Edition 2005 - Institut International des Droits de l`Enfant
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Edition 2005 - Institut International des Droits de l`Enfant
Séminaire de Ouagadougou 2004 Michel Lachat Working report 1-2005 ÂGES y SANTÉ y SOCIÉTÉ Séminaire de formation en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique francophone Séminaire de formation en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique francophone Séminaire de Ouagadougou du 29 novembre au 3 décembre 2004 Michel Lachat Avec la collaboration de Sophie Christan et Martine Lachat, stagiaires juristes Working report 1-2005 Organisé par Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF) En collaboration avec L’Institut international des Droits de l’Enfant (IDE) & L’Association Internationale des Magistrats de la Famille et de la Jeunesse (AIMJF) Sous le parrainage du Ministère de la justice du Burkina Faso Séminaire sur la justice des mineurs TABLE DES MATIERES Objectifs du cours Michel LACHAT Président du Tribunal des mineurs du canton de Fribourg, Suisse Directeur de Cours 3 Allocution d’ouverture PD Dr Bernard COMBY Ministre de l’Education, Président de l’Institut international des Droits de l’Enfant Président de l’Institut Universitaire Kurt Boesch, Sion, Suisse 7 Allocution d’ouverture Pasteur NZINAHORA Directeur de la coopération juridique et judiciaire de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie 11 Allocution d’ouverture Boureima BADINI Ministre de la Justice du Burkina Faso 15 La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs : les modèles Christian MAES Avocat Général, Cours d’appel de Gand, Belgique 17 Les articles 37 et 40 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant, du 20 novembre 1989 Oscar D’AMOUR Juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, Canada 33 Règles de Beijing : ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs Oscar D’AMOUR 47 Les grands instruments internationaux en matière de justice des mineurs. Les principes directeurs de Riyad : la prévention Christian MAES 57 Les règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté du 14.12.1990 (dites règles de la Havane ou RPL) Michel LACHAT 69 La Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant : impacts en justice des mineurs Herman ZOUNGRANA Juriste, expert national en droits de l’Enfant, Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la Protection de l’Enfant 79 1 Séminaire sur la justice des mineurs Détention avant jugement Oscar D’AMOUR 85 Cas pratique : cas de défense pénale du mineur en France Laure DESFORGES Avocat au barreau d’Epinal et de Paris, Membre d’ASF 93 Quelques aspects de procédure : les âges d’intervention Christian MAES 95 Les réponses pénales (réponses classiques) Oscar D’AMOUR 107 Les alternatives Michel LACHAT 113 Systèmes de justices dans les pays des conférenciers : Belgique, Canada, France, Suisse 121 Situation des pays africains : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée Conakry, Mali, Maroc, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo 141 Master en droits de l’Enfant Michel LACHAT 189 Bureau des Initiatives pour la Protection de l’Enfant Herman ZOUNGRANA 195 Ateliers 197 Allocution de clôture PD Dr Bernard COMBY 215 Allocution de clôture Pasteur NZINAHORA 217 Allocution de clôture Boureima BADINI 221 Synthèse Michel LACHAT 223 Recommandations 227 Annexes : - Liste des participants - Résultat de l’évaluation 229 237 2 Séminaire sur la justice des mineurs OBJECTIFS DU COURS Michel LACHAT Président du Tribunal des mineurs du canton de Fribourg, Suisse 1. Historique La Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant (CDE) a été promulguée le 20 novembre 1989. Ce texte était et reste fondamental, puisqu’il fixe le statut de l’enfant, considéré non plus comme un adulte en miniature, mais comme une personne à part entière, titulaire de droits qu’il peut exercer de manière autonome. Malgré une ratification accélérée par la quasi totalité des pays de la planète et le déferlement de traités internationaux dans le domaine de l’enfance : • Règles de Beijing sur l’administration de la justice des mineurs (1985), • Charte africaine relative aux droits et à la protection de l’enfant (CADPE en 1990), • Principes de Riyad sur la prévention de la délinquance juvénile (1990), • Règles de la Havane sur les mineurs privés de liberté (1990), • Convention de la Haye sur l’adoption internationale (1993), • Convention interaméricaine sur le trafic international des mineurs (1994), • Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant (1995), toutes ces règles restaient fort peu connues et surtout mal ou pas appliquées. Devant ce constat, l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AIMJF), que je représente en ma qualité de trésorier et dont je vous expliquerai ses défis en cours de semaine, et l’Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB), à Sion/Suisse, représenté par son Président, Monsieur le Docteur Bernard Comby, ont créé, en mai 1995, l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), à Sion/Suisse, qui a pour objectifs la formation et l’information. Brièvement, l’IDE veut : • faire connaître les instruments internationaux pertinents, • permettre aux personnes en charge de leur application de comprendre leur signification pratique, • sensibiliser les personnes actives dans le domaine de la protection de la jeunesse à la question des droits de l’enfant, • inspirer les législateurs nationaux dans toutes les lois touchant le domaine de la jeunesse, • créer une « culture » ou un esprit « Droits de l’Enfant » A cet effet, l’IDE organise chaque année (2ème semaine d’octobre) un séminaire traitant des principaux problèmes liés à l’enfance et à la jeunesse. Cette année, le thème était le trafic des enfants et constituait le 10ème de la série. L’IDE dirige également des séminaires à l’étranger et des cours de formation, tel que celui que nous allons vivre ensemble. Enfin, l’IDE, avec la collaboration étroite de l’Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB), à Sion/Suisse et l’Université de Fribourg/Suisse, est l’initiateur et le moteur de la mise sur pied du premier Executive-Master en droits de l’enfant. Cette nouvelle formation de niveau académique sera présentée dans le cadre de ce séminaire. 3 Séminaire sur la justice des mineurs Pour réaliser ses objectifs ambitieux, l’IDE s’est toujours entouré de partenaires soucieux du bien-être de l’enfant. Un des premiers et principaux collaborateurs africains a été l’Association Tunisienne des Droits de l’Enfant (ATUDE) qui, au fil du temps, est devenu le maillon fort de la chaîne africaine des droits de l’enfant et le détonateur de la mise sur pied d’une série de séminaires de portée internationale sur sol africain. Ainsi, lors d’un séminaire à Yaoundé/Cameroun, en novembre 2001, l’idée d’un cours de formation en justice juvénile pour les magistrats et les personnes actives dans le domaine de droits de l’enfant, a été soulevée par les participants. Cette initiative a été confirmée lors du séminaire de mars 2003, déjà ici à Ouagadougou, sur le thème « Droits de l’Enfant et Exclusion Sociale ». Dès lors, l’IDE et l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), très souvent présente en Afrique et représentée par le Directeur de la coopération juridique et judiciaire, Monsieur Pasteur Nzinahora, ont décidé, avec la collaboration de l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AIMJF), la mise sur pied de ce programme de formation en justice juvénile, qui a été officialisé, le 16 mars 2004, à l’occasion d’un nouveau séminaire à Tunis. 2. Objectifs • • • • • • • permettre la rencontre des acteurs de la justice des mineurs, hors de leur contexte habituel, sensibiliser les participants aux nécessités d’une justice spécifique, attirer leur attention sur les règles minimales existant dans ce domaine au niveau international, les inviter à réfléchir sur les réformes possibles de leur système national, montrer des instruments souhaitables (institutions), expliquer les alternatives à la privation de liberté, aboutir à des recommandations utiles pour les pays concernés. 3. Résultats à obtenir • • • • • • • mise en avant des solutions alternatives ou communautaires, développement de la capacité des personnes de réfléchir et d’intervenir de manière interdisciplinaire, réduction de l’institutionnalisation, prévention de la délinquance juvénile, éveil chez les divers intervenants de la nécessité de respecter les droits de l’enfant, diminution de la stigmatisation pour les affaires de faible importance, diminution du recours à la privation de liberté (avant ou après jugement). 4 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Méthode Pour atteindre ces résultats, le programme prévoit un grand nombre de présentations plénières distillées par une équipe interdisciplinaire d’experts choisis parmi les membres de l’AIMJF : - Un directeur du cours, M. Michel Lachat, Président du Tribunal des Mineurs du canton de Fribourg/Suisse, qui fonctionnera également comme conférencier et animateur d’ateliers ; - Quatre conférencier(e)s/animateur/trice(s) : - Me Laure Desforges, Avocate au Barreau de Paris et d’Epinal/France, membre d’avocats sans frontière ; - M. Oscar d’Amours, Juge coordonnateur à la Cour du Québec/Canada ; - M. Christian Maes, Avocat général près la Cour d’Appel de Gant/Belgique ; - M. Herman Zoungrana, Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la Protection de l’Enfant (BIPE), à Ouagadougou/Burkina Faso. Aux théories succéderont des cas pratiques analysés dans les ateliers et lors de visites d’institutions. Les deux grands thèmes du module sont : • la justice juvénile, ses systèmes et les standards internationaux, • les alternatives et le travail en réseau. Ce module pourrait être suivi d’autres modules plus pratiques, selon l’évaluation qui sera faite au terme de ce présent séminaire. A cet effet, un questionnaire vous sera distribué à la fin de mon intervention. 5. Participation Onze pays de l’Afrique de l’Ouest, soit le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Conakry, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal et le Togo, ainsi que le Maroc, pays de l’Afrique francophone ayant participé activement aux derniers séminaires sur sol africain, ont répondu positivement à l’invitation. La Tunisie, autre pays africain très actif, s’est excusée. Un représentant de chaque pays aura l’occasion de présenter cet après-midi, durant dix minutes, la situation législative nationale. Il remettra sa communication au Directeur du cours d’ici à la fin de la semaine, afin que celle-ci figure dans le rapport de fin de cours au même titre que toutes les interventions. 6. Conclusion « Carpe diem » ou joindre l’utile à l’agréable ! C’est le vœu du Directeur du cours qui souhaite intégrer à ce premier module des événements conviviaux et culturels. Ceux-ci permettront de créer un état d’esprit favorable à la participation et à l’interaction. 5 Séminaire sur la justice des mineurs 6 Séminaire sur la justice des mineurs ALLOCUTION PD Dr Bernard COMBY, a. Ministre de l’Education, Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE) et Président de l’Institut Universitaire Kurt Boesch (IUKB), Sion, Suisse Il y a quelque 5 ans, j’ai lu dans le Journal Le Temps, un quotidien de Suisse francophone, un petit entrefilet portant le titre suivant : BARREAUX. LA GRANDE BRETAGNE RENFORCE LA REPRESSION DES 12-14 ANS. TROISIEME PRISON ANGLAISE POUR ENFANTS. L’article indiquait que l’établissement carcéral, destiné aux enfants de 12 à 14 ans, venait d’ouvrir ses portes à Hassockfield et était prévu pour 40 enfants ; troisième du genre, il était destiné à accueillir des « multirécidivistes ayant violé les précédents régimes de surveillance », expliquant que ces centres constituaient « la pièce maîtresse de la stratégie anti-crime et était l’une des rares initiatives des travaillistes à avoir reçu l’aval des conservateurs ! » Je me suis souvenu alors de la phrase célèbre de Victor Hugo disant : « chaque fois que l’on ouvre une école, on ferme une prison » et me suis dit que, décidément, les proverbes se vidaient de leur substance… Et pourtant, je persiste à penser, à l’instar de Victor Hugo, qu’il vaut mieux ouvrir des écoles que des prisons. Cette stratégie s’avère encore plus importante en Afrique qu’en Europe, où le droit à l’éducation pour tous n’est encore qu’un rêve lointain !… La formation est sans doute le meilleur des remparts contre l’ignorance et contre la violence ! Monsieur le Ministre de la Justice du Burkina Faso, Monsieur le Directeur du Séminaire, Monsieur le Directeur de l’AIF, Madame et Messieurs les Conférenciers, Mesdames et Messieurs les participants, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, En ma qualité de Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), coorganisateur de ce Séminaire avec l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), je suis heureux de vous apporter à tous un très cordial salut. Je tiens à féliciter chaleureusement le Ministère de la Justice du Burkina Faso de nous accueillir dans leur beau pays, qui joue un rôle déterminant dans le cadre de la Francophonie internationale, ayant organisé récemment le Sommet des Chefs d’Etats de la Francophonie. J’adresse mes plus vifs remerciements à l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), par l’intermédiaire de Monsieur Pasteur Nzinahora, Directeur de la Coopération juridique et judiciaire, qui a pris une part active à la mise sur pied de cette 7 Séminaire sur la justice des mineurs importante session de formation en matière de justice juvénile au Burkina Faso, à l’intention de plusieurs pays d’Afrique francophone. Grâce à la précieuse aide de l’AIF, ce Séminaire a pu être organisé. D’ores et déjà, je tiens à exprimer ma grande reconnaissance à tous les intervenants, qui ont accepté de contribuer de manière décisive au succès de ce Séminaire. J’adresse une mention spéciale à Monsieur le Juge Oscar d’Amours, à Monsieur le Procureur Christian Maes ainsi qu’à Madame l’Avocate Laure Desforges, sans oublier Monsieur Herman Zoungrana. J’aimerais également dire à Monsieur le Juge Michel Lachat, Président du Tribunal des Mineurs de l’Etat de Fribourg en Suisse, combien nous apprécions sa collaboration efficace au sein de l’Institut International des Droits de l’Enfant (IDE), dont il est cofondateur. Connaissant votre riche expérience et vos grandes compétences en matière de justice juvénile, nous vous sommes très reconnaissants Monsieur Michel Lachat d’avoir accepté de diriger cet important Séminaire sur la Justice des Mineurs. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Compte tenu de la fragilité de l’enfant et surtout de sa dépendance au monde qui l’entoure, la responsabilité de l’adulte et de la société est lourde de conséquences pour son avenir. Ainsi, quelles que soient ses potentialités, l’influence de son environnement social, culturel et économique peut orienter sa vie future sur la voie du rêve ou sur celle du cauchemar. La paix constitue certainement l’une des conditions prioritaires du respect des droits fondamentaux des citoyens et des droits de l’enfant en particulier. Malheureusement, la violence qui est souvent à l’origine de la rupture d’un état de paix, se manifeste partout à des degrés divers : dans les stades, au travail, à l’école pour ne prendre que ces exemples. En effet, la violence fait partie inhérente de la société et de la vie des gens. Selon Baudry, dans son ouvrage intitulé : « Une sociologie du tragique : Violence au quotidien », on la retrouve sous de multiples formes et dans tous les domaines… Ce n’est pas la violence qui se mue, mais notre rapport à la violence. Par exemple, certaines formes de violence telles que la violence conjugale ou la maltraitance infantile, même si elles ont toujours existé, n’ont pas toujours été perçues comme telles. Si l’on se réfère à de nombreux articles de journaux traitant du thème de la violence, on aurait tendance à croire que le phénomène de la violence prend des aspects démesurés. Et pourtant, la violence des jeunes n’est pas un phénomène nouveau lié à notre société de consommation. En réalité, des actes de violence juvénile ayant des conséquences graves restent rares, malgré quelques affaires spectaculaires qui émeuvent l’opinion publique… Faire une obsession de la violence des jeunes contre leurs pairs cache un phénomène beaucoup plus destructeur et dramatique : celui de la violence des jeunes contre eux-mêmes. La violence contre soi peut revêtir différentes formes : celles de la déprime ou de la dépression, de l’anorexie et du suicide. Les adolescents ont parfois recours à des comportements suicidaires qui peuvent être perçus comme l’unique moyen de régler une situation de conflit. L’anorexie touche particulièrement les filles. 8 Séminaire sur la justice des mineurs C’est durant l’adolescence que l’acte délinquant se manifeste plus facilement. La violence est souvent une forme d’expression face à l’absence de repères, de références et à la quête d’une identité. Notre époque est marquée par le déracinement des êtres humains. Le définitif, la sécurité de l’emploi… ne font plus partie du lexique de notre société. Par conséquent, l’individu doit apprendre à vivre dans un monde de précarité, où toutes sortes de liens ont disparu. Les rites, les coutumes, les liens parentaux, les liens de voisinage et une foule de réseaux communautaires et identitaires s’estompent. Cette disparition des liens génère ce que l’on appelle la crise du lien social… Ainsi, le chômage, la délinquance, les difficultés de la vie, la montée de l’intolérance, la modification des rôles parentaux avec leur cortège de fractures au niveau familial et social et surtout l’exclusion sont les indices de cette crise. Ces indices ont des incidences sur notre système social. Ils peuvent devenir des sources de violences, de conflits, d’incivilités, de non-communication et d’exclusion. Afin de restaurer le lien social, toute une série de mesures doivent être prises. La médiation, par exemple, joue un rôle important en matière de prévention et de résolution des conflits. Sur le plan scolaire, la médiation classique par l’intermédiaire de médiateurs professionnels ne suffit plus. Il faut de plus en plus recourir à la médiation par les pairs, c’est-à-dire par les élèves eux-mêmes. Grâce à ce rôle d’entraide, il est possible de promouvoir une culture de la citoyenneté responsable. Le rôle du médiateur est de devenir en quelque sorte l’intermédiaire qui aidera à recréer des liens entre les deux élèves en conflit, en proposant un dialogue là où il y a une cassure. Et de faire prendre conscience aux protagonistes de leur responsabilité dans le conflit. Mais la tâche de la médiation par les pairs ne doit pas se limiter à une simple technique de gestion des conflits ; elle doit s’inscrire dans un projet pédagogique et social. Permettez-moi de rappeler ici que l’Institut Universitaire Kurt Boesch (IUKB), que j’ai l’honneur de présider, a lancé le premier Master européen en Médiation, grâce à la collaboration de plusieurs Universités européennes. Il organisera l’année prochaine, en Suisse, le Forum Mondial de la Médiation. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Les Règles de Beijing sur l’administration de la justice des mineurs, promulguées en 1985 déjà et reprises en grande partie dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant pour leur donner un caractère contraignant, a établi un principe fondamental : « Les mineurs en conflit avec la loi doivent bénéficier d’un traitement équitable et humain. Plus précisément, la justice pour mineurs doit poursuivre un double objectif : • • rechercher la promotion du bien-être du mineur et faire en sorte que les réactions des autorités soient proportionnées à la nature du délinquant et du délit ». Je pense que ce Séminaire tentera, durant toute la semaine, de mettre en lumière et d’illustrer ce principe et d’examiner comment il peut être appliqué dans la réalité du quotidien. 9 Séminaire sur la justice des mineurs Il faut non seulement tenir compte de la faute commise, mais surtout des besoins individuels de chacun des enfants concernés. Chaque situation doit être examinée pour elle-même et les réponses doivent être adaptées aux besoins individuels. Faut-il ouvrir des prisons pour ces enfants, à l’exemple des décisions anglaises ? Cette délicate question sera certainement au centre de vos débats. Plus de 100 ans après le premier tribunal pour mineurs créé à Chicago, la justice juvénile se trouve certainement à un virage : faut-il éduquer, soigner, protéger ? ou faut-il punir ? N’y a-t-il que ces deux termes ou la justice des mineurs, elle qui a tant apporté à la justice tout court, doit-elle inventer une nouvelle méthode, un nouveau système ? A-t-elle en elle les ressources pour sortir du dilemme : « la sanction ou le soin ? » Peut-on envisager un système médian ? Dans tous les cas, la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant doit rester la règle prioritaire. Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les participants, Je vous souhaite à tous un excellent séjour en terre africaine et remercie nos amis burkinabés pour leur hospitalité. Vous récolterez tous les fruits de votre courage, de votre engagement et de votre détermination à juger les enfants non forcément pour ce qu’ils sont, mais surtout pour ce que l’on aimerait qu’ils deviennent ! A tous, je souhaite un excellent Séminaire, des moments de convivialité à Ouagadougou et une très riche semaine, pleine d’enseignements. L’objectif est que vous puissiez rentrer dans vos pays respectifs forts de toutes les connaissances nouvelles que vous aurez acquises durant ce Séminaire. Je forme le vœu que vous soyez plus déterminés que jamais à voir dans l’exercice de la justice des mineurs, non pas un pur exercice du pouvoir de l’Etat, mais bien une chance accordée aux plus jeunes des justiciables de connaître un nouveau départ, sous votre impulsion, sous votre protection et avec votre aide. En conclusion, les enfants ne sont-ils pas les dons les plus précieux au monde ? Dès lors, il faut impérativement mieux protéger ces trésors de l’humanité, en leur offrant de nouvelles raisons de croire et d’espérer en l’avenir !... 10 Séminaire sur la justice des mineurs ALLOCUTION M.Pasteur NZINAHORA, Directeur de la coopération juridique et judiciaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso, Monsieur le Président de l’Institut International des Droits de l’enfant, Madame et Messieurs les experts, Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile, Distingués invités, Chers participants, Mesdames et Messieurs, C’est pour moi un réel plaisir et un honneur de prendre la parole, au nom de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), dirigée par l’Administrateur général, Monsieur Roger DEHAYBE, sous la haute autorité du Secrétaire général de la Francophonie, Monsieur Abdou DIOUF, à cette séance d’ouverture du séminaire sur la justice des mineurs. Je suis d’autant plus heureux de m’acquitter de cet agréable devoir, que ce séminaire se tient le lendemain de la tenue, ici même, dans cette belle ville de Ouagadougou, du 10ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres de la francophonie, avec le succès éclatant dont beaucoup d’entre nous ont été des témoins privilégiés, et presque dix jours après le 15ème anniversaire de l’adoption de la Convention des droits de l’enfant, le 20 novembre 1989. La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays francophones est toujours un moment fort pour tous les acteurs bénéficiaire des concertations, décisions et orientations qui sont arrêtées par la plus haute des instances de la Francophonie. Celle qui s’est achevée avant-hier est d’une importance particulière, puisque son thème portait sur « La Francophonie, espace solidaire pour le développement durable », et qu’elle a adopté, entre autres grandes décisions, le cadre stratégique des actions de la Francophonie pour les dix prochaines années, qui sera, par la suite, déclinée, chaque fois, en programmations de projets pour une périodes de quatre ans. Si, il y a quelques années, la notion de développement durable se limitait à ce qui touche à l’énergie et l’environnement, elle recouvre aujourd’hui pratiquement tous les secteurs de la vie communautaire, tant au niveau national qu’international. Plus particulièrement dans les pays en voie de développement, il ne peut y avoir de développement ou de progrès harmonieux, de façon pérenne, si, parmi les questions qui concernent la société, celles qui ont trait aux droits fondamentaux de l’Enfant, à savoir : sa protection, son alimentation, son éducation, sa scolarisation, bref tout ce qui touche à sa dignité, son développement physique, psychique, moral et intellectuel, ainsi que son épanouissement et son insertion dans la vie économique et sociale, ne bénéficient pas de toute l’attention et de la priorité qu’elles méritent, parce que comme tout le monde le sait, 11 Séminaire sur la justice des mineurs les enfants sont l’avenir de l’humanité, et la « Terre, dit-on, est le patrimoine de nos enfants, qui nous est prêtée pour la leur léguer ». C’est dire que dans la mise en œuvre des orientations décidées par le 10ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays francophones pour le développement durable, les actions qui contribuent à la promotion et à la défense des droits de l’Enfant, devraient requérir une attention particulière. Les informations et analyses relatives à la situation des enfants dans le monde, spécialement dans les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, qui ont été bien relayés par les médias, à l’occasion de la Journée internationale des Droits de l’Enfant, le 20 novembre dernier, ont une fois de plus, mis en exergue le caractère dramatique des conditions que vivent la plupart des enfants de ces pays. Ces conditions de vie difficiles pour ces enfants, qui sont souvent à l’origine de leur délinquance, ont fait l’objet de riches débats dans cette ville même, l’année dernière, au mois de mars, lors du colloque organisé par le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, sur le thème « Les droits de l’enfant et l’exclusion sociale ». Elles ont également été réexaminées en mars dernier, à Tunis, à l’occasion d’un séminaire international sur les « instruments de mise en œuvre des recommandations du Sommet mondial de l’enfance ». Parmi les pertinentes résolutions et recommandations qui ont été formulées lors de ces deux rencontres, figurait l’organisation d’un séminaire de formation en justice des mineurs. Ce souhait rencontrait celui des instances de la Francophonie qui, depuis le Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de Moncton (Canada, Nouveau Brunswick), en 1999 avait déjà instruit l’Agence de la Francophonie d’y contribuer. C’est pour cela qu’aujourd’hui, l’AIF, à travers la direction de coopération juridique et judiciaire, en collaboration avec l’Institut International des Droits de l’Enfant qui a son siège à Sion, en Suisse, dont je salue très cordialement la présence du Président fondateur, en la personne du Dr Bernard COMBY, ancien ministre de l’Education nationale, en Suisse, et son dévoué collaborateur à qui nous devons la préparation scientifique de cette session de formation, le juge Michel LACHAT, organise ce séminaire régional sous le haut parrainage du Ministère de la Justice du Burkina Faso, à qui je tiens à adresser tous nos vifs remerciements. Cette session de formation s’adresse aux juges des enfants et autres acteurs de la justice juvénile, les officiers du ministère public, les officiers de police judiciaire et des responsables d’ONG qui s’occupent des droits de l’enfant, dans douze pays d’Afrique francophone de l’Ouest, du Nord et du Centre. Je vous remercie tous, chers participants, vous qui, en dépit de vos obligations et, pour la plupart, des difficultés de voyages imprévus, particulièrement à cette période, avez répondu à notre invitation. J’ai le ferme espoir que, grâce à la compétence et au dévouement des experts de haut niveau, juges, avocat général et avocat, que je remercie profondément d’avoir bien voulu 12 Séminaire sur la justice des mineurs accepter de venir assurer cette formation, en bravant des milliers de kilomètres, vous ne regretterez pas le déplacement. La pertinence des sujets qui seront abordés, la présentation des situations qui prévalent dans les pays du Nord et du Sud représentés à ce séminaire, à la spécialisation en droit des enfants consacrée par un diplôme de Master en droits des enfants, en passant par les mesures alternatives aux décisions judiciaires d’emprisonnement des enfants, les instruments internationaux en matière de justice juvénile, les différents aspects de la procédure pénale spécifiques aux procès des enfants mineurs, ne manquera pas de retenir votre attention, et de donner lieu à des échanges mutuellement enrichissants. Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Monsieur le Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant, Monsieur le Directeur de cette session de formation, Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile, Mesdames et Messieurs les experts, Distingués invités, Chers participants, Mesdames et Messieurs, Je m’en voudrais de terminer mon propos, sans remercier très vivement et très sincèrement le Ministre de la Justice Boureima BADINI, et ses collaborateurs, et à travers eux toutes les autorités du « pays des hommes intègres », pour l’accueil chaleureux et fraternel, dont nous faisons l’objet, depuis notre arrivée dans cette terre d’hospitalité, où la gentillesse et la simplicité des habitants n’ont d’égal que le sens d’organisation et d’efficacité. Je vous remercie de votre aimable attention. 13 Séminaire sur la justice des mineurs 14 Séminaire sur la justice des mineurs ALLOCUTION M. Boureima BADINI Ministre de la Justice du Burkina Faso Mesdames, Messieurs, Distingués invités, Chers participants, Je voudrais tout d’abord vous souhaiter à tous, la bienvenue au Burkina Faso dans le cadre de ce cours régional en Justice des mineurs à l’initiative de l’Institut International des droits de l’enfant et de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie. Les objectifs de cette formation, me faut-il vous le rappeler, s’inscrivent dans le contexte général d’une justice spécifique pour les jeunes délinquants, s’appuyant sur les grands textes internationaux et privilégiant des réponses basées sur d’autres principes que la seule privation de liberté. En permettant aux acteurs de la justice des mineurs d’une dizaine de pays de se rencontrer hors de leur contexte habituel pour des échanges mutuellement enrichissants, les organisateurs de ce cours régional ont visé l’éveil chez tous de la nécessité de respecter les droits de l’enfant, et la prévention de la délinquance juvénile pour la mise en avant de solutions alternatives ou communautaires. Pour atteindre ces objectifs, l’Institut International des droits de l’enfant a mis sur pied ce premier module de formation d’une semaine coordonné par une équipe interdisciplinaire composée de personnes choisies dans le réseau des experts en justice juvénile. Je vous invite donc, Mesdames, Messieurs les participants, à vous mettre à leur école pour en tirer le maximum possible, de façon à pouvoir, à votre retour dans vos administrations respectives, contribuer à la promotion des droits de l’enfant, citoyen majeur de demain dont nous avons tous dès à présent la responsabilité d’éduquer et de former. Je ne doute pas au regard de vos profils respectifs, que les objectifs du présent cours seront atteints ; je prends avec vous date pour les évaluations à venir. Pour le Burkina Faso, cette formation tombe à point nommé. En effet, en septembre 2004, sur initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a voté une loi modifiant l’organisation judiciaire en introduisant et en consacrant les juridictions des mineurs. Le juge des enfants et le tribunal pour enfants, juridictions spécifiques seront dorénavant opérationnels. Déjà, pour pallier à cette carence législative et au regard de l’importance de la protection des mineurs délinquants, il avait été choisi pour les magistrats du parquet, un substitut qui s’occupait en priorité, des cas des mineurs en conflit avec la loi, afin que les procédures les concernant soient traitées avec une extrême diligence. De même, une politique gouvernementale dynamique veille à la séparation des mineurs et des femmes en milieu carcéral. 15 Séminaire sur la justice des mineurs Des quartiers spécifiques pour ces deux groupes fragiles sont, soit aménagés dans les anciennes maisons d’arrêt et de correction, soit pris en compte dans le vaste mouvement de construction de prisons modernes que nous avons entrepris. Mesdames, Messieurs, Le centre pour mineurs de Laye, que vous visiterez, constitue une fierté et un témoignage de notre engagement à prioriser la réinsertion sociale des mineurs. Né de la rencontre fructueuse de partenariat entre l’Association Pénitentiaire Africaine (une ONG Burkinabé) et Terre des Hommes (une ONG Italienne), avalisé par la volonté du Gouvernement de notre pays, ce centre multifonctionnel, situé à quelques 30 km de Ouagadougou et qui a ouvert ses portes en juillet 2004, a l’ambition d’être un modèle de solution alternative pour les mineurs en conflit avec la loi. Mesdames et Messieurs, Permettez-moi de remercier du fond du cœur l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, l’Institut International des droits de l’enfant, la Direction du Développement et de la Coopération Suisse. Je sais que ces genres de séminaires se multiplieront avec votre concours actif non seulement au Burkina Faso, mais aussi dans tous les pays de la Francophonie. Je remercie également le comité d’organisation pour son implication réelle à la réussite de ce séminaire ; les difficultés nées çà et là n’ont pas occulté votre engagement à faire de ce séminaire un franc succès. En souhaitant un bon séjour au Burkina Faso à tous et plein succès à vos travaux, je déclare ouvert le séminaire régional en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en justice juvénile. Je vous remercie. 16 Séminaire sur la justice des mineurs LA JUSTICE JUVENILE DANS LE MONDE, SES SYSTEMES, SES OBJECTIFS : LES MODELES Christian MAES Avocat Général, Cours d’appel de Gand, Belgique « La vérité, une fois qu’elle aura fait sa jonction avec son alliée, le Temps est sûre de la victoire ». Arthur Schopenhauer Partout dans le monde des systèmes sont élaborés qui se prétendent offrir la meilleure réponse à la « délinquance juvénile ». Tout comme pour la délinquance en général, il nous faut déterminer à partir de quand et comment certains problèmes sont définis comme des problèmes sociaux1. Bien vite nous serons obligés de constater que la délinquance juvénile est une invention2, une construction sociale3. Qui plus est, il n’existe pas de délinquance qui soit spécifique au mineur d’âge. Les délits commis par des majeurs le sont également par des mineurs. Par contre, la statistique nous apprend que certains délits ne figurent jamais parmi ceux dont les tribunaux des mineurs ont à débattre. Alors, pour quelles raisons a-t-on voulu créer une catégorie de jeunes considérée comme problématique, qui mérite une approche propre ? Une recherche plus historique nous apprend que, dans l’hémisphère Nord, ce n’est pas tant une soi-disant délinquance juvénile qui fut à la base d’un système de justice juvénile propre, mais un concours de faits sociologiques, de constats, de réflexions et de réactions dans le monde carcéral, socio-éducatif, criminologue, philosophique et académique. Pas un système unique, mais plusieurs systèmes, plusieurs modèles se sont même développés. Ces modèles, dont nous allons tracer l’histoire, ne sont en définitive que l’expression de courants idéologiques dans leur approche de l’enfant en général et de ce même enfant ayant commis un méfait en particulier. Tous ont toutefois comme objectif commun : le contrôle social et ont, dès lors, pour but de prévenir4 à court et/ou à long terme, de nouvelles atteintes à la paix et, donc, de la qualité de la vie en communauté. Abordons donc le périple, par le cheminement des idées qui fit traiter les jeunes délinquants par un système de justice juvénile propre. 1 J.Trépannier lors d’une rencontre internationale à Louvain-la Neuve (Belgique) les 21-23.06.2001 sous le titre : Histoire de la Justice des Mineurs en Europe et au Canada (1912-1965) et d’ajouter : « on peut aussi se poser la question de savoir comment seraient traités aujourd’hui (conformément à la loi actuelle) des problèmes d’alors ». 2 J.Christiaens, Jeugdcriminaliteit : een apart probleem ? Negentiende-eeuwse jonge daders en hun misdrijven in:C.Lis en H.Soly (eds.) Tussen dader en slachtoffer, jongeren en criminaliteit in historisch perspectief, VUB Press 2001, 277: « la criminalité juvénile n’existe pas de façon objective, elle est définie par une approche et une réaction différenciée ». 3 J.Trépannier, ibidem. ; Chr.Debuyst, Dangerosité et justice pénale, coll.Déviance et société, Genève, Médecine et Hygiène 1985 : « la réalité n’est que ce à quoi on attache de l’importance » 4 la prévention tertiaire dont nous parlerons demain 17 Séminaire sur la justice des mineurs C’est sous l’influence des philosophes des Lumières du 18ième siècle, des idées de progrès de l’individu par la raison, que l’enfant, en position d’attente d’un « à-venir », est considéré comme « la richesse de la nation »5 et doit en conséquence faire l’objet d’une sollicitude spécifique. Dans ce même ordre d’idées, ce seront des directeurs d’établissements pénitenciers qui, au 19ième siècle, créeront des sections réservées aux mineurs d’âge, pas tellement pour y appliquer un régime plus humain, mais parce que, d’avantage vers la fin de ce siècle, sous l’influence des théories de la Défense sociale6, le temps nécessaire à une « rééducation » (aux valeurs bourgeoises) nécessitait une autre approche que celle des détenus majeurs. Les prisons deviennent des écoles, les détenus des élèves. Aux peines on préférera les mesures éducatives, de traitement et d’aide. Une dite « montée alarmante de la criminalité parmi les jeunes », observée parmi la population des prisons au 19ième siècle par les scientifiques de l’anthropologie et la sociologie criminelle, coïncide avec une industrialisation et une reconversion industrielle qui met en mouvement des migrations et qui marginalise et appauvrit la population rurale et artisanale. Les enfants et jeunes prolétaires sont poussés vers la mendicité, le vagabondage, la fainéantise, vers le vol comme stratégie de survie, et, en milieu rural, aussi vers des activités qui devaient contribuer au revenu familial et qui souvent consistaient en des tâches ménagères, telles ramasser du bois mort, glaner des baies, faire paître le bétail, extraire la tourbe, mais qui soudainement se voient transformées en délits, vu la privatisation des terres communes et la criminalisation des droits d’usage. Ceci prouve, entre parenthèses, qu’une forme de criminalité doit toujours être placée dans son contexte géographique, socioculturel et économique, où la (sur)vie, dans le sens le plus large du terme, dirige les actions, aussi celles des enfants et des jeunes7. C’est le temps des luttes sociales et politiques et l’émergence des premières lois protégeant les mineurs contre l’abus des heures de travail et contre l’alcoolisme. Associant pauvreté et criminalité, les études pré-sociologiques et sociales renforcent l’image du jeune délinquant, qui saurait être tant auteur, « presque-auteur », que victime (mineur en danger). L’enfant est un sujet hybride : l’image strictement pénale de l’enfantauteur est complétée, scientifiquement différenciée et mélangée à une large gamme d’enfants à problèmes. Même l’idée que le problème de la délinquance juvénile explique la délinquance adulte et qu’il faut, dès lors, agir au plus tôt naît de la conception fausse d’une délinquance spécifique. Le constat le plus important est, que l’approche du mineur qui a commis des délits ne soit plus considérée comme devant être la même que celle réservée au majeur et c’est bien cela qui a été le résultat d’une évolution sociale et de pensée incontestable, renforcée par une professionnalisation et une science spécialisée grandissante lors du 20ième siècle, qui s’est 5 F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 17 Le droit pénal classique est jugé inapte à assurer de façon efficace la protection de la société ; ce sera le degré de dangerosité de l’auteur d’un délit qui formera la nouvelle base pour l’application du droit pénal ; la durée et la nature de la peine ne seront donc plus déterminée par la gravité du délit, mais par la personnalité et le milieu de vie du délinquant ; pour les mineurs une mesure d’éducation, de traitement et d’aide sera préférée à une peine privative de liberté (mais un changement de terminologie suffira-t-il à changer la pratique et le vécu ?) 7 J.Christiaens, o.c 6 18 Séminaire sur la justice des mineurs traduit dans le rôle proéminent du juge des mineurs ou juge de la jeunesse et des services sociaux qui contribuent à ses décisions. Le modèle qui s’est donc substitué à un droit antérieur, qui ne se différenciait guère de l’approche des majeurs délinquants si ce n’est par la faculté laissée au juge de tenir compte de l’âge et davantage du degré de discernement de l’enfant, est le……. « modèle protectionnel » C’est ainsi que dans différents pays européens et nord-américains, on voit apparaître à la fin du 19ième siècle des législations nouvelles8 marquant le passage à ce modèle, qui prône que l’intervention face au mineur est déterminée par ses besoins, non par sa faute, qu’il n’est pas responsable de ses actes, mais victime des circonstances, qu’il sied en conséquence de le protéger et de l’aider, non de le punir9. La Belgique aussi, par la loi du 15 mai 1912 sur la protection de l’enfance, placera l’enfant hors du droit pénal réservé aux adultes. Il est considéré irresponsable. Des mesures, à l’opposé de peines, permettent un accompagnement, une éducation ou un « traitement » sans limites. L’on considère que, de ce fait, la société est mieux protégée contre le délinquant. C’est la rupture avec la pensée légaliste du droit pénal classique, l’on nie le principe de légalité et la responsabilité individuelle et l’on abandonne également la proportionnalité entre l’infraction et la peine. La fiction consiste à ce que le mineur (jusqu’à l’âge de 16 ans) ne soit plus passible de peines, mais ce, uniquement au sens pénal du terme. Cette fiction conduit à la neutralisation de la notion de la faute mais en même temps à celle des garanties procédurales. La loi belge du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse élargira encore le champ d’intervention des autorités dans le domaine de la protection et du traitement. En conséquence, l’intervention judiciaire ne dépend plus seulement de la perpétration d’une infraction par le mineur. La différence entre comportement délinquant et comportement non délinquant s’estompe et disparaît. La « situation de danger » est considérée comme un vivier propice à la délinquance, alors que la délinquance est considérée comme un symptôme de la « situation de danger » sous-jacente. La même approche et les mêmes mesures peuvent être appliquées à l’une comme à l’autre situation, de façon interchangeable. « Les deux catégories de mineurs sont assimilées l’une à l’autre et font l’objet de mesures identiques, qui excluent toute mesure pénale. Seul le processus peut distinguer les deux groupes, en ce qu’on introduit un processus extrajudiciaire (protection sociale) visant les mineurs en danger afin de réduire la judiciarisation des affaires qui les concernent », tel est une très belle image rendue du système en place par le professeur Jean Trépanier de l’université canadienne de Montréal.10 8 F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 50 O.D’Amours, Les grands systèmes : modèle de protection, modèle de justice, 100 ans de Justice Juvénile, bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 95 10 J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, 100 ans de Justice Juvénile, bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 32 9 19 Séminaire sur la justice des mineurs La politique criminelle humaniste et la « nouvelle » défense sociale du juriste français Marc Ancel11 ont en telle mesure influencé cette loi, que l’accent a été déplacé vers la prévention du comportement déviant et, lorsqu’il y aurait quand même « déviance »12, vers un interventionnisme grandissant et paternaliste des autorités au sein des familles13 en vue de la « réinsertion sociale » du déviant. Ces modèles protectionnels mènent à avoir recours à des notions vagues, telles que la « situation de danger », et à des procédures informelles et souples. Comme s’il s’agissait d’une évidence, on part du principe que toutes les personnes participant à de telles procédures visent en fin de compte l’intérêt de l’enfant (notion subjective, tant s’en faut). Cela conduit à l’exercice d’une compétence discrétionnaire des autorités judiciaires et, à la lumière d’une approche «thérapeutique », au renvoi à l'arrière-plan des garanties juridiques pour les justiciables mineurs. Ceci se manifeste encore le plus dans le caractère presque illimité de la durée des mesures « provisoires », dans la possibilité de modifier celles-ci d’office et de manière arbitraire sans débat contradictoire, ainsi que dans la longue attente d’un débat contradictoire sur le fond concernant la culpabilité. Vous le sentez déjà, plusieurs aspect, traits et particularités du modèle protectionnel, hormis le constat que le modèle s’accorde singulièrement aux régimes totalitaires et dictatoriaux14, portent en eux la semence d’une critique qui actionnera le début d’un mouvement pendulaire et ceci, bien paradoxalement, vers le modèle que d’aucuns clamaient devoir abandonner, car jugé au début du 20ième siècle inapte à endiguer une criminalité juvénile grandissante… Les caractéristiques du modèle protectionnel sujettes à critique sont : 1. l’ambiguïté de ses objectifs15, la malhonnêteté de son langage; l’hypocrisie avec laquelle la réalité vécue de l’intervention à l’égard des délinquants mineurs est fonctionnellement dissimulée par des fictions de droit, des critères flous et des terminologies et notions vagues ; les mesures dites de sécurité ne sont que des peines « améliorées » par leur organisation et leur individualisation16 11 M.Ancel, La défense sociale nouvelle, Paris, Cujas, 1954 (1ière éd.), 1966 (2ième éd.),1981 (3ième éd.) : l’action de la société envers la criminalité doit tendre à la récupération et la réintégration du délinquant ; il faut le « guérir »(de là le terme « modèle médical »), le « réadapter » (de là le terme : « modèle consensuel »). 12 même les dits « délits de statut », comportements des jeunes qui ne sont pas des délits pour la justice des majeurs (p.ex. faire l’école buissonnière, avoir une relation amoureuse avec quelqu’un de manifestement plus âgé, insubordination vis-à-vis de ses parents, soit des problèmes d’ordre pédagogique) feront désormais l’objet d’intervention (préventive) précoce. 13 La philosophie du « parens patriae » : le droit d’intervention du législateur dans le champ de la puissance paternelle apparaît ; l’Etat (le ministère public et le juge des mineurs) reprend, si besoin en est, le contrôle sur le processus de socialisation, voire la tutelle. 14 p.ex. L’Espagne de Franco (J.L.de la Cuesta, La réforme pénale en Espagne, Droit pénal matériel et justice des mineurs, Rev.Dr.Pén.Crim. 1988, 511), le Portugal de Salazar 15 Tous les modèles contiennent d’ailleurs en eux la contradiction de ce qu’ils affirment et aucun d’entre eux ne cesse d’exister dans le temps où le modèle suivant est supposé débuter. 16 L.Cornil, La loi de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude du 9 avril 1930, Rev.Dr.Pén.Crim. 1930, 837, n° 41. 20 Séminaire sur la justice des mineurs 2. le caractère discrétionnaire des compétences attribuées à un juge unique, souvent paternaliste, avec des garanties juridiques à la traîne17. 3. le principe de proportionnalité entre infraction et réaction sociale et judiciaire et la présomption d’innocence, deux des garanties judiciaires essentielles sont bafouées : même sans aucun indice préalable de culpabilité, un mineur peut être soumis aux mêmes « mesures » protectionnelles qu’après l’examen contradictoire de l’affaire sur le fond et ceci, pour un temps illimité considéré nécessaire à l’éducation et la réadaptation ; il en est de même avec une troisième garantie : le principe de la légalité des peines, car18 une privation de liberté dans une institution fermée est possible sans qu’un délit en soit la cause. 4. le concept fondamental de l’unité de la protection judiciaire de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, où un même traitement est préconisé pour mineurs délinquants et pour mineurs non délinquants; d’aucuns d’y voir une prime pour le délit; aucune attention n’est par ailleurs prêtée au danger de contamination, les mineurs en situation éducationnelle problématique étant placés dans les mêmes institutions que les mineurs qui ont commis un fait qualifié infraction. 5. une attention secondaire et d’avantage instrumentale est prêtée à la victime du délit commis par le mineur; la loi de 1965 affirmait que seuls les besoins du mineur déterminaient son application. 6. un champ de tension augmentant se situe entre, d’une part l’axiome de la nonresponsabilité pénale du mineur et, d’autre part le souhait de lui voir attribué une capacité et une responsabilité plus importante 7. un deuxième champ de tensions résulte du souhait de vouloir sanctionner et d’éduquer simultanément; sanctionner implique une réaction proportionnelle au fait et limitée dans le temps, éduquer suppose une approche proportionnelle en fonction des possibilités de l’auteur (intellectuelles, perceptives, sociales, culturelles, liées à l’âge, …) qui prend fin lorsque l’objectif pédagogique est atteint. Depuis les années ’70 deux courants en criminologie formulent en outre des critiques supplémentaires à l’égard des principes de la « nouvelle » défense sociale : 1. la théorie du « label » (étiquetage) mettant en exergue les conséquences négatives du contrôle social inhérent au système de protection de la jeunesse ; ceux qui en sont de façon sélective19 l’objet sont « stigmatisés » 2. la criminologie radicale, qui suggère que l’intervention touche principalement les démunis et a pour but de criminaliser cette couche sociale Suite à ces critiques des recherches empiriques furent effectuées sur les effets et le fonctionnement de la politique criminelle axée sur le « traitement resocialisant » de délinquants20. 17 Ceci malgré l’avis du conseil d’Etat du 5.06.1963 dont le sens ne pouvait échapper, ni au législateur, ni à ceux qui seraient appelés à appliquer la loi du 8.04.1965 relative à la protection de la jeunesse : « lorsque le législateur renonce aux règles ordinaires de la répression pour faire choix de méthodes qui abandonnent la liberté des individus à la discrétion d’un juge, il a l’obligation constitutionnelle d’entourer le pouvoir discrétionnaire qu’il crée de garanties telles qu’il ne puisse devenir arbitraire » 18 par exemple 19 suite à une liberté d’appréciation grandissante des intervenants au système 20 R.Martinson, What works? Questions and answers about prison reform, Public Interest 1974. 21 Séminaire sur la justice des mineurs Les résultats étaient démystifiants : les méthodes appliquées n’auraient aucune incidence sur les chiffres de la délinquance ! Mais, à nouveau, il nous faut lire ces critiques sur une toile de fond de nouvelles évolutions sociologiques tout en se rendant compte que, parallèlement, toute théorie ne trouve pas nécessairement ses adeptes parmi les praticiens21. Le climat social s’est crispé suite à la crise économique. Les budgets ne sont plus réservés à un modèle protectionnel jugé défaillant, puisque son système de resocialisation ne paraît pas endiguer la récidive et que, selon l’opinion publique, dont le sentiment est renforcé par les médias, il est même constaté une montée de la violence et de la criminalité, suite à une indulgence, une lenteur de réaction, une patience exagérément grande des autorités envers la jeunesse délinquante. Raisons suffisantes pour le politique d’apaiser ce sentiment, -lui qui déjà ne parvenait pas à « vendre » les idées de la « nouvelle » défense sociale aux citoyens-, et de se laisser tenter par le mouvement dit de « law and order », du « nouveau réalisme », dont la percée se situe aux Etats Unis d’Amérique22 et dans les pays scandinaves d’Europe23. Nous le rappelons : drôle de constat, puisque le manque d’efficacité d’une politique criminelle « répressive» face à une soi-disant montée de la criminalité juvénile au début du 20ième siècle, qui légitima le modèle protectionnel, sera maintenant employée pour défendre un retour au… « modèle pénal », au « modèle de justice »!24 Mais tout comme des différences et nuances existaient de pays à pays quant à l’application du modèle protectionnel, le modèle de justice, la dite re-pénalisation de la justice des mineurs ne s’est pas opérée de façon rectiligne et uniforme. Un retour aux notions juridico-dogmatiques de rétorsion, de revanche, rétribution, dissuasion, responsabilité morale, n’a su s’effectuer complètement ni partout et certainement pas sans garanties pour la reconnaissance des droits du délinquant. Ce serait faire injustice aux bonnes intentions de Von Hirsch et ses collègues, qui tendaient vers un droit pénal plus juste, plus honnête et plus indulgent, mais dont le politique et les autorités judiciaires firent emploi pour justifier une répression accrue et une augmentation de la détention tant de majeurs que de mineurs25. Nous ne nous arrêterons pas aux expériences extrêmes comme les « boot-camps » (basé sur une discipline militaire) aux USA ou à un système de « couvre-feux » dans certains pays anglo-saxons. Ce à quoi nous assisterons par contre dans bien des pays est qu’un retour au pénal sera mesuré sur le terrain sans que les juges aient besoin de nouveaux textes de loi, puisque çà 21 la méfiance des magistrats envers les sciences du comportement, leur conservatisme à l’égard d’expériences dites « alternatives » aux peines classiques, leur appréciation verrouillée dans des paramètres tels que le passé judiciaire, la gravité des faits, la responsabilité morale du délinquant 22 J.Trepannier, Changement de cap pour la justice des mineurs : le cas d’un état américain, Rev.Dr.Pén.Crim.1988, 491 (l’état de Washington-loi 1977) 23 paradoxalement les pays qui furent à la base du modèle de resocialisation critiqué 24 Chr.Eliaerts, Het “nieuw realisme” in het strafrecht en de criminele politiek, Panopticon 1984, 1 25 J.Junger-Tas, Ernstige jeugddelinquentie : mythe of realiteit?, formation post-académique à la V.U.B. Bruxelles 22.10.2004 (ref.A.Von Hirsch, Doing Justice : the choice of punishments, Hill and Wang New York 1976) 22 Séminaire sur la justice des mineurs et là le modèle protectionnel masquait des pratiques et des réalités (de caractère punitif) qu’il portait déjà en lui par l’emploi de mots différents26 (nous y reviendrons plus tard). La mesure de placement d’un mineur dans une institution publique fermée est-elle d’ailleurs autre chose qu’une privation de liberté et n’est-elle pas vécue comme une punition, même si elle est présentée comme ayant une finalité d’observation et d’éducation ? En Belgique des essais de réinstallation d’un modèle plus pénalisant, correspondant souvent à des législatures de coalitions prônant une politique, dite, « sécuritaire », ont bien sûr connu la résistance des « protectionalistes » du terrain mais ont également subi l’effet paralysant d’une distribution de compétences suite à une réforme de l’Etat fédéral. Le recours plus fréquent à des possibilités répressives pré-existantes dans la loi protectionelle de 1965, quant à lui, s’est heurté à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme et donc aux grands textes internationaux de droits fondamentaux. Le « modèle de justice », la « repénalisation de la protection de la jeunesse »27 corrigeant les excès du modèle protectionnel, se distingua donc en pratique par les caractéristiques suivantes : 1. une attention accrue est exigée pour la défense de la (vie en) société jugée plus protégée par un recours plus intensif et plus fréquent de l’enfermement28 (comme s’il avait arrêté d’exister sous un autre vocable sous le modèle protectionnel) et par un renvoi facilité vers les tribunaux pour adultes 2. le débat est recentré sur l’acte délictueux 3. le mineur ayant commis un délit n’est plus considéré comme complètement irresponsable29, doit donc subir les conséquences de ses actes et être rappelé à la norme transgressée sous forme de sanction ; mais quiconque reconnaît au mineur une progression par étapes de sa capacité à tous les niveaux de la vie sociale doit logiquement lui reconnaître aussi une capacité juridique croissante30 (ce que malheureusement le modèle ne lui garantit pas) 4. par contre, davantage de garanties judiciaires lui sont attribuées, parmi lesquelles l’assistance d’un conseil à chaque stade de la procédure (mais toujours pas de proportionnalité entre gravité des faits et mesure) ; dans un même souffle, pourtant, une volonté émerge de limiter le temps d’intervention des autorités 26 M. van de Kerchove, Des mesures répressives aux mesures de sûreté et de protection. Réflexions sur le pouvoir mystificateur du langage, Rev.Dr.Pén.Crim.1977, 246 27 F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 260 28 il est noté un usage plus facile du “dessaisissement” au profit des juridictions ordinaires et correctionnelles pour des délits graves commis après l’age de 16 ans, une augmentation constante de la possibilité de placement en maison d’arrêt lorsqu’il y a impossibilité matérielle de placement en institution fermée et une introduction progressive du régime fermé au sein des établissements publics de l’Etat 29 assimiler responsabilité et responsabilité pénale est un malentendu, selon F.Tulkens : la loi protectionnelle n’aurait jamais affirmé que les jeunes sont irresponsables, mais aurait institué une présomption de non-discernement…(sic ! car quelles sont les conséquences de l’un et de l’autre ?) 30 D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke positie dans éd. C.Eliaerts e.a. Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?, Kluwer Anvers et Gouda Quint Arnhem, 1990, p. 164; G.De Bock, Enkele knelpunten in de actuele discussie over het jeugd(beschermings)recht dans Liber amicorum Willy Callewaert, Kluwer, Anvers, 1984, p. 123. 23 Séminaire sur la justice des mineurs judiciaires et de la rendre subsidiaire31 à d’autres interventions (mais où les mêmes garanties ne sont plus nécessairement présentes32). Les textes de droit international rendu applicable ou d’application aux mineurs ont indéniablement influencé les modèles existants ou en devenir33. A la fin des années quatre-vingts, les faibles garanties juridiques n’étaient plus à la hauteur des garanties prescrites dans les textes des conventions et recommandations internationales relatives aux droits de l'enfant. L'évolution du droit international a entre-temps considérablement fait prendre conscience que les droits des mineurs, même délinquants, méritent d'être respectés. Nous citerons ici pour exemples : les articles 5.d de la CEDH (4.11.1950), 10.2.b, 10.3, 14.4 du PIDCP (19.12.1966), 37, 40 de la CIDE (20.11.1989), 2.3 de la Résolution 40/33 des Nations Unies (29.11.1985 /règles minimales de Pékin), 4, 5 et 6 de la Résolution 45/112 des Nations Unies (14.12.1990 /principes de base de Riyad), 3 de la Résolution 45/113 des Nations Unies (14.12.1990 /règles de La Havane), des Recommandations n° R(87)20 (17.09.1987) et R(88)6 (18.04.1988) du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Aucun Etat démocratique, aucun juge de la jeunesse ne pouvait dès lors décemment défendre l’adhésion à un modèle, dit, répressif sans y apporter les correctifs poursuivis par les textes. A la recherche d’une troisième voie34, écartant les inconvénients des deux systèmes, la jurisprudence et la doctrine ont tenté de marier les besoins du mineur et ceux de la société par le… « modèle de sanction (alternative) constructive » Le mineur délinquant livre pendant son temps libre une prestation gratuite, un travail au sein et au profit de la collectivité, il participe à un service, à une structure sociale, qui de préférence se rapporte au délit commis et/ou au centre d’intérêt du jeune. Le modèle embrasse à première vue des finalités diverses35, tant répressives36, réparatrices37, éducatives38, que celle de dispenser de meilleures garanties judiciaires39. 31 dé-judiciarisation (distinguer l’action de la justice et celle de l’aide sociale et en marquer la frontière) et dés-institutionalisation ( ce qui répondait à la constatation d’un recours excessif au placement en institution) au profit du travail en “milieu ouvert” 32 une plus grande autonomie et liberté d’action, d’interprétation et de décision est accordée aux dispositifs administratifs mis à la disposition des juges (le « modèle d’assistance ») : les services sociaux, les directions d’institutions, les initiatives privées d’aide à la jeunesse et d’accompagnement d’expérimentations dites « alternatives » ; on a recours à des organes autres que judiciaires, des procédures distinctes viseront les enfants en danger et celles qui concernent les mineurs délinquants 33 il s’agit bien sûr de pays ayant souscrit à ces textes… ! et donc, malheureusement pas, les Etats Unis d’Amérique, ni la Somalie… 34 selon J.Zermatten, La loi fédérale (ndlr: suisse) régissant la condition pénale des mineurs, Chronique de l’AIMJF n°1.vol.13 juillet 2004, 10 sous p.2.3: “le modèle “restorative justice” ne constitue pas un troisième modèle, mais une modalité qu’il est possible d’introduire dans le système de protection, comme dans le système de justice” 24 Séminaire sur la justice des mineurs A première vue…, car sujet à critiques, lui aussi : 1. le modèle sanctionnel constructif, comme les modèles précédents ne porte aucun intérêt à la victime, oubliée, sauf peut-être lorsqu’on avait besoin d’elle comme instrument de la justice pour servir de témoin à charge40 2. le modèle s’inscrit, selon les « protectionnalistes », plutôt dans la ligne de la repénalisation41 3. le respect des garanties judiciaires n’est toujours pas assuré : la sanction alternative (appelée pour ces raisons ?42 mesure alternative) est négociée par le ministère public, même par la police comme alternative à la poursuite, elle est acceptée au même titre comme mesure-sanction après débat au fond concernant la culpabilité que comme mesure « d’investigation » au provisoire43 (et la présomption d’innocence ?), les critères de sélection du jeune, du choix de la mesure, des modalités d’exécution ne sont pas uniformes ; en bref : ici également les principes et garanties du droit pénal classique sont bafoués : pas d’égalité de traitement44, pas de proportionnalité avec la gravité des faits 4. le travail au profit de la collectivité ne s’avère bien souvent pas être une alternative au placement ou à l’enfermement, mais remplace le classement sans suite ou des interventions moins radicales, ce qui contribue au phénomène du « netwidening » Ce modèle sera bien vite assimilé à et incorporé dans un modèle plus large appelé le… « modèle restaurateur » ou « de justice réparatrice » sans pour autant perdre ses caractéristiques sus-mentionnées, mais introduisant cette foisci la victime comme acteur principal dans la définition de ce que doit être la solution du problème posé par un délit. L’accent est mis sur l’existence d’un conflit entre un délinquant et une victime et dans lequel la collectivité a un intérêt. 