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Laif VOYAGE MARRAKECH LA PERLE DU SUD L e soleil, le sable, les palmiers, la bonne chère, les hammams, les riads de luxe, les somptueux palais, et le charme des souks. À bien des égards, les clichés sont flatteurs. Jet-set parisienne, milliardaires ou simples touristes, tous peuvent assouvir leur envie d’exotisme. En 2012, Marrakech est la huitième destination étrangère préférée des Français, la première des retraités. Mais elle est bien plus qu’une jolie carte postale. Troisième ville du Maroc (après Casablanca et Rabat) avec près d’un million d’habitants, elle est également un carrefour des cultures arabe et européenne. Aujourd’hui, qu’est réellement Marrakech ? Qu’est-ce qui la rend toujours aussi fascinante ? Qui l’habite, la fait vivre et vibrer ? Partez à la découverte de cette cité impériale et des grandes figures qui ont décidé de son destin. la bonne chère somptueux,se [sɔ̃ptɥø,øz] à bien des égards [abjε̃dezeDZa] flatteur,se assouvir l’envie (f) Marrakesch ist in den Fokus der Tourismusindustrie geraten. Immer mehr Besucher lassen sich von dieser faszinierenden Stadt verzaubern. Unser Autor Camille Larbey stellt Ihnen aber auch das Marrakesch der Einheimischen und der Künstler mittel vor. Machen Sie sich auf das Schönste gefasst! 12 10/2013 10/2013 das gute Essen prunkvoll in vielerlei Hinsicht schmeichelhaft stillen die Lust le retraité le carrefour impérial,e la grande figure le destin der Rentner der Treffpunkt kaiserlich die große Persönlichkeit das Schicksal 13 y Laif Selva/Leemage VOYAGE la destination favori,te le rendez-vous fréquenter la résidence secondaire la villégiature prisé,e la fréquentation les retombées (f/pl) la frange modeste souffrir de fulgurant,e peupler rehausser [ǩose] violer l’occupant (m) le four à pain le four l’épicerie (f) Marrakech en 1860 SON HISTOIRE M arrakech. Son nom vient du berbère Mour Akouch, qui signifie « terre de Dieu ». Les variantes successives – Morroch (latin), puis Marrocos (portugais) – ont fini par aboutir au nom du pays : Maroc. La ville fut fondée en 1062 par Youssef ben Tachfine, premier souverain de la dynastie des Almoravides. Marrakech est située aux portes du Haut-Atlas, au carrefour des grandes routes caravanières, ce qui lui a permis de devenir, dès le XIIe siècle, une cité prospère et la capitale d’un empire qui s’étendait d’Alger à l’océan Atlantique, et du Tafilalet jusqu’au nord de l’Espagne. Mais au XIIIe siècle, la reconquête de la péninsule ibérique par les souverains chrétiens affaiblit Marrakech. Après près de 400 ans de dynasties berbères originaires de l’Atlas, elle connaît, au XVIe siècle, une renaissance esthétique avec l’arrivée au pouvoir des Arabes. Ces derniers embellissent la ville en construisant de somptueux monuments. Le palais El 14 menacer l’âme (f) gagner le pari de qc le pari responsable préserver Badi du sultan Ahmad al-Mansur fut réalisé avec les matériaux les plus précieux (marbre, poudre d’or…). Ensuite, jusqu’au XIXe siècle, les dynasties se succéderont, chacune apportant son lot d’édifices majestueux. En 1912, les Français prennent le contrôle du Maroc en installant un protectorat ( Approfondissements, p. 28). Ils font construire à Marrakech le Guéliz, un quartier de style européen, pour héberger leurs services administratifs et leurs fonctionnaires. Puis ils délaissent la ville pour Rabat, désignée comme capitale. Marrakech est alors gouvernée par le pacha El Glaoui, proche des autorités françaises. Il sera destitué en 1956, lors de l’indépendance du Maroc. Aujourd’hui, Marrakech est une ville où les siècles se