TEXTE DE^ ILLUSTRATIONS ALEX COUTET^ DE RIBET
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TEXTE DE^ ILLUSTRATIONS ALEX COUTET^ DE RIBET
Au e I RQuE TEXTE DE^ ILLUSTRATIONS ALEX COUTET^ DE RIBET I L est arrivé une grande joie à Tony; on l'a mené passer ses vacances dans un cirque errant qui se déplace tous les jours à travers la France. Le père de Tony est un industriel qui fabrique les vastes pièces de toile avec lesquelles on fait ces immenses tentes qui abritent le spectacle et les spectateurs ; le directeur du cirque est son ami. Madame la Directrice du Cirque Impérial qui n'a pas d'enfant, a été très heureuse d'adopter Tony pour un mois et le voilà qui fait partie de la famille des nomades. Le Cirque Impérial est une entreprise grandiose, qui comprend une trentaine de trains-automobiles sur route, traînant en tout près de cent chars ou wagons. Les voitures qui sont réservées à l'habitation sont très confortables ; certaines même ont été aménagées avec un grand luxe. Tony est logé dans une des voitures de la direction; il a sa petite chambre, à côté de celle de Madame la Directrice et il couche dans un lit très moëlleux, au milieu de tapis d'Orient et de précieuses fourrures de fauves. Toutes les nuits, dès que la représentation est achevée, la voiture se met en marche vers une nouvelle ville; elle emporte Tony tout endormi. Lui, fait des rêves magnifiques, tandis qu'attelés derrière sa chambre à coucher roulante et composant le même train, suivent une voiture volière remplie d'oiseaux exotiques et un fourgon cage qui renferme six lions. Le Cirque Impérial traîne avec lui, en effet, une des plus importantes ménageries du monde. Elle comprend une quarantaine de grands fauves, LE CIRQUE IMPÉRIAL COMPREND UNE TRENTAINE DE WAGONS-AUTOMOBILES c Yeovv amr : eg)o.(eD -n 2 Fet 0 ( - UNE VOLIÈRE REMPLIE D'OISEAUX EXOTIQUES lions et tigres, toutes sortes d'animaux sauvages, ours blancs, gris et noirs, léopards, panthères, hyènes, loups, de nombreux singes, quatre éléphants et des animaux curieux de toutes espèces. Certes, Tony raffole du spectacle du cirque, mais ce qu'il aime par dessus tout ce sont les fauves. Toute la journée, ou presque, Tony est auprès d'eux ou devant leurs cages, surtout devant celles des lions et des tigres. On dirait même que les félins le reconnaissent; en tout cas, lui, sait très bien les distinguer et les appeler chacun par son nom. Le plus gros des lions c'est César; sa tête est énorme, encadrée d'une crinière rousse qui lui retombe sur les pattes ; son port est majestueux. Son pelage est une véritable fourrure jusqu'à micorps ; on dirait que le reste a été rasé; seule une grosse touffe de poils persiste au bout de la queue. César est bien tondu en lion, mais nul ne s'est livré à cette opération dangereuse qu'il n'aurait certes pas tolérée. César est redoutable et, pourtant, il obéit parfaitement quand son dresseur lui fait faire l'exercice en compagnie de ses congénères. LA LIONNE FANFARE PASSAIT SA LANGUE SUR LA TÊTE CHAUVE DU DOMPTEUR C'est lui qui monte au sommet de la pyramide, tandis que les autres se rangent chacun sur un échelon à sa droite et à sa gauche. Au milieu de la pyramide, sous lui, se tient la lionne Fanfare, la plus disciplinée de tous, qui ne manque pas d'embrasser le dompteur à la fin de chaque exercice. Tony, les premiers jours, ressentit un grand effroi à la vue de Fanfare qui passait sa langue sur la tête chauve du dompteur ; mais, aujourd'hui, . Fanfare et lui sont devenus une paire d'amis. Souvent, à travers les barreaux de la cage, Fanfare tend sa patte à Tony qui la caresse en présence du dompteur. Il a même la permission d'essayer, avec ses petits doigts, de retirer de leur gaine de muscles les terribles griffes de la lionne, qu'elle y renferme comme dans un fourreau, à la manière des chats et qu'elle ne montrerait que si elle voulait attaquer. Mais Fanfare fait patte de velours presque tout le temps. Une fois même, sur l'ordre du dompteur qui se tient toujours là, elle a commencé à lécher la main de son jeune ami; mais, Tony a vite retiré sa main ; la langue du fauve était dure comme une râpe et menaçait de lui égratigner l'épiderme. Tony avait déjà remarqué à la maison que son chat aussi a la langue rude quand il lèche; mais ce qui est simplement agaçant chez ce petit animal, devient insupportable chez les grands félins. q1 11,11)1 1111111113 ,10 14 11 , l■^ 'ftl^ ' FANFARE A COMMENCÉ A LÉCHER LA MAIN DE SON JEUNE AMI LES PETITS LIONS ÉTAIENT ALLAITÉS PAR DEUX GROSSES CHIENNES Tony eut une explication de cette particularité, quand vint l'heure du repas des fauves. Il remarqua que César, aussi bien que Fanfare, loin de dévorer avec avidité leur part de viande, l'étendaient, l'aplatissaient à l'aide de la langue, la râpaient, la limaient, pour ainsi dire, afin de la rendre plus mince, de mieux l'avaler et de mieux la digérer; la nature fait bien ce qu'elle fait. Mais Tony aimait surtout jouer avec les jeunes petits lions. Ceux de Fanfare étaient au nombre de quatre ; comme elle n'avait pas assez de lait pour les nourrir et qu'elle les eut dévorés pour ne pas les voir mourir de faim, on les lui avait enlevés. Les petits lions étaient allaités par deux grosses chiennes avec lesquelles, du reste, ils s'entendaient très bien. Les lionceaux naissent tout mouchetés comme des léopards; mais, à mesure qu'ils grandissent, les taches s'effacent. Ils ont aussi les griffes en venant au monde, mais elles sont très menues et sans danger, si ce n'est pour les rideaux et les fauteuils, quand on les introduit dans les appartements. Les jeunes lions se laissent porter et manier comme de petits chiens. Tony allait aussi rendre visite aux tigres et il demeurait des heures à contempler leur merveilleuse robe où se mêlent tant de couleurs chatoyantes et douces au regard. Il était charmé par leur allure souple et leurs yeux luisants de gouttes d'or. Mais les tigres, trop féroces, ne se laissaient pas approcher. Pourtant ces fauves étaient parfaitement dressés par leurs dompteurs. Il put même constater, au cours des séances de dressage du matin, qu'il ne manquait jamais, que les tigres paraissent plus intelligents que les lions ; ils comprennent et exécutent plus rapidement qu'eux les exercices qu'on leur commande. . TONY ALLAIT AUSSI RENDRE VISITE AUX TIGRES , ---"-^/ . ...---v / -------^ . --^ ---' / .^ -ere-:"-...z - ----------^ / 7 UNE JEUNE ÉCUYÈRE DU CIRQUE IMPÉRIAL Un jour, Tony assista à une scène curieuse. Un employé de la ménagerie fit la Mauvai se plaisanterie de laisser échapper un rat pris à la nasse, juste dans la cage de César. Le formidable lion, à la vue de ce petit animal, recula dans le recoin le plus éloigné de la cage et se mit à trembler, rempli d'horreur et de frayeur. Fort heureusement, le rat se sauva; César eut pu être frappé d'une attaque. Un autre jour, Tony courut un grand danger. Il se trouvait à l'intérieur de la ménagerie, assis sur une caisse, à côté du clown Gougou qui lui faisait repasser sa géographie. Ils entendirent derrière eux un pas feutré et lourd; ils se retournèrent ; c'était le lion Sultan dont, par mégarde, la porte de la cage avait été mal fermée et qui s'était échappé. Or, à cet instant, les singes qui avaient aperçu Sultan en liberté, se mirent à pousser tous des cris terribles et, tandis que le lion passait devant leur cage, ils allongérent leurs pattes à travers les barreaux comme pour le saisir. Le lion, agacé, se retourna contre les singes et, se dressant debout, il posa ses pattes de devant sur la grille des agresseurs, pour essayer de les appréhender. Mais, les barreaux étaient trop rapprochés ; les grosses pattes de Sultan ne pouvaient y passer. En revanche, les longs bras des singes s'y glissaient très bien et les voilà tous entassés, les uns sur les autres, qui accrochent leurs mains prenantes à la crinière de Sultan, tirent à eux tout ce qu'ils peuvent, arrachant des touffes de poil et toujours s'égosillant à crier. Tony avait eu le temps de se sauver, emporté par Gougou, tandis que dresseurs et employés de ménagerie accouraient et faisaient tout rentrer dans l'ordre. LE LION RECULE DANS LE COIN LE PLUS ÉLOIGNÉ DE LA CAGE TONY REPASSAIT SA GÉOGRAPHIE AVEC LE CLOWN GOUGOU Aussi Tony était-il de plus en plus lié avec les clowns... Au début, il ne connaissait d'eux que leurs faces enfarinées, leur bouche agrandie par la peinture rouge, leurs joues et leur front tout mouchetés de noir et il pouvait croire que ces créatures, habillées de larges pantalons bouffants, de grandes robes de soie toutes brodées de dessins étranges, n'étaient pas comme les autres. Mais il s'aperçut que, la représentation terminée, ces clowns redevenaient des hommes, menaient la même vie que tout le monde. Cependant, les clowns lui furent tout de suite très sympathiues le matin, il allait les voir, répéter leurs exercices en costume de ville et il constatait qu'ils étaient des gymnastes d'une agilité extraordinaire, eux qui faisaient les maladroits devant le public. Un matin, l'un d'entre eux saute sur un cheval à l'envers, c'est-à-dire tournant le dos à la tête de l'animal. Il trouve cela drôle ; aussitôt, il appelle le régisseur de piste et un dialogue est composé pour être servi le soir au public. LE CLOWN. — Oh ! Monsieur Ferdinand, ce cheval n'a pas de tête. LE RÉGISSEUR. — Elle est de l'autre côté, M'sieu Auguste. LE CLOWN. — Tournez-la par ici, M'sieu Ferdinand. LE RÉGISSEUR. —C'est impossible, M'sieu Auguste; il faut que vous vous retourniez vous-même. LE CLOWN. — Oh ! non, je ne peux pas, M'sieu Ferdinand, ça me fait mal de voyager à. l'envers. Une autre fois, les ébats des clowns sont interrompus par l'écuyère qui vient répéter sur un nouveau cheval. Elle se tire à merveille de ses exercices. Au moment où elle va sortir, le pitre Billy s'avance vers dresseur : LES SINGES ARRACHAIENT DES TOUFFES DE POIL A LA CRINIÈRE DE SULTAN Moa oussi, dit-il, jé été oun cholie petit demoiselle. — Allons donc, Monsieur Billy. Vô n'étiez pas là, vô, quand je suis né? Moâ j'y été, alors je dois savoir mieux que vô. La bonne me promenait dans oun voiture d'enfant et elle s'asseoit sur le bi-dubout-du-banc pour causer avec oun militaire. Et alors: oun vieille sorcière est venue avec oun petit garçon, et elle a pris moâ, la cholie petit fille de la voiture d'enfant et elle a mis à la place le vilain petit garçon dans la voiture d'enfant et, depuis ce temps là, je suis oun vilain petit garçon. Et Billy de tirer un mouchoir énorme, bariolé de couleurs folles, et de pleurer en hurlant. Tony voyait aussi les clowns se faire des farces entre eux. Un jour, Filis jouait avec Gougou la farce de la pièce de cent sous et de la carafe d'eau. — Voulez-vous gagner cinq francs, m'sieu Gougou? — Mais zoui, mais zoui. — Hé bien voilà, la pièce de cent sous, vous la posez sur le front comme ceci, puis vous la faites tomber là-dedans, comme ça. Si vous réussissez, vous avez gagné. Et Filis, joignant le geste à la parole, pesait sur son front rejeté en arrière un écu; élargissant la ceinture et entr'ouvrant son large pantalon haut montant au-dessus de son ventre, il ramenait un peu le visage en avant et la pièce tombait tout droit dans le pantalon béant. — Oh! ça n'est pas bien difficile, répliquait Gougou, je vais gagner cinq francs tout de suite. Et le voilà qui prend la pièce, la pose sur le front rejeté en arrière, et d'une main, tient son pantalon largement ouvert. Mais, à cet instant, Filis saisiss'ant une carafe d'eau qu'il a dissimulée jusque là, la vide en entier, par. le pantalon, sur le ventre du malheureux Gougou. r Le clown se -met à hurler et se sauve tout trempé. La farce^se déroulait ainsi réglée toutes les représentations. Mais, un soir, quel ne fut pas l'ahuris, TONY ÉTAIT DE PLUS EN PLUS LIÉ AVEC LES CLOWNS UN MATIN UN CLOWN SAUTE SUR UN CHEVAL A L'ENVERS sement de Filis eh constatant que, quoi qu'il eût versé en entier la carafe d'eau froide dans le ventre de Gougou, celui-ci ne bronchait pas et riait à belles dents. Finalement, Gougou, plongeant la main qui restait libre à l'intérieur du pantalon, en retirait un entonnoir qu'il y avait dissimulé et qui, fermé par un bouchon au petit bout, avait recueilli soigneusement toute l'eau de la carafe sans le mouiller. Les clowns ne manquent pas d'esprit ; ils doivent imaginer sans cesse de nouvelles fantaisies, certains, d'ailleurs, sont des gens très cultivés et aussi très bons. Chez eux, le sentiment de la famille est inné et la plupart sont de bons papas qui gagnent beaucoup d'argent pour leurs petits enfants. Ainsi celui qui faisait répéter ses leçons à Tony. Aussi, Tony s'était tout à fait habitué à la grande famille du cirque et, quand ses vacances furent écoulées, ce fut pour lui un gros serrement de coeur de quitter tous ces braves gens, toutes ces jolies bêtes, en compagnie desquels il avait passé des jours heureux. Pour le consoler, on lui fit promettre de revenir. , L'ÉCUYÈRE VIENT RÉPÉTER SUR UN NOUVEAU CHEVAL