35 Chr.Eliaerts, Zalven of slaan? Het eeuwige pendelen tussen hulp en straf in de jeugdbescherming, in C.Lis en H.Soly (eds.) Tussen dader en slachtoffer, jongeren en criminaliteit in historisch perspectief, VUB Press 2001, 371 36 le fait de devoir travailler gratuitement pendant son temps libre est une réduction de liberté qui caractérise la peine, mais une peine qui (parce qu’elle se situe de préférence sur le même registre que le mal causé) est, selon A.Garapon et D.Salas, La république pénalisée, Hachette Livre 1996,108, perçue comme « intelligente » 37 le mineur indemnise (de façon symbolique), de par sa prestation de service, le tort causé à la société 38 le mineur prend exemple sur des personnages d’identification positive lors de son temps de travail à l’opposé de ceux rencontré dans un univers institutionnel ; il lui est reconnu une certaine responsabilité et son engagement personnel est exigé 39 à l’opposé des mesures protectionnelles, les sanctions sont clairement définies et limitées dans le temps 40 J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, l.c., 39 41 F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 275 42 M. van de Kerchove, supra, “le pouvoir mystificateur du langage »… 43 Cour de Cassation belge, deux arrêts significatifs : Cass.4.03.1997, Arr.Cass.1997, 307 ; Cass.21.05.2003, T.J.K. 2003/4, 233 44 « Comment éviter », selon F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, 273, « que l’octroi d’une sanction alternative n’aboutisse à une sorte de « justice de classe » dans la mesure où pareille mesure est accordée lorsqu’il y a eu indemnisation officieuse des intérêts civils » 25 Séminaire sur la justice des mineurs Le dommage causé, (élément central du modèle) sera réparé lors d’un processus de médiation entre auteur et victime, éventuellement avec l’aide d’un médiateur. Le processus de « médiation » pourrait se définir comme : une communication « convoyée » entre auteur et victime d’un délit, témoignant des motifs, du vécu et des suites de celui-ci, tendant à rendre l’acte intelligible45 et à trouver une solution commune, acceptable et juste au conflit intra-personnel pour en apaiser les conséquences, tout en espérant que le comportement de l’auteur ne se reproduira plus. Le dommage causé par la perturbation de la paix et donc de la qualité de vie dans la société sera, quant à lui, réparé par le travail au profit de la communauté. Une réparation « intégrée » se conçoit également au travers les « family group conferences », nées de pratiques tribales nord-américaines et néo-zélandaises. Si le modèle charme au prime abord par la beauté morale du message de tolérance, d’empathie, de confiance et de réparation qu’il nous livre, il ne faut pas non plus en faire une religion. Souvent les apôtres du modèle en sont tellement inspirés, qu’ils nient certaines réalités du monde et que critiques et mises en question sont perçues comme lèse – modèle. Quelles sont ces critiques ? L’approche exigeant patience, temps, écoute et solution sans perdant, semble difficilement s’imbriquer dans notre civilisation formalisée, compétitive et individualisée. Elle connaît en plus certaines limites : 1. la première limite, nous la situons au niveau de l’engagement volontaire, au libre consentement46 et conséquemment à la possibilité de retrait de l’accord de principe à la démarche de médiation. Un bon équilibre entre la responsabilisation et la protection du mineur, auteur ou victime, nous porte, l’article 15 de la Recommandation R (99)19 du 15 septembre 1999 du Conseil de l’Europe concernant la médiation en matière pénale à l’appui, à prendre en considération : âge, maturité, capacité intellectuelle, présence éventuelle de troubles psychopathologiques et disproportions de rapports de force dans une confrontation pouvant évoluer à ras de la psychothérapie. Impliqué dans une concertation ne se faisant pas entre parties équivalentes, le mineur d’âge pourrait, en effet se retrouver dans une position purement défensive, voire écrasé par la situation et se voyant imposé des conditions défavorisant son intégration comme jeune dans la société. Un aspect non négligeable de l’engagement libre et volontaire nous semble être, que médiation il n’y aura que si la responsabilité pour le délit est établie et que, sans contrainte aucune, il y a aveu, même si, selon le professeur Lode Walgrave, la médiation n’est pas une sanction47. 45 La médiation auteur-victime dans la justice des mineurs, actes de la journée d’étude du 1.12.1999, Mille Lieux Ouverts n° 24, avril 2000 46 ce qui pré-suppose une capacité, que le modèle protectionnel nie au mineur. 47 H.Geudens, W.Schelkens, L.Walgrave, Op zoek naar een herstelrechtelijk jeugdsanctierecht in België, een denkoefening, rapport juillet 1997, p 16 sub 2.4.1 & p 31 sub 4.2.4.1 26 Séminaire sur la justice des mineurs 2. La seconde limite réside en la compétence du médiateur. Comme gardien de l’équilibre dans les rapports, les communications et les engagements, et investi d’un pouvoir fort discrétionnaire, il se doit d’être quelqu’un de qualifié, usant d’une méthodique valable pour aboutir à un accord juste. Mais en quoi cette personne saurait-elle se défendre d’avoir une formation, des capacités intellectuelles, des qualités humaines et une indépendance supérieure à celles des juges48 ? Pourquoi enlever la gestion des suites d’un délit à un corps de magistrats49, troisième pôle de tout Etat démocratique pour, après des siècles de combat pour la lui soustraire, la rendre au privé, sans contrôle, sans garanties, sans transparence? 3. La troisième limite est qu’un délit est bien plus qu’un problème entre deux individus. C’est une atteinte et une mise en danger de la paix et de la qualité de vie en société, quoique fort difficile à cerner et à mesurer. Un délit n’ayant que des conséquences minimes pour la victime individuelle, peut, tenant compte de la personnalité de l’auteur, avoir un degré de gravité tel, qu’un règlement civil menacerait la sécurité publique. Il existe aussi des délits sans victimes. Le dommage causé ne saurait, par ailleurs, à lui seul définir le dommage causé à la moralité publique, à l’éthique, à la vie ordonnée en société. Le dommage et son ampleur pour l’individu ne peuvent pas à eux seuls être le critère de gravité du délit50. Car quelle différence existerait-il sinon entre un meurtre et un accident mortel de la route ? Dans les deux cas, une personne est morte, le dommage est le même… (sic !). A nouveau, le modèle pose problème au niveau du principe de la légalité des incriminations et des peines, du principe de la proportionnalité, de la présomption d’innocence et des garanties procédurales. 4. L’ultime frontière de la médiation est sans conteste, le danger créé par l’auteur du délit et par le délit lui-même pour la sécurité publique. Le délit représente en effet une menace pour la paix et la qualité de vie générale au sein d’une communauté. L’appréciation de ce danger ne saurait être laissée aux seuls individus ni au médiateur, dont le mandat ne s’étend pas au-delà du règlement civil et de l’accompagnement sur le chemin vers une réparation juste du conflit entre individus, fraction d’une perturbation plus large de la vie paisible en communauté. 48 Guy Canivet, président du Groupement européen des magistrats pour la médiation, lors de son discours inaugural au congrès de Valence le 21 juin 2002 de rappeler : « dans le système de droit occidental, la figure du juge classique, du juge répartiteur de droits, de juge décideur, instrument de force légale, s’est peu à peu transformé pour prendre une dimension pacificatrice. L’idée centrale de cette évolution est que(…)la décision imposée par la force du jugement n’est pas la meilleure manière de mettre fin au litige. Il faut que le juge aime la justice au point de vouloir rectifier plutôt que trancher, qu’il préfère la balance au glaive.Toutes les études d’économie judiciaire convergent vers le constat que la justice négociée est plus efficiente que la justice décidée » 49 L.Fadiga, L’enfant au centre des grands changements sociaux, 100 ans de Justice Juvénile, bilan et perspectives, 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 141, p.13 (151- 152) 50 L. Walgrave, Met het oog op herstel, Universitaire Pers Leuven 2000, 53 ; rapport juillet 1997 au Ministre de la Justice, 28 (proportionnalité gravité des dommages / intensité de l’effort réparateur). 27 Séminaire sur la justice des mineurs C’est pourquoi, selon le président de la « Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse » belge le droit de réparation ne peut répondre que partiellement aux exigences du droit de la jeunesse51. Nous croyons à ce jour savoir où mènera ce combat, cette crise52 des « modèles » : Au « modèle inconséquent » Car bien d’autres penseurs du droit (de la jeunesse) en sont arrivés à ce même enseignement de l’histoire : « Chaque modèle est né des défauts du modèle précédent »53 « La nouvelle modalité se développe fort bien, mais l’ancienne ne dépérit pas. Et la substitution annoncée ne se fait pas ; l’ancienne modalité garde sa clientèle accoutumée et même l’agrandit souvent et la nouvelle en reçoit une neuve (…)Surpris par cette observation, on se tourne vers l’étude généalogique de ces modalités « nouvelles » et c’est pour découvrir qu’en fait, elles descendent le plus souvent de ces « anciennes » formes si décriées, par une filiation directe, quoique occultée. On se trouve en présence d’une cancérisation de contrôle social par scissiparité » 54 « Aucun modèle ne conservera sa ‘virginité’ dans la réalité sociale »55 Réalistes comme nous nous déclarons, il en résulte la leçon suivante : Donnons la priorité aux garanties juridiques dans tous les modèles, courants, tendances et mouvements, voire professions de foi envisageables qui se manifesteront en tant que nouveaux paradigmes ou dogmes résultant des mouvements pendulaires connus, dans un droit de la jeunesse qui a toujours été et reste un domaine favorable à l’expérimentation. Le droit de la jeunesse a tellement eu tendance à donner un autre nom à la réalité que, quelle que soit la réponse donnée, les garanties juridiques destinées à remédier à l’arbitraire et à l’illusion que les modifications dans la terminologie utilisée correspondent à des changements réels dans le droit de la jeunesse doivent toujours être celles liées à la forme d’intervention la plus radicale. Comme le dit si bien le professeur Michel van de Kerchove : « un modèle d’intervention unique et parfaitement homogène à l’égard des mineurs semble totalement exclu des 51 P. Cornelis, «herstelrecht of sanctierecht? Op zoek naar een coherent jeugdrecht » dans G. Decock et Ph. Vansteenkiste, Herstel of sanctie, naar een jeugdsanctierecht, Mys & Breesch 1999, 155. 52 F.Tulkens et Th.Moreau, o.c, titre du chapitre 3 53 Prof.U.Gatti (Univ.Genova, It.) au séminaire organisé à l’intention des états membres de l’Union européenne concernant la délinquance juvénile les 19 et 20.10.2000 à Paris 54 H.Van Bostraeten, Criminologie: wetenschap én ideologie, Kluwer rechtswetenschappen 1985, 167 55 Chr. Eliaerts, Jeugddelinquentie en jeugdbeschermingsrecht: een moeilijke relatie, Kinderrechtengids dl I, 1.8, 1-48; 28 Séminaire sur la justice des mineurs réalisations et des débats les plus récents et on peut se demander s’il a jamais existé. Il semble plutôt que les mineurs seraient immanquablement placés « entre » des modèles différents dont les articulations et les pondérations respectives sont éminemment variables, mais dont il semble difficile d’écarter radicalement l’un ou l’autre, comme l’illustrent, semble-t-il, les oscillations « pendulaires » dont les mineurs ont historiquement fait l’objet »56. Si d’aucuns regrettent ce constat historique et clament à raison que « les garanties n’ont pas pour effet de rendre acceptable une proposition inacceptable »57, il n’en reste pas moins que ces « aucuns » sont en manque d’idées pour palier aux défauts inhérents à tous les modèles existants. Commençons donc, au moins, à corriger sur les points où toutes les critiques s’entendent. • • • • • Il ne suffit pas de changer les mots pour éluder des pratiques, mais soyons honnêtes et clairs dans notre langage Il faut maintenir une juridiction spécialisée* et indépendante* pour mineurs, usant d’une procédure particulière*, mais respectueuse de garanties telles : la présomption d’innocence avant toute condamnation*, pas d’aveu imposé*, publicité des débats sauf si la vie privée du mineur est menacée, possibilité d’appel*, assistance obligatoire d’un conseil*, participation du mineur et, le tout, dans le plus grand respect des droits des jeunes Toute réaction au délit, quel qu’en soit le caractère, doit poursuivre une finalité de (re-)intégration dans la société et de pacification des relations humaines ; elle doit être dictée particulièrement par les besoins qui sont particuliers aux enfants et aux jeunes58 ; cette réponse se doit en plus d’être mesurée, justifiée, humaine, intelligente et acceptée ; la privation de liberté est une réponse de dernier ressort, l’enfermement sans autre but que de punir est à exclure Il faut encourager la réparation à la victime, sans que ce soit elle qui dicte la pénalisation des relations humaines Témoignons d’un respect accru et d’une meilleure application des principes de proportionnalité*59, de la légalité des incriminations et des peines*, de l’égalité de traitement Est-ce un hasard que les astérisques dans ces dernières propositions réfèrent exactement à l’article 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée à New York le 20 novembre 1989 ? Mais alors à quoi sert-il de pousser le réflexe paranoïde et conservateur à ce point que de prétendre que : « la réinscription formelle de la justice des mineurs dans le champ du droit, telle que la Convention des droits de l’enfant la réalise, risque d’être marquée d’une certaine ambiguïté dans la mesure où elle opère (ou facilite) le passage d’un modèle protecteur à un modèle répressif » et d’affirmer que : « le modèle de justice sert de point 56 M.van de Kerchove, Les mineurs à l’intersection de quatre modèles principaux d’intervention, dans Van Jeugdbeschermingsrecht naar Jeugdrecht ?, C.Eliaerts e.a.(éd.) Kluwer rechtswetenschappen et Gouda Quint BV.1990, 205 57 S.Berbuto, Droit de la Jeunesse, éd. Formation Permanente CUP Université de Liège, février 2002, vol.53, 308 58 J.Trépannier, Le développement historique de la justice des mineurs, l.c., 41 59 la réaction sociale au délit ne doit plus seulement être en relation exacte avec la nature et la gravité de celui-ci, mais doit également tenir compte des conditions de vie personnelles, de la personnalité et des besoins du mineur 29 Séminaire sur la justice des mineurs d’appui au développement de la repénalisation », car : « les principes de la légalité, de la proportionnalité et du due process encadrent le principe de la responsabilité pénale du mineur » ?60 Est-ce la nostalgie du pouvoir du Prince et oublier que ce sont les Lumières qui ont instauré les garanties judiciaires comme principe dans un droit pénal classique justement pour défendre l’individu contre l’arbitraire, l’intervention illimitée de l’Etat et la répression aveugle ? Il est donc intellectuellement malhonnête de faire, sans nuances, le raccourci entre droit pénal et répression. Des essais et efforts constructifs pour d’avantage de droits de l’enfant, de plus de garanties judiciaires classiques et pour un langage dépourvu d’hypocrisie doivent-ils être suspendus par peur d’une récupération éventuelle et une traduction répressive de ce discours ?61 Alors ? Jeu de l’oie.. Retour à la case « protectionnelle » d’antan? Ou -enfin- essai de conjuguer le positif de toutes les valeurs (idéologiques)62 sous-jacentes des modèles en espérant que la Convention internationale relative aux droits de l’enfant nous aidera à harmoniser le droit de la jeunesse dans le sens le plus large63 et dans toutes les disciplines du droit et du social, quelque soit la réputation attribuée à leurs noms d’emprunt ? Quels messages la pensée concernant les modèles de justice juvénile véhicule-t-elle pour l’Afrique noire ? 1. Ne parlons pas de délinquance quand certains problèmes ne sont pas définis comme problèmes sociaux 2. Comment aborder certains problèmes sociaux causés par des jeunes ? • Cela dépend de la place qu’on prétend réserver en général aux jeunes dans la société et de la mesure d’intégration du déviant mineur dans cette même société (est intégré, celui dont la présence n’est pas, n’est plus ressenti comme une menace) • Pour rappel : se sentir menacé engendre la propension à la plainte, la vulnérabilité du non-intégré64 est plus grande, le potentiel de résolution par réparation informelle et infra-judiciaire est abandonné en faveur de l’intervention de l’état, d’une législation plus répressive appliquée par une justice formelle 3. Chaque forme de criminalité doit toujours être placée dans son contexte géographique, socioculturel et économique. Il est dès lors insensé de comparer des contextes tellement différents comme ceux des pays de l’hémisphère Nord et ceux du Sud. 60 F.Tulkens, La Convention sur les droits de l’enfant et la justice pénale, dans La Convention sur les Droits de l’Enfant et la Belgique (actes de la journée d’étude du 30.11.1990 U.C.L.), StoryScientia 1990, 155 61 E.Dumortier et C.Brolet, Waarheen met het jeugdbeschermingsrecht? Over de (gevreesde)repressieve pendelbeweging en een fundamentele hervorming van de jeugdbescherming, T.J.K. 2003/3, 149 62 H.Schüler-Springorum, Synthèse finale du 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, 100 ans de Justice Juvénile, bilan et perspectives, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 301 63 J.Junger-Tas, o.c. 64 usant souvent de stratégies de survie 30 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Ce qu’il convient, en revanche, de garder à l’esprit c’est l’obligation de s’armer contre des aspects, traits et particularités négatifs d’évolutions économiques, socioculturels, politiques, religieuses et de se rappeler que : • Le modèle de justice juvénile qui permet une intervention de l’Etat et des juges sans trop de limites, s’accorde fort bien aux régimes dictatoriaux • Quand l’économie est en crise, le climat social se crispe et il y a peu d’argent pour mettre en place ou pour maintenir un réseau de services d’aide et d’accompagnement, pour faire de la recherche scientifique ; une criminalité forcément croissante suite à une diminution de ressources et une frustration en dièse par l’écart entre l’idéal de consommation et les moyens d’y accéder ouvre plus aisément la voie à une approche plus musclée, jugée moins onéreuse • Plus avance l’évolution vers une société formalisée, compétitive et individualisée, moins est laissée une chance à un règlement informel et infra-judiciaire des suites d’un préjudice causé 5. Toute approche du jeune ayant commis un délit mérite de favoriser son intégration dans la société, sans pour autant oublier la victime et la sécurité de la vie des autres dans la société 6. L’observation scrupuleuse des textes de droit international concernant l’enfant et le jeune et plus particulièrement le respect des garanties judiciaires à l’égard de mineurs traduits en justice doivent inspirer toute législation. 31 Séminaire sur la justice des mineurs Protectionnel Pénal Sanctionnel Restaurateur Des droits de l’enfant / des garanties judiciaires (caractéristiques escomptées > entre « .. ») Au centre de l’intérêt Finalité avouée Moyen usé Position de la victime Garanties judiciaires personne et besoins du mineur délinquant le délit et les besoins de la société adaptation du mineur et (ré)intégration (ré)éducation secondaire secondaires défense de l’ordre public et confirmation de la norme adaptation du mineur, confirmation de la norme et (ré)intégration rétribution par la peine secondaire présentes rétribution par la sanction et dédommagement symbolique envers la communauté obligation de réparation insuffisante insuffisantes limitée / centrale secondaires / dépendant de la négociation auteur-victime « présentes » « limitée / dépendant d’un délai légal » besoins du mineur délinquant et de la société le dommage causé et les besoins de la victime « besoins du mineur délinquant, de la victime et de la société » réparation (raisonnable) du dommage causé « adaptation du mineur, confirmation de la norme, réparation du dommage et (ré)intégration » « rétribution par la « prise en sanction, compte » dédommagement symbolique envers la communauté, réparation, et (ré)éducation » 32 Durée de l’intervention / dépendant de ? sans limites / dépendant du degré d’adaptation limitée / dépendant du délai légal Séminaire sur la justice des mineurs LES ARTICLES 37 ET 40 DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'ENFANT du 20 novembre 1989 Oscar D’AMOUR Juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, Canada 1. Introduction La convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 s'inscrit dans un long processus qui origine de la Charte internationale des droits de l'homme des Nations Unies. Cette charte comprend la Déclaration universelle des droits de l'homme65 et les deux Pactes internationaux66, l'un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l'autre, relatif aux droits civils et politiques. Dans la proclamation de Téhéran adoptée par la Conférence internationale des droits de l'homme tenue en 1968, la communauté internationale «affirme sa foi dans les principes de la déclaration et adjure tous les peuples et les gouvernements "de se faire les défenseurs [de ces] principes (…) pour que tous les êtres humains puissent dans la liberté et la dignité, s'épanouir sur le plan physique, mental, social et spirituel.»67 Dans cette lancée germera la Convention des droits de l'enfant qui constitue le premier code international qui englobera les droits fondamentaux des enfants et assurera la protection des standards qui leur sont applicables. Bien que les Pactes, parties de la Charte des droits de l'homme, s'appliquent aux enfants, la Convention des droits de l'enfant est le premier traité en matière de droit de la personne s'appliquant exclusivement aux enfants. Elle a l'avantage d'y inclure à la fois des droits civils, économiques, sociaux et culturels. Comme nous le verrons dans la nomenclature qui suit, les trois objectifs de base à l'élaboration à la Convention se définissent comme suit: «1) 2) 3) la création d'obligations exécutoires à l'égard des Etats par dénonciation de certaines valeurs sous forme de traités; l'élaboration d'une loi globale relativement aux enfants; la reconnaissance des enfants en tant qu'individus détenant des droits précis et étant capables de participer aux prises de décisions et à leur propre épanouissement.»68 65 Adoptée à l'Assemblée générale, Résolution 217A(III)], le 10 décembre 1948 Adoptés à l'Assemblée générale, Résolution 2200 A(XXI). le 16 décembre 1966; entrée en vigueur le 23 mars 1976 67 Charte internationale des droits de l'homme, fiche d'information no. 2, Office des Nations-Unies, Genève, 1996, p. 8 68 YOLLES, Vanessa, Guide pratique aux fins de l'utilisation de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations-Unies devant les tribunaux canadiens, Unicef Canada, 1998, ISBN0-921564-19-8, p. 36. 66 33 Séminaire sur la justice des mineurs 1.1 Le contexte de la naissance de la Convention Il faut se rappeler qu'à la fin des années 60, un courant jurisprudentiel69 établissait que les enfants devaient bénéficier des mêmes protections légales que les adultes en matière de justice pénale. La justice pour les mineurs jusqu'à la fin des années 70 s'inspirait principalement du modèle protectionnel70. Dans les années qui vont suivre, nous assisterons à la recherche d'un équilibre entre les besoins des enfants et la protection légale de leurs droits dans le processus judiciaire. La proposition du gouvernement polonais, à l'occasion de la célébration de l'année internationale des droits de l'enfant en 1979, sera l'élément déclencheur de la préparation de la Convention. Quarante-trois (43) États, membres de la Commission sur les droits de la personne des Nations Unies mettront dix (10) ans à la rédaction de la Convention71. La Convention concrétise et énumère les droits aux bénéfices des mineurs que les États parties s'engagent à promouvoir. 192 États la ratifient et l'entrée en vigueur a lieu le 2 septembre 1990. Les États parties s'engagent à promouvoir, à veiller et à incorporer les principes et règles énumérées dans la Convention. 1.2 Le contenu de la Convention Bien que je me limiterai à aborder le traitement réservé aux mineurs privés de liberté (art. 37) et de l'administration de la justice (art. 40), il est pertinent de souligner les droits dont les enfants bénéficient et de rappeler les grands principes contenus dans le préambule de la Convention: «Le préambule réaffirme le fait que les enfants ont besoin d'une protection et d'une attention particulières en raison de leur vulnérabilité et il souligne plus particulièrement la responsabilité fondamentale qui incombe à la famille pour ce qui est des soins et de la protection à prodiguer aux enfants. Le préambule réaffirme la nécessité d'une protection juridique et extra-juridique de l'enfant avant et après la naissance, l'importance du respect des valeurs culturelles de la communauté de l'enfant ainsi que le rôle vital joué par la coopération internationale lorsqu'il s'agit de faire des droits de l'enfant une réalité.»72 Ainsi, la Convention établit comme principe directeur l'intérêt de l'enfant (art. 3.1); elle reconnaît la responsabilité des parents d'élever leurs enfants (arts 5, 18 et 27). Ce code des droits de l'enfant prévoit donc six groupes de droits: 1.2.1 Les principes généraux : - non-discrimination (art. 2); intérêt de l'enfant comme critère de base dans les décisions le concernant (art. 3); droit à la vie (art. 6); droit au respect des opinions de l'enfant (art. 12). 69 Décisions de la Cour suprême des Etats-Unis, Kent c. United States, 1966, 383 U.S.; In Re Gault, 1967, 387 U.S.1. 70 d'AMOURS, Oscar, Les grands systèmes: modèle de protection, modèle de justice: Bilan et perspectives, 100 ans de justice juvénile, avril 2000, Institut universitaire Kurt Böch, Sion, Suisse, pp. 95 et ss. 71 YOLLES, Vanessa, note 4, p. 35 72 YOLLES, Vanessa, note 4, p. 37 34 Séminaire sur la justice des mineurs 1.2.2 Les libertés et droits civils - droit à un nom et à une nationalité (art. 7); préservation de son identité (art. 8); liberté d'expression (art. 13); liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14); liberté d'association et de réunion pacifique (art. 15); protection de la vie privée (art. 16); accès à une information appropriée (art. 17); droit à ne pas être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (art. 37 a); droit à la liberté (art. 37 b) 1.2.3 Les droits reliés au milieu familial et à la protection dans les situations de remplacement - respect de l'orientation parentale (art. 5); respect des responsabilités parentales (arts 18.1 et 18.2); protection contre la non-séparation entre l'enfant et les parents (art. 9); réunification des familles (art. 10); protection contre des placements et non-retours illicites (art. 11); recouvrement des pensions alimentaires (art. 27.4); protection des enfants séparés de leur milieu familial (art. 20) et examen périodique des placements (art. 25); protection des droits en cas d'adoption (art. 21); prévention des abus par suite d'abandon et négligence ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale (arts 17 et 39). 1.2.4 Les droits reliés à la santé et au bien-être - droits des enfants ayant un handicap (art. 23); droits reliés à la santé et aux services sociaux (art. 24); droits à la sécurité sociale et à l'établissement de garde d'enfants (arts 18.3 et 26); droits de l'enfant à un niveau de vie décent (art. 27, par. 1, 2 et 3). 1.2.5 Les droits reliés aux loisirs et aux activités récréatives et culturelles - droits à l'éducation et à la formation professionnelle (art. 28); droits de bénéficier de loisirs et d'activités culturelles (art. 31). 1.2.6 Les droits reliés aux mesures spéciales de protection 1.2.6.1 Les enfants en situation d'urgence - enfant réfugié (art. 32); enfant touché par les conflits armés et les mesures de réadaptation et de réinsertion sociale (arts 38 et 39). 35 Séminaire sur la justice des mineurs 1.2.6.2 Les enfants en situation de conflit avec la loi - interdiction de la peine capitale ou de l'emprisonnement à vie (art. 37 a); droit à la protection des droits dans le traitement réservé aux enfants privés de liberté y compris les enfants soumis à toute forme de détention, d'emprisonnement ou de placement dans un établissement surveillé (art. 37 b), c), d); protection des droits du mineur dans le cadre de l'administration de la justice (art. 40); 1.2.6.3 Les enfants en situation d'exploitation y compris leur réadaptation et réinsertion sociale - protection contre l'exploitation économique (art. 32); protection contre l'usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (art. 33); protection contre l'exploitation sexuelle et violence sexuelle (art. 34 a), b), c); protection contre vente, traite et enlèvement d'enfants (art. 35); protection de toute autre forme d'exploitation préjudiciable à tout aspect de son bienêtre (art. 36); protection des minorités (art. 30). 2. Analyse des articles 37 et 40 Examinons plus spécifiquement deux des articles de cette convention, à savoir les articles 37 et 40 qui se retrouvent dans la catégorie des droits de l'enfant qui sont en situation de conflits avec la loi. 2.1 Article 37 L'article 37 de la Convention se situe dans la catégorie des droits où l'on assure à l'enfant une protection contre des actions qui auraient pour effets de nuire à l'exercice de ses droits fondamentaux et de porter atteinte à sa dignité. L'article 37 établit donc ce qui suit: «Les États parties veillent à ce que: a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale, ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans; b) Nul enfant privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible; c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. 36 Séminaire sur la justice des mineurs En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf circonstances exceptionnelles; d) Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente et impartiale et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière.» 2.1.1 La torture (37a) Au départ, il faut convenir qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut justifier l'usage de la torture comme peine, que ce soit en temps de guerre ou menaces de guerre ou encore en situations urgentes. Selon l'article 7 de la Convention sur la Cour internationale de justice, la torture constitue un crime contre l'humanité lorsqu'elle constitue une attaque systématique contre une population civile. Bien que la notion de torture ne soit pas une notion définie dans la Convention, nous pouvons toutefois convenir que la torture implique, non seulement un élément de souffrance physique, mais aussi un élément qui cause une souffrance mentale ou psychologique pour la victime. Étant une atteinte à l'intégrité physique, psychologique et morale d'un enfant, la torture est un acte intentionnel posé dans le but, très souvent, de lui soutirer des informations. La torture est donc un châtiment inacceptable qui n'est pas proportionnel à une infraction et qui n'est pas, non plus, un moyen à employer dans l'exécution d'une peine. 2.1.2 Les peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (37 a) La référence à la peine ou traitement élargit l'étendue de la protection accordée aux mineurs. La garantie accordée à ces derniers ne s'applique pas seulement comme telle à la peine, mais aussi aux traitements cruels comme modalités d'exécution de la peine, d'où la double protection. Les termes cruels, inhumains ou dégradants constituent un ensemble de critères. Qu'ils soient pris individuellement ou ensemble, ils font référence à des peines excessives qui sont incompatibles avec la dignité humaine. La finalité de cette règle n'a pas pour but unique d'éliminer les supplices accompagnant la torture comme châtiment en regard des peines cruelles, inhumaines et dégradantes, mais surtout, de dénoncer toute peine excessive et grossièrement disproportionnée au geste illégal qu'elle vise à punir et à endiguer73. À cet égard, les États ont un devoir en vertu des conventions internationales d'établir des lois, de prendre les moyens pour prévenir de tels actes. L'intervention prompte en regard d'allégations de torture constitue le remède efficace pour endiguer de tels gestes. 73 DUMONT, Hélène, Pénologie (le droit canadien relatif aux peines et aux sentences), Éd. Themis, Montréal, [1993], p.60. 37 Séminaire sur la justice des mineurs Les États se doivent de fournir une formation aux officiers responsables des arrestations et de la détention. Ils doivent s'assurer de la collaboration du personnel médical qui aura à dénoncer de telles situations si elles se présentaient. Au niveau judiciaire, il est important que les procureurs fassent en sorte que les confessions recueillies par suite de torture et/ou de mauvais traitements ne soient pas reçues en preuve et que la cour en soit informée. 2.1.3 La peine capitale et l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération (37 a) La Convention prévoit que la peine capitale et l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne peuvent être prononcés pour des infractions commises par une personne âgée de moins de dix-huit (18) ans. Il est admis que les mineurs doivent bénéficier des mêmes droits que les adultes en plus de ceux qui leur sont spécifiques en raison de leur vulnérabilité et de leur degré de maturité. Force nous est de conclure qu'au 21e siècle, la peine capitale est une peine ou un traitement cruel, inhumain. Aujourd'hui, cette peine constitue une illustration de peine incompatible avec la dignité humaine. L'emprisonnement à vie sans possibilité de libération constitue pour un enfant une peine cruelle et inhumaine. Sa durée totalement inflexible constitue un châtiment inhumain, voire une peine cruelle en raison de l'excès de la durée de celle-ci. Elle fait abstraction de tous les principes de réhabilitation. Elle constitue une négation de la capacité d'un mineur à se réhabiliter, de son droit à une mesure de privation de liberté qui doit être une mesure de dernier ressort et d'une durée aussi brève que possible (art. 37 b). 2.1.4 La protection de la loi en cas de privation de liberté (37 b) La Convention accorde au mineur une garantie à l'effet qu'il ne sera pas privé de la liberté d'une façon illégale ou arbitraire, que ce soit au moment de l'arrestation ou de la détention. Cette garantie, lors de la détention, doit aussi être appliquée en tenant compte que la privation de liberté doit être la mesure de dernier ressort et d'une durée aussi brève que possible. 2.1.4.1 Le principe Au départ, il faut établir que les situations à partir desquelles un mineur peut être privé de sa liberté doivent être prévues dans la loi; que la privation de liberté doit s'effectuer en toute légalité et non à partir de critères arbitraires; que l'arrestation du mineur est en relation avec un acte reproché et non à partir d'éléments qui s'apparentent à de la discrimination; que l'acte reproché au mineur constitue une infraction à la loi pénale; qu'enfin, que l'arrestation et la détention soient nécessaires. Aussi, il n'y a pas de privation de liberté sans loi et pas de détention sans nécessité74. 74 Human Rights in the Administration of Justice: A Manual on Human Rights for judges, Prosecutors and Lawyers, U. N., p.163 38 Séminaire sur la justice des mineurs 2.1.4.2 L'arrestation et la détention La privation de liberté avant ou après procès doit être conforme à la loi tant au niveau du fond que de la forme. Son application ne doit pas être arbitraire et doit être utilisée en dernier ressort, après un examen justifiant que toutes les autres mesures non privatives de liberté ont été examinées et qu'elles ne peuvent être retenues en raison des circonstances du délit et de la situation du mineur. De plus, la détention avant procès ne doit pas être, quant à sa période de temps, laissée à la discrétion de celui qui a procédé à l'arrestation. La loi doit prévoir les situations où une telle détention a lieu et les modalités de sa révision afin de contrer l'imposition d'une détention d'une durée indéterminée et d'assurer une révision de la détention par l'établissement de règles précises qui peuvent être vérifiées par une autorité indépendante. Quant à la détention après le procès, celle-ci doit constituer la mesure de dernier ressort. Elle doit être déterminée en tenant compte de l'intérêt du mineur. Elle doit être prise après avoir reçu une information complète sur ce dernier et sa famille et après avoir eu la preuve que la famille n'est pas en mesure d'assumer ses responsabilités à l'égard du mineur. La nature de l'infraction commise est un élément à prendre en compte et la décision de priver un mineur de sa liberté doit être absente de toutes formes de discrimination en raison du sexe, de la race ou de tout autre critère similaire. 2.1.5 L’enfant privé de liberté (37 c) Si l'évaluation de la situation du mineur conduit à une mesure privative de liberté, le traitement qui lui sera réservé doit être de nature à répondre à ses besoins spécifiques. Ce traitement doit donc être défini sous l'angle de son meilleur intérêt. Le mineur doit alors être traité avec humanité et respect, dû à son âge et sans porter atteinte à sa dignité. Le traitement comportant punition physique et humiliation ne peut constituer un traitement conforme à la dignité humaine et doit être exclu. Le traitement doit permettre à l'enfant d'évoluer, de continuer son éducation et de se préparer à sa réinsertion sociale ou familiale. 2.1.5.1 Le droit d'être gardé séparé des adultes (37 c) Le mineur privé de liberté doit être gardé séparé des adultes. Cette règle fut la première à être revendiquée à la fin du 19e siècle, avant même que l'on établisse un système de justice pour mineurs distinct de celui des adultes75. Les besoins de réhabilitation en vue de la réinsertion sociale d'un mineur ne peuvent coïncider avec les objectifs poursuivis dans le cas des adultes. Il va de soi que le maintien d'un mineur avec les adultes criminalisés n'a jamais été propice à sa réhabilitation, mais au contraire. Le principe du maintien de l'enfant dans un lieu séparé du lieu de garde des adultes est désormais reconnu dans les chartes et conventions76. 75 76 d'AMOURS, Oscar, note 6, p. 98 Note 10, p. 423 39 Séminaire sur la justice des mineurs 2.1.5.2 Le droit de demeurer en contact avec sa famille (37 c) En principe, les établissements qui accueillent les mineurs doivent assurer le maintien des contacts et visites du mineur avec sa famille. Les contacts et visites, en plus de permettre à l'enfant de maintenir des liens avec sa famille, permettent aussi aux parents de s'acquitter de leurs obligations de surveillance et d'éducation à l'égard du mineur, d'assurer le suivi de son placement et de participer à sa réintégration dans la famille et la société. Si, dans une situation exceptionnelle, les contacts et visites parents/enfant ne peuvent être maintenus, il faut que l'atteinte à ce droit fasse l'objet d'un examen qui doit s'effectuer sous l'angle de l'intérêt de l'enfant en tenant compte des accommodements raisonnables qui peuvent être mis en place pour sauvegarder les contacts. L'exclusion des contacts parents-enfant ne peut se justifier que si ceux-ci sont contraires à l'intérêt de l'enfant. 2.1.6 Le droit d’avoir accès rapidement à l’assistance juridique ou à toute assistance appropriée (37 d) Cette aide couvre l'aide juridique ou toute autre forme d'aide. Le mineur a le droit de connaître les modalités et formalités pour que ces formes d'aide lui soient accessibles. Les personnes en autorité ont l'obligation de fournir l'information au mineur et de lui indiquer les modalités d'obtention des diverses formes d'assistance. Cette assistance a pour but, notamment, de permettre au mineur d'exercer son droit de contester sa privation de liberté devant l'autorité compétente. L'utilisation du terme rapidement doit être appréciée en fonction de la loi, ou à défaut, de balises législatives, il faut donner au terme rapidement son sens usuel et strict pour éviter que ce droit à l'assistance soit vidé de son sens. 2.1.6.1 La contestation de la privation de liberté La contestation de la privation de liberté doit être examinée sous différents aspects. Il faut s'interroger sur le fondement d'une telle privation de liberté étant convenu que le droit à la liberté est le principe et que toutes les exceptions à ce principe doivent être prévues dans la loi nationale. Dans une première démarche, il faut se demander s'il existe des dispositions législatives prévoyant des atteintes à ce droit. Si oui, a-t-on prévu des règles particulières pour les mineurs? La loi prévoit-elle un processus à suivre, des autorisations préalables à obtenir avant de procéder à une arrestation? Dans l'appréciation de la preuve, il faut aussi s'assurer: que le processus suivi est exempt de discrimination et qu'il n'est pas le fruit d'une décision arbitraire? que la privation de liberté est soutenue par des faits justifiant un manque à la loi pénale; que l'arrestation, bien que légale, doit aussi être compatible avec le respect des droits du mineur et proportionnelle à l'infraction qui est reprochée à ce dernier; 40 Séminaire sur la justice des mineurs - que la privation de liberté, dans des circonstances d'une affaire impliquant un mineur, est à la fois raisonnable et nécessaire. 2.1.6.2 La révision devant un tribunal ou une autorité compétente, indépendante et impartiale La révision doit avoir lieu devant une autorité compétente qui est déterminée par la loi nationale. Il se peut que les autorités administratives soient autorisées à mettre en liberté un mineur qui a fait l'objet d'une arrestation. Il importe donc que l'autorité ou le tribunal qui doit se prononcer sur la mise en liberté ou le maintien de la détention du mineur soit indépendant et impartial. Les notions d'indépendance et d'impartialité font références aux principes de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Pour rende justice, le système judiciaire doit être indépendant. Le juge doit décider en fonction de la loi et assurer la protection des droits des personnes en tant que gardien des libertés fondamentales. L'indépendance judiciaire est une garantie qui existe au bénéfice du justiciable et non du juge. Il est à noter que cette notion d'indépendance regroupe trois principales composantes à savoir: l'inamovibilité, l'indépendance institutionnelle et la sécurité financière77. Enfin, l'impartialité est un principe absolu qui ne peut souffrir d'aucune exception. Elle constitue un état d'esprit ou des attitudes de neutralité absolue en regard de la cause qui est soumise et du résultat pour l'une ou l'autre des parties. C'est donc devant une telle autorité que le mineur a le droit de contester in extremis sa privation de liberté. 2.1.6.3 Le droit à une décision rapide Il va sans dire que le sens du terme "rapide" doit être apprécié dans le sens qu'il ne doit pas y avoir de délai indu. La décision doit être rendue rapidement sans délai indu afin de sauvegarder le principe du droit à la liberté. L'interprétation du terme doit être stricte de façon à ce que le droit du mineur à la liberté ne soit pas vidé de son sens. 2.2 Article 40 L'article 40 de la Convention énonce la reconnaissance des droits des mineurs en situation de conflit avec la loi. Les États parties s'engagent à garantir au mineur un droit à un traitement de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, à renforcer son respect des libertés fondamentales d'autrui, à faciliter, compte tenu de son âge, sa réintégration dans la société et lui permettre d'assumer au sein de celle-ci un rôle constructif. 77 Procureur général du Québec c. 2747-3174, Québec inc., 1996, 3 R.C.S., 961; Voir aussi note 10, p.113 et ss. 41 Séminaire sur la justice des mineurs Examinons donc maintenant comment les États parties envisagent d'actualiser cet énoncé de principes dans l'administration de la justice pour mineurs. 2.2.1 L’engagement des Etats parties Dans la prise en compte des instruments internationaux, les États veillent, au bénéfice des mineurs, à l'application notamment de ce qui suit: Article 40 «1. […] 2. À cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des instruments internationaux, les États parties veillent en particulier: a) A ce qu'aucun enfant ne soit suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale en raison d'actions ou d'omissions qui n'étaient pas interdites par le droit national ou international au moment où elles ont été commises; b) A ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes: i) Être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie; ii) Être informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui ou, le cas échéant, par l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux et bénéficier d'une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense; iii) Que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire compétentes, indépendantes et impartiales, selon une procédure équitable aux termes de la loi, en présence de son conseil juridique ou autre et, à moins que cela ne soit pas jugé contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant en raison notamment de son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux; iv) Ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable; interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans des conditions d'égalité; v) S'il est reconnu avoir enfreint la loi pénale, faire appel de cette décision et de toute mesure arrêtée en conséquence devant une autorité ou une instance judiciaire supérieure compétentes et impartiales, conformément à la loi; vi) Se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée; vii) Que sa vie privée soit pleinement respectée à tous les stades de la procédure.» 2.2.2 L’âge applicable L'établissement d'un âge à partir duquel le mineur sera tenu responsable de ses délits est fondamental dans le système de justice pénale pour mineurs. La Convention s'applique aux mineurs âgés de moins de dix-huit (18) ans (art. 1) mais dans le cadre de la responsabilité pénale, il appartient aux États parties de déterminer l'âge en dessous duquel un mineur est présumé ne pas avoir la capacité de commettre un crime ou un délit. L'âge déterminé par la loi nationale doit correspondre à l'évolution et à la capacité d'un mineur. En principe, ce seuil ne doit pas être trop bas (art. 40 (3) a). 42 Séminaire sur la justice des mineurs Il est possible que les législations nationales prévoient aussi différents niveaux d'âge pour l'application de peines plus contraignantes en regard de délits graves. 2.2.3. La protection du mineur pour infractions non prévues à la loi (40 (2) a) Les États veillent à ce qu'un mineur ne soit pas reconnu coupable d'infractions à la loi pénale en raison de gestes ou omissions qui n'étaient pas interdits par le droit national ou international au moment où ils ont été commis (art 40 (2) a).78 2.2.4 Le système de justice (40 (3)) La création d'un système de justice propre aux mineurs (art. 40 (3)) afin d'assumer une justice qui tienne compte des besoins spécifiques d'un mineur est un point de départ essentiel. Les États conviennent de créer ce système qui tiendra compte de la dimension sociojudiciaire de la situation du mineur. 2.2.5 La sanction de règles de procédure (40 (3)) Les États parties conviennent aussi d'établir des règles de procédure pour assurer la protection des droits de l'enfant. En effet, il est reconnu que le mineur doit bénéficier de droits qui lui sont propres en plus de ceux habituellement reconnus aux adultes. 2.2.6 Les mesures de traitement sans recours à la procédure judiciaire Tout en s'assurant que les garanties légales soient pleinement respectées, les États proposent dans l'intérêt de l'enfant, l'application de mesures qui peuvent être prises sans avoir recours à la procédure judiciaire (art. 40.3 b). Deux éléments sont importants à souligner. Il s'agit, d'une part, d'assurer les garanties légales au mineur et d'autre part, de trouver une mesure qui n'a pas besoin d'une procédure judiciaire pour être appliquée. Les objectifs poursuivis sont de nature à permettre à l'enfant et à ses parents de s'impliquer pour corriger la situation à l'origine du manquement à la loi pénale. 2.2.7 Le droit du mineur suspecté d'une infraction à la loi de bénéficier d'au moins de garanties suivantes (40(2)b) Dès la fin des années 60, la jurisprudence79 établissait que le mineur devait bénéficier des mêmes droits et protection procédurale que les adultes. Ces principes sont codifiés dans la Convention et le mineur a droit à au moins les garanties suivantes: • droit à la présomption d'innocence: jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (40.2 b)i). • droit d'être promptement informé, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux des accusations portées contre lui (art. 40.2 b)ii); • droit de bénéficier d'une assistance appropriée: (assistance judiciaire au toute autre assistance) pour la préparation et la présentation de sa défense (art. 40.2 b)ii), d); 78 79 Note 10, p. 414 Note 5 43 Séminaire sur la justice des mineurs • droit à une audition sans retard devant une autorité ou une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale dans le but d'avoir une audition juste. • droit à l'audition en présence de son conseil juridique ou autre et sauf avis contraire, en présence aussi de ses parents ou représentants légaux. • droit de ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable laissant ainsi au poursuivant le fardeau d'établir hors de tout doute sa culpabilité (art. 40.2 b)iv). Cette règle prévoit que le mineur a droit de garder le silence, incluant le droit de ne pas témoigner. S'il ne témoigne pas, son silence ne peut être commenté. Si, en principe, la procédure judiciaire s'effectue en deux (2) temps, soit d'abord pour établir la culpabilité et ensuite, pour déterminer la peine ou le traitement, il est possible que le mineur ne témoigne pas à la première étape mais qu'il le fasse à la deuxième étape afin d'éclairer l'autorité compétente de sa situation et ainsi, bénéficier des droits que lui confère la Convention à l'article 12. • le droit d'interroger ou de contre-interroger les témoins à charge ou à décharge dans des conditions d'égalité afin que la preuve à être soumise à l'autorité judiciaire soit fiable et que toutes les nuances qui doivent être apportées le soient (art. 40,2b)iv); • droit de faire appel de toute décision ou mesure arrêtée ou ordonnée devant une autorité ou une instance judiciaire supérieure compétente, indépendante et impartiale (art. 40,2b)v) • droit de bénéficier gratuitement de l'assistance de l'interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée lors des procédures (art. 40.2b)v); • droit de bénéficier pleinement du respect de sa vie privée à toutes étapes des procédures: Ce principe signifie qu'aucune information identifiant le mineur délinquant ne peut être publiée (art. 40.2bvi). Il est prévu aussi que les jugements ne doivent pas être rendus publics sauf si l'intérêt du mineur le requiert. Quelques exceptions trouvent application notamment, en raison de la procédure judiciaire qui doit être publique80. Toutefois, les médias et le public ne peuvent publier ou dévoiler l'identité du mineur. Il se peut par ailleurs que le public et les médias soient exclus pour partie ou totalité du procès et ce, dans l'intérêt de la justice ou dans l'intérêt des parties en cause. Enfin, des règles peuvent être établies pour encadrer la consultation des dossiers et leur conservation (art. 40 (2) b)vii). 2.2.8 L'engagement des États parties à prévoir une gamme de programmes autres qu'institutionnels Enfin, les États s'engagent à prévoir toute une gamme de programmes autres qu'institutionnels pour assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l'infraction commise (art. 40 (4). Cette orientation a pour but de réaffirmer la nécessité de diversifier les mesures qui vont permettre d'individualiser les solutions et d'assurer l'application du principe de subsidiarité à la procédure judiciaire. 80 Note 10, p. 418 44 Séminaire sur la justice des mineurs La gamme de mesures peut comprendre l'établissement de soins pour le mineur, son accompagnement assisté d'un professionnel, une mesure probatoire ou encore tout autre programme ou solution qui exclut l'utilisation de l'hébergement ou du placement institutionnel. 3. Conclusion L'examen des articles 37 et 40 codifie le cheminement parcouru au cours du dernier siècle par les États qui se préoccupe de la justice des mineurs. La reconnaissance de l'enfant comme sujet de droit et non comme objet de droit, est le premier constat. Établir que les enfants ont des besoins spécifiques, qu'ils doivent être traités en tenant compte de cette réalité, non seulement dans leur vie courante mais aussi lorsqu'ils commettent des délits, démontre l'importance que la société accorde à la protection des droits des enfants. Accorder aux mineurs les mêmes garanties procédurales et le respect de la règle de droit édictée pour les adultes nous réconforte dans la recherche d'un modèle de justice pour les mineurs qui maintient ses préoccupations de réhabilitation. Voilà donc une partie de la mission que nous avons et aurons à relever ensemble, que ce soit sur le plan judiciaire ou social, dans le respect de nos responsabilités respectives, mais surtout dans la sauvegarde des droits du mineur d'être traité en fonction de ses besoins et dans le respect de son droit à la dignité. 45 Séminaire sur la justice des mineurs 46 Séminaire sur la justice des mineurs RÈGLES DE BEIJING (1985) Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs Oscar D’AMOUR 1. Introduction L'ensemble des Règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs furent adoptées en 198581. Ces règles qui englobent à la fois la justice des mineurs ainsi que les autres types d'intervention sollicitent une approche sociétale dont l'objectif ultime est d'éradiquer la délinquance des mineurs. Nous pouvons, sans nous tromper, affirmer que ces Règles minima des Nations Unies constituent le premier contrat social concernant de l'administration de la justice des mineurs entendue dans son concept globalisant. Soulignons que les Règles adoptées en 1985 ont déterminé certaines orientations incorporées dans la Convention des droits de l'enfant de 1989. Elles ont aussi servi à l'élaboration de règles relatives aux mineurs. À titre d'exemples, mentionnons les règles pour la protection des mineurs privés de liberté (1990) connues comme étant les Règles de la Havane; les règles prévoyant l'élaboration de mesures non-privatives de liberté (1990) connues sous le nom de Règles de Tokyo et enfin, les règles régissant la prévention de la délinquance (1990) connues sous le nom de Règles de Riyad. Les règles des Nations Unies adoptées lors d'une assemblée générale dans le cadre du respect des droits de la personne ne lient pas les États, mais selon les circonstances de leur adoption, celles-ci peuvent constituer la preuve de la coutume internationale. Elles ont donc un poids moral et une force politique puisque les règles élaborées sont partagées par la communauté internationale. Elles constituent par ailleurs un guide d'interprétation de premier choix de la loi nationale si cette dernière, en certaines circonstances, nécessite une interprétation dans une situation particulière82. Quels sont donc les grands objectifs poursuivis par les Règles de Beijing (ci-après Règles) et quels sont les jalons qui nous sont proposés, tant en regard de la justice des mineurs, des droits de ces derniers, du processus judiciaire que de sa complémentarité avec les autres institutions? Et enfin, quelles sont les règles pour le traitement du mineur en milieu ouvert ou en institution? 2. Les principes généraux Les Règles, dans leur perspective fondamentale, s'inscrivent dans une politique sociale globale qui visent à favoriser le plus possible la protection sociale et à réduire l'intervention du système de justice pour mineurs si celle-ci n'est pas nécessaire. Elles visent en premier lieu la prévention de la délinquance en privilégiant l'application de principes dont les modalités de mise en œuvre dépendent des conditions économiques, sociales et culturelles existantes dans chaque État (art. 1.5). Les principes des Règles sont donc les suivants: 81 82 Résolution des Nations Unies, 40/33 du 29 novembre 1985 Arrêt Baker c. Canada, 1999, 2 R.C.S., 817, par. 69 et 70 47 Séminaire sur la justice des mineurs 1) 2) 3) 4) créer des conditions qui assurent aux mineurs une vie utile dans la communauté (art. 1.2); créer une mobilisation complète de toutes les ressources existantes (famille, bénévoles, groupes communautaires, institutions telles écoles) pour promouvoir le bien-être du mineur et réduire le besoin d'intervention (art. 1.3); reconnaître que la justice des mineurs fait partie intégrante du processus national de chaque pays dans le cadre général d'une justice sociale pour tous les jeunes (art. 1.4); assurer le développement systématique des services de justice pour mineurs par le développement et le perfectionnement de la compétence des intervenants en particulier en regard des méthodes, approches et attitudes (art. 1.6). 2.1 Le champ d’application des règles (art. 2) Les Règles doivent s'appliquer aux délinquants mineurs sans distinction aucune. Pour les fins d'une compréhension mutuelle et uniforme, les Règles précisent les concepts tels que: l'âge à partir duquel un mineur peut répondre d'un délit selon des modalités distinctes d'un adulte (art. 2.2 a); la définition de délit (acte ou omission punissable par la loi en vertu d'un système juridique considéré (art. 2.2 b); définition de la délinquance juvénile (art. 2.2 c); Pour une application des Règles, les États devront élaborer des lois, règlements applicables aux délinquants et aux institutions qui auront pour but de: répondre aux besoins des délinquants juvéniles tout en protégeant leurs droits fondamentaux (art. 2.3 a); répondre aux besoins de la société (art. 2.3 b); faire appliquer effectivement et équitablement l'ensemble des règles (art. 2.3 c). Les Règles trouveront application, non seulement pour les délinquants mais aussi pour les mineurs qui seront poursuivis pour des comportements qui ne seraient pas punissables s'ils étaient commis par un adulte. On fait ici références à des délits d'état (non-fréquentation scolaire, non-respect des règles de la maison, etc.). Il s'agit d'un comportement qui ne constitue pas un délit au sens de la loi pénale (art. 3.1). Les Règles s'appliqueront aussi dans la situation d'un mineur sujet à des mesures de protection (art. 3.2). 2.2 Âge de la responsabilité pénale (art.4) Le seuil de la responsabilité pénale peut varier d'une législation à une autre dépendant des objectifs poursuivis. Ce seuil doit être fixé dans le cadre de la justice des mineurs en fonction de la relation que nous pouvons établir entre, d'une part, le comportement antisocial et d'autre part, la capacité de discernement et de compréhension que peut avoir un enfant. Les études criminologiques fournissent maintenant des paramètres qui facilitent la détermination du seuil qui ne doit pas être trop bas. 48 Séminaire sur la justice des mineurs 2.3 Objectifs de la justice pour mineurs (art. 5) L'article 5 établit deux objectifs fondamentaux de la justice des mineurs. Le premier concerne la recherche du bien-être du mineur et le second a trait à la réaction proportionnée aux circonstances propres aux délinquants et aux délits. Le deuxième objectif est l'application du principe de la proportionnalité par opposition à la notion de rétribution, laquelle constitue une sanction punitive en relation avec la gravité du délit uniquement. Dans la sanction du délinquant, il importe de prendre en compte, non seulement la gravité du délit mais aussi les caractéristiques personnelles du délinquant pour proportionner la mesure ou la sanction. Cet article freine aussi une appréciation du besoin de protection du délinquant qui irait plus loin que nécessaire et de ce fait, porterait atteinte aux droits fondamentaux du mineur. Il tempère l'application du modèle protectionnel qui ne tient pas compte du délit, mais uniquement du besoin de traitement du mineur. 2.4 Portée du pouvoir discrétionnaire (art. 6) À toutes les étapes de la procédure et aux différents niveaux de l'administration de la justice pour mineurs, un pouvoir discrétionnaire doit être prévu pour une justice efficace, juste et humaine qui individualise les mesures. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas un pouvoir arbitraire. Des balises sont nécessaires pour limiter les abus et sauvegarder les droits des délinquants. Doit s'ajouter à ces balises un sens des responsabilités et une qualification professionnelle qui constituent deux éléments susceptibles de former un contre-poids à la décision arbitraire. 