rencontrent : les carrioles tirées par les ânes croisent les voitures de luxe, les souks sont concurrencés par les supermarchés et les jeans côtoient les djellabas. Bienvenue dans la ville des contrastes ! le berbère [bεbε] aboutir à fonder le souverain aux portes de prospère l’empire (m) s’étendre la reconquête [ǩkɔ̃kεt] la péninsule [penε̃syl] affaiblir l’arrivée (f) au pouvoir embellir le marbre se succéder [syksede] le lot [lo] l’édifice (m) héberger les services (m/pl) administratifs le fonctionnaire délaisser les autorités (f/pl) destituer la carriole [kajɔl] l’âne (m) concurrencer côtoyer [kotwaje] la djellaba [dȢεlaba] die Berbersprache führen zu gründen der Herrscher vor florierend das Kaiserreich sich erstrecken die Rückeroberung die Halbinsel schwächen die Machtübernahme verschönern der Marmor aufeinanderfolgen die Anzahl das Gebäude unterbringen die Verwaltung der Beamte aufgeben die Behörden stürzen der Karren der Esel konkurrieren mit hier: nebeneinander existieren die Dschellaba (langes Gewand mit Kapuze) 10/2013 Le salon Majorelle de l’hôtel La Mamounia LE « SAINT-TROPEZ DU MAROC » D ès les premières années du protectorat français, Marrakech devint la destination favorite de l’élite coloniale française. Puis, rapidement, des personnalités mondiales : Churchill, Chaplin, Orson Welles et Édith Piaf avaient leurs habitudes à La Mamounia, un hôtel cinq étoiles construit en 1921, dont le salon a été décoré par Jacques Majorelle ( page 16). Aujourd’hui encore, Marrakech est plus que jamais le rendez-vous des 10/2013 stars, hommes d’affaires, personnalités politiques et médiatiques. Soit ils fréquentent les riads de rêve, hôtels de luxe ou palais royaux, soit ils y achètent une résidence secondaire. La création du Festival international du film de Marrakech en 2001 a également fait de la ville une villégiature très prisée du showbiz. « Kech », comme disent les habitués, est à la mode. Ainsi, la fréquentation touristique est-elle passée d’un million de das Ziel Lieblingshier: der Treffpunkt verkehren in der Zweitwohnsitz der Ferienort geschätzt die Besucherzahl die Auswirkungen die Randgruppe hier: mit geringem Einkommen leiden unter rasant bevölkern aufstocken hier: verletzen der Bewohner hier: die Backstube; der Backofen das Lebensmittelgeschäft bedrohen die Seele etw. schaffen; die Herausforderung verantwortungsbewusst schützen visiteurs en 2001 à environ 1 800 000 en 2010. La ville qui comptait 25 hôtels en 1973 en totalise 152 actuellement. Les retombées économiques sont évidentes. La frange modeste de la population souffre cependant de cette expansion fulgurante. La géographie sociale de la médina (vieille ville) s’est, par exemple, complètement transformée : autour de la place Jemaa el-Fna, certaines rues sont peuplées à plus de 50 % par des Européens. Beaucoup d’entre eux font rehausser leur résidence secondaire d’une terrasse d’où ils ont vue sur les maisons voisines, violant l’intimité des occupants. Dans certains quartiers, les boutiques de souvenirs ont remplacé les fours à pain traditionnels, les hammams et les épiceries familiales, menaçant la vie sociale des habitants et ce qui fait l’âme de la ville. Marrakech doit donc gagner le pari d’un tourisme responsable et respectueux afin de préserver sa population et ses richesses culturelles. 