Droit administratif
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Cours-Droit administratif LMD 2013_Mise en page 1 17/09/13 15:26 Page1 collection COURS collection COURS 2 0 13 ÉDITION 2013 J. MORAND-DEVILLER Jacqueline MORAND-DEVILLER est professeur émérite de l'Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). L M D Droit administratif Cet ouvrage de droit administratif général présente l'exposé du cours en mettant en valeur les questions essentielles, leur évolution et les interrogations donnant lieu à débat. Chaque chapitre est accompagné d’exercices pratiques, permettant d'acquérir une méthode rigoureuse de présentation des connaissances. Ce Cours s'ordonne ainsi autour de trois parties : le cadre de l'action administrative (juridiction administrative, administration centrale et administration locale), les fins et moyens de l'action administrative (principe de légalité, actes administratifs unilatéraux, contrats de l'administration, service public, police administrative) et les contrôles et sanctions de l'action administrative (intervention du juge judiciaire dans le contrôle de l'action de l'administration, procédure administrative contentieuse et recours pour excès de pouvoir, responsabilité administrative). En encadrés, des extraits de jurisprudence, doctrine, réglementation, sont destinés à fixer l'attention et à rendre plus vivantes les données abstraites exposées auparavant. Les thèmes de réflexion et les commentaires d'arrêts sont accompagnés de corrigés, modèles - parmi d'autres - de plans structurés propres à faciliter la rectitude du raisonnement et la force de la démonstration, qualités essentielles du juriste. Une introduction générale traite des constantes, des mutations et des perspectives du droit administratif. Cet ouvrage, à jour de la législation et de la jurisprudence la plus récente, s'adresse aux étudiants, aux candidats aux concours de la fonction publique, et plus largement aux professionnels du droit. LMD ISBN 978-2-275-04109-4 www.lextenso-editions.fr 36,50 € Droit administratif Cours Thèmes de réflexion Commentaires d’arrêts avec corrigés Juridiction administrative • Administration centrale et locale Principe de légalité • Acte administratif unilatéral Contrats - Service public - Police Recours pour excès de pouvoir • Responsabilité Jacqueline MORAND-DEVILLER Miles Oasys 17-09-13 10:42:34 LG3176 $CH1 - Oasys 19.00x - p. 746 Droit administratif 2013 746 DROIT ADMINISTRATIF Commentaire comparé de deux arrêts Faute de service — Faute personnelle 1o TC, 21 décembre 1987, « Kessler » « Considérant que, selon les faits que ne conteste pas M. Eugène Thézenas, celui-ci, en sa qualité d’agent des postes et télécommunications, assurait, le 25 novembre 1993, vers 9 heures 30, la distribution du courrier dans un immeuble situé 15, rue Pache à Paris (11e) lorsque, à la suite d’une altercation qu’aurait provoquée le comportement de M. Kessler, destinataire d’un colis recommandé, il a porté des coups à cet usager ; Considérant que, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils sont intervenus, ces actes de violence, injustifiés au regard des pratiques administratives normales, révèlent une attitude malveillante de la part de M. Thézenas à l’égard de M. Kessler et constituent ainsi une faute personnelle détachable du service public qu’accomplissait M. Thézenas ; que, par suite, la juridiction judiciaire est seule compétente pour statuer sur l’action engagée par M. Kessler pour obtenir de M. Thézenas la réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi ; Décide : Art. 1er : L’arrêté de conflit du préfet, commissaire de la République du département de Paris, en date du 3 juin 1987, est annulé. » 2o CE, 23 décembre 1987, « E´poux Bachelier » « Considérant que, le 7 septembre 1972, M. Gillet, gardien de la paix, a blessé involontairement en manipulant son pistolet de service le jeune Bachelier Laurent, qui est décédé des suites de ses blessures le 11 septembre 1972 ; que M. Gillet n’était pas en service lors de l’accident mais que, conformément aux pratiques du corps auquel il appartenait, il conservait son pistolet à son domicile ; que, dans ces conditions, compte tenu des dangers qui résultent pour les tiers de la détention d’une arme à feu par un gardien de la paix en dehors du service, l’accident ne peut être regardé comme dépourvu de tout lien avec celui-ci ; que la circonstance que M. Gillet ait commis, en l’espèce, une faute personnelle ne peut avoir pour conséquence de dégager de sa responsabilité envers les ayants droit de la victime la commune d’Enghien-lesBains, pour le compte de laquelle M. Gillet exerçait des attributions relevant de la police municipale et qui, vis-à-vis des requérants, n’est pas fondée à se prévaloir de ce que la compétence territoriale du commissariat de police d’Enghien-les-Bains s’étendait à une autre commune ; que la victime n’a commis, en l’espèce, aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune d’Enghien-les-Bains ; Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il sera fait une exacte appréciation de la douleur morale que les ayants droit de la victime ont éprouvée en allouant 20 000 F tant à M. Bachelier qu’à son épouse divorcée, Mme Fortune, respectivement père et mère de la victime, et 5 000 F à chacune des trois sœurs de celle-ci. » Miles Oasys 17-09-13 10:42:35 LG3176 $CH1 - Oasys 19.00x - p. 747 Droit administratif 2013 La responsabilité administrative 747 Corrigé Les faits. Première affaire : Une vive altercation à l’intérieur d’un immeuble met aux prises un agent des P. et T. qui assurait la distribution du courrier et un habitant de l’immeuble, destinataire d’un colis recommandé. Ce dernier, M. Kessler, met en cause la responsabilité de l’agent devant le juge judiciaire. Le préfet élève le conflit. Le TC confirme la compétence du juge judiciaire. Deuxième affaire : Un adolescent décède des suites d’un coup de feu involontairement tiré par un gardien de la paix qui, bien que n’étant pas en service, manipulait un pistolet réglementaire. Les ayants droit s’adressent au TA qui rejette leurs conclusions. Ils font appel devant le CE qui fait droit à leur demande. Ces deux arrêts traitent à la fois de l’identification de la personne responsable (I), de la qualification de la faute (II) et de la recherche du juge compétent (III). I. La recherche de la personne responsable — Dans la première affaire, la seule personne mise en cause par le requérant était l’agent des P. et T. On peut néanmoins se demander si la responsabilité de l’E´tat n’aurait pu aussi être engagée (cf. infra III). — Dans la seconde affaire, on peut s’interroger pour savoir qui de la commune ou de l’E´tat doit supporter l’indemnisation du dommage, le gardien de la paix faisant partie du personnel de l’E´tat mais étant, à la date de l’accident, affecté à des tâches de police municipale. L’arrêt rappelle que la commune assume la responsabilité dès lors qu’il y a exercice de la police municipale que l’autorité étatique intervienne à titre permanent ou à titre exceptionnel : CE, 8 avril 1987, « Mme Virmaux », et même lorsque, comme en l’espèce, l’accident est survenu hors service. La qualification de la faute A. Rappeler rapidement les grands arrêts marquant la distinction faute personnelle — faute de service (« Pelletier », 1873), l’apparition du cumul de fautes (« Anguet », 1911), puis du cumul de responsabilités (« Lemonnier », 1918). B. Dans la première affaire, il s’agit de savoir si le comportement de l’agent des P. et T. révèle une faute personnelle. Rappeler les caractéristiques de la faute personnelle. Des critères objectifs : gravité et intention malveillante préférés à une approche subjective telle celle jadis retenue par E. Laferrière : « faiblesses, passions, imprudences » humaines. Donner des exemples de faute personnelle détachable. En l’espèce, le préposé à la distribution du courrier s’était livré à des actes de violence dont la gravité n’est pas précisée mais qui révélaient « une attitude malveillante » et, ajoute le CE, un comportement « injustifié au regard des pratiques administratives normales ». Miles Oasys 17-09-13 10:42:35 LG3176 $CH1 - Oasys 19.00x - p. 748 Droit administratif 2013 748 DROIT ADMINISTRATIF C. Dans la seconde affaire, il s’agissait de l’application de la notion de faute non détachable du service à l’hypothèse d’un accident dû à l’utilisation d’une arme de service mais en dehors de l’exercice des fonctions. Le TA avait retenu la faute personnelle. Le CE confirme sa jurisprudence du 26 octobre 1973 : « Sadoudi », intervenue dans des circonstances voisines : gardien de la paix blessant à son domicile un collègue en manipulant son arme de service. La faute, bien que commise hors service, a été rendue possible grâce aux moyens (arme réglementaire) mis par le service à la disposition de l’agent et qu’il conservait à son domicile « conformément aux pratiques du corps ». L’intention malveillante n’a pas à être recherchée car le moyen laissé à la disposition de l’agent expose les tiers à des risques, en l’espèce les « dangers qui résultent pour les tiers de la détention d’une arme à feu ». E´voquer la possibilité de faire jouer le régime voisin de la responsabilité sans faute du fait de l’utilisation de ces armes par les personnels de police (jurisprudence « Lecomte et Daramy », 24 juin 1949). III. La recherche du juge compétent A. Dans la première affaire, une faute personnelle détachable étant reconnue, le TC confirme la compétence du juge judiciaire et annule l’arrêté de conflit. On peut se demander pourquoi le préfet a attendu trois ans pour élever le conflit mais rappeler que le conflit peut être élevé pour la première fois en cause d’appel, droit reconnu au préfet par : TC, 15 janvier 1990, « Chamboulive ». B. Dans la seconde affaire, la compétence du juge administratif ne faisait pas de doute dès l’instant où le lien avec le service était retenu. C. Les suites contentieuses éventuelles de ces arrêts peuvent être évoquées. Dans l’arrêt « Kessler », si la faute personnelle a été retenue, rien n’interdit de penser qu’un cumul de responsabilité pourrait être revendiqué par l’agent des P. et T., les faits ayant été commis « à l’occasion du service ». Une action récursoire contre l’E´tat serait alors conduite devant le juge administratif. La faute de la victime pourrait être retenue comme cause exonératoire, ce que suggère la formule « altercation qu’aurait provoqué le comportement de M. Kessler ». Dans l’arrêt « E´poux Bachelier », la commune pourrait se retourner contre l’agent (jurisprudence CE, 28 juillet 1961, « Laruelle et Delville ») soit par voie d’action récursoire devant le juge administratif, soit en se faisant subroger dans les droits de la victime à l’encontre de l’agent, comme en l’espèce. Le CE laisse entendre que l’agent aurait pu commettre aussi une faute personnelle. Conclusion Rappeler l’évolution libérale du régime de responsabilité de la puissance publique qui permet de couvrir largement la faute personnelle par la faute de service (2e affaire), tout en sanctionnant les comportements inadmissibles des agents publics (1re affaire). E´voquer la réparation du préjudice moral et ses limites : CE, 24 novembre 1961, « Letisserand ». S’interroger sur le montant de l’indemnisation (2e affaire).