physique que psychique, psychomoteur et psychologique. C’est ce que l’on nomme la croissance. Et il a des parents ! Chez les jeunes également je tiens a rappeler, après vingt années passées à l’INSEP en m’intéressant plus particulièrement aux jeunes, que lorsque l’on effectue des tests physiques par exemple pour celles et ceux qui sont nés en 1993, il faut prendre en compte le mois de naissance. En effet, entre celui qui est né en janvier et celui qui est né en décembre le décalage de taille peut par exemple être important et cela est à prendre en compte pour 11 apprécier le potentiel d’un enfant. Sinon nous pourrons toujours trouver les mêmes jeunes sélectionnés car ils sont nés dans le premier trimestre de l’année et ils auront donc le meilleur encadrement, les meilleures conditions. La vitesse de croissance est également quelque chose qu’il faut connaître : on constate un pic de croissance qui se situe en moyenne à 13 ans. Mais des garçons n’auront ce pic de croissance que vers 16 ans, entrainant là encore un décalage avec leurs copains. Pour les filles, ce pic a lieu plutôt. Ainsi, par exemple, les professeurs vont constater en classe de 4ème que des « grandes » filles se maquillent déjà ou bien portent le string (ce qui est interdit) alors que certains « petits » garçons jouent encore aux billes ! Il faut donc connaître ces différences et Michel Rat le sait très bien et peut en témoigner : en basket les cadettes de l’INSEP ont toutes fini de grandir…ce sont des adultes. Elles jouent en nationale II et les juniors en nationale I. Chez les garçons, ce n’est pas du tout la même chose, ces derniers évoluent dans des catégories en dessous. Ainsi l’équipe cadette de l’INSEP est compétitive sur le plan senior, les garçons pas du tout. Par conséquent pour les politiques de détection il ne faut pas avoir le même raisonnement pour les filles et les garçons. Les parents doivent aussi avoir connaissance de ce phénomène. Autre point important : « la douleur », un enfant ne doit pas faire du sport s’il a mal ! Concernant l’alimentation, il faut rappeler qu’un enfant a le droit de manger le matin, de prendre un gouter, de boire à l’entrainement « Un enfant qui ne boit pas à l’entrainement, c’est une catastrophe ! » L’alimentation doit apporter du calcium (les laitages) mais aussi des vitamines, la vitamine D par exemple est essentielle surtout pour celles et ceux qui pratiquent en intérieur (pas de soleil). A titre d’exemple, la fédération française de tennis à mis en place un programme « La bonne attitude » la bonne attitude des parents, des entraineurs. Un parent doit savoir quel est son rôle. La fédération a donc édité un « guide » de bonne conduite pour les parents mais aussi pour les entraineurs qui parfois disent : « les parents, on en a « ras le bol » », mais si vous n’avez pas les parents, vous n’aurez jamais les gamins. Qui accompagne les enfants à l’entrainement ? Qui les accompagne au match ? Qui va tenir la buvette ? Les parents ! Ils sont donc indispensables. Mais chacun à sa place comme il a été dit tout à l’heure. 12 Pierre Amardeilh : Je vais essayer de vous faire partager ce soir à travers mon intervention des réflexions tout à fait personnelles qui découlent, en fait, d’une part de l’intensité de la pratique sportive dans laquelle je me suis investi presque corps et âme pendant des années et, d’autre part, de la distance qu’en même temps, grâce, je pense, à mes études universitaires de lettres classiques, j’ai réussi à prendre par rapport à cette même pratique. Dans un premier temps je me suis posé la question, à la lecture de l’intitulé du colloque, de savoir si la place et le rôle des parents pour un jeune qui s’oriente vers le haut niveau doivent être foncièrement différents de ceux de tout parent. Je me suis répondu que non, et je pense que dans la mesure où le rôle des parents consiste à assumer l’éducation de leurs enfants, je ne pense pas qu’il doive y avoir une différence entre les uns et les autres, entre celui qui vise une performance de haut niveau en sport (l’excellence sportive) et celui pour qui les parents souhaitent juste en faire un individu éduqué, bien dans sa tête et insérable dans la société. En revanche, ce que j’ai noté : • • c’est que cette recherche de l’excellence peut, peut-être, permettre de mieux mettre en évidence les apprentissages qui sont normalement inhérents à toute bonne éducation qui doit viser l’autonomie de l’individu. qu’une corrélation peut s’établir entre la recherche de la performance et la capacité du jeune à conquérir cette autonomie, son autonomie. Je pense en effet, qu’à un degré donné d’autonomie personnelle correspond pour chacun un certain niveau de performance et vice et versa. C'est-à-dire qu’un certain niveau de performance est révélateur du degré d’autonomie qui lui correspond. Ainsi, on peut arriver à son propre niveau maximum de performance sans être sportif de haut niveau, sans être un champion, mais non pas, sans avoir atteint un degré élevé d’autonomie. Je dois donc répondre à la double question (c’est un peu prétentieux de ma part) Qu’est-ce qu’une bonne éducation ? Et pourquoi cette bonne éducation garantirait-elle la meilleure performance possible ? Pour cela je vais évoquer rapidement et de manière inégale et sans aucune hiérarchie (de toute façon elles sont interdépendantes les unes des autres) 5 notions qui me paraissent importantes en matière d’éducation et qui je pense doivent faire de la part des parents et des autres personnes (entraineurs, dirigeants…) pour leurs enfants l’objet, à mon avis, d’un apprentissage sérieux et attentif. Juste un petit préalable, vous verrez que j’utilise de temps en temps l’étymologie, c’est ma formation universitaire qui ressort ! Je commence justement par l’étymologie du mot étymologie : « etumos » veut dire la vérité, « logos » c’est le verbe, la raison, la logique, donc cela signifie la vérité des mots et j’ai la faiblesse de penser que souvent la vérité des mots peut nous désigner la vérité des choses. La première notion que je voudrai développer, c’est : « l’apprentissage de la règle ». Pour bien faire la différence, je vais distinguer 2 types de règles, parce que je pense qu’il y a un aspect important à prendre en compte avec les jeunes d’aujourd’hui. 13 1. Il y a les règles qui ont un caractère légal, qui découlent de la loi. 2. Et puis il y a les règles qui ont un caractère normatif, qui découlent des normes. A dessein, je vais prendre un exemple en matière vestimentaire : qu’elle est la règle légale en matière vestimentaire ? Il ne faut pas se promener tout nu ! Après vous vous habillez exactement comme vous le souhaitez. La norme quant à elle dans le domaine vestimentaire c’est la mode. Eh bien là, contrairement à ce qui se passe dans un cadre légal, vous êtes obligé, si vous voulez être « tendance » comme on dit, de porter tel vêtement, telle marque, telle longueur, telle couleur, telle casquette avec même normé, le sens du port de la casquette…Tout est réglé, règlementé, il n’y a plus aucune initiative, vous êtes emprisonné, il n’y a aucune liberté ! En sport, nous évidemment, nous ne sommes pas dans la règle normative, nous sommes plutôt dans la règle légale. Si je prends l’exemple du football, il y a le terrain délimité avec des règles : interdiction de faire des tacles par derrière…Mais vous pouvez inventer toutes les combinaisons que vous voulez : le 442, 424, passer par les ailes le centre… L’objectif étant de marquer un but. Donc, la règle légale c’est la liberté, c’est la possibilité de s’exprimer dans un cadre préalablement posé. Si des enfants, à rebours, sont constamment préoccupés par la consommation, le paraître, l’avoir, soumis à la publicité, aux médias, au groupe, ils ne prendront jamais l’habitude de prendre d’initiatives dans le cadre en question et en grandissant ils auront encore plus de difficulté à prendre ce cadre sur leurs épaules, ils en seront incapables ! Enfermés en permanence dans les normes, ils auront été élevés à l’école de l’asservissement. Obnubilés par l’avoir et le paraître, ils deviendront tout à fait impuissants « à faire ».Or Le faire est pourtant la manifestation de l’être. Le règne de l’avoir et du paraître entraine la déchéance de « l’être » et du « faire ». Je pense donc qu’il faut en permanence chez les jeunes mettre en valeur le « faire » et « l’être » et non « l’avoir » et « le paraître ». Il faut montrer constamment aux jeunes et aux enfants, que ce soit les parents, les éducateurs, son incompréhension pour le temps qui est perdu à se préparer à paraître, à montrer ostensiblement ce que l’on possède au lieu de faire : « de s’entrainer, de travailler » dans le gymnase, sur le stade, à la piscine ou à l’école, notamment de travailler sur son être et moi je pense que le sport et plus particulièrement le sport de haut niveau, consiste à réaliser un énorme travail sur soi pour parvenir à faire des performances ! L’intérieur du cadre que délimitent les règles légales doit être le lieu du « faire » et de l’action sur soi même. Ainsi, il est possible de s’exprimer, d’affirmer ses capacités et ses habiletés, d’affirmer sa liberté. Il faut donc, à l’intérieur de ce cadre, éviter de tout prescrire. Il ne faut pas être, les parents notamment mais aussi les entraineurs, tout le temps « sur le dos » des jeunes et des athlètes, il faut leur laisser, à partir du moment où le cadre n’est pas brisé ou contesté, faire leurs erreurs, essayer, se tromper, recommencer. 14 En fait, il y a 3 cadres importants pour les jeunes : 1. le cadre de l’école ; 2. le cadre de l’entrainement ; 3. le cadre de la maison. Chacun est responsable de son cadre, chacun des groupes d’adultes veille au respect du cadre. Mais à l’intérieur de celui-ci il faut susciter l’initiative et la liberté. Il faut que l’activité soit son affaire « son truc à lui », il ne faut pas que les parents et même l’entraineur, les dirigeants fassent du sport par procuration « à la place de ». Je vous rappelle que le but de tout éducateur : parent, entraineur, président de club, responsable de pôle… C’est de devenir inutile. C’est cela l’objectif premier ! Et ce n’est pas la performance ! La performance n’étant qu’un moyen pour obtenir l’autonomie de l’intéressé. Car si vous êtes sans cesse derrière lui, sans lui laisser d’initiative, vous n’obtiendrez par la performance qu’il pourrait atteindre autrement. J’y reviendrai. Il faut donc travailler à cultiver l’indépendance du jeune et il faut préserver cet équilibre entre le cadre que j’ai décrit et la liberté, au point qu’à un moment donné le cadre sera pris en charge par l’intéressé lui-même. C’est le passage de l’hétéronomie à l’autonomie : « hétéros » c’est l’autre, « nomos », c’est la loi, la règle, c’est donc l’autre qui dit ce que vous devez faire, quand les enfants sont jeunes notamment. A l’opposé, « autos » signifie soi même. Donc, je suis autonome signifie que je suis capable moi-même de me fixer des règles et de m’imposer les contraintes nécessaires pour réussir éventuellement au plus haut niveau. En effet, les contraintes du haut niveau sont telles aujourd’hui que seul l’athlète lui-même peut décider de se les imposer. Ce qui me fait penser à la belle phrase de Jean-Jacques Rousseau dans le contrat social : « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ! » Eh oui ! C’est cela qu’il faut expliquer aux jeunes : L’obéissance a un rapport direct avec la liberté. C’est ici le « s’ » qui donne toute son importance à la phrase, c’est le pronom personnel réfléchi, il signifie « soi-même » comme le « auto » de tout à l’heure : moi-même je décide d’obéir à la règle, de m’imposer telle ou telle contrainte, et c’est ainsi que je construis et que j’affirme ma liberté. Ainsi, j’enfonce le clou : plus je veux réussir à haut niveau, plus fortes sont les contraintes, plus il faut « serrer les boulons », nous le savons bien. Donc plus grande est l’autonomie au sens étymologique du terme, ce qui revient à dire que : «Plus je me contrains plus je deviens libre! » et par opposition : « Moins je me contrains, plus je m’asservis ». Pour que cela puisse se réaliser, au départ au moins, il faut qu’il y ait des adultes qui soient là, qui garantissent et qui incarnent ce cadre, cette « autorité » telle est la deuxième notion que je vais évoquer, ce terme est presque « un gros mot », c’est vrai plus personne aujourd’hui n’ose parler d’autorité, il est préférable d’employer (comme le suggère Mendel) le terme : « fermeté ». Pour moi c’est exactement la même chose ! 15 Si je repasse par l’étymologie : l’autorité cela vient d’un verbe latin « augéo » qui veut dire augmenter, croitre, faire grandir, donc avoir de l’autorité sur quelqu’un cela signifie : « permettre à l’intéressé de grandir, de s’élever (d’où le mot élève à l’école) » Bien évidemment, il ne faut pas confondre autoritarisme et autorité, c’est un truisme, mais je le rappelle quand même. Par conséquent un enfant, il a besoin de quoi ? De repères, de règles, de cadre, mais à proportions équivalentes, il a besoin d’attention, d’affection et d’amour. Il ne faut pas qu’il y ait l’un sans l’autre. L’amour sans autorité vous allez former de « la guimauve » et de l’autorité sans amour c’est de l’autoritarisme qui écrase la personnalité de l’individu. Il est donc nécessaire pour les parents de ménager un équilibre entre tendresse et exigence, entre affection et rigueur. La troisième notion que je souhaite aborder est « le nécessaire apprentissage du réel ». En effet je crois que si l’on veut être bien éduqué et en plus être efficace dans l’aventure du haut niveau, je crois qu’il faut apprendre à se confronter au réel. Les anciens disaient : « la nécessité », la nécessité c’est quoi ? C’est ce qui est inévitable ! Quel est, quand on pratique le sport et notamment à haut niveau, la première chose qui est inévitable ? Et bien c’est soi même ! A titre d’exemple, moi qui suis plutôt petit, « j’étais un nain en équipe de France », c’est difficile à supporter. Un jour j’ai fait pleurer ma mère car en rentrant d’une compétition où je m’étais fait battre par un plus grand, je lui ai dit qu’elle nous avait fait « nains » mon frère et moi…Voila, il faut s’accepter avec ses qualités et ses défauts. Et si l’on n’est pas capable de faire le bilan de ses qualités et de ses défauts et cela même pour l’entraineur vis-à-vis de son athlète, il sera alors difficile de faire un planning, une programmation d’entrainement en travaillant tel ou tel point faible ou fort… Vous voyez nous ne sommes pas loin de Socrate : « connais-toi toi-même » Ensuite qu’y a-t-il d’autre d’inévitable ? Le cadre de la pratique, les règles, l’arbitre, et tout cela n’est pas discutable. Si vous ne l’acceptez pas vous allez faire autre chose ! Autre nécessité : les entrainements, il faut s’entrainer, répéter, passer par une certaine intensité…Cela est également inévitable. Il faut également accepter l’adversaire, on ne les choisit pas. Il faut accepter le calendrier, si l’on est malade le jour de la compétition, il n’y a pas de cession de rattrapage ! Nous sommes donc confrontés à une suite de rendez-vous connus à l’avance et auxquels il faut se préparer et auxquels nous ne pouvons pas échapper. Alors en poussant un peu plus loin, quel est le rendez-vous des rendez-vous ? Qu’elle est la forme absolue de la nécessité ? Qu’elle est la figure achevée du destin ? Le « truc » incontournable pour nous tous ? C’est la mort ! Sommes-nous en Bretagne ici ? Brouhaha dans la salle, « non, non ! » Par ce que en grec « nécessité » se dit « Anankè » et la mort en Bretagne se dit « Ankou ». C’est en fait la même origine étymologique. 16 Pratiquer le sport de haut niveau constitue donc un sommet de l’éducation. En effet, éducation vient du latin « ex ducere », qui signifie « conduire hors de ». C’est celui qui est capable de sortir du cocon où il était protégé quand il était petit… Et qui est capable tout seul d’affronter le monde, le réel, la mort. Par conséquent, je pense que la compétition de haut niveau, avec les énormes contraintes qu’elle impose à l’athlète et que l’athlète s’impose lui-même après, est un moyen privilégié pour peu à peu apprendre à se confronter au réel et, en fait, à apprivoiser la mort. Au départ de ce parcours, il faut aider les jeunes, les soutenir, les accompagner, il faut leur apprendre à accepter les échecs, car on ne gagne pas tout le temps. Et peu à peu ils doivent être capable tout seul de faire face à ce type de difficultés. Quatrième notion qui me semble importante et inévitable c’est : « l’apprentissage d’une technique » qui reste la seule façon que l’on a d’affronter le réel et de s’imposer, au moins provisoirement, vis-à-vis de ce dernier. A titre d’exemple le sculpteur qui se retrouve devant un bloc de pierre informe, va créer avec sa technique et à l’aide d’outils une forme, il va s’exprimer avec la contrainte terrible de travailler ce bloc de pierre et de risquer même d’avoir à tout recommencer s’il donne un coup de travers. Même chose pour l’écrivain avec les mots, le pianiste avec les notes et le solfège. La maitrise de la technique est donc la condition de la création et l’affirmation de sa liberté ! Et je crois qu’il faut insister là-dessus, auprès des jeunes, car au début ce n’est pas rigolo ! Il faut éviter de laisser les enfants « zapper », il faut donc les contraindre un peu. Moi même j’ai eu quelques difficultés dans l’apprentissage de la lecture, j’étais peut-être un peu dyslexique…Mais je me souviens que quelques claques de mon père ont fait disparaître cette naissante dyslexie ! Il faut donc parvenir à faire comprendre aux enfants que si c’est embêtant au début c’est agréable après. Le plaisir n’est pas immédiat, le plaisir est différé. Ainsi apprendre à lire c’est casse pieds, mais lorsque l’on maitrise la lecture, on peut prendre un terrible plaisir à lire des romans, des poèmes, des essais. Je note par conséquent, qu’il faut toujours être équilibré, tout le temps : entre rigueur et affection, entre liberté et cadre, entre plaisir et difficulté… Cinquième et dernière notion. Il ne vous a pas échappé que l’apprentissage de la technique ne peut se faire que par le travail. Ce terme est d’ailleurs un peu un « gros mot » dans notre société. Etymologiquement le mot « travail » vient de « tri » qui signifie trois et « pallium » qui signifie le pieu (c’était un instrument de torture composé de trois pieux utilisé sous l’empire Romain pour attacher les condamnés). Ce n’est effectivement pas agréable. Mais à travers le travail, comme j’ai essayé de vous l’expliquer, finalement on se construit, on peut prendre du plaisir, quand on maitrise son sujet, on parvient à s’exprimer, à créer des choses et je pense finalement que c’est ainsi que l’on peut le mieux se réaliser. 17 Si j’essaie de conclure maintenant mes propos, le plus autonome c’est celui qui parviendra par le travail, l’effort, la technique…A tirer la quintessence de lui-même et en fait à réaliser la meilleure performance sportive, artistique, professionnelle possible. Ce n’est donc pas le résultat, la performance, le classement qui sont le véritable objectif, notamment quand on s’occupe de jeunes, ce sont les moyens et les apprentissages que je viens d’évoquer qui doivent l’être et qui doivent permettre par la suite d’atteindre la performance. Si vous mettez en premier objectif la performance, vous allez automatiquement oublier tout ce qu’il faut faire pour y parvenir. Il faut, par conséquent, chez les parents, les éducateurs, les entraineurs faire une révolution intellectuelle : il faut inverser la donne. L’objectif, que sont normalement les résultats, n’est que le moyen de mettre en œuvre les moyens qui deviennent eux même le véritable objectif. A titre d’exemple, dans mon sport la natation on voit des entraineurs chronométrer des enfants de 12 ans sur 25 mètres au centième près et leur dire: « ah, tu as fait 1 centième moins bien que la dernière fois », mais qu’est-ce qu’on en a à faire ??? Ce n’est pas l’objectif. L’objectif c’est qu’il nage bien, qu’il écoute ce qu’on lui dit à l’entrainement, qu’il soit poli, qu’il dise bonjour, qu’il range le matériel après la séance… La performance après, si tout ça a été bien construit, sera possible. Si cette « construction » n’a pas eu lieu, la performance ne sera pas jamais possible ! Moi, je fais un appel au paradoxe et à l’intelligence ! En terminale, je me souviens, un professeur m’avait décrit un test d’intelligence : d’un côté d’un long grillage on plaçait de la nourriture et de l’autre un animal. L’expérimentation commençait avec une poule qui cognait contre le grillage pendant une heure pour essayer en vain d’atteindre des graines situées de l’autre côté. Puis on enchainait avec un chien qui, après avoir reniflé le morceau de viande fait le tour dudit grillage et s’empare de la nourriture : le chien est donc bien plus intelligent que la poule (et c’est ça l’intelligence) car il est capable de s’éloigner et de perdre de vue ce sur quoi en réalité il est fixé ! Il faut donc presque oublier la performance pour se concentrer sur les moyens qu’est l’éducation pour pouvoir en réalité l’atteindre. Merci. 18 Les témoignages Laetitia Guesnel : Je fais toujours partie de l’équipe de France de karaté à l’heure actuelle. J’ai eu un parcours un peu particulier car je n’ai pas été détectée enfant ni adolescente, je suis entrée dans la filière du haut niveau à 27 ans, déjà insérée professionnellement depuis 4 années. Mais si je n’étais pas dans la filière du haut niveau, les entrainements et les investissements étaient déjà quasiment du haut niveau ! L’encadrement, ce sont mes parents qui me l’on donné et tout ce qui va avec. Tout c’est débloqué quand j’ai été classée sur ces fameuses listes. L’horizon s’est un peu dégagé avec notamment tout un encadrement derrière. Je dois beaucoup à mes parents qui étaient en quelque sorte « ma structure » Ils me soutenaient scolairement et sportivement. Je laisse la parole à ma mère. Madame Guesnel : En tant que parent de sportif de haut niveau, je peux dire que cette pratique représente un investissement personnel important. L’enfant a des possibilités sportives, nous en sommes très fiers en tant que parent. Mais dans notre cas, nous aurions aimé qu’une structure nous remplace à un moment. Philippe Desnos, responsable du centre de formation du Mans Sarthe Basket : « En effet, à l’âge où les jeunes nous arrivent, je pense que l’on doit quelque part se substituer au rôle de parent. On joue sur l’éducation, on joue sur la scolarité. Il est vrai qu’au Mans on insiste beaucoup là-dessus. Par rapport à l’intervention de Pierre Amardeilh, j’ai pour habitude de penser que le jeune qui va aller « le plus aisément » vers le haut niveau, est souvent un garçon très équilibré. C’est quelqu’un qui a un projet arrêté au niveau de ses études et au niveau sportif également. Sur le plan de l’éducation c’est la même chose, c’est souvent un jeune qui, à l’intérieur du règlement « centre de formation » va plutôt être assez dans les règles. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on ne donne pas sa chance à tout le monde. Je rejoins Michel Rat sur le profil des parents après vingt années d’expérience, je commence un peu à les cataloguer : il y a ceux qui nous confient leur enfant (qui nous les largues carrément !), dans ce cas notre rôle est très important. Inversement on a les familles qui sont très « cocon familial ». Là quelques fois c’est difficile, il y a une limite aussi car le haut niveau c’est de la dureté, en particulier au niveau mental. Donc trouver le juste milieu ce n’est pas toujours évident. Notre rôle, je pense, est très important, je les observe souvent les parents, dans les tribunes par exemple, les parents qui bougent beaucoup dans les tribunes, qui sont là très souvent, parfois trop souvent. C’est normal d’être là lorsque l’on joue à domicile, mais à l’extérieur si il y a beaucoup de kilomètres à faire ce n’est pas nécessaire, c’est même trop ! Ici, nous ne sommes pas loin du parent mi entraineur, mi agent. Cela nous complique énormément la tâche. Je pense que notre rôle encore est de pouvoir contrôler ces choses là, parce que le jeune lui effectivement est au centre du projet et n’a pas à subir le fait qu’il a des parents très présents ou très absents. Notre rôle donc, est d’observer cette situation et essayer de compenser les excès ou les manques ». 19 Annabelle Piednoir, responsable du pôle espoirs de natation synchronisée d’Angers : « Je me suis retrouvée dans certains propos par rapport a mon expérience d’athlète. Il est vrai qu’aujourd’hui j’ai un autre rôle car j’entraine l’équipe de France minime de natation synchronisée. La particularité de la synchro, c’est que c’est un sport féminin à la fois individuel et d’équipe, un sport d’expression qui demande une pratique précoce. Ce sont donc ces contraintes qui créent le milieu, la performance et les difficultés que l’on peut rencontrer dans la relation : parent, entraineur, sportive. En ce qui me concerne, je suis entrée en pôle espoirs à l’âge de 14 ans et cela a été quelque chose de fort dans ma carrière, dans le sens où je vivais en Normandie et je me suis retrouvé à Aix en Provence. Il y avait donc 800 kilomètres qui séparaient ma cellule familiale de mon nouveau lieu de vie. Ce qui m’a vraiment aidé dans cette situation, c’est que j’avais des parents qui me soutenaient, qui m’accompagnaient s’il y avait des difficultés, des besoins, mais ils savaient ne plus être là quand il n’y avait pas de besoin particulier. L’entraineur jouait son rôle d’écoute, de prise d’indice pour éventuellement informer les parents d’une difficulté particulière. Pour moi, le climat d’écoute, d’accompagnement et de confiance des parents je pense, peut aider le jeune sportif dans son aventure. En tant qu’entraineur, la difficulté est d’avoir un public jeune (13/14 ans) que l’on doit conduire vers le haut niveau sans savoir ce qui va réellement se passer après. On ne peut pas promettre à une jeune qui arrive en collectif équipe de France jeune ou en pôle espoirs qu’elle aura une carrière de haut niveau, par contre elle a un projet personnel et nous devons l’accompagner ainsi que ses parents sur la durée pour construire sa performance. La jeune athlète arrive avec un rêve et notre rôle est d’essayer de lui faire prendre conscience de ses capacités réelles, de ses aptitudes que nous aussi l’on découvre, en tant qu’entraineur, parce qu’elle les développe. Et cela se fait, je le répète, sur la durée, il faut du temps ! ». Quelques questions : Comment trouver sa place lorsque l’on est parent et sportif en même temps, voir entraineur ? Danielle Allain : La place du parent n’a rien à voir avec ses connaissances ou ses compétences en matière de sport… C’est un parent, sa place est donc en dehors de l’entrainement, de l’encadrement sportif ! Si vous intervenez, vous décrédibiliser le cadre. Il n’est pas utile dans ce cas de confier votre enfant à un encadrement. Une dernière question qui fait référence à l’intervention du docteur François Fraisse « ne pas s’entrainer avec la douleur… ». 20 Françoise Fraisse : j’ai été un peu provocatrice car il y a douleur et douleur. La blessure qui résulte d’une chute à l’entrainement par exemple est à prendre en compte, il faut peut-être voir le médecin. Lorsque l’enfant se plaint après l’entrainement : « j’ai mal ici ou la.. » cela peut concerner les cartilages de croissance et cela peut nécessiter un repos. Dans tous les cas la douleur est un signal : il se passe quelque chose ! Danielle Allain : J’ajoute que quelques fois le jeune va oser dire qu’il a mal pace qu’il n’ose pas dire qu’il est mal ! La douleur est audible et compréhensible par tous, un mal être l’est plus difficilement. Frédérique Allaire : Pour « boucler » la thématique de cette soirée, il semble intéressant de demander à un jeune ce qu’il attend de ses parents : Un jeune : On attend de nos parents du soutien, un accompagnement et de savoir nous lâcher quand il le faut ! Michel Thomas : J’avais demandé à Marion Debouche, un peu en guise de synthèse, de repérer quels étaient les mots clefs, alors qu’en est-il ? Marion Debouche : Il y a eu énormément de choses de dites, alors je pense que chacun retiendra ce qu’il voudra de ces interventions, pour ma part je vais juste vous citer quelques adjectifs autour de la notion de parent : accompagnant, supporter, impartial, motivant, affectif, positif, à l’écoute, rassurant, encourageant, rigoureux, valorisant, reposant, disponible, éducateur, vigilant, protecteur (mais pas trop), autoritaire (mais pas trop) ! 21