15 y nulle part ailleurs [nylpaaj] éclipser LE JARDIN MAJORELLE C ’est un jardin botanique comme il n’en existe nulle part ailleurs. Si célèbre qu’il éclipse souvent l’œuvre de son créateur : le peintre français Jacques Majorelle. Celui-ci voit le jour en 1886 à Nancy. À 17 ans, il abandonne ses études d’architecture pour se consacrer à la peinture. Puis, avide de nouveaux horizons, il se rend en Bretagne, en Espagne, en Italie ainsi qu’en Égypte, pays où il se passionne pour la culture islamique. En 1917, il s’installe définitivement à Marrakech, envoûté par la ville : « Et dans ces souks éclaboussant de vie féconde et heureuse où j’ai travaillé l’autre jour au milieu d’une foule indifférente toute à son activité marchande, bourdonnant comme une ruche d’abeilles […], l’œil s’enfonce voluptueusement », écrit-il à un ami. Dès lors, il consacrera sa carrière à peindre avec ferveur la ville et le sud marocain. En 1923, Jacques Majorelle achète un terrain situé près de la palmeraie de Marrakech. Il y fait construire une maison dans le style mauresque puis, en 1931, demande à l’architecte Paul Sinoir de lui concevoir une villa cubiste, dans le pur style Art déco. Autour de sa demeure, le peintre amé- 16 nage ensuite un jardin botanique qu’il ne cessera d’enrichir au cours de sa vie. Ce passionné souhaite bâtir, selon ses mots, une « cathédrale de formes et de couleurs, un jardin impressionniste ». À partir de 1937, il repeint entièrement son atelier et une partie de son domaine en un bleu clair et intense, si caractéristique qu’on l’appelle désormais le « bleu Majorelle ». Pari réussi pour l’artiste : le bleu vif des bassins, fontaines, jarres et portails mélangé aux différentes nuances de vert fait du jardin un véritable tableau impressionniste. À la mort du peintre en 1962, le parc est laissé à l’abandon jusqu’à ce qu’en 1980, Yves Saint Laurent et son compagnon Pierre Bergé rachètent la propriété et la restaurent. Le styliste aime s’y réfugier pour dessiner ses collections : « Depuis de nombreuses années, je trouve dans le jardin Majorelle une source inépuisable d’inspiration et j’ai souvent rêvé à ses couleurs qui sont uniques. » Les cendres d’Yves Saint Laurent, décédé en 2008, ont été dispersées dans le jardin. Aujourd’hui géré par la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, le jardin Majorelle est l’une des attrac- nirgendwo sonst in den Hintergrund drängen voir le jour das Licht der Welt erblicken abandonner aufgeben se consacrer sich widmen avide de begierig auf envoûté,e verzaubert éclabousser de vie entspr.: vor Leben féconde sprühen la foule die Menschenmenge indifférent,e gleichgültig bourdonner summen la ruche d’abeilles der Bienenstock s’enfoncer eintauchen voluptueusement genüsslich la ferveur der Eifer la palmeraie [palmǩε] der Palmenhain concevoir [kɔ̃sǩvwa] entwerfen la demeure das Haus aménager anlegen ne (pas) cesser de nicht aufhören enrichir erweitern le domaine [dɔmεn] das Anwesen désormais [dezɔmε] von nun an réussi,e gelungen vif,vive kräftig, leuchtend le bassin das Becken la fontaine der Springbrunnen la jarre großer Tonkrug le portail [pɔtaj] das Portal le tableau das Gemälde laisser à l’abandon (m) verkommen lassen le compagnon der Lebensgefährte la propriété der Besitz se réfugier sich zurückziehen la source die Quelle inépuisable unerschöpflich les cendres (f/pl) die Asche décédé,e verstorben disperser verstreuen géré,e verwaltet la fondation die Stiftung phare Hauptdéambuler flanieren le nymphéa [nε̃fea] die weiße Seerose luxuriant,e [lyksyjǡ̃,ǡ̃t] üppig inaugurer eröffnen tions phares de Marrakech : chaque année, 600 000 visiteurs viennent déambuler entre les cactus, les bambous géants et les bassins aux nymphéas. Une vingtaine de jardiniers sont nécessaires pour s’occuper des 300 plantes de ce parc luxuriant. Et dans l’ancien atelier du peintre, un petit musée consacré à la culture berbère a été inauguré en 2011. 10/2013 Hemis/Laif (3), Photononstop/Look-foto VOYAGE Le musée berbère est le premier lieu culturel exclusivement consacré aux arts et à la culture berbères au Maroc. Le jardin Majorelle, ouvert au public depuis 1947 10/2013 Une trentaine d’espèces différentes de cactus y sont représentées. 17 y Manuel Cohen/AFP/Getty La place Jemaa el-Fna est particulièrement animée le soir. d’hui, les artisans, organisés en corporations, y ont leur atelier. Tanneurs, forgerons, vanniers, tisserands, bijoutiers… Si les vendeurs de Marrakech sont réputés pour leur bagou, ils sont aussi les champions de la création linguistique : le touriste peut se voir proposer un « whisky berbère » (un thé à la menthe), des « chaussures climatisées » (babouches en raphia) ou des « Adidas berbères » (babouches à semelles de caoutchouc) ! Tendez l’oreille, et derrière le brouhaha, vous entendrez peut-être le chant du « tibibt », un petit oiseau bruyant du Sahara, particulièrement aimé des habitants de la médina. BALADE DANS LA MÉDINA E ntrons dans la vieille ville, encerclée de 19 km de remparts vieux de 1 000 ans. Première halte sur la place Jemaa el-Fna. Ce terme signifie littéralement « assemblée des trépassés » : les sultans y exposaient les têtes des suppliciés. Nulle trace de l’attentat dit « d’Argana » qui coûta la vie à 17 personnes au printemps 2011. En fin de journée, le spectacle est permanent. On y croise des charmeurs de ser- pent, conteurs, musiciens, tatoueuses au henné, guérisseurs, jeunes acrobates, montagnards de l’Atlas, nomades et Berbères. La place Jemaa el-Fna a un tel cachet qu’elle a été classée en 2001 au Patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Direction les souks, un vaste labyrinthe de 3 000 derbs (ruelles). À l’origine, les souks servaient de point de rencontre aux caravaniers. Aujour- la balade encerclé,e le rempart [ǡ̃pa] littéralement les trépassés (m/pl) exposer le supplicié la trace le charmeur de serpent le conteur la tatoueuse au henné [ene] le guérisseur le montagnard le cachet le Patrimoine oral et immatériel de l’humanité l’artisan (m) la corporation le tanneur le forgeron le vannier le tisserand le bijoutier le bagou Il y aurait 18 souks à Marrakech, soit environ 40 000 artisans. 18 la menthe la babouche [babuȓ] le raphia [afja] la semelle [sǩmεl] de caoutchouc [kautȓu] tendre l’oreille [lɔεj] le brouhaha [buaa] bruyant,e [bɥijǡ̃,ǡ̃t] der Spaziergang umgeben die Stadtmauer buchstäblich die Verstorbenen hier: zur Schau stellen der (zu Tode) Gefolterte die Spur der Schlangenbeschwörer der Märchenerzähler die Hennatätowiererin der Heiler der Bergbewohner der Charakter das mündliche und immaterielle Erbe der Menschheit der Handwerker die Zunft der Gerber der Schmied der Korbflechter der Weber der Juwelier, der Schmuckhändler die Zungenfertigkeit, das Mundwerk die Minze der Schnabelschuh der Raphiabast die Gummisohle die Ohren spitzen der Lärm laut 10/2013 LES PETITS SURNOMS DE MARRAKECH • Grâce à sa beauté impériale et sa richesse culturelle, la ville est appelée « la perle du Sud ». • La couleur des remparts, des minarets et des maisons lui vaut aussi le surnom de « ville rouge ». • Marrakech est également nommée la « ville des sept saints », car elle abrite sept tombeaux de théologiens islamiques et grands mystiques soufis. De nombreux Marocains y viennent en pèlerinage. • Certains touristes, victimes de commerçants malhonnêtes, l’ont renommée « Arnakech » (qui contient le mot « arnaque »). Cour intérieure de la médersa Ben Youssef Un proverbe maghrébin dit : « Ce qui est passé est mort. » Dans l’histoire de Marrakech, chaque nouvelle dynastie essaya de faire oublier la précédente. Beaucoup de monuments ont ainsi été détruits. Heureusement, de somptueux édifices religieux, grâce à leur caractère sacré, ont pu échapper aux turbulences de l’Histoire. Le visiteur peut donc s’émerveiller devant la mosquée Koutoubia, un chef-d’œuvre de l’art hispano-mauresque édifié au XIIe siècle. Le minaret de 69 mètres est surmonté de quatre petites boules en cuivre doré. Elles proviendraient des bijoux de Zineb, la belle épouse du pacha Youssef ben Tachfine. le proverbe précédent,e sacré,e échapper à s’émerveiller le chef-d’œuvre [ȓεdv] surmonter le cuivre [kɥiv] doré,e le détour la médersa à couper le souffle le bois de cèdre le carreau de faïence [fajǡ̃s] juif,ve se dresser le plafond la dorure le vitrail [vitaj] 10/2013 das Sprichwort vorhergehend heilig verschont bleiben (be)staunen das Meisterwerk überragen das Kupfer golden die Biegung die Koranschule atemberaubend das Zedernholz die Steingutkachel jüdisch sich erheben die Decke die Vergoldung das bunte Fenster Au détour d’une ruelle se cache la médersa Ben Youssef, une école coranique fondée au XVIe siècle. Sa richesse ornementale est à couper le souffle : bois de cèdre sculpté en provenance de l’Atlas, marbre de Carrare (Italie) et superbes zelliges – petits carreaux de faïence émaillée aux motifs géométriques complexes. Sûrement l’un des plus beaux monuments de Marrakech ! Au sud de la médina, près du Mellah – l’ancien quartier juif –, se dresse le splendide palais de La Bahia, bâti à la fin du XIXe siècle par le vizir Ahmed Ben Moussa. On se croirait dans un conte des Mille et Une Nuits : plafonds sculptés en bois de cèdre, dorures, patios, appartements secrets, vitraux – les premiers du Maghreb ! « La Bahia » signifie « la belle ». Le palais servait de résidence non seulement à la favorite du vizir, mais aussi aux quatre épouses de ce dernier ainsi qu’à ses 24 concubines et à ses nombreux enfants ! L’actuel souverain du Maroc, Mohammed VI, y habite de temps en temps. Un privilège de roi ! le surnom valoir le saint qc abrite qc le tombeau le pèlerinage [pεlinaȢ] malhonnête [malɔnεt] l’arnaque (f) der Spitzname einbringen der Heilige etw. befindet sich in das Grab die Pilgerfahrt unehrlich die Betrügerei Laif Manuel Cohen/AFP/Getty, Picture alliance/Robert Harding VOYAGE La mosquée Koutoubia, merveille du XIIe siècle 19 y VOYAGE LA MAISON DE LA PHOTOGRAPHIE DE MARRAKECH ment projetés, dont le premier film en couleur sur les Berbères du HautAtlas, tourné en 1953. « Je voulais créer une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée, pour que les cultures se connaissent et s’apprécient, explique Patrick Manac’h. Il y a aussi une orientation ethnologique et archéologique : montrer la diversité des comportements humains. » DR epuis plusieurs décennies, Patrick Manac’h collectionne des photos. Après avoir parcouru le monde entier, ce grand voyageur pose ses valises à Marrakech. Il y ouvre en 2009, avec un Marocain, Hamid Mergani, la Maison de la photographie. Quelque 8 000 clichés du Maroc, pris entre 1862 et 1950, y sont rassemblés. Des documentaires inédits sont égale- Les photographes exposés tels Wilson, Flandrin, Veyre ou Garaud sont connus des spécialistes, mais la plupart sont des diplomates, militaires, archéologues ou simples voyageurs anonymes qui ramenèrent dans leurs bagages des clichés de la vie quotidienne du Maroc de l’époque. Patrick Manac’h retrouve et achète ces précieuses photos lors de ventes privées. La Maison de la photographie est située dans un ancien « fondouk », une vaste maison jadis utilisée par les caravaniers pour entreposer leurs marchandises. Au dernier étage, un petit café offre une belle vue panoramique sur Marrakech. Jusqu’à présent, la Maison a fait principalement le bonheur des touristes avertis. Les Marrakchis, eux, n’ont pas encore l’habitude de fréquenter les lieux dits « culturels », car ils les perçoivent comme des endroits réservés aux étrangers. Mais les réactions de ceux d’entre eux qui finissent par y aller sont positives. Ils sont toujours heureux de découvrir des documents inédits sur leur propre histoire. la décennie [deseni] parcourir poser ses valises (f) le cliché inédit,e projeter [pɔȢte] la passerelle [pasεl] la rive s’apprécier la diversité La Maison de la photographie abrite une collection de photos anciennes du Maroc. 20 le comportement les bagages (m/pl) précieux,se jadis [Ȣadis] entreposer la marchandise averti,e percevoir comme das Jahrzehnt bereisen sich niederlassen das Foto unveröffentlicht zeigen die Brücke das Ufer sich schätzen die Verschiedenartigkeit die Verhaltensweise das Gepäck wertvoll einst lagern die Ware versiert ansehen als 10/2013 se distinguer l’hôte (m) l’équipe (f) employer [ǡ̃plwaje] désormais [dezɔmε] en faveur de le droit la condition l’entrepreneuse (f) méprisant,e gênant,e la protection la démarche administrative le foyer [fwaje] actif,ve Laif D le guide vanter l’établissement (m) l’épaule (f) d’agneau rôti,e l’amande (f) gérer/tenir se former Cérémonie du thé au restaurant Al Fassia RESTAURANT AL FASSIA LA RÉUSSITE AU FÉMININ T ous les guides touristiques de Marrakech vantent la cuisine de cet établissement, et spécialement son épaule d’agneau rôtie aux amandes. Ce restaurant possède une caractéristique rare : il est uniquement géré par des femmes. Al Fassia a été fondé en 1985 par Fatima Chab et est aujourd’hui tenu par les trois filles de la fondatrice : Saïda, Mariam et Myra. Les trois sœurs se sont formées en Europe et aux États-Unis 10/2013 avant de revenir travailler dans l’entreprise familiale. « Il y a 20 ans, il n’y avait aucun établissement à Marrakech, ni même au Maroc, dirigé par des femmes, se souvient Saïda Chab. On voulait se distinguer et respecter la tradition, car au Maroc, c’est la femme qui cuisine, s’occupe de ses hôtes et sert à table. » En cuisine comme au service, les équipes d’Al Fassia sont uniquement féminines. Les hommes ne sont pourtant pas totalement ab- der Führer loben das Lokal die Lammschulter gebraten die Mandel führen eine Ausbildung bekommen sich unterscheiden der Gast das Team beschäftigen jetzt für das Recht hier: die Situation die Unternehmerin verächtlich unangenehm der Schutz der Behördengang der Haushalt erwerbstätig sents : quelques-uns sont employés comme portiers ou musiciens. En 30 ans, l’affaire familiale a beaucoup prospéré. Al Fassia possède désormais deux restaurants gastronomiques et un hôtel à Marrakech ainsi qu’un riad à Fès. Depuis une dizaine d’années, le pouvoir royal a fait passer des lois en faveur des droits des femmes, mais la condition féminine dans la société patriarcale marocaine est encore difficile. Lorsque l’on demande à Saïda Chab si elle a rencontré des difficultés au début de sa carrière d’entrepreneuse, elle se souvient surtout du regard méprisant des hommes : « C’était très gênant. Aujourd’hui, c’est plus simple. Mais même si les choses se sont améliorées, il faut toujours une “protection” masculine pour simplifier les choses, comme par exemple les démarches administratives. La société marocaine reste machiste… » Au Maroc, trois quarts des femmes ne travaillent pas en dehors du foyer. Saïda Chab est donc heureuse de pouvoir représenter la femme marocaine active. I 21