2.5 Droits du Mineurs (art. 7) L'article 7 des Règles prévoit, au bénéfice du mineur, les garanties fondamentales suivantes: présomption d'innocence; droit d'être informé des charges; droit de garder le silence; droit à l'assistance; droit à la présence des parents; droit de confronter les témoins et d'en produire; droit d'interjeter appel. 2.6 Protection de la vie privée (art. 8) Le respect de la vie privée du mineur doit être efficace à tous les stades de la procédure afin de lui éviter les effets nocifs d'une publication dans les médias d'informations permettant de l'identifier. Toutefois, ce droit n'est pas absolu comme nous le verrons à l'article 21 des Règles qui traitent des archives concernant les jeunes délinquants. 49 Séminaire sur la justice des mineurs 2.7 Clause de sauvegarde (art. 9) L'interprétation des Règles de Beijing ne doit pas se faire comme excluant tous les autres instruments adoptés par l'Organisation des Nations Unies concernant le droit de l'homme et la protection des mineurs. À titre illustratif, soulignons: la Déclaration universelle des droits de l'homme; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils, politiques; les règles relatives au traitement des détenus. 3. Instruction et poursuites 3.1 Premiers contacts (art. 10) Lorsqu'un mineur est appréhendé, ses parents ou son tuteur doivent en être informés dans les plus brefs délais et sa libération doit être examinée sans délai par l'autorité compétente (art. 10.1 et 10.2). Les contacts avec la police et autres intervenants doivent se faire en tenant compte du statut juridique du mineur et doivent «éviter de lui nuire». Le mineur a droit d'être traité avec «bienveillance et fermeté». 3.2 Recours à des moyens extrajudiciaires (art. 11) Quel que soit le type d'infraction, l'orientation des Règles privilégie le recours à des moyens extrajudiciaires (déjudiciarisation): soit au niveau de la police; soit à l'étape de la poursuite; soit à tout autre moment des procédures. Les règles applicables, concernant des mesures de rechange ou moyens extrajudiciaires, doivent prévoir que le délinquant et/ou ses parents donnent leur consentement et aussi que le consentement soit révocable. De plus, le mineur doit avoir la possibilité, avant de donner son consentement à l'application d'une mesure extrajudiciaire, que celle-ci soit évaluée objectivement par une autorité compétente. L'application de mesures de rechange (programme communautaire avec surveillance) peut justifier le recours à des moyens extrajudiciaires. 3.3 Spécialisation au sein des services de polices (art. 12) La police est souvent le premier intervenant de l'appareil judiciaire. Les membres de cette institution ont un rôle fondamental et indispensable auprès des jeunes pour enrayer ou prévenir la délinquance. Une formation appropriée, tant au niveau des besoins des jeunes que des modes d'intervention auprès de ceux-ci, est fondamentale. 50 Séminaire sur la justice des mineurs 3.4 Détention préventive (art. 13) La détention préventive doit être une mesure de dernier ressort et elle doit être aussi courte que possible (art. 13.1). Les solutions de rechange doivent être privilégiées. Les mesures novatrices qui ne comportent pas une privation de liberté doivent être examinées (art. 13.2). Par ailleurs, si la détention préventive est retenue, le mineur doit nécessairement bénéficier de tous les droits et garanties accordés à un détenu adulte (art. 13.3). Pour éviter la «contamination criminelle», le mineur doit, même à l'étape de la détention préventive, être séparé des adultes et détenu dans des établissements distincts ou dans une partie distincte s'ils sont détenus dans le même établissement (art. 13.4). Enfin, durant sa détention, le mineur doit être protégé et recevoir les soins et l'assistance dont il peut avoir besoin eu égard à son âge, son sexe et sa personnalité (art. 13.5). 4. Jugement et règlement des affaires 4.1 Autorité compétente pour juger (art. 14) Les Règles déterminent que la procédure judiciaire est subsidiaire à l'intervention extrajudiciaire dans le traitement du cas du mineur (art. 11). Si après étude, la procédure judiciaire est la voie envisagée pour l'examen du cas du mineur, cet examen doit être fait conformément aux principes d'un procès juste et équitable (art. 14.1). La procédure suivie doit tendre à protéger au mieux les intérêts du jeune. Elle doit aussi se dérouler dans un climat de compréhension permettant au mineur de s'exprimer librement s'il le désire (art. 14.2). L'autorité compétente, déterminée dans la loi de l'État membre doit assurer la protection des garanties fondamentales reconnues à tout accusé et telles qu'énumérées à l'article 7.1 des Règles. 4.2 Assistance d’un conseil, parents et tuteurs (art. 15) Tout comme pour l'adulte, le mineur a droit d'être représenté par un conseil tout au long des procédures judiciaires. Cette représentation fait partie des garanties fondamentales de la procédure pour en assurer la légalité (art. 15.1). Le mineur peut aussi demander à ce qu'un conseil lui soit assigné, si un tel système de désignation d'un avocat d'office existe dans le pays où les procédures sont entreprises. Si un tel système existe, il est aussi du devoir de l'autorité compétente d'en informer le mineur. Les parents sont sollicités pour participer aux procédures afin d'offrir au mineur support et réconfort. Ils peuvent aussi, en temps opportun, offrir un éclairage à l'autorité compétente sur la situation du mineur. Leur exclusion ne peut se justifier que si leur rôle à l'audience est négatif en adoptant, à titre d'exemple, une attitude hostile à l'égard du mineur. 4.3 Rapport d’enquête sociales (art. 16) L'autorité compétente doit bénéficier d'une connaissance de la situation psychosociale du mineur afin d'imposer une mesure appropriée qui tient compte du délit de la situation du 51 Séminaire sur la justice des mineurs mineur et des objectifs de la société. Ces expertises sont habituellement requises des services sociaux qui sont des institutions sociales distinctes du système judiciaire. 4.4 Jugement et décision, principes directeurs (art. 17) La difficulté de formuler des principes directeurs clairs régissant le jugement concernant les mineurs, tient du fait que dans la société, il existe «des conflits non résolus entre certaines options fondamentales». Soulignons les options qui s'opposent dans la société: a) réinsertion sociale ou sanction méritée; b) assistance ou répression et punition; c) réaction adaptée aux caractéristiques d'un cas particulier ou réaction inspirée par la nécessité de protéger la société dans son ensemble; d) dissuasion générale ou défense individuelle (commentaire, art. 17). L'option retenue par les Règles n'est pas de prescrire la procédure à suivre, mais plutôt «d'en définir une qui soit très étroitement conforme aux principes acceptés universellement» (commentaire, art. 17). L'autorité compétente doit considérer dans sa décision que: la peine capitale n'est pas applicable au délit commis par le mineur (art. 17.2); les mineurs ne doivent pas être soumis à des châtiments corporels (art. 17.3). L'autorité compétente doit aussi prendre en compte que: la mesure strictement punitive ne convient pas dans la situation d'un mineur et l'intérêt et l'avenir du mineur doivent avoir préséance (arts 5 et 17.1); la non-privation de liberté est la règle; la privation n'est infligée qu'exceptionnellement, après examen minutieux de la situation et qu'il n'y ait pas d'autre alternative (art. 17.1 b) et c); la mesure doit être proportionnée, non seulement aux circonstances et à la gravité du délit mais aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu'aux besoins de la société (art. 17.1 a); Tel que prévu à l'article 6 (pouvoirs discrétionnaires), l'autorité compétente doit disposer d'un pouvoir d'interrompre les procédures à tout moment dans l'intérêt du mineur (art. 17.4). 4.5 Disposition du jugement (art. 18) Les Règles rappellent que le mineur ne devrait pas être soustrait à la surveillance de ses parents à moins que les circonstances ne rendent cette séparation nécessaire (art. 18.2). L'autorité compétente, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire, peut permettre que son jugement soit exécuté sous formes diverses en laissant une grande souplesse à ceux chargés de l'exécution pour éviter, autant que possible, le placement du mineur dans une institution (art. 18.1). L'article 18.1 illustre les perspectives fondamentales des Règles (art. 1.3) qui privilégie le maintien du mineur sous la responsabilité de ses parents et sollicite la participation de la communauté dans le choix d'une mesure applicable au mineur. À la détention, l'autorité compétente privilégie l'ordonnance d'aide et de surveillance; l'ordonnance d'intervention des services communautaires, de participation à des réunions de groupes d'orientation ou activités analogues; de paiement d'amendes, d'indemnisation et de restitution; ou encore de placement dans une famille ou autre milieu éducatif. 52 Séminaire sur la justice des mineurs 4.6 Recours minimal au placement en Institution (art. 19) Selon les commentaires inclus dans les Règles, les criminologues progressistes recommandent le traitement du mineur en milieu ouvert de préférence au placement en institution. Il semble que l'utilisation de l'une ou l'autre des voies ne serait pas plus efficace ou aurait la même efficacité. Dans les cas où il y a nécessité de procéder au placement du mineur, les Règles limitent ce placement de deux façons: il doit s'agir de la mesure de dernier ressort; sa durée doit être aussi brève que possible. 4.7 Eviter les délais (art. 20) Les affaires concernant les mineurs doivent être traitées rapidement, sans retard indu en raison de la perception de la notion de temps chez le mineur qui est différente de celle de l'adulte. Pour qu'une sanction ait une valeur éducative, il faut qu'elle soit contemporaine au délit de façon à ce que le mineur puisse établir les liens entre le délit et la mesure et prévenir la récidive. 4.8 Les archives (art. 21) L'article 8 prévoit la protection de la vie privée du mineur. À l'article 21, deux éléments essentiels sont à souligner: Les archives concernant les jeunes délinquants doivent être considérées comme strictement confidentielles et incommunicables à des tiers (art. 21.1); Les antécédents d'un jeune délinquant ne peuvent être évoqués dans des poursuites ultérieures à l'encontre du mineur devenu adulte (art. 21.2). Bien que ces deux principes soient clairs, certaines questions demeurent: Faut-il distinguer les archives de cour des dossiers de police? La confidentialité est-elle absolue ou relative? Doit-on exiger une autorisation judiciaire ou établir les règles dans la loi pour prévoir des exceptions à la protection de la vie privée du mineur? Qu'en est-il de la conservation et la destruction des dossiers et archives? 4.9 Compétence professionnelles et formation (art. 22) La formation sous différentes formes est essentielle pour le maintien des compétences professionnelles (art. 22.1). La représentation équitable dans le système de justice reflétant la diversité des jeunes qui sont en contact avec le système, est un des éléments à prendre en compte pour maintenir une crédibilité de l'organisation. Toute forme de discrimination d'ordre politique, social, sexuel, racial, religieux, culturel ou autre, au niveau de la sélection, de la nomination et de l'avancement du personnel de l'administration de la justice pour mineurs est à bannir. La représentation équitable des femmes et des minorités dans les sphères de la justice pour mineurs est un objectif à atteindre (art. 22.2). 53 Séminaire sur la justice des mineurs 5. Traitement en milieu ouvert 5.1 Moyen d’exécution du jugement (art. 23) L'autorité compétente (art. 14) qui a rendu une décision doit prendre les mesures pour que celles-ci soient exécutées. L'autorité qui aura à exécuter les décisions pourra, si nécessaire, modifier celles-ci selon les principes élaborés dans les Règles. Si l'autorité qui assure l'exécution de la mesure n'est pas celle qui l'a rendue, elle devra, s'il y a modifications, se conformer au processus suivi lors du choix de la mesure. En d'autres mots, si la mesure qui a été décidée judiciairement, est appliquée par une autorité administrative, cette dernière pourra la modifier à la condition que la modification ne porte pas atteinte au droit à la liberté du mineur. Mais, si la modification de la mesure a pour conséquence une privation de liberté pour le mineur, l'autorité qui exécute la mesure devra obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire, sauf si la loi prévoit expressément un régime différent. 5.2 Assistance des mineurs (art. 24) Comme les Règles de Beijing privilégient une approche sociétale de l'administration de la justice des mineurs, cet article précise et réaffirme que le traitement du mineur doit être assuré par la communauté et que celle-ci doit aussi s'associer à la justice des mineurs pour la mise en œuvre des mesures décidées par l'autorité compétente. 5.3 Mobilisation de volontaires et autres services communautaires (art. 25) L'assistance aux mineurs est plus large que celle prévue à l'article 7.1 (assistance d'un conseil). Cette assistance a pour objectif la réinsertion sociale du mineur. Nous faisons donc référence aux droits du mineur d'avoir accès aux services sociaux. Cette règle découle des principes exposés aux articles 1.1 à 1.6 des présentes Règles et est en lien avec les énoncés du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 6. Traitement en institution 6.1 Objectifs du traitement en institution (art. 26) Le traitement du mineur placé en institution a pour objectifs de: assurer assistance, protection, éducation, formation en vue de permettre au délinquant de jouer un rôle productif dans la société (art. 26.1); permettre de recevoir aide (plan social, éducatif, professionnel, psychologique, médical et physique) en regard de son âge, son sexe, dans l'intérêt de son développement harmonieux (art. 26.2); s'assurer que le mineur placé dans une institution soit séparé des adultes et détenu, dans un établissement distinct ou partie distincte d'un établissement qui abrite aussi des adultes (arts 13.4 et 26.3). 54 Séminaire sur la justice des mineurs 6.2 Points particuliers Une attention particulière doit être apportée aux délinquantes afin d'éviter que le traitement dont elles bénéficieront, ne soit pas inférieur à celui dont bénéficient les adolescents. Elles ont droit à un traitement équitable (art. 26.4) De plus, il faut reconnaître que les parents ou tuteurs ont droit de visiter un mineur placé en institution (arts 7.1, 10.1, 15.1, 18.2 et 26.5). Soulignons comme fondamentale la coopération entre les ministères pour la formation scolaire des délinquants afin d'éviter que ceux-ci ne soient pas désavantagés en quittant l'institution (art. 26.6). Notons que les Règles minima pour le traitement des détenus sont applicables aux mineurs dans la mesure où ces règles ne sont pas incompatibles avec les Règles minima de Beijing (arts 9 et 27). 6.3 Application fréquente et prompte du régime de libération conditionnelle (art. 28) Afin d'éviter que le délinquant demeure en établissement si la situation ne le requiert plus ou pas, celui-ci doit bénéficier de la possibilité de demander aussi souvent et aussitôt que possible, une révision de sa détention afin de lui permettre de continuer à recevoir aide et surveillance dans la communauté qui peut le supporter (arts 28.1 et 28.2). 6.4 Régimes de semi-détention (art. 29) Nous pouvons définir ces régimes comme une privation de liberté à la carte pour une intégration sociale planifiée (art. 29). Les régimes de semi-détention peuvent être une mesure initiale pour aider un délinquant. Elle peut aussi être une mesure intermédiaire permettant une transition entre le placement en institution et le retour définitif du délinquant dans sa famille ou sa communauté. 7. Recherche, planification, élaboration de politiques et évaluation L'évaluation des besoins des jeunes pour améliorer la formulation des politiques et concevoir des interventions satisfaisantes requiert un engagement à initier des recherches sur une base planifiée (art. 30). Les Règles suggèrent que la recherche soit initiée pour l'élaboration et l'évaluation des politiques comme suit: l'organisation et la promotion de la recherche pour l'élaboration efficace de politiques (art. 30.1); la revue et l'évaluation des tendances, des problèmes et des causes de la délinquance ainsi que des divers besoins propres aux mineurs incarcérés (art. 30.2); la création d'un dispositif permanent de recherche et d'évaluation dans le système d'administration du système de justice pour mineurs pour l'amélioration future et la réforme de l'administration (art. 30.4); la planification systématique et la mise en œuvre de services doivent faire parties intégrantes de l'effort de développement national (art. 30.4). 55 Séminaire sur la justice des mineurs 8. Conclusion Les Règles de Beijing sollicitent dès 1985 une approche sociétale du traitement du mineur délinquant. Adopter par les Nations Unies, ces Règles reprennent des principes et des pratiques partagées par la communauté internationale. Elles sont une source de référence pour l'interprétation des lois nationales et une source d'inspiration pour l'élaboration de conventions, de règles ou de lois nationales au profit des mineurs qui sont en conflit avec la loi. Notre réflexion ne doit pas nous amener à conclure, mais elle doit plutôt nous permettre de faire un examen de notre législation nationale et découvrir jusqu'à quel point les Règles de Beijing sont intégrées dans nos propres législations ou encore, de mesurer le chemin qui nous reste à parcourir pour intégrer l'approche sociétale qui nous est proposée. 56 Séminaire sur la justice des mineurs LES GRANDS INSTRUMENTS INTERNATIONAUX EN MATIERE DE JUSTICE DES MINEURS. LES PRINCIPES DIRECTEURS DE RIYAD : LA PREVENTION Christian MAES « Nul ne peut être l’instrument de personne » François Mitterand Si, hier83, nous sommes parvenus à la piètre conclusion • qu’autant de modèles de réaction à la délinquance, commise par des mineurs, connaissent leurs apôtres, • et qu’ils sont le fruit d’idéologies divergentes, d’optiques différentes concernant l’enfant en général et l’enfant délinquant en particulier, • sans que ces modèles ne résolvent pour autant la persistance du phénomène84, ne faut-il pas s’avouer que la justice (juvénile) ne remédie qu’à des symptômes? La commission de délits reflète l’existence de problèmes sociaux ou individuels, dont on n’a pas perçu l’existence, dont on nie la réalité, auxquels on reste indifférent ou qu’on n’est pas en mesure de résoudre. La logique même nous porte à en déduire qu’il suffit de discerner, de définir, d’élucider ou d’éviter des problèmes sociaux ou individuels pour éradiquer la métastase de la délinquance. Si tout était si simple, pourquoi les états ne consacrent-ils pas toute leur énergie et tous leurs deniers à prévenir plutôt qu’à guérir ? Nous osons suggérer qu’aux yeux des politiques, réagir au délit est bien plus «visible». Pour le citoyen – électeur, la perception de ce que l’état investit en prévention de problèmes sociaux n’est jamais aussi grande que de ce que l’état déclare faire de façon immédiate par la répression du délit. Mais, peut-être les politiques ne font-ils pas assez le lien entre ces efforts de prévention et leur conséquence pour la criminalité alors que les médias ne s’y intéressent guère par manque de sensationnel ou d’anecdotique ? Ce qui, par contre, est une certitude, c’est que tout prévoir est utopie et que l’état ferait preuve de peu de « gouvernement » s’il ne prévoyait et n’élaborait pas simultanément un système de justice. Ce n’est pas quand, malgré tout, le grand magasin brûle, qu’il faut encore penser à indiquer les sorties de secours, l’emplacement des bornes d’incendie et commencer à former le personnel à l’aide aux clients-victimes. Le plan de secours doit être en place pour toute éventualité. 83 C.Maes, La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs : les modèles, Formation en justice des Mineurs pour Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique de l’Ouest, Ouagadougou (Burkina Faso) 29.11-3.12.2004 84 H.Schüler-Springorum, Synthèse finale du 5ième séminaire de l’IDE, 12-16.10.1999, 100 ans de Justice Juvénile, bilan et perspectives, Institut Universitaire Kurt Bösch 2000, 301 57 Séminaire sur la justice des mineurs C’est là une attitude réaliste de politique subsidiaire, mais essentielle. Conclusion : employons-nous avec toutes nos forces à la prévention, mais ne négligeons pas le système judiciaire comme filet de secours, qui lui, doit faire partie d’une politique globale favorisant l’insertion sociale des jeunes, ce qui a, à son tour, un effet préventif85. *** Au centre de la prévention se situe l’effet qu’elle poursuit. C’est sur la base des effets poursuivis que nous dénombrons trois sortes de prévention : 1. la prévention première, tendant à réduire ou à éviter le risque de la manifestation d’un comportement ou l’apparition d’une situation indésirable à sous-diviser en : 1.1. la prévention première individuelle 1.2. la prévention première générale, tendant à une réorganisation de la vie en commun 2. la prévention secondaire, tendant à déceler l’indésirable au plus tôt et de le refouler 3. la prévention tertiaire, tendant à diminuer les conséquences d’un comportement ou d’une situation indésirable, de prévenir la récidive et d’éviter les complications qui surgiraient suite à intervention inappropriée. Toutefois, afin d’être ou de rester efficace, il ne suffit pas d’employer son énergie à un seul aspect de la prévention, ni, comme nous l’avons déjà rappelé, à négliger l’élaboration d’un système judiciaire performant. Nous observons, par ailleurs, que l’internationalisation de la délinquance incite les Etats à pencher vers des réactions répressives, impuissants à obtenir quelque emprise sur la politique sociale des autres pays. Il nous faut donc, derechef, partir à la recherche de points au sujet desquels nous pouvons nous entendre : • • • approche intégrée et simultanée, avec préférence pour la prévention, et dès lors subsidiarité de l’action judiciaire, mise en harmonie de tout cela au niveau international. Les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990 à Riyad soulignait et souscrivait il y a bientôt quatorze ans déjà, les mêmes idées et idéaux. Force est de constater, une fois de plus et malheureusement, l’écart entre les intentions de ce texte à caractère novateur, ouvert et progressiste et la réalité de leur régression observée dans nombreux pays en matière de lutte contre la délinquance juvénile.86 85 voir : Recommandation n°R(87)20 du Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales à la délinquance juvénile du 17.09.1987, point I.1.a 86 F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 1037 58 Séminaire sur la justice des mineurs Mais, malgré cela, il ne faut nullement se décourager et rappeler l’importance pour le citoyen, dans une société qui se veut et se déclare démocratique, d’être bien gouverné87. Les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile font partie, tout comme les deux autres instruments des Nations Unies sur la justice pour mineurs, d’un type de droit non contraignant, qui ne lie donc ni les organes législatifs à tous échelons, ni les citoyens, mais dont l’importance ne se limite pas à leur seule portée «morale». En effet, selon les articles 7 et 8 des Principes directeurs, ceux-ci seront interprétés et appliqués dans le cadre de tous les instruments et de toutes les normes des Nations Unies intéressant les droits, les intérêts et le bien-être de tous les enfants et de tous les jeunes. Ils seront appliqués dans le contexte de la situation économique, sociale et culturelle propre à chaque Etat membre. Les Conventions relatives aux droits de l’homme en général et celle relative aux droits de l’enfant en particulier, à caractère contraignant (elles) peuvent donc s’avérer très utiles pour véhiculer ces Principes.88 Si nous retrouvons la prévention secondaire et tertiaire davantage dans les autres instruments des Nations Unies sur la justice des mineurs89, la prévention première générale, elle, se situe principalement dans les, dits Principes directeurs de Riyad. De nombreuses études sur les causes de la criminalité démontrent que la famille, l’école, le voisinage90 et les pairs ont une influence majeure sur le comportement délinquant et que les grandes institutions de socialisation (famille, école, lieu de travail et communauté locale) ont donc un rôle important à jouer dans toute stratégie de lutte contre la délinquance juvénile91. Ce n’est, dès lors, pas par hasard que ce sont exactement ces institutions de socialisation et d’intégration que les politiques de prévention veulent soutenir et encourager, comme nous le retrouvons sous le chapitre IV92 des Principes directeurs, y ajoutant également « les médias », sans conteste d’influence grandissante par leur transmission de l’image du monde et du message que eux, ils y rattachent. 87 si jamais vous avez la chance de pouvoir visiter la ville de Sienne en Italie, ne manquer pas de vous arrêter au Museo Civico ( Palazzo Pubblico) devant les fresques peintes par Ambroglio Lorenzetti (1290-1348); elles tiennent en elles l’enseignement des conséquences du Bon et du Mauvais Gouvernement. 88 G.Cappelaere, Introduction au dossier concernant les normes internationales relatives aux droits de l’enfant, publication de Défense des Enfants-International, Genève 1995 ; puisque les Principes directeurs de Riyad (1990) ont été acceptés après l’adoption de la CIDE (1989), ils y font référence. 89 par exemple les articles 1.2, 1.4, 11.1, 26 et 29 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) Résolution 40/33 du 29.11.1985 et les articles 3, 38, 39, 45, 59, 79, 80 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) Résolution 45/113 du 14.12.1990. 90 même la situation matérielle, tel l’habitat, la progression de l’urbanisation et de l’appauvrissement croissant de quartiers dans les villes. 91 Exposé des motifs sur la Recommandation n°R(2003)20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs, adoptée le 24.09.2003 92 les articles 10 à 44 (processus de socialisation) 59 Séminaire sur la justice des mineurs Pour arriver à ce but, l’article 9 demande d’instituer, de façon pluridisciplinaire, coordonnée et concertée, à chaque échelon de l’administration publique des plans, des programmes de prévention complets et détaillés et de ne pas oublier d’y faire participer la collectivité, mais aussi les jeunes eux-mêmes. Une politique de prévention générale globale93, donc, attentive à chaque domaine social. Résumant le chapitre I94 des Principes directeurs, ces programmes de prévention doivent être axés sur le bien-être des jeunes dès la plus tendre enfance95, à qui est réservé un rôle actif de partenaires dans la société et qui ne sont, dès lors, nullement à considérer comme de simples objets de socialisation et de contrôle96, mais comme des partenaires égaux dans le processus de socialisation et d’intégration97. Il ne suffit pas d’assurer un développement harmonieux à tous les jeunes, de réduire la motivation, le besoin et les occasions de commettre des infractions et d’éliminer les conditions qui y donnent lieu98, n’excluant en rien la protection particulière à ceux qui sont «en danger» ou «en état de risque social»99. Il faut en même temps éviter de criminaliser et de pénaliser des comportements qui ne causent pas de dommages graves à l’évolution de l’enfant et ne portent pas préjudice à autrui100. Mais regardons de plus près les grandes institutions de socialisation dont nous parlions et que nous retrouvons sous le chapitre IV des Principes directeurs. Soumettons-les à un regard critique tout en nous efforçant de dégager des leçons pour leur application se raccordant à la réalité. Si la famille, dans le sens le plus large et sous toutes ses formes (nouvelles), se veut d’être et de rester le premier lieu de socialisation101 et, si une «ambiance familiale stable et sereine»102 contribue au bien-être de tous ses membres, force est de constater sa lente dévalorisation au profit d’autres pôles d’éducation103. 93 G.Cappelaere et A.Grandjean, Enfants privés de liberté ; droits et réalités, édition Jeunesse et Droit, Paris/Liège 2000, 363 94 les articles 1 à 6 (principes fondamentaux) 95 les articles 2 et 4 96 l’article 3 97 les articles 3, 9, 10, 18, 31 et 50 98 l’article 5.b ; voir également la Recommandation n°R(87)20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe citée sous note 3, point I.1.c. 99 les articles 5.a, 24 et 38 ; « abandonnés, négligés, mal-traités, exposés à la drogue ou en situation marginale » selon le préambule ; voir également la Recommandation n°R(87)20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe citée sous note 3, point I.1.b et la Recommandation n°R(88)6 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales au comportement délinquant des jeunes issus de familles migrantes du 18.04.1988 : « offrir des chances égales (promouvoir l’accès, la participation / aide et assistance) aux jeunes allochtones (considérés comme des jeunes en difficulté) pour qu’ils puissent s’épanouir et s’intégrer à la société du pays de résidence, éviter tout traitement discriminatoire. » 100 l’article 5 101 l’article 12 102 l’article 14 103 Mais, est-ce aussi le cas dans d’autres sociétés (tribales), qui offrent des adultes éducateurs permanents (et présents) bien plus multiples et où le sujet s’identifie beaucoup plus largement par son appartenance au groupe, que dans la société industrialisée, individualiste et individualisée, qui a rétréci la famille à son noyau minimal? L.Cassiers, La Convention sur les droits de l’enfant ; 60 Séminaire sur la justice des mineurs Les articles des Principes directeurs eux-mêmes prennent en considération cette dépréciation. Ils admettent les dangers que guettent le maintien de l’intégrité et, dès lors, de la stabilité de la vie familiale104, ils témoignent de la situation difficile pour des familles de minorités autochtones ou migrantes et réfugiées affectées par l’évolution rapide et irrégulière de la situation économique, sociale et culturelle en tension avec l’éducation traditionnelle qu’elles veulent assurer à leurs enfants105, ils sont conscients des frictions entre générations106. Une aide et assistance morale et financière, un soutien de ses qualités et capacités intrinsèques, apportés avec beaucoup de flexibilité sont, bien sûr, à propos, mais il faut bien plus pour redonner à la famille son importance première, peut-être parce que celle des autres lieux de socialisation s’avère exagérée pour des raisons qui, somme toutes, conviennent bien aux Etats. Nos dirigeants, dont le principal souci est l’expansion économique et monétaire du pays qu’ils gouvernent, ont avantage à encourager une mentalité de concurrence parmi les citoyens… Même, si cette mentalité est graine d’inégalité et de dépendance, de frustrations et de stress. Ce que le prix Nobel, Konrad Lorenz, formule par ailleurs de façon frappante comme étant un des huit péchés capitaux de la civilisation : la surpopulation et « la contrainte, l’angoisse du dépassement, la course contre soi-même »107. Si le droit trouve sa raison d’être et n’intervient que lorsqu’il y a (crainte d’) abus de pouvoir ou de dépendance d’un individu envers son concitoyen ou dans sa relation avec l’Etat, la loi elle-même confirme souvent les rapports d’inégalité et de dépendance entre les hommes. On pourrait se poser la question si ramener les états de dépendance à un minimum, ne mènerait pas à une société moins frustratoire, moins concurrentielle, moins agressive, au sein de laquelle la présence de la loi, celle du droit, celle de l’Etat serait moins nécessaire.108 C’est exactement, le deuxième lieu de socialisation, l’école, où le processus de développement de l’enfant gagne d’importance, qui contribue encore le plus à la mentalité de concurrence. Comme les programmes scolaires le prouvent, nos dirigeants ont fait le choix d’un système éducatif en fonction de l’économie du marché. Dans ce système prévalent des notions agressives. Nos industries ont besoin de gagnants, nos banques n’ont que faire de « loosers ». Et pourtant, c’est probablement de cette manière-là que jaillissent les sentiments qui mènent au non-respect des biens d’autrui, qu’ils soient matériels ou immatériels. C’est dans la course au pouvoir que tout est désormais permis. La violence du pouvoir appelle à celle du frustré dans son existence et dans ses moyens. D’ailleurs, comme nous l’enseignait Montesquieu : « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » Commentaires psychologiques, dans M.T.Meulders-Klein, La Convention sur les droits de l’enfant et la Belgique, Kluwer-Story-Scientia Bruxelles 1992, 49 104 les articles 13, 14 et 17 105 l’article 15 106 l’article 16 107 K.Lorenz, Die acht Todsünden der zivilisierten Menschheit, München 1973 (Les huit péchés capitaux de notre civilisation, Flammarion 1973): « il est de l’intérêt des hommes au pouvoir, indépendamment de toute orientation politique, de promouvoir et d’intensifier les motivations qui favorisent cette contrainte du dépassement » (cit.p.53) 108 Chr.Maes, Sincérité et non-violence, contribution à un atelier lors du Séminaire africain de DEI concernant « Les enfants en conflit avec la loi : un défi dans le contexte des droits de l’enfant » les 13 et 14 janvier 1997 à Dakar (Sénégal) 61 Séminaire sur la justice des mineurs Afin de modérer les excès d’un système basé sur la différence109, la concurrence et l’agressivité, toute démocratie devrait y apporter correction moyennant une politique sociale élaborée, bien sûr, mais en amont, par l’inscription dans ses programmes scolaires d’apprentissage de la communication non-violente, de formation au dialogue et à la compréhension et au respect d’autrui, d’acquisition d’attitudes et aptitudes pro-sociales, d’encouragement de la sincérité et de l’honnêteté… Que d’autre trouvons-nous inscrit, d’ailleurs (et, c’est bien), à l’article 29.1.d) de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ? : « Les Etats parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à :…préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone110;… Heureusement, les Principes de Riyad suivent la même idée maîtresse en soulignant qu’à côté de l’obligation d’assurer l’accès d’un enseignement et d’une formation professionnelle111 du plus haut niveau112 à tous113, la mission de l’école est avant tout de former hommes et femmes à l’humanité et à la responsabilité. Cela comporte un enseignement aux valeurs fondamentales, au respect pour sa propre culture mais également pour d’autres civilisations, pour les lois et les droits de l’homme et les libertés fondamentales114, un apprentissage aux égards pour d’autres points de vue et opinions115. Le tout contribue pour ainsi dire d’évidence au plein épanouissement de la personnalité, des talents et des aptitudes des jeunes116. Nous détectons une prévention spécifique, non seulement là où les Principes directeurs exigent des programmes, une approche et des outils pédagogiques spécialement adaptés à des jeunes en situation de risque social117, mais également où elles demandent une attention particulière pour des stratégies de prévention de l’abus de drogues, d’alcool et d’autres substances118, pour la prévention de maladies119, pour une aide à ceux qui ont difficulté à observer les règles d’assiduité au cours et qui sont en abandon scolaire120. 109 U.Eco, Cinq questions de morale, Bernard Grasset, Paris 1997, 162 : « la tolérance reste un problème éducatif permanent (…), car la vie quotidienne nous expose sans cesse aux traumatismes de la différence » 110 U.Eco,cit., 166: “Eduquer à la tolérance des adultes qui se tirent dessus pour des raisons ethniques et religieuses est du temps perdu. Trop tard. Donc, l’intolérance sauvage se combat à la racine, par une éducation constante qui doit commencer dès la plus tendre enfance, avant qu’elle soit écrite dans un livre, et avant qu’elle devienne une croûte comportementale trop épaisse et trop dure” 111 l’article 21 112 l’article 28 113 l’article 20 114 voir également l’information prévue à l’article 23 115 l’article 21 a) et e) 116 l’article 21 b) 117 les articles 24 et 27 118 l’article 25 119 l’article 26 120 l’article 30 62 Séminaire sur la justice des mineurs L’école doit également se charger de dispenser une information concernant les possibilités d’emploi et des perspectives de carrière121 et donner l’opportunité d’acquérir une expérience professionnelle par le biais de stages. Pour que les missions aient une chance de « coller », il faut absolument que les lieux d’apprentissage et de formation soient attractifs pour les jeunes et leur entourage immédiat. Faites participer les jeunes au processus d’éducation au lieu de le subir, invitez les proches à une collaboration, soyez attentifs à l’organisation d’activités hors programme122, chargez les éducateurs à traiter leurs élèves avec le respect123 dont ils attendent, à raison, la réciprocité. Prenez soin à ce que les études puissent déboucher en une possibilité et un accès à un emploi approprié, sans quoi, ceux qui n’en trouvent pas risquent rapidement de se déconnecter de la société et de se réfugier dans la délinquance. Celui ou celle qui reste sans espoir d’accès au marché du travail régulier, se laisse vite tenter à se replier sur son univers initial, souvent marginalisé, et à suivre le parcours illégal. Bien souvent, ce circuit offre par ailleurs des bénéfices et profits rapides et considérables. Assimilés par et dissimulés dans le groupe, s’identifiant par les mêmes problèmes sociaux et activités illégales, leur notion de responsabilité tend à s’atténuer.124 Le troisième lieu de socialisation, mais non le moindre, étant : la société plus large, la communauté, les groupes de pairs, les « copains », la prévention risque d’être bien moins individualisée et spécifique, bien moins aisée à élaborer. Au plus les parents abdiquent et s’en remettent à l’école pour reprendre leur tâche éducative, au plus les écoles ne sont pas à même de répondre pleinement à cette évolution, au plus la socialisation risque de se faire « dans la rue », plus ou moins encadrée par des structures et des organisations bénévoles… L’apprentissage à la vie se situe bien vite par le contact avec ceux « qui vous comprennent mieux parce qu’ils subissent la même tranche de vie avec les mêmes attentes et les mêmes déboires ». C’est là qu’il faut créer des espaces de liberté d’expérimentation, accessibles, avec une attention particulière pour les démunis et les jeunes en « risque social », mais des espaces récréatifs encadrés, dispensant information, conseils et, au besoin, aide et assistance, encourageant les jeunes à la participation au sein de ces espaces et à une attitude de solidarité positive. La recrudescence de l’intérêt pour l’action et l’esprit vivant au sein des mouvements de jeunesse et au niveau des organisations sportives125, avec ses méthodes et projets adaptés, pourrait offrir de bonnes inspirations. Si les lacunes dans le savoir et l’expérience des hommes et des femmes, mais encore davantage des enfants, sont comblées par l’information des médias, il va sans dire quelle est 121 l’article 21 f) l’article 29 123 une enquête récente, publiée au journal belge De Standaard du 14.09.2004, révèle que les élèves de 10-12 ans se plaignent le plus de précepteurs qui les ridiculisent, abusant de leur pouvoir ; voir également l’article 21 g) et h) 124 B.De Ruyver, Outlaws, rubrique dans le journal belge De Standaard du 6.09.2004, 45 125 Recommandation R(87)20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales à la délinquance juvénile 122 63 Séminaire sur la justice des mineurs l’influence126 de ceux-ci sur la pensée et le comportement. Vu l’importance grandissante des médias127 on pourrait même craindre qu’elle soit déterminante, au point où on les classifie comme « quatrième » pouvoir128. Les Principes directeurs considèrent les médias, forcément et avant tout, comme des véhicules d’information et de renseignements, qui devraient être accessibles aux jeunes129. Mais ils encouragent également ces médias, conscients de l’influence qu’ils exercent, de leur rôle et de leur responsabilité130, à présenter pornographie, drogue, alcool, violence (spécifiquement le traitement humiliant envers les enfants et les femmes) et exploitation sous un jour défavorable et de promouvoir des messages positifs131, imbus des principes de respect pour soi-même et pour l’autre et d’égalité132. De nos jours, absorbés par leur travail et leurs loisirs souvent individuels, les parents sont physiquement et surtout mentalement peu présents. La télévision et la vidéo, devant laquelle ils garent les enfants, est une fenêtre lumineuse devant laquelle défilent des images qui ne nécessitent aucun effort de compréhension, ni aucune connaissance préalable et qui restent souvent sans aucun commentaire critique. Les yeux fixés devant la lampe carrée, la paresse tant physique qu’intellectuelle s’installe et avec elles, l’indifférence. Des études ont démontré que la violence, que l’écran diffuse largement et sans réserve, a, à court terme, un effet stimulateur, lui-même conditionné par une expérience personnelle ou une connaissance préalable. Plus ces conditions font défaut, au plus élevée est l’influence. Dans ce cas, les lacunes sont comblées par des images paraissant « vraisemblables ». Généralement les images démontrent que la violence est payante, car même les « bons » en usent. A long terme, - et là se situe l’influence la plus néfaste, indépendamment des connaissances ou expériences -, la répétition de scènes violentes fait dissiper progressivement les inhibitions existantes par le phénomène de l’accoutumance. La violence, sommes toutes, la violence est contraire aux bonnes mœurs. Un rôle autorégulateur pour les médias, un rôle de présence critique pour les parents, une éducation à l’ouverture, à la nuance, à l’humanité et à la critique positive, autant d’antidotes puissants et indispensables. Si le chapitre V des Principes directeurs me semble personnellement un peu un fourre-tout133 sous le titre : « Politique sociale », il veut apparemment souligner que la prévention est bien plus qu’une réaction face à la délinquance juvénile, que c’est au contraire une préoccupation 126 faut-il rappeler la responsabilité de « radio milles collines » dans le génocide au Rwanda ? renforcée par l’association temps libre / loisirs du mineur et médias 128 au même titre que les trois, déterminant toute démocratie : pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire 129 les articles 40, 42 et 44 130 l’article 44 131 l’article 41 132 l’article 43 133 l’article 46, par exemple, suggérant que le placement de jeunes en institutions doive n’intervenir qu’en dernier ressort, sinon pour le temps absolument indispensable et selon des critères définis, aurait à mon avis plutôt sa place dans le chapitre VI 127 64 Séminaire sur la justice des mineurs essentiellement pro-active134 à tous niveaux visant à améliorer la condition (sociale) de tous et plus spécialement celle de l’enfant. Il est remarquable qu’à différents endroits, les Principes de Riyad portent une attention particulière au phénomène de la drogue et de la toxicomanie. Ceci n’est pas seulement le cas dans ce chapitre135, mais également dans le prochain136, le VI, avec le titre : « La législation et l’administration de la justice des mineurs ». Le lien avec l’ « Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs » ou Règles de Beijing, adoptés par résolution 40/33 le 29 novembre 1985 est apparent. Mais retenons surtout ici, l’effet préventif escompté de la recommandation faite au chapitre VI aux Etats membres afin que leurs gouvernements adoptent et appliquent des lois visant à promouvoir et à protéger les droits et le bien-être de tous les jeunes137. Cela implique la mise en place d’une société respectueuse de ses enfants. Respecter les enfants c’est avant tout n’user d’aucune violence, physique ou mentale, soit-elle personnelle ou institutionnelle. Le chapitre en donne des exemples : n’user de correction ou punition dure ou dégradante138, interdire de maltraiter et d’exploiter les enfants et les jeunes, ne pas les utiliser pour des activités criminelles139, éviter la pénalisation d’actes non considérés comme délits, ni pénalisés s’ils sont commis par des adultes140. Il ne suffit bien sûr pas de les protéger seulement de cette façon, ni d’attacher, comme le font les Principes de Riyad, une importance accrue à la menace de la drogue et de celle d’un accès trop aisé aux « armes de toutes sortes »141 au risque d’établir une fausse hiérarchie parmi les dangers qui les guettent. Pour ma part le respect passe également par un discours d’émancipation, de prise au sérieux, d’acceptation de capacités propres, de participation et d’offres d’accès direct au droit, à ses droits, à la justice et à ses garanties judiciaires en justice. Force est de constater bien de réticences dans les milieux conservateurs envers ce discours émancipateur. Peut-être était-ce la raison pour inscrire aux Principes de Riyad la création d’un « médiateur »142 indépendant, qui veille à la préservation du statut, des droits et intérêts des jeunes et qui supervise l’application des textes internationaux concernant les droits de l’enfant143 et la mise sur pied de services chargés de défendre la cause des enfants144. 134 pro-active (avant l’acte) versus re-active(après l’acte), ce qui n’exclue nullement qu’une réaction puisse avoir une finalité de prévention ou un effet préventif. 135 l’article 45 136 l’article 59 (application stricte de la loi) 137 l’article 52 138 l’article 54 139 l’article 53 140 l’article 56 (les soi-disant « délits de statut ») 141 l’article 55 142 Ombudsman 143 selon G.Cappelaere, Introduction (note 5) : « un pas considérable vers une mise en œuvre contraignante des Principes directeurs de Riyad » 65 Séminaire sur la justice des mineurs A raison, les Principes attachent, pour terminer ce chapitre, une grande importance à la formation de ceux qui ont une responsabilité envers les jeunes, les aiguillant de préférence vers une prise en charge extra-judiciaire145. Le principe essentiel développé sous le chapitre VII des Principes de Riyad est la création de mécanismes de coordination, d’échange de renseignements, d’expériences et d’expertise entre services, systèmes et organismes, qui doivent bénéficier de l’appui de la part de tous les gouvernements, des Nations Unies et d’organisations intéressées146. Il faut également encourager la réalisation de travaux de recherche scientifique concertée sur les modalités efficaces de prévention de la criminalité et de la délinquance juvénile et en diffuser largement et en évaluer les résultats147. Enfin, le secrétariat de l’ONU devrait, sur base des Principes directeurs, jouer un rôle actif dans la recherche, la coopération scientifique et la formation de grandes options comme dans l’examen et la surveillance continue de leur application et, ce faisant, constituer une source de renseignements fiables sur des modalités efficaces de prévention de la délinquance148. Répétons, avant de conclure, que la prévention ne saurait se limiter à un seul ou à quelques domaines choisis. Elle exige une approche massive, de front et simultanée, ne perdant pas de vue les socialement plus vulnérables. Enfin, « les Principes directeurs de Riyad pour la prévention de la délinquance juvénile traduisent l’évolution récente de la perception sociale et juridique de l’enfant. Les enfants sont considérés, non plus comme des objets, mais comme des êtres humains à part entière, dotés de capacités qu’il faut apprécier et protéger. L’appel lancé pour que soient reconnus les droits de l’homme des enfants complète pas à pas la simple protection des enfants. La question des droits de l’homme est une notion tout aussi stimulante en matière de criminologie. La prévention du crime ne se limite plus aux réactions à des comportements ou des situations « dangereuses ». La prévention va également de pair avec la promotion et le respect des droits de l’homme (…) de tout un chacun ».149 Quels messages la pensée concernant la prévention véhicule-t-elle pour l’Afrique noire ? 1. Les Principes directeurs seront appliqués dans le contexte de la situation économique, sociale et culturelle propre à chaque état membre. Les besoins, les préoccupations, tout comme « les mots n’ont pas forcément la même signification dans les Etats socialement, économiquement, religieusement différents »150 144 l’article 57 l’article 58 146 les articles 60-63 147 l’article 64 148 l’article 66 149 cit.G.Cappelaere, Introduction(note 5), conclusion 145 66 Séminaire sur la justice des mineurs 2. « Les vrais droits sont ceux qui s’exercent. Pour les enfants comme pour tous. Promouvoir les droits des enfants, c’est d’abord créer, ici et ailleurs, les conditions économiques et culturelles pour que tous y accèdent. On est loin du compte. C’est donc aujourd’hui que commence le vrai combat pour que la Convention ne soit pas un simple idéal. »151 3. Comment améliorer la condition sociale de tous et comment ramener les états de dépendance, causes de frustrations et d’agressivité à un minimum ? A première vue un défi bien plus sévère pour le Sud que pour les pays industrialisés.152 Pour que « l’enfant ait le droit de devenir grand et d’être petit »153, la tâche des adultes est d’offrir et de créer de telles conditions dans la famille, l’école, le village, la communauté, afin que « nul ne soit l’instrument de personne »154, afin que s’installe un climat de respect. 150 Marie Paule Eisele, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 5 Yves Jouffa, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 4 152 détrompez-vous: même plus indépendant des conditions externes, souvent matérielles, il semble de la nature humaine de vouloir à tout prix exercer un pouvoir sur l’autre 153 M.Gunning et T.de Roos dans De Kant van het Kind, Liber Amicorum Miek de Langen, Gouda Quint Arnhem 1992, 35 154 François Mitterand, extraits de l’intervention du Président de la République française au congrès de l’Union nationale des associations familiales, Bordeaux (France) 10.06.1989, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 3 151 67 Séminaire sur la justice des mineurs 68 Séminaire sur la justice des mineurs LES REGLES DES NATIONS UNIES POUR LA PROTECTION DES MINEURS PRIVES DE LIBERTE DU 14.12.1990 (DITES REGLES DE LA HAVANE OU RPL) Michel LACHAT 1. Généralités Ce texte a toute son importance puisque c’est dans le domaine de la privation de liberté que le plus grand nombre de lésions des droits de l’enfant sont commises à travers le monde ! Les Règles de la Havane définissent les principes à respecter ainsi que les droits et garanties dont doit bénéficier un mineur, lorsque celui-ci est privé de liberté. Elles ont été approuvées lors du congrès de la Havane le 7 septembre 1990, d’où elles tirent leur nom. Elles ne doivent pas être prises isolément, mais plutôt en conformité avec l’ensemble des droits de l’enfant et principalement de la Convention relative aux droits de l’enfant, qu’elles complètent. Elles constituent également une suite des Règles de Beijing, dans le sens où elles posent des standards à suivre en cas de privation de liberté. Ce texte énonce le principe que « la justice pour mineurs devrait protéger les droits et la sécurité et promouvoir le bien-être physique et moral des mineurs » (art. 1). Ce premier fondement reprend le droit fondamental du bien de l’enfant et ainsi fait le lien entre les droits de l’enfant en général et ses droits particuliers en milieu carcéral. En effet, le principe de base est le même et les Règles de la Havane ne font que l’appliquer dans le domaine particulier de la privation de liberté des mineurs. Le but de ce texte n’est pas de définir de nouveaux droits aux mineurs, mais simplement de faire respecter les droits de l’enfant déjà existant, avant tout sa dignité et son bien-être, lorsque celui-ci se trouve privé de liberté. Il s’agit d’un texte relatif à l’aspect pénal de la protection des mineurs et non à l’aspect civil. Ceci ne veut pas dire qu’une privation de liberté ne puisse pas aussi intervenir sur le plan civil. En effet, une telle limitation de mouvement pourrait être envisagée dans un traitement thérapeutique psychiatrique par exemple et donc à titre médical et non punitif. Il n’en reste pas moins que les Règles de la Havane s’appliquent en premier lieu dans un cadre de droit pénal. Ce texte n’a pas de force contraignante pour les Etats signataires. Néanmoins, il énonce des principes de base, des minima, qui doivent être respectés pour que les droits de l’enfant soient reconnus également en milieu carcéral. Il incombe donc aux lois nationales de poser la pratique à suivre, pour que ces Règles ne demeurent pas à l’état de beaux principes théoriques. Bien plus, certaines de ces Règles doivent être respectées par les Etats signataires, non parce qu’elles sont contenues dans ce texte, mais plutôt en raison de leur lien étroit avec d’autres règles, qui elles, sont contraignantes. C’est d’ailleurs l’idée de base de tout le droit de l’enfant. En effet, les textes internationaux sont très nombreux dans ce domaine et ils sont tous impliqués les uns aux autres. En d’autres termes, le fait que ces Règles n’ont pas de force contraignante en soi ne veut pas dire que les Etats peuvent choisir de les respecter, de les appliquer, de les ignorer ou de les 69 Séminaire sur la justice des mineurs violer à leur guise. Ces Règles clarifient le contenu d’autres normes internationales contraignantes. Et voilà leur véritable valeur, en termes légaux. 2. Structure Ce texte est composé de 87 principes divisés en cinq chapitres. En voici sa structure, avec, en résumé, les notions essentielles : 2.1 Perspectives fondamentales (art. 1 à 9) • Dernier recours • Privation de liberté limitée à des cas exceptionnels • Application impartiale à tou(te)s les mineur(e)s • Règles traduites dans les langues nationales (interprète gratuit) • Règles incorporées dans les législations nationales 2.2 Portée des règles et application (art. 10 à 16) • Définition du mineur • Définition de la privation de liberté 2.3 Mineurs en état d’arrestation ou en attente de jugement (art. 17 à 18) • Présomption d’innocence • Droit au service d’un avocat • Possibilité de travailler contre rémunération, d’étudier, de recevoir une formation • Possibilité de recevoir du matériel de loisir 2.4 L’administration des établissements pour mineurs (art. 19 à 80) divisé en quatorze souschapitres A. Règles applicables aux dossiers (art. 19 à 20) • Dossier individuel, confidentiel et tenu à jour B. Admission, immatriculation, transfèrement et transfert (art. 21 à 26) • Registre où tout est inscrit • Exemplaire du règlement dans une langue comprise • Transport sans souffrance et sans atteinte à la dignité C. Classement et placement (art. 27 à 30) • Traitement adapté aux besoins du mineur • Séparation des mineurs d’avec les adultes D. Environnement physique et logement (art. 31 à 37) • Hygiène et dignité humaine E. Education, formation professionnelle et travail (art. 38 à 46) • Education adaptée aux besoins et aptitudes du mineur • Formation scolaire, professionnelle obligatoire 70 Séminaire sur la justice des mineurs • Rémunération équitable pour tout travail F. Loisirs (art. 47) G. Religion (art. 48) H. Soins médicaux (art. 49 à 55) I. Notification de maladie, d’accident ou de décès (art. 56 à 58) J. Contacts avec l’extérieur (art. 59 à 62) • Droit de communiquer avec la famille • Droit de recevoir des visites régulières et fréquentes des membres de sa famille • Possibilité d’accéder aux journaux, à la télévision K. Mesures de contrainte physique et recours à la force (art. 63 à 65) • Interdiction d’instruments de contrainte, sauf cas exceptionnels • Interdiction du port et de l’usage d’armes par le personnel L. Procédures disciplinaires (art. 66 à 71) • Interdiction de traitement cruel, inhumain ou dégradant : - pas de châtiment corporel - pas de cellule obscure - pas de cachot - pas d’isolement - pas de réduction de nourriture - pas de réduction de contacts avec la famille • Interdiction des sanctions collectives M. Procédures de réclamation et inspections (art. 72 à 78) • Inspecteurs et médecins qualifiés doivent effectuer des inspections régulières et non annoncées • Ils doivent présenter un rapport circonstancié N. Retour dans la communauté (art. 79 à 80) • Libération anticipée • Possibilité de stages 2.5 Personnel (art. 81 à 87) • Educateurs, instructeurs, psychologues qualifiés conseillers, travailleurs sociaux, psychiatres et Ce texte est donc très structuré et son plan suffit à démontrer la diversité des règles et les multiples protections envisagées qu’il contient. Ces principes tendent à régler tous les aspects de la privation de liberté du mineur et à éviter autant que possible tous les abus qui pourraient y être commis, dès le début et jusqu’à la fin de la procédure. Toutes les phases de l’enfermement sont envisagées, de la tenue des dossiers au retour dans la société. 71 Séminaire sur la justice des mineurs 3. Définitions et règles essentielles Les Règles de la Havane découlent de l’importance de maintenir le contact entre le mineur et sa famille et la société, du respect de la dignité de l’enfant et de l’échec préalable d’une solution arbitrale. Sur ces 87 Règles, toutes n’ont pas la même importance ni le même impact en pratique. Voici un commentaire sur quelques thèmes principaux. 3.1 Définition du mineur Comme l’énonce l’art. 11.a, « Par mineur, on entend toute personne âgée de moins de 18 ans. L’âge au-dessous duquel il est interdit de priver un enfant de liberté est fixé par la loi ». Les Règles de la Havane ne s’appliquent donc qu’aux enfants âgés de moins de 18 ans. Cet âge correspond au seuil de la majorité en Europe. La période durant laquelle une personne est considérée comme mineure est fixée de manière uniforme et internationale par ce texte, alors que l’âge à partir duquel un enfant ou un adolescent peut être privé de liberté relève du droit interne national. En Suisse, la législation pénale des mineurs opère une distinction entre les enfants et les adolescents. Entre 7 ans révolus et 15 ans révolus, un mineur est un enfant, alors qu’à partir de 15 ans révolus et jusqu’à 18 ans révolus, c’est un adolescent. Cette différenciation d’âge et de statut implique une différenciation des mesures et peines à disposition du juge des mineurs. En effet, seul un adolescent peut être privé de liberté. Une telle fixation d’un âge limite inférieur ou supérieur a un côté très arbitraire. La limite doit néanmoins être fixée. La souplesse nécessaire dans la pratique tendrait à privilégier plutôt une décision interne nationale, plus susceptible d’être modifiée en cas de changement de conception. Mais la majorité étant fixée à 18 ans dans toute l’Europe, il convient et il est logique de faire appliquer ces Règles jusqu’à cet âge. 3.2 Définition de la privation de liberté « Par privation de liberté, on entend toute forme de détention, d’emprisonnement ou de placement d’une personne dans un établissement public ou privé dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, ordonnée par une autorité judiciaire, administrative ou autre. » (art. 11.b). Cette phrase nécessite quelques clarifications. « Toute forme de placement » : La privation de liberté représente une réalité beaucoup plus grande que la seule forme la plus extrême qu’est l’emprisonnement ou la détention, dans son sens commun chez les adultes. En effet, toute forme de placement dans un établissement carcéral public et privé doit être pris en considération. Ceci peut alors inclure les hôpitaux, les institutions psychiatriques, les orphelinats, les institutions d’assistance sociale ou les centres résidentiels pour enfants handicapés, etc. La seule condition est la limitation de liberté, dans le sens expliqué ci-après. « Dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré » : 72 Séminaire sur la justice des mineurs Tout placement doit être considéré comme une privation de liberté aussi longtemps que l’enfant n’est pas libre d’en sortir à son gré. Cette limitation est intéressante et complexe, particulièrement dans la perspective des droits de l’enfant. Cette limitation nécessite en premier lieu une différenciation entre les établissements résidentiels ouverts et les établissements résidentiels fermés. Une personne n’est autorisée à sortir à son gré uniquement d’une institution dite ouverte. Cependant, il est très rare qu’un mineur puisse sortir quand bon lui semble, et ce de toute institution résidentielle. Souvent, si ce n’est toujours, un enfant a besoin de l’accord de ses parents ou de son représentant légal pour quitter une telle institution dite ouverte. Cela voudrait-il dire qu’il faut considérer un placement dans un tel établissement ouvert comme une privation de liberté ? D’un point de vue de l’enfant, on devrait répondre par l’affirmative. Mais la suite de l’art. 11 propose néanmoins une autre logique. « Ordonnée par une autorité judiciaire, administrative ou autre » La privation de liberté est limitée aux situations dans lesquelles la permission de quitter l’institution doit émaner d’une autorité judiciaire, administrative ou autre (qu’il faut comprendre comme autre autorité publique). Ainsi, un placement dans un établissement ouvert, duquel l’enfant peut sortir sur simple requête des parents ou du représentant légal (donc d’une autorité privée), ne peut être défini de privation de liberté. Cette dernière remarque est intéressante. Dans la pure perspective des droits de l’homme, un placement dans une institution quelle qu’elle soit doit être considéré comme une privation de liberté aussi longtemps que la personne ne peut en sortir à sa seule volonté. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaît, à son article 12, la liberté de mouvement. Bien que ce droit ne soit pas explicitement repris dans la Convention relative aux droits de l’enfant, les mineurs ne peuvent en être exclus. Mais un tel placement peut être demandé ou autorisé par les parents. Et dans ce cas, la décision des parents ou du représentant légal de placer l’enfant dans une institution ne nécessite l’approbation d’aucune autre autorité. Malgré cela, le mineur concerné ne peut pas non plus quitter l’établissement de son propre chef. Il lui faut l’accord préalable de ses parents pour ce faire. Le droit international ne peut aller à l’encontre de telles pratiques. Bien plus, il peut être vu comme une autre expression de la recherche parfois délicate du juste milieu entre, d’un côté, la reconnaissance des enfants comme titulaires à part entière des droits de l’homme, et de l’autre côté, l’autorité parentale comme l’outil nécessaire d’assistance des enfants dans leur développement et leur protection. Or, comme ces deux aspects sont un peu contradictoires, cet équilibre est fragile. En conclusion, le placement d’un enfant dans un établissement résidentiel ouvert, pour autant qu’il soit approuvé par ses parents ou son représentant légal, ne doit pas être considéré comme une privation de liberté, selon la définition de l’art. 11.b des Règles de la Havane. 3.3 Détention préventive Un chapitre entier (III) des Règles de la Havane est consacré à cette problématique. C’est dire l’importance de ce sujet. En effet, c’est dans ce domaine que les droits de l’enfant sont le plus souvent violés : il y a beaucoup d’abus dans les gardes à vue, les séjours dans les commissariats de police et la détention avant jugement. 73 Séminaire sur la justice des mineurs La détention préventive consiste évidemment en une privation de liberté et les mineurs dans cette situation ont des droits spécifiques. Tout d’abord, ils doivent être présumés innocents jusqu’au jugement qui tranchera sur leur culpabilité. « Les mineurs en état d’arrestation ou en attente de jugement sont présumés innocents et traités comme tels » (art. 17). L’art. 17 précise également que la détention préventive avant jugement doit être évitée autant que possible et limitée à des circonstances exceptionnelles. De plus, elle doit être aussi brève que possible. Les tribunaux pour mineurs doivent traiter de tels cas avec la plus grande diligence. « Les mineurs détenus avant jugement devraient être séparés des mineurs condamnés » (art. 17 in fine). Cette phrase est une suite du principe de présomption d’innocence. En effet, un mineur non encore jugé ne doit pas être traité de la même manière qu’un mineur qui purge sa peine de prison. Il est important que les premiers ne soient pas en contact avec de « vrais » délinquants, reconnus comme tels par la justice. C’est justement parce qu’ils n’ont pas encore été jugés qu’il faut les séparer des autres. Ne pas respecter ce principe serait en quelque sorte les préjuger. Enfin, l’art. 18 énonce d’autres droits supplémentaires dont doit bénéficier un mineur en détention préventive, « en raison de la présomption d’innocence, de la durée de cette détention, de la situation légale du mineur et des circonstances ». Il est encore précisé que la liste ici énumérée n’est pas nécessairement limitative. Ces droits spécifiques sont les suivants : • • • pouvoir bénéficier des services d’un avocat travailler contre rémunération, étudier ou recevoir une formation, de façon libre et sans aucune obligation obtenir du matériel de loisir et de récréation si le mineur le désire (pour autant que cela reste compatible avec les intérêts de l’administration de la justice) En résumé, un mineur placé en détention préventive doit jouir d’une protection plus grande qu’un mineur jugé et privé de liberté. En effet, le premier n’est privé de liberté que pour les besoins de l’enquête et non à titre punitif. De par ce statut et la présomption d’innocence, il faut autant que possible tenir compte de ses besoins, de son bien-être et ne pas entraver sa formation et son développement. 3.4 Ultima ratio Ce principe est l’idée de base des Règles de la Havane, il en est même la condition sine qua non. Le but ainsi que toutes les règles y sont directement rattachés. La privation de liberté d’un mineur doit constituer l’ultima ratio, c’est-à-dire qu’aucune autre mesure ou peine ne doit pouvoir être envisagée dans le cas concret. L’emprisonnement doit être la seule sanction adéquate. S’il en existe une autre, elle primera sur cette forme extrême. Le juge des mineurs doit particulièrement y veiller. 74 Séminaire sur la justice des mineurs Plusieurs articles énoncent ce principe : • Art. 1, 2ème phrase : « L’incarcération devrait être une mesure de dernier recours ». • Art. 2, 2ème phrase : « La privation de liberté d’un mineur doit être une mesure prise en dernier recours et pour le minimum de temps nécessaire et être limitée à des cas exceptionnels ». De plus, la privation de liberté, alors même qu’il s’agit selon ce texte de la sanction la plus extrême à n’envisager qu’en dernier ressort, ne doit pas empiéter sur d’autres droits de l’individu. « Les mineurs privés de liberté ne pourront être, en raison de leur statut de détenu, privés des droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels dont ils jouissent en vertu de la législation nationale ou du droit international et qui sont compatibles avec une privation de liberté comme les droits en matière de sécurité sociale et autres prestations sociales, la liberté d’association ou le droit de se marier s’ils ont atteint l’âge légal du mariage, etc » (art. 13). En résumé, la liberté est considérée comme le droit fondamental le plus important de la dignité humaine, puisque la privation de celui-ci n’est à envisager qu’en dernier lieu. C’est donc la sanction admissible la plus sévère qu’un juge puisse ordonner sur le plan international, d’où l’importance de ces Règles. 3.5 Séparation des mineurs et des adultes Il s’agit d’un autre principe important de ces Règles de la Havane. Cette séparation entre les mineurs et les adultes est primordiale et ne concerne pas que la privation de liberté. Ce principe classique concerne tout le droit international des mineurs. C’est l’art. 29 qui le reprend : « Dans tous les établissements, les mineurs doivent être séparés des adultes sauf s’il s’agit de membres de leur famille ou s’ils participent, avec des adultes soigneusement sélectionnés, à un programme spécial de traitement qui présente pour eux des avantages certains ». En d’autres termes, la séparation entre les mineurs et les adultes doit être considérée comme le droit minimum. C’est seulement si le mineur peut en retirer une amélioration de sa situation qu’une exception à ce principe peut être envisagée. Il est notoire cependant qu’en pratique, cette séparation n’est pas toujours respectée. Le manque de places dans des institutions spécialisées oblige le juge des mineurs à trouver d’autres solutions moins idéales. Un effort dans ce domaine est nécessaire et d’autres solutions doivent encore être trouvées. 3.6 Prévention de la drogue « Les établissements pour mineurs doivent adopter des programmes de prévention de l’abus des drogues gérés par un personnel qualifié et adaptés à l’âge et aux besoins de leur population ; des services de désintoxication dotés d’un personnel qualifié doivent être à la disposition des mineurs toxicomanes ou alcooliques. » (art. 54) 75 Séminaire sur la justice des mineurs Cet article ne dénote qu’un souci de protection du mineur. Une incarcération ne doit en aucun cas empirer l’état physique ou psychique du mineur. Or, dans ce genre d’établissement, les mineurs délinquants sont regroupés et nul n’ignore l’influence des jeunes entre eux. Bien plus, l’objectif principal de la justice des mineurs est d’aider autant que possible les mineurs délinquants. Dès lors, même si des mesures coercitives sont prises à l’encontre d’un jeune, le but est de le sortir de la délinquance et de ses problèmes qui l’y ont conduit ou qui en découlent. La lutte contre la toxicomanie sous toutes ses formes entre dans cette perspective. 3.7 Mesures de contraintes physiques et recours à la force Les articles 63 et 65 interdisent tout instrument de contrainte et tout usage d’armes par le personnel dans tout établissement accueillant des mineurs. Ces règles vont dans le sens d’aider les jeunes à retrouver une certaine socialisation sans violence. Cela est d’autant plus important qu’aujourd’hui on semble se complaire dans l’incivilité. Il est dès lors impératif de démontrer à ces jeunes en manque de repères que la meilleure façon de s’en sortir réside dans la recherche de rapports humains et sociaux. En les intégrant dans une petite société basée sur des règles et sur le respect de l’autre et non sur la force et la violence, on leur donnera l’exemple que finalement c’est la meilleure solution pour réussir. 3.8 Dignité humaine Le respect de la dignité humaine est une finalité en elle-même. Plusieurs règles tendent à ce qu’elle puisse être atteinte. L’art. 4, 1ère phrase, traite du principe d’égalité, qui est un élément de la dignité humaine : « Les Règles doivent être appliquées impartialement à tous les mineurs, sans aucune distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’âge, la langue, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou autres, les convictions ou pratiques culturelles, la fortune, la naissance ou la situation familiale, l’origine ethnique ou sociale, et l’incapacité ». L’art. 12 en est un autre exemple : « La privation de liberté doit avoir lieu dans des conditions et des circonstances garantissant le respect des droits de l’homme des mineurs. Les mineurs détenus doivent pouvoir exercer une activité intéressante et suivre des programmes qui maintiennent et renforcent leur santé et leur respect de soi, favorisant leur sens des responsabilités et les encouragent à adopter des attitudes et à acquérir des connaissances qui les aideront à s’épanouir comme membres de la société ». 4. Application des Règles de la Havane Certains articles énoncent des lignes directrices concernant l’application de ces Règles. Afin que ces Règles puissent être comprises et appliquées, elles « seront mises à la disposition des personnels de la justice pour mineurs dans leur langue nationale » (art. 6). 76 Séminaire sur la justice des mineurs Les Etats doivent tout mettre en œuvre pour que ces principes soient respectés. « Les Etats doivent, le cas échéant, incorporer ces règles dans leur législation nationale ou modifier celleci en conséquence… Les Etats doivent aussi contrôler l’application des Règles » (art. 7). Une condition pour que ces Règles soient appliquées en réalité est de tenir compte des différences entre chaque Etat. C’est l’art. 16 qui règle cette question : « Il sera tenu compte dans l’application des présentes Règles, de la situation économique, culturelle et sociale particulière à chaque pays ». 77 Séminaire sur la justice des mineurs 78 Séminaire sur la justice des mineurs LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT : IMPACTS EN JUSTICE DES MINEURS Herman ZOUNGRANA Juriste, Expert national en Droits de l’Enfant, Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la protection de l’Enfance (BIPE) 1. Brève présentation de la Charte africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant (CADBE) et de son avènement L’analyse des divers instruments juridiques internationaux permet de constater que pendant longtemps, la protection des enfants a découlé de celle des adultes dans le cadre de la protection des Droits de l’Homme. Il fallait à l’époque se référer aux règles du Droit Humanitaire ou des Droits de l’Homme pour trouver des mesures en faveur des enfants, qui n’étaient en fait pas les véritables destinataires. Par la suite, la volonté d’établir des droits spécifiques à l’enfant, du fait de sa fragilité et de sa vulnérabilité s’est imposée. D’abord très timidement par l’élaboration de déclarations sans valeur juridique contraignante ; puis de façon décisive par l’adoption d’instruments plus pertinents comme le Convention des Nations Unis relative aux Droits de l’Enfant (CDE). C’est dans ce contexte qu’est née la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant adoptée en juillet 1990 par la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’OUA (Aujourd’hui Unité Africaine). A côté de la CDE, la Charte africaine constitue aujourd’hui le meilleur cadre d’où devront découler les principes de base de protection juridique de l’enfant africain. Pour l’histoire, il faudra remonter bien avant l’avènement de la CDE pour trouver les origines de la charte africaine. En effet, la charte tire ses premiers fondements de la Déclaration sur les Droits et le Bien-être de l’enfant adoptée par l’Assemblé des chefs d’Etats et de gouvernements de l’OUA (UA) lors de sa 16ème session ordinaire tenue à Monrovia (Libéria) du 17 au 20 juillet 1979. Puis est venue la CDE en novembre 1989 qui l’a profondément influencée. Aujourd’hui, la charte africaine se veut « une adaptation de la CDE » au contexte spécifique et aux réalités de l’enfant africain. Elle a rencontré d’énormes difficultés qui ont retardé son entrée en vigueur (adopté en juillet 1990, elle n’est entrée en vigueur qu’en novembre 1999 soit 9 ans plus tard / comparativement, la CDE adoptée en novembre 1989 est entrée en vigueur quelques mois plus tard avec en tête le Ghana comme premier pays signataire). 79 Séminaire sur la justice des mineurs La pertinence de la charte vient du fait qu’elle a essayé de prendre en considération des facteurs importants tels que : la situation des enfants africains, les valeurs culturelles, les aspects économiques… Elle commence par définir l’enfant (tout comme la CDE) comme toute personne âgée de moins de 18 ans puis énonce des principes fondamentaux que sont : l’intérêt supérieur de l’enfant, la non discrimination, le principe de survie-développement, la participation de l’enfant. Elle énonce ensuite des droits pour l’enfant africain : nom et nationalité, libertés d’association, d’expression, de pensée, de conscience et de religion, protection de sa vie privée, éducation, loisirs et activités culturelles, santé et services sociaux… Elle traite aussi de protections spéciales pour les enfants : protection dans sa famille, protection dans les conflits armés, protection contre les pratiques culturelles néfastes et rétrogrades, protection contre l’apartheid et la discrimination, protection contre l’exploitation sexuelle, contre les enlèvements, traites et ventes, protection spéciales des enfants handicapés… Enfin, elle fait cas de quelques thèmes spéciaux : justice des mineurs, responsabilités de l’Etat et celles des parents vis-à-vis de l’enfant, cas des enfants réfugiés, statut des enfants des mères emprisonnées, devoirs et responsabilités de l’enfant… Deux éléments d’une importance capitale méritent également d’être soulignés : - Le 1er est que dans la CDE, l’Intérêt Supérieur de l’Enfant est l’UNE des considérations primordiales alors que la Charte africaine énonce dans son article 4 alinéa 1 que l’intérêt supérieur de l’enfant est LA considération primordiale. - Le 2ème est que la Charte africaine précise qu’aucune de ses dispositions n’a d’effet sur une quelconque disposition plus favorable à la réalisation des droits et à la protection de l’enfant dans la législation d’un Etat partie ou dans toute autre convention ou accord international en vigueur dans ledit Etat. (Du fait de l’intérêt supérieur de l’enfant). Que dit donc la Charte africaine sur la justice des mineurs ? Comment pouvons-nous utiliser la charte dans le règlement des situations où l’enfant est en conflit avec la loi ? 2. Quel contenu sur la justice des mineurs ? L’article 2 de la Charte africaine dispose : « Dans toute procédure judiciaire et administrative affectant un enfant qui est capable de communiquer, on fera en sorte que les vues de l’enfant puissent être entendues soit directement, soit par le truchement d’un représentant impartial qui prendra part à la procédure, et ses vues seront prises en considération par l’autorité compétente conformément aux dispositions des lois applicables en la matière. » Traitant du principe de Survie – Développement de l’enfant, l’article 5 dispose que « la peine de mort n’est pas prononcée pour les crimes commis par des enfants ». C’est l’article 17 qui traite spécifiquement de la justice des mineurs. Que nous dit-il ? 80 Séminaire sur la justice des mineurs 1. Tout enfant accusé ou déclaré coupable d’avoir enfreint la loi pénale, a droit à un traitement spécial compatible avec le sens que l’enfant a de sa dignité et de sa valeur et propre à renforcer son respect pour les droits de l’Homme et les libertés fondamentales des autres. 2. Les Etats partis à la Charte doivent en particulier : a) Veiller à ce qu’aucun enfant qui est détenu ou emprisonné, ou qui est autrement dépourvu de sa liberté, ne soit soumis à la torture ou à des traitements ou châtiments inhumains ou dégradants ; b) Veiller à ce que les enfants soient séparés des adultes dans les lieux de détentions ou d’emprisonnement (institution de quartiers pour mineurs par exemple) ; c) Veiller à ce que tout enfant accusé d’avoir enfreint la loi pénale, soit présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été dûment reconnu coupable ; soit informé promptement et en détail, des accusations portées contre lui et bénéficie des services d’un interprète s’il ne peut comprendre la langue utilisée ; reçoive une assistance légale ou autre appropriée pour préparer et présenter sa défense ; voie son cas tranché aussi rapidement que possible par un tribunal impartial et, s’il est reconnu coupable, ait la possibilité de faire appel auprès d’un tribunal de plus haute instance ; ne soit pas forcé à témoigner ou plaider coupable ; interdire à la presse et au public d’assister au procès. 3. Le but essentiel du traitement de l’enfant durant le procès, et aussi s’il est déclaré coupable d’avoir enfreint la loi pénale, est son amendement, sa réintégration au sein de sa famille et sa réhabilitation sociale. 4. Un âge minimal doit être fixé, en deçà duquel les enfants sont présumés ne pas avoir la capacité d’enfreindre la loi pénale. L’article 30 mérite aussi notre attention. Il est mentionné que les Etats parties se doivent de prévoir un traitement spécial pour les femmes enceintes et les mères de nourrissons et de jeunes enfants qui ont été accusées ou jugées coupables d’infraction à la loi pénale. Plusieurs dispositions pratiques sont prévues dans le texte à cet effet. Ainsi, et d’une manière générale, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, pour ce qui est de la justice juvénile, a énoncé un ensemble de dispositions relatives notamment aux protections spéciales, aux conseils, à la probation, au placement familial, aux programmes d’éducation générale et professionnelle et surtout aux solutions autres qu’institutionnelles. Nous devons nous efforcer donc d’assurer aux enfants, un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction commise. L’enfant, même en situation de délinquance, a droit à des garanties fondamentales, ainsi qu’à une assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée pour sa défense. 81 Séminaire sur la justice des mineurs La procédure judiciaire et le placement en institution doivent être évités chaque fois que cela est possible. 3. Conclusion Le législateur africain a pris conscience de la nécessité de protéger l’enfant délinquant et celui en danger de l’être. Ce qui devrait se traduire dans nos différents Etats, par une amélioration de la situation des mineurs délinquants tant en ce qui concerne leur responsabilité pénale qu’au niveau de la procédure particulière qui leur est applicable. Au regard de tout ce qui vient de se dire, et en reprenant les présentations des différentes délégations sur leurs situations nationales respectives, je voudrais terminer mon propos par une analyse comparée de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant et les règles générales de Beijing, de Riyad et de la Havane qui ont été présentées successivement ce matin. 4. Analyse comparée entre la Charte Africaine et les règles de Beijing, de Riyad et de la Havane Nous pouvons retenir que presque l’ensemble des règles développées par Beijing, Riyad et la Havane se retrouvent dans la Charte africaine. En effet, nous retrouvons au niveau de la charte les principes tels que : la présomption d’innocence, le droit d’appel, l’assistance obligatoire, la protection de la vie privée… (Beijing). Pour une meilleure efficacité et pour une plus grande opérationnalité, il nous paraît incontournable que les principes suivants soient intégrés dans les législations nationales des Etats parties à la Charte : 1. Le procès du mineur doit être guidé par la recherche des causes de la délinquance. Ce qui permet facilement d’adapter les mesures à sa personnalité, à sa situation et permettre sa meilleure réadaptation ainsi que réinsertion. 2. Le procès pénal doit garantir absolument au mineur le droit à la défense. 3. Le procès du mineur doit lui éviter l’effet traumatisant du procès pénal (restreindre par exemple la publicité des audiences, ordonner le huis clos des débats et ne prononcer que la décision en audience publique…) 4. Le procès pénal doit permettre la réinsertion du mineur. Dans cette logique, nous devrons revoir le régime des responsabilités des mineurs et privilégier les mesures éducatives. 82 Séminaire sur la justice des mineurs La charte accorde une place capitale à travers ses articles aux mesures préventives (tout comme Riyad). Elle place l’éducation au centre de la vie de l’enfant (mesures pour l’accès et le maintien en milieu scolaire). Elle pose la responsabilité pour l’Etat de tout mettre en œuvre pour protéger l’enfant DANS sa famille et cette obligation va jusqu’aux actions de soutiens directs et aux programmes de lutte contre la pauvreté. La Charte considère enfin que la prison doit être la dernière solution et que la détention doit être le plus court possible en privilégiant les mesures proportionnelles et éducatives au détriment de mesures strictement punitives. C’est à ce prix que nous aurons une justice digne et humaine et c’est ainsi que nous permettrons aux jeunes délinquants de pouvoir se corriger et de redevenir des citoyens honnêtes, capables de contribuer au développement de leur pays. Je vous remercie. 83 Séminaire sur la justice des mineurs 84 Séminaire sur la justice des mineurs DÉTENTION AVANT JUGEMENT Oscar D’AMOUR 1. Introduction Le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de sa personne constitue un principe universellement reconnu qui s'applique, tant aux adultes qu'aux mineurs. Dans une société de droit, l'atteinte à ce principe ne peut avoir lieu que dans des circonstances et selon la procédure prévues dans la loi. Dans les déclarations, chartes et règles internationales ou régionales, le droit à la liberté est expressément énoncé. Les situations exceptionnelles qui permettent à l'autorité compétente de porter atteinte à ce droit à la liberté se doivent d'être exposées d'une façon claire et précise. Après une démonstration de la reconnaissance de ce principe de droit mentionné dans divers instruments internationaux ou régionaux, une illustration d'un processus à suivre dans les cas d'arrestation et de mise en liberté nous démontrera l'importance de la loi nationale en cette matière. 2. Déclaration des droits Examinons dans un premier temps, le contenu de certains instruments concernant le droit à la liberté et ses exceptions. Dans la déclaration universelle des droits de l'homme155, il est prévu que: article 3: «Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.» article 9: «Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé.» Dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques156, on énumère à l'article 9 ce qui suit: «1. 2. 3. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui. Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la 155 Adoptée par l'Assemblée générale, Résolution 217 A)III), 10 décembre 1948 Les Pactes internationaux furent adoptés par l'Assemblée générale, Résolution 2200 A (XXX) du 16 décembre 1966; entrée en vigueur le 23 mars 1976 156 85 Séminaire sur la justice des mineurs 4. 5. mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l'intéressé à l'audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l'exécution du jugement. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.» À la Convention relative aux droits de l'enfant, il est prévu, plus spécifiquement à l'article 37, ce qui suit: «Les États parties veillent à ce que: a) […] b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible; c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge: en particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf circonstances exceptionnelles; d) Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente et impartiale et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière.» En regard des instruments régionaux, rappelons l'article 6 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples157, qui établit que: Article 6: «Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu.» À la Convention américaine relative aux droits de l'homme158, l'article 5 élabore le droit à la liberté de la personne en ces termes: Article 5: Droit à la liberté et à la sûreté «1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: a. s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent; b. s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi; c. s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une 157 158 Entrée en vigueur 21 octobre 1986 Adoptée à San Jose, Costa Rica, le 22 novembre 1969; entrée en vigueur le 18 juillet 1978. 86 Séminaire sur la justice des mineurs 2. 3. 4. 5. infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci; d. s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière afin de le traduire devant l'autorité compétente; e. s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond; f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours; Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle; Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressée à l'audience; Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.» Que ce soit au niveau international ou régional, le droit à la liberté est réaffirmé. Il revient à l'autorité nationale d'incorporer dans ses lois les garanties, tant en matière de droit substantif que de droit procédural, formulées dans les différents instruments ci-haut mentionnés. 2.1 Principes Rappelons que le droit à la liberté et à la sécurité est un principe reconnu. Les États doivent élaborer, d'une part, les lois qui vont assurer cette sécurité à toute personne humaine et d'autre part, les règles nécessaires en vue de faire apparaître ce droit. Par ailleurs, il est aussi reconnu que s'il y a atteinte à ce principe dans une société de droit, les situations qui donnent ouverture à ces exceptions doivent être précisées dans la loi nationale. La loi doit aussi déterminer les autorités compétentes, soit une autorité administrative ou un tribunal, pour réviser la détention. Pour les mineurs, la détention avant jugement ou à un autre moment doit être la mesure de dernier ressort. Si elle a lieu, elle doit être de courte durée et la révision de cette détention doit avoir lieu sans délai indu, avant le procès. Dans le cas où la révision ne donne pas ouverture à une mise en liberté avant procès, celui-ci doit avoir lieu en tenant compte de cette détention, donc sans délai indu. 87 Séminaire sur la justice des mineurs 2.2 Critères à suivre en cas de privation de liberté Quand nous faisons référence à de la détention, il faut d'abord considérer l'étape antérieure, soit l'arrestation. Comme le droit à la liberté est le principe, l'atteinte à ce droit doit être prévue dans la loi qui doit être interprétée respectivement. En effet, l'arrestation d'un mineur ne se justifie pas uniquement par la perpétration d'un délit. La loi nationale doit énumérer dans quelles circonstances, selon quelles procédures et pour quel délit un mineur peut être arrêté et privé de sa liberté. Certaines règles peuvent aussi prévoir l'obtention d'une autorisation préalable à l'exécution d'une arrestation. À cette étape préliminaire, il est aussi possible que l'autorité compétente, procédant à l'étude de la demande, refuse d'émettre une telle ordonnance en raison des droits particuliers accordés au mineur, même si le délit perpétré est de la nature de ceux qui peuvent donner ouverture à une telle ordonnance. Enfin, toutes les arrestations ne conduisent pas nécessairement à une détention. Un mineur qui a été arrêté, peut recouvrer sa liberté de différentes autorités si la loi le précise. Il se peut que la détention, suite à l'arrestation, ne puisse faire l'objet d'une mise en liberté par une autorité compétente autre que le tribunal. Dans une telle situation, l'enquête judiciaire, si elle doit avoir lieu, doit se tenir sans délai. Au-delà de la légalité : la raisonnabilité et la nécessité de la détention Si la loi nationale prévoit les situations pour lesquelles une autorité légitime peut arrêter et priver un mineur de sa liberté, il faut que la détention ne soit pas arbitraire. Une détention arbitraire ne signifie pas que l'arrestation est contraire à la loi mais plutôt que la détention est injuste et inappropriée parce qu'elle est basée sur des critères autres que ceux que la loi a prévus. Ainsi, une décision basée sur le statut ou sur les caractéristiques personnelles d'un mineur constitue une détention arbitraire. Il en est de même d'une détention basée sur des preuves insuffisantes. En plus d'être légale, la détention doit être raisonnable. À titre indicatif, mentionnons que l'appréciation du caractère raisonnable de l'arrestation et la privation de liberté, est un critère objectif. Est-ce qu'un observateur extérieur, selon les circonstances, en arriverait à la conclusion que l'arrestation et la détention sont raisonnables? Priver un mineur de sa liberté à partir de critères autres que ceux établis par la loi, comme ceux basés sur des caractères propres à la personne ou à son statut, peut être considérée comme une détention déraisonnable, car toute privation de liberté arbitraire est nécessairement déraisonnable. Par ailleurs, une privation de liberté raisonnable peut exclure l'appréciation d'une détention arbitraire, mais ne justifie pas nécessairement une détention. Si les critères établis par la loi sont rencontrés dans la situation d'un mineur, il faut aussi se demander si cette privation de liberté est nécessaire. 88 Séminaire sur la justice des mineurs Le critère de nécessité doit s'apprécier en fonction des circonstances du délit, de la situation du mineur et de la protection de la société. Il faut aussi examiner s'il y a eu étude des autres alternatives possibles par l'autorité compétente et que cette dernière en soit venue à la conclusion qu'il n'y avait pas d'autres alternatives que la détention. En d'autres mots, s'il y a privation de liberté avant procès, il faut, non seulement que les prescriptions de la loi aient été respectées mais que la détention soit raisonnable et nécessaire parce que toutes les autres options ont été envisagées et éliminées avant de procéder à une telle privation de liberté. Si la privation de liberté est maintenue, il faut aussi se demander s'il est possible d'identifier un lieu de garde qui permettrait au mineur d'avoir les traitements et services requis en raison de son âge ou de sa situation dans un lieu de garde autre qu'une institution. 3. Illustration d’un processus d’arrestation et de mise en liberté Examinons maintenant un scénario mettant en application l'énoncé des principes ci-haut mentionnés concernant l'arrestation d'un mineur avec ou sans mandat ainsi que les différentes façons pour ce dernier d'être mis en liberté dans un processus administratif ou judiciaire. 3.1 Arrestation sans mandat et mise en liberté Comme nous l'avons déjà souligné, la perpétration de certains délits ne donne pas ouverture à une arrestation, que ce soit avec ou sans mandat. La loi nationale peut privilégier une façon de procéder, tel un engagement de la part du mineur à se présenter au tribunal pour répondre de ses délits et ce, sans arrestation sauf pour identifier le délinquant, préserver la preuve ou encore, éviter que l'infraction se poursuive. Après s'être assuré que le prévenu se présentera à la cour et que les circonstances qui ont fait naître des craintes se soient dissipées, le mineur sera libéré moyennant la remise d'un engagement de se présenter au tribunal à la date fixée. Pour certains délits graves, l'autorité responsable159 est autorisée à procéder sans mandat à l'arrestation d'un mineur. Elle est tenue de le mettre en liberté, sauf si sa détention est nécessaire dans l'intérêt public. S'il est détenu, le mineur doit comparaître devant une autorité compétente dans un délai de 24 heures. Lorsqu'un mineur a été arrêté sans mandat, qu'il n'a pas été mis en liberté, il doit être mis sous garde. Dès que cela est matériellement possible, l'autorité responsable doit mettre le mineur en liberté à moins qu'il y ait des motifs raisonnables de croire qu'il est nécessaire dans l'intérêt public de le détenir (nécessité d'identification, conservation de la preuve, sécurité des victimes). L'autorité responsable doit donner priorité à la mise en liberté. S'il est mis en liberté, le mineur devra signer un engagement de se présenter au tribunal et de respecter certaines autres conditions. 159 «Autorité responsable» signifie: un policier, un agent de la paix, un responsable de détention ou toute autorité désignée à cet effet dans une loi nationale, autre qu'un tribunal. 89 Séminaire sur la justice des mineurs 3.2 Arrestation avec mandat et mise en liberté Pour qu'il y ait émission d'un mandat d'arrestation, l'autorité compétente doit entendre les témoins pour justifier une telle ordonnance. Lors de l'émission du mandat d'arrestation, l'autorité compétente peut émettre une autorisation qui permet à la personne qui aura la garde du mineur de le mettre en liberté moyennant une promesse de comparaître et de respecter certaines conditions émises lors de sa mise en liberté. Soulignons que lors d'une arrestation avec mandat, l'autorité responsable ne peut procéder à la mise en liberté d'un mineur que si le tribunal a émis un mandat autorisant spécifiquement sa mise en liberté en apposant un visa à cet effet. L'apposition du visa sur un mandat d'arrestation ne crée pas une obligation pour l'autorité responsable de mettre un prévenu en liberté, mais accorde à cette autorité la discrétion de mettre le prévenu en liberté selon le principe du droit à la liberté. 3.3 Situations spéciales Comme nous l'avons mentionné, une autorité responsable peut posséder des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont accordés par la loi lui permettant de mettre en liberté une personne qui n'a pas encore comparue devant une autorité judiciaire. Ce pouvoir discrétionnaire accordé à l'autorité responsable doit donc s'exercer suivant les principes contenus dans la loi nationale ou à défaut, selon les règles des instruments régionaux ou internationaux; ce pouvoir a pour but d'éviter que le droit à la liberté du mineur soit mis en péril par l'écoulement du temps. Il est possible que l'autorité responsable, autre qu'un tribunal, ait juridiction pour mettre en liberté un mineur moyennant la remise d'un engagement de respecter certaines conditions. Toutefois, ces conditions peuvent être modifiées par un tribunal à la demande, soit d'un mineur ou du poursuivant. 3.4 Mise en liberté par voie judiciaire Lorsqu'un mineur a été arrêté avec ou sans mandat et qu'il n'a pas été mis en liberté, celui qui en a la garde doit le faire comparaître devant un tribunal sans délai (24 heures)160 ou aussitôt qu'un juge de paix est disponible. En termes pratiques, un mineur arrêté et détenu, qui comparaît devant le juge, a deux (2) choix: - Il peut plaider non coupable: le Ministère public pourra s'objecter à sa mise en liberté et exiger qu'il y ait une enquête sur la mise en liberté dans les plus brefs délais, habituellement dans un délai de trois (3) jours; 160 DUBOIS, SCHNEIDER: Code criminel et lois annotés, 2004, Éd. C.C.H. Ltée, Brossard (Qc), Canada, art. 503 90 Séminaire sur la justice des mineurs - Il peut plaider coupable: le juge doit émettre une ordonnance, soit autorisant sa mise en liberté provisoire avec ou sans conditions, soit qu'il maintienne le mineur détenu jusqu'à ce que la peine soit prononcée. Si l'autorité compétente doit tenir une enquête sur la mise en liberté du mineur, il doit suivre les règles prévues dans la loi nationale. Dans l'examen de la détention avant jugement, la loi nationale doit prévoir les critères161. À titre d'exemple, soulignons que le tribunal doit vérifier si la détention est justifiée pour l'un des motifs suivants: 1) 2) 3) 4) 5) la détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu au tribunal; la détention du prévenu est nécessaire pour la protection de la sécurité publique, de la victime et des témoins de l'infraction; la détention du prévenu est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice; la détention provisoire du mineur n'a pas pour but de se substituer à des services plus appropriés en protection, en santé mentale ou de nature sociale; l'infraction reprochée au mineur donne ouverture à une peine de mise sous garde en raison des critères prévus par la loi, s'il était reconnu coupable. Concernant le premier critère, le juge fait enquête afin de s'assurer de l'existence d'une adresse fixe et des autres éléments, tels l'emploi, l'occupation et les liens avec d'autres personnes pouvant convaincre le juge que le prévenu peut être rejoint. Si le juge en vient à la conclusion que la détention n'est pas justifiée pour aucun des cinq motifs, il doit alors mettre le prévenu en liberté sur simple promesse. Quand le juge en vient à la conclusion qu'il est nécessaire de maintenir le mineur en détention, il doit s'informer, avant de rendre une ordonnance de mise sous garde dans une institution, de la possibilité que le mineur soit plutôt confié aux soins d'une personne digne de confiance. 3.5 Situations spéciales lors de l’enquête pour mise en liberté En vertu de la loi nationale, certains crimes peuvent faire l'objet de règles particulières pour la mise en liberté. Ainsi, soulignons que la détention avant jugement est la règle dans le cas d'un meurtre. Le mineur, s'il veut obtenir une mise en liberté, doit en faire la demande à la cour. Il lui appartiendra de démontrer, par la balance des probabilités, que sa détention n'est pas requise, soit pour assurer sa présence au procès, soit pour assurer la protection du public, soit en démontrant que sa mise de la liberté ne minerait pas la confiance du public dans l'administration de la justice. 161 Note 6, art. 515 91 Séminaire sur la justice des mineurs 3.6 Conséquences du non-respect des conditions de la mise en liberté provisoire Le non-respect par le mineur des conditions imposées lors de la mise en liberté entraîne certaines conséquences, à savoir: - l'émission d'un mandat d'arrestation; - l'arrestation sans mandat; - l'incarcération avant procès; - la révision des conditions de mise en liberté; - la poursuite pour ne pas avoir respecté les conditions de sa mise en liberté; - la confiscation au profit de l'état des engagements pris par le mineur ou au profit du mineur (cautions); - l'obligation pour le mineur de justifier qu'il peut être à nouveau mis en liberté. 4. Conclusion Le droit à la liberté et le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement constituent la pierre angulaire d'un système de justice pénale. L'atteinte à ces deux droits fondamentaux ne peut se justifier, dans une société de droit, que par une loi nationale qui s'inspire des principes reconnus dans les instruments internationaux ou régionaux. La sauvegarde de ce droit à la liberté pour les mineurs doit faire l'objet d'une attention parcimonieuse et ce, notamment, dans les situations où il est question d'une détention avant jugement, car même après jugement, cette mesure de limitation de liberté est une mesure de dernier ressort. 92 Séminaire sur la justice des mineurs CAS PRATIQUE : CAS DE DEFENSE PENALE DU MINEUR EN FRANCE Laure DESFORGES Avocat au barreau d’Epinal et de Paris, Membre d’ASF Présentation du dossier d’un mineur Patrice P, mineur de 17 ½ ans, accusé de tentative d’assassinat sur un majeur. Toute la procédure est présentée avec les étapes les plus significatives de l’arrestation par la gendarmerie le 7/12/2002 jusqu’au jugement par le Tribunal pour Enfants le 17/05/2004. Document n°1 : synthèse du PV de gendarmerie avec audition des principaux témoins de l’altercation. Document n°2 : compte rendu dans la presse (à noter que le mineur n’est pas cité conformément à la loi protectrice des mineurs). Document n°3 : la garde à vue qui s’est déroulée du 8/12/02 au 10/12/02 avec la notification, l’information du magistrat, la notification des droits du prévenu (droit au silence, droit de faire prévenir la famille, droit à un examen médical, droit de s’entretenir avec un avocat et droit d’être informé des suites de la procédure). Document n°4 : interrogatoire de 1ère comparution devant le Juge d’Instruction le 10/12/02. Document n°5 : ordonnance de détention provisoire du 10/12/2002. Compte tenu de la gravité des faits, du trouble grave et durable à l’ordre public, du fait qu’il faut des investigations complémentaires et que les déclarations des parties sont contradictoires, que le mineur a un passé pénal déjà chargé et que les avertissements du juge pour enfants n’ont pas suffit. Document n°6 : demande de mise en liberté devant le juge d’instruction et devant le juge des libertés et de la détention. Document n°7 : décision de la Cour d’Appel de Nancy chambre de l’instruction du 20/03/2003 et du 16/07/2003 sur le maintien en détention. Document n°8 : ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire du 30/01/2004. Document n°9 : PV de confrontation entre l’auteur et la victime devant le juge d’instruction. Document n°10 : ordonnance de rejet de mise en liberté. Document n°11 : expertise psychologique du prévenu. Document n°12 : enquête de personnalité du mineur. 93 Séminaire sur la justice des mineurs Document n°13 : expertise psychiatrique du mineur. Document n°14 : mémoire de l’avocat aux fins de requalification pénale de la tentative d’assassinat en violences volontaires (dans ce cas, on passe de la Cour d’Assises des Mineurs au Tribunal pour Enfants). Document n°15 : décision du tribunal pour enfants du 17/05/2004 qui retient la qualification de violences volontaires et condamne le mineur à une peine de 4 ans d’emprisonnement dont 3 avec sursis et mise à l’épreuve, avec les obligations suivantes : - exercer une activité professionnelle, ou suivre un enseignement, une formation professionnelle, se soumettre à des mesures d’examens médicaux. 94 Séminaire sur la justice des mineurs QUELQUES ASPECTS DE PROCEDURE : LES ÂGES D’INTERVENTION Christian MAES « …il ne faut leur faire assumer plus qu’ils ne peuvent… » François Mitterand 1. Des seuils d’âge et de la responsabilité (pénale, aussi). a) Dans le domaine du droit, les seuils d’âge revêtent un caractère arbitraire et artificiel162. En outre, la fixation de ces seuils varie très fortement d’un pays à l’autre163 et évolue, même, historiquement à travers les temps, ce qui pose d’emblée la question de savoir vraiment sur quels critères repose cette divergence. b) Qui plus est, la loi définit et la jurisprudence apprécie différemment la capacité civile et juridique d’un mineur, selon que le mineur concerné agit, par exemple, dans le domaine du droit public, du droit pénal, du droit civil, du droit administratif ou du droit social. c) A cela s’ajoute que pour statuer, le juge qui est compétent à l’intérieur de ces différentes branches du droit pour porter un jugement sur un mineur, tient compte non seulement164 du critère d’âge mais également d’autres facteurs tout aussi déterminants tels que la personnalité, la maturité, les possibilités de s’en remettre à l’entourage familial ou à un environnement social plus large et les possibilités offertes par le système judiciaire luimême. d) L’âge de la responsabilité pénale, quant à elle, n’est pas toujours perçu de la même manière par ceux qui en parlent : ainsi, il convient d'établir, par rapport à l’âge de la majorité civile, une distinction entre, d’une part, l'âge ou les âges à partir desquels on peut ou on doit recourir au droit pénal pour adultes (le seuil supérieur : la majorité pénale) et, d’autre part, l'âge ou les âges à partir desquels on peut prendre, à l’encontre de mineurs des mesures visant à confirmer la norme parce qu’ils sont supposés avoir la capacité d’enfreindre la loi pénale et d’apporter leur concours au débat judiciaire qui les concerne (le seuil inférieur : la responsabilité pénale).165 162 Mais, d’autre part, nécessaire du point de vue des exigences d’une sécurité juridique (p.ex. principe de l’égalité devant la loi) 163 Innocenti Digest, Unicef, Sienne, janvier 1998, Age of criminal responsibility… “the disparities from one country to another are astounding” (les âges varient de 7 à 18 ans). 164 J.L.Fagnart, Situation de la victime d’enfants délinquants: problèmes de responsabilité dans Droit de la Jeunesse, Edition Formation Permanente CUP Liège, février 2002, vol.53, 140 : « les décisions qu’ils (les juges) prennent dépendent exclusivement d’une « opinion » qui est strictement personnelle à chacun d’eux (…) cette solution n’est pas très heureuse. » 165 F. Dünkel, Jugendstrafrecht im Internationalen Vergleich – vom Freiheitsentzug zu den Alternativen dans 100 Ans de Justice juvénile (bilan et perspectives), 5ième séminaire de l’IDE octobre 1999, éd. IUKB, Sion, 2000, p. 45 (Tabelle der Altersgrenzen strafrechtlicher Verantwortlichkeit in Europa : la seconde limite d‘âge figurant au point d) est définie en allemand comme étant la “Strafmündigkeitsalter“). 95 Séminaire sur la justice des mineurs e) Les seuils d’âge arbitrairement fixés à un niveau bas ou élevé doivent, au vu du contenu de l’exécution finale de la décision judiciaire, souvent être relativisés166. En d’autres termes, la fixation de l’âge n’indique pas automatiquement comment l'enfant, qui a commis un fait qualifié infraction, est traité, à savoir dans une perspective axée sur la rétribution ou une perspective axée sur la réhabilitation. 2. Responsabilité suppose pour le moins liberté et capacités. La responsabilité pénale167 ou la capacité sont basées sur le principe du libre arbitre, selon lequel chaque individu est considéré comme responsable de son propre comportement et capable d'opérer des choix de comportement sensés.168 Or, précisément les enfants ne sont pas autonomes. Leurs parents sont au moins civilement responsables des actes de leurs enfants jusqu'à la majorité de ceux-ci. La présomption juris tantum de cette responsabilité peut uniquement être renversée par les parents s’ils apportent la preuve que le fait qui donne lieu à cette responsabilité n'est pas la conséquence d'un défaut de surveillance ni d'une carence dans l'éducation qu'ils ont dispensée.169 Les âges les plus divergents, dans autant d'Etats, déterminent, par exemple, le moment à partir duquel des relations sexuelles de mineurs et avec des mineurs sont considérées comme punissables, le moment à partir duquel les mineurs peuvent contracter mariage, entrer en discothèques, se faire servir de l'alcool ainsi que le moment à partir duquel et jusqu'à quand ils sont soumis à l'obligation scolaire.170 Il n'y a donc aucune raison pour que l'autonomie restreinte des mineurs de par leur dépendance à l'égard de leurs parents et de décisions des autorités171 soit soudainement et sans restriction assortie d’une entière responsabilité pour des actes qui revêtent un caractère pénal. 166 Par exemple, l’âge de la responsabilité pénale peut dans certains cas sembler bas, mais il a seulement été fixé ainsi parce que le système juridique permet uniquement d’appliquer des mesures et non des sanctions. Dans d’autres cas, il peut paraître élevé, mais des dérogations sont prévues, comme le dessaisissement ou le renvoi devant le droit pénal pour adultes dès un plus jeune âge…(nous y reviendrons dans le texte même) 167 la notion renvoie, ici, à celle de l’élément moral de l’infraction 168 R. Allen, Children and crime (taking responsibility), IPPR, Londres, 1996, p. 17.; F.Tulkens, Les impasses du discours de la responsabilité dans la repénalisation de la protection de la jeunesse, dans La criminologie au prétoire, E.Story-Scientia, Gent 1985, 13: “La responsabilité pénale relève d’abord historiquement d’une conception politique de la liberté qui entend donner aux individus la possibilité de décider. La loi pénale envisage la conduite de l’homme comme libre, autonome et volontaire, non pas nécessairement parce qu’elle l’est, mais parce qu’il est préférable pour un système de droit (…) de faire comme si elle l’était. La notion de responsabilité constitue (…) un point au-delà duquel la répression ne se justifie pas ou ne se justifie plus.(…), la responsabilité est tout à la fois le fondement, la condition et le lieu d’application de la sanction.” (cit.) 169 Notamment Cass.Belge 23.02.1989, Arr. Cass., 1988-89, p. 721 ; Cass.Belge 28.09.1989, Arr. Cass., 1989-90, p. 130. 170 J'ai lu quelque part l'expression “incapacité perlée” pour désigner les cinq à six dernières années de la minorité (P. Mahillon, Les Novelles, Protection de la jeunesse, Larcier, Bruxelles, 1978, p. 17, n° 28). 171 K. Raes, Het kind als homo juridicus ; verrechterlijking en emancipatie dans éd. E. Verhellen e.a., Rechten van Kinderen, Kluwer Anvers et Gouda Quint Arnhem, 1989, p. 85. 96 Séminaire sur la justice des mineurs D'ailleurs, leur manière d'agir et de penser est également fortement influençable par des individus qui se trouvent déjà à un stade de développement plus avancé ou qui sont dotés d'une personnalité plus confirmée.172 C’est, entre parenthèses, une des raisons pour laquelle plusieurs lois pénales prévoient des peines sévères à l’encontre d’adultes, qui abusent de l’âge et des systèmes « indulgents » vis-à-vis des mineurs délinquants pour les employer et exploiter à des fins criminelles et terroristes. La responsabilité d'un mineur suppose trois capacités :173 - une capacité cognitive : la faculté de savoir, de comprendre, de penser et de raisonnement ; - une capacité morale : la faculté de différencier le bien du mal, d'évaluer son comportement en fonction de cette perception et de se comporter conformément à cette analyse174 ; - une capacité conative : la faculté de contrôler ses impulsions et de résister à la tentation et à la pression. Même s’il est vrai que de nombreux adultes ont du mal à répondre à ces critères175, il est évident que l’acquisition de la connaissance et de l'expérience prend du temps et qu'il convient de tolérer que les mineurs bénéficient notamment du temps nécessaire à cet effet. 3. En quoi, une précision des seuils d’âge est-elle importante ? (le pour et le contre d’une précision). 1. pour : l’âge est un des motifs pour une juridiction distincte et spécialisée176 la précision tend à promouvoir la sécurité juridique177 la précision contraint à motiver l’exception 2. contre : « l’énergie dépensée pour arriver à un consensus devrait plutôt être investie dans la recherche de réactions humaines, constructives et respectueuses de tous, indépendamment de l’âge… (dès lors) : quels sont les besoins de (ré)éducation, de réhabilitation et d’intégration ? »178 « l’âge établi dans la loi ne garantit pas en soi une justice à la taille de l’enfant ni un respect de ses droits et n’offre pas de garantie quant au contenu des mesures »179 « l’intervention aura donc lieu, en tout cas, quel que soit l’âge de l’enfant »180. 172 H. Hamon, L'idée éducative dans 100 Ans de Justice juvénile (bilan et perspectives), o.c., p.117. R. Allen, o.c., p. 18. 174 Responsabilité sociale. 175 A propos du « débat de compétences », lire E. Verhellen, notamment : De Conventie voor de Rechten van het Kind dans éd. E.Verhellen e.a., Rechten van Kinderen, o.c., p. 15. 176 et, par exemple, aussi pour une détention séparée des adultes 177 L’âge déterminera la façon dont on sera traité (une assistance judiciaire ne pourra, par exemple, plus être refusée) 178 G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 51 et 54 179 G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 50 et 56 (il ne suffit pas pour empêcher p.ex. le recours fréquent à la privation de liberté), 54 (les seuils d’âge ne remplissent pas la fonction pour laquelle ils 173 97 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Tentatives de précision des limites (seuils) inférieurs et supérieurs du droit d’intervention de la justice juvénile. Si, dans le cadre d’un raisonnement idéal181 tendant à la détermination d’une tranche d’âge souple pour la responsabilité pénale, on était tenté d’envisager une charge de preuve concernant la présence de maturité suffisante, cette souplesse d’appréciation trop grande pour le juge serait sûrement source d’insécurité juridique. Il faut éviter de devoir établir pour chaque nouveau cas, généralement par le biais d’une expertise, si un mineur dispose de la maturité nécessaire et du discernement suffisant. Une précision s’impose donc. On pourrait s’accorder sur des principes suivants182 : 1. Invoquer la responsabilité pénale de mineurs âgés de moins de 12 ans183 pour des actes de délinquance semble peu réaliste. Bien que l’évolution psychosociale de l’enfant ne se fasse pas de manière uniforme et que des critères en matière d’âge soient toujours arbitraires, cette limite d’âge est de plus en plus considérée dans beaucoup de pays industrialisés184 comme un seuil à partir duquel un mineur reçoit à certains égards son mot à dire ainsi que certaines responsabilités. Cet âge correspond également (toujours dans les régions de l’hémisphère Nord) au passage à la puberté ainsi qu’au passage à une forme d’enseignement supérieur. En dessous de l’âge de 12 ans, l’influence de l’environnement est jugée prédominante et la dépendance sociale et émotionnelle trop importante185. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, car alors le « pédagogique » serait absent. Mais, en dessous de 12 ans l’enfant devrait sortir de la sphère du droit186. Le conflit avec la loi devrait être traité comme un délit dépénalisé qui ne donne lieu qu’à réparation civile187 et à approche éducative en milieu, exceptionnellement résidentiel, mais toujours ouvert. 2. La limite d’âge maximum en ce qui concerne la compétence des juridictions de la jeunesse reste fixée à l’âge de la majorité (légale). Ici aussi, l’âge de 18 ans est le moment où l’être humain est considéré par la société comme un adulte, tant sur le plan de son développement physique que sur le plan de sa capacité d’action et de réflexion et ont été mis en place : protéger les enfants en dessous d’un certain âge contre les effets néfastes du système pénal) 180 G.Cappelaere et A.Grandjean, o.c., 52 181 C. Maes, Rechten van het kind, belang(en)-rijk, o.c., p.389 n°18. 182 Principes repris d’ailleurs dans le rapport final de la Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse (Belgique) 1996 183 les participants au colloque préparatoire au 17ième congrès international de droit pénal, réunis à Vienne en septembre 2002 recommandaient dans un projet de résolution, l’âge de 14 ans, Rev.Internat.Dr.Pén., éd Erès Ramonville Saint-Agne 2004, 579 184 G.Cappelaere et A.Grandjean, Enfants privés de liberté ; droits et réalités, édition Jeunesse et Droit, Paris/Liège 2000, 54 185 mais tout le monde ne s’accorde pas: la Suisse p.ex. ne vient que récemment de relever le seuil d’intervention de 7 à 10 ans ; J.Zermatten, La loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs,Chronique de l’AIMJF n°1.vol.13 juillet 2004 186 F.Tulkens et Th.Moreau, Droit de la Jeunesse, De Boeck & Larcier 2000, 13 187 Chr.Eliaerts, Toekomst van het jeugdbeschermingssysteem, dans Jeugdrecht: balans en perspectieven, Contact, n° spécial 1989, 58 98 Séminaire sur la justice des mineurs il ne serait pas normal d’admettre que la présomption légale d’immaturité jusqu’à cet âge soit différente, uniquement pour l’exercice de l’action publique. L’article 8.1. de la Résolution A 3 – 0172/92 du Parlement européen portant sur une charte européenne des droits de l’enfant recommande, par ailleurs, de fixer le seuil de la majorité pénale à l’âge de la majorité légale. La Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 nous déçoit quelque peu à ce sujet, car si elle dispose en son article 1er qu'elle s'applique aux enfants de moins de dix-huit ans, elle : a) accepte les exceptions prévues dans le droit national lorsque la majorité (légale) y est atteinte plus tôt ; b) se limite, en son article 40, 3., a), à recommander aux Etats parties à la Convention de fixer un âge minimum en dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale188 ; c) accepte que les enfants reçoivent déjà progressivement et par étapes des possibilités d'épanouissement et un droit de participation qui les apprendront tout naturellement à devenir adulte, alors que ce droit de participation est parfois en porte-à-faux avec des dispositions légales qui protègent les enfants dans leur vulnérabilité spécifique, à savoir le droit protectionnel.189 Pensons, par exemple, à l'autonomie sexuelle. 5. Mais, déjà, les exceptions se multiplient (érosion du principe de l’application du droit commun à partir de l’âge de 18 ans). 1. De nouveaux seuils d’âge sont introduits pour l’application de mesures plus restrictives ou privatives de liberté ; un couteau à double tranchant : l’écartement de la vie en société sous un certain âge est considéré inapproprié pour le développement de l’enfant, audessus de cet âge jouent des facteurs comme gravité du délit, non-acceptation d’autres réactions par l’opinion publique et moins le souci des conséquences pour le mineur ; le placement en milieu fermé, mesure dite de sécurité n’est somme toutes qu’une peine « améliorée » par son organisation et son individualisation190 et ne diffère souvent d’autres formes de détention que par le nom qu’on lui prête; l’on y accède (ou pas) vers les 14-15-16 ans. 188 réponse à la question : à quel âge se termine l’enfance ? ; La règle 4.1 des Règles minimales de Beijing relative à l'administration de la justice pour mineurs (résolution 40/33 de l'ONU du 29 novembre 1985) recommande que l'âge de la responsabilité pénale ne soit pas fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle ; on peut en outre lire dans l'Innocenti Digest de l'Unicef que les lignes de conduite devraient être dictées par la recherche médicale et la recherche psychosociale plutôt que par la tradition et l'appel de la rue. 189 C. Maes, Rechten van het kind, belang(en)-rijk dans éd. M. Storme, Gezin en recht in een postmoderne samenleving, Mys & Breesch, Gand, 1994, p. 388, n° 17. 190 L.Cornil, La loi de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude du 9 avril 1930, Rev.Dr.Pén.Crim. 1930, 837, n° 41. 99 Séminaire sur la justice des mineurs 2. 16 ans semble être un âge permettant à la justice juvénile de se « dessaisir » du « cas » au profit de la justice de droit commun, motivé au cas par cas par la personnalité du mineur191 mis en rapport avec les (manques de) possibilités encore offertes par le système spécialisé192, où la gravité du délit n’est pas déterminante (sur papier) mais reste un élément d’appréciation de la personnalité, qui, elle, l’est193. 3. 16 ans est aussi et souvent l’âge clé où les compagnies d’assurance ne couvrent plus le risque de délits intentionnels commis par des mineurs et qui agissent normalement sous la responsabilité civile de leurs parents; un « dessaisissement civil et contractuel », si l’on veut. 4. Pour les infractions en matière de roulage commis par des jeunes de plus de 16 ans, la loi belge, par exemple, constatant ici l’inadéquation de son modèle protectionnel et simplement par volonté d’efficacité rend la compétence aux tribunaux de droit commun. 5. Par un même souci d’efficacité (certainement pas de logique) et par appréhension de dessaisissements systématiques par les juges de la jeunesse, craignant, eux, une impunité pour des délits commis juste avant l’âge de la majorité, la même loi belge prévoit une possibilité de prolongation des mesures au-delà de la majorité, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 20 ans194. 6. Ages et responsabilité : somme toutes un débat dont on ne se sort pas et qu’on pourrait neutraliser ? On pourrait s’y résigner. Pourtant, comme le suggère Françoise Tulkens195, la question de la responsabilité semble centrale dans la « philosophie » des réformes du droit juvénile. Et, dans notre système juridique et pénal, continue-t-elle, la responsabilité est tout à la fois le fondement, la condition et le lieu d’application de la sanction196. 191 une condition de forme avant de pouvoir se dessaisir est souvent l’obligation d’effectuer une expertise psycho-médico-sociale préalable 192 le manque de ressources, suite à une politique de désinstitutionalisation, pourrait avoir, ici, un effet fort pervers. 193 selon J.Junger-Tas les Pays bas prévoiraient de diviser les jeunes en groupes: d’une part, ceux pour qui la resocialisation a un sens et d’autre part, les incurables; pour ceux-ci , une peine suffirait (Ernstige jeugddelinquentie : mythe of realiteit?, formation post-académique à la V.U.B. Bruxelles 22.10.2004) 194 Dans le dernier avant-projet de réforme de la loi relative à la protection de la jeunesse (législature présente) l’on irait jusqu’à l’âge de 23 ans. 195 F.Tulkens, Les impasses…o.c., p. 16 196 “sanction”, qu’elle identifie d’ailleurs souvent à “répression”, ce que nous avons déjà déploré lors de la Formation citée ci-après (note de bas de page 35) et ce que nous contesterons encore plus loin 100 Séminaire sur la justice des mineurs Pas étonnant donc, qu’en Belgique, un des fers de lance du modèle protectionnel197, il existe en faveur du mineur âgé de moins de 18 ans, une présomption irréfragable qu’il agit sans discernement. Dans sa loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, le législateur belge s’est donc tout simplement résigné à neutraliser le débat sur le contenu de la responsabilité pénale des mineurs et sur la difficulté d'en prouver ou d'en réfuter l'existence.198 Toutefois, la présomption générale de jure d'un manque de discernement, pierre angulaire du modèle protectionnel de la jeunesse, qui permet d’exclure le mineur de l'application de la loi pénale199 (mais uniquement au sens pénal du terme), est une fiction juridique qui n'est plus longtemps défendable200. Le caractère artificiel du procédé a plus d’une fois été dénoncé, et non dans une moindre mesure à l’occasion des différentes dérogations apparaissant dans la loi elle-même et dans la pratique.201 Même pour Tulkens, une présomption est une « entorse à la vérité », qui fonctionne comme moyen de réaliser certaines valeurs, qui quelquefois sont idéologiques. La présomption du non-discernement (notion fragile, factice et dangereuse202), place dès lors le mineur, au même titre que les autres incapables, les inconscients, en dehors de la société de droit et permet de le traiter jusqu’à sa majorité et parfois au-delà, comme un malade, sans autre droit que d’être guéri à la norme. Ne serait-ce pas justement parce qu’on n’accepte plus de nos jours que le mineur soit traité comme un incapable, mais comme ayant progressivement le droit d’être pris au sérieux, à qui l’on rend l’acte commis pour y accorder, avec l’âge, une autre importance, que le législateur et la jurisprudence ont divisé le temps de l’adolescence, qui se situe entre le seuil d’entrée dans le droit et celui d’entrée dans le droit des adultes, pratiquement par tranches de 2 ans (12-1416-18)? Et si, en effet, l’intervention en soi devenait plus importante que la question des âges ? Si l’essentiel était de considérer, en toutes circonstances et à tout âge, l’enfant comme une personne, de ce fait sujet de droit ?203 197 C.Maes, La justice juvénile dans le monde, ses systèmes, ses objectifs: les modèles, Formation en justice des Mineurs pour Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique de l’Ouest, Ouagadougou (Burkina Faso) 29.11-3.12.2004 198 F. Tulkens & Th. Moreau, Droit de la Jeunesse, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 125. 199 Concrétisée dans l'expression typique suivante : un mineur ne commet pas une “infraction” mais un “fait qualifié infraction”. 200 Le Conseil de l'Europe (European Committee on crime problems, report on the implementation n° R (87) 20 Social reactions to juvenile delinquency) aurait lui aussi, selon R. Allen, Children and crime (taking responsibility), o.c., p. 69, posé ce constat. 201 M. van de Kerchove, Des mesures répressives aux mesures de sûreté et de protection ; réflexions sur le pouvoir mystificateur du langage, R.D.P.C, 1977, p. 245. 202 F.Tulkens, Les Impasses…o.c.,p. 19 203 R.Burnel, la lettre de l’IDEF, France n°39 – novembre 1989, 44 101 Séminaire sur la justice des mineurs 7. Le motif de l’intervention et la façon d’intervenir, conditionnés par l’âge auquel on intervient, semblent bien plus essentiels pour une justice juvénile moderne. Faisons une analyse. La résolution de conflits où des mineurs d’âge sont impliqués se situe à l’interface de plusieurs zones de tension, problème que tout législateur voulant élaborer ou réformer le droit juvénile se verra obligé de résoudre. a) Première zone de tension : Le principe de la non-responsabilité pénale du mineur est de plus en plus en porte-à-faux avec son souhait de se voir attribuer une capacité et une responsabilité plus importantes.204 En termes de droits des enfants, il n'existe aucune raison objective et rationnelle de considérer un enfant, en fonction du cas et dans la mesure où tel ou tel droit lui est applicable, tantôt comme immature tant sur le plan de son développement corporel que sur celui de sa capacité d’agir et de penser, tantôt comme disposant d'une capacité de discernement suffisante pour être traité comme un adulte pour le délit qu'il a commis. Quiconque reconnaît au mineur une progression par étapes de sa capacité à tous les niveaux de la vie sociale doit logiquement lui reconnaître aussi une capacité juridique croissante.205 Inversement, la reconnaissance d'une responsabilité ou d'une capacité pénale propre aux jeunes doit également être acceptée comme s’inscrivant dans le cadre d’une politique globale qui devra nécessairement être axée sur une capacité juridique croissante.206 b) Deuxième zone de tension : La volonté de sanctionner et d'éduquer en même temps sera toujours source de tensions. Sanctionner implique une réaction proportionnelle au fait commis qui sera limitée dans le temps, éduquer suppose une approche proportionnelle en fonction des possibilités de l'auteur (intellectuelles, perceptives, sociales, culturelles, liées à son âge, etc.) qui prendra fin lorsque l'objectif pédagogique sera atteint. La conjugaison des deux volontés ne fera pas oublier que la finalité, le but de toute intervention devra, partout et toujours, être l’insertion dans la société, jamais l’exclusion sociale. L’intervention judiciaire devra donc être réduite à un temps efficace minimum. c) Troisième zone de tension : Une tension207 peut naître de la combinaison des deux principes qui caractérisent une approche plus honnête à l’égard du jeune délinquant, à savoir le principe de proportionnalité et le 204 D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke positie, o.c., p.164. 205 D. Ballet, De minderjarige en het strafrecht: een poging tot verheldering van zijn strafrechtelijke positie dans éd. C.Eliaerts e.a. Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?, Kluwer Anvers et Gouda Quint Arnhem, 1990, p. 164 ; G.De Bock, Enkele knelpunten in de actuele discussie over het jeugd(beschermings)recht dans Liber amicorum Willy Callewaert, Kluwer, Anvers, 1984, p. 123. 206 G. Decock., Jong, niet gek, wel straf (pleidooi voor een verantwoord jeugdstrafrecht), Mys & Breesch Gand, 1993, p.9. 207 Chr. Eliaerts, Epiloog: jeugdrecht: wetenschap en beleid dans Van Jeugdbeschermingsrecht naar jeugdrecht?, Gouda Quint Arnhem 1990, 329(333); même auteur, Jeugddelinquentie en jeugdbeschermingsrecht: een moeilijke relatie, dans Kinderrechtengids, réd. E.Verhellen e.a., Mys & Breesch Gand, 1994, 1ère partie 11.8.Eliaerts(1999)-19. 102 Séminaire sur la justice des mineurs principe de subsidiarité. Il convient de faire tendre ces principes vers un équilibre acceptable et "juste". Le principe de proportionnalité doit être lu à la lumière de l’article 40.4 de la CIDE ainsi que des articles 5.1 et 17.1, a) des règles minimales de Pékin (Nations Unies, Résolution 40/33 du 29 novembre 1985), aux termes desquels la réaction sociale au délit doit non seulement être exactement en rapport avec la nature et la gravité de celui-ci, mais doit également tenir compte des conditions de vie personnelles, de la personnalité et des besoins du mineur ou du jeune208. La loi belge de 1965 affirmait que seuls les besoins du mineur déterminaient son application. Le principe de subsidiarité, que l’on retrouve dans les articles 11, 13.1, 18 et 19 des Règles minimales de Pékin, dans le préambule et dans les articles 7, 11, 13 à 17 inclus de la Recommandation n° R (87) 20 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (17 septembre 1987) ainsi que dans l’article B.5 a) de la Recommandation n° R (92) 17 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (19 octobre 1992), exige que l’intervention des autorités soit limitée à ce qui est nécessaire pour rétablir la norme209, l’intervention optimale étant une intervention minimale 210. 8. Une autre approche des conséquences de la reconnaissance d’une certaine responsabilité pénale, d’une responsabilité progressive avec le temps nécessaire211 à l’acquisition de la connaissance, de l’expérience et de la liberté. Il ne faut donc pas craindre de sanctionner et d’utiliser ce mot dans son acception première, mais bien dans les limites suivantes: a) agissons sur les effets de la responsabilité pénale, - en fournissant une offre différenciée de mesures, de sanctions et, exceptionnellement, de peines qui, de par leur contenu sensé et humain212, sont différentes de celles prévues dans le système pénal applicable aux adultes et qui offrent au mineur, mais également à sa victime et à la société, une perspective de pacification et de (ré)intégration213 ; - en continuant encore et toujours à confier l’application de cet éventail de moyens au juge de la jeunesse spécialisé ; en effet, celui-ci dispose de moyens appropriés et de la procédure adéquate, il est censé avoir son diplôme « ès être humain », il est mieux 208 Rapport final de la Commission Nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse 20.01.1996, 2.2.6.1.1. 209 Rapport final de la Commission Nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse 20.01.1996, 1.4.3.1. 210 L. Dupont, Beginselen van behoorlijke strafrechtsbedeling, Kluwer 1997. 211 Renvoi au point 2, dernier alinéa 212 c’est-à-dire des “sanctions constructives” ; ceci exclue de façon définitive la peine de mort ( entre autres, le colloque préparatoire au 17ième congrès international de droit pénal, réunis à Vienne en septembre 2002 le recommandait dans un projet de résolution, Rev.Internat.Dr.Pén., éd Erès Ramonville Saint-Agne 2004, 580) 213 Avis du Conseil Supérieur de la Justice du 12.12.2001 concernant l’avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs du Ministre de la Justice M. Verwilghen (version 1.07.2001) ; C.Somerhausen, Une recommandation nouvelle du Conseil de l’Europe dans hommage à Lucien Slachmuylder – Justice et jeunes délinquants, Bruylant, Bruxelles 1989, p.20 (41): « Lorsqu’il y a lieu de prononcer des sanctions, les mêmes objectifs d’éducation, d’insertion sociale et de “responsabilisation” du mineur doivent en guider le choix et l’application ». 103 Séminaire sur la justice des mineurs - armé pour évaluer tous les intérêts, mais également pour sentir214 les besoins spéciaux de l’enfant en pleine croissance et en pleine évolution et néanmoins particulièrement dépendant ; en permettant au mineur de participer à la détermination de la réaction judiciaire, et donc sociale, à un délit en le laissant formuler ses propres propositions de solution au conflit qui l’oppose à la loi ; b) accordons une attention accrue aux garanties juridiques215, qui doivent être au moins équivalentes à celles que l’on accorde dans une procédure pénale à une personne majeure, étant entendu qu’elles doivent comporter les garanties reconnues aux mineurs dans des conventions internationales relatives aux droits de l’enfant et dans des recommandations internationales. Il en va de même pour ce qu’on appelle les solutions ou diversions “alternatives”216. En effet, (nous ne cesserons de le rappeler) le droit de la jeunesse a tellement eu tendance à donner un autre nom à la réalité que, quelle que soit la réponse donnée, les garanties juridiques destinées à corriger l’arbitraire et l’illusion que les changements de terminologie suggèrent également des changements dans le droit de la jeunesse217, doivent toujours être celles dont est assortie la modalité d’intervention la plus radicale. 214 J.Trépanier, Le développement historique de la justice des mineurs dans: 100 Ans de Justice juvénile (bilan et perspectives), o.c., p.41 (conclusion). 215 Il convient d’accorder en permanence la priorité à des garanties juridiques applicables à tous les modèles, courants, tendances ou mouvements, voire conceptions philosophiques, que l’on peut imaginer et qui se poseront en nouveautés, à la suite des mouvements oscillatoires bien connus, en paradigmes ou en dogmes dans un droit de la jeunesse qui s’est toujours prêté et continue à se prêter fortement à des expériences. 216 Une des garanties juridiques les plus fondamentales est parfois oubliée dans le droit de la jeunesse : la présomption d’innocence : 1. dans la phase provisoire, le mineur ne peut être ni sanctionné, ni puni. Les mesures provisoires peuvent donc uniquement : -être de nature conservatoire (comp. Cass.belge 04.03.1997, Arr.Cass.1997, p.307 et art. 37 avec art. 52 loi du 8.04.1965) ; -être éventuellement de nature à protéger la société ; -être l’amorce d’un contact avec la victime ; -servir à des fins d’observation ; 2. Par un jugement, peuvent donc être prononcées à l’égard du mineur: des mesures sur le fond dont la principale caractéristique est la guidance et la formation ; - des sanctions, une forme intermédiaire de peine, qui comme les peines présentent la caractéristique de confirmer la norme et d’être rétributives, mais qui visent plus l’auteur que l’acte et qui s’inscrivent de ce fait plutôt dans la philosophie de la probation, qui sont davantage axées sur l’avenir, sur la réinsertion sociale, qui sont constructives, repensées comme une forme humanisée de rétribution, qui sont sensées, porteuses d’une signification et orientées vers la réparation. - des peines, qu’il convient de distinguer clairement des sanctions, dans la mesure où elles se caractérisent au premier plan par la confirmation de la norme et la rétribution et qui sont moins porteuses d’espoir de réinsertion sociale et d’avenir. 217 Rapport de la Commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, Les Rapports du Sénat (Fr) n° 340, 2001-2002,p.158 et « chapitre 6, proposition 7 : …établissements pénitentiaires spécifiques qui devraient progressivement se substituer aux quartiers des mineurs actuellement intégrés dans les maisons d’arrêt… ». Leçons de l’expérience belge : « souvent les mots changent, les choses subsistent », comme le disait le député Royer à l’occasion de l’examen de la loi de 1912 sur la protection de l’enfance (Pasinomie 1912, p. 317). C.Maes, La mesure de garde provisoire en maison d’arrêt (loi 8/4/65 – art.53) dans éd. de la Conférence Libre du Jeune barreau de Liège 1985, p.19. 104 Séminaire sur la justice des mineurs c) offrons à la justice juvénile les moyens adéquats pour mener une politique de réponses diversifiées et nouvelles à la délinquance juvénile, de façon à éviter le recours à des constructions illogiques telles que le dessaisissement au profit du droit pénal des adultes ; un système qui se suffirait à lui-même218 et dont j’ai moi-même proposé une version originale219 9. Mise en garde : la justice juvénile devra être dotée de moyens d’intervention tels, que le débat sur les âges devienne secondaire. Les conséquences de l’érosion du principe de l’application du droit commun à partir de 18 ans, de l’abdication devant le constat de la difficulté de précision des âges et le découragement face au manque de respect des âges, une fois établis dans la loi, sont dévastatrices pour le système de justice juvénile spécialisée. Quand les juges de la jeunesse ne seront plus appelés à gérer tous les problèmes de société causés par des mineurs, mais quand ils se verront réduits à ne plus s’occuper que de délits et problèmes tout compte fait moindres et marginaux pour une tranche d’âge toujours plus courte ( de 12 à 16 ans), la politique ne ratera pas l’occasion de taxer la justice juvénile de superflue, désuète et onéreuse et, dès lors, de la remplacer par le système de droit commun des adultes assorti d’éventuelles et rares exceptions au niveau du renversement de la présomption et de la preuve. La tendance dans beaucoup de pays à empiéter sur la compétence et la fonction du juge de la jeunesse (attributions de pouvoir au parquet dans le cadre d’une soi-disant « diversion » bien pensée, délégation de sa fonction de « juger » et de « pacifier » à des médiateurs sans trop de garanties de formation, de transparence, de contrôle, de déontologie, plus grande confiance donnée à des associations civiles pour régler des conflits après des siècles de combat……) tout en lui enlevant les « cas » jugés trop difficiles(graves) ou déjà trop âgés pour que le système les supporte, mène à la fin du siècle de la justice juvénile, qu’on vient juste de fêter. Cent ans de justice juvénile pour en arriver là ? 218 F. Tulkens & Th. Moreau, Droit de la Jeunesse, o.c., 684 ; L.Beaulieu, Chronique de l’AIMJF juillet 1999, 10 : “Un système séparé de justice pour mineurs ne devrait-il pas être en mesure de répondre à toutes les affaires qui impliquent des délinquants mineurs? Ne faudrait-il pas développer un système plus complet de justice des mineurs?” 219 avant-projet de loi portant réponses au comportement délinquant de mineurs (version 1.07.2001) se retrouve dans Droit de la Jeunesse, Edition Formation Permanente CUP Liège, février 2002, vol.53, 7 et ( y compris l’exposé des motifs) dans T.J.K. n° spécial octobre 2001/4 105 Séminaire sur la justice des mineurs 106 Séminaire sur la justice des mineurs LES RÉPONSES PÉNALES (RÉPONSES CLASSIQUES) Oscar D’AMOUR 1. Introduction Élaborer les réponses classiques en droit pénal, c'est faire appel à des repères qui font autorité dans le domaine et dont la valeur est universellement reconnue. Ces repères ont été souvent questionnés, parfois modifiés, souvent réaffirmés, mais jamais rayés. À travers les ans, ils ont bâti, au quotidien, une tradition dans le respect des droits fondamentaux. Bref, les réponses classiques sont celles qui sont fournies et qui s'inscrivent dans un système de droit. 2. Principe généraux 2.1 Evolution des principes Le droit pénal est, de par son essence, un régulateur des comportements et un soutien aux valeurs fondamentales d'une société. À son origine, les peines associées au crime n'étaient pas, à priori, punitives. Elles étaient axées sur la compensation de la victime pour les dommages subis. La culpabilité morale était secondaire220. Le Roi assumait une responsabilité en regard de la justice pénale afin de protéger la paix du royaume. Il tentait de contrôler la vengeance privée en instaurant un système sous sa responsabilité. Par la suite, le Roi s'est retiré de cette justice élémentaire en abandonnant son pouvoir absolu sur cette sphère d'activités pour donner ainsi naissance à un système judiciaire qui aura pour fonctions de rendre la justice pour et au nom de la société. Ainsi, une autorité aura la responsabilité de saisir le tribunal des comportements contraires à la loi pour qu'ils soient sanctionnés selon la loi pour assurer ainsi la paix sociale. En prenant en compte les droits de la personne dans la sanction des comportements déviants, nous assistons progressivement à l'abandon de la déportation, du bannissement, des châtiments cruels, de la peine de mort et de la torture comme punition pour garantir la paix sociale. L'emprisonnement comme peine privative de liberté devient le châtiment ultime dans l'exercice de la répression des comportements criminels. S'ajouteront, dans le cadre des peines, d'autres mesures non-privatives de liberté dont l'objectif ultime est de réprouver les comportements illégaux et de les sanctionner dans une perspective de réhabilitation. 220 BÉLIVEAU, Pierre et VAUCLAIR, Martin, Traité général de preuve et de procédures pénales, 10e éd. 2003, Éditions Themis, U. de Montréal (Montréal), page 8 107 Séminaire sur la justice des mineurs 2.2 Finalité recherchée par l’application de la peine La finalité du droit pénal est d'abord de punir. Comme le souligne Hélène Dumont: «Le châtiment pénal se caractérise par une souffrance qu'une société collective inflige à dessein […] à un transgresseur de normes et de valeurs que cette société considère comme fondamentales.»221 2.3 Répression et réhabilitation À son origine, le droit pénal est répressif. Il a pour but de protéger la société et en conséquence, il prévoit des peines qui doivent être dissuasives. La réhabilitation passe d'abord par la privation de liberté qui est proportionnelle au délit commis. Avec le temps, une autre considération s'ajoute aux jalons déjà existants, à savoir: l'évaluation du délinquant. Les recherches en criminologie nous ont permis de découvrir la dimension psychosociale du délinquant et de nous faire franchir les à priori et perceptions subjectives. L'aire de la réhabilitation suggérait une nouvelle façon de faire. La répression n'était plus le seul objectif à poursuivre. 3. La loi Les États ont aussi précisé les règles dans la loi. Ils ont cherché, à la lumière des chartes et des différents instruments internationaux et régionaux, à établir des limites pour assurer la protection de la société par une application individualisée de la peine à imposer. En pratique, les objectifs visés par l'imposition d'une peine se résume comme suit:222 a) dénoncer le comportement illégal; b) dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions; c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants; e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; f) susciter chez les délinquants la conscience de leurs responsabilités notamment, par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité. Avec le temps, la justice pénale s'écarte des théories d'antan pour se calquer sur les précédents élaborés par les décisions judiciaires dont les lignes directrices s'inspirent de nouveaux concepts élaborés par les sciences du comportement et les balises enchâssées dans les chartes devenues soit des lois constitutionnelles ou quasi-constitutionnelles. Afin d'éviter une disparité des peines et en assurer la prévisibilité, les États ont établi des règles et élaboré de nouvelles façons d'intervenir privilégiant la participation de la communauté. Pour protéger la société et sanctionner les comportements illégaux, l'État favorise la responsabilisation du délinquant tout en s'attaquant à la cause du comportement illégal. 221 DUMONT, Hélène, Pénologie (le droit canadien relatif aux peines et aux sentences), Édition Themis, Montréal, 1993, p. 2 222 DUBOIS et SCHEIDER, Code criminel et lois connexes annotés, 2004, éditeur Publications CCH ltée, Brossard (Québec), Canada, art. 718 108 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Processus d’application de la peine Dans un premier temps, la peine doit refléter la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité du délinquant. Ainsi, comme le soulignait la Cour d'appel du Québec: «On peut dire qu'une sentence ou peine a cette qualité de convenance quand elle est proportionnée à la gravité objective de l'infraction et à sa gravité subjective pour le délinquant, et de plus, elle a les qualités nécessaires d'exemplarité protectrice et de correction curative.»223 Pour qu'une sentence (peine) ait cette qualité, le tribunal doit prendre en compte les situations aggravantes (abus de confiance sur la victime, crime en gang) ainsi que des facteurs objectifs et subjectifs (antécédents familiaux, dangerosité du délinquant, acte prémédité, regret du geste, psychologie du délinquant). Après cette évaluation, il importe que la sentence (peine) à rendre ne soit pas un instrument de vengeance populaire. Comme le souligne la Cour d'appel du Québec: « Il importe de faire en sorte que l'accusé ne devienne pas le «paratonnerre» sur lequel doit s'abattre toute la foudre de l'ensemble de ces autres dossiers entendus sur une base régulière devant nos tribunaux […]. Cependant, il doit servir d'exemple pour dissuader les auteurs de ce genre de crimes […] de les commettre ou de songer à les commettre.»224 Par la suite, vient le processus du choix de la peine la moins contraignante pour atteindre les fins du droit pénal. Comme le principe du droit à la liberté est le fondement d'une société de droit, il faut, avant d'envisager une peine privative de liberté, examiner toutes les possibilités d'imposer une peine ne comportant pas cette contrainte. Le délinquant ne peut être condamné à une peine de privation de liberté sans que le tribunal ait au préalable considéré d'abord toutes les autres peines moins contraignantes. À supposer que la peine privative de liberté est celle qui doit être rendue, il faut aussi examiner s'il y a lieu d'imposer une peine de sursis à l'emprisonnement si les conditions prévues par la loi sont réunies. 5. Situation des mineurs : les acquis Les principes reconnus et le processus suivi pour les adultes reçoivent application dans la situation des mineurs. En plus des droits consentis aux adultes, les mineurs doivent bénéficier de l'application de droits supplémentaires qui leur sont consentis en raison de leur situation particulière, car ils ne peuvent, en raison de leur vulnérabilité et leur degré de maturité, être traités comme des adultes. Voyons maintenant l'évolution et les acquis de la justice pénale pour mineurs dans le cadre des réponses classiques en droit pénal. 223 224 R. c. Lemire et Gosselin, [1948], 92 C.C.C., 201 R. c. Côté, REJB, 2003-38729 (C.S.) 109 Séminaire sur la justice des mineurs 5.1 Lieu de garde Le premier acquis des mineurs remonte au 19e siècle alors qu'il n'y avait aucune distinction entre l'adulte et le mineur quant à son traitement dans le système de la justice pénale. Dans l'application des peines, il fut convenu que les mineurs incarcérés ne seraient plus gardés avec les prisonniers adultes, et ce, afin de les soustraire de l'influence négative des adultes criminalisés, d'une part et de leur offrir l'encadrement qui répond à leurs besoins, d'autre part. 5.2 Evolution des tribunaux pour mineurs À la fin du 19e siècle, les tribunaux pour mineurs ont vu le jour (1899)225. Au début du 20e siècle jusque dans les années 1970, un système de justice pour mineurs prendra forme et jugera des situations de mineurs à la lumière d'un modèle protectionnel226. Les mineurs ne sont pas traités comme des criminels mais plutôt comme des jeunes qui ont besoin d'être guidés et aidés. Il fallait les retirer du milieu dans lequel ils commettaient des délits afin de les soustraire aux influences négatives qui sont considérées comme la cause de leurs comportements déviants. La rétribution, l'exemplarité et la proportionnalité en regard du délit ne font pas le poids en regard d'une approche axée sur le traitement dans le modèle protectionnel. Le type de délit n'était pas déterminant; le besoin de traitement doit être identifié et il constitue la base de la mesure ainsi que de la durée de la décision. Il faut se rappeler que la notion de protection (enfant-victime) et la notion de délinquant (enfant-agresseur) étaient amalgamées à cette époque. L'intervention de l'État dans la famille se justifiait par son pouvoir d'intervention basé sur la doctrine anglaise de la parens patriae. 5.3 Garanties procédurales Avec l'avènement du modèle de justice à compter des années '70, une nouvelle approche verra le jour. Les mineurs se verront reconnaître les mêmes droits que ceux consentis aux adultes. La réponse judiciaire à leurs besoins prend alors un tout autre sens227. Dans l'exercice de sa juridiction, le tribunal doit, d'une part, s'assurer du respect des garanties fondamentales dont bénéficie le mineur; d'autre part, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire, le tribunal décidera de la mesure applicable la moins contraignante et dans le meilleur intérêt du mineur. Les peines devront donc, comme le précise l'article 17.1 a) des Règles de Beijing: «Être proportionnées, non seulement aux circonstances et à la gravité du délit, mais aussi aux circonstances et aux besoins du délinquant ainsi qu'aux besoins de la société.» La peine imposée au mineur doit respecter le principe que la mise sous garde est subordonnée à l'obligation d'imposer la peine la moins contraignante qui offre, par ailleurs, la meilleure chance de réadaptation et de réinsertion sociale. 225 TRÉPANIER, Jean, Le développement historique de la justice des mineurs, 100 ans de justice juvénile: Bilan et perspectives, Institut universitaire Kurt Bösh, Sion, Suisse, avril 2000, pp. 21 et ss. 226 d'AMOURS, Oscar, Les grands systèmes: modèle protectionnel, modèle de justice: Bilan et perspectives, Institut universitaire Kurt Bösh, Sion, Suisse, 2000, pp. 98 à 102 227 Note 6, pp. 27-28 110 Séminaire sur la justice des mineurs Ainsi, dans un premier temps, le tribunal doit vérifier si d'autres mesures sociales appropriées peuvent répondre aux objectifs poursuivis en matière pénale et ce, avant d'examiner ou d'envisager le placement sous garde. 5.4 Règles de subsidiarité Selon les règles et les conventions internationales, une autre balise s'ajoute: la réponse de la justice pénale pour mineurs doit appliquer la double règle de subsidiarité, soit en regard de la communauté et dans le choix de la mesure judiciaire. 5.4.1 En regard de la communauté Les Règles de Beijing préconisent une prise en charge du mineur par la communauté. En autant que faire se peut, cette option est privilégiée à l'intervention judiciaire pour traiter efficacement, équitablement et humainement le mineur en conflit avec la loi. Certains identifieront cette option comme de la "déjudiciarisation" ou encore une façon d'accorder préséance à l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Il faut éviter d'élaborer des ordres de préséance mais privilégier une intervention à partir des besoins du mineur et de la protection de la société. En certaines circonstances, l'antériorité de l'intervention sociale ne pourra être envisagée en raison de circonstances particulières. S'assurer de la prise en charge de l'enfant par une communauté qui le guide, le supporte et le valorise, est un moyen d'assurer sa réhabilitation si cette voie est dans son meilleur intérêt et qu'elle répond aux besoins de la société. 5.4.2 En regard des mesures judiciaires La peine qui doit être imposée au mineur ne doit pas être déterminée dans une perspective stricte de justice pénale. Aussi, celle ne comportant pas de privation de liberté doit être privilégiée comme sanction à un comportement illégal. À l'étape de la procédure judiciaire, le tribunal doit vérifier en premier lieu si la mesure ou la peine qu'il doit imposer permet le maintien du mineur sous la responsabilité de ses parents. Il doit aussi s'assurer que ce faisant, la mesure aura pour effet de responsabiliser le mineur avec le concours de la communauté. Si après un examen exhaustif, le tribunal en arrive à la conclusion qu'il doit soustraire le mineur de son milieu familial et de sa communauté, il doit examiner la possibilité d'orienter le mineur vers une prise en charge hors de sa famille, par une ressource non-institutionnelle du type famille d'accueil ou foyer de groupe. Enfin, après avoir éliminé l'ensemble des possibilités et ressources et que pour poursuivre les objectifs de la justice pour mineurs, le délinquant doit être traité en institution, le privant ainsi de sa liberté, le tribunal doit donc, en pareilles circonstances, ordonner une mesure pour une période déterminée. Selon les principes établis dans les instruments internationaux, cette mesure doit, en tenant compte des besoins de l'enfant, être de courte durée. Le mineur devrait aussi avoir la possibilité de demander la révision de la mesure de garde si la situation change au cours de ce placement en institution. En résumé, soulignons que la réponse classique de la justice pénale pour les mineurs doit être subsidiaire à toute autre mesure communautaire et doit s'inscrire dans le choix d'une mesure la moins privative de liberté. 111 Séminaire sur la justice des mineurs La mesure privative de liberté est la mesure extrême, que seul un tribunal compétent, impartial et indépendant doit être autorisé à rendre dans une société de droit. Enfin, cette décision d'un traitement en institution doit être assortie d'un droit d'appel et aussi de révision devant une autorité compétente. 6. Conclusion Avec le temps, la réponse classique, soutenue par un cadre légal, a pris différentes formes et elle a requis des adaptations avec l'amélioration des connaissances du comportement humain. Aujourd'hui, les solutions se présentent sous la forme d'options qui oscillent entre l'intervention communautaire et judiciaire. Ainsi, si les réponses pénales contemporaines sont diversifiées, le cadre est et doit demeurer classique en maintenant en tout temps la possibilité, pour le mineur, de faire appel au système judiciaire pour la sanction selon la loi de son comportement illégal. 112 Séminaire sur la justice des mineurs LES ALTERNATIVES Michel LACHAT La première mission de la prison est de contribuer au maintien de la sécurité publique. Cette fonction sécuritaire semble aujourd’hui faire consensus aussi bien pour neutraliser les adultes que les mineurs délinquants. D’ailleurs, beaucoup de pays ont des réactions répressives à l’égard des mineurs délinquants et la plupart d’entre eux ont même renforcé leur loi en mettant en vigueur des mesures coercitives plus sévères. Cela vient évidemment de la montée de la violence et de faits divers qui défrayent les médias. Il est toutefois bon de rappeler que vers les années 1970, un mouvement dénonçant la prison pour mineurs a vu le jour. S’appuyant sur plusieurs études criminologiques et statistiques relatant les effets nuisibles que produisait la prison sur les jeunes, il lançait un cri d’alarme qui a été entendu par les géniteurs de la Convention relative aux droits de l’enfant et les concepteurs des grands textes internationaux. En effet, les grands instruments internationaux (les Règles de Beijing, les Principes de Riyad, les Règles de la Havane, la Recommandation du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales de la délinquance juvénile) affirment qu’il faut, chaque fois que cela est possible, rechercher un règlement extra-judiciaire, éviter autant que possible la stigmatisation de l’intervention pénale, conserver pour le droit pénal des mineurs son objectif éducatif et la réinsertion sociale et porter l’accent sur les réponses alternatives. A partir du constat que la prison est l’école du crime pour les jeunes et moins jeunes, constat qui évidemment va à l’encontre du principe « plus de répression » et de l’opinion publique sensibilisée par les incivilités croissantes, il a fallu chercher d’autres formes de réponses sociétales par rapport à cette délinquance juvénile. Ainsi, dans la plupart des pays, on teste de nouvelles alternatives sociales et thérapeutiques pour répondre autrement à la délinquance juvénile. La liste des alternatives traitées ici n’est sans doute pas exhaustive, mais elle démontre l’effort déployé pour amener d’autres solutions à la détention chez les mineurs. Parmi les alternatives très en vue actuellement, il faut en citer trois qui réintroduisent la victime dans le procès et cherchent à faire comprendre à l’auteur l’inanité de son acte en lui faisant réparer le préjudice causé. C’est ce que l’on nomme la justice réparatrice ! 1. La restitution, le dédommagement aux victimes Cette première possibilité s’intègre principalement dans le cadre d’une conciliation. Il s’agit alors de confronter auteur et victime et de trouver un arrangement qui consiste la plupart du temps en un moyen de replacer la victime dans la même situation que celle avant la commission de l’infraction à son encontre. La restitution est particulièrement adaptée en cas de vol ou de dommages à la propriété. 113 Séminaire sur la justice des mineurs Cette approche permet à l’auteur de réparer le préjudice causé à la victime par son comportement et à la victime, ainsi dédommagée, de « passer l’éponge », notamment en retirant sa plainte pénale. Pour les infractions poursuivies sur plainte, cette façon de procéder évite un jugement au mineur, puisque la procédure va être close par un non-lieu. En Suisse, la tentative légale de conciliation est obligatoire dans les affaires poursuivies sur plainte. Cette possibilité de réparation existe également lors d’une infraction poursuivie d’office. Le juge tiendra dès lors compte des démarches entreprises par le mineur pour dédommager la victime et il pourra, selon les circonstances, aller jusqu’à renoncer à punir le mineur. 2. La médiation pénale Il s’agit de la rencontre entre auteur et victime d’infraction devant une personne neutre (le médiateur) qui vise tout à la fois la réparation (partielle ou totale) du dommage subi par la victime et la prise de conscience de l’auteur du tort qu’il a causé en le dissuadant de récidiver. Si cette nouvelle forme de procédure extra-judiciaire est née pratiquement en même temps que la Convention, elle n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. D’ailleurs, son véritable statut, comme celui du TPC (travail au profit de la communauté), reste confus. En effet, s’agitil d’une mesure ou d’une possibilité de règlement extra-judiciaire ? Mais, quelque que soit son statut, on trouve des caractéristiques communes : la prise de conscience par l’auteur de la portée de l’acte posé, la possibilité pour lui de réparer, même symboliquement sa faute, la facilitation de son insertion dans la société et l’évitement de la récidive. Un mot sur la Suisse pour vous dire que la nouvelle Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, dont l’entrée en vigueur aura lieu vraisemblablement en 2006, a introduit la médiation dans ses articles 8 et 21 al. 3. A Fribourg/Suisse, la médiation est pratiquée officiellement depuis le 1er novembre 2004, date à laquelle un bureau de médiateur a été mis sur pied, suite à l’introduction de ce moyen dans le code de procédure en juillet 2002 et à l’ordonnance du 16 décembre 2003 sur la médiation dans la juridiction pénale des mineurs. 3. Le travail au profit de la communauté Il s’agit d’« une mesure engageant la participation active du jeune condamné à une œuvre de solidarité sociale et donnant l’occasion à la communauté de participer également aux traitements des jeunes en facilitant l’organisation de cette activité » (rapport final Conseil de l’Europe R 87, p. 15). Il s’agit pour lui de payer en quelque sorte sa dette envers la société, du fait d’avoir transgressé des règles imposées par elle. Cette sanction ou mesure, selon les pays, est avant tout éducative - le fait d’être occupé et actif, mais également de se sentir utile, ne peut être que bénéfique -, est effectuée durant les loisirs, n’est pas rémunérée et peut appeler de nouvelles sanctions si le travail n’est pas fait ou mal exécuté. 114 Séminaire sur la justice des mineurs Plusieurs alternatives à la détention qui ne font pas intervenir directement les victimes existent depuis longtemps. D’autres tentent de se développer. Enfin, d’autres encore ont vu le jour récemment. 4. Les prestations personnelles ou programmes de réinsertion sociale Les prestations personnelles peuvent prendre la forme de cours où la participation active du mineur est requise. Ces cours ont un lien avec la nature de l’infraction commise : cours d’éducation routière, cours d’éducation à la santé, cours d’éducation sexuelle, etc. Ces cours sont exécutés de telle manière que les mineurs ne soient pas entravés dans leur scolarité ou leur formation. 5. Le traitement intermédiaire Il s’agit d’une mesure développée aux Pays-Bas et qui n’a, semble-t-il été exportée qu’en Angleterre. Le traitement intermédiaire consiste à ouvrir des « centres de jour » où le mineur, sans emploi ou sans formation, vient après l’école ou même pendant la journée recevoir une aide sous différentes formes. Il s’agit en fait d’une mesure qui se situe entre la liberté surveillée et la prison. Le but de cette mesure est d’améliorer les aptitudes sociales d’un jeune récidiviste du comportement délinquant. L’idée est ici d’aider le jeune au moyen d’une action éducative intensive. Ainsi, on l’informe sur les questions sociales brûlantes, telles que l’alcoolisme, les drogues interdites, la prostitution etc., on le sensibilise aux règles de la vie en société, on l’aide à trouver un emploi, à gérer un budget, on lui offre des activités de loisirs, voire des thérapies centrées sur le délit commis. Ce traitement est donc une véritable alternative à la privation de liberté ou au placement institutionnel. Il est regrettable que ces « centres de jour », qui pourraient devenir des « centres du soir » ou encore des « centres du week-end » n’ont pas pour l’instant trouvé l’écho mérité. Ces centres pourraient en effet constituer des réponses simples et bon marché à toute la douloureuse problématique des banlieues, par exemple. 6. L’amende L’amende est une véritable sanction. Elle est intéressante du point de vue de l’impact sur le jeune. En effet, un mineur a souvent un faible salaire d’apprenti ou ne gagne pas en tant qu’étudiant. L’argent est synonyme de liberté et d’indépendance chez les jeunes. Les priver d’une partie de leur salaire ou de leur argent de poche les oblige à restreindre leurs sorties ou dépenses. L’avantage de cette sanction est son côté ponctuel. Le mineur, une fois sa facture payée, peut passer à autre chose. 115 Séminaire sur la justice des mineurs Toutefois, cette sanction ne peut être utilisée que dans les pays économiquement riches. Là où il y a la pauvreté, une telle sanction est illusoire, voire ridicule. En outre, le montant de l’amende doit rester modeste afin de ne pas mettre en péril la situation de l’individu. 7. Le sursis Il s’agit d’octroyer au mineur délinquant condamné à une peine de détention un sursis, un délai d’épreuve, pendant lequel il doit bien se comporter et surtout ne pas commettre de nouvelles infractions. Si, durant ce délai, tout se passe bien, le jeune n’aura pas alors à purger sa peine de détention. Le sursis a comme but principal de prévenir la récidive et de responsabiliser le délinquant du point de vue de la commission de nouvelles infractions. Il a comme une épée de Damoclès audessus de la tête, c’est en fait la possibilité de révoquer ce sursis en cas de récidive. L’avantage est d’éviter au mineur de subir sa détention, pour autant que son comportement pendant le délai d’épreuve soit positif. Et c’est uniquement de lui et de son comportement que dépend son séjour ou non en prison. C’est alors un excellent moyen de lui faire prendre conscience des conséquences de son comportement, envers les autres, mais également envers lui-même. De plus, il est possible d’assortir le sursis de règles de conduites, qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent également amener le juge à se poser la question de la révocation du sursis. 8. La semi-liberté Ce système connaît un succès dans plusieurs pays : Allemagne, Suisse, Italie, Pays-Bas, France, Etats-Unis, Angleterre et Canada. Il s’agit en fait d’agir sur la personnalité du mineur, ainsi que son environnement familial et son intégration sociale La semi-liberté est, comme son nom l’indique, une possibilité pour le détenu d’être à moitié libre. Ceci signifie qu’il pourra sortir de prison la journée, mais devra passer la nuit derrière les barreaux. Ainsi, il pourra exercer une activité lucrative et séjourner régulièrement dans son propre environnement. Pour un mineur, l’avantage de ce système est de pouvoir laisser la possibilité de suivre une formation, un apprentissage ou des études de manière normale, avec d’autres jeunes. Ainsi, son avenir professionnel et social ne sera pas trop entravé du fait d’une longue détention. De plus, le fait de retourner en prison chaque soir, et de devoir ainsi respecter des horaires, peut être une manière d’inculquer au jeune une règle essentielle de socialisation. 116 Séminaire sur la justice des mineurs 9. Le placement extérieur Le placement extérieur franchit une étape de plus que la semi-liberté. En France, c’est une mesure d’aménagement de la peine qui s’applique aux détenus en fin de peine ou à des condamnés à une peine n’excédant pas une année et qui permet au condamné d’être employé au dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration. Le détenu reste sous ce régime de détention et est contrôlé par l’établissement pénitentiaire. Contrairement au semi-libre, le détenu placé à l’extérieur peut être hébergé en dehors du milieu carcéral. Mais il peut être décidé à tout moment de la réintégration du détenu dans l’établissement pénitentiaire dont il dépend. Ces placements à l’extérieur peuvent s’exercer sous surveillance pénitentiaire continue ou non. S’il n’y a pas de surveillance pénitentiaire, les détenus sont en général confiés à une structure d’accueil n’ayant aucune responsabilité sur le plan de la surveillance pénitentiaire, mais a néanmoins un devoir d’information sur le déroulement de ce placement. Autant pour le placement extérieur que pour la semi-liberté, le but est de permettre une ouverture du monde carcéral vers l’extérieur, de faciliter une réinsertion professionnelle notamment. Certes, dans ce cas, la structure est plus souple et demande plus de responsabilités de la part du jeune. Cette possibilité s’apparente un peu au sursis, dans le sens où si le détenu n’observe pas les règles, il peut être réintégré dans l’établissement pénitentiaire. Néanmoins, la surveillance est plus accrue que pour le sursis, car c’est l’établissement pénitentiaire qui en est directement responsable. 10. La libération conditionnelle En Suisse, la libération conditionnelle peut être accordée à un condamné à la détention qui a déjà subi deux tiers de sa peine, mais au moins un mois. L’autorité d’exécution pourra le libérer, d’office ou sur requête, après avoir entendu le directeur de l’établissement. Elle fixera un délai d’épreuve de six mois au moins et de trois ans au plus, avec astriction à un patronage, et pourra imposer des règles de conduite. Ainsi, le délai d’épreuve, le patronage obligatoire et les règles de conduites permettent de suivre l’évolution ultérieure du mineur, de voir si les améliorations se confirment, de l’encadrer, mais aussi de pouvoir prendre immédiatement de nouvelles mesures si la situation venait à se dégrader. L’objectif de cette possibilité est de permettre un avenir équilibré et harmonieux pour le jeune dans un esprit éducatif, là aussi. 117 Séminaire sur la justice des mineurs 11. La surveillance électronique Il existe diverses techniques de surveillance électronique : - - les contacts téléphoniques ou aléatoires de l’agent de surveillance au détenu (avec vérification de la voix par empreinte vocale) le déplacement à l’intérieur d’un périmètre défini (avec vérification par un ordinateur situé au domicile et connecté à un ordinateur central). Il faut relever que les pays d’Europe sont encore aujourd’hui assez réticents à utiliser ces deux techniques pour les mineurs. Toutefois, l’Angleterre et le pays de Galles l’emploient pour des adolescents âgés de plus de 16 ans le port d’un bracelet qui émet un signal en réponse à un appel téléphonique. Dans le mode passif, la personne ou l’ordinateur à l’origine de l’appel sait alors que le porteur du bracelet a répondu. Le bracelet ne peut être enlevé ni faussé par son détenteur. Dans le mode actif, le bracelet émet un signal continu vers un terminal téléphonique situé au domicile du porteur du bracelet ; ce terminal peut être connecté à un ordinateur. Le signal s’arrête si le porteur du bracelet s’éloigne du téléphone au-delà d’un rayon déterminé. Si ce système de surveillance est vivement souhaité comme une mesure de substitution à l’emprisonnement, notamment en Angleterre et Outre-Atlantique, il pose toutefois des problèmes sérieux, en particulier en cas de pannes ou de défaillances du matériel. De même, il est considéré comme inacceptable moralement et socialement par des citoyens qui le considèrent comme une ingérence dans la vie privée des individus. 12. L’assignation à domicile Cette mesure emboîte le pas de la précédente. En effet, afin d’éviter l’enfermement d’un délinquant, il est possible de l’assigner à domicile et d’exercer une surveillance soit par un agent, soit au moyen du bracelet électronique. Ce moyen permet à l’individu de maintenir des relations sociales et familiales meilleures et parfois de conserver un emploi. Elle paraît avoir un effet dissuasif, selon le faible taux de délinquance au cours du programme de surveillance. 13. Les mesures de diversion Il existe des formules permettant aux tribunaux de montrer de l’indulgence face à certains délinquants et de soutenir la motivation à la réhabilitation. Ainsi, dans les mesures de diversion sont compris : - le classement pur et simple d’une affaire, quand les faits sont de peu d’importance - le classement sous condition de réparation - la déjudiciarisation qui a pour objectif « d’éviter la prise en charge par le système de justice pénale et les conséquences qui en découlent ». Le principe fondamental est que toute infraction commise par un mineur doit conduire à une réponse ferme de la justice. La déjudiciarisation simple repose sur le principe de l’opportunité de suspendre les poursuites (par pouvoir discrétionnaire de la police ou du parquet, en Suisse des juges eux-mêmes). Elle est mise en œuvre pour éviter la procédure pénale classique et conclure l’affaire sans que le tribunal ne rende une décision de culpabilité. 118 Séminaire sur la justice des mineurs Ces quelques pistes devraient sans doute alimenter les ateliers et pourquoi pas fournir des éléments qui permettront de respecter le principe de l’emprisonnement comme solution ultime. 119 Séminaire sur la justice des mineurs 120 Séminaire sur la justice des mineurs SYSTEMES DE JUSTICE DANS LES PAYS DES CONFERENCIERS LA BELGIQUE : MODELE DE PROTECTION DE LA JEUNESSE Christian MAES « Le mot est modifié, mais la chose subsiste » Débuté Royer à la Chambre belge, le 2 avril 1912 1. La Belgique décida en 1912 de placer l’enfant hors du droit pénal, réservé aux adultes, par la loi sur la protection de l’enfance. En 1965, la loi relative à la protection de la jeunesse ne fera dépendre l’intervention judiciaire, non plus uniquement de la perpétration d’une infraction commise par le mineur, mais élargira le champ d’intervention des autorités au domaine de la situation de danger social dans lequel le mineur se trouve avec pour but : sa protection et son traitement. La même approche et les mêmes mesures, dites « de protection » seront dès lors appliquées à l’enfant délinquant comme à l’enfant en situation dite « de danger ». Ce système unique de protection perdurera au niveau fédéral jusqu’aux années ’80, lorsque la Belgique devint un Etat régionalisé, ce qui eut pour conséquence, la fin de l’unité d’approche. Les Communautés (linguistiques) devinrent exclusivement compétentes pour l’aide aux personnes et dès lors à la jeunesse, tandis que l’Etat fédéral resta compétent pour la détermination des mesures applicables aux jeunes délinquants et entre autres pour l’organisation de la juridiction juvénile spécialisée et la procédure y étant d’application. Il s’en est suivi que le juge fédéral, selon une procédure fédérale, applique, soit le décret de sa Communauté linguistique envers l’enfant en situation de danger ou d’éducation problématique, soit la loi fédérale envers l’enfant ayant commis un fait qualifié infraction, tandis que dans les deux cas, l’exécution des mesures ainsi prononcées se fera dans les structures d’accueil des Communautés. 2. La Belgique connaît, à tous niveaux, le juge unique de la jeunesse. Puisqu’il est supposé juger dans l’unique intérêt supérieur de l’enfant et être la personne de référence et de confiance de celui-ci, la logique a conduit vers ce personnage central dans le parcours protectionnel du jeune. C’est le même juge qui décide des mesures au provisoire, qui juge sur le fond et qui soigne le suivi de ce qu’il prononce. Son appréciation est si souple et si large qu’il peut à tout moment, d’office modifier, proroger ou mettre fin à toute mesure (sauf bien sûr en cas d’appel, auquel cas ce sera le juge unique de la chambre de jeunesse de la Cour d’appel qui aura cette faculté). 3. Ce juge unique, par contre, ne peut jamais se saisir lui-même de l’affaire d’un jeune. La partie lésée, partie civile, n’en a pas le pouvoir, le monopole est réservé au ministère public, spécialement désigné pour traiter des affaires de mineurs d’âge. Exceptionnellement le juge d’instruction peut prendre des mesures envers un mineur délinquant, mais il doit en aviser simultanément le juge de la jeunesse, qui exerce dès ce moment ses attributions et statue dans les deux jours ouvrables. 121 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Le juge territorialement compétent est celui de la résidence des parents, tuteurs ou personnes qui ont la garde de la personne de moins de 18 ans. Lorsque cette résidence est située à l’étranger, est inconnue ou incertaine, ou quand la saisine intervient quand le mineur a atteint l’âge de 18 ans, le juge de la jeunesse du lieu du délit sera compétent. 5. Les âges qui déterminent l’intervention du juge de la jeunesse: De 0 à 18 ans Au provisoire tout jeune comparaîtra Sur le fond seul le mineur à partir de 12 ans sera cité à comparaître Les institutions d’observation et d’éducation fermées ne sont réservées qu’aux mineurs à partir de 12 ans, le centre fédéral fermé, crée en 2002, à partir de 14 ans Le juge peut se déclarer compétent pour prolonger des mesures jusqu’à l’âge de 20 ans, lorsque des faits ont été commis après l’âge de 17 ans Pour des faits commis entre 16 et 18 ans, le tribunal de la jeunesse peut renvoyer au droit pénal commun (dessaisissement) après examen psycho-médico-social du jeune et lorsqu’il appert qu’aucune mesure du vaste arsenal protectionnel lui est encore applicable; pour les infractions aux lois sur la police du roulage commis dans la même tranche d’âges, le tribunal de police du droit commun est d’office compétent. 6. Les mesures qui peuvent être prises au provisoire sont des mesures de garde, de préservation et d’observation, tant ambulatoires que résidentielles. Depuis la loi de 1994 celles-ci sont limitées à 6 mois au maximum à partir de la réquisition de saisine du ministère public jusqu’à la communication du dossier à celui-ci. Il lui reste alors 2 mois pour citer sur le fond. Les mesures qui peuvent être prises sur le fond sont des mesures de garde, de préservation et, cette fois-ci, d’éducation, tant ambulatoires que résidentielles. De toutes ces mesures sont exclues: la prison et l’amende Des mesures quasi-identiques, prévues dans les décrets des Communautés, elles, sont applicables aux jeunes en situation d’éducation problématique, n’ayant commis aucun délit. Elles s’exécutent d’ailleurs dans les mêmes structures d’accueil des Communautés, seules compétentes pour leur organisation et leur gestion. La médiation et autres alternatives se sont, et ont pu se développer à stade expérimental grâce à l’article fourre-tout 37.2 de loi relative à la protection de la jeunesse de 1965. 7. Pour ce qui concerne les mineurs en situation d’éducation problématique, il existe une compétence subsidiaire pour le juge de la jeunesse. Le ministère public n’est en mesure de le saisir que si le parcours à travers les structures administratives communautaires, tendant à obtenir l’aide acceptée et volontaire, ne mènent à rien et si celles-ci décident d’en aviser le parquet ou exceptionnellement lorsque le danger physique ou moral de l’enfant exige une intervention urgente et immédiate. 8. La procédure devant la juridiction de la jeunesse est un mélange de règles spécifiques tendant à la célérité des mesures, au respect des droits de l’enfant et de sa défense et, en l’absence de telles règles spécifiques, de règles de procédure de droit commun. Les parents doivent, sous peine de nullité, être cités à l’audience sur le fond. Dès la première mesure, le jeune a droit à un avocat, payé par l’Etat. 122 Séminaire sur la justice des mineurs En cas de connexité d’infractions commises avec des adultes, les poursuites sont disjointes et peuvent être (re-)jointes après dessaisissement vers le tribunal de droit commun. Les délais sont courts, encore davantage lorsque le mineur interjette appel d’une décision de placement en milieu fermé. 9. Par principe, par souci de transparence et de respect des garanties judiciaires, la procédure (débats et prononcé) est publique, toutefois avec les accents suivants : • Les mesures au provisoire se prennent en cabinet du juge, donc pas en audience publique • Lors de l’audience du tribunal siégeant sur le fond, le tribunal peut se retirer en chambre du conseil en l’absence du mineur mais en présence de son conseil • Les pièces du dossier concernant la personnalité ou le milieu social du mineur ne sont accessibles, ni au mineur, ni à la partie civile ; l’avocat du mineur y a, bien sûr, accès • La publication et la diffusion du compte rendu des débats devant les juridictions de la jeunesse ou d’images de nature à relever l’identité du mineur poursuivi ou qui a fait l’objet d’une mesure sont interdites. Selon l’article 80 de la loi relative à la protection de la jeunesse de 1965 les infractions à cet interdit sont punies de 2 mois à 2 ans de prison et / ou d’une amende de 300 à 3.000 Euros. 10. Ce qui a précédé n’est qu’un bref, rapide et partiel survol de la loi belge et de ses conséquences. Pour être exhaustif il faudrait des pages et, bien mieux encore, vivre la pratique du quotidien. 123 Séminaire sur la justice des mineurs SYSTÈME DE JUSTICE JUVÉNILE CANADIENNE Oscar D’AMOUR 1. Cadre juridique Le Canada est régi par une constitution qui établit un partage des compétences entre les provinces et territoires (art. 92) et le Parlement canadien (art. 91). Le Parlement canadien a compétence en matière de droit criminel incluant la justice pénale pour les mineurs (art. 91.27). Pour leur part, les législatures et territoires ont entre autres, compétence en matière de protection de la jeunesse (art. 92.7), de l'administration de la justice (art. 92.14) et sur le droit pénal ayant trait à des infractions commises à une loi provinciale. Ces infractions à l'encontre d'une loi provinciale ne constituent pas une infraction pénale. 2. Evolution de la justice pour mineurs De 1857 à 1908, des écoles industrielles et des écoles de réforme vont voir le jour pour permettre à des mineurs d'être gardés dans des endroits distincts des adultes afin de les soustraire de l'influence négative des adultes criminalisés et aussi, pour qu'ils aient des soins qui correspondent à leurs besoins et à leur âge. L'existence d'un système de justice distinct de celui des adultes au bénéfice des mineurs verra le jour en 1908228 et ce système basé sur le modèle protectionnel aura cours jusqu'en 1985229. Soulignons que les provinces et territoires élaboreront au fil des années, des lois ayant trait à la protection de l'enfant-victime qui sont distinctes de la Loi pour les mineurs délinquants. Avec l'incorporation en 1982 d'une charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution de 1867, la loi des jeunes délinquants de 1908 a été modifiée. Le Parlement canadien opte pour une modification majeure de la justice juvénile en optant pour un système inspiré du «modèle de justice». Ainsi, la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants sera porteuse des principes suivants: 1) Le mineur sera désormais désigné comme un adolescent qui sera assujetti aux mêmes règles que celles applicables aux adultes en termes de garantie de droits; 2) La notion de délit disparaîtra et le tribunal n'a désormais compétence que sur les infractions créées par le législateur fédéral (acte ou infraction criminels); 3) Tous les droits dont bénéficient les adultes sont aussi accordés aux mineurs en plus de d'autres qui leur seront propres; 4) L'âge de la responsabilité pénale passe de 7 ans à 12 ans; 5) Un régime particulier est prévu avant qu'un adolescent soit transféré du système de justice juvénile au système de justice pour adultes; 6) Le maintien d'un système de justice pour mineurs distinct du système de justice pour adultes. En 2002, le Parlement canadien sanctionne une nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA)230 qui entre en vigueur le 1er avril 2003. 228 229 Loi sur les jeunes délinquants, S.R.C., (1952), ch. 160 Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C., (1985), ch. Y-1 124 Séminaire sur la justice des mineurs 3. Description de la loi sur le système de la justice pénale pour adolescents 3.1 Les principes Le système de justice pénale pour adolescents vise à: supprimer les causes de criminalité chez l'adolescent; réadapter et réinsérer l'adolescent dans la société; assurer la prise de mesures en vue de favoriser la protection durable du public. Le système de justice pénale pour adolescents, distinct de celui pour les adultes, privilégie l'approche suivante: réadaptation et réinsertion sociale; responsabilité juste et proportionnelle, compatible avec l'état de dépendance et le degré de maturité de l'adolescent; prise de mesures procédurales supplémentaires pour assurer un traitement équitable et la protection des droits du mineur; application de mesures opportunes qui établissent clairement le lien entre le comportement délictueux et ses conséquences; célérité de l'intervention auprès du mineur. On retrouve à l'article 3, la déclaration des principes qui s'appliquent à la loi. Les objectifs et principes applicables à la détermination de la peine se retrouvent aux articles 38 et 39 de la loi. Mentionnons que l'assujettissement de l'adolescent aux peines a pour objectif de le faire répondre de l'infraction qu'il a commise par l'imposition de sanctions justes, assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale dans le but d'assurer la protection durable de la société. Soulignons que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'adolescent à l'égard de l'infraction. 3.2 Droits protégés La loi prévoit au bénéfice de l'adolescent ce qui suit: droit à la présomption d'innocence; droit d'être avisé de l'infraction qui lui est reprochée; droit d'être informé de son droit de consulter un avocat; droit de garder silence; droit à un procès dans les plus brefs délais; droit de contre-interroger les témoins et de produire une défense; droit, s'il est détenu, de comparaître devant un juge dans un délai de 24 heures; droit d'obtenir une enquête de remise en liberté dans les 3 jours; droit que ses parents soient avisés des procédures le concernant; droit de ses parents d'assister aux audiences de la cour et d'être entendus avant le prononcé de la peine; droit que sa situation fasse l'objet d'une étude psychosociale avant un placement sous garde. 230 Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, L.C. (2002), ch. 1; modifiée par (2002), ch. 7; (2004), ch. 22. 125 Séminaire sur la justice des mineurs 3.3 Mesures extrajudiciaires La loi favorise l'application de mesures extrajudiciaires et précise les principes (art. 4) et les objectifs (art. 5) qui sont visés par l'application de ces mesures, tant au niveau de l'intervention policière (art. 6) qu'au niveau du procureur général (art. 7 et ss.) La discrétion est accordée à l'agent de la paix de recourir à des mesures extrajudiciaires dans le but d'éviter une intervention judiciaire si elle n'est pas nécessaire. 3.4 L’âge de la responsabilité pénale L'enfant de 12 à 18 ans est soumis au régime de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Un adolescent de 14 à 18 ans qui commet une infraction désignée (meurtre au 1er degré ou au 2e degré, tentative de meurtre, homicide involontaire coupable, agression sexuelle grave) peut être assujetti à une peine applicable aux adultes. 3.5 Les peines et règles pour assujettissement de l’adolescent à une peine applicable aux adultes La loi prévoit que les adolescents peuvent se voir imposer des peines spécifiques (arts 41 et 42) qui vont de la réprimande en passant par l'absolution inconditionnelle, l'imposition d'amendes, la restitution, l'exécution de travaux bénévoles, la probation, le placement sous garde et surveillance d'une durée maximale de 2 ans. Lorsque l'adolescent, âgé de plus de 14 ans, a commis des infractions graves pour lesquelles un adulte serait passible d'une peine d'emprisonnement de plus de 2 ans et qu'à au moins à 2 reprises, lors de poursuites distinctes, l'adolescent aurait commis une infraction grave avec violence, il pourra se voir imposer une peine applicable aux adultes. De plus, lorsque la durée d'une peine pour adulte est l'emprisonnement à vie et que le tribunal considère que cette peine applicable aux adultes n'est pas appropriée pour le mineur, il peut imposer une peine spécifique de 3 ans incluant une mise sous garde continue de 2 ans suivie d'une période de liberté sous surveillance au sein de la collectivité. Dans le cas des peines pour infractions désignées, sauf dans le cas de meurtre, si le tribunal considère que la peine applicable n'est pas appropriée dans les circonstances, il peut imposer au mineur une mise sous garde de façon continue de 2 ans, incluant une partie en liberté sous conditions au sein de la collectivité, le tout pour une durée totale de 3 ans. Pour les infractions désignées, dans le cas de meurtre au 1er degré, si le tribunal considère que la peine applicable aux adultes n'est pas appropriée dans les circonstances, il pourrait imposer une peine spécifique maximale de 10 ans comprenant une période de garde d'une durée maximale de 6 ans et une période de liberté sous conditions au sein de la collectivité (art. 42(2)q)i). Pour le meurtre au 2e degré, si le tribunal considère que la peine applicable aux adultes n'est pas appropriée dans les circonstances, il peut imposer une peine spécifique maximale de 7 ans qui consiste en une période de garde d'une durée maximale de 4 ans et une période de liberté sous conditions au sein de la collectivité (art. 42(2)q)ii). 126 Séminaire sur la justice des mineurs 3.6 Appel et examen de la peine Sauf exceptions, toutes les décisions du tribunal pour adolescents sont susceptibles d'appel (art. 37). La LSJPA prévoit une procédure d'examen concernant, tant les peines incluant un placement que celles non-privatives de liberté. Dans certaines circonstances prévues par la loi, la procédure d'examen est obligatoire alors qu'elle peut aussi avoir lieu sur demande (arts 42, 59 et 94). 3.7 Avis aux parents Comme l'enfant est sous la responsabilité de ses parents pendant sa minorité, ceux-ci doivent être avisés de ce qui lui arrive. La loi prévoit que des avis sont transmis aux parents lorsque le mineur est appelé à comparaître devant le tribunal, soit après une arrestation ou suite à la signification d'une sommation ou encore, après la remise d'une promesse de comparaître devant le tribunal (art. 26). Cet avis aux parents n'est pas requis par la loi dans l'application d'une mesure extrajudiciaire par la police. Toutefois, des mesures administratives peuvent suppléer à cette absence d'obligation légale. 3.8 Protection de la vie privée des adolescents et enfants La loi assure la protection de la vie privée de l'adolescent visé par le système de justice pénale (art. 110). Elle garantit aussi cette même protection aux enfants victimes ou témoins d'infraction commise par un adolescent (art. 111) en interdisant la publication de leur identité ou de renseignements permettant de les identifier. Toutefois, ce principe comporte de nombreuses exceptions qui mettent en échec le principe général, notamment par la publication de renseignements ou la possibilité de consulter le dossier de l'adolescent. Ainsi, la publication de l'identité de l'adolescent est possible si ce dernier s'est vu imposer une peine applicable aux adultes ou une peine spécifique pour une infraction désignée (art. 110(2). Le tribunal peut également, dans certaines circonstances, autoriser la publication d'informations concernant l'adolescent. Enfin, certaines personnes telles que mentionnées à la loi (art. 119) sont autorisées à consulter le dossier concernant le mineur. Soulignons que des règles particulières s'appliquent, selon qu'il s'agisse des dossiers judiciaires, des dossiers de police, des dossiers gouvernementaux, du répertoire de la Gendarmerie royale du Canada ou de la banque d'analyses génétiques. Les modalités d'accès aux dossiers, leur conservation et leur destruction sont prévues dans la loi (arts 114, 116, 119 et 128) ainsi que la sanction en cas de non-respect des règles concernant le respect de la vie privée de l'adolescent (art. 138). 4. Structure organisationnelle L'organisation du système de justice pénale comprend: un tribunal pour adolescent, un comité de justice pour la jeunesse, des groupes consultatifs ainsi que des directeurs provinciaux. Les procédures judiciaires en matière pénale ne peuvent être entreprises sans le consentement préalable du procureur général. Les adolescents ont droit de recourir sans délai et ce, 127 Séminaire sur la justice des mineurs personnellement, à l'assistance d'un avocat à toute étape de la procédure (art. 25) ainsi que lors de l'examen de l'opportunité de l'application d'une sanction extrajudiciaire. La responsabilité de la mise en œuvre des mesures extrajudiciaires, de la préparation des rapports psychosociaux et de la prise en charge du mineur pour l'application des peines, incombe à un directeur provincial qui assume la dimension psychosociale de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. 128 Séminaire sur la justice des mineurs LA JUSTICE PENALE DES MINEURS EN FRANCE : PRESENTATION SYNTHETIQUE Laure DESFORGES 1. La minorité pénale La loi du 9 septembre 2002 dite d’orientation et de programmation pour la justice, qui fait suite à un rapport du sénat sur la délinquance des mineurs, procède du constat selon lequel depuis une dizaine d’années la délinquance des mineurs s’est massifiée, est devenue plus violente et concerne des mineurs plus jeunes. Ainsi le nouvel article 122-3 du Code Pénal dispose désormais dans son 1er alinéa que : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnus coupables dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet. Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de 13 à 18 ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». Est ainsi supprimée une ambiguïté résultant des textes précédents selon laquelle les mineurs de 13 ans parce qu’ils ne pouvaient pas être condamnés à une peine, étaient parfois considérés comme pénalement irresponsables. Le nouvel article 122-8 du Code Pénal fait enfin référence à l’institution des sanctions éducatives qui constituent l’une des innovations les plus importantes de la loi. Désormais, il y a des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés d’au moins 10 ans. L’ordonnance du 2 février 1945 a consacré le principe de la spécialisation des institutions judiciaires qui prennent en charge les mineurs. 2. La justice pénale des mineurs 2.1 Le Juge des Enfants : La spécialisation du juge des enfants s’explique par le fait que davantage que pour les majeurs, la connaissance de la personnalité est un élément déterminant de toute décision judiciaire concernant un mineur. Le juge des enfants cumule les fonctions d’instruction et de jugement. En tant que juridiction d’instruction, le juge des enfants est saisi des délits et contraventions de 5ème classe. 129 Séminaire sur la justice des mineurs Il effectue toutes les investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur. Néanmoins, il n’a pas le monopole de cette fonction puisqu’il n’est pas compétent en matière de crime où seul le juge d’instruction chargé des affaires de mineurs peut intervenir. En tant que juridiction de jugement, le juge des enfants est compétent pour juger les délits, les contraventions de 5ème classe et les contraventions connexes des 4 premières classes. Il a la possibilité, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les faits et la personnalité du mineur, de juger l’affaire en audience de cabinet ou de la renvoyer devant une juridiction collégiale : le Tribunal pour Enfants. Enfin, le juge des enfants est compétent pour tout ce qui concerne l’assistance éducative en vertu des articles 375 et suivants du Code Civil. 2.2 Le Tribunal pour Enfants : L’ordonnance du 2 février 1945 a créé à coté du juge des enfants, juridiction à juge unique, une juridiction collégiale : le Tribunal pour Enfants. 2.3 La procédure : Le particularisme de la procédure applicable aux mineurs n’a cessé d’être affirmé et renforcé depuis sa consécration par les rédacteurs de l’ordonnance du 2 février 1945. Néanmoins, ce particularisme s’exprime davantage durant la phase judiciaire que dans la phase policière. - la garde à vue : Informée dans les plus brefs délais à la généralisation du traitement en temps réel, l’autorité judiciaire en la personne du substitut chargé des mineurs est en mesure d’exercer son contrôle et de veiller à ce que les parents soient étroitement associés à la procédure et à ce que la garde à vue soit limitée aux seuls cas où les nécessités de l’enquête l’exigent. Si les possibilités de placement d’un mineur en garde à vue on été étendues (loi du 24/08/93 et loi du 1/02/94), il convient de souligner que cette évolution s’est accompagnée d’une volonté de restaurer les parents dans leur statut d’adultes responsables de leur enfant mineur. Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945, le mineur de 13 ans ne peut être placé en garde à vue, même en matière criminelle. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de 10 à 13 ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins 7 ans d’emprisonnement, peut pour les nécessités de l’enquête être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire avec l’accord préalable et sous le contrôle d’un magistrat pour une durée qui ne saurait excéder 10 heures. Le mineur de plus de 13 ans peut être placé en garde à vue pour une durée qui ne saurait excéder 24 heures. 130 Séminaire sur la justice des mineurs La prolongation de garde à vue pour une durée maximale de 24 heures est strictement encadrée. Les mineurs de plus de 16 ans sont soumis au même régime que les majeurs : la garde à vue est de 24 heures renouvelable une fois sans condition particulière de gravité de l’infraction. L’entretien avec un avocat n’est possible qu’à compter de la 20ème heure de garde à vue. - la poursuite : Si les actes de délinquance commis par les mineurs doivent recevoir une réponse, tous ne nécessitent pas la saisine du juge des enfants. En effet, entre classement sans suite par courrier et la saisine du juge des enfants, le parquet dispose aujourd’hui d’une palette de mesures alternatives aux poursuites qui permet d’apporter une réponse effective et systématique aux infractions commises par les mineurs. C’est ce qui est désigné aujourd’hui par le terme de « 3ème voie ». Le parquet ne peut ni procéder par voie de citation directe sauf devant le Tribunal de Police, ni ordonner la comparution immédiate du mineur. Enfin, avant toute décision, le substitut chargé des mineurs peut ou doit suivant les cas demander au service éducatif auprès du tribunal (SEAT) un rapport contenant tout renseignement utile sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative. 2.3 Les mesures alternatives aux poursuites : Lorsqu’un mineur commet une infraction pour la 1ère fois, qu’il ne conteste pas sa participation à l’infraction, qu’il ne présente pas de difficultés personnelles justifiant l’intervention d’un service éducatif et que les faits qui lui sont reprochés sont qualifiables pénalement mais d’une gravité relative, le parquet peut ordonner : - un simple avertissement délivré par un service de police ou de gendarmerie notifié au mineur, un classement sans suite assorti d’un rappel à la loi et de la condition de ne pas commettre de nouvelles infractions dans un certain délai, effectué par le substitut du procureur de la République ou par le délégué du procureur de la République, un classement sous condition subordonné au respect de certaines obligations (d’indemniser la victime, de lui présenter des excuses, de fournir un certificat de scolarité…) en lien avec l’infraction commise, une mesure ou une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité ou à une association habilitée, suppose l’accord préalable du mineur et des titulaires de l’autorité parentale et éventuellement celui de la victime. Le non respect des conditions fixées est susceptible d’entraîner des poursuites. Des poursuites pénales peuvent s’avérer nécessaires au regard de la gravité des faits commis, de la personnalité du mineur et/ou de la réitération des faits de délinquance, même peu graves. 131 Séminaire sur la justice des mineurs Dans le cas où il envisage de poursuivre, le parquet distingue en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction. En cas de crime, une information préalable est obligatoire : un juge d’instruction spécialisé dans les affaires de mineurs sera donc saisi par un réquisitoire introductif. En cas de délit ou de contravention de 5ème classe, le procureur saisit soit le juge des enfants par voie de requête pénale soit le juge d’instruction par voie de réquisitoire introductif. La saisine du juge d’instruction est réservée aux affaires les plus graves ou nécessitant des investigations complexes sur les faits, notamment lorsque l’enquête initiale fait apparaître l’existence d’infractions complexes impliquant des mineurs et des majeurs, telles que les trafics de stupéfiants. Si le procureur décide de faire déférer le mineur dès la fin de sa garde à vue, il peut : - s’il est en possession d’investigations suffisantes sur la personnalité du mineur (déjà connu) et si les faits sont établis, requérir du juge des enfants qu’il ordonne la convocation du mineur pour jugement dans un délai de 1 à 3 mois devant la chambre du conseil ou le Tribunal pour enfants : c’est la comparution à délai rapproché (art 8-2 de l’ord du 2/02/45). Le mineur est alors immédiatement présenté au juge des enfants. 2.4 Le déroulement de l’enquête : Il peut s’agir : - d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative. Cette mesure vise à évaluer les difficultés du jeune et de sa famille ainsi que leurs potentialités d’évolution. d’une enquête sociale visant à recueillir des informations sur l’histoire familiale, l’insertion de la famille, sa capacité d’ancrage dans l’environnement social, économique et culturel et à repérer les dysfonctionnements relationnels. d’un examen psychologique ou d’une expertise psychiatrique. 2.5 Les mesures provisoires : Le juge d’instruction comme le juge des enfants a la possibilité de prendre les mesures provisoires à caractère éducatif prévues par les articles 8-10 et 12 de l’ordonnance du 12/02/45. Il peut : - confier provisoirement le mineur mis en examen à ses parents ou à son tuteur, confier provisoirement le mineur à une section d’accueil d’une institution publique ou privée habilitée : - un foyer, - un centre éducatif renforcé, - un centre de placement immédiat, - un hébergement individualisé soit dans une famille d’accueil ou dans un foyer de jeunes travailleurs. 132 Séminaire sur la justice des mineurs - confier provisoirement le mineur au service de l’ASE, prononcer une mesure de liberté surveillée préjudicielle qui consiste en un suivi éducatif, prononcer une mesure de réparation pénale à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. A l’issue de l’instruction, le juge d’instruction spécialisé peut renvoyer les mineurs devant l’une des juridictions suivantes : - le tribunal de police pour les contraventions des 4 premières classes, le juge des enfants statuant en chambre du conseil ou le tribunal pour enfants pour les délits et les contraventions de 5ème classe, le tribunal pour enfant pour les crimes commis par les mineurs de – de 16 ans, le tribunal pour enfant pour les crimes commis par les mineurs de + de 16 ans. Il peut bien évidemment rendre une ordonnance de non-lieu dans les conditions de droit commun. Le droit d’appel concernant les ordonnances rendues par le juge des enfants et le juge d’instruction chargé des affaires des mineurs s’exerce dans les conditions du droit commun. Les contestations sont portées devant la chambre d’accusation et d’instruction. 2.6 Le jugement : - la protection de l’identité du mineur : Les débats devant le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs sont soumis au régime de la publicité restreinte. La publication de leur compte rendu de quelque manière que ce soit est strictement interdite. Les décisions de ces deux juridictions répressives sont prononcées en audience publique ; les jugements du juge des enfants sont rendus en chambre du conseil. Ils peuvent être publiés sans que le nom du mineur puisse être indiqué même par une initiale. - un formalisme réduit : Lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil, il n’est soumis à aucun formalisme particulier : il convoque, entend le mineur, son conseil, ses parents, la victime et son conseil. Devant le tribunal pour enfants, la procédure est plus formaliste, mais demeure néanmoins très souple. Le déroulement de l’audience est comparable à celui de l’audience correctionnelle collégiale, mais chaque affaire doit y être jugée séparément. 133 Séminaire sur la justice des mineurs Devant la cour d’assises des mineurs, la procédure se rapproche de celle de la cour d’assises des majeurs. Toutefois, le jugement séparé des affaires s’impose. A peine de nullité, le président doit poser aux membres du jury les deux questions suivantes : - y a t’il lieu d’appliquer à l’accusé une condamnation pénale ? cette question fait référence à la priorité des mesures éducatives sur les sanctions pénales. - y a t’il lieu d’exclure l’accusé du bénéfice de la diminution de peine prévue par l’article 20-2 de l’ordonnance du 2/02/45 ? Comme devant le tribunal pour enfants, l’arrêt sera rendu en audience publique en présence du mineur (art 14 al dernier du l’ord du 2/02/45). - les voies de recours : Les voies de recours prévues expressément par l’ord du 2/02/45 sont l’appel, l’opposition et le pourvoi en cassation (art 24 de l’ordonnance). 2.7 Les décisions : - les mesures éducatives : • L’admonestation : c’est un blâme verbal • Le remise à parents, • Les mesures de placement : le juge des enfants, le tribunal pour enfants, la cour d’assises des mineurs peuvent placer un mineur, quel que soit son âge dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnel habilité ainsi que dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité (art 16 et 16 ord du 2/02/45). Le placement éducatif peut être ordonné à titre de mesure principale ou dans le cadre de la mise sous protection judiciaire prévue à l’article 16 bis de l’ord du 2/02/45. Il peut accompagner une mesure de liberté surveillée. • La liberté surveillée : c’est une mesure qui peut être jointe à n’importe quelle autre mesure prononcée à l’égard d’un mineur. Toujours révocable, cette mesure de liberté surveillée dite préjudicielle ou provisoire cesse de prendre effet au plus tard au jour du jugement. Elle peut être prononcée à titre d’épreuve. Les parents, le tuteur ou le gardien sont avertis du caractère, de l’objet de la mesure et des obligations qu’elle comporte. • La mise sous protection judiciaire : placement en institution ou établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle, dans un établissement médical pour médico-pédagogique. 134 Séminaire sur la justice des mineurs • La mesure de réparation : consiste à proposer au mineur une mesure ou une activité d’aide et de réparation à l’égard de la victime qui y consent ou dans l’intérêt de la collectivité. Cette mesure vise à responsabiliser le mineur ayant commis une infraction en lui faisant prendre conscience de l’existence d’une loi pénale et des conséquences de sa violation pour lui-même, pour la victime et pour la société. - les mesures à caractère répressif : Dans l’esprit de l’ord du 2/02/45, la sanction pénale est considérée comme exceptionnelle, la mesure éducative devant autant que faire se peut, lui être préférée. • Les peines prononcées à l’encontre des mineurs sont atténuées (art 20-2 ord 2/02/45) : le mineur âgé de moins de 13 ans n’est justiciable d’aucune peine. • Des peines spécifiques ont été instituées (art 20-7 ord du 2/02/45) : possibilité d’accorder une dispense de peine ou d’ajourner le prononcé de la mesure éducative ou de la peine lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est en voie d’être acquis, que le dommage causé est en voie d’être réparé et que le trouble résultant de l’infraction va cesser. • Les différentes peines applicables : le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent prononcer les peines suivantes : l’amende, le travail d’intérêt général ; la peine privative de liberté, éventuellement assortie ou non d’un sursis simple ou avec mise à l’épreuve. Le cumul d’une peine et d’une mesure éducative est impossible, exception faite de la liberté surveillée et de l’application de l’article R 60 du CPP. 2.8 Les conditions d’incarcération : Lorsque l’incarcération d’un mineur est prononcée, elle obéit à des règles spécifiques destinées à protéger le mineur de l’influence des détenus adultes et à tenir compte des besoins des personnes de son âge. Les mineurs et les jeunes majeurs (18/21 ans) doivent être séparés des adultes. Les détenus mineurs doivent être soumis à un régime individualisé faisant une large part à l’éducation et à la formation. Quand un mineur exécute une peine d’emprisonnement, il est suivi par un juge d’application des peines. 3. Conclusion Malgré les nombreuses tentatives politiques de réformer la justice des mineurs, l’ordonnance du 2 février 1945 reste un texte fondamental en matière de justice des mineurs. 135 Séminaire sur la justice des mineurs Certes il y a au un certain nombre de réformes, mais toutes les études menées par les différents gouvernements ont réaffirmé la pertinence de l’ordonnance du 2/02/45. Ainsi : Î La responsabilité pénale des mineurs est atténuée et graduée selon leur âge. Î Priorité donnée aux mesures éducatives et recherche de la dimension éducative dans toutes les sanctions. La loi du 9 septembre 2002 dite d’orientation et de programmation pour la justice, qui fait suite à un rapport du sénat sur la délinquance des mineurs, procède du constat selon lequel depuis une dizaine d’années la délinquance des mineurs s’est massifiée, est devenue plus violente et concerne des mineurs plus jeunes. Ainsi le nouvel article 122-3 du Code Pénal dispose désormais dans son 1er alinéa que : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits et contraventions dont ils ont été reconnus coupables dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet. Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de 13 à 18 ans, en tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ». Est ainsi supprimée une ambiguïté résultant des textes précédents selon laquelle les mineurs de 13 ans parce qu’ils ne pouvaient pas être condamnés à une peine, étaient parfois considérés comme pénalement irresponsables. Le nouvel article 122-8 du Code Pénal fait enfin référence à l’institution des sanctions éducatives qui constituent l’une des innovations les plus importantes de la loi. Désormais, il y a des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés d’au moins 10 ans. 136 Séminaire sur la justice des mineurs LE DROIT SUISSE Michel LACHAT 1. Application des grands principes 1.1 La légalité art. 1 CPS : pas de peine sans loi Ce principe a pour conséquence une coupure très nette des compétences des instances judiciaires de la jeunesse : la justice pénale (avec des juges spécialisés) qui ne s’occupe que des mineurs auteurs d’infractions et la justice civile, par les autorités tutélaires (des juges non spécialisés), qui ne s’occupe que des situations de mineurs en danger. 1.2 La responsabilité Déterminer la responsabilité, c’est mesurer l’aptitude à commettre une faute. Dans la pratique, cet examen n’est que rarement fait, les juges partant de la présomption que le mineur qui agit est conscient qu’il transgresse un interdit, même s’il n’a pas connaissance de la norme elle-même. 1.3 La culpabilité Etablir la culpabilité, c’est prouver que l’auteur a agi avec intention ou négligence. Ce principe s’applique chez les mineurs, mais avec des nuances dues à l’âge, au degré de maturité et au développement de l’auteur mineur. 1.4 La proportionnalité L’individualisation de la sanction en droit pénal des mineurs rend le principe de proportionnalité difficilement applicable. Cependant, ce principe s’applique pour les peines, mais avec nuance, puisque le juge a le droit de renoncer à la peine et que la peine n’est pas ici l’exacte rétribution de l’infraction et qu’elle n’a souvent qu’une valeur symbolique. Pour les mesures, par contre, le principe de proportionnalité ne s’applique pas. Cela découle des objectifs éducatifs et curatifs du droit pénal des mineurs. 1.5 Les âges • • • • enfants de moins de 7 ans : pas d’intervention pénale possible, car l’enfant n’a pas la capacité d’apprécier le caractère fautif de son comportement (une intervention civile est possible) enfants de 7 à 15 ans : responsabilité restreinte (les sanctions sont éducatives : pas d’amende ni de privation de liberté possibles) adolescents de 15 à 18 ans : responsabilité relative (les sanctions sont plus importantes : l’amende et la privation de liberté pour une durée maximum d’un an sont possibles) jeunes adultes de 18 à 25 ans : responsabilité totale, mais intervention éducative possible, en lieu et place d’une intervention punitive 137 Séminaire sur la justice des mineurs 2. Objectifs du droit pénal des mineurs 2.1 Objectif éducatif Cet objectif consiste à faire prendre conscience à l’enfant, qui est un être en développement, des conséquences de son acte répréhensif. Il est essentiellement basé sur l’oralité des rapports entre l’auteur et le juge et met en exergue l’importance de la parole dans toute la justice des mineurs. 2.2 Objectif curatif Il s’agit ici de soigner. L’acte commis est un signal, un appel, et le juge doit décrypter le message. Lorsque le symptôme a révélé sa cause, le juge peut alors soigner. Ainsi, il ne va pas punir, mais prononcer une mesure dite éducative (traitement spécial, placement, etc). 2.3 Objectif préventif Il s’agit d’empêcher un mineur de commettre une infraction ou de récidiver. Il faut agir, comme pour le soin, sur les causes. 2.4 Objectif social Il faut ici étudier le milieu dans lequel l’enfant vit. La justice pénale des mineurs se soucie de l’intégration de l’enfant dans sa famille. 2.5 Objectif protecteur Le droit pénal des mineurs vise à protéger non seulement le mineur victime de son milieu, mais également la société en général. 3. Mesures et peines mesures sanctions Î Î si constat du besoin de soins particuliers si constat de normalité mesures – peines = priorité peines – mesures = réalité pourquoi ? • • • • • • • mesure de placement : grave (ultima ratio) et cher cercle familial solide : priorité responsabiliser le mineur et ses représentants légaux mesure civile déjà en place : pas dédoubler les mandats refus des familles : échec programmé une erreur de jeunesse : un avertissement suffit étrangers de passage : les sanctions sont plus réalistes 138 Séminaire sur la justice des mineurs 4. Principes procéduraux 4.1 Principe de la célérité 4.2 Principe du huis clos 4.3 Principe de la simplification 4.4 Principe de l’audition par des professionnels 4.5 Principe de l’information aux parents 4.6 Principe du cumul des fonctions • autorité d’instruction • autorité de jugement • autorité d’exécution 139 Séminaire en justice des mineurs MESURES ET SANCTIONS DANS LE DROIT PENAL DES MINEURS MESURES SANCTIONS ENFANTS ADOLESCENTS ENFANTS ADOLESCENTS a) Assistance éducative art. 84 CP a) Assistance éducative art. 91 ch. 1 CP a) Réprimande art. 87 CP a) Réprimande art. 95 CP b) Placement familial art. 84 CP b) Placement familial art. 91 ch. 1 CP b) Astreinte au travail art. 87 CP b) Astreinte au travail art. 95 CP c) Placement en maison d’éducation art. 84 CP c) Placement en maison d’éducation art. 91, 93bis, 93ter ch. 1 + 2 CP c) Arrêts scolaires (1 à 6 demi-journées) art. 87 CP c) Amende : -avec sursis (art. 96 CP) -sans sursis (art. 95 CP) d) Traitement spécial art. 85 CP d) Traitement spécial art. 92 CP d) Renonciation à toute sanction art. 88 CP d) Détention (1 jour à 1 an) -avec sursis (art. 96 CP) -sans sursis (art. 95 CP) e) Modification des mesures art. 86 CP e) Modification des mesures art. 93 CP e) Ajournement des sanctions art. 97 CP f) Renonciation à toute mesure ou peine art. 98 CP 140 Séminaire en justice des mineurs SITUATION DES PAYS AFRIQUAINS BENIN Célestin J. M. ZANOUVI, Magistrat, juge des mineurs au Tribunal de Première Instance de Cotonou. Louis T. TOKPANOU, Commissaire de Police, Chef de la Brigade de Protection des mineurs de Cotonou. I. Introduction Autrefois appelé DAHOMEY, d’après l’Empire médiéval du même nom, la population du Bénin est formée de nombreuses ethnies. Les Européens découvrirent ce pays au XVème siècle déjà, beaucoup y vinrent mais seuls les Portugais et ensuite les Français s’y établirent réellement et le Bénin fit ensuite partie de l’Afrique Occidentale Française jusqu’à son indépendance en 1960. De forme allongée en latitude, le Bénin couvre une superficie de 112’622 kilomètres carrés et compte environ 6'466'000 habitants, dont plus de la moitié a moins de 20 ans. Situé entièrement dans la zone intertropicale entre l’Equateur et le Tropique du Cancer, ce pays qui, tel un doigt pointé vers le cœur de l’Afrique occidentale, est entouré par le Nigeria, le Togo, le Burkina Faso et le Niger. Baigné par les eaux du Golfe du Bénin et de l’Océan Atlantique, le Bénin s’étire le long des rives du majestueux fleuve Niger. Depuis février 1990, le Bénin, à la faveur de la conférence nationale des forces vives de la nation, a opté pour un régime démocratique multipartite et libéral. Les libertés individuelles et les droits de l’homme sont de façon globale promus, défendus et protégés. Pour parvenir pleinement à cette fin, de nouveaux textes sont pris et les anciens revisités. Les lois relatives à la protection et à la justice du mineur béninois s’inscrivent dans ce cadre. Dans un premier temps, nous présenterons cet arsenal juridique et dans un deuxième temps, nous mettrons en exergue la mise en œuvre de la protection juridique et judiciaire de l’enfant béninois. II. L’arsenal juridique de protection des mineurs au Bénin 1. La constitution Béninoise La loi 90-32 du 11/12/90 portant constitution de la République du Bénin en ses articles 12, 13, 14 et 26 prévoit protection et assistance, à l’enfance, la jeunesse, la mère et la famille. La même constitution en son article 7 énonce que les droits et devoirs garantis par la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par le Bénin le 20 Janvier 1986 font partie intégrante de la constitution béninoise (Article 18 de cette charte énonce : « l’Etat a le devoir d’assurer la protection des droits de la femme et de l’enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales »). 141 Séminaire en justice des mineurs Conformément à l’article 147 de cette loi fondamentale, la convention des Nations Unies relative au droit de l’enfant ratifiée par le Bénin le 03 Août 1990 et entrée en vigueur le 02/09/1990 souffre d’une lacune, celle de sa non publication au journal officiel. Ce qui constitue une entrave à son applicabilité, surtout que la cour constitutionnelle du Bénin qui rend des décisions qui sont sans recours et qui s’imposent à tous a estimé dans sa décision DCC. 03-009 du 19 Février 2003, que cette convention n’entre pas dans le droit positif béninois. Cependant, les acteurs de la justice pour mineurs ou chargés de leur protection y recourent comme raison écrite. 2. Au plan civil L’enfant et la jeunesse sont protégés dans leur famille (conception – naissance – éducation, héritage succession – santé – loisirs…) dans leur cadre de travail par le code des personnes et de la famille promulgué le 24 Août 2004 (avant cette promulgation, cette protection était assurée par le code civil français de 1800 et le coutumier du Dahomey qui est un recueil de textes qui remonte à Mars 1931), par la loi 98-004 du 27 Janvier 1998 portant code du travail en République du Bénin et divers autres textes réglementaires (Arrêtés ministériels, inter – ministériels, convention collective générale du travail du 17 Mai 1974). 2.1 Le code des personnes et de la famille Ce texte règle entre autres des questions relatives au nom, au domicile, à l’état civil, la famille, l’autorité parentale, l’adoption. Son avènement remonte à moins d’un an. Il a permis de régler de sérieuses difficultés qui constituaient des entraves au bien-être de l’enfant. Le dualisme juridique qui prévalait au sujet de l’état des personnes a disparu. • • • • • La notion de puissance paternelle a été remplacée par celle d’autorité parentale (Articles 444 et suivants du code des personnes et de la famille). La majorité civile est fixée désormais à 18 ans, et non plus à 21 ans (Articles 459 du CPF). L’égalité des parts des enfants dans la succession de leurs auteurs a été instituée. A l’exception de l’enfant incestueux, aucune distinction n’est dorénavant faite entre l’enfant légitime, adultérin ou autre, (Article 620 du CPF). Mieux, l’enfant conçu non seulement a une part égale aux autres, mais il contraint à la suspension du partage jusqu’à sa naissance (Article 775 du CPF). Face à certaines situations, l’opinion de l’enfant doit être obligatoirement recueillie (Articles 119, 120, 341 et 367 du CPF). 2.2 La loi 98-004 du 27 janvier 1998 portant code du travail en République du Bénin Un certain nombre de dispositions de cette loi sont consacrées à la protection de l’enfant à l’apprentissage à l’embauche, dans le traitement salarial, dans la proportion, la nature, la dangerosité de la tâche à lui confiée à son temps de repos. Ces dispositions protectrices de l’enfant et du jeune majeur ont leur siège dans les articles 64 à 70 – 153 à 155 et 166 à 173 du code du travail. 142 Séminaire en justice des mineurs Ajoutons que d’autres textes réglementaires comme l’arrêté interministériel N° 132 MFPTRA/MSP/DC/SGM/DT/SSST du 07 Novembre 2000. (MFPTRA et MSP) apportent des précisions sur ces articles. 2.3 Le mineur en conflit avec la loi ou qui en est une victime Au plan pénal, il faut noter qu’en dehors du code Pénal Gaston Bouvenet qui remonte à la période, coloniale (NB : Un nouveau projet de code pénal est déposé sur la table de l’Assemblée Nationale) il existe des textes propres aux mineurs auteurs ou victimes d’infractions il s’agit de : a) l’ordonnance 69 – 23/ PR / MJL du 10 Juillet 1969 relative au jugement des infractions commises par les mineurs de 18 ans. C’est cette ordonnance qui à force de loi qui précise et donne un contenu à la notion de minorité prévue par le code Pénal béninois. Cette ordonnance en son article 1 dispose que le mineur de 18 ans sera justiciable des tribunaux pour enfants ; avant cette ordonnance, les mineurs de 18 ans étaient justiciables des tribunaux de droit commun. Il faut noter que contrairement aux prévisions de l’ordonnance, il n’existe encore au Bénin aucun Tribunal pour enfants, il n’y a également qu’un seul juge pour enfants dont la mission principale est de régler les questions des mineurs en conflit avec la loi et en danger de toute sorte dans leur cadre de vie, c’est le juge des enfants du Tribunal de 1er Instance et de 1er classe de Cotonou. Dans les 07 autres Tribunaux de 1er instance du pays ce sont des juges d’instruction de droit commun qui font office de juges des enfants ; ce texte constitue à la fois un code pénal et un code de procédure pénal pour mineurs en conflit avec la loi. A l’exception, du quantum de la peine qui relève du code Pénal général, l’ordonnance précise la modération à apporter à la sanction qui, le cas échéant, devrait être infligée au mineur qui a commis une infraction. Il est intéressant de noter quelques autres spécificités de cette ordonnance de 1969 : • • • • • Le mineur dont l’âge se situe entre 0 et 13 bénéficie d’une présomption d’irresponsabilité absolue, en conséquence, le texte ne prévoit qu’une mesure éducative ou de tutelle à son égard, nonobstant la gravité ou la répétition de l’infraction. (cf. : Article 23 –24 et 32 de l’ordonnance 69-23 de 1969). Entre 13 et 18 ans, le mineur en conflit avec la loi, s’il devait écoper d’une peine, elle sera réduite de moitié ou substituée par une sanction plus douce. Le Juge des enfants, instruit et juge tous les délits commis par les mineurs sauf si à la fin de l’instruction l’inculpé mineur a atteint la majorité pénale. Les crimes à l’exception de ceux commis par les mineurs de 0 à 13 ans sont renvoyés devant le Tribunal pour enfants statuant en matière criminelle (cour d’assises des mineurs). Selon les cas, le juge des enfants qui tient ses audiences à son cabinet en compagnie de deux assesseurs, peut associer, les parents, mais la présence des assistants sociaux et des avocats est obligatoire. 143 Séminaire en justice des mineurs • En somme, ce texte a prévu que la sanction du mineur en infraction doit être envisagée, lorsque le Juge ne peut faire autrement. C’est à dire dans les cas exceptionnels. b) Loi N° 61 –20 du 05 Juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de dix-huit ans hors du territoire du Dahomey (Bénin) et son décret d’application N° 95 – 191 du 24 Juin 1995 Cette loi vise la répression de la traite et les déplacements illicites d’enfants. c) la loi N° 2003-3 du 03 Mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines au Bénin. Ce texte tend à supprimer et réprimer l’excision des jeunes filles. III. La mise en œuvre de la protection juridique et judiciaire des mineurs au Bénin Tout l’arsenal législatif et juridique décrit ci-dessus est mis en mouvement grâce aux différents acteurs et institutions gouvernementales et non gouvernementales. 1. Les acteurs de la justice des mineurs au Bénin 1.1 Le juge des enfants ou des mineurs Il est un personnage central de la justice pour mineurs institué par l’ordonnance 69 –23 du 10 Juillet 1969. C’est un magistrat nommé en conseil des ministres pour une durée de trois ans renouvelables. Il a 3 attributions fondamentales : • • Au pénal : il instruit toutes affaires dans lesquelles sont impliquées un ou des mineurs et rend 02 types d’ordonnances : (Non-lieu – Renvoi devant le tribunal pour Enfants ou devant le Tribunal correctionnel, si à la fin de l’information le mineur a atteint la majorité pénale). Le juge des enfants, suit également l’exécution de la peine infligée au mineur et peut même au cours de l’incarcération décider de placer le mineur dans un centre approprié s’il a été attesté par les assistants sociaux qu’il a une bonne conduite et peut s’amender. Au civil : Avant, en se fondant sur les dispositions du code civil français et de la convention des nations unies relative aux droits des enfants. Après la promulgation du code des personnes et de la famille promulgué le 24/08/04 (NB : mais il faut en plus qu’une ordonnance soit prise par le Président du Tribunal aux fins de se conformer à l’article 424 du code des personnes et de la famille). Sur la base de ces textes, le juge des mineurs prend des mesures de protection, d’assistance, si la santé, la sécurité, la moralité du mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, ou 144 Séminaire en justice des mineurs encore si l’enfant par son inconduite ou sa prodigalité met les personnes investies de l’autorité parentale dans l’impossibilité d’exercer leurs prérogatives. • Sur le plan administratif : Il autorise les placements dans les centres publics et privés, il surveille également leurs activités. 1.2 Le Parquet Il n’existe pas un parquet ou un parquetier spécialisé dans les affaires relatives aux infractions commises par les mineurs. Mais dans l’exercice de ses fonctions traditionnelles, ce magistrat participe à la poursuite et à la répression des infractions commises par les mineurs ou lorsqu’ils en sont les victimes. 1.3 Les assistants sociaux et le service social de la justice Ils exécutent les enquêtes sociales ordonnées par le juge des enfants, pendant l’information, après le jugement ou lorsque le mineur est en danger et qu’il faille décider de son placement. 1.4 Les Avocats Ils sont constitués par les parents des mineurs ou commis d’office. 1.5 La Police nationale, la gendarmerie et plus précisément la Brigade de protection des Mineurs 1.5.1 Qu’est-ce que la BPM ? La Brigade de Protection des Mineurs (BPM) est un service spécialisé de la Police Nationale né en 1983 avec le décret 83-233 du 29 Juin 1983 portant attribution, organisation et fonctionnement du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et de l’Administration Territoriale. Après la Conférence Nationale et la désaffiliation de la Police des Forces Armées Béninoises, elle est régie par le décret 90-186 du 20 Août 1990 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la Direction Générale de la Police Nationale. La BPM, dépend de la Direction de la Police Judiciaire conformément à l’arrêté N°045/MISPAT/DGPN du 28/02/1991 portant attribution, organisation et fonctionnement de cette Direction. Elle a une compétence nationale. La création de la BPM répond au souci des Autorités de la Police Nationale de disposer d’un service chargé spécifiquement des questions touchant aux mineurs et adolescents. Cette unité est dirigée par un Commissaire de Police assisté d’un Adjoint et comprend trois (03) sections : • • La section prévention ; La section répression ; 145 Séminaire en justice des mineurs • La section statistique et documentation. 1.5.2 Quelles sont ses attributions ? Conformément à l’article 20 de l’arrêté 045/MISPAT/DGPN du 28 Février 1991 cité supra, la Brigade de Protection des Mineurs a pour missions : • • La Protection de l’enfance et de l’adolescence par la prévention de l’inadaptation ; La recherche des crimes et délits commis par les mineurs de moins de dix huit (18) ans. A ce titre, elle est spécialisée dans les enquêtes sur les mineurs en danger physique ou moral, le dépistage de l’enfance malheureuse et des mineurs moralement abandonnés. a. Prévention La BPM a un rôle de prévention c’est-à-dire qu’elle met en œuvre sur le terrain, des actions qui permettent d’éviter l’emprunt par les enfants et adolescents de la vie de la délinquance. Cette mission passe par des contrôles et vérifications de dissuasion dans les lieux publics fréquentés par les mineurs et adolescents (voie publique, dancing, vidéo–club, salle de cinéma) et dans tous autres milieux soupçonnés. b. Protection La mission de protection assurée par la BPM se situe à deux niveaux : • • Protection sociale : en dehors même de toute infraction, la BPM intervient chaque fois qu’un mineur est concerné. C’est le cas par exemple des fugue et errance ou de toute situation mettant l’enfant en danger physique ou moral. La BPM intervient également pour la réalisation des enquêtes sociales et la réinsertion des enfants victimes de toutes formes d’abus et ceci en collaboration avec les services sociaux et ONG spécialisés. Protection judiciaire : elle concerne les affaires pénales : mauvais traitements à enfants, trafic et exploitation de mineurs, abus sexuels sur mineurs, mutilations génitales féminines… en un mot toutes les infractions commises à l’égard des mineurs par des adultes ou par d’autres mineurs. c. Répression La BPM établit des procès-verbaux d’enquête relatifs aux crimes et délits commis par et sur des mineurs et présente les auteurs au Parquet dans le strict respect des prescriptions de l’ordonnance 69-23 du 10/07/1969 relative au Jugement des infractions commises par les mineurs de 18 ans. En réalité, elle ne réprime par mais collabore à la mission de répression. 146 Séminaire en justice des mineurs 1.5.3 Comment saisir la BPM ? Toute personne peut saisir la Brigade de Protection des Mineurs soit pour se plaindre soit pour dénoncer des cas de mauvais traitement, de trafic d’enfants… etc dont elle a connaissance. Pour ce faire, elle peut : - Se présenter directement à la Brigade ou - déposer une lettre plainte à la Direction de La Police Judiciaire (ex-Sûreté) ou - téléphoner aux : o 16 (numéro vert,) o 33-85-66 o 33-81-33 - Email : bpmbenin@yahoo.fr. 1.5.4 Institutions et ONG partenaires ou collaborant avec la BPM - - Le Procureur de la République Le juge des enfants L’Unicef Le Ministère de la Famille de la Protection Sociale et de la Solidarité avec des centres de Promotion Sociale. IPEC-BIT Les Comités Locaux de lutte contre le trafic d’enfants. (1083) Les Organisations Non Gouvernementales oeuvrant pour la protection des droits de l’Enfant. Elles sont regroupées au sein d’une coordination nationale appelée CLOSE qui comprend une trentaine d’ONG (Terre des Hommes, Foyer Don Bosco, le carrefour d’écoute et d’Orientation, Archevêché de Cotonou, la Fondation Regard d’Amour, Esam, etc.). Les Commissariats de Police, Brigades de Gendarmerie, Mairies, Arrondissements, Chefs de Village et de quartiers de ville. Le bureau central d’assistance technique : Le Bureau Central d’Assistance Technique mis en place auprès de la BPM, pilote le projet de lutte contre le trafic des mineurs financé par le Fonds Européen de Développement. Les objectifs de ce projet sont : Renforcer les capacités d’intervention de la BPM (dotation en matériel roulant et informatique, formation des personnels). Mettre en place des actions de sensibilisation auprès des populations, des ONG, des médias par des campagnes de communication et de formation. Renforcer et appuyer le Centre d’Ecoute et d’Orientation (CEO). Mettre en place des actions au niveau législatif permettant le renforcement de l’arsenal juridique béninois en matière de lutte contre le trafic d’enfants. 2. Statistiques 2.1 Année 2002 Au cours de cette année, mille cinq cent (1500) cas ont été enregistrés par le service et se répartissent comme suit : 147 Séminaire en justice des mineurs 2.1.1 Infractions à la loi pénale - Abandon d’enfant : 161 Abandon de famille : 135 Enlèvement de mineur : 128 Mauvais traitement : 77 Menaces : 57 Abandon de domicile conjugal : 25 Viol : 24 Coups et blessures volontaires : 14 Incitation de mineur à la débauche : 13 Trafic d’enfants : 13 Séquestration : 12 Exposition : 08 Mariage forcé : 04 Attentat à la pudeur : 04 Avortement : 04 Tentative d’avortement : 03 Vol (commis par un mineur) 02 Adultère : 01 Fausse déclaration de naissance : 01 Rébellion contre une décision de justice : 01 Tentative d’empoisonnement : 01 Non assistance à personne : 01 2.1.2 Cas sociaux - Demande d’intervention : 291 Contestation de grossesse : 37 Contestation de paternité : 24 Demande de parrainage : 01 Il est à noter que de tous ces cas, trente trois (33) ont fait l’objet d’une procédure régulière au parquet et trente quatre (34) personnes déférées au cours de cette année. 2.2 Année 2003 Au cours de l’année 2003, neuf cent onze (911) cas ont été enregistrés par le service et se présentent comme suit : 2.2.1 Infraction à la loi pénale - Abandon d’enfant : 44 Abandon de famille : 162 Enlèvement de mineurs : 90 Mauvais traitement : 26 Menaces : 25 Abandon de domicile conjugal : 13 Viol : 19 Coups et blessures volontaires : 14 148 Séminaire en justice des mineurs - Incitation de mineur à la débauche : 04 Trafic d’enfant : 22 Séquestration de mineur : 19 Exposition d’enfant : 03 Attentat à la pudeur: 01 Avortement : 02 Vol : 06 Adultère : 01 Empoisonnement : 01 2.2.2 Cas sociaux - Demande d’intervention : 338 Contestation de grossesse : 35 Contestation de paternité : 07 Demande de parrainage : 08 Il est à noter que de tous ces cas, quarante sept (47) ont fait l’objet d’une procédure régulière au Parquet et soixante deux (62) personnes ont été déférées. 2.3 Année 2004 (du 1er Janvier au 28 Novembre) Au cours de l’année 2004, neuf cent quarante et un (941) cas ont été enregistrés par le service et se présentent comme suit : 2.3.1 Infraction à la loi pénale - Pédophilie : 01 - Abandon d’enfant : 19 - Abandon de famille : 151 - Enlèvement de mineurs : 45 - Mauvais traitement : 46 - Menaces : 08 - Abandon de domicile conjugal : 51 - Viol : 25 - Coups et blessures volontaires : 15 - Incitation de mineur à la débauche : 03 - Trafic d’enfant : 19 - Séquestration de mineur : 12 - Exposition d’enfant : 04 - Mariage forcé : 01 - Attentat à la pudeur: 01 - Avortement : 03 - Tentative d’avortement : 04 - Vol : 16 - Rébellion contre une décision de justice : 02 - Non assistance à enfant en danger : 01 - Tentative de viol : 03 149 Séminaire en justice des mineurs 2.3.2 Cas sociaux - Demande d’intervention : 421 - Contestation de grossesse : 17 - Contestation de paternité : 06 - Abandon de grossesse : 55 - Disparition d’enfant : 12 Il est à noter que de tous ces cas, trente trois (33) ont fait l’objet d’une procédure régulière au Parquet avec trente quatre personnes déférées. IV. Conclusion Il ressort de tout ce qui précède que le Bénin dispose d’un minimum de textes qui prévoient la protection juridique et judiciaire du mineur de 18 ans au plan Civil et Pénal. Mais ses textes gagneraient plus en efficacité si certains d’entre eux étaient révisés ou même remplacés ; (Ex examen rapide du projet de loi sur la répression du trafic, qui se trouve encore à la cour suprême pour son avis motivé ; aussi l’ordonnance 69-23 du 10 Juillet 1969 doit être remplacée par une loi plus large qui engloberait à la fois, la compétence pénale et civile. Ceux qui donneraient une assise juridique à l’intervention du juge dans les cas où l’enfant est en danger sur tous les plans). Aussi la sensibilisation en direction de tous les acteurs du système de protection doit se poursuivre et se renforcer. Egalement doter de moyens matériels et techniques tous ces acteurs pour une bonne tenue des statistiques relatives à la situation des mineurs en difficultés. 150 Séminaire en justice des mineurs BURKINA FASO Fodé KONDE, Administrateur Adjoint Protection UNICEF/Ouagadougou. 1. Introduction La justice pour mineurs/juvénile recherche le bien-être du mineur et fait en sorte que les réactions vis-à-vis des délinquants juvéniles soient toujours proportionnées aux circonstances propres aux délinquants et aux délits. 2. Analyse de la situation - - L’état des lieux est préoccupant. Le pays compte 17 maisons d’arrêt et de correction et un centre pénitentiaire agricole (Baporo). Il y a (4) types de lieux de détention : Maisons d’arrêt destinées à recevoir et à détenir les prévenus et les inculpés ; Maisons de correction destinées à recevoir les condamnés ; Centres pénitentiaires Agricoles destinés a recevoir les condamnés bénéficiant du régime de la semi-liberté ; Centres de rééducation et de formation professionnelle destinés à recevoir les mineurs condamnés. La pratique : prévenus, inculpés, condamnés, mineurs, femmes se retrouvent détenus dans des Maisons d’Arrêt et de Correction. La population carcérale est estimée, en moyenne et par an à 10'000 détenus. Le monde carcéral se caractérise par : - la vétusté et/ou l’inadaptation des établissements pénitentiaires, - la surpopulation carcérale, - l’absence, en général, de la séparation par catégorie des détenus (les condamnés des prévenus, les femmes des hommes, les mineurs des adultes), - l’oisiveté et le désoeuvrement des détenus, - les mauvaises conditions d’hygiène et la mauvaise qualité de l’alimentation, - l’insuffisance des médicaments et l’absence, en général de prise en charge psychosociale des détenus, - le taux toujours élevé des détentions préventives de longue durée des mineurs et des femmes, - l’absence de relais dans la prise en charge sociale, psychologique et éducative des mineurs à leur sortie, - la modestie des moyens alloués à l’administration pénitentiaire. 3. Cadre normatif L’ensemble des normes juridiques régissant la détention du mineur a été édicté en vue d’un traitement carcéral dont la finalité n’est pas sa punition mais plutôt sa réinsertion sociale. Ces normes prévoient et préconisent la prise de mesures d’éducation, de formation, de prise en charge psychosociale tant en milieu ouvert que fermé par un personnel spécialisé, la détention dans des conditions humainement acceptables et la réorientation de la personnalité du mineur en détention. Elles visent, en ce qui concerne la femme, une prise en compte de sa nature propre, sans pour autant perdre de vue le rôle répressif de la peine. 151 Séminaire en justice des mineurs Contrer la délinquance ne suffit pas, il faut viser à la réduire de façon humaine et réaliste. Or, on n’y parvient jamais en se contentant de faire un peu souffrir le délinquant par le moyen de l’emprisonnement qui porte en soi le germe de la récidive. Protection spéciale pour les enfants et les femmes privés de liberté Soutien supplémentaire aux enfants et femmes vulnérables Droits de l’Homme pour tous 4. Conditions de détention des mineurs 4.1 Violations des droits humains des enfants avant la phase de jugement. - - - - Le mineur interpelé par la police ou la gendarmerie pour une infraction pénale peut faire l’objet d’une mesure de garde à vue dans les locaux du commissariat ou de la gendarmerie pendant 72 heures (prorogées de 48 heures sur autorisation du Procureur du Faso). Beaucoup d’acteurs de l’accompagnement des enfants en conflit avec la loi sont unanimes à déplorer pendant la période d’enquête préliminaire : - le non-respect du délai de garde à vue, - la non séparation en général du mineur de l’adulte pendant cette phase, - les brutalités et les interrogatoires musclés, - l’inexistence d’unités de police spécialisées pour les mineurs et insuffisance de formation spécifique. Au moment du jugement, le recours à la condamnation à l’emprisonnement est fréquent et en cas de commission d’une infraction qualifiée délit, le mineur est jugé selon la procédure de citation directe ou de flagrant délit sans distinction particulière ou notoire avec un adulte commettant la même faute. Le juge correctionnel distingue quand même selon qu’il s’agit d’un mineur de moins de 13 ans, d’un mineur de la tranche d’âge 13/16 ans et du mineur âgé de plus de 16 ans. Si l’excuse de minorité est le droit dans le premier cas, il est admis avec circonspection dans le second et ne s’applique plus dans le troisième cas. En pratique, l’absence de pièces d’identité dans la plupart des procédures rend cette distinction superflue dans l’ensemble. 152 Séminaire en justice des mineurs 4.2 Violations des droits humains des enfants pendant la phase de détention. - - Parmi les 297 nouveaux entrés en prison au cours de l’année 2000 : 118 étaient placés sous OPG et ont été condamnés à l’emprisonnement ; 25 étaient des inculpés pour des délits graves ou des crimes ; 154 ont été soit inculpés, en liberté provisoire, jugés, acquittés, soit en détention sous OPG ou sous OMD. Le vol représente 79% des condamnations ; la détention et l’usage de drogues, 5% des condamnations ; l’abus de confiance, 5% des condamnations et le recel, 3,4% des condamnations. 5. Difficultés rencontrées par le mineur en conflit avec la loi - Les difficultés d’intégration sociale après le contact avec l’appareil judiciaire et le monde carcéral (taux de récidive élevé, stigmates profonds d’ordre social et moral). L’absence ou insuffisance d’accompagnement éducatif approprié. Les difficultés d’une personnalisation du traitement à cause de la faiblesse d’un suivi individuel sur les plans personnel, psychologique, médical, juridique, social, scolaire ou professionnel. Les difficultés du maintien ou le renouement des liens familiaux. L’inexistence de quartiers pour mineurs dans quelques maisons d’arrêt ou inefficacité des mesures prises pour éviter la promiscuité avec les adultes. 6. Vers une justice à visage humain en faveur des enfants Sont en cours les réformes du CPP (loi sur la délinquance juvénile). Un ensemble de réformes sont prévues dans le cadre de la « Stratégie et Plan d’action National pour la réforme de la Justice au Burkina Faso 2002-2006 » : - l’institution de Tribunaux pour enfants ; - l’interdiction de prononcer la peine de mort contre un enfant ; - la distinction entre la procédure applicable à l’enfant en conflit avec la loi et celle applicable à l’enfant en situation particulièrement difficile ; - le conseil obligatoire d’un avocat dès l’enquête préliminaire ; - l’introduction du travail d’intérêt général ; - l’instruction obligatoire (avec enquête sociale) ; - le pouvoir du Procureur pendant l’enquête préliminaire d’appliquer une mesure éducative. 7. Perspectives - La contribution à la promotion des peines alternatives à l’emprisonnement, en particulier, en direction du mineur et de la femme, délinquants primaires. L’accentuation de la synergie d’action entre structures extérieures de prise en charge des enfants en conflit avec la loi en vue de contenir, voire de juguler la délinquance juvénile. Le renforcement des capacités du personnel d’encadrement sur les droits de l’Enfant. 153 Séminaire en justice des mineurs - L’encouragement à l’implication plus accrue de la société civile et les leaders d’opinion tant nationaux qu’internationaux dans l’action de prise en charge de la femme et de l’enfant en détention. L’appui au renouement des liens de famille entre le mineur et sa famille. 8. Conclusion Une politique pénitentiaire respectueuse des droits humains doit être élaborée et mise en œuvre. Elle doit être encadrée par une politique criminelle qui : - indique clairement les finalités qu’elle assigne à la privation de liberté ; - définit une politique de poursuites pénales en fonction de la gravité des infractions, de manière à explorer d’autres mesures notamment alternatives à l’emprisonnement pour les délits de moindre gravité, pour les délinquants mineurs et pour les femmes ; - veille à ce que les procédures judiciaires soient conduites dans l’esprit d’une bonne administration de la justice et met en place les mécanismes efficaces et susceptibles de corriger les dérives préjudiciables à la liberté et aux droits humains de la personne ; - intègre les principes devenus universels en matière de détention et de respect des droits humains. 154 Séminaire en justice des mineurs BURUNDI Pascal BARANDAGIYE, Chef de Mission Thélesphore BAZAHIGEJEJE, Membre 1. Situation géographique du Burundi Le Burundi est un petit pays situé en Afrique centrale, au « cœur de l’Afrique », d’environ 28.000 km², avec comme pays limitrophes la R.D.C., le Rwanda et la Tanzanie. Les langues couramment parlées sont le Kirundi (langue nationale) et le français. Le Kiswahili et l’anglais sont également parlés mais de façon moins répandue que ces deux premières. 2. La législation burundaise face à la justice des mineurs Force est de constater que dans la législation burundaise, il n’existe aucun code consacré exclusivement au droit des mineurs, tout comme il n’existe pas de juridiction spécialisée pour mineurs. Ceux-ci sont jugés par les juridictions de droit commun. Néanmoins, cet état de chose ne signifie pas que notre législation ignore complètement le droit des mineurs. Des dispositions éparses protégeant les droits des mineurs se rencontrent dans les lois les plus importantes comme la Constitution, loi fondamentale, le Code des personnes et de la famille, ainsi que le Code pénal. Il importe également de préciser que le Burundi a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989. 2.1 La Constitution du Burundi La Constitution de la République du Burundi qui est le texte fondamental qui inspire d’autres lois précise en son article 19 que « les droits et devoirs proclamés et garantis, entre autres… par la convention relative aux droits de l’enfant font partie intégrante de la Constitution de la République du Burundi ». De la sorte, on comprend aisément que cette convention a valeur Constitutionnelle dans l’armature juridique burundaise. L’on peut néanmoins déplorer que jusqu’à aujourd’hui, certaines dispositions pertinentes de cette convention restent inappliquées. A titre d’exemple, et pour ne citer que ceux-là, les articles 24 al. 1 et 28 al. 1 litt. a de la Convention attirent l’attention du lecteur burundais. L’article 24 al. 1 dispose que « les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services ». Le texte ci-haut cité est bien loin de la réalité qui prévaut au Burundi surtout ces dernières années à cause de la crise que traverse le pays depuis plus de dix ans. Un nombre important d’enfants (mineurs) restent privés des soins de santé minima et vivent dans des conditions déplorables. 155 Séminaire en justice des mineurs Quant à l’article 28 al. 1 litt. a, il impose aux Etats parties de rendre obligatoire et gratuit pour tous l’enseignement primaire. Cette disposition n’a pas été suivie d’effet puisque l’enseignement soit-il primaire n’est pas accessible à tous et les frais scolaires pèsent toujours sur les parents des enfants. Précisons à toutes fins utiles que les articles 44 à 46 de la Constitution reconnaissent à l’enfant une série de droits qui pour l’essentiel sont consignés dans la convention précitée. Il y a lieu de citer notamment le droit de ne pas être utilisé directement en conflit armé, le droit d’être séparé des détenus de plus de seize ans et de faire l’objet d’un traitement et de conditions de détention adaptés à son âge, etc. 2.2 Le Code pénal burundais Le Code pénal burundais se préoccupe des enfants mineurs particulièrement en ses articles 14 et 16 en déclarent « irresponsables » une certaine catégorie de mineurs et en diminuant le tarif de répression d’une autre catégorie de mineurs ; mais aussi en ses articles 369 en rapport avec l’abandon de famille, 372 en rapport avec la répression de la prostitution et 385 en rapport avec la répression du viol. En effet, l’article 14 du code pénal dispose que « les infractions commises par les mineurs de moins de treize ans ne donnent lieu qu’à des réparations civiles », tandis que l’article 16 assouplit l’échelle des sanctions pour les mineurs de treize à dix-huit ans. L’article 369 punit le père ou la mère de famille qui abandonne sans motif pendant plus de deux mois la résidence familiale et se soustrait ainsi des obligations résultant de l’autorité parentale ou de la tutelle. Quant à l’article 372, il prévoit des sanctions sévères à l’encontre de celui qui aura favorisé la prostitution ou la débauche sur une personne mineure. L’article 385 quant à lui considère comme viol avec violence le seul rapprochement de sexe commis sur la personne du mineur et prévoit des sanctions très sévères pour l’auteur. 2.3 Le code des personnes et de la famille Le code des personnes et de la famille se préoccupe de la protection des mineurs d’abord en ce qu’il interdit le mariage de ces derniers. C’est ce qui ressort de l’article 88 qui fixe l’âge pour se marier à vingt et un ans pour le garçon et dix-huit ans pour la fille. Ensuite, dans la procédure en divorce, les intérêts des enfants doivent être sauvegardés. Ainsi, l’article 172 du C.P.F. dispose que : « Pendant l’instance en divorce et à la demande de l’une des parties, le tribunal statue dans l’intérêt du ménage et des enfants, sur la résidence séparée des époux et la remise des effets personnels ». Par ailleurs, le C.P.F. organise en ses articles 229 à 334 un régime de protection des mineurs dont l’unique parent ou le parent survivant du mineur est décédé, absent, disparu ou déchu de l’autorité parentale. Enfin, le C.P.F. protège le mineur en déclarant nuls certains actes par lui posés. C’est ce qui ressort des articles 341 à 352. 156 Séminaire en justice des mineurs Comme nous venons de le voir, la législation burundaise se préoccupe largement de la protection des droits des mineurs mais éprouve de sérieux problèmes quant à la mise en application effective de certains textes notamment la convention relative aux droits de l’enfant. Nous estimons qu’au terme de ce séminaire nous serons d’avantage éclairés sur les voies et moyens d’asseoir une justice saine et efficace à l’endroit des mineurs qui pourront guider notre législation interne. 157 Séminaire en justice des mineurs CAMEROUN Céline MBOG épouse ABOLO, Magistrat, Substitut du Procureur à Yaoundé. Ruth Aurélie KOUANKAM épouse SCHLICK, Magistrat, Juge au Tribunal de Première Instance de Mbalmayo. Le mineur en conflit avec la loi c’est-à-dire celui dont les agissements tombent sous le coup de la loi pénale et qui est appelé à faire face au système institutionnel de réparation des torts causés à autrui ou à la société a longtemps été considéré comme un enfant entièrement à part. La prise en compte relativement récente au Cameroun de la nécessité de lui accorder une protection particulière s’est traduite par une législation avenante (1) et la ratification des différentes conventions internationales relatives à l’enfant. (2) 1. Les instruments juridiques internes de protection des droits de l’Enfant en conflit avec la loi Ils sont différents selon qu’on se situe du côté anglophone ou francophone du Cameroun. Toutefois la constitution, le code pénal et décret n° 92-052 du 27 mars 1992 fixant le régime pénitentiaire demeurent communs aux deux régions 1.1 La constitution La constitution camerounaise dans sa nouvelle écriture du 18 Janvier 1996 donne une base constitutionnelle à tous les traités relatifs aux droits de l’homme. Elle consacre aussi la suprématie de tous les traités autres que ceux cités ci-dessus sur tous les textes de droit interne. 1.2 Le code pénal L’article 80 du code pénal dispose que : «le mineur de 10 ans n'est pas pénalement responsable. Le mineur de 10 à 14 ans pénalement responsable ne peut faire l’objet que de l’une des mesures spéciales prévues par la loi. Le mineur âgé de plus de 14 ans et de moins de 18 ans pénalement responsable bénéficie de l’excuse atténuante. Le majeur de 18 ans est pleinement responsable. L’âge de l’auteur se calcule à la date de la commission de l’infraction ». L’article 29 du même code dispose que : « Les mineurs de 18 ans subissent leur peine privative de liberté dans les établissements spéciaux. A défaut ils sont séparés des détenus majeurs ». L’article 39 alinéa 6 quant à lui met le mineur délinquant à l’abri de la relégation même devenu majeur. L’article 48 dispose qu’ : «Au cas où un mineur de 18 ans a commis des faits qualifiés d’infraction, le président du tribunal peut imposer à ses père, mère, tuteur ou responsable coutumier l’engagement de payer une certaine somme d’argent fixée par lui si le mineur commet des faits de même nature dans le délai d’un an sauf s’ils démontre qu’ils ont pris 158 Séminaire en justice des mineurs toutes les mesures utiles pour que celui-ci ne récidive pas. Cet engagement peut être assorti d’autres engagements pris par des garants solvables afin de prévoir toute cessation de paiement des parents ou tuteur ». L’article 198 du même code interdit la publication de toute décision condamnant un mineur, assortie de tout moyen permettant son identification. 1.3 Le décret n° 92-052 du 27 mars fixant le régime pénitentiaire au Cameroun D’après ce décret, le mineur ne peut être détenu que dans une prison d’orientation ou de sélection, dans une prison école ou une prison spéciale. L’article 8 du décret dispose qu’en l’absence des structures visées ci-dessus, le mineur est soumis à un régime particulier. Il peut s’agir d’un quartier spécial et de la limitation de sa corvée à l’intérieur de la prison. Le décret n° 2001/109 du 20 mars 2001 vient fixer l’organisation et le fonctionnement des institutions publiques d’encadrement des mineurs et de rééducation des mineurs inadaptés sociaux. De ce décret, émergent cinq types d’institutions fonctionnant suivant deux axes d’interventions : - La prévention de l’inadaptation sociale (centres d’accueils et de transit ; centres d’hébergements) - La prise en charge de l’inadaptation (centres d’accueil et d’observation ; home ateliers ; centres de rééducation) 1.4 The children and young person ordinance cap 32 Il est applicable dans les deux provinces anglophones du pays. Ce texte d’une manière générale fixe la procédure à suivre en matière de délinquance juvénile. L’article 3 fait de la détention du mineur une exception. En effet le mineur arrêté, qui ne peut être conduit immédiatement devant une juridiction doit être relâché avec ou sans caution après avoir pris l’engagement de comparaître chaque fois qu’il sera requis. Cet article est applicable dès l’arrestation par les officiers de la police judiciaire. D’après ce texte : - Le mineur peut être poursuivi par voie de flagrant délit. - Il doit être séparé des majeurs lors de la garde à vue. - La comparution du parent en cas de poursuites de son enfant mineur est obligatoire. Il peut d’ailleurs y être contraint par corps. Lorsqu’un mineur est reconnu coupable d’infraction à la loi pénale, le tribunal dispose d’une panoplie de sanctions. Il peut : - Laisser le mineur libre si celui-ci prend l’engagement de ne plus commettre d’infraction ou de payer une certaine somme d’argent fixée par lui en cas de violation de cet engagement. - Placer le mineur sous la supervision d’un délégué à la probation. - Confier le mineur à la charge d’un parent ou d’un tuteur, ou à une institution. - Le condamner à supporter les amendes, les réparations civiles et les dépens. - Condamner ses parents à supporter les amendes, les réparations civiles et les dépens. - Obliger les parents à donner les gages de sa bonne conduite pour le futur. Ce texte en son article 11 alinéa 1 interdit l’emprisonnement d’un mineur de moins de 14 ans et n'envisage celui d’un enfant de 17 ans que s’il n’y a pas d’autres alternatives. Il faut 159 Séminaire en justice des mineurs souligner que ce texte fait une distinction entre l’enfant, défini comme une personne ayant moins de 14 ans et « The Young person » dont l’âge se situe entre 14 et 16 ans. De même, la peine de mort ne peut être prononcée contre un mineur de17 ans. Ce texte permet au juge de ne pas appliquer de peine au mineur coupable d’une infraction si ce dernier prend l’engagement assorti ou non de garanties personnelles ou réelles de bien se conduire pendant une durée pouvant aller jusqu'à trois ans. Le mineur dans ce cas doit accepter de se mettre sous la supervision d’un délégué à la probation. Ce dernier rend régulièrement compte au tribunal du suivi du mineur. 1.5 Le décret du 30 novembre 1928 instituant les juridictions spéciales et le régime de la liberté surveillée pour les mineurs. Ce texte est applicable uniquement dans les huit provinces francophones du Cameroun. D’après ce dernier, le mineur de 10 à 14 ans en conflit avec la loi pénale est justiciable des tribunaux civils et non répressifs. Il peut être soumis à des mesures de tutelle, surveillance, éducation, de réforme et d’assistance qui sont ordonnées par le président du tribunal civil. D’une manière générale ce texte réglemente le régime de la liberté surveillée ainsi que la procédure de l’administration de la justice pour mineur en matière pénale. Ainsi par exemple les mineurs ne peuvent être poursuivis que par la voie de l’information judiciaire. 2. Les instruments juridiques internationaux de protection des droits de l’enfant en conflit avec la loi On distinguera les instruments conventionnels ratifiés par le Cameroun des instruments non conventionnels. 2.1 Les instruments conventionnels Pour l’essentiel il s’agit de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par le Cameroun le 11 janvier 1993, et de la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Elle a été ratifiée par le Cameroun le 5 septembre 1996. 2.2 Les instruments non conventionnels. Le 8eme congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (La Havane 1990) a donné naissance à deux importantes résolutions relatives au phénomène de la délinquance juvénile : - Les principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (résolution 45 /112). - Les règles pour la protection des mineurs privés de liberté (résolution 45/113). Ces deux résolutions complètent l’ensemble des règles minima concernant l’administration de la justice juvénile (résolution 40/33) adapté précédemment en 1985. Ces principes n'ont pas valeur législative. Ils ne sont donc pas contraignants à l’égard des Etats. Toutefois ces derniers peuvent s’en inspirer en vue de l’élaboration des législations nationales. A l’aube de l’élaboration d’un code de protection de l’enfance au Cameroun, nul doute que le législateur s’inspirera de ces derniers. L’avant projet du code de procédure pénale dans sa plus récente version constitue déjà une avancée en ce qu’il consacre le droit du mineur 160 Séminaire en justice des mineurs d’être assisté d’un conseil. D’ailleurs, la juridiction saisie peut lui en designer un d’office ; de même, le huis clos devient obligatoire dans toute procédure concernant le mineur. Il est également tenu au greffe de chaque tribunal de première instance un registre spécial dans lequel sont mentionnées toutes les décisions concernant les mineurs de 18 ans. 3. Que retenir en définitive ? Dans l’ensemble, les textes camerounais en matière de protection des droits de l’enfant ne sont pas éloignés des grands principes énoncés dans les instruments juridiques internationaux présentés ci-dessus. Ainsi le mineur de 14 à 18 ans n’est pas justiciable des juridictions d’exception. Il bénéficie automatiquement de l’excuse atténuante de minorité devant le tribunal répressif. La peine de mort ne lui est pas applicable. Il commet plus de délits que de crimes avec une prédominance des délits d’atteinte aux biens. L’avant-projet du code de procédure pénale ne prévoit certes pas de tribunaux pour mineurs mais la composition de ces derniers lorsqu’ils statuent en matière de justice juvénile est spéciale. On a ainsi : - Un président - Un représentant du ministère public - Deux assesseurs membres - Un greffier Les assesseurs sont des personnes de nationalité camerounaise connues pour l’intérêt qu’elles portent aux questions de l’enfance ou pour leur compétence en la matière. Ils ont voix délibératives sur les peines et les mesures à prononcer contre le mineur. « Le bail » est prévu dès l’enquête policière. « Le bail » est l’engagement pris par une personne poursuivie d’infraction à la loi pénale de comparaître chaque fois qu’elle sera requise faute de quoi elle payera une somme d’argent fixée par l’autorité ayant accordée la mesure. L’avant-projet rend obligatoire l’assistance par un conseil du mineur en conflit avec la loi pénale. Enfin, ce texte fait expressément référence à « l’intérêt supérieur de l’enfant » en son article 702 lorsqu’il s’agit d’ordonner sa garde. 161 Séminaire en justice des mineurs GABON Geneviève BILOGO, Juge au siège près le Tribunal de première instance de Libreville En dehors de la ratification des conventions et traités internationaux notamment la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits de l’enfant, le Gabon dispose d’une législation considérable aussi bien en matière de protection des droits de l’enfant qu’en ce qui concerne la répression des enfants en conflit avec la loi. Cette législation est principalement consacrée entre autres dans la constitution de la République Gabonaise, le code civil gabonais, la loi n°21/63 du 31 mai 1963 mise à jour en novembre 1994 régissant le code pénal gabonais et le code de procédure pénale. Le code civil prévoit la protection de l’enfant mineur en ses dispositions relatives à l’étendue et à l’exercice de l’autorité des père et mère, à l’assistance éducative, à l’administration légale des biens du mineur et à la tutelle. Les dispositions du code pénal relatives à la protection de l’enfant mineur concernent surtout les mineurs victimes des infractions qui ont trait aux bonnes mœurs telles que les viols, les attentats à la pudeur et les infractions relatives au mariage et à la famille. Nous traiterons particulièrement de la protection de l’enfant poursuivi ou mineur en conflit avec la loi. Le législateur gabonais définit le mineur pénal comme étant l’individu de l’un ou de l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis, étant entendu que la majorité pénale est de dix-huit ans. Il distingue deux types de mineurs à savoir : - le mineur de treize ans qui bénéficie de l’excuse de minorité - et celui de plus de treize ans et de moins de dix-huit ans responsable pénalement. 1. La nature des infractions commises par les mineurs Ces mineurs sont souvent poursuivis pour des faits de détention, d’usage et parfois de vente de stupéfiants, notamment le chanvre indien (ou cannabis), plus rarement la cocaïne et l’héroïne en provenance de pays voisins. En général, le cannabis est déversé sur le territoire gabonais par les sujets équato-guinéens, la cocaïne et l’héroïne proviennent du Nigéria. Comme la drogue crée un effet de dépendance et que ces mineurs ne disposent pas souvent de moyens financiers pour s’en procurer, ils sont obligés de se livrer aux vols de tout genre (vol simple, vol à la tire, vol aggravé, vol qualifié, braquage à mains armées). Ils sont souvent poursuivis de coups et blessures volontaires, de conduite sans permis. 162 Séminaire en justice des mineurs Les délits de faux et usage de faux, le défaut de carte de séjour sont commis généralement par les mineurs de moins de seize ans des autres nationalités vivant sur le territoire. Ces derniers établissent ou se font établir de fausses pièces d’identité nationales pour se faire passer pour des nationaux. 2. Quid de la procédure avant jugement Il n’existe pas de juridictions spécialisées pour juger le mineur gabonais mais plutôt des procédures spéciales. Le mineur de treize ans coupable des faits qualifiés de délit ou crime sera déféré au Président du tribunal qui pourra prononcer par ordonnance soit la remise de l’enfant à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance, soit son placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle ou dans un établissement médical. Généralement, ils sont confiés à leurs parents, les établissements et institutions susvisées n’ayant pas encore vu le jour au Gabon. Quant au mineur de treize à dix-huit ans, il sera dans tous les cas déféré au juge d’instruction qui s’informera sur les conditions d’existence et d’éducation de l’enfant. S’il ne le place pas sous mandat de dépôt, le magistrat instructeur pourra par ordonnance spéciale le confier à toute personne ou institution de son choix qui en conservera la garde jusqu’à la décision du tribunal. Il s’agit là de la théorie, la pratique en est tout autre. En règle générale, si le mineur n’est pas élève, qu’il ne dispose pas d’adresse fixe (surtout qu’il s’agit le plus souvent des enfants de la rue), le juge considère qu’il n’y a pas de garanties suffisantes de représentation. Dans ce cas, il le place sous mandat de dépôt. Il s’agit d’une mesure de mise à disposition de la justice. 3. Devant la juridiction de jugement Devant le tribunal correctionnel ou devant la cour criminelle, le mineur de plus de treize ans et de moins de dix-huit ans est jugé en audience non publique, à moins qu’il ne soit inculpé dans la même cause avec un ou plusieurs coïnculpés majeurs. Dans la pratique, les dossiers des mineurs et ceux des majeurs sont enrôlés au cours d’une même audience. Quand il faut connaître d’une affaire concernant le mineur, le Président d’audience fait vider la salle et les débats se déroulent à huis clos. Dans tous les cas, le jugement ou l’arrêt est rendu en audience publique. 163 Séminaire en justice des mineurs La juridiction saisie statue sur le fait de savoir si l’infraction a été commise avec ou sans discernement. Dans le premier cas, le tribunal pourra condamner le mineur aux peines prévues par la loi, ou à une peine inférieure dont le minimum sera celui des peines de simple police. Dans le second cas, il ne sera pas prononcé de condamnation mais le tribunal prendra toutes mesures propres à assurer l’amendement du mineur et sa rééducation. Le mineur prévenu ou condamné est toujours placé dans un quartier spécial des établissements pénitentiaires. La peine de mort ne sera jamais prononcée contre un mineur de dix-huit ans. 4. Les perspectives Il est prévu la mise en place des établissements et institutions d’accueil des mineurs mais ceux-ci n’ont pas encore vu le jour. Toutefois, avec le phénomène des enfants abandonnés et des enfants victimes du trafic, un centre d’accueil a vu le jour à Libreville à l’initiative et sous le contrôle du ministère des Affaires sociales. 5. Les attentes futures ou recommandations - Notre souhait est que le gouvernement mette en place les établissements de redressement et de rééducation des mineurs en conflit avec la loi ; La création surtout des juridictions spéciales pour mineur et la formation des magistrats en la matière ; Que le Gabon protège de plus en plus ses frontières pour limiter l’immigration clandestine. 164 Séminaire en justice des mineurs GUINEE Ousmane TOURE N’FA, Magistrat, Président de la section pénale Fanta Oulen Bakary CAMARA, Commissaire principal – Direction de la Police judiciaire 1. La minorité pénale en droit guinéen La minorité est l’état d’une personne qui n’a pas encore atteint l’âge où elle sera légalement considérée comme pleinement capable et responsable de ses actes. La minorité pénale a pour effet de soumettre les mineurs à un régime juridique et pénal particulier jusqu’à leur majorité pénale atteinte à dix-huit ans. L’âge du délinquant détermine la juridiction compétente et les mesures ou sanctions applicables. Conformément à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), les Etats fixent un âge minimum en dessous duquel les enfants sont présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale. Ainsi, l’article 64 du code pénal dispose : « les faits commis par un mineur de dix ans ne sont pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales. Le mineur de treize ans bénéficie de droit, en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité. Les mineurs de dix à treize ans ne peuvent faire l’objet que de mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation prévues par la loi. L’excuse atténuante ou absolutoire de minorité bénéficie aux mineurs de seize à dix-huit ans dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. En matière de crime et délit, l’excuse atténuante de minorité produit les effets prévus par l’article 48 du code pénal. » L’excuse absolutoire de minorité ne permet de prononcer que des mesures d’assistance, de surveillance, de protection, d’éducation ou de tutelle. L’article 727 al. 2 du code de procédure pénale (CPP) dit : « si l’infraction commise par un mineur âgé de plus de treize ans est un délit, la peine qui peut être prononcée contre lui ne peut s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s’il avait eu dix-huit ans ». L’âge est déterminé par les pièces d’état civil, les jugements en tenant lieu ou tout autre document confirmé par une expertise médicale. Si seule l’année de naissance est précisée, on considérera que la naissance a eu lieu le 31 décembre de cette année. Si le mois est précisé, la naissance sera considérée être intervenue le dernier jour de ce mois. Sinon, la juridiction saisie apprécie souverainement l’âge. Par principe, la solution la plus favorable au délinquant mineur doit être retenue. 165 Séminaire en justice des mineurs 2. Les juridictions De grandes améliorations viennent d’être consenties en faveur des délinquants mineurs par l’apparition des nouveaux codes pénal et de procédure pénale. Les mineurs délinquants de dix-huit ans ne peuvent être jugés que par un juge des enfants, un tribunal pour enfants (juge des enfants en tant que Président accompagné de deux assesseurs nommé pour quatre ans) ou par la Cour d’assises des mineurs (article 698 et 721 du CPP). Il existe au siège de chaque tribunal de première instance, un tribunal pour enfants et un ou plusieurs juges des enfants. Le juge des enfants effectue toutes les investigations utiles, pour connaître notamment la personnalité du mineur et les moyens de rééducation. Il recueille par une enquête sociale des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents du mineur, sur sa fréquentation scolaire, son attitude à l’école, sur les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé. Il peut ordonner un examen médical ou médico-psychologique. Il tient surtout compte de l’intérêt du mineur dans le choix des mesures. Il prévient les parents, fait désigner un défenseur, peut confier l’enfant à ses parents, à une personne de confiance, à un service d’assistance, un centre d’accueil, un établissement ou une institution d’éducation, de formation professionnelle ou de soin de l’Etat ou d’une administration publique habilitée. Le juge des enfants peut ensuite : - par ordonnance, renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants ; s’il y a crime par un mineur de seize ans, transmettre les pièces au parquet général ; par jugement en chambre de conseil, libérer le mineur si l’infraction n’est pas établie ; l’admonester, ordonner provisoirement une liberté pour statuer après une ou plusieurs périodes d’épreuves. 3. La cour d’assises des mineurs Le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime est jugé par la cour d’assises des mineurs. Celle-ci se réunit durant la session de la cour d’assises. Elle est composée d’un président, de deux conseillers et de six jurés. Les deux conseillers magistrats sont pris parmi les juges des enfants du ressort de la cour d’assises. Les fonctions du ministère public auprès de la cour d’assises des mineurs sont remplies par les membres du ministère public près la cour d’Appel. 166 Séminaire en justice des mineurs Il est important de préciser que la chambre d’accusation peut renvoyer tous les accusés de seize ans au moins devant la cour d’assises des mineurs ou disjoindre les poursuites concernant les majeurs et renvoyer ceux-ci devant la cour d’assises de droit commun. Les règles de procédure classique des assises s’appliquent à la cour des mineurs, dans le respect de tous les droits de la défense, outre une limitation particulièrement stricte de la publicité : - - audience séparée de tous autres prévenus ; aux débats, sont seuls admis les témoins (auxquels il peut être ordonné de se retirer après leur audition), les parents ou le tuteur, les avocats, les représentants des sociétés de patronage et des services ou institutions s’occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée ; la publication (presse, radio, …) du compte rendu des audiences est interdite ; il en est de même de tout portrait du mineur et de toute illustration le concernant ; les infractions à ces dispositions sont punies de l’amende (50'000 à 3 millions de Francs guinéens) ou même de l’emprisonnement (deux mois à deux ans) en cas de récidive. Dans les autres cas de responsabilité civile qui pourront se présenter dans les affaires criminelles, correctionnelles ou de police, les cours et tribunaux appliquent les dispositions du code civil (responsabilité des personnes en charge de l’enfant…). 167 Séminaire en justice des mineurs MALI Hamidou KANSAYE, Directeur de la Police Judiciaire Djénèba Karabenta KEITA, Président du Tribunal pour Enfants de Bamako L’écrivain français Bossuf-T disait « la créature est sujette au changement à plus forte raison l’enfant ». Quelque soit le milieu social auquel ils appartiennent, les jeunes dont nous avons à orienter le sort, dont la plupart ne connaissent que la misère, ont vécu les grandes privations, les souffrances, les horreurs. Notre pays n’en fait pas exception. Une petite excursion dans nos villes, villages, un petit regard à l’intérieur des maisons, des champs, des placers, dans nos centres de détention montrent que dans bien des cas les enfants sont maltraités, les formes de maltraitance varient d’une contrée à une autre, d’une époque à une autre et débouchent sur la délinquance. Tout à la fois causes et conséquences, on pourrait se demander s’il existe un véritable droit pour enfant au Mali. Pourtant la matière existe et dans bien des domaines. 1. Législation applicable 1.1 Au niveau international les textes ratifiés par le Mali - la convention sur les droits des enfants ; les règles de Beijing concernant l’administration de la justice pour mineurs (1985) ; les règles des Nations Unies (UN) pour la protection des mineurs privés de liberté ; les principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile. 1.2 Au niveau sous régional - la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ; les accords bilatéraux Mali/Côte d’Ivoire, Mali/Sénégal, Mali/Burkina. 1.3 Au niveau national 1.3.1 La constitution - Elle stipule que la personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, la liberté, la sécurité, à l’intégrité de sa personne. La peine est personnelle. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement au fait. Tout présumé bénéficie de la présomption d’innocence. Le droit de se faire assister par un avocat de son choix est garanti depuis l’enquête préliminaire. Le droit de se faire examiner par un médecin de choix lorsqu’on est privé de liberté. Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à quarante-huit heures que par décision motivée du magistrat. 168 Séminaire en justice des mineurs - Nul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire que sur un mandat délivré par un magistrat de l’ordre judiciaire. A celles-là il faut ajouter : divers textes et règlements pour le renforcement du cadre juridique interne. Nous citerons entre autres : 1.3.2 loi n°0075 du 21 décembre 2000 portant création du centre spécialisé de détention, rééducation et réinsertion de Bolle ; 1.3.3 loi n°01-081 du 24 août 2001 portant sur la minorité pénale et institution de juridiction pour mineurs ; 1.3.4 ordonnance n°90-37/PRM du 5 juin 1990 portant création du centre d’accueil et de placement familial ; 1.3.5 ordonnance n°02-062/PRM du 5 juin 2002 portant code de protection de l’enfant en d’autres textes que nous ne pourrons citer ici. Vu la complexité du problème de la délinquance juvénile, des instances impliquées, de l’impact existentiel sur l’enfant. 169 Séminaire en justice des mineurs 2. La procédure Brigade des mœurs 1) Rechercher ses parents, son tuteur ou son représentant Les OPJ ont l’obligation de 2) Entendre le mineur en sa présence 3) Lui notifier qu’il a le droit de se constituer un avocat ou une personne digne de sa confiance Enfants contrevenants ayant enfreint la loi pénale ils sont acheminés soit 4) Que les déclarations qu’il fera lui seront opposables Commissariat de police Ne doivent pas être Garder à vue de moins de 15 ans Gendarmerie Peuvent Être 170 Gardés à vue les mineurs qui ont plus de 15 ans. Durée = 20 h avec possibilité de prolongation de 10 h après avis du procureur ou du juge pour enfant. Séminaire en justice des mineurs 1) Classer sans suite Le Procureur de la République 2) Procéder à la médiation et peut proposer à l’auteur avec La clôture de OPJ L’enquête saisit Préliminaire peut - Indemnisation - Réparation matérielle - Restitution du bien volé - Travaux d’intérêt général - Prestation d’excuse - Réparation du dommage Effet Arrêter les poursuites et réparer des dommages causés à la victime Juge de Paix à compétence étendue 3) Saisir Le Tribunal pour enfants de Bamako qui saisit le juge pour enfants Le Juge d’instruction dans les régions. Le Juge de Paix saisit par ordonnance. 171 Séminaire en justice des mineurs - Ordonner une enquête sociale - Ordonner la constitution d’un dossier médical Juge d’instruction peut ordonner Prendre les mesures suivantes : - 15 ans : pas de garde à vue - 13 ans : ne peut être détenue préventivement - + 13 ans : peut être détenu si cette mesure paraît indispensable, ou s’il est impossible de prendre toute autre mesure. - Là où il n’y a pas de centre de détention et de rééducation pour mineurs, le séparer des majeurs. - Là, la détention préventive ne peut dépasser 3 mois en cas de délit. - Un an en matière de crime 172 Séminaire en justice des mineurs Les faits ne constituent ni crime ni délit ou l’auteur n’est pas connu. Le juge ordonne un non-lieu : le détenu préventivement arrêté est relâché. Les faits constituent Un délit. Le renvoi du dossier devant le Tribunal correctionnel. Instruction terminée Le dossier est communiqué au Parquet qui a 8 jours pour son Réquisitoire et le Juge d’Instruction est à nouveau saisi. Les faits constituent un crime. Renvoi du dossier et un état des pièces à conviction sont envoyées par le biais du Procureur à la Cour d’Appel où l’instruction est à double degré La Cour d’Assise est saisie. 173 Séminaire en justice des mineurs 1) Les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention. Il y a non-lieu à suivre. les mineurs préventivement détenus sont mis en liberté. L’affaire est classée. 2) Les faits sont une contravention. Il prononce le renvoi devant le Tribunal pour enfants statuant en matière de simple police. L’information terminée, le Juge ordonne si : 3) Les faits sont un délit. Il prononce le renvoi devant le Tribunal pour enfants. 4) Les faits constituent un crime. Le dossier et un état de pièces à conviction sont envoyés à la Cour d’Appel par le procureur ; la chambre d’accusation est saisie ; le conseiller délégué à la protection devra siéger comme président. 174 Séminaire en justice des mineurs 1) Représentant du mineur ou un membre de sa famille Qui Peuvent Assister 2) Les membres du Bureau de l’enfance 3) Les représentants des institutions chargées de l’enfance. Mineurs de + 13 ans. Le Juge décide de ne pas prononcer une condamnation pénale : il a le choix de prononcer - L’admonestation : - Remise aux parents ; - Placement dans un centre de rééducation ; - Placement sous régime de liberté surveillée ; - Travaux d’intérêt général pour le mineur de + 16 ans. Les débats sont à huis-clos. Le juge peut prendre les mesures suivantes Devant le Tribunal ces mesures peuvent être révisées soit d’office, soit à la requête. Qui peuvent être entendu 1) Le mineur, les témoins. 2) Les membres de sa famille. 3) Le ministère public. 4) Le Conseil. 5) Le représentant du bureau de l’enfance. 6) Toute personne dont l’audition est utile à la manifestation de la vérité. Mineurs de + 13 ans. si le juge décide d’une condamnation pénale : La peine ne pourra s’élever au dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s’il avait + de 18 ans. Les dossiers concernant les mineurs de 13 ans ne sont pas inscrits au casier judiciaire. Les autorités judiciaires doivent veiller lors de la constitution du dossier social au respect de la vie privée du mineur et de sa famille. 175 Séminaire en justice des mineurs MAROC Ouafa BENMOUSSA, Présidente de la Chambre des Mineurs près la Cour d’Appel de Rabat, Maroc 1. Expérience du Royaume du Maroc dans le domaine de la protection des mineurs La législation marocaine a consacré dans le code pénal et le code de procédure pénale, plusieurs textes de loi qui traitent des mineurs délinquants, des victimes de crimes ou délits et ceux en situation difficile ainsi que les procédures particulières qui leur sont appliquées. Le but escompté, étant de leur réserver un traitement spécial, en raison de leur minorité d’âge et la nécessité de les protéger et les aider à se réinsérer dans la société. Depuis la promulgation du nouveau code de procédure pénale le 1er octobre 2003, la situation juridique des mineurs s’est nettement améliorée. 2. Les nouveautés de l’actuel code de procédure pénale • • • • • • • • • Elévation de la capacité pénale à dix-huit ans au lieu de seize ans, comme prévu par l’ancien code de procédure pénale ; Le mineur de moins de douze ans continue à être considéré comme irresponsable pénalement et ne peut éventuellement faire l’objet que d’une simple admonestation ; Un mineur dont l’âge varie entre douze et dix-huit ans ne peut être placé dans un établissement carcéral que dans les cas exceptionnels, où cette mesure paraît la plus appropriée en raison de la dangerosité avérée du mineur. Néanmoins, la détention de cette catégorie est prévue dans un pavillon réservé aux mineurs, complètement isolés des adultes ; Les mesures de protection prévues : remise du mineur à ses parents, son tuteur ou à une personne digne de confiance (cas des familles d’accueil) placement du mineur délinquant – en âge de scolarité – dans un internat, ou un centre hospitalier spécialisé placement dans un établissement public de rééducation surveillée. A cette occasion, il est utile de préciser que le régime de l’éducation surveillée peut être exécuté sous forme de liberté surveillée ou de placement dans un centre de protection de l’enfance, mais dans les deux cas, la décision n’est prise par le juge qu’au vu des résultats de l’enquête menée par l’assistance chargée de cette mission. La durée de ces mesures doit être précisée et ne doit pas dépasser dix-huit ans Procédure consacrée aux mineurs délinquants en phase d’enquête préliminaire, de l’instruction et du jugement : un mineur peut être retenu en phase d’enquête préliminaire dans un local réservé à cet effet pour une durée ne dépassant pas celle prévue à la garde à vue, sous réserve de l’accord du parquet, en cas d’impossibilité de remise du mineur à ses parents ou tuteurs légaux, ou que son intégrité ou la nécessité de l’enquête l’exige 176 Séminaire en justice des mineurs • • • • • • • • • • • • • au niveau du parquet, le mineur de plus de douze ans peut exceptionnellement être écroué, si aucune autre mesure ne peut être prise. Néanmoins, aucune mixité avec les adultes n’est permise et isolément la nuit le mineur est auditionné en phase d’enquête préliminaire en présence de son tuteur légal le tuteur du mineur et sa défense assistent aux phases de l’instruction et du procès disjonction des poursuites des mineurs de celles des coauteurs ou complices adultes possibilité de suspension de l’action publique, avant le prononcé d’un jugement définitif en cas de retrait de plainte ou de désistement de la partie lésée déroulement du procès à huis clos confidentialité des informations concernant les mineurs jugés ou en phase de l’être interdiction de publication de toute information susceptible de permettre l’identification d’un mineur délinquant, sous réserve de sanctions pénales Mesures réservées aux mineurs en situation difficile : placement dans un établissement approprié Mesures réservées aux mineurs victimes de crimes ou délits : placement dans une famille digne de confiance, un établissement privé, une association d’utilité publique ou un établissement chargé de la protection des mineurs et ce jusqu’au prononcé d’un jugement définitif soumission du mineur à un contrôle médical et/ou psychiatrique 177 Séminaire en justice des mineurs NIGER Goumour SIDI, Officier de Police Judiciaire Zakaria Ibrahim BOUBACAR, Magistrat Ismaël GANDA, Magistrat Le Niger a fait un travil appréciable d’harmonisation de sa législation en vue de respecter l’obligation qui lie tous les Etats signataires de la Convention sur les droits de l’Enfant (CDE), telle que définie par son article 4. Il faut rappeler que la Constitution du 18 juillet 1999 parle expressément des enfants en son titre II intitulé « Des droits et devoirs de la personne humaine ». Ainsi, l’article 18 al. 2 prévoit par exemple que l’Etat et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique, mentale et morale de la famille, particulièrement celle de la mère et de l’enfant. L’article 19 ajoute que les parents ont le droit et le devoir d’élever et d’éduquer leurs enfants. Ils sont soutenus dans cette tâche par l’Etat et les collectivités publiques. La jeunesse est protégée par l’Etat et par les collectivités publiques contre l’abandon et toute forme d’exploitation. Il faut noter que des règles spécifiques régissent la situation du mineur en conflit avec la loi. Il est également apparu nécessaire d’adopter des textes organisant la protection du mineur en danger. 1. La situation du mineur en conflit avec la loi Il faut tout d’abord souligner l’existence d’une brigade des mœurs chargée des mineurs à la direction de la police judiciaire à Niamey. La situation du mineur en conflit avec la loi est régie principalement par l’ordonnance n°99-11 du 14 mai 1999 portant création, composition, organisation et attributions des juridictions pour les mineurs. Elle compte des dispositions importantes relatives à la protection et à la réinsertion sociale du mineur délinquant. Elle institue en son article 1er un tribunal des mineurs au siège de chaque tribunal de première instance (aujourd’hui tribunal régional) et au siège de chaque section détachée de tribunal. Aujourd’hui, il existe des juges des mineurs sur tout le territoire puisque les juges délégués (anciens juges de paix) exercent également les attributions de juge de mineurs. En matière de poursuite, prévaut le principe de l’irresponsabilité pénale du mineur âgé de moins de treize ans. Lorsque les poursuites sont engagées, l’ouverture d’une information est obligatoire. Au cours de l’information menée par le juge des mineurs, le jeune délinquant doit être obligatoirement assisté d’un avocat ou d’un défenseur désigné d’office. 178 Séminaire en justice des mineurs Les infractions le plus souvent commises sont les atteintes à la propriété et les atteintes aux mœurs. Par exemple, en 2003, 101 mineurs ont été poursuivis dans la ville de Niamey, dont 92% de garçons et 8% de filles ; on y a dénombré 45% de vols, 10% de viols et attentats à la pudeur, 5% d’homicides et 4% d’infanticides. On note l’apparition de nouveaux types d’infractions, surtout dans les grands centres, comme les viols en bandes organisées. Des études sont nécessaires pour en déceler les causes et leur proposer des remèdes. La détention préventive ne doit être utilisé qu’exceptionnellement, lorsqu’elle paraît indispensable ou s’il est impossible de prendre toute autre disposition (article 22 de l’ordonnance). Cela limite les inconvénients de l’incarcération, notamment la stigmatisation, l’endurcissement, voire l’embrigadement par des sujets plus aguerris. Le juge des mineurs peut prendre des mesures éducatives en faveur du jeune délinquant. Il tient une audience éducative avec ce dernier, ses parents et un travailleur social. Il fixe des objectifs que le jeune et ses parents s’efforceront d’atteindre pour sa resocialisation ; ainsi, le mineur effectuera un apprentissage ou une activité génératrice de revenus à sa sortie de prison. Il y a lieu de noter l’existence d’un corps spécialisé d’éducateurs (le SEJUP) qui exécute les mesures éducatives ordonnées par le juge dans les grandes villes. Dans les grand centres (Niamey, Maradi, Zinder, etc.) ont été mis en place des comités locaux pluridisciplinaires ; ils regroupent les divers intervenants en la matière (Justice, Police, Travailleurs sociaux, Barreau, Personnel pénitentiaire, ONG) ; ils examinent les cas graves, veillent à la sauvegarde des droits du mineur et à un traitement rapide des dossiers. La condamnation d’un mineur à une peine d’emprisonnement ferme peut être évitée selon les dispositions de l’ordonnance de 1999. Ainsi, prévoit-elle des mesures alternatives à l’enfermement que sont les dispenses de peine, l’ajournement de peine, le travail d’intérêt général et même la simple réprimande. Pendant le jugement, les débats ont lieu à huis clos mais les décision doivent être lues en audience publique. Le mineur délinquant n’en est pas moins considéré comme étant en danger, à l’instar d’autres enfants qui eux ne sont pas entrés en conflit avec la loi. 2. La situation du mineur en danger Divers textes organisent sa protection. Tout d’abord, en vertu de l’ordonnance de 1999, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont menacées ou que les conditions de son éducation sont gravement compromises. Le juge des mineurs prend des mesures de protection, après enquête. Par exemple, il ordonnera le placement d’un enfant abandonné dans un orphelinat. Il y a lieu d’évoquer également le code pénal nigérien. En premier lieu, il prévoit une protection de l’intégrité physique de l’enfant à travers la répression des violences et maltraitances et des atteintes à la vie (avortement, infanticide, …). 179 Séminaire en justice des mineurs Il veille également à la protection morale des mineurs en punissant diverses infractions (excitation à la débauche, détournement de mineur, proxénétisme, esclavage, etc.). On rappellera aussi l’existence de la loi n°67-015 du 18 mars 1967 relative à la défense des intérêts civils des mineurs devant les juridictions répressives. Elle rend obligatoire la désignation d’un conseil chaque fois qu’une infraction porte préjudice à un mineur non émancipé. Le conseil assurera la défense de ses intérêts civils. Si le représentant légal du mineur refuse de recevoir des dommages et intérêts, ils seront versés dans un compte d’épargne ouvert spécialement au nom de l’enfant. On notera par ailleurs l’existence de règles protégeant les mineurs dans le code du travail (ordonnance n°96-039 du 29 juin 1996). Elles prévoient d’abord une protection des enfants contre l’exploitation économique (articles 95 à 100). Par exemple, il est interdit d’employer les enfants à des travaux excédant leurs forces et susceptibles de nuire à leur santé et à leur développement. Elles mettent en place également une protection d’ordre moral dans le domaine du travail. Par exemple, l’article 28 dispose qu’aucun maître, s’il ne vit en famille ou en communauté, ne peut loger en son domicile personnel ou dans son atelier, comme apprentis, des jeunes filles mineures. Le code n’interdit pas explicitement le travail des enfants mais en détermine les conditions. De plus, il fait abstraction de la question du travail des enfants dans le secteur informel. 3. Conclusion et perspectives Certaines dispositions de l’ordonnance de 1999 ne sont pas encore effectives ; d’une part, il faut des instruments juridiques organisant dans le détail certaines mesures (exemple : décret d’application du travail d’intérêt général) ; d’autre part, il faut pallier le manque d’infrastructures, qui pénalise certainement les enfants (absence de quartiers spéciaux, insuffisance de centres éducatifs). Toutefois, le ministère de la Justice a initié un programme d’appui aux réformes judiciaires, financé par l’Union européenne. Il doit s’étendre sur plusieurs années et a pour but, entre autres, l’amélioration du fonctionnement du système judiciaire dans son ensemble ; il vise également à définir et à mettre en œuvre une véritable politique pénitentiaire. 180 Séminaire en justice des mineurs REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO Marie Bibiane OMOYI SHEKA, Inspecteur Judiciaire en Chef, Officier de la Police Judiciaire des Parquets 1. Préambule Mon pays la R.D.C. Convaincus que seules les valeurs d’égalité, de justice, de liberté, de tolérance démocratique et de solidarité sociale peuvent fonder une nation intégrée fraternelle, prospère et maîtresse de son destin devant l’histoire ; Réaffirmant solennellement notre attachement aux principes de la démocratie et des droits de l’homme tels qu’ils sont définis par la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 18 juin 1981, ainsi que tous les instruments juridiques internationaux et régionaux adoptés dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union Africaine, dûment ratifiés par la R.D.C. ; Déterminés à garantir les libertés et les droits fondamentaux du citoyen Congolais et, en particulier, à défendre ceux de la femme et de l’enfant. La constitution de la transition de mon pays, approuvée et adoptée doit faire des propositions concrètes en préconisant : - la mise sur pied d’une législation spécifique pour les mineurs ; formation, installation au sein de la police nationale, de la police judiciaire, des parquets, des animateurs pour les cas de mineurs en conflit avec la loi, ainsi que la situation du mineur en danger. 2. Introduction La constitution de la transition à ses articles 43-44 parle expressément des enfants, du rôle que doit jouer la famille. Le Code de Procédure Pénale, le Code de la Famille fixent la loi et les règles. La situation du mineur en R.D.C. reste préoccupante par un grand nombre des enfants de la rue, communément appelés « Shégué » qui s’organisent et excellent : - dans le vol simple, pillage, vol qualifié ; - les viols en bande organisée ; - dans une province au Kasaï Oriental le meurtre des creuseurs de diamant… Les mineurs en conflit avec la loi sont encadrés par les ONG, les cultes et les associations. Il n’existe ni institutions, ni juridictions propres aux mineurs au parquet, tribunal, police nationale et police judiciaire des parquets. 181 Séminaire en justice des mineurs Seulement une chambre spéciale au Tribunal. La R.D.C. comptait des grands centres aux environs de Kinshasa, dans la province du Bas Congo, ainsi qu’ailleurs dans le pays, malheureusement ils ont été envahis par l’armée pour certains, d’autres par le Ministère des Affaires Sociales. Présentement le Ministre de la Justice et garde des sceaux lutte pour la récupération définitive afin de le rétrocéder à la Direction de l’Enfance Délinquante pour la réformation, reclassement, réinsertion des mineurs. 3. Développement En l’absence d’un cadre propre à l’interpellation des mineurs, ceux qui sont en conflit avec la loi répondent devant les mêmes instances que les adultes, ils partagent les mêmes maisons d’arrêt, d’internement que les adultes auprès des Officiers de police nationale et ceux de la police judiciaire des parquets. Au parquet, ils répondent devant les magistrats, officiers du Ministère Public et du siège. Lorsque le dossier arrive au tribunal il y a une chambre spéciale. La constitution de la transition prévoit à l’article 21 al. 3 et 4 : toute personne a le droit de se défendre seule ou de se faire assister par un avocat ou un défenseur judiciaire de son choix. Toute personne poursuivie a le droit d’exiger d’être entendue en présence d’un avocat ou défenseur judiciaire de son choix et ce à tous les niveaux de la procédure pénale y compris l’enquête policière et l’instruction pré-juridictionnelle. En République Démocratique du Congo, il y a le projet de loi pour que la majorité soit ramenée de quatorze à dix-huit ans comme jadis. C’était l’un des abus de la deuxième république qui ont eu un penchant pour prendre en mariage des mineurs. 4. Conclusion Pour la R.D.C. il ne suffit pas de ratifier les instruments internationaux, d’inclure dans la constitution le texte pour la protection il faut des réformes judiciaires pour la bonne adaptation en mettant en œuvre une véritable politique pénitentiaire. 182 Séminaire en justice des mineurs SENEGAL AWA Djigal SY, Magistrat, Juge au tribunal régional hors classe de Dakar Les règles applicables aux mineurs délinquants font l’objet de dispositions particulières du Code de Procédure Pénale. Elles sont dans le sillage du texte supérieur qu’est la Constitution. Le préambule de la constitution du 22 janvier 2001 affirme l’adhésion du peuple sénégalais à la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989. Article 20 alinéa 2 de la Constitution « La jeunesse est protégée par l’Etat et les collectivités publiques contre l’exploitation, la drogue, les stupéfiants, l’abandon moral et la délinquance. » Pour une présentation brève de la législation sénégalaise, il faudra examiner successivement les règles de compétence, les règles de procédure et les décisions susceptibles d’être prises par le tribunal 1. Règles de compétence 1.1 Exclusion des juridictions de droit commun Pour les crimes et délit, c’est le TE qui est compétent (566 CPP) Remarque : il n’existe donc pas de Cour d’assises des mineurs 1.2 Tempérament Pour les contraventions, ce sont les tribunaux départementaux qui statuent dans les conditions de droit commun. Solution réaliste, économique (distance, moyen de transport) Remarque : Les règles sur la connexité et l’indivisibilité sont applicables. Ainsi, si le mineur commet une contravention connexe à un crime ou un délit, la compétence du TE reste maintenue. 1.2.1 Compétence Territoriale Est compétent le tribunal pour enfants du lieu d’infraction, de la résidence du mineur, de celle de ses parents ou tuteur, du lieu où le mineur a été trouvé, du lieu où il a été placé soit à titre provisoire ou définitif. Si un majeur est impliqué : disjonction. 183 Séminaire en justice des mineurs 1.2.2 Composition du TE Le TE est présidé par un magistrat du siège qui peut s’adjoindre comme assesseurs, ayant voix consultative, la personne ayant diligenté l’enquête sociale, le représentant du centre d’observation ayant rédigé le rapport versé au dossier et toute personne qualifiée ( art 577). Il s’agit donc d’une simple faculté. 2. Procédure 2.1 Enquête Enquête : il n’y a pas vraiment de règles spéciales. Ce sont donc les règles applicables aux majeurs qui restent en vigueur, sauf pour la garde à vue : le mineur de 13 à 18 ans doit être retenu dans un local spécial, isolé des majeurs (article 55-4 CPP). Pourtant, c’est sans doute à la Police ou à la Gendarmerie que la présence des « soutiens » (parents, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, avocats) est le plus souhaitée. 2.2 Poursuites Un substitut est chargé cumulativement avec ses fonctions du règlement des affaires concernant les mineurs (70 CPP). Cela permet d’une certaine façon la spécialisation et donc une cohérence dans le suivi des mineurs. 2.3 Instruction Un juge d’instruction est spécialement chargé des affaires des mineurs (573 CPP). Dans la pratique, il s’occupe également d’affaires concernant les majeurs (voir art. 575 CPP les personnes à prévenir). 2.4 Saisine au Tribunal • • Ordonnance de renvoi devant le TE ou le Tribunal de simple police (Tribunal départemental) Saisine directe du Président du TE : à tort, cette disposition est considérée comme pendante de la procédure de flagrant délit. Ainsi, à la place du mandat de dépôt, une ordonnance de garde est prise et le mineur est confié au régisseur de la maison d’arrêt des mineurs (570 al 5 CPP). La procédure de citation directe est également utilisée pour les procès verbaux sans arrestation. 184 Séminaire en justice des mineurs 2.5 Médiation La réforme du 03 septembre 1999 a introduit ce mode alternatif. « Lorsqu'il est recouru à la médiation pénale à la suite des faits reprochés à un mineur, la médiation pénale sera, dans la mesure du possible, confiée à un service ou à un médiateur spécialement qualifié pour les problèmes de jeunesse. » (570 al 4 CPP) Ces dispositions se rapprochent de celles de l’article 572 alinéa 2 qui permettent au Procureur de la République pour les infractions commises par un mineur délinquant primaire avec l’accord de la partie civile, d’adresser de simples admonestations à l’intéressé ou à sa famille sans engager de poursuites. 3. Décision du Tribunal 3.1 Moins de 13 ans Mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation (580 et 581) : • • • • remise aux parents, au tuteur, à la personne qui en a la garde ou à une personne digne de confiance placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle habilité placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité placement dans un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire Ces mesures sont prononcées pour le nombre d’années que la décision détermine et qui ne peut excéder l’époque où le mineur aura atteint l’âge de 21 ans accomplis. 3.2 Plus de 13 ans Les trois premières mesures ci-dessus plus le placement dans une institution publique d’éducation surveillée corrective. La condamnation pénale (567 CPP, 52 et 53 Code Pénal). Article 52 Code Pénal Si, en raison des circonstances et de la personnalité du délinquant, il est décidé qu’un mineur âgé de plus de treize ans doit faire l’objet d’une condamnation pénale, les peines seront prononcées ainsi qu’il suit : S’il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, il sera condamné à une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement. S’il a encouru la peine des travaux forcés à temps de dix à vingt ans ou de cinq à dix ans, de la détention criminelle de dix à vingt ans ou de cinq à dix ans, il sera condamné à l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié au plus de celui pour lequel il aurait pu être condamné à l’une de ces peines. S’il a encouru la peine de la dégradation civique, il sera condamné à l’emprisonnement pour deux ans au plus. 185 Séminaire en justice des mineurs Article 53 Code Pénal Si l’infraction commise par un mineur âgé de plus de treize ans est un délit ou une contravention, la peine qui pourra être prononcée contre lui dans les conditions de l’article 52 ne pourra, sous la même réserve, s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été condamné s’il avait eu dix-huit ans. Remarque : Ces mesures et peines peuvent être révisées à tout moment par le Tribunal pour enfants qui en a décidé (591 CPP loi du 11 avril 1979). Pour les majeurs, c’est en décembre 2000 que les textes sur les alternatives à l’incarcération et l’application des peines ont été adoptés. 186 Séminaire en justice des mineurs TOGO Kyi ABBEY, épouse KOUNTE, Présidente du Tribunal pour Enfants Lomé-Togo Instituée comme juridiction spécialisé depuis 1969, la juridiction des mineurs a vu ses structures bien définies, en 1978 à travers le texte organique instituant l’Organisation Judiciaire au Togo. Ce texte prévoit l’existence du Tribunal pour Enfants dans tous les Tribunaux de Première Instance sur l’ensemble du territoire national. Cependant à ce jour, le Tribunal pour Enfants n’existe qu’à Lome, la capitale. 1. Composition du Tribunal pour Enfants Le Tribunal pour Enfants est composé du juge des mineurs, Président et deux assesseurs désignés par arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sur proposition du Président de la Cour d’Appel, parmi les personnes s’étant signalées par leurs compétences et leur intérêt pour l’éducation de la jeunesse. Chaque tribunal pour enfants doit avoir quatre assesseurs, deux titulaires et deux suppléants, qui prêtent serment pour le début de leur mandat devant la Cour d’Appel pour deux ans renouvelables. Les actuels assesseurs ont prêté serment le 24 juin 2004 passé. En droit togolais, les mineurs de treize ans sont pénalement irresponsables. Néanmoins, le Ministère public peut requérir à leur égard une mesure de protection judiciaire. 2. La procédure proprement dite Le juge des enfants, en matière pénale est saisi par réquisitoire écrit du Ministère public (réquisitoire introductif) ou sur plainte avec constitution de partie civile, si c’est un particulier qui veut enclencher l’action publique. Le juge ainsi saisi, procède à une enquête de moralité et de personnalité sur le mineur, mis en cause et dans le cas où il n’a pas de renseignement sur la personnalité de celui-ci ou, si la preuve des faits reprochés n’apparaît pas suffisante. Pour ce faire, il désigne un expert social, ou médical, il auditionne également le mineur, ses parents, témoins ou éducateurs. L’expertise médicale ou sociale, en cette matière, est essentiellement à des fins d’orientation éducative ou professionnelle. Après avoir attendu le mineur mis en cause, le juge des enfants peut le confier provisoirement à un service social, d’accueil, d’observation, d’éducation ou de soin, ou encore à une personne digne de confiance selon les cas. Aux termes de l’information, qui est une procédure obligatoire, en matière de traitement pénal du dossier du mineur, le juge des enfants peut, selon les cas : • • • ordonner le classement pur et simple du dossier, si le mineur bénéficie d’un fait justificatif ou si les faits ne sont pas constitués ou renvoyer le mineur à son audience de cabinet pour des faits de moindre gravité ou devant le tribunal pour enfants pour les infractions graves, telles que crimes (meurtre, viol) ou délits graves (vol qualifié ou à mains armées…) etc. et aussi en cas de récidive du mineur ayant déjà bénéficié des mesures éducatives 187 Séminaire en justice des mineurs • l’audience du tribunal pour enfants est non publique, ça se tient en chambre de conseil ou en cabinet. Les infractions souvent commises par les mineurs au Togo sont : le vol (plus de 50%), violences volontaires, viol, attentat à la pudeur, coups mortels, détention de cannabis (chanvre indien). Il n’existe pas au Togo la Cour d’assises pour mineurs. C’est le tribunal pour enfants qui est compétent pour connaître ce genre d’infractions. 3. En matière civile Le juge des enfants est juge des tutelles et en cette matière, il intervient souvent dans les affaires familiales en prenant par exemple des décisions de délégation d’autorité parentale, d’ouverture de tutelle, de mise de personnes majeures sous curatelle. Il intervient également dans les affaires familiales, en prenant des ordonnances de garde d’enfants, de pension alimentaire, de retenu à la source d’un parent défaillant dans l’éducation et l’entretien de son enfant, etc. Il prend également des ordonnances de placement en institution d’un enfant abandonné par exemple, etc. Il est à noter que le Togo n’a pas encore un code des enfants. Cependant, le pays ayant ressenti le besoin depuis 2000, un projet de loi en ce sens a été élaboré et actuellement il se trouve au niveau du gouvernement pour étude aux fins de son éventuelle adoption par le parlement. Avant de terminer, je tiens à préciser que le Togo a une brigade des mineurs à Lomé, où les enfants en conflit avec la loi sont détenus. Cette brigade est créée depuis 1969, par un décret. Il existe aussi dans deux localités du pays Atakpamé (P/Ogou) et Aného (P/des Lacs), deux quartiers réservés pour la détention des mineurs dans ces prisons. Il a été nommé récemment à Kara (P/Kozah) un juge pour enfants. Et c’est le juge d’instruction de cette localité qui a été nommé par le Président de la Cour d’Appel, pour assurer cette mission. Notre souhait aujourd’hui, est de voir rapidement voter le code de l’enfant, de voir également exister sur toute l’étendue du territoire national, des tribunaux pour enfants. Et enfin, que ces enfants soient assistés d’office par un conseil (Avocat) au cours de la procédure pénale qui sera initiée contre eux. 188 Séminaire en justice des mineurs 189 Séminaire en justice des mineurs 190 Séminaire en justice des mineurs 191 Séminaire en justice des mineurs 192 Séminaire en justice des mineurs 193 Séminaire en justice des mineurs 194 Séminaire en justice des mineurs BUREAU DES INITIATIVES POUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE (BIPE) Herman ZOUNGRANA 195 Séminaire en justice des mineurs 196 Séminaire en justice des mineurs ATELIERS ATELIER 1 : LES REGLES DE BEIJING Notre intérêt a été axé sur l’une des règles importantes de Beijing notamment la protection de la vie privée du mineur. Les différentes interventions du Burkina Faso, du Cameroun, du Maroc et du Togo, ont fait ressortir l’importance accordée à la protection du droit du mineur à la vie privée. Les audiences pour la plupart de ces pays se déroulent à huis clos, le principe de Beijing étant acquis dans ses différents pays et intégré dans leur législation nationale en vigueur. Au Burkina Faso, la loi autorise le juge des mineurs à ordonner le huis clos s’il le juge opportun ; au Cameroun, toutes les audiences concernant les mineurs de 10 à 13 ans se déroulent en chambre de conseil à huis clos ; au Maroc, les audiences concernant les mineurs sans distinction d’âge se font à huis clos et les jugements rendus sont également dépourvus de publicité. Celui qui publie une décision de justice concernant un mineur encourt une condamnation à une peine d’amende ; au Togo, les audiences concernant les mineurs ne doivent pas être publiques. La confidentialité des débats et de la décision du tribunal est prévue légalement ; au Mali, le huis clos est obligatoire en ce qui concerne les audiences des mineurs ; le huis clos est légalement prescrit au Niger concernant les audiences des mineurs avec cette nuance que la décision du tribunal est rendue en audience publique. Un problème s’est posé quant à la réglementation des archives, des registres concernant les mineurs. Les réglementations nationales ne spécifient pas concrètement que les archives, les registres spéciaux des mineurs ne peuvent pas être mis à la disposition du public, exception faite du Maroc et du Mali. En l’absence de dispositions légales expresses, le juge pour enfants se réfère à l’ensemble des règles de Beijing. Une préoccupation importante est intervenue quant à l’inviolabilité de la correspondance du mineur placé dans une institution dans une maison d’arrêt, le fait de prendre connaissance de son courrier par ses encadreurs respectifs ne constitue-t-il pas une atteinte au principe du droit à la vie privée. Recommandations • • Intégrer dans les législations nationales le principe de la confidentialité des archives, des registres spéciaux concernant les mineurs délinquants. Tendant vers une intégration sous-régionale il faudrait qu’il y ait une harmonisation des grands principes de la législation concernant la délinquance juvénile. 197 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 2 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DE RIYAD Le deuxième atelier dont la composition figure sur la liste en annexe a eu pour mission de se pencher sur les principes directeurs de RIYAD pour une meilleure prévention de la délinquance juvénile. Sous la direction de Monsieur HIEN Didier du Burkina Faso, l’atelier a défini sa méthode de travail qui a consisté à recenser dans un premier temps les problèmes qui sont généralement à l’origine de la délinquance juvénile dans la plupart des pays africains francophones (1), avant de proposer dans un second temps quelques solutions ou recommandations (2). 1. Les problèmes Il a été recensé entre autres : • • • • • • • • • • • • • • • • • • Le problème des enfants de la rue (appelés chégué au Congo) qui pillent partout. Le problème de la prostitution des enfants. Le problème du manque d’écoles publiques. Le coût trop élevé des écoles privées. L’insuffisance des salaires des fonctionnaires… etc. qui font qu’on n’arrive pas à scolariser tous les enfants. Le problème des enfants de la rue qui au Niger par exemple au cours de la vente des colas, arachides, papier-mouchoirs… sont exposés au viol, à la prostitution et aux violences de toutes sortes. Le problème des enfants talibés (exploités par les maîtres coraniques qui les envoient mendier pour ramener une recette journalière obligatoire). La mauvaise compagnie dans les écoles. Le problème des enfants de la rue qui au Gabon par exemple sont enrôlés dans la drogue (cocaïne, héroïne, cannabis), ne vont plus à l’école et procèdent à des attaques à mains armées, des vols à la tire etc. Le problème des mineurs qui au Niger par exemple doivent se débrouiller pour préparer leur mariage. Le problème de la pédophilie. Le problème d’ordre éducationnel qui fait par exemple qu’au Burkina Faso, les enfants ne sont plus suivis par leurs parents, il n’y a pas d’interdits et certains parents même riches ne prennent pas en charge l’alimentation de leurs enfants qui sont parfois obligés d’aller se débrouiller dans la rue avec les conséquences que cela peut entraîner. Le problème d’abandon matériel et moral des enfants qui sont ainsi incités à la délinquance. La volonté des enfants de paraître, d’imiter les modèles des médias. Le problème du manque de solidarité, de la défaillance du contrôle social. Le problème des médias diffusant des messages nocifs aux enfants (images de violence, de pornographie, etc.). Le problème des cybercafés qui ne contrôlent pas les sites visités par les enfants. Le problème de la sorcellerie. 198 Séminaire en justice des mineurs Par rapport à ces problèmes, l’atelier a proposé des solutions. 2. Les propositions de solutions Pour une prévention plus efficace de la délinquance juvénile, l’atelier a proposé entre autres : • • • • • • • • • • • Que la famille prenne ses responsabilités en s’occupant de ses enfants et en leur assurant l’éducation nécessaire. Que la justice amende les parents qui manquent à leur devoir envers leurs enfants. Que l’Etat assure une assistance éducative aux parents et continue la sensibilisation. Que l’Etat mette effectivement à exécution tous les textes qui prévoient la protection des enfants en mettant à la disposition des agents ou structures chargées de cette protection les moyens matériels et financiers appropriés. Que l’école ne soit pas seulement une école d’instruction, mais d’instruction et d’éducation complémentaire à l’Education de la famille. Que l’Etat rende effectifs la gratuité et le caractère obligatoire de l’école primaire. Que l’Etat associe la société civile à la formulation des programmes des organes de presse. Que l’Etat interdise par un organe de régulation de la presse les émissions ou publications ayant un effet nocif sur les enfants, notamment les émissions qui affichent la violence. Que l’Etat réglemente les cybercafés et vente de vidéo. Que l’Etat sensibilise les maîtres coraniques sur la nécessité de ne plus envoyer les enfants talibés percevoir l’aumône ou de les remplacer par des majeurs. Que le garde des sceaux de chaque pays ait une entrevue avec les maîtres coraniques. 199 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 3 : LA PRIVATION DE LIBERTE Les représentants à cet atelier présidé par. M. Lachat viennent du Burkina Faso, du Bénin, du Togo, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Gabon. L’atelier a examiné le thème de la privation de liberté du mineur délinquant à la phase de la garde-à-vue, celle de la détention préventive et enfin à la phase post-jugement. 1. Garde-à-vue L’examen, au niveau de la garde-à-vue, a fait ressortir les observations suivantes : Au Burkina Faso • • • Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement de la délinquance des mineurs : il y en a seulement une à Ouagadougou et une à Bobo-Dioulasso. Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. La police et la gendarmerie disposent de cellules pour mineurs à Ouagadougou seulement. Application des règles de droit commun : 72 heures de garde-à-vue avec possibilité de prolongation de 48 heures comme pour les adultes délinquants. Bénin • • • Inexistence de locaux spécifiques de garde-à-vue. Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement de la délinquance des mineurs. Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue de 48 heures. Toutefois, présence de l’assistance sociale ou du parent obligatoire. Au Togo • • Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. Seule la brigade des Mineurs de Lomé en est dotée. Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement de la délinquance des mineurs. Au Gabon • • • Inexistence de locaux spécifiques de garde-à-vue. Insuffisance des unités de police ou de gendarmerie spécialisées dans le traitement de la délinquance des mineurs. Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue. Au Niger • Idem, s’agissant de locaux spécifiques de garde-à-vue. 200 Séminaire en justice des mineurs • • Idem pour les unités spécialisées. Inexistence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue. Toutefois possibilité d’intervention de l’avocat à partir de la 24ème heure. Au Sénégal • • • Idem pour les locaux spécifiques de garde-à-vue. Absence de dérogation au droit commun pour la durée de la garde-à-vue. Toutefois assistance des parents ou de l’éducateur social obligatoire ; possibilité d’intervention de l’avocat à partir de 48 heures de garde-à-vue. Insuffisance des structures de police et de gendarmerie spécialisées dans le traitement de la délinquance des mineurs. Au Mali • • • • • Insuffisance de locaux spécifiques de garde-à-vue. Il en existe uniquement à la Brigade chargée de la Protection des Mœurs et de l’Enfance, seule structure de police spécialisée dans le traitement de la délinquance des mineurs. Impossibilité légale de garde-à-vue si le mineur délinquant n’a pas atteint 15 ans. Durée de garde-à-vue de 20 heures avec possibilité de prolongation de 10 heures. Présence obligatoire du parent ou de l’éducateur social pendant l’interrogatoire. Possibilité d’intervention de l’avocat dès l’arrestation du délinquant mineur. 2. Détention préventive S’agissant de la phase de la détention préventive, l’atelier a fait l’état des lieux. Ainsi, Au Sénégal • • A la présentation de mineur délinquant au parquet, en cas d’ouverture d’information, le juge pour enfants est obligatoirement saisi ; en cas de flagrant délit, le Procureur de la République fixe la date de l’audience. Existence de prisons pour mineurs. Au Gabon • • Présentation au parquet, en cas d’ouverture d’information, saisie d’un juge d’instruction classique. Inexistence de prisons pour mineurs mais quartiers spécifiques dans les prisons. Au Niger • • Présentation au parquet. Possibilité pour le Procureur de la République de tenter la médiation pénale. En cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi. 201 Séminaire en justice des mineurs Au Togo • Présentation au parquet ; en cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi ; en cas de décision de mandat de dépôt, le mineur est gardé dans la prison pour mineurs installée à la brigade des mineurs de Lomé. Au Bénin • Présentation au parquet ; en cas de poursuite, le juge pour enfants est saisi et l’ouverture d’une information est obligatoire. En cas de décision de mandat de dépôt, le mineur est placé en prison dans le quartier pour mineurs. Au Burkina Faso • Présentation au parquet. Poursuite en flagrant délit ou ouverture d’information ; en ce cas le juge pour enfants est saisi. En cas de décision de mandat de dépôt, le mineur est placé en prison dans le quartier réservé aux mineurs. Au Mali • • Présentation au parquet qui saisit le juge pour enfants à Bamako ; dans les tribunaux de première instance des autres localités, il saisit le juge d’instruction pour mineur ; dans les justices de paix à compétence étendue, le juge se saisit par voie d’ordonnance. En cas de décision d’ordonnance de placement, existence de prisons pour mineurs garçons ; les filles mineures sont placées dans la prison pour femmes. Cette possibilité existe uniquement à Bamako. Ailleurs, ce sera dans les quartiers réservés aux mineurs. 3. Post-jugement S’agissant de la phase post-jugement, l’atelier a observé : Au Sénégal • • La séparation entre les délinquants mineurs primaires et récidivistes. La prise en charge, pendant la détention, du mineur par les éducateurs sociaux : cours d’alphabétisation, fréquentation de bibliothèques, excursion, pour les détenus à la prison de Dakar, en province suivi par des ONG en vue de la préparation à la réinsertion. Au Bénin • Possibilité pour le juge de retrait du mineur condamné à de la prison pour un placement dans un centre spécialisé à la suite d’un rapport social favorable. 202 Séminaire en justice des mineurs Au Mali • • • Obligation pour le juge qui a condamné un mineur à une visite trimestrielle de la maison d’arrêt où est détenu le mineur. Obligation de suivi de l’exécution de la peine par le juge avec l’assistance du Bureau pour l’Enfance. Apprentissage de menuiserie métallique, menuiserie en bois, de jardinage. Au Burkina Faso • • Atelier de menuiserie, de couture. Création d’un centre spécialisé à Laye. Au Gabon • Aucun accompagnement en vue de la réinsertion du mineur pendant sa détention. Au Togo • • Détention uniquement dans le centre d’observation et de réinsertion installée à la brigade des mineurs de Lomé. Apprentissage en maçonnerie et en menuiserie. Au Niger • • • Détention dans les quartiers pour mineurs des prisons du pays. Suivi psychologique par les éducateurs sociaux. Possibilité d’apprentissage grâce au concours des ONG. Après l’analyse des situations de privation de liberté, l’atelier : • • • • déplore l’inexistence ou l’insuffisance de locaux spécifiques à la détention des mineurs, qu’il s’agisse de local de garde-à-vue, de quartiers des mineurs dans les prisons ou de prisons pour mineurs ; insiste sur l’obligation d’informer les parents en cas d’arrestation de leurs enfants ; exhorte à des actions de formation spécifique ou spécialisée des personnels, policiers, magistrats, etc… ; encourage les créations de centres spécialisés en vue d’assurer et garantir la préparation des mineurs délinquants à une bonne réinsertion. 203 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 4 : LA DETENTION PREVENTIVE La détention des délinquants mineurs en institution, dans une maison d’arrêt constitue une mesure exceptionnelle qui compte tenu de la fragilité du prévenu, de l’accusé devrait être réduite au maximum. Durant cet atelier nous avons fait un tour sur les critères pris en considération pour le remise en liberté du mineur avant jugement, de l’obligation textuelle du mineur d’être assisté d’un conseil. 1. Les délais spécifiques de la Détention préventive du mineur Force est de constater que hormis le Niger, le Maroc, le Mali, au Sénégal, au Gabon qui ont des délais impartis par les législations nationales. Au Niger, en matière correctionnelle, la détention préventive ne peut excéder la durée de trois mois renouvelable une fois en matière criminelle, la durée de la détention est de un an renouvelable une fois. Au Mali, le mineur peut demander sa mise en liberté provisoire à tout moment, la loi prévoit un délai maximum de trois mois de détention en cas de délit et un an en cas de crime. Passé ce délai, le mineur en conflit avec la loi est remis d’office en liberté provisoire. Au Maroc, le délai est de trois mois de détention au maximum, ce délai peut être révisé par le juge. Au Burkina Faso, pas de texte particulier, on prend en considération le délai de six mois qui est appliqué aux adultes. Au Cameroun, il n’y a pas de délai maximum prévu par la législation en ce qui concerne la détention préventive du mineur. On s’en réfère aux instructions du procureur général près la Cour d’Appel qui enjoint les magistrats du parquet chargés de l’information judiciaire des affaires des mineurs en détention préventive de clôturer les dossiers dans un délai maximum de quatre mois. Au Gabon, le délai est de six mois prévu par la loi et renouvelable une fois en matière délictuelle et un an renouvelable une fois en matière criminelle. Au Sénégal, ce délai est de six mois non renouvelable en matière criminelle et en matière correctionnelle. Lorsqu’il n’existe pas de délais prévus par les législations nationales pour la mise en liberté provisoire du mineur en conflit avec la loi, la révision de cette mesure d’exception se fonde sur des critères tels que : • la garantie de représentation du mineur aux audiences (ses parents, tuteurs, conseil se portent garants d’assurer sa comparution à l’information judiciaire ou à l’audience) 204 Séminaire en justice des mineurs • • • la garantie des faits commis par le mineur (crime, infraction qui porte atteinte à l’ordre public et la mise en liberté provisoire du mineur peut constituer pour lui un danger, ou pour la société) sa participation active ou passive aux faits reprochés (critère pris en compte au Burkina Faso) le résultat de l’enquête sociale peut déterminer sa mise en liberté provisoire. Le Togo a relevé que contrairement aux textes qui prévoient que le mineur soit placé en détention préventive par le juge des enfants, la pratique permet au procureur de la république d’exercer cette prérogative en violation flagrante des textes. Cependant la loi prévoit un délai de huit jours pour que les parents à la suite d’une requête obtiennent la main levée de la garde-à-vue. Passé ce délai, ils peuvent saisir la Cour d’Appel qui doit se prononcer dans les dix jours qui suivent. En cas de silence ou de retard, le mineur est remis en liberté d’office. Notre intérêt fut par la suite porté sur l’obligation ou non du mineur délinquant d’être assisté par un conseil. Cette obligation est facultative d’un système national à un autre. Au Niger, elle est obligatoire dès l’enquête préliminaire. Le code de procédure pénale stipule que tout suspect sera notifié de son droit de choisir un avocat dès la 24ème heure de la garde-à-vue en enquête préliminaire, l’absence de notification de formalité entraîne la nullité de la procédure. A la phase de l’instruction judiciaire, le mineur doit être assisté d’un conseil. Chaque année, le ministre de la Justice prend un arrêté qui désigne les avocats et personnes volontaires qui peuvent être désignés d’office pour défendre les mineurs. Au Togo, par le fait d’une organisation non gouvernementale « l’enfant radieux », le mineur doit être assisté dès l’enquête préliminaire. Au Burkina Faso, le mineur doit être assisté d’un conseil en matière criminelle à la phase de l’information judiciaire, en matière correctionnelle devant le juge des mineurs. Au Bénin, la loi oblige le mineur à être assisté au parquet et devant le juge des enfants, pas d’obligation d’assistance à l’enquête préliminaire. Elle est obligatoire en matière criminelle surtout en phase de jugement. 2. Les recommandations Deux recommandations ont été prises à la fin de cet atelier : • • Il importe de fixer par la loi nationale la durée maximale de la détention préventive du mineur et de préférence en harmonie avec tous les pays de la sous-région. Il faudrait que les différents codes de procédure pénale confirment l’obligation d’assister un mineur en conflit avec la loi dès l’enquête préliminaire par un avocat ou une personne habilitée à le faire. 205 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 5 : LA DEFENSE 1. Les grands principes En France • • • • Minorité pénale : 0 à 18 ans. Moins de 13 ans : irresponsable mais mesure de sanction éducative (famille d’accueil, etc…) De 13 à 16 ans : « vrais mineurs » bénéficient de toutes les garanties de mineurs. De 16 à 18 ans : décision à motiver, si le Juge refuse l’excuse de minorité. Juridiction Spécialisée : • • • Juge pour enfants, compétent pour les infractions pas trop graves (peine inférieure à 7 ans) décision du juge seul en séance du cabinet. En cas d’infractions graves, le juge renvoie le mineur devant le Tribunal pour enfants. Cour d’Assises des mineurs pour les affaires criminelles : deux assesseurs juges pour enfants. En cas d’instruction, juge classique. Au Burkina • • • Contravention et délit du ressort du juge pour enfants. Crimes du ressort du Tribunal pour enfants. Appels des décisions du juge pour enfants devant le Tribunal pour enfants. Au Togo • • • • • Possibilité de placement de l’enfant par le juge des enfants. Juge de tutelle. Inexistence de Cour d’Assises. Instruction obligatoire pour le juge de l’enfant. Uniquement mesures éducatives pour mineurs de 13 à 18 ans sauf en cas de récidive, mais peine maximum de dix ans. Gabon • • • • • Aucune structure spécialisée. Pas d’obligation de prévenir les parents. Pas de juge d’instruction pour mineurs. Information obligatoire en cas de poursuite du mineur. Assistance de l’Avocat après la première comparution. Niger • • Juridictions pénales en 1999. Pénal : juge d’instruction et de jugement pour les contraventions et délits. 206 Séminaire en justice des mineurs • • • • • • Assistance possible de l’Avocat à partir de la 24ème heure. En matière civile : juge de jugement et de protection. Crime, tribunal des mineurs avec obligatoirement le juge des mineurs qui a instruit. Garanties pour la défense : assistance de l’avocat dès la première comparution obligatoire. Garantie limitée car avocats absents en province. Assistance juridictionnelle inexistante. Sénégal • • • Pas d’intervention à la garde-à-vue avant 48 heures. Assistance à défaut de l’avocat, du civilement responsable et de l’éducateur social. Possibilité de réviser la peine par le juge suite à la demande du mineur. Guinée • • • • Juge de paix et juge des enfants. Tribunal pour enfants dans les tribunaux de grande instance. Cour d’assises des mineurs. Assistance de l’avocat dès la 1ère heure d’arrestation, commission d’office par le bâtonnier (présence passive). 2. Les recommandations • • • • • Notifications des droits. Nécessité de prévenir la famille ou le tuteur légal. Possibilité d’assistance de l’avocat dès la 1ère heure. Instauration de l’Aide juridictionnelle pour la commission d’office des Avocats. Jeunes majeurs à assister. 207 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 6 : L’ÂGE D’INTERVENTION 1. L’âge du mineur L’atelier n°6 s’est penché sur un cas lié à l’âge du mineur. Le Président de séance a procédé à un tour de table par pays pour ouvrir les débats : • • • • • • Burkina Faso Togo Sénégal Bénin Guinée République démocratique du Congo (RDC) Au cours des débats il a été noté que l’âge de la minorité pour les pays concernés varie entre 13 à 18 ans. Lorsque l’infraction est commise par le mineur de moins de 13 ans, il y a excuse absolutoire. De 13 à 18 ans le mandat de dépôt peut être décerné. Cependant il y a quelques différences d’un pays à un autre. En Guinée par exemple : • • • de 0 à 10 ans : le mineur ne peut être poursuivi de 10 à 13 ans : il bénéficie d’une excuse de minorité même en cas de culpabilité de 13 à 18 ans : on examine s’il a agi avec ou sans discernement. Il a été noté qu’au niveau de la RDC la majorité est fixée à 14 ans. Il y a présentement une absence de textes législatifs, ce qui fait que les mineurs ne sont pas poursuivis mais placés dans des centres de rééducation. Lorsque le mineur atteint l’âge de la majorité en cours d’instruction il est toujours poursuivi pour le délit qu’il a commis. Lorsqu’à la clôture de l’instruction il atteint la majorité, le juge se dessaisit et prend une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (cas du Bénin). 2. Difficultés Pour l’appréciation de l’âge en l’absence d’une pièce d’état civil, il est laissé au juge l’opportunité d’apprécier si le mineur a agi avec discernement. 208 Séminaire en justice des mineurs 3. Propositions • • • • • Faire en sorte que la déclaration soit faite à la naissance sans quoi des sanctions devraient être prises à l’encontre des parents. Organiser des audiences foraines pour faciliter des déclarations de naissance lorsque les lieux de naissance sont éloignés de l’état civil (cas du Sénégal). L’appréciation du discernement devrait être entourée de garanties inscrites dans la loi. Lorsqu’il y a doute, choisir la minorité. Procéder à une expertise médicale (dentition, ossement) pour déterminer l’âge du mineur. 209 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 7 : LES MESURES ALTERNATIVES Sénégal : Semi liberté, placement à l’extérieur, libération conditionnelle, médiation pénale • Détenu condamné doit être à la moitié de la peine pour bénéficier de la semi liberté. 2/3 pour récidivistes. • Placement à l’extérieur : en entreprise à la demande des chefs d’entreprise. Détenu non accompagné et retour à 19 heures. • Commission pénitentiaire avec juge de l’application des peines si les conditions du délai d’épreuve sont remplies. • Libération conditionnelle : arrêté du Ministre de la Justice nécessaire. Le Ministre n’est pas tenu par l’avis de la commission. • Médiation pénale depuis le 3 septembre 1999 confiée à un service ou à un médiateur spécialement qualifié pour les problèmes de jeunesse. • Avec l’accord de la partie civile peut se limiter à de simples admonestations. Guinée : Mesures alternatives depuis 2001 contestées par la police depuis trois niveaux • • • phase policière : arrangement à l’amiable : négociation devant l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) (auteurs de délits mineurs) devant avocat et éducateur social. avantages : désengagement des tribunaux, mesures éducatives. difficultés : risque d’exagération du préjudice. phase de l’instruction : avertissement, réprimande, placement institutionnel. phase de jugement : sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve et travail d’intérêt général. Cameroun : Mesures à distinguer – anglophone et francophone • • • Médiation et condamnation des parents à réparation dans la partie anglophone. Engagement des parents à surveiller leur enfant, sous peine de payement d’amendes. Liberté surveillée, placement dans une institution dans la partie francophone. Burundi Bénin • • Chantier entier Seule alternative : placement dans une institution spécialisée ou remise aux parents. Niger : 2 phases : avant jugement, au jugement • avant jugement : enfant confié aux parents, à son tuteur, à une personne de confiance, à un centre d’accueil, un établissement hospitalier, centre d’observation approprié. 210 Séminaire en justice des mineurs • au jugement : dispense de peine possible si préjudice est réparé. Astreinte à des travaux d’intérêt général. Maroc • • Arrangement à l’amiable à la police ou au parquet à condition qu’il s’agisse de délit. Jugement sur la médiation in susceptible de recours. Mali • • • Médiation au parquet pour solution acceptée par toutes les parties : réparation du préjudice. Médiation impossible en cas de délits sexuels et de détournements de biens publics. Astreinte aux travaux d’intérêt général lorsque le mineur a 16 ans. Burkina Faso : trois mesures • • • Remise aux parents pour une meilleure éducation. Placement dans un centre d’accueil. Travail d’intérêt général pour les enfants de plus de 16 ans. Gabon • • • Placement dans les centres d’accueil. Remise des enfants à leurs parents. Médiation informelle au niveau du parquet. 211 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 8 : LA MEDIATION PENALE L’atelier portant sur la médiation pénale comprenant 13 membres, provenant des pays aussi variés que le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Togo, le Cameroun, le Sénégal, la Belgique et la France a été très instructif et a permis de faire un état des lieux de l’application de cette mesure dans les législations des pays sus-visés. Le Sénégal a révélé que depuis une loi du 3 septembre 1999, la médiation pénale s’applique dans le règlement des conflits impliquant un mineur. Elle est faite soit par un service ou une personne qualifiée dans les problèmes de jeunesse ou encore par le procureur de la République. Dans ce dernier cas, l’assistance de l’avocat est obligatoire et le classement sans suite vient constater la réussite de la médiation. Le Togo a pu consacrer la médiation pénale en s’appuyant sur l’article 29 du Code pénal Togolais qui se dispose que « lorsque le prévenu aura, avant jugement assuré la réparation du préjudice causé par le délit, le juge en considérant les pays, d’amendements présentés pourra même, tout en déclarant sa culpabilité, le dispenser de toute peine ». Le Mali, le Burkina Faso, le Camerou, le Niger ont fait savoir que dans leur législation il n’existe pas des dispositions relatives à la médiation pénale. A l’issue de ces discutions, quelques recommandations ont été faites : • • Instituer la médiation pénale devant la juridiction de jugement et par conséquent en faire une cause d’extinction de l’action publique. Instituer une juridiction des mineurs dans les Etats qui en sont dépourvus tels que le Gabon et le Burundi et faire de la médiation pénale le mode privilégié de règlement de conflit concernant le mineur. Il faut signaler que l’unanimité n’a pas été faite quant à considérer la médiation pénale comme une cause d’extinction de l’action publique. 212 Séminaire en justice des mineurs ATELIER 9 : QUEL MODELE Sénégal • • • Avantage : l’uniformisation des législations Protection à privilégier la sanction Application de la charte africaine Burkina Faso • • • • Besoin de la victime, de la société et du mineur délinquant à privilégier : o système de restauration car mineur victime de circonstances propices à la commission d’infractions o respect des droits de l’enfant du début à la fin de la procédure o mesures alternatives à privilégier au détriment de la sanction Mesure à prendre en tenant compte des réalités africaines o concilier les intérêts de l’enfant et ceux de la victime Spécificités locales à prendre en compte o accent sur la réparation Uniformisation des législations o protection de la victime pour réparation o protection du mineur Bénin • Charte Africaine comme dénominateur commun Niger • Intérêt de l’enfant à privilégier – marge de manœuvre pour le juge parce que le juge soit un juge père Burundi • Réalités nationales spécifiques à prendre en compte Maroc • • • Equilibre entre la protection du mineur et celle de la victime Accent sur la médiation au niveau de la police et du parquet Séparation de la justice des mineurs de celle des adultes Gabon • • • Accent sur la prévention Application efficiente des législations par mise en place des centres spécialisés, tribunaux spécialisés Prévention par éducation, information 213 Séminaire en justice des mineurs • Médiation à privilégier de même que la réparation due à la victime Cameroun • Uniformisation des législations (mesures provisoires, délai de détention, âge, peine) Bénin • • • • Combinaison de la sanction et de la protection Législation communautaire possible Centres de discernement à envisager Invitation aux Etats pour l’application effective de la CDE et de la convention africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Togo • • Justice rétributive et intégrée pour prendre en compte les intérêts supérieurs de la victime, du mineur et de la société Bannir le discernement : coïncider la majorité pénale et la majorité civile Recommandations L’appréciation du discernement ne peut exister que dans l’intérêt de l’enfant et non pour imposer une mesure plus sévère. 214 Séminaire en justice des mineurs ALLOCUTION PD Dr Bernard COMBY « Aux lecteurs adultes vous dites : c’est fatigant de fréquenter des enfants. Vous avez raison. Vous ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner, se courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n’est pas cela qui fatigue le plus. C’est plutôt le fait d’être obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments. De s’étirer, de s’allonger, de se hisser sur la pointe des pieds. Pour ne pas les blesser… » Cette citation de Korczak exprime bien toute la complexité, la diversité et la richesse qui peut caractériser les relations entre l’adulte et l’enfant, entre l’enfance et la famille. Monsieur le Ministre de la Justice du Burkina Faso, Monsieur Michel Lachat, Directeur du Séminaire, Monsieur Pasteur Nzinahora de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), Madame et Messieurs les Conférenciers, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les participants, Chers Amis, Tout d’abord, je tiens à dire un tout grand merci à tous les intervenants, à Monsieur le Juge Michel Lachat, qui a dirigé avec compétence et clairvoyance cet important Séminaire, ainsi qu’à vous toutes et vous tous qui avez fait le déplacement à Ouagadougou pour consacrer une semaine de formation et de réflexions sur la justice des mineurs. Monsieur Michel Lachat, Madame Laure Desforges et Messieurs Oscar d’Amours, Christian Maes et Herman Zoungrana méritent vos plus chauds applaudissements ! Grâce à l’engagement remarquable des délégations du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, du Gabon, de la Guinée, du Mali, du Maroc, du Niger, de la République Démocratique du Congo, du Sénégal et du Togo, ce Séminaire a connu un immense succès. Avec plaisir, je redis ici mon immense gratitude à Monsieur le Directeur Pasteur Nzinahora et à l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF) d’avoir pris l’initiative d’organiser cet important Séminaire sur les justices juvéniles, ainsi qu’à nos amis burkinabés pour leur engagement en faveur de la cause des enfants et la qualité de leur accueil. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, L’ampleur du travail à accomplir pour la mise en œuvre de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est immense. La pauvreté constitue certainement un handicap majeur au développement harmonieux de l’enfant et au respect de ses droits. En effet, l’enfant est très dépendant de son milieu familial et de son environnement social, économique et culturel. Son développement physique et psychique, son épanouissement personnel et son intégration sociale sont fortement conditionnés par son milieu de vie. Cette fragilité est encore fortement accentuée si les conditions de base à sa vie, voire à sa survie ne sont pas remplies. C’est la raison pour laquelle, la lutte contre la pauvreté doit justement être considérée comme un préalable déterminant à une application concrète et permanente de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. 215 Séminaire en justice des mineurs Dans la plupart des pays du Sud, la précarité et la pauvreté sont inhérentes à la structure même de ces pays. La fragilité du tissu économique, les graves lacunes au niveau des infrastructures socio-économiques et techniques ainsi que la forte dépendance par rapport à l’extérieur engendrent un état endémique de précarité et de pauvreté. Mais la pauvreté n’est pas une fatalité et n’est pas non plus une excuse pour ne point agir ! L’espoir de sortir un jour de ce dramatique cercle vicieux de la pauvreté existe. C’est donc dans un esprit de responsabilité partagée que l’appui aux populations du Sud doit être orienté. Il faut qu’elles puissent elles-mêmes prendre en charge dignement, sereinement et démocratiquement leur propre destin, dans le respect de leur identité, de leur culture, de leurs valeurs et de leurs structures économiques et sociales. Une stratégie efficace de développement doit impérativement respecter les droits de l’enfant, en particulier le droit à l’éducation. Avec le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi A. Annan, nous pouvons déclarer : « Le défi à relever tient en une phrase : au seuil du 21ème siècle, plaçons au premier rang de nos priorités et au cœur de notre mission : l’éducation pour tous »… Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Sans remettre en cause les institutions judiciaires, il faut bien admettre que le contrôle social exige aujourd’hui la mise en place d’instruments complémentaires nouveaux. Afin de répondre aux exigences d’une société en pleine mutation, société en recherche de consensus et d’harmonie, à travers la restauration de valeurs, telles que la communication, la responsabilité, la confiance et le respect de la dignité humaine. Peut-on rêver d’une justice négociée, destinée à pacifier les relations sociales, à discipliner le délinquant en l’insérant dans un cadre normatif de réparation ? En fait, cette dimension restauratrice de la médiation pénale est déjà affirmée par la loi française du 23 juin 1999 qui stipule à son article 41 que « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin aux troubles résultants de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le Procureur de la République peut, directement ou par délégation, faire procéder avec l’accord des parties à une mission de médiation pénale entre l’auteur des faits et la victime ». Nous nous réjouissons donc de constater que la médiation trouve déjà sa place dans de nombreux textes légaux et que cette nouvelle mesure de négociation et de gestion des conflits apporte des éléments de réponse à ce besoin de nouvelles régulations sociales. En conclusion, je dirai à l’instar de Jacqueline Morineau : « Chacun, au plus profond de lui-même, aspire à la paix, or les conflits sont un élément inséparable de notre vie quotidienne. La médiation propose un lieu, un temps pour rencontrer le désordre et la violence. Par sa dimension éducative, la médiation devient un moyen de réunir les hommes, de recréer un tissu social et d’initier une chaîne de solidarité qui dépasse les frontières. L’enjeu est immense mais la tâche est humble : commencer par se changer soi-même et nous pourrons changer le monde »… 216 Séminaire en justice des mineurs ALLOCUTION Pasteur NZINAHORA, Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso, Monsieur le Président de l’Institut international des droits de l’enfant, Monsieur le Directeur de cette formation, Madame et Messieurs les experts, Mesdames et Messieurs les acteurs de la justice juvénile, Distingués invités, Chers participants, Mesdames et Messieurs, Nous voici au terme des travaux de ce premier séminaire régional sur la justice des mineurs, organisé par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), en étroite et précieuse collaboration avec l’Institut international des Droits de l’ Enfant (IDE), et le comité d’organisation mis à notre disposition par le Ministre de la justice, Garde des Sceaux, du Burkina Faso. Je voudrais réitérer mes remerciements à ces excellents partenaires, ainsi qu’à chacune et chacun d’entre vous, pour la part prise dans la préparation, l’organisation, l’animation et l’enrichissement des débats de ce séminaire. C’était un véritable rendez-vous du donner et du recevoir. Je pense que je peux affirmer, sans risque de me tromper, que les objectifs que nous nous étions fixés pour cette session de formation ont été atteints, si l’on se réfère au document de sa présentation qui vous a été remis. En effet, il était nécessaire et utile de vous réunir, vous mesdames et messieurs, les acteurs réels ou potentiels de la justice des mineurs, pour vous permettre d’échanger sur les situations de vos pays respectifs dans ce domaine, vous sensibiliser sur la spécificité de cette justice, vous faire connaître les principes et règles minimales y relatifs existant au niveau international, vous instruire sur les mesures alternatives aux mesures privatives de liberté, notamment la médiation, telles qu’elles vous ont été communiquées par les experts en la matière, vous inviter à réfléchir sur les réformes possibles dans les législations et ou l’organisation des structures judiciaires et administratives de vos pays, et vous donner l’occasion de formuler des recommandations, en vue de la promotion et du renforcement du respect des droits des enfants, qui constituent la catégorie la plus précieuse pour l’avenir de l’ humanité, en même temps qu’elle est la plus vulnérable. Au cours des exposés sur la situation de la justice juvénile dans vos pays respectifs, et dans les débats qui ont suivi les communications de haute facture, qui ont été soigneusement préparées par les experts, j’ai noté, pour ma part, cinq points que j’aimerais relever à nouveau, même s’ils figurent bien dans la brillante synthèse que vient de présenter l’éminent Professeur et Juge des enfants à FRIBOURG, Directeur de cette session de formation, Monsieur Michel LACHAT. 217 Séminaire en justice des mineurs - - Premièrement, l’intérêt, voire l’engouement que vous avez manifesté pour la formation, si ce n’est la spécialisation en justice des mineurs ou en droits des enfants ; Deuxièmement, la volonté politique de la plupart des pays représentés ici, d’encourager l’instauration d’une justice spécifique aux enfants, par la création des Tribunaux ou des chambres spécialisées pour enfants, en plus de la police pour mineurs, et l’affectation du personnel approprié ; Troisièmement, le souhait ardent des délégués des pays qui n’ont pas encore mis en place ces juridictions spécialisées, d’en disposer ; Quatrièmement, la mise en réseau, si possible, des juges pour enfants, ainsi que les autres acteurs de la justice juvénile ; Cinquièmement, l’approche multidisciplinaire dans la prévention et le traitement judiciaire de la délinquance juvénile. En ce qui concerne la formation, je pense que chaque pays, seul ou avec le concours de la Francophonie et d’autres partenaires tels que l’IDE, l’AIMJF (Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille), l’Unicef, etc…, doit et peut y pourvoir, soit dans le cadre de la formation dispensée aux participants par la structure nationale de formation judiciaire (Ecole, Institut ou Centre), soit par les séminaires ponctuels que nous vous exhortons à initier. Ce séminaire est donc, pour nous, une première session de formation de formateurs, qui pourraient même se spécialiser en participant à la formation en Master des droits de l’enfant dont vous a parlé M. Michel LACHAT. Pour ce qui est de la Francophonie, dans le cadre de ses programmes de renforcement des capacités humaines des institutions judiciaires et du développement de l’expertise juridique et judiciaire, elle ne manquera pas d’y contribuer, soit en organisant d’autres séminaires régionaux comme celui-ci, soit en inscrivant le thème de la justice des mineurs parmi ceux qui sont dispensés aux magistrats et auxiliaires judiciaires par visioconférences, dans les pays où ce nouveau mode de formation est déjà mis en œuvre, comme au Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire, Mali, Niger, Bénin, Cameroun, Burundi, Rwanda et Madagascar. Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Burkina Faso, Monsieur le Président de l’ Institut International des droits de l’enfant, Monsieur le Directeur de cette formation, Madame et Messieurs les experts, Mesdames et Messieurs les acteurs de la Justice juvénile, Distingués invités, Chers participants, Mesdames et Messieurs, Je ne voudrais pas abuser de votre patience, après une semaine de travail intense, pendant laquelle vous avez fait preuve d’une assiduité remarquable. Vous me permettrez simplement de vous dire encore une fois, merci d’avoir accepté de braver avec nous, toutes les difficultés qui risquaient de retarder encore le lancement de cette initiative, souhaitée depuis trois ans, mais qui était chaque fois reportée à cause d’autres priorités concurrentes, et de la modestie des moyens dont dispose la Francophonie. 218 Séminaire en justice des mineurs Merci de votre indulgence pour les imperfections que nous avons essayé d’atténuer, dans la mesure du possible, avec le concours inestimable du comité d’organisation local, dont les membres ont beaucoup contribué à l’accueil, au secrétariat, à la sécurité, bref à l’encadrement général de notre rencontre. Merci au personnel affable et efficace de l’hôtel qui nous a hébergés, et j’espère que cette session de formation ouvre la série d’autres rencontres entre vous, et des échanges même à distance, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies de communication. Que chacune et chacun d’entre vous fasse un bon retour au pays, avec le ferme engagement de contribuer à l’exécution des conclusions et recommandations de ce séminaire de Ouagadougou. Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Le parrainage et le soutien que vous nous avez accordés, en procédant personnellement à l’ouverture et à la clôture de ce séminaire, malgré vos nombreuses charges, la réorganisation récente de votre système judiciaire pour y inclure les tribunaux pour enfants, l’affectation de nombreux magistrats à ces nouvelles juridictions, l’honneur que vous nous avez fait en nous recevant dans votre cabinet avec les amis responsables de l’IDE, auront largement témoigné de votre engagement personnel pour la cause de la justice des mineurs. Puisse votre exemple faire école dans d’autres pays de l’espace francophone. Je vous remercie. 219 Séminaire en justice des mineurs 220 Séminaire en justice des mineurs ALLOCUTION DE CLÔTURE Boureima BADINI Mesdames, Messieurs, La cérémonie de ce soir 3 décembre 2004 marque la fin de votre cours régional sur la justice des mineurs tenu cinq jours durant à Ouagadougou. A l’ouverture le lundi passé, je prenais date avec vous pour l’évaluation des travaux, des connaissances acquises et de l’ambiance générale de travail ; il m’est revenu que dans l’ensemble, les choses se sont plutôt bien déroulées, en dépit de quelques difficultés notées ça et là. Je vous en félicite, convaincu qu’au finish, ce sont les enfants, nos enfants qui récolterons les fruits les plus pérennes de nos actions du moment. J’ai pu également noter avec intérêt vos recommandations dont je fais miennes pour l’essentiel, notamment quant à la poursuite du cours vers un approfondissement des connaissances reçues à Ouagadougou. Mesdames, Messieurs, Chers participants, Les nombreux échanges que vous avez eu sur des sujets mutuellement enrichissants ont achevé de nous convaincre, non seulement de la pertinence du cours, mais encore et surtout de la nécessité d’une justice spécifique et mieux adaptée à l’enfance. C’est pourquoi et, avant de terminer mon propos, je voudrais remercier une fois encore les différentes structures d’appui qui ont permis la tenue de ce présent séminaire dont mon pays s’est fait l’honneur d’abriter : - l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie ; la Coopération Suisse et l’Institut des Droits de l’enfant notamment. J’espère qu’au delà du rythme de vos travaux, vous avez su vous aménager un temps pour découvrir quelques unes des « charmes » de notre capitale tout juste sortie du Xe Sommet de la Francophonie. En vous souhaitant un bon retour dans vos pays, vos familles et vos administrations respectives, je déclare clos le cours régional sur la justice des mineurs. Je vous remercie. 221 Séminaire en justice des mineurs 222 Séminaire en justice des mineurs SYNTHESE Michel LACHAT Cinq jours de travail sérieux avec quarante-deux participants venant de douze pays d’Afrique francophone, soit le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Conakry, le Mali, le Maroc, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal et le Togo, des participants très actifs qui ont tous eu l’occasion de présenter leur système judiciaire, mais aussi d’exprimer leur opinion personnelle en séance plénière et surtout dans les ateliers. Au terme de ce cours de formation, ici, à Ouagadougou, je tiens tout d’abord à vous dire merci à vous toutes et tous pour : • votre remarquable ponctualité • votre constante bonne humeur • et surtout votre généreux engagement. Si, suite à l’analyse du rapport d’évaluation que je viens de dépouiller, je peux qualifier ce cours de formation de très bon, vous êtes, Mesdames et Messieurs, bien entendu, les artisans de ce succès. Je souhaite, dans un deuxième temps, rendre hommage aux intervenants qui ont, par leur expérience, leur compétence, leur sérieux et leur sensibilité à la cause des enfants, apporté des informations pertinentes et de la documentation en qualité et quantité, qui permettront aux participants de devenir, à leur tour, des formateurs pour leurs paires. C’était un des principaux objectifs de cette rencontre ! Félicitations et merci de tout cœur à : • • • • Me Laure Desforges, avocate clairvoyante, sachant défendre ses causes avec l’humanité propre aux Grands du Barreau M. Christian Maes, Procureur au style percutant et ô combien réaliste, qui fait honneur à sa profession M. Oscar d’Amours, au nom évocateur, magistrat serein dont la sensibilité n’a d’égale que son souci de la Justice M. Herman Zoungrana, protecteur acharné des enfants, particulièrement efficace dans ses activités qu’il pratique avec un éternel sourire. L’examen minutieux du statut de l’enfant sous l’angle de la Convention des Droits de l’Enfant, des trois grands Traités internationaux, à savoir les Règles de Beijing, de Riyad et de La Havane, et de la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant, notamment en ce qui concerne l’âge d’intervention, la nécessité de l’intervention précoce, les alternatives à la privation de liberté, le respect de la procédure, en particulier le comportement des intervenants avant le jugement et la défense nécessaire de l’enfant, a permis de déceler des lacunes dans nos législations respectives et de proposer des correctifs judicieux. 223 Séminaire en justice des mineurs Aussi ai-je le droit de conclure que les objectifs ambitieux de ce cours de formation ont été atteints sans aucun doute. En effet, cette semaine de réflexion a permis aux magistrats et autres acteurs en justice juvénile des douze pays d’Afrique que je viens de citer, mais aussi aux formateurs venant de divers horizons : • • • • • • de se rencontrer hors de leur contexte habituel – j’ai pu constater, de visu, les contacts que vous avez tissés durant ce séjour à Ouagadougou et je m’en réjouis – , de développer la capacité d’intervenir de manière interdisciplinaire, en tout cas au niveau justice et police, seul moyen d’obtenir un résultat positif pour l’intérêt de l’enfant, de parfaire des connaissances à vrai dire déjà très poussées chez la très grande majorité des participants, tous fortement impliqués dans la sauvegarde des droits de l’enfant, de réfléchir sur les réformes possibles et plausibles des systèmes nationaux et bien entendu sur la façon de les réaliser dans chaque pays concerné, de donner libre cours aux multiples alternatives à la privation de liberté, ultime sanction réservée aux enfants, enfin, d’établir une liste de recommandations utiles permettant d’améliorer le sort des mineurs les plus démunis. A ce titre, je tiens à relever l’originalité des recommandations qui, une fois n’est pas coutume, ne visent pas que des objectifs onéreux où l’aspect financier tient une place prépondérante et pour lesquelles la réalisation est souvent utopique. Ici, au contraire, les recommandations sont, si la volonté politique de vos différents gouvernements est réellement présente, parfaitement exécutables et peuvent être mises en place, pour la plupart d’entre elles, dès votre retour au domicile. Mes dernières paroles vont aux initiateurs et organisateurs de ce cours de formation à qui j’adresse mes chaleureux remerciements : • • • • à M. le Dr Bernard Comby, Président de l’Institut International des Droits de l’Enfant, qui sait toujours donner l’impulsion là où elle agit avec le plus d’efficacité. En sa qualité d’ancien ministre et avec son étiquette de grand baroudeur, M. le Président Comby dynamise toutes les initiatives. Pour cet homme, qui ouvre toutes les portes ministérielles, la privation de liberté est illusoire et son discours inaugural doit résonner dans nos têtes : « ouvrir une école, c’est fermer une prison » ; à M. Pasteur Nzinahora, Directeur de la coopération judiciaire et juridique de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, qui a été la cheville ouvrière de cette rencontre et qui, par ses contacts étroits avec le milieu et son sens inné de la diplomatie, a pu mettre sur pied, malgré la proximité du dixième Sommet des Chefs d’Etat de la Francophonie, et les perturbations dues à l’instabilité en Côte d’Ivoire, pays voisin du Burkina Faso, un séminaire d’envergure avec la participation de seize pays, si on ajoute la France, le Canada, la Belgique et la Suisse aux douze pays africains. Qu’il soit ici très chaleureusement applaudi ! à Mme Eliane Sourou, efficace et dévouée collaboratrice de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, qui n’a pas ménagé ses efforts pour satisfaire au mieux les hôtes de cette importante rencontre ; au Ministère de la Justice du Burkina Faso, qui non seulement a parrainé cette manifestation, mais a mis à disposition une brigade de secrétaires très performants, emmenée par l’infatigable Conseiller du Ministre, Jean-Jacques Ouedraogo ; 224 Séminaire en justice des mineurs • à vous, enfin, M. le Ministre de la Justice, Boureima Badini, qui avez développé des programmes ambitieux pour consolider les acquis des droits des enfants et qui avez pris le temps de suivre nos débats non seulement en lisant les rapports de vos conseillers mais aussi et surtout en étant présent au début et à la fin de cette manifestation, présence qui nous honore et qui rehausse ce cours qui restera millésimé. « Carpe diem », tel fut le fil conducteur de cette semaine. Mon vœu du début du cours a été exaucé car, en ma qualité de juge, j’ai l’intime conviction que vous, participants à cette formation, avez su mettre à profit ces cinq journées d’études en mêlant concentration et sérieux d’une part, joie et amitié d’autre part. Nous avons beaucoup parlé et les fruits de nos débats pousseront dès demain, car, comme le dit un proverbe malien, « même si la palabre ne peut labourer le champ, elle a au moins le mérite de trouver une solution ». Je vous remercie. Ouagadougou, 03.12.04 Annexe I : liste des participants Annexe II : résultats de l’évaluation 225 Séminaire en justice des mineurs 226 Séminaire en justice des mineurs RECOMMANDATIONS 1. Harmoniser les législations nationales des pays participants sur la base des grands principes internationaux et de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. 2. Intégrer dans les législations nationales le principe du respect, en tout temps, de la vie privée du mineur privé de liberté et les éventuelles exceptions. 3. Fixer dans les législations nationales la durée maximale de la détention préventive pour les mineurs. 4. Inscrire dans les législations nationales le droit de faire appel à un avocat, dès la 24ème heure de l’enquête policière. 5. Mettre sur pied une association d’avocats spécialisés dans le domaine de la justice juvénile et prévoir son mode de rémunération. 6. Obliger les parents à déclarer la naissance de leur enfant à l’état civil, dans un délai établi dans les législations nationales, sous peine de sanction, et faciliter l’accès de l’état civil par son déplacement dans les villages. 7. Garantir l’appréciation du discernement par le juge dans les législations nationales, là où celle-ci est prévue selon des critères préétablis et en cas de doute, réserver aux mineurs le bénéfice de la minorité. 227 Séminaire en justice des mineurs 8. Interdire l’appréciation du discernement comme facteur d’aggravation de la peine. 9. Instaurer une juridiction spécialisée pour mineurs dans les Etats qui en sont dépourvus. 10. Prévoir et maintenir une formation pluridisciplinaire pour les acteurs en justice juvénile. 11. Développer les alternatives à la privation de liberté, en privilégiant la médiation à toutes les étapes de la procédure. 12. Responsabiliser les parents démissionnaires et les soutenir dans leurs efforts éducatifs ; à défaut d’acceptation, prendre des mesures dans l’intérêt de l’enfant. 13. Prévenir la délinquance juvénile en donnant une priorité aux premiers lieux de socialisation : la famille, l’école et communauté. 14. Attirer l’attention des auteurs en justice juvénile sur les dérives d’une médiation excessive de la violence. 228 Séminaire en justice des mineurs Annexe I LISTE DES PARTICIPANTS Nom et Prénoms Pays Structure et fonction TOKPANOU T. Louis BENIN Commissaire de Police Chef de la Brigade de protection des mineurs ZANOUVI Célestin BENIN Magistrat, Juge des enfants au Tribunal de Cotonou ZANNOU M. Clément BENIN Directeur Exécutif de ASSODIP ONG, Coordonnateur du Programme PRONEEB Président du Tribunal pour Enfants de Ouagadougou KAM GUY Hervé BURKINA FASO FORGO Célestin BURKINA FASO Directeur de la sécurité Pénitentiaire (Ministère de la Justice) COMPAORE Maïza BURKINA FASO Substitut du Procureur du Faso (Ouagadougou) 229 Adresse complète 06 BP 361 Cotonou Tél. : (+229) 33 81 33 / 33 85 66 Mobile : (+229) 96 48 97 E-Mail : tlouis7@yahoo.fr 07 BP 531 Cotonou Tél. : (+229) 30 11 35 (Cabinet) Mobile : (+229) 28 24 33 BP 2375 Porto Novo Tél./Fax : (+229) 21 25 25 E-Mail : ongassformat2000@yahoo.fr 01 BP 95 Ouagadougou Tél. : (+226) 70 24 90 74 E-Mail : guyherve71@hotmail.com 01 BP 95 Ouagadougou Tél. : (+226) 50 33 59 76 Mobile : (+226) 76 61 97 69 E-Mail : forceles@yahoo.fr 05 BP 6265 Ouagadougou Tél. : (+226) 50 38 35 40 Mobile : (+226) 70 28 87 42 Séminaire en justice des mineurs BAMBARA/OUATTARA Sophie Marie BURKINA FASO KOYENGA Dieudonné BURKINA FASO MEDA/DABIRET Honorine BURKINA FASO ROUAMBA Adama BURKINA FASO BURKINA FASO HIEN Didier VOHO Médard BURKINA FASO MOYEGA Léon BURKINA FASO ZONGO Fortuné Gaétan BURKINA FASO Magistrat, Substitut du 11 BP 898 Ouagadougou Procureur du Faso (Ouagadougou) Tél. : (+226) 50 35 32 52 Mobile : (+226) 70 24 93 91 E-Mail : sophiebambara@hotmail.com Inspecteur de sécurité 01 BP 526 Ouagadougou Pénitentiaire Tél. : (+226) 50 30 72 37 / 78 83 68 73 E-Mail : koyenga@yahoo.fr Ministère de la Justice, Ouagadougou Directrice des Affaires Civiles, Tél. : (+226) 50 30 08 63 Pénales et du Saut Inspecteur de sécurité 01 BP 526 Ouagadougou Pénitentiaire Tél. : (+226) 50 36 18 64 Membre de la DAPRS 01 BP 526 Ouagadougou 01 Tél. : (+226) 50 33 08 98 Mobile : (+226) 76 54 26 06 E-Mail : didierhien@yahoo.fr Ministère de la Justice, 01 BP 526 Ouagadougou 01 Directeur de l’APAS Tél. : (+226) 50 33 08 98 Mobile : (+226) 70 26 49 99 E-Mail : medardvoho@yahoo.fr Juge au Tribunal pour Enfants de BP 33 Bobo Dioulasso Bobo Dioulasso Tél. : (+226) 76 61 00 84 E-Mail : moyenga_leon@yahoo.fr Président du Tribunal pour BP 33 Bobo Dioulasso Enfants de Bobo Dioulasso Tél. : (+226) 76 63 92 20 E-Mail : zongo_gaetan@yahoo.com 230 Séminaire en justice des mineurs TOE L. Ghislain BURKINA FASO YAMEOGO/SANON Béatrice BURKINA FASO BURKINA FASO SAGNON/SAWADOGO Gisèle PORGO Ilassa BURKINA FASO KONE Alexandre BURKINA FASO BURKINA FASO FODE Kondé KAMBIRE P. Alexis BURKINA FASO MBOG Céline épouse ABOLO CAMEROUN KOUANKAM Ruth Aurélie épouse SCHLICK CAMEROUN Juge au Tribunal pour Enfants de 01 BP 3405 Bobo Dioulasso Bobo Dioulasso Tél. : (+226) 76 57 83 43 E-Mail : tlg2002fr@yahoo.fr Juge des enfants 01 BP 95 Ouagadougou TGI (Ouagadougou) Tél. : (+226) 70 26 60 24 Juge au Tribunal pour Enfants 01 BP 95 Ouagadougou (Ouagadougou) Tél. : (+226) 50 38 66 66 Mobile : (+226) 70 29 56 63 E-Mail : nathsawadogo@yahoo.fr Juge au siège au Tribunal pour 01 BP 95 Ouagadougou Enfants (Ouagadougou) Tél. : (+226) 76 61 21 22 E-Mail : porgoilassa@yahoo.fr Magistrat en service à la DAPRS, 01 BP 526 Ouagadougou 01 Ministère de la Justice Tél. : (+226) 50 33 08 98 Magistrat, Assistant Project 01 BP 3420 Ouagadougou 01 Officer Child Protection Tél. :(+226)50 30 02 35 (UNICEF) E-Mail : fkonde@unicef.org Magistrat, Direction des 01 BP 259 Ouagadougou 01 Affaires Civiles, Pénales et du Tél. : (+226) 50 30 08 63 / 70 26 82 20 Seau (Ministère de la Justice) E-Mail : waale_pakson@yahoo.fr Magistrat, Substitut du BP 2148 Yaoundé Procureur Tél. : (+237) 966 35 13 / 220 06 40 Magistrat, Juge au Tribunal de BP 189, Mbalmayo 1ère Instance de Mbalmayo Tél. : (+237) 778 92 14 E-Mail : aureliemk@yahoo.fr 231 Séminaire en justice des mineurs BILOGO Geneviève GABON KOUMBA Ibinda Clémentine GABON CAMARA Fanta Oulen BAKARY GUINEE TOURNE N’fa Ousmane GUINEE Magistrat, Juge au Tribunal de 1ère Instance de Libreville Officier de Police Judiciaire à l’EMPIJ Commissaire Principal, Chef Police mondaine (Direction de la Police Judiciaire, Conakry) Président de la Section Pénale, Tribunal de 1ère Instance (Kaloum) Directeur de la Police Judiciaire KANSAYE Hamidou MALI KEITA Djénèba Karabenta MALI Président du Tribunal pour Enfants de Bamako BENMOUSSA Ouafa MAROC Présidente de la Chambre des mineurs à la cour d’appel de Rabat SIDI Goumour NIGER Officier de Police Judiciaire 232 BP 317 Tribunal de Libreville Tél. : (+241) 26 50 59 / 15 95 46 BP 14 229 Libreville Tél. : (+241) 84 14 44 / 82 25 35 Conakry Tél. : (+224) 29 83 84 Bureau : (+224) 45 14 28 E-Mail : cfobakari@yahoo.fr Ministère de la Justice BP 564 Conakry Tél. : (+224) 33 35 85 Direction Générale de la Police BP 268 Bamako Tél. : (+223) 222 30 38 Tribunal pour Enfant de Bamako Tél. : (+223) 229 08 79 / 220 85 29 Tél. : (+223) 606 72 15 13, Rue Attaragil Bloc « L », Secteur 11 Hay Ryad, RABAT Tél. : (+212) 66 34 04 05 S/C mon mari, Mr CHADILI : 61 33 69 49 Niamey, BP 133 Tél. : (+227) 97 75 17 Police judiciaire Tél. : (+227) 73 30 92 Séminaire en justice des mineurs BOUBACAR Zakaria Ibrahim NIGER GANDA Ismaël NIGER Marie Bibiane OMOYI Sheka RDC AWA Djigal SY SENEGAL THIOR Lamine SENEGAL AMEGANKPOE Yaovi TOGO ABBEY KOUNTE Kayi TOGO ABOTSI Koffi Nyameko TOGO BAZAHIGEJEJE Télesphore BURUNDI Magistrat Président, Tribunal de Maradi Tél. : (+227) 41 03 60 Magistrat Tribunal Régional de Niamey, BP 231 Tél. : (+227) 73 55 19 / 98 46 37 Officier de Police Judiciaire Direction Générale de la Police Judiciaire Tél. : (+243) 98 39 21 84 E-Mail : omoyisheka@yahoo.fr Magistrat, Juge des Mineurs Palais de Justice Tribunal Régional de Dakar Tél. : (+221) 644 43 70 / 832 27 87 Conseiller technique du Ministre Ministère de la Justice de la Justice Bulding Administratif, BP 4030 Tél. : (+221) 849 70 55 / 553 63 36 Président de l’Association Enfant 2, Rue Akati, BP 62 091 radieux Tél. : (+228) 220 56 82 / 947 79 54 E-Mail : enfantradieux@yahoo.fr Magistrat, Président du Tribunal BP 342 Lomé pour Enfants de Lomé Tél. : (+228) 226 53 65 / 922 41 40 / 220 08 11 Officier de Police, Chef de la Direction Générale de la Police Nationale Brigade pour Mineurs de Lomé BP 359 Lomé Tél. : (+228) 251 41 45 / 917 85 77 Commissaire de Police, Police BP 417 Bujumbura judiciaire de Bujumbura Tél. : (+257) 22 20 18 (B) / 22 06 95(H) Mobile : (+257) 91 04 50 E-Mail : batmms@yahoo.fr 233 Séminaire en justice des mineurs MBONIHANKUYE Emmanuel BURUNDI Secrétaire Général de l’Observatoire des Droits de l’Enfant (OIDEB) BARANDAGIYE Pascal BURUNDI Magistrat, Juge à la Cour constitutionnelle du Burundi BP 2104 Bujumbura Tél. : (+257) 24 10 99 / 22 78 93 / 0925 921 / 21 14 37 E-Mail : gatumba7@yahoo.fr E-Mail : opde@cni.cbinf.com BP 151 Bujumbura Tél. : (+257) 0913 693 / 23 66 72 LISTE DES CONFERENCIERS Nom et Prénoms Pays Structure et fonction Adresse complète LACHAT Michel SUISSE Juge des mineurs, Fribourg Directeur du Cours D’AMOUR Oscar Juge Chambre jeunesse MAES Christian CANADA (QUÉBEC) BELGIQUE ZOUNGRANA Pingwendé Herman BURKINA FASO Av. Beauregard 13 1701 Fribourg E-Mail : lachatm@fr.ch 1111 Boulevard Jacques Cartier EST Longueil (QC) Canada, J4M 2J6 Koophandelsplein, 23, 9000 Gent E-Mail : christian.maes@just.fgov.be 01 BP 5087 Ouagadougou 01 Tél. : (+226) 50 36 90 74 / 50 36 82 64/ 50 37 07 37 Mobile : 76 62 44 64 Avocat Général (Cour d’appel de GAND) Expert National en droits de l’Enfant ; Directeur Exécutif du Bureau des Initiatives pour la 234 Séminaire en justice des mineurs Protection de l’Enfant (BIPE) DESFORGES Laure FRANCE Avocat au Barreau d’Epinal et de Paris ; Membre d’ASF Fax : 50 32 28 15 E-Mail : hzoungrana@yahoo.fr 70, Rue Chanzy, 88500 Mirecourt France, 17 bis av Foch. Paris 75 016 E-Mail : laure.desforges@free.fr LISTES DES ORGANISATEURS Nom et Prénoms Pays Structure et fonction DR COMBY Bernard SUISSE NZINAHORA Pasteur FRANCE (OIF) Ancien ministre Président de l’Institut Universitaire Kurt Böch (IUKB) DCJJ - AIF 235 Adresse complète BP 4176, 1950 Sion4, Suisse Tél. : (+41) (0) 27 205 70 00 E-Mail : bernard.comby@iukb.ch 13, Quai André Citroen, 75015, Paris Tél. : 01 44 37 32 53 Fax : 01 44 37 32 05 E-Mail : pasteur.nzinahora@francophonie.org Séminaire en justice des mineurs 236 Séminaire en justice des mineurs Annexe II Résultat de l’évaluation Nombre de questionnaires rentrés = 27 Personnes en formation : Magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique francophone 1. Organisation du cours y La présentation du programme du cours était : - très satisfaisante : 10 - satisfaisante : 17 - peu satisfaisante : -y La logistique était (logement, repas, locaux…) : - satisfaisante : 25 - pas satisfaisante : 1 2. Enseignement y Le nombre de participants était : - bon : 25 - trop élevé : 1 - insuffisant : 1 y La méthode de travail vous a convenu : - parfaitement : 14 - moyennement : 12 - pas du tout : -y Auriez-vous souhaité ? : - plus de présentations : - plus de visites : - moins de présentations : - moins de visites : - sans avis : 3. 9 5 2 1 13 Documents de travail y Les documents mis à votre disposition étaient-ils pertinents ? : - oui : 25 - non : 1 - sans avis : 1 237 Séminaire en justice des mineurs 4. Contenu y En tenant compte des issues sociales et pratiques majeures dans votre pays, pensezvous que le thème « Justice des mineurs » était : - très approprié : 19 - approprié : 7 - pas approprié : -y Le contenu des exposés correspondait au thème du cours : - oui : 26 - moyennement : 2 - non : -y Les exposés étaient : - trop généraux : 2 - équilibrés : 23 - trop spécifiques : 2 - sans avis : -y La durée des exposés était : - suffisante : 17 - trop longue : 1 - trop courte : 8 - sans avis : 1 y La durée des ateliers était : - suffisante : 16 - trop longue : 1 - trop courte : 10 y Le cours a répondu à votre attente : - parfaitement : 19 - en partie : 7 - pas du tout : -- sans avis : 1 5. Suivi y Pensez-vous pouvoir bénéficier pratiquement de ce cours dans votre propre engagement ? : - oui : 21 - peut-être : 2 - non : 2 - sans avis : 1 y Allez-vous utiliser ce que vous avez appris dans : - votre travail : 23 - vos recherches : 13 - un autre séminaire : 11 238 Séminaire en justice des mineurs - autres : - sans avis : 3 1 y Pensez-vous utile d’approfondir ce thème par : - un autre cours : 19 - une publication : 10 - autres : 2 6. Remarques/suggestions : y un séminaire sur quinze jours y d’autres séminaires annuels en Afrique pour une évaluation continue y d’autres cours avec les mêmes participants y un cours sur la prise en charge psychosociale des mineurs délinquants y invitation à des ONG et à des agents de sécurité pénitentiaires y plus d’ateliers y regret de l’annulation de la visite du Centre de Laye y possibilité de communiquer avec les intervenants pendant les repas y publication et envoi du document final, comme promis y documentation devrait parvenir avant le séminaire y fourniture de tous les règlements y information aux participants doit se faire plusieurs semaines avant le cours y accueil des participants à l’aéroport 239