Zibeline n°9 en PDF

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Zibeline n°9 en PDF
un gratuit qui se lit | du 19/06 au 10/07/08 | tous les quatre jeudis
9
Q
Politique culturelle :
Marseille s’explique
Les Saisons
s’annoncent,
Les Festivals
débutent
Les Lycéens lisent
Le Pont
du Gard
s’illumine
Politique culturelle
Marseille
4,5
Manifestation
Biennale des Jeunes Créateurs de la Méditerranée
6,7
Danse et Théâtre / Festivals
Marseille
Montpellier, Vaison, Ballet d’Europe
La Seyne, Martigues
Avignon
Salon-de-Provence
9
10
11
12,13,14
14
Danse et Théâtre/ Saisons
Le Gyptis, le Toursky, la Ciotat
La Criée
Nîmes, Grasse
Martigues, Port-de-Bouc, Cavaillon
Gap, Briançon, théâtre Nono
16,17
18
19
20,21
22,23
Retours de scène
Le Gymnase, le Massalia, les Argonautes
Gymnase, Lieux Publics
Istres, Martigues
Aubagne, 3bisF, Châteauvallon
Musicatreize, Garance
Télémaque, Gyptis, Pythéas, Opéra
Vitrolles, Toursky, Opéra
24,25
26
27
28
29
30,31
32
Musique / Saisons
Toulon, Avignon
Musique / Festivals
Orange, Avignon, Bollène
Mallemort, Peynier
Chateauneuf, Aix, Toulon, Pourrières
Mont-Dauphin, Uchaux, De Vives Voix, Mazaugues
Meije, Nuits d’été, Fontblanche
Agenda
Disques
Gaou, Aix, Saint-Martin
Station Alexandre, Panier, Friche, Coustellet
33
34
35
36
37
38
39
40,41
42
43
Arts visuels
Saint-Rémy, Images contre nature, Vieille Charité
Arts numériques, Galerie Porte Avion
Musée Ziem, musée de l’Empéri
Granet, Vélickovic
Arles, les Saintes-Maries
44
45
46
47
48,49
Cinéma
Cinécole
Quinzaine des réalisateurs
FID, cinéma israélien
50,51
52
53
Livres
Librairie Les 3 Mages, Jeudis du comptoir
Rencontres
Entretien
Salon, Fotokino
Martigues
Poésie, Artésens, Rebotier, agenda
Livres
54,55
56
57
58
59
60,61
62,63,64,65
Philosophie
La mémoire de l’art
66,67
Patrimoine
Le Pont du Gard
68,69
Tout doit
disparaître
La notion de «déconstruction» est à la mode dans les domaines de la
culture. Le régime mercantiliste, peu réceptif aux formes culturelles
hormis celles qui rapportent, confond aisément ce concept avec celui
plus catégorique de «destruction». Tout doit disparaître dans un énorme
solde de ce qui fonda la connaissance scientifique jusqu’à l’avènement
de la loi divine du marché.
Dans ce gigantesque vide grenier, le CNRS se trouve en bout d’étalage.
Règlement de compte vis-à-vis d’un organisme qui s’est épanoui à la
Libération sur les ruines d’un pouvoir universitaire compromis dans la
collaboration avec l’occupant ? La Ministre obéit à la «feuille de route»
de Nicolas Sarkozy : n’a-t-il pas énoncé qu’il fallait sortir des acquis du
Conseil National de la Résistance, ainsi que de ceux de mai 68 ? Et pour
quelques souverains sonnants et trébuchants, l’État liquide l’organisme
de recherche national au nom de la concurrence mondiale sur le marché
de «l’innovation».
Un organisme universellement reconnu éclate en six «instituts» : comme
à l’accoutumée, les marchands qui nous gouvernent n’écoutent que la
logique du profit immédiat. Malgré le tollé général de toute la
communauté scientifique, la Recherche va être adaptée aux lois du
marché. Les maîtres mots de la connaissance deviennent : lisibilité et
compétitivité sur la «scène internationale». Dans cette braderie, les
sciences de la vie disparaissent en tant que discipline, les sciences
humaines sont vassalisées dans les rares pôles universitaires de sciences
sociales, les différentes disciplines des sciences dites «dures» (physique
et chimie) inféodées directement aux lois de la compétitivité des
entreprises.
Les universités sélectionnées en une dizaine de pôles d’excellence
européens deviennent des structures concurrentielles, en prise directe
avec le marché du travail déterminé par l’industrie locale. Laquelle
industrie pourra et devra puiser dans le creuset de la recherche publique
pour développer l’innovation susceptible d’accroître ses profits. Loi sur
l’innovation, crédit impôt-recherche sont les maîtres mots de la culture
scientifique libérale. La recherche publique doit se mettre au service du
développement industriel.
Frissons dans le dos… un mauvais rêve ? Non hélas, c’est la stricte vérité
libérale. Marie Curie, Paul Langevin, surtout restez où vous êtes, ne
revenez pas, c’est trop triste et trop laid.
YVES BERCHADSKY
Sciences et techniques
Science et religion, Musée de Quinson
70,71
Éducation
Prix littéraire des lycéens
Architecture
BNM, théâtre amateur
72,73
74,75
76
Société
Tango
77
Tribune libre
78
Rubrique des adhérents
80
Ou allez au théâtre… si ceux-ci ne ferment pas, menacés par la même
braderie : la scène Nationale de Cavaillon, qui fait un travail remarquable
depuis des années, n’est pas passée loin de la relégation... L’Éducation
aussi est rationalisée, le ministère supprime les postes, les séries, les
options, les heures de cours… Mais rassurez-vous : Bouygues n’a jamais
gagné autant d’argent. Les niches fiscales s’élèvent à 73 milliard d’euro
et les chômeurs qui osent se déclarer sont, dit-on, moins nombreux
qu’avant ! Tout va bien !
A.F.
04
POLITIQUE CULTURELLE
MARSEILLE
Rassembler et rayonner :
Qu’est qu’une politique
culturelle de ville ?
Daniel Hermann, en charge
depuis les dernières élections
municipales de la Culture
à Marseille, prend le temps
d’observer avant de décider.
Mais ses idées sont précises !
Et compteront certainement,
dans une ville qui regroupe
près d’un habitant de la région
sur quatre, et veut entraîner
tout un territoire dans
l’aventure de la Capitale
Culturelle 2013…
Daniel Hermann © Agnès Mellon
Zibeline : Quels sont votre titre et votre poste
exacts ?
Daniel Hermann : Je suis adjoint au maire,
délégué à l’action culturelle. J’ai en charge les
compagnies, les musées, le muséum, les bibliothèques. Madame Imbert s’occupe de l’Opéra, du
Festival d’Art Sacré et du Conservatoire. Madame
Zayan du cinéma, Madame d’Estienne d’Orves du
Festival de Jazz.
Pourquoi cette répartition des rôles ?
Il est matériellement impossible de s’occuper de
tout, mais ma délégation regroupe celles de
Monsieur Botey et de Monsieur Lucioni. La
répartition précédente posait un problème de
fonctionnement car les musées étaient séparés
de la culture.
Puisque le nouveau président de Marseille Provence
Métropole est Monsieur Caselli, du Parti Socialiste,
comment allez-vous collaborer avec la communauté
de communes ? Est-ce que la culture relève
également de ses compétences ?
Non, elle est du seul ressort de la Ville. Ce qui me
laisse les mains libres. Même si je pense que cette
cohabitation au sein de MPM va nous apprendre à
travailler ensemble, ce qui peut être très bien…
Quel est votre parcours et pourquoi avez-vous
hérité de la Culture ?
A la base je suis kiné, mais j’étais au Lycée avec
Guy Teissier. Quand il a été élu en 1983 à la mairie
du 9e, je lui ai proposé d’y faire venir des artistes
et de créer une vie culturelle dans ce secteur, aussi
important en population que la ville d’Aix. Sans
délégation on a créé l’association Ville et Culture.
Aux élections suivantes j’étais sur la liste de Guy
Teissier, je suis devenu son premier adjoint dans la
mairie du 9/10 et j’ai continué à me préoccuper de
culture.
Quelle est votre vision d’une politique culturelle de
Ville ?
Elle doit s’inscrire dans la politique de
développement dirigée par le Maire, c’est-à-dire
pour Marseille dans les quatre axes de la politique
de Monsieur Gaudin : le port, le tertiaire, les
étudiants, le tourisme. Notre première mission est
d’informer les habitants de la richesse de la vie
culturelle marseillaise : les étudiants donc, et les
cadres. Il y a une offre culturelle à Marseille que
ses cadres ne connaissent pas.
En dehors de la mission d’information, de quoi les
élus doivent-ils décider ?
Il faut replanifier l’activité des musées, les recentrer, les restructurer, donner à voir les fonds. Il
y a près de 3000 œuvres qu’on ne voit jamais. À
part cela il faut faire un état des lieux, et voir si on
décide de reconduire l’existant –les 20 millions
d’euros donnés aux 400 associations- ou de les
redistribuer, en regardant si chacune respecte son
cahier des charges. En sachant qu’on est à budget
constant, donc qu’on ne pourra pas vraiment
augmenter les subventions.
Quelles exigences avez-vous à leur égard ?
On va regarder la part des budgets attribués à la
création, et celle à l’administration. Les systèmes
comptables des associations doivent être rigoureux.
Nous avons un budget stable, et donc si on veut
ouvrir de nouvelles voies il faudra prendre sur
l’existant ; d’où cette politique du résultat : on ne
peut pas attribuer des aides à la création pour des
créations qui ne voient pas le jour, par exemple.
Après, en dehors de cette rigueur comptable, il y a
d’autres critères : les retours public, même si ce
critère n’est pas toujours pertinent en matière de
création, et l’implication des projets dans le tissu
social. Qui est exceptionnelle à Marseille et je dirai
même unique en France…
Et la qualité ?
Bien sûr.
Comment décide-t-on de la qualité d’une
compagnie ?
C’est compliqué, mais quelque part il faut le faire.
Il y a des comptes à rendre au contribuable et on
ne peut pas donner de l’argent à des compagnies,
ou des entreprises d’ailleurs, sans critères.
Est-ce vous qui décidez ?
Non ! J’ai mon avis mais je me fie aux chargés de
mission spécialisés qui connaissent les compagnies
depuis des années. Et puis aussi à ce que j’en vois :
je vais au Festival de Marseille depuis longtemps. Je
ne peux pas dire que j’ai aimé tout ce que j’y ai vu :
il y a des choses volontairement provocantes,
choquantes, dérangeantes, mais personne ne peut
nier la qualité des artistes. Elle se voit aussi
clairement que la provocation.
05
une politique sans dialectique
Qu’est-ce que vous aimez en art ?
J’aime beaucoup la peinture. La musique aussi,
classique, jazz. Il faut aider la création, mais je
crois que l’art contemporain a fait péter l’idée
d’équilibre, ou du moins de recherche d’équilibre.
Je suis d’accord avec les philosophies orientales qui
pensent le geste artistique dans un rapport entre
une recherche qui avance, et déséquilibre ce qui
précède, et un point d’arrivée qui est à l’équilibre,
un équilibre nouveau. Comme quand on marche.
Je voyais récemment un Rubens : c’est beau, on a
besoin de cette beauté-là. L’art contemporain qui
s’interroge sur la matière, les idées, la toile…
n’explore à mon avis qu’un seul aspect de son
propre champ.
Être en responsabilité de la culture, c’est aussi
donner à voir Rubens, le patrimoine… et embellir
la ville, l’illuminer, la rénover. Je suis de formation
classique, avec latin grec… j’ai du mal à dissocier
l’Art de la Beauté, la Beauté de la Morale. Cela fait
partie de mon champ culturel. Mais c’est personnel,
et ça ne veut pas dire que je n’aiderai pas ceux qui
n’ont pas cette vision-là de la culture !
Est-ce qu’en tant qu’adjoint délégué à la Culture
vous faites des choix politiques ?
C’est-à-dire ?
Est-ce qu’il existe selon vous une politique
culturelle de droite ? De gauche ?
Globalement il n’existe plus de politique de droite.
Il n’y a plus d’idéologie de droite depuis… Maurras.
La seule politique de droite se définit par rapport
aux idéologies de gauche, et tous les gouvernements pratiquent une politique libérale avec
un ajustement social. Donc, a fortiori, comment
voulez-vous qu’il y ait des différences entre les
politiques culturelles ?
Pourtant oui, il y en a une, et de taille. Du moins
ici à Marseille : on laisse une grande liberté, une
liberté totale en fait aux artistes et aux programmateurs. J’ai vu à la Criée un film de Torreton,
qui appelle clairement à voter à gauche. Jamais
Martigues ne programmerait un film qui appelle à
voter à droite.
Quel est votre rôle si vous reconduisez les
subventions et n’intervenez pas sur les
programmations ?
Nous ne reconduirons pas systématiquement les
subventions, comme je vous l’ai dit, nous allons
tout réétudier peu à peu… Mais enfin notre rôle
est plus global. Il est de veiller à donner de la
nourriture intellectuelle aux habitants, d’exiger
qu’il y ait des équipements culturels chaque fois
qu’il y a des chantiers d’importance, d’imaginer
des événements fédérateurs qui font avancer la
ville, et la rendent attractive. Il passe à Marseille
400 000 croisiéristes, un potentiel d’un million de
touristes : il faut faire de belles expos, avoir une
politique culturelle qui aille dans le même sens que
la politique économique, et participe du même
phénomène de civilisation…
Il faut donc que la culture ait un impact
économique ?
Elle n’est pas exclue du champ économique, même
si elle n’est pas un produit comme les autres.
Faut-il faire de la culture pour les touristes, ou pour
les habitants ?
Je vous ai dit que je n’étais pas marxiste : je n’aime
pas la dialectique, qui oppose et tranche. Ce qui
est bon pour les touristes peut être bon pour les
Marseillais, qui seront ravis de la grande expo Van
Gogh / Monticelli par exemple. Et pour tous les
habitants de la région, aussi. C’est cela vouloir être
une métropole culturelle. Pourquoi opposer ce qui
se complète ?
D’ailleurs les cultures se nourrissent les unes des
autres, et à Marseille ce sont les différences de
culture qui fondent une richesse commune. Il faut
préserver cette diversité, et ne pas la fondre dans
un moule commun, qui anéantirait sa richesse.
Des nouvelles
de la candidature
Marseille ayant été retenue dans la «short
list» des villes candidates au label Capitale
Culturelle 2013, poursuit son effort en vue de
son élection. Elle lance à ce titre ses premiers
Ateliers de la Candidature, destinés à lier
les projets culturels, les associations sociales
et les entreprises dans des projets communs.
Ainsi l’ensemble de percussions Symbléma,
La cie Grenade de la chorégraphe Josette Baïz
ou le Théâtre de la Mer d’Akel Akian collaboreront, avec des associations comme L’Art
Plus Fort que le Handicap ou Pas Vu
à la Télé, à faire entrer l’art dans l’entreprise :
des grandes comme Eurocopter aux plus
modestes comme l’entreprise graphique
Quadrissimo. Il s’agira d’ateliers tests
destinés à mettre en place les futurs Ateliers
de la Méditerranée. Qui, on l’espère, seront
confiés à tous ces artistes de grand talent qui
attendent depuis des années une reconnaissance de Marseille, qu’ils vont bien souvent
chercher ailleurs faute d’être programmés dans
la métropole qu’ils habitent… Car on sent
actuellement, dans les compagnies qui soutiennent la candidature, une inquiétude
grandissante sur leur place à venir dans
le projet. Sur laquelle on les rassure globalement, mais sans les assurer de rien…
A.F.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Subliminable ?
La Ville de Marseille organise une grande fête populaire et fédératrice ! On
devrait s’en réjouir ! Seulement… elle s’articule autour d’un terrain de boule,
institué en point de rendez-vous durant trois jours. Ce que certains
Marseillais, qui ne sont pas tous des «santons mous qui puent l’anis» comme
le disait si joliment Desproges, pourraient mal prendre. De nombreuses
composantes de cette fête à flonflons rappellent par ailleurs les temps joyeux
des défilés militaires et des barouds scouts : concert de l’harmonie de la
Flotte de Toulon, journée avec les marins pompiers, rallye, course de relais
en uniformes bleus… Les temps de vrais spectacles, professionnels, sont
rares (le ballet d’Europe voir page 10, Liz Mac Comb voir page 42). Et bien
sûr les entreprises profitent de l’occasion pour s’auto-promouvoir à peu de
frais (NESPRESSO Business Solutions, EDF-DCECL / Philips, Eurocopter, la
SNCM, le tournoi de Poker Texas Holdem no limit…).
Enfin, quelques slogans hallucinants apparaissent sur les panneaux de la
ville, défendant… la couleur bleue. Ce qui est assez vain, ou particulièrement
subliminal : à force d’assimiler Marseille à la couleur bleue (la mer, le ciel,
l’OM, mais aussi l’UMP), une identification très directe entre Marseille et sa
mairie actuelle s’opère, instituant dans les esprits la gouvernance UMP
comme naturelle. Liée à la Ville comme le ciel et l’air, le foot, la fête
populaire. Peut-on douter de ces intentions, lorsqu’un des slogans des
affiches recommande «Ne voyez plus la vie en rose, voyez-la en bleu» ?
A.F.
Fête bleue
du 27 au 29 juin
www.fetebleue.com
06
MANIFESTATION
B.J.C.E.M
Tous les tons de Bari
La Biennale des jeunes
créateurs s’est déroulée
du 23 au 30 mai à Bari,
dans les Pouilles.
Une manifestation que
Marseille aimerait bien
accueillir en 2013…
La Biennale est un très beau moment
accordé à la jeune création, c’est-àdire à l’avenir de l’art. Cette treizième
édition a réuni plus de 800 artistes
pendant dix jours. Tous avaient moins
de trente ans, et beaucoup étaient
bourrés de talent… On y a vu des
propositions artistiques étonnantes
d’inventivité et… de maturité ! Et
d’autres qui, trop amateurs, souffraient d’une confrontation avec des
œuvres véritables.
Pourquoi ces différences de niveau ?
D’une part parce que la Biennale est
un réseau non pyramidal, sans
directives autoritaires : un tissu
d’associations qui obéissent à une
charte commune et à des critères de
sélection, mais sans contrôle central.
Aussi certains pays sont représentés
par des opérateurs culturels très
efficaces, qui font un appel à
candidature large et bien relayé, et
une sélection pertinente ; et d’autres
sont plus artisanales. Sans parler des
différences de moyens : le papier
Canson en lieu de toile de
Mohammed Ahmed Hawajri,
Palestinien qui travaille au centre
culturel français de Gaza, ne relève
sans doute pas d’un choix
esthétique…
Mais visiblement une autre raison à
ce déséquilibre vient d’un problème
de proportion entre les arts : les arts
visuels (arts plastiques, appliqués,
vidéo, cinéma, design) se taillent
la part du lion, tandis que les propositions spectaculaires sont rares :
dix chorégraphes, guère plus de
musiciens, encore moins de théâtre…
Il est plus facile d’exposer 650
artistes visuels que de faire voir 50
spectacles ! Du coup la Biennale
n’attire pas vraiment les jeunes
talents de ces arts dits vivants, et
nombre de spectacles étaient
particulièrement ratés… On aurait
rêvé d’entendre des musiciens qui
maîtrisent leurs instruments, et de
voir des danseurs qui ont un peu de
technique, plutôt que de subir au
mieux du mauvais rock, et de la danse
et du théâtre d’avant-garde… des
années 70 ! Peut-être que les
sélectionneurs dans leur ensemble
hantent davantage les galeries que
les salles de spectacles ?
Images particulières
Car en revanche les propositions
visuelles témoignent de la vitalité de
la jeune création contemporaine. Et
de sa variété. À Bari elles ont bénéficié de lieux d’exposition vastes,
bien éclairés, à la neutralité grise qui
mettait chaque proposition en valeur,
malgré un léger manque de recul. Et
une drôle d’habitude des visiteurs
d’aller toucher les œuvres, quitte à les
abîmer bien souvent !
Les œuvres méditerranéennes, surtout celles du Sud, sont souvent
politiques, douloureuses, autour de
questionnements sur l’oppression, la
femme, la domination. L’histoire.
Celles de l’Est se posent des
problèmes de frontières, de mémoire,
d’ethnies, de guerre. D’histoire. Celles
du nord de l’Europe ont généralement
plus de questionnement formel ou
psychologique, métaphysique. Des
histoires. Une géographie marquée,
qui
contredit
l’idée
d’une
mondialisation des pensées, et
cartographie une typologie des
souffrances…
Car la Biennale, au-delà du tremplin
qu’elle peut constituer pour les
jeunes artistes, relève depuis sa
création un défi utopique. Son
expansion actuelle, et son ouverture
aux pays du Nord Européen, risque de
modifier son équilibre en déplaçant
son centre de gravité vers des pays
riches. D’autant que le rêve d’une
Biennale sur la rive Sud, depuis
l’échec d’Alexandrie, semble peu
réaliste. Dommage ! Car si les artistes
d’Europe occidentale ont bien
souvent un langage plus accompli, et
des moyens techniques plus adéquats, leurs œuvres sont parfois plus
anecdotiques… du moins à nos yeux
d’européens occidentaux !
AGNÈS FRESCHEL
www.bjcem.org
© Espaceculture
Quelques œuvres
marquantes
Des installations
interactives :
Celle du Français Pierre Andrieux,
amusante, vous transformait en
Dompteur, et nécessitait de s’époumoner, longtemps, dans un micro,
pour faire décoller un homme sur un
écran ; dans celle du Portugais André
Sier, plus complexe, quatre micros
captaient des sons, les déformaient,
les mêlaient à des boucles préenregistrées et les diffusaient dans des
enceintes pleines d’eau ; les ondes
sonores faisaient vibrer de la surface
de l’onde liquide, et le processus avait
quelque chose d’alchimique, qui
transmute le son en friselis d’eau…
De nombreuses œuvres
qui interrogent l’image
sociale de la femme :
Les photographies de l’Egyptien
Mohamad Al Sfaraby qui travaille autour du péché originel, de la pomme,
du voile, de l’interdit ; celles de la
Belge Kim Engels, qui photographie
Le Bureau des questions, Maya Pasternak © X-D.R
des portraits de femmes au regard
direct, avec et sans foulard, nous
demandant d’interroger cette différence ; la vidéo d’Elena Rossella
Lana, italienne, particulièrement
bouleversante. Projetée sur un lit,
une image de femme alitée s’y déplace comme dans un jeu vidéo, le
Tetris : les femmes s’accumulent en
bas de l’écran et tombent lorsqu’elles
sont alignées ; puis des femmes
courant comme les personnages
virtuels essaient d’atteindre le haut
de l’écran, s’égarent, heurtent les
parois ; une candidate y parvient en
fait, rejoignant enfin le ventre originel, la matrice féminine (Dieu est
une mère ?), siège de tous les cauchemars, et lieu d’une nouvelle
naissance (New Birth). Car les femmes
aussi naissent du ventre des femmes.
Des œuvres politiques :
Le Bureau des Questions de Maya
Pasterniak, qui vit en Israël,
recueillait sur machine à écrire
désuète (celle des commissariats
glauques ?) les questions les plus
diverses sur Israël, et affichait, avec
une neutralité toute factuelle, ces
interrogations si simples (Quand
quitterez-vous les territoires occupés ?
Que pensez vous de la politique
Syrienne ?) sur un mur des réclamations. Le film Green Border des
Croates Nikica Klobucar et Tomislav
monde : dessinant dans son dos un
croissant rouge et sur son torse une
croix sanglante (celle des Templiers ?)
il construit un crescendo de métaphores limpides et inépuisables, sans
didactisme…
Une œuvre musicale :
Elena Rossela Lana © X-D.R
Soban interroge la séparation entre
Slovénie et Croatie, et les déplacements de population, tandis que le
Slovène Matjaz Ivansin raconte
l’introduction dans une famille catholique d’un petit ami inattendu…
Certaines œuvres allient ce
questionnement politique à des
interrogations personnelles :
Juan Enrique Sanchez Aragon
construit une image marquante : un
gigantesque drapeau américain, dont
les bandes blanches sont des extraits
de presse, les bandes rouges des
photographies violentes. Par-dessus
les bandes son propre visage, un cri
expressionniste, douloureux, envahi.
Plus impressionnant encore le travail
d’Hetain Patel, Indien vivant en
Angleterre : dans Musulman, son
propre torse projeté sur quatre vidéos
coordonnées construit une œuvre
sonore (clapping) formellement parfaite, très personnelle, et universelle,
parce que son questionnement identitaire recoupe les problèmes du
Le Français Matthieu Hours, tout
juste sorti de la classe d’électroacoustique du Conservatoire de
Marseille, a produit une pièce démontrant son savoir-faire. Malgré
l’agaçant rituel qui poussait les
auditeurs à mettre leur masque noir
comme à Disneyland (est-il si difficile
de demander à des gens d’écouter
sans spectacle ? les concerts d’électroacoustique existent depuis 50
ans…), Octo se révéla une belle
œuvre, fondée sur des sons réels
synthétisés très habilement spatialisés. Le répertoire de sons était riche,
varié ; certains, reconnaissables,
rappelaient le réel, d’autres analysés,
projetaient les auditeurs dans
l’essence du son, ses composantes,
ses dynamiques, ses timbres et ses
couleurs. L’ensemble manquait peut
être un peu de trajet… mais
confronté aux quelques exhibitions
de «musique» proposées sur la scène
par des groupes ou des chanteurs
dont le look et l’attitude (décevante
ou amusante) comptaient davantage
que la production sonore, on comprenait que l’on était justement
dans de la musique. Qui en principe
s’entend plutôt que de se voir…
A.F.
Hetain Patel © X-D.R
FESTIVAL DE MARSEILLE
FESTIVALS
09
Arrêts sur temps forts
Les événements à ne pas rater ne manquent pas cette année :
arrêts sur quelques propositions particulières
tous ordres. Le principe commun est une dynamique infernale, quelque chose de déchaîné,
comme si tous avaient le diable à leurs trousses, à
leurs corps. Ils transforment la scène et la salle en
boîte de nuit sulfureuse, et dansent magnifiquement cette plongée transposée dans les
cercles de Dante, joyeux et noirs comme un Sabbat.
Cargo Sofia Marseille : on ne sait ce que
l’aventure donnera à Marseille, avec son port, sa
mer, ses quartiers industriels… Ce que l’on peut
vous dire, c’est que le Cargo Sofia Cavaillon était
une aventure très particulière… Emmenés par deux
routiers, une quarantaine de spectateurs ont fait
un voyage hallucinant dans un monde proche et
inconnu. Partis de la place de Cavaillon, le camion
y est revenu après deux heures de route, un
passage par une station service, un gigantesque
entrepôt réfrigéré, une bourse aux légumes, un
lycée on l’on apprend à conduire les camions, une
aire de repos où les routiers, dès 19 heures,
s’enferment pour dormir dans leurs cabines… Cette
géographie réelle, carte d’un univers que nous
traversons sans le voir, était traversée de fictions :
celle d’un itinéraire de Sofia à Cavaillon était
projetée sur les écrans, alimentée par la varietoch
des pays «traversés» (un italiano vero…) et
quelques confidences, rares et pudiques, des
chauffeurs ; l’histoire d’une exploitation à grande
échelle des chauffeurs de l’Est par la mafia Bulgare
et Allemande s’inscrivait en sous-titres récurrents ;
et quelques apparitions fantastiques venaient
troubler un peu plus le paysage réel de la banlieue
cavaillonaise : une fille à vélo qui fait la course
avec les chauffeurs, une chanteuse sur un rond
point… Tous ces niveaux de fiction, de réel, ont
projeté les passagers dans un univers étrange, un
patrimoine mis sur le même plan, par ce procédé de
la visite commentée, que le patrimoine touristique
officiel. Un très beau voyage ! (du 30 juin au 10
juillet).
Questions de danse, questions
d’artistes : En trois sessions le Studio
Kelemenis accueille 6 compagnies, qui passent
chacune deux fois pour partager leur travail en
cours (du 21 au 28 juin). Abouti, déjà créé ou en
voie de création. Le point commun de ces
propositions : le questionnement justement, la
manière de ne pas produire du spectacle mais
d’interroger les formes. Que ce soit le hip hop
comme Anne N’Guyen, le quotidien comme
Gutman, l’autisme comme Thierry Niang (voir
page 78), la lumière et l’image comme la Cie la
Zampa… Depuis des années Kelemenis propose cet
espace de recherche où la parole côtoie la danse et
rapproche le public des artistes. Un espace
indispensable, parce que lui seul est à même
d’ouvrir des voies nouvelles… (quitte à s’y
fourvoyer parfois !)
Anne Teresa de Keersmaeker : On
l’écrit ATK, pour faire plus vite. C’est une des plus
grande chorégraphe du monde. La plus musicale,
en tous les cas. Elle a changé la danse,
profondément, en inventant une autre virtuosité,
Opération Orfeo : Le spectacle n’est jamais
Zeitung © Herman Sorgeloos
athlétique, émouvante, une autre architectonie, qui
colle au son et les donne à voir. Fase (le 30 juin)
est la pièce qui la fit connaître, subtil duo sur la
musique de Reich, qui l’inspire toujours
aujourd’hui : les corps s’animent de mouvements
minimaux de bras, de jambe, de tête, répétés,
variés, sur les phases particulières des instruments.
Les corps se décalent comme eux, se rejoignent
comme eux, dans les mêmes cycles que la musique,
et de subtils changements de lumière et d’espace.
Tout prend sens dans l’infime variation du même, et
c’est fascinant. Zeitung (le 29 juin) est à l’autre
bout de l’œuvre, une création avec les neuf
danseurs de la compagnie, qui revient sur son
parcours et utilise tout le vocabulaire inventé par
Rosas, ou importé en son sein. Sur la musique de
Bach, qui met en place d’autres univers
mathématiques, et quelques traits de Schönberg et
Webern.
Hell de Emio Greco et Pietr C. Scholten : créée en
2006 à Montpellier, la pièce est un mélange
indescriptible de danses et d’univers musicaux de
venu dans la région, mais partout il a suscité
l’enthousiasme. Il s’agit d’un opéra total, avec
chœurs, solistes, danseuse, qui raconte évidemment le mythe d’Eurydice… un autre voyage vers
les Enfers, comme Emio Greco, ou Castellucci à
Avignon… Sur la musique de Gluck bien sûr, mais
aussi de Cage et de Bo Holten…
Mon Képi blanc : Hubert Colas met en scène
le texte de Sonia Chiambretto sur la légion (du 8
au 11 juillet). Portrait d’un homme pris au piège de
son aliénation, enfermé dans les règles sottes qui
annihilent l’idée même d’un libre arbitre à coups
de slogans et de langage préformaté. Ignobles
propos de ce soldat et douleur aussi de cet homme,
car c’en est un, incarné ici par Manuel Vallade,
fragile et vulnérable derrière ses mots gueulés dans
ses micros. (le texte est publié chez L’arche
éditeur)
AGNÈS FRESCHEL
04 91 99 02 50
www.festivaldemarseille.com
Cargo Sofia © X-D.R
10
FESTIVALS
MONTPELLIER | VAISON | BALLET D’EUROPE
Toute la danse contemporaine
création d’Emanuel Gat… Mais on
retrouvera aussi, dans les salles plus
petites, les compagnies de la région
languedoc, depuis Mathilde Monnier
et La Ribot jusqu’à Lluis Ayet ou
Hélène Cathala, Raymund Hoghe et
son travail sur la mémoire douloureuse de la danse, Pascal Rambert
et ses expérimentations formelles,
Xavier Leroy et son fascinant théâtre
musical. Il y aura cette année beaucoup de danse africaine : des Danses
acrobatiques du Burkina Faso, les
lauréats de Danse l’Afrique Danse à
l’opéra comédie (autre lieu magique,
ancien, plus historique), sans oublier
la création de la Cie Salia nï seydou,
qui est réellement parvenue à créer
une danse africaine au langage et au
propos contemporain. À ne pas manquer également, un solo de Saburo
Teshigawara, la Cie Akram Khan qui
rencontre le Ballet National de
Chine… Un autre grand festival s’annonce, qui mérite qu’on aille passer
ses premiers week-ends d’été à
Montpellier !
Poussières de sang © Sarah Camara
Le Festival Montpellier danse est
chaque année fascinant : il réussit à
programmer, et très souvent à coproduire, les plus grands chorégraphes et
les plus belles compagnies de danse,
sans oublier la danse de recherche.
Et ceci dans de grandes salles,
toujours pleines. Même au Corum,
immense, idéal pour la vue et
l’acoustique… Cette année elle
accueillera le Ballet Flamenco de
Sara Baras dans Carmen et les
moines Shaolin pour clore le Festival
(avec les danseurs d’Alonzo King),
mais aussi la première en France
d’Heterotopia de Forsythe, et la
AGNÈS FRESCHEL
Vivent les valeurs sûres !
Vaison est avant tout un lieu magique… et impressionnant ! Et dans ce cadre qui
ne souffre pas l’intimité, Vaison Danses sait faire dans le spectaculaire
prises : la reprise de MayB, chefd’œuvre absolu de Maguy Marin,
toujours aussi bouleversant après
27 ans ; et celle de Que ma joie
demeure, de Béatrice Massin, petit
bijou baroque, joyeux, mutin et
coloré comme les pages de Bach les
plus alertes…
A.F.
Tango metropolis © Tetsu MAEDA red
L’équilibre de la programmation est
comme toujours remarquable : une
danse facile, virtuose et divertissante, de grande qualité, toujours
très musicale, ouvre les festivités.
Après Montpellier, les moines
Shaolin viendront sauter au-dessus
des danseurs d’Alonzo King dans
l’amphithéâtre, puis la Cia Buenos
Aires Express Tango viendra enflammer les cœurs avec dix danseurs et
un quintet de choix emmené par le
bandonéoniste Daniel Binelli… Le
Béjart Ballet viendra rendre un
hommage au maître disparu en
reprenant des extraits marquants de
ses chorégraphies, et Momix proposera avec une autre compilation : un
Best Of des plus belles inventions
visuelles de Moses Pendleton… Mais
c’est surtout la fin du festival qui
ménagera les plus précieuses sur-
Heterotopia © Dominik Mentzos
Montpellier danse
du 22 juin au 5 juillet
0800 600 740
www.montpellierdanse.com
De toutes
les fêtes
Après ses journées Portes Ouvertes le
ballet d’Europe continue de démocratiser la danse dite classique en promenant ses pièces sur tout le
territoire. Dans le cadre dispositif
Saison 13, le 20 juin, le ballet dansera Schubert In Love de JeanCharles Gil et Barnum boudoir de
Lionel Hoche à Sausset-les-Pins. Le
lendemain, fête de la musique, c’est
dans le Parc de Bagatelle (Marseille)
qu’ils fêteront la musique, avec la
dernière création de Jean-Charles Gil,
Folavi, donnée récemment au Théâtre
du Châtelet. Enfin les 27 et 29 juin,
à Marseille puis à Cassis, dans le
cadre de la Fête bleue puis de la Fête
de la mer, le chorégraphe prolixe proposera une nouvelle création : Sweet
Gerschwin ! En attendant juillet et
août, où le Ballet d’Europe promène
ses pièces un peu partout, accueille
Josette Baïz et Georges Appaix, et
partout remplit les salles…
A.F.
Vaison Danse
du 10 au 26 juillet
04 90 28 74 74
www.vaison-danses.com
Ballet d’Europe
les 20, 21, 27 et 29 juin
04 96 13 01 12
www.balletdeurope.org
LA SEYNE | MARTIGUES
FESTIVALS
11
Rues particulières
Le 6e festival des Arts de la Rue de
La Seyne-sur-Mer, Les journées particulières, propose fanfares, théâtre
et cirque durant trois jours dans
toute la ville
Organisées par le Théâtre Europe, Les journées
particulières s’articulent autour de formes et
d’écritures contemporaines touchant aux arts du
cirque, sans oublier la musique, celle qui se joue
dans la rue, emmenée par les fanfares. Cette année
deux d’entre elles accueilleront les spectateurs
tous les jours avec leurs rythmes endiablés :
Wonderbrass, la Fanfare Opulente mettra le feu
aux poudres de la Place Laïk aux Sablettes,
mélangeant reprises étonnantes et compositions
originales au son des saxes, trompettes, tubas,
percus… tandis que la fanfare Sardar Orkestra
emmènera le public au son d’un répertoire tzigane,
oriental et klezmer réarrangé, énergique et festif.
La compagnie Luna Collectif présentera, sous le
chapiteau des Sablettes, et pour la première fois,
sa dernière création, Prélude à Eclipse, un théâtre
aérien et musical placé sous le signe de la féminité.
Entre la conciliation d’une identité toujours plus
difficile à affirmer et l’équilibre à créer entre besoin
des autres et besoin de liberté, la cie Luna
Collectif invente un nouveau lexique amoureux,
poétique et aérien.
La cie toulonnaise Hi-Han investira la cour de
l’école des Beaux-Arts avec Le mois de Marie,
pièce tirée des Dramuscules de Thomas Bernhard.
Installé autour d’une étrange crèche, le public
écoute les commentaires de deux vieilles dames qui
observent l’enterrement de monsieur Geissrathner.
De propos badins en jérémiades anodines, leurs
langues se délient et apparaissent enfin les propos
brutaux et radicaux sur la haine de l’étranger. Farce
grotesque ou miroir inquiétant ? Enfin, le musée
Balaguier accueillera le jongleur québécois Yvan
Roy, alias Yvan l’impossible, dans un solo
burlesque, et le cirque cynique et maritime du
breton Ronan Tablantec.
DOMINIQUE MARÇON
© Cie Luna Collectif
Les journées particulières
du 19 au 21 juin
04 94 06 84 05
04 98 00 25 70
www.theatreurope.com
Martigues et le monde
Le Festival danses, musiques et voix
du monde de Martigues a 20 ans
cette année, un anniversaire qui
s’annonce comme un rendez-vous
de qualité
Katia Guerreiro © X-D.R
À l’origine axée sur la danse traditionnelle, la
programmation du festival a vite su trouver sa voie
et s’affirmer comme un événement incontournable,
une référence dans le domaine des arts
traditionnels. Bien loin du folklore donc, en tout
cas d’une image désuète qui pourrait coller à la
peau, le Festival de Martigues propose aujourd’hui
des danses traditionnelles et rituelles, des musiques
actuelles et métisses, mais aussi plus généralement
des arts de rue. La Ville de Martigues est d’ailleurs
entièrement sollicitée pour cette manifestation
d’une rare ampleur qui fait appel à 400
organisateurs et à 200 familles qui accueillent
bénévolement les artistes.
Sous le parrainage de la grande chanteuse de fado
Katia Guerreiro, la programmation 2008 visitera
quantité de pays par le biais de spectacles de
danses traditionnelles (dont le Gran Ballet
Argentino de Córdoba, l’Ensemble national Naz
du Kazakhstan, l’association martégale La
Capouliero, bien sûr -organisatrice du festival et
conservatoire des Arts et Traditions Populaires de
Provence-, Mackinaw de Drummondville au
Québec, la compañia de flamenco Ursula López
d’Andalousie…), de musiques du monde (les
Diabloson d’Amérique latine, Marlevar d’Italie,
les savoyards Les Pieds Croisés) et de musiques
«actuelles» (Fatche d’eux, Lo Cor de la Plana,
Misères et Cordes, Quartiers Nord, Sam
Karpienia…). L’église de la Madeleine accueillera
les concerts de flûtet, tambourin et piano d’André
Gabriel et Hélène Andreozzi, les noces de la
guitare flamenca et de l’Amérique latine d’Eric
Fernandez et du Verdine Tempo Duo, les ballades
irlandaises du Lawrenson-Toal of Irish Dance et la
musique des steppes du groupe Naz, tandis que du
Canal Saint Sébastien résonneront les soirées de
caractère et d’événement, comme le spectacle
d’ouverture (le 23 juillet), la soirée flamenco (le
24) ou encore la soirée d’anniversaire qui célèbrera
les 20 ans avec 20 rendez-vous (le 26) et le concert
événement de la marraine du festival, Katia
Guerreiro (le 27). Sans oublier les animations de
rues, les Cocktails de Folklore sur la Place
Mirabeau, l’édition spéciale au Village du Festival
chaque soir à 19h, le Café musique, l’Escale de
Nuit… Le Festival de Martigues c’est tout ça et
plus encore !
DOMINIQUE MARÇON
Festival de Martigues
du 21 au 29 juillet
04 42 49 48 48
www.festival-martigues.fr
12
FESTIVALS
AVIGNON
La technique de Cour
À la veille du festival,
Avignon bouillonne
autour de son palais...
Mais que savons-nous
au juste de la Cour ?
La plus grande scène à ciel ouvert
d’Europe va cette année, pour la 62e fois,
ouvrir son cœur aux artistes. Roméo
Castellucci y met en scène l’Enfer de
Dante et demande à l’équipe technique
du Palais de réaliser des prouesses
encore inédites. Pourtant, qui a vu Pina
Bausch et sa montagne de roses
(conçues et cousues spécialement pour
l’occasion) voler en éclat lors d’une
représentation sait combien le mistral
capricieux peut briser le spectacle qui
devient alors un chaos imprévu
menaçant les attaches de la structure
colossale du plateau : nous sommes ici
dans un monument historique classé au
patrimoine mondial de l’UNESCO, donc
pas un clou n’entre dans ces murs,
même recouverts de moquettes, de
toiles et de bois lorsqu’ils servent de
support aux accroches lumières et sons.
Sans parler du danger que les certaines
fantaisies de l’art font courir aux
quelques 2000 spectateurs.
C’est ainsi que le régisseur général,
Philippe Varovtsikos a tenté en vain de
dissuader Sasha Waltz d’utiliser un
ballon gigantesque comme accessoire
de scène pour Nobody (2002). Poussé
par le vent il a brisé ses attaches et volé
dans le public, faisant frémir d’horreur
l’équipe technique placée en haut des
gradins... Le vent, ici maître des lieux,
métamorphose d’une rafale la féerie en
catastrophe.
La Cour s’offre ainsi au spectacle
comme en s’y retirant. Son plateau à
géométrie variable sert de sol comme de
montagne (Le roi Lear, Sivadier 2007),
d’appartement où une troupe séjourne
et joue (Les Feuillets d’Hypnos, Fisbach
2007), de lac pour Médée avec Isabelle
Huppert (2000), ou encore de plan d’eau
spectaculaire pour le Woyzek
d’Ostermeier (2004) : une actrice y
plongeait brusquement toute entière, se
retrouvant alors sous la scène dans une
piscine où un plongeur l’attendait avec
réserve d’air… elle devait ensuite
ressortir par le même chemin. Car la
scène dissimule des potentialités
insoupçonnées. Le rocher des Doms, sur
lequel le palais tout entier est construit,
contient des salles voûtées dont Jean
Cour d'honneur du Palais des Papes © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon
Vilar ignorait l’existence en 1957, lorsqu’il
investit le lieu. Aujourd’hui encore,
comme autrefois, des camions-grues
rasent les murs au millimètre près, dès
le crépuscule des soirs de mai, pour
travailler à construire scène et décors ;
Le plateau, à lui seul, demande trois
semaines d’installation. On fit jadis
percer la roche et couler du béton pour
pouvoir planter des poteaux et soutenir
la scène. Quelle ne fut pas la surprise des
archéologues de trouver, 20 ans plus
tard, des salles sous la roche, aussi
grandes que celle de l’Audience !
Coulisses de Papes
Cette salle immense est le pendant de la
cour. L’Audientia nova, siège du tribunal
des causes apostoliques, ornée alors de
fresques d’apôtres, où la juridiction fut
instituée en 1566, a été transformée
dans l’histoire en arsenal à canon,
magasin à foin, puis divisée en 3 étages
pour servir de caserne à 200 hommes
avant d’être restaurée comme tout le
palais par Napoléon III. Aujourd’hui cette
salle sert de loge des artistes, un lieu de
vie hors du commun. Électricité,
douches, sanitaires, cuisine, scène de
répétition y sont montés, restreignant
l’accès touristique d’un des monuments
les plus visités du monde. Le cœur du
palais à ciel ouvert, loin de livrer
abruptement ses secrets, en fait poindre
le sens : lorsqu’en juillet, vers 22 heures,
l’obscurité et le silence se font, on sent
que l’on n’est pas seulement au théâtre.
L’architecture vit, dialogue avec l’artiste
qu’elle rencontre lui imposant ses
contraintes et lui offrant son prestige.
Ludovic Guet, attaché aux relations
publiques du bureau du festival, fait
visiter le Palais quand il change de peau…
Zibeline : Depuis quand visite-t-on la
Cour au moment où elle se transforme
en scène ?
Ludovic Guet : En 2005 Philippe
Varovtsikos a commencé en relatant des
anecdotes, liées aux formidables
possibilités et aux difficultés qu’il y a à
créer dans ce lieu pour les artistes.
Quelles sont les contraintes majeures ?
Le vent bien sûr, mais aussi la dimension
du mur de scène. Il est inutilisable
comme support de décor. On peut à la
rigueur équiper les quelques fenêtres en
projecteurs et enceintes, mais l’équilibre
des lumières est difficile à faire, c’est une
question de perspective. Certains
artistes ont pris le parti de le faire
disparaître, par exemple Ostermeier
dans Woyzeck ; d’autres ont tenté de le
transformer : Éric Lacascade pour le
spectacle des Barbares en 2006 ou son
Platanov en 2002. Enfin, ce qui importe
ici c’est que le réseau électrique soit
fiable : l’alimentation du Palais est très
insuffisante pour les 200 à 250
projecteurs. Le festival a donc un contrat
spécial avec EDF, une salle entière des
sous-sols y est consacrée, et des kms de
cables filent jusqu’aux régies qui sont
situées tout en haut des gradins.
Combien y a-t-il de spectacles dans la
Cour ?
Trois par an environ, chaque troupe vient
d’abord répéter en juin. La première
jouera en dernier, la seconde en second
et enfin celle qui répète en dernier joue
la première, ça nous évite de démonter
et remonter le décor. Entre chaque pièce
nous avons trois ou quatre jours pour
changer de décor. Une équipe volante
vient en renfort des techniciens des
troupes et du Palais. Nous avons
plusieurs lieux à installer en même
temps. La carrière de Boulbon où jouera
cette année Valérie Dréville demande à
être équipée en tout (électricité, eau,
toilettes, point de restauration, scène...)
Tout ça exige beaucoup d’organisation et
un travail constant. D’ailleurs, l’entrée
des artistes reste ouverte 24h/24
pendant tout le Festival. Notre équipe
passe de 25 personnes travaillant à
l’année à 700 au mois de juillet.
Combien coûtent les places à la Cour ?
36 euros en première catégorie, 30
euros en seconde catégorie et 13 euros
en tarif jeunes. Les subventions nous
permettent de rendre la création
théâtrale accessible à tout public.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CAROLINE ROSSI
LA CHARTREUSE | VILLENEUVE EN SCÈNE | LES DOMS
FESTIVALS
13
Chez les Chartreux
Les rencontres d’été de la Chartreuse
débutent avec le Festival. Le Centre
National des Écritures du spectacle offre
les murs frais de sa Chartreuse, et le
fruit de son travail de l’année aux
estivants ; mais on ne change pas l’atmosphère d’un bâtiment si chargé de
recueillement et d’histoire : même en
plein Festival, la Chartreuse prend le
temps de réfléchir avant de monter et
d’élaborer par la pensée, plutôt que
d‘offrir du spectaculaire.
C’est le CLIM, Cabaret Libre International
de Montréal qui inaugurera la programmation : la compagnie de théâtre
québécoise Trois Tristes Tigres est
en résidence à La Chartreuse, pour y
créer son cabaret politique, qui traite de
l’accueil des étrangers en Europe (du 3
au 6 juillet), et une lecture de l’Enéide (le
6 juillet). Heiner Goebels poursuivra
avec Stifter’s Dinge, les choses de
Stifter (du 6 au 14 juillet) : un monde de
sons et d’images, sans musiciens, sans
acteurs, sans humains sur la scène, mais
avec des objets visuels, sonores, virtuels,
pro-jetés… Car cette année un des
débats de la Chartreuse questionnera le
théâtre à l’heure du numérique.
Un autre est en rapport avec l’histoire du
lieu. Le moine Rabelais, lorsqu’il décrivit
Thélème, pensait (entre autres) à la
Chartreuse. La Dégelée Rabelais, titre
générique d’une série d’expositions en
Languedoc Roussillon, évoque ce chapitre du quart livre, les Paroles gelées,
Stifters Dinge de Heiner Goebbels © Mario Del Curto
dans lesquels les mots glacés retrouvent
leur état premier et s’énoncent dans l’air
réchauffé, laissant éclater leur truculence… À la Chartreuse, depuis le 6 juin,
cette révélation prend les formes d’une
exposition sur Priape, et plus généralement d’une confrontation d’œuvres
contemporaines à l’architecture médiévale monastique, éclairée de la pensée
et du rire rabelaisiens… Réjouissant !
Les rencontres d’été
de la Chartreuse
à partir du 3 juillet
Villeneuve lez Avignon (30)
04 90 15 24 24
www.chartreuse.org
…et chez les wallons
S’il est une programmation particulière
durant le Off avignonnais, c’est celle
du théâtre des Doms. La salle accueille
depuis sept ans la Création de la
Belgique Francophone. La Communauté
reçoit de nombreuses candidatures (120
cette année !), opère une sélection et
propose aux festivaliers six spectacles
quotidiens, dans les conditions d’alternance du off : de 11h à 23h les
représentations aux décors démontables
se succèdent. La spécificité : tous les
textes sont contemporains, en création,
et les compagnies, aussi diverses que
le Théâtre National de Wallonie ou le
Manège de Mons, sont, si l’on en croit ce
que l’on a vu les années précédentes,
d’une grande qualité.
La Création belge affiche également sa
danse aux Hivernales, juste en face,
grâce à la programmation de Charleroi
danses (voir zibeline 8). Alors, vous ferez
bien un petit tour à Bruxelles sur Rhône ?
A.F.
La création en Belgique
Francophone
Du 7 au 27 juillet
Théâtre des Doms, Avignon (84)
04 90 14 07 99
www.lesdoms.eu
… dans la plaine…
Cette année il y aura une création
d’Irina Brook, un Tchekhov par le
Théâtre de l’Unité, Tristan et Yseult par
Les Baladins du miroir. Sans oublier
des spectacles de cirque, et une
programmation pour les enfants. Alors
n’hésitez pas à descendre dans la plaine
(si vous êtes Chartreux) ou à passer le
Rhône !
Oncle Vania à la campagne ©Thibault Dangréaux
Chaque année le Festival de Théâtre
Itinérant grossit, grossit, et attire un
public de plus en plus nombreux, et
heureux, de l’autre côté du Rhône. Au
pied de la Chartreuse fleurissent les
chapiteaux et se succèdent des spectacles populaires d’une grande qualité,
dans une ambiance foraine, avec
guinguette et convivialité garanties.
A.F.
Villeneuve en scène
Du 4 au 21 juillet
Villeneuve lez Avignon (30)
04 90 26 07 40
www.villeneuve-en-scene.fr
14
FESTIVALS
ERAC | LE BALCON | SALON
Sortie d’école
Les élèves de troisième année de l’ERAC (voir Zibeline 8) présentent à Marseille et Avignon Sœurs et frères d’Olivier Cadiot,
mis en scène par Ludovic Lagarde
Cette 16e promotion de l’École, qui a
travaillé avec Youri Pogrebnitchko,
Xavier Marchand, Catherine Marnas et
Alan Terrat, se confronte aujourd’hui à
l’écriture lyrique et précieuse de
Cadiot, qui a adapté pour eux (deux
distributions de 7 élèves) un texte pour
5 comédiens, écrit il y a 15 ans. La
mise en scène de Lagarde se double
de la direction d’acteurs du comédien
Laurent Poitrenaux, pour emmener les
jeunes comédiens dans une vie de
famille constituée de bribes, de
souvenirs, de moments communs, de
rivalités, de séquences musicales…
La pièce sera créée à Montevideo, puis
à l’ISTS d’Avignon pendant le Festival,
et les comédiens seront ensuite lâchés
sur la scène professionnelle, aidés par
le Fonds d’Insertion pour les Jeunes
Artistes Dramatiques, si quelque
metteur en scène de passage vient à
les remarquer…
A.F.
© X-D.R
Sœurs et Frères
du 17 au 25 juin
Montévidéo, Marseille
04 91 37 14 04
www.montevideo-marseille.com
Atelier ISTS, Cloître Saint-Louis
du 18 au 24 juillet
04 90 14 14 17
www.ists-avignon.com
04 93 38 73 30
www.erac-cannes.fr
Pont métaphorique
«Le pont le plus célèbre du monde ne sert plus à rien. Il s’arrête au milieu du fleuve»
confie le comédien qui en chante les louanges, et pourtant...
Serge Barbuscia offre pour le festival 2008 une
plongée dans l’histoire fantastique (et vraie ?) de
l’enfant Bénezet qui fut le créateur du célèbre pont
d’Avignon, chanté partout et orchestré pour le
spectacle par Jonathan Schiffman, chef new yorkais.
Les dimensions du théâtre du Balcon plongent les
spectateurs au cœur même de l’orchestre et c’est
dans l’intimité d’une formation de 35 musiciens que
se jouent Bizet et Grieg, dialoguant véritablement
avec le conteur. Une chanson coquine du moyen âge
devient une ronde enfantine à partir d’une opérette
du siècle dernier, et voilà que chacun a envie de
danser.
Le pont est un fantasme, un lien entre les rives et les
hommes. Bénézet, pâtre de 12 ans, apporte à la ville
des notables du XIe siècle un message. Il est raillé,
puis le miracle se produit –Bénézet met la première
pierre sur le Rhône, et elle tient, la construction du
pont est entreprise. Le texte passe du rire aux larmes
en traversant l’histoire comme la légende. «L’utopie,
c’est la vérité de demain» disait Hugo, Barbuscia se
plaît à rappeler que nous avons une responsabilité
envers le futur, que le jardin d’Eden n’est pas offert.
L’écologie est l’utopie d’aujourd’hui et le pont
imprégné des quatre éléments de la nature -le fleuve
qui détruit, le vent qui polit, la pierre dont il est fait et
le soleil qui le brûle- est la manifestation du travail de
l’homme dans son environnement : «nous sommes
nous-mêmes des bouts de pont» dit-il, notre bonheur
est dans le travail de réalisation de nos rêves.
CAROLINE ROSSI
© X-D.R
Côté Prestige
À quelques pas et quelques jours du
Festival d’Avignon, le Château de
l’Emperi se la joue Palais des Papes et
ouvre sa Cour à quatre représentations
d’envergure. Nettement plus populaires
que le Festival !
L’esprit du TNP est-il là ? En tous les cas, l’affiche en
partie ressemble à du Vilar : de grands comédiens,
parisiens, et des grands classiques… Cela commence
le 7 juillet avec le Don Quichotte adapté et mis en
scène par Philippe Adrien. Un spectacle avec
masques et vidéo, très visuel, joué magnifiquement
par le comédien aveugle Bruno Netter. Ce qui
interroge profondément l’interprétation idéaliste du
personnage, qui se trouve là comme manipulé
uniquement par ses fantasmes intérieur, hors de
toute réalité visible… Il y aura aussi deux Molières :
après Les Précieuses Ridicules le 11 juillet, la Cour
accueillera le Dom Juan de Torreton le 12 pour
clôturer le Festival. Entre temps (le 9 juillet) il y aura
eu les Bonimenteurs, et leur excellent spectacle
interactif, où l’improvisation devient un art comique…
A.F.
Le Secret d’Avignon a été créé
les 24 et 25 mai au théâtre du Balcon,
avec l’Olrap.
Côté Cour
Château de l’Emperi, Salon-de-Provence
www.festival-theatrecotecour.org
04 90 56 00 82
16
SAISONS
GYPTIS | TOURSKY | LA CIOTAT
Développement durable
Toursky Passion
Ils sont heureux, les directeurs du Gyptis ! Cette année, tous les La programmation du Toursky, une
spectacles ont rencontré leur public…
rique, passionnante, hétéroclite et
change pas !
Araignées de Mars de Josette Baïz.
Caligula © Jean-Luc Charles
…même ceux qui, a priori, semblaient plus difficiles,
comme Exilio ou Ceux qui partent à l’aventure : ces
créations de textes contemporains par des metteurs en
scène de la Région ont fait recette ! Et une fois de plus
ils ont fait venir au théâtre des générations nouvelles,
encadrées par leurs professeurs et préparés par l’équipe
du théâtre. Ainsi au Gyptis les spectateurs n’ont pas à
redouter de côtoyer les groupes de scolaires, qui s’y
tiennent fort décemment, et ne font éclater leur
jeunesse que dans leurs rires et leurs
applaudissements…
Alors, à l’occasion de l’annonce de cette saison
nouvelle, Andonis Vouyoucas fait un rappel historique :
il évoque leurs débuts à Marseille, il y a près de 30 ans.
Lorsqu’il y avait tout à construire, qu’aucun spectacle
professionnel ne se créait à Marseille, qu’aucun
comédien n’y était formé, n’y vivait… L’occasion
d’affirmer et de justifier la programmation du Gyptis,
centrée sur peu de spectacles, mais uniquement des
créations régionales qui font travailler les gens d’ici et
permettent un rapport de proximité avec le public.
Cette année encore, donc, peu de spectacles : 11, dont
4 n’ont lieu qu’une ou deux fois. Deux spectacles tout
public (un conte de Tôn-Thât Tiêt par Musicatreize, et
un Petit Prince virtuel mis en scène par Jean-Louis
Kamoun), un récital lyrique (Alain Aubin réussit à faire
remonter Magali Damonte sur les planches !), et les
Les sept autres spectacles sont théâtraux, et prennent
leur temps : entre 5 et 15 représentations pour chacun.
Quatre grands «classiques» rythmeront la saison : en
mai un Malade Imaginaire interactif, avec participation
du public (Cie Vol Plané, créé au théâtre de la Calade,
Arles). Une pièce dont Alexis Moati relève
l’omniprésence de l’angoisse de mort, tandis que les
spectateurs qui ont vu sa mise en scène rapportent
leurs éclats de rire, et le plaisir qu’ils y ont pris… Mais le
metteur en scène souligne également l’hétérogénéité
de la dernière pièce de Molière, à l’écriture
incroyablement facile et maîtrisée…
Autre création de la région : Alexandra Tobelaim (Cie
Tandaim, Marseille) se penche sur son premier
classique, Marivaux… Attentive à la subtilité des
sentiments amoureux, elle créera une Seconde surprise
de l’amour toute empreinte de l’œuvre de Sophie Calle :
la Douleur Exquise de la perte amoureuse, qui seule
permet la renaissance du désir…
L’Uppercut théâtre (Carqueiranne) reprendra un
Caligula «centré sur les acteurs», et les contradictions
psychologiques de ce «tyran si humain». Et Françoise
Chatôt, après Ruy Blas, continuera d’explorer le
romantisme avec des Caprices de Marianne mâtinés
d’esprit hip hop : parce que le désespoir fondamental
de Musset ressemble aux sentiments de notre jeunesse,
confrontée aux mêmes absences de perspectives, aux
mêmes ciels bas et lourds…
D’autres spectacles, moins classiques, viendront
compléter la programmation : un dialogue imaginaire
entre Rousseau et Voltaire, qui règlent leurs comptes et
parlent théâtre (mes Jean-François Prévand) ; une
revisitation de Sunset Boulevard par Jacques Hansen ;
et la création de Notre Dallas : le projet prend forme
depuis plus d’un an, aidé par les Bernardines puis le
3BisF. Charles-Eric Petit (Cie L’individu, Marseille),
tente d’écrire un théâtre nouveau à partir des traces
d’une mythologie toute récente : ou comment Sue Ellen
et Bobby Ewing ont marqué notre inconscient collectif.
Jusqu’à créer des archétypes ?
Une saison de créations et d’interrogations s’annonce !
Qui aurait parié qu’un théâtre puisse afficher 38
spectacles et près de 70 représentations dans les
quartiers Nord de Marseille, avec moins d’1,3 million de
subventions ? C’est l’exercice de haute voltige auquel
se livre l’équipe du Toursky depuis de nombreuses
années… Ses recettes ? Remplir ses salles à 98 % pour
parvenir à avoir plus d’un million de recettes propres, et
tabler sur la bonne volonté d’artistes fidèles qui
travaillent pour presque rien.
Le Toursky a donc les défauts de ses qualités, et
obligations : les places n’y sont pas bon marché,
certains spectacles accueillis sont consensuels, et
certaines fidélités agaçantes : Pietragalla, Nirmala ou
Michel Bourdoncle ne sont pas les seuls
chorégraphes et pianistes dignes d’entrer en ces lieux…
et les orchestres russes, serbes ou mexicains ne
favorisent pas vraiment la création musicale de la
région…
En fait, la création hérite d’une place réduite : une salle
de 800 places qui doit faire le plein de spectateurs
payants dans ce quartier ne permet pas la prise de
risque. Le Toursky programme tout de même quelques
créateurs régionaux (Edmonde Franchi dans Carmen
Seita, le Nomade Slam d’Ahamada Smis, et Richard
Martin lui-même), mais ne peut se permettre de
produire vraiment des spectacles. La diminution de la
subvention de l’Etat sous ce prétexte (il reste 15000
euros annuels, ce qui représente 0,5 % du budget du
Toursky…) paraît donc un brin hypocrite.
Programmation
Car s’il est une mission que le Toursky remplit avec brio,
c’est celle de la diffusion : chaque spectateur peut, dans
la programmation pléthorique, concocter un cocktail à
son goût.
Ceux qui aiment le texte chanté pourront entendre
Jonasz, Julos Beaucarne, Anne Sylvestre, Ahamada Smis
ou Angélique Ionatos… Les amateurs de (bons)
spectacles comiques retrouveront Dau et Cautella, et
les Achille Tonic (Shirley et Dino ont enfin rejoint leur
troupe !). Les amateurs de «comédiens qu’on voit aussi
AGNÈS FRESCHEL
5 filles couleur pêche © Jean-Paul Lozouet
Gyptis
saison 2008/2009
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
17
fois de plus, s’annonce pléthocontestable. Richard Martin ne
Heureux qui comme Ulysse…
Le Théâtre du Golfe, conseillé par Dominique Bluzet, construit une
programmation tout en collaborations…
Les cameleons d’achille © photos Didier Pallagès
au cinéma» pourront voir en vrai Evelyne Bouix, Galabru,
Michel Aumont, Jean-Claude Dreyfus, et Myriam
Boyer dans son Ajar moliérisé…
Puis il y aura quelques curiosités : Ionesco en slovaque,
Voltaire’s Folies, Le Footsbarn qui revient à Marseille
après près de 25 ans d’absence, et met en scène le plus
lyrique des romans de Hugo (L’Homme qui rit), Beauvoir
et Sartre se répondront avec Nekrassov et La Femme
Rompue. Et pour les fervents du classique il y aura un
Songe d’une nuit d’été en création, et un Dom Juan mis
en scène par Villégier.
Et bien sûr le Festival Flamenco, le Théâtre Russe et
ses cabarets, Mai-diterranée, un peu de cirque pour
ouvrir la saison, Piot Fomenko et Gogol… pléthorique
je vous disais ! Vous trouverez bien de quoi vous
abonner ! D’autant que le Toursky est un des rares
théâtres qui n’impose pas de spectacle dans son
cocktail d’abonnement : comme le dit Henri Frédéric
Blanc (voir p.63), auteur fétiche de Martin et
responsable de la Revue des Archers : «le Toursky
restera un espace de liberté et non une boutique
culturelle.» Une belle ambition !
Près de la moitié des propositions sont hors les
murs : 11 spectacles sur les 25 proposés emmènent les Ciotadens hors de leur ville… Vers le
Gymnase bien sûr, ou le GTP, mais aussi vers le
Festival d’Aix (Zaïde le 10 juillet), les Salins (Tango
Metropolis en décembre), l’Opéra de Marseille
(la Veuve Joyeuse en janvier). Les abonnés du théâtre
du Golfe peuvent donc profiter de véritables saisons lyrique et chorégraphique (Avec Blanche Neige
de Preljocaj, Steve Reich Evening de Keersmaeker…)
qui ne pourraient avoir lieu en leurs murs. Chaque
fois, un rendez vous est donné devant le théâtre
pour un départ commun vers Aix, Marseille,
Martigues…
Par ailleurs le Golfe programme des spectacles
aux dimensions plus modestes en ses murs. La
programmation jeune public est particulièrement
soignée, avec une attention portée au conte, (Un
Petit Chaperon Rouge et son grand-père de Loup,
mis en scène par Sarah Gabrielle), au théâtre
d’objet (La Balle Rouge), au cinéma avec une
histoire animée des frères Lumière, et au rock, avec
un concert pour enfants par musiciens adultes en
culottes courtes.
Adultes et enfants partageront d’ailleurs aussi les
créations de metteurs en scène de notre région :
ils y verront un Ubu de papier dirigé par Jacques
Maïmouna Gueye et Jacques Allaire © Eric Legrand
Germain, Akel Akian qui met en scène Albatros
de Fabrice Melquiot, Philippe Car qui reprend
Roméo et Juliette…
Mais les Ciotadens pourront également voir en
leur murs : une opérette d’Offenbach (Les Bavards
en octobre), un monologue de Maïmouna Gueye
(Bambi en novembre), le solo d’un clown (Éric
Lyonnet), Agnès Debord qui chante L’Amour Vache…
Bref, une formule qui permet de varier les plaisirs,
et de faire d’un petit port d’ancrage un départ vers
des horizons vastes, aux amarrages sûrs.
A.F.
Théâtre du Golfe, La Ciotat
Saison 2008/2009
04 42 08 92 87
www.laciotat.com
AGNÈS FRESCHEL
Toursky
Saison 2008/2009
0820 300 033
www.toursky.org
es Bavards © X-D.R
18
SAISONS
LA CRIÉE
Réduit à l’essentiel
La Criée à la rentrée ouvre pour un mois,
et s’exile ensuite pour cause de travaux.
Vous avez dit électrique ?
La Criée a besoin de travaux de mise
en conformité électrique. On le sait
depuis quatre ans, on le prévoit depuis
trois ans, on le repousse depuis deux
ans. Normal, direz-vous, c’est le Centre
Dramatique National… de Marseille.
Vous savez cette ville où rien n’est
jamais fait dans les temps prévus,
surtout lorsqu’il s’agit de travaux
publics, et encore plus lorsqu’il est
question de bâti culturel. Il y a
cependant là de quoi émouvoir au-delà
du public de théâtre, puisqu’il s’agit de
gestion de l’argent public.
La Criée avait prévu une saison
2007/2008 écourtée, pour commencer les travaux en avril, retrouver
ses murs début 2009, et ne perdre
qu’un trimestre de programmation.
Elle est donc fermée depuis plus d’un
mois, mais les travaux ne débuteront
qu’en… novembre ! Huit mois perdus,
dilapidés (une saison de la Criée coûte
tout de même 3,6 millions d’euros),
puisqu’en fait les travaux auront lieu
de novembre à juillet ! C’est-à-dire qu’il
faudra tout de même assurer une
saison entière hors les murs, avec le
même budget, ce qui n’est possible
qu’en réduisant considérablement le
Personne ne voit la vidéo © Fraicher-Matthey
nombre de places offertes. Vous
avez dit économique ?
Il y aura donc cette année, grâce à la
solidarité habituelle des directeurs de
lieux, familiers des programmations
hors les murs ces dernières années, 11
spectacles accueillis ça et là (au lieu
des 18 habituels), mais surtout 77
représentations seulement au lieu de
133, dans des salles plus petites… Les
recettes vont donc considérablement
diminuer (les entrées représentent
30 % du budget du CDN), et ne
seront pas compensées par des subventions supplémentaires. Chacun sait
que la période est à la restriction, et
la Criée n’échappe pas au «gel» de
l’état : 50 000 euros en moins cette
année... Comme l’administratif et la
gestion courante auront plutôt
tendance à augmenter vue la situation,
c’est l’artistique qui est touché de plein
fouet… Est-ce pour cela que Jean-louis
Benoît a construit sa programmation
autour de la question du Pouvoir
d’État ?
Au programme
Du 23 septembre au 31 octobre, vite,
avant que les travaux ne commencent, la Criée programme à la chaîne
dans ses deux salles 47 de ses 77
représentations ! Deux pièces contemporaines : Personne ne voit la vidéo de
Martin Crimp mis en scène par
Linda Blanchet, et dans le cadre de la
programmation d’Actoral le premier
volet de la trilogie CHTO de Sonia
Chiambretto mis en scène par
Hubert Colas (on pourra voir le 3e
volet, Mon Képi Blanc, au Festival de
Marseille). Puis il y aura, dans la petite
salle, Nicomède de Corneille mis en
scène par Brigitte Jaques : une pièce
peu montée, et qui met en jeu la
résistance du héros face au pouvoir
impérial dévoyé.
Autre temps, même mœurs : JeanLouis Benoit s’est plongé dans le
journal de Jacques Foccart
(Monsieur Afrique du Général de
Gaulle) pour retranscrire ce que fut mai
68 dans les coulisses du pouvoir.
Comment le Général n’y comprit rien,
puis y mit bon ordre. Cela s’appelle De
Gaulle, c’est une création, et ne
promet rien de lénifiant…
Expulsée hors des murs la question
Nicomède © Cosimo Mirco Magliocca
du Pouvoir se posera au Gymnase, pour
un autre Corneille, tragique celui-là,
mis en scène par Allain Ollivier. Le
conflit du Cid est-il amoureux ou politique ? les deux, sans doute… Débrayage,
de Rémi de Vos, emmènera la question à La Friche : sa pièce mise en
scène par Éric Vignier, déroule dans
une série de saynettes folles les
conflits du travail, les mises sur la
touche, les licenciements et compromissions avilissantes des employés…
Puis il y aura aussi Daniel Benoin qui
met en scène Guitry et Cassavetes,
Célie Pauthe qui monte une pièce
de Bergman, Arias, et ses folies
colorées, baroques, divines… et JeanClaude Fall qui clôt la saison au
Théâtre Nono (voir page 23) avec deux
Shakespeare, retrouvant ainsi la
thématique de la saison, les folies et
les failles des despotes : Le Roi Lear et
Richard III ne sont-ils pas les deux
visages d’un même pouvoir qui se
dévoie, par l’usurpation meurtrière ou
le renoncement coupable ?
Enfin, pour animer le hall, continuer
à faire vivre le lieu, il y aura des
soirées cabarets dans le hall, des
débats sur la mezzanine, et l’accueil
du public se fera toujours au même
endroit… durant toute la durée des
travaux !
AGNÈS FRESCHEL
La Criée
Saison 2008/2009
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
NÎMES | GRASSE
SAISONS
19
Quand Nîmes s’anime
qui multiplie les spectacles : cette
année il y aura 39 propositions
différentes. Chacun peut, dans cette
programmation pléthorique, mais au
nombre de représentation réduit (66),
trouver de quoi concocter l’abonnement de son goût : une offre de choix
pour une ville de 150 000 habitants,
qui lui rend bien son attention, puisque
le théâtre est toujours plein (ou
presque !).
Petites histoires.com © X-D.R
Le théâtre de Nîmes a une histoire ancienne et un statut particulier : maison
chère aux habitants, et située au cœur
du quartier historique, on y a toujours
vu une programmation musicale, lyrique
en particulier, voisiner avec du théâtre,
puis de la danse et des arts «indisciplinaires», comme le disent aujourd’hui
joliment les programmateurs.
Depuis l’arrivée de Macha Makeïeff à la
direction, le théâtre municipal a pris un
essor véritable, proposant une saison
Au programme
On retrouve à Nîmes quelques spectacles formidables que l’on voit ailleurs,
comme Le Petit Chaperon Rouge de
Pommerat, Sauve qui peut des TG
Stan, une création de Philippe Dorin
ou celle des 26000 couverts, le hip
hop de Kader Attou ou la dernière
mise en scène d’Yves Beaunesne (Le
Canard Sauvage, Ibsen). Mais
l’essentiel de la programmation est
original et spécifique.
D’abord parce que c’est là que Macha
Makeïeff et Jérôme Deschamps
inventent leur inclassable théâtre de
geste (Salle des fêtes, en novembre).
Ensuite parce que la création lyrique y
conserve une place de choix : la saison
finissante a vu, en exclusivité dans la
région, le superbe Britten d’Olivier Py
(Curlew River) et l’Étoile de Chabrier…
et en 2008/2009 il y aura la création
en France de l’opéra de poche de
Philip Glass, d’après la Colonie
pénitentiaire de Kafka ; et Le Retour
d’Ulysse de Monteverdi mis en scène
par William Kentridge et ses superbes marionnettes. Enfin parce que
deux temps forts rythment la saison
de leur originalité : le Flamenco en
janvier, traditionnel et incontournable
à Nîmes, à la fois pour les amateurs
de musique et de danse ; et la Biennale Japonaise, très intrigante,
expérimentale, faite de moments chorégraphiques et musicaux mâtinés d’arts
numériques… et qui donnent aux
Nîmois l’occasion d’être à la pointe du
dialogue franco-japonais : aucun de
ces spectacles n’est jamais venu en
Europe !
En dehors de ces temps forts, on
remarquera également, tout au long de
la saison, l’attention portée au jeune
public avec des propositions exemplaires : des textes de Melquiot,
Dorin, Pommerat, l’Affaire Poucet
d’Olivier Rannou, mais aussi des
concerts jazz ou classiques prévus
spécifiquement pour eux, de la danse
(Picasso et la danse, Cie Europa…), du
cirque, des ciné concerts…
Une programmation singulière et hétéroclite donc, dont le point commun est
la qualité !
AGNÈS FRESCHEL
Saison 2008/2009
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 00
www.theatredenimes.com
État de Grasse
Pôle régional de développement et scène conventionnée pour la danse et le nouveau cirque, le théâtre
de Grasse affiche une programmation pléthorique et des temps forts appétissants
Une quarantaine de spectacles
rythmera la saison, avec beaucoup de
théâtre, des pièces très éclectiques le
plus souvent issues du répertoire
contemporain : la quête du sens dans
Assoiffées de Wajdi Mouawad, le
questionnement de l’Autre dans Le
Grand Nain de Jambenoix Mollet et
Philippe Eustachon, l’humanité en
marche dans Ceux qui partent à
l’aventure mis en scène par RenaudMarie Leblanc sur un texte de Noëlle
Renaude, la dénonciation des abus
des guerres de religion dans Les
Croisés de la compagnie belge Agora
Theater, la visite de Joël Pommerat au
Les Chaussettes © Cosimo Mirco Magliocca
déjà mythique Pinocchio, la vision
abrasive du monde contemporain de
Rodrigo Garcia dans Jardinage
humain, ou encore la fable intemporelle
John et Joe mise en scène par Eric
Monvoisin sur un texte d’Agota
Kristof.
Des créations attendues émailleront la
saison, celle de Fellag, Tous les
Algériens sont des mécaniciens, de
Ahmed Madani, Ernest, ou comment
l’oublier, la mise en scène du texte de
Marguerite Duras, La douleur, par
Patrice Chéreau et Thierry Thieù
Niang avec Dominique Blanc dans le
rôle-titre, et Le Bourgeois gentilhomme
de Philippe Car et sa nouvelle
compagnie Agence de Voyages
Imaginaires. Sans oublier les «têtes
d’affiche» Michel Galabru et Gérard
Desarthe dans Les Chaussettes,
Thierry Lhermitte et Sylvie Testud dans
Biographie sans Antoinette, Myriam
Boyer dans La vie devant soi, Jean
Rochefort en conteur facétieux dans
Entre autres…
En danse les propositions sont
remarquables, avec la venue de la
chorégraphe Kettly Noël avec Chez
Rosette, le hip hop virtuose de Petites
histoires.com de Kader Attou et les
deux pièces d’Angelin Preljocaj
Noces et Empty moves (part 1).
Soulignons enfin les deux temps forts
qui occuperont une bonne partie du
mois de février : la venue de l’artiste de
cirque, équilibriste, manipulateur et
faiseur d’objets Johann Le Guillerm.
Il présentera Secret sous chapiteau, et
Monstration, exposition spectacle hors
du commun. Avant que la Cie 26000
couverts n’offre une clôture de saison
époustouflante avec Beaucoup de bruit
pour rien ! Ouverture des abonnements
le 18 juin : n’hésitez pas !
DOMINIQUE MARÇON
Saison 2008/2009
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
20
SAISONS
MARTIGUES | PORT-DE-BOUC | CAVAILLON
In
extremis
Le théâtre de Cavaillon conserve in extremis son statut de Scène
Nationale, mis en cause lors des dernières élections municipales…
© Pascal Grimaud
Le bel âge
Le Théâtre du Sémaphore fêtera
la saison prochaine vingt ans de
présence sur le territoire de Portde-Bouc
Visiblement soulagé, Jean-Michel Grémillet, directeur
depuis 7 ans du théâtre, raconte désormais l’histoire
en esquissant un sourire (encore crispé) : la
municipalité sortante avait donné le «coup de pied de
l’âne» en votant, juste avant de partir, un budget qui
attribuait à la Scène Nationale 30 % de moins que
l’année précédente… La nouvelle municipalité,
pourtant de la même couleur UMP que la sortante,
s’était trouvée dans des turbulences inattendues,
devant décider de garder ou non ce label… gage de
l’engagement de l’État jusqu’à une certaine hauteur,
mais lourd aussi financièrement pour une commune
relativement petite, et obligeant à un cahier des
charges précis en termes de création, de
rayonnement, de qualité, d’accueil de compagnies de
la région… Bref une interdiction de faire une
programmation grand public et facile.
Mais le bilan artistique de la Scène Nationale étant
plus que positif, et sa mission de démocratisation et
de fidélisation du public assez exemplaire, il semblait
délicat de transformer en théâtre municipal cette
salle toute neuve, toujours pleine (85 % de taux
d’occupation, dit Grémillet qui n’aime pas le terme
«remplissage» : on en gardera l’idée !), presque
toujours ouverte (130 représentations l’an dernier),
et ne programmant que des artistes véritables (cette
année on y a vu No Tunes International, Le
Centaure, Skappa, 26000 couverts, Rancillac,
Télémaque, Galin Stoev, Philippe Dorin durant le
seul premier trimestre...), rayonnant dans tout le
Vaucluse et au-delà avec ses Tournées Nomades
(19 villes reçoivent ainsi ces spectacles
décentralisés). De plus ils font depuis des années un
travail de médiation culturelle si efficace… que les
représentations peuplées de public scolaire sont un
régal d’attention et d’intelligence !
Il semblerait donc normal qu’une telle réussite
artistique soit la garantie d’une pérennisation, au
minimum. Mais si le statut de Scène Nationale
semble pour l’instant sauvé, le théâtre reste
convalescent, encore fragile, dans le collimateur des
tutelles : plus que jamais à soutenir !
C’est donc à une ébauche de saison, loin d’être
finalisée, que Grémillet a invité son public le 12 juin.
Quelques traits s’en dégagent : il n’y aura sans doute
que 29 spectacles a lieu des 36 de l’année
précédente, mais autant de créations (10 spectacles),
7 artistes de la région, des textes tous contemporains, et une attention particulière à l’Afrique, avec
la venue de Salia ni Seydou (voir page 10), de la
chorégraphe Kettly Noël, de Thierry Bedard qui
met en scène 1947 de l’écrivain malgache Jean-Luc
Raharimanana… Et parmi les spectacles que nous
avons vu et adoré à Zibeline, il y aura (sous réserves,
la programmation n’est pas encore officielle !) : Ceux
qui partent à l’aventure mis en scène par Renaud
Marie Leblanc, Une île de Cervantès, Taoub des
acrobates de Tanger mis en piste par Aurélien Bory,
Pinocchio de Pommerat, du Durringer, du
Melquiot, Nadj, Catherine Zambon… et Attitude
Clando, un magnifique texte magnifiquement vécu
sur scène par Dieudonné Niangouna, son auteur…
De quoi vous donner envie de devenir Cavaillonais !
AGNÈS FRESCHEL
Scène Nationale de Cavaillon
Saison 2008/2009
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Un anniversaire placé sous le signe d’un hommage
aux compagnons, tous ceux, artistes, public et d’autres encore, qui ont contribué à faire de ce lieu un
lieu de création et de diffusion du spectacle vivant, un
lieu où la formule «action culturelle» est suivie de faits
et a des répercussions sur les publics. Depuis 10 ans
le Sémaphore est Pôle Régional de Développement
Culturel et Scène Conventionnée pour les publics.
Paul Fructus, compagnon de la première heure, ouvrira la saison le 26 septembre avec le bien nommé
Bal du début, accompagné par la Cie Le temps de
dire ; ils seront ensuite présents avec Les travailleurs
Marc Jolivet © Chritian Lauté
21
Une recette comme on les aime
La scène Nationale de Martigues affiche une belle santé, et une profusion de
spectacles de tous genres, mais d’égale qualité
de la mer, d’après Victor Hugo (le 3 octobre). Et puis d’autres compagnons
se succèderont, seuls sur scène, et notamment Marc Jolivet dans Mon frère
l’ours blanc (les 10 et 11 octobre),
Rufus dans un monologue beckettien,
Les mots sont des trous dans le silence
(le 14 novembre), ou encore Michel
Boujenah, Enfin libre ! (les 12 et
mars). D’autres reviendront, fidèles à
la scène buciportaine, tels la Cie Cartoun Sardines, en résidence au Sémaphore toute la saison, qui propose
Faust (le 21 octobre) et Le bonheur (le
24), et la Cie l’Egrégore, présente
l’année dernière avec Oncle Vania et
qui revient avec Karl Marx, le retour (le
3 février) et La mouette (le 6). Le public
jeune n’est pas en reste : la Cie barcelonaise Xirriquiteula dévoilera son
Papyrus le 30 octobre, la Cie clandestine animera des ateliers avant les représentations de C’est pas pareil (les
28 et 29 avril)… Sans oublier un travail
de collaboration qui se poursuit avec
le Théâtre des Salins à Martigues, autour du projet Mare Nostrum avec la
Cie El Gosto, et pour la Biennale
Cirk’en mai qui clôturera la saison en
beauté.
DOMINIQUE MARÇON
Théâtre le Sémaphore
Saison 2008/2009
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore
-portdebouc.com
À l’heure du bilan de fin de saison, les
Salins peuvent se réjouir : avec leurs
118 représentations dans l’année,
leurs 46 spectacles dont de nombreuses coproductions, et leur 84 % de
taux de remplissage (c’est-à-dire 38000
spectateurs pour 45000 places disponibles), les Salins remplissent sans
conteste leur rôle de Scène Nationale :
si l’essentiel du public vient de Martigues
et du bassin alentour, un nombre important d’Aixois et de Marseillais vont
jusqu’à Martigues pour certains spectacles qu’on ne voit que là (jusqu’à 40
% des salles). Certains viennent même
d’un autre département (1500 spectateurs environ) tant la programmation
est abondante, variée, créative, et singulière dans la région.
La saison prochaine ne dérogera pas à
Tchekov © Pidz
la règle : c’est cette fois-ci 56 spectacles
qui seront accueillis !
Avec, pour le théâtre, de grands metteurs
en scène invitant à de belles propositions, tels Joël Pommerat qui revient
avec Pinocchio (voir page 27), et Je
tremble (voir Zibeline 8) dont le second
volet se fera au Festival d’ Avignon cet
été ; Pippo Delbono, fidèle à la scène
martégale, avec Questo buio feroce
(voir Zibeline 7) ; Yann-Joël Collin dans
un truculent Dom Juan ; ou encore Guy
Cassiers et son stupéfiant Mephisto for
ever, présenté en 2007 au Festival
d’Avignon, de même que le Silence des
Communistes de Jean-Pierre Vincent ;
John Malkovitch pour Good Canary (prix
de la meilleure mise en scène aux
Molières 2008) ; Hubert Colas autour
de l’écriture de Sonia Chiambretto
(Mon Képi blanc, présenté cet été au
festival de Marseille), Catherine Marnas
(artiste associée) qui aura carte blanche
durant trois soirs… pour ne citer qu’eux.
Danse et Musique
De grandes rencontres en danse aussi
avec un tour du monde pour le moins
prometteur avec les français Olivier
Dubois (Faune(s)) et Georges Appaix
(Question de goûts), le japonais Hiroaki
Umeda (Accumulated layout et Adapting
for Distorsion), les franco-marocains
Kader Attou (Petites histoires.com) et
Mourad Merzouki (Tricôté) et le
britannique Russell Maliphant (Flux,
Small Boats et Push)…
Une multitude de propositions musicales émailleront la saison : de la
chanson avec Sanseverino dont le
slameur Frédéric Nevchehirlian (artiste
associé) assurera la 1re partie, et un
concert à deux voix avec Christophe
Miossec et Yann Tiersen ; de la musique
classique avec Les Contes d’Hoffmann
de l’Opéra Eclaté, le Quatuor Ebène, le
pianiste Francesco Tristano Shlimé… Et
l’Ensemble Telemaque, dont le directeur
Raoul Lay est artiste associé, propose
une initiation musicale (Portrait Messiaen),
un concert mêlant romantique, contemporain et voix (Schubertmannia), et
une nouvelle œuvre pour enfants, d’après
Grim (La Mort Marraine, voir Zibeline 6).
Enfin, le chorégraphe Thierry Thieû
Niang, lui aussi artiste associé, proposera deux créations : Au bois Dormant,
un spectacle mêlant danse, musique et
théâtre avec Marie Desplechin, Benjamin
Dupé et Patrice Chéreau, et Un Amour,
une rencontre cirque et danse avec
Catherine Germain. Aux Salins, exigence
et qualité donnent le ton saison après
saison, et aiguisent les gourmandises…
DOMINIQUE MARÇON
Théâtre des Salins
Saison 2008/2009
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
22
SAISONS
GAP | BRIANÇON | THÉÂTRE NONO
Là-haut dans la montagne
À quelques heures de Marseille, au cœur de Gap comme aux pieds des pentes de Briançon, la Scène
Nationale des Hautes-Alpes distille sa programmation à travers deux lieux coupés de rien, et surtout pas
de la création. La preuve par un tour d’horizon de la nouvelle saison
Mais rappelons d’abord, pour ceux qui ne connaissent pas les scènes alpines, l’incroyable réussite
de ce pôle, constitué de la Scène Nationale de la
Passerelle et du Théâtre du Cadran : les salles, toujours pleines, programment des spectacles variés et
exigeants, un nombre incroyable de créations
coproduites… et la plupart des créateurs régionaux
qui comptent sont passés en ces murs, y séjournant
souvent comme artistes associés. Et le public y
est nombreux et jeune, formé, attentif : fruit d’années de travail de médiation culturelle, qui ont permis
de réussir une véritable démocratisation, dans un
département à l’accès pourtant difficile.
La Passerelle : tout pour tous
Une trentaine de spectacles et concerts : des propositions à retrouver dès le mois de septembre sur la
scène gapençaise. Théâtre, danse, musique, sans
oublier le jeune public, chacun devrait trouver chaussures à son pied, ou plutôt spectacles à son goût.
Les yeux et les oreilles de Zibeline ayant toutefois
traîné dans nombre d’endroits tout au long de la
saison passée, nous ne saurions trop vous recommander la fréquentation de quelques spectacles que
nous avons aimés : Une île de François Cervantès,
captivante allégorie masquée, Questo Buio Feroce,
œuvre de maturité de l’italien Pippo Delbono, les
étonnantes Métamorphoses imaginées par Frédéric
Métamorphoses © Pino Pipitone
Flamand pour le Ballet National de Marseille ou
encore Sombreros, dernier opus, un peu décevant,
du maître du rêve éveillé, Philippe Decouflé. Mais
aussi les pièces d’artistes moins connus telle la
compagnie L’employeur, qui s’attaque avec un art
consommé du décalage au très beau texte d’Eugène
Savitzkaya Aux prises avec la vie courante, et les
jeunes brésiliens des Membros, dont le hip hop
chauffé à blanc ne fait aucune concession à l’âpreté
de la vie.
Côté création, on sera particulièrement attentif à
celle de Catherine Marnas qui transforme tous les
textes qu’elle touche en pertinents objets scéniques.
Avec Le retour au désert de Koltès, les retrouvailles
s’annoncent de taille : Catherine Marnas a monté
avec une grande subtilité nombre de ses textes,
souvent créés d’ailleurs à La Passerelle, durant
ces 10 dernières années… Le prochain spectacle du
facétieux chorégraphe Thierry Baë devrait
également réserver de bonnes surprises. Son titre
parle pour lui : Tout ceci (n)’est (pas) vrai.
Il nous faudrait encore parler de Fellag, Michel
Raskine, Didier Galas, Guy-Pierre Couleau,
Emanuel Gat et Régis Obadia, Nathalie
Pernette, Thomas Dutronc, l’Opéra éclaté ou
encore de l’Ensemble Télémaque. Impossible de
les citer tous pour témoigner exhaustivement du
foisonnement et de la qualité de cette nouvelle
saison que nous vous invitons à découvrir au plus
vite : les abonnements sont d’ores et déjà ouverts !
Le Cadran : tout pour la musique
À Briançon, les oreilles seront une fois de plus à la
fête. Au programme de cette scène résolument
tournée vers la musique, du classique avec
l’essence rare du quatuor Ebène et de son
programme français, Ravel, Debussy, Fauré. Du Jazz,
dans tous ses états : des ensorcelantes vocalises
d’Ilene Barnes et de Laïka Fatien au jazz klezmer
de David Krakauer, en passant par le jazz occitan
d’André Minvielle et un hommage à Léo Ferré
concocté par trois des plus grands jazzmen italiens dont Gianmaria Testa- en français s’il vous plaît !
De la chanson également, avec la joyeuse gouaille
d’Agnès Bihl, le cabaret La sublime revanche ou
encore les Folks Songs et autres chansons populaires
du XXe siècle revues et sublimées par l’Ensemble
Télémaque.
Nombreux seront également les rendez-vous où la
musique croisera les autres arts. À l’image de
L’instrument à pression, étonnante balade au
croisement du théâtre et du concert où l’écriture
de David Lescot rencontre la trompette de
Médéric Collignon et l’incroyable talent du comé-
La Sublime revanche © Cédric Rouillat
dien Jacques Bonaffé. À l’image aussi des nombreux spectacles jeune public qui émaillent la
programmation : la musique y tricote de pertinents
maillages avec le théâtre, la danse, le cirque et même
le cinéma. Et parce que les coups de cœur n’ont que
faire des catégories, il y aura aussi de «purs»
moments de théâtre, de danse et d’humour : La
Seconde surprise de l’amour mise en scène par
Alexandra Tobeleim (voir page 16), les Petites
virtuosités variées des solistes du Ballet de l’Opéra
de Paris ou encore l’hilarant cirque des Cousins.
Comme quoi, dans la montagne, il est autant
question de culture que de nature…
LAURENCE PEREZ
Saisons 2008/2009
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
Le Cadran, Briançon
04 92 25 52 52
Ilene Barnes © Pierre Terrasson
Inauguration
contestable
Le Théâtre NoNo de Serge Noyelle et
Marion Coutris a tendu ses toiles de
cirque à côté de la Campagne Pastré
pour accueillir le public marseillais venu
en nombre. De nombreux comédiens
mêlés à la foule déambulaient sous des
oripeaux baroques et des maquillages outranciers : le Petit Chaperon
Rouge cherchait sa maman et n’avait
pas que de la galette dans son panier !
Des femmes imposantes circulaient
dans des tenues de danseuses, des
travestis lançaient des oeillades... On
croisait des comédiennes du populaire
feuilleton Plus belle la vie tout aussi bien
que des musiciens, des jongleurs, des
équilibristes. Des plasticiens installés
sur des tréteaux peignaient de grandes
fresques en direct. Parfois le télescopage des musiques et des interventions
cacophoniques s’ajoutait à l’ambiance
déjantée. Moment fort : les intervenants ont défilé en rythmant leur
marche déhanchée avec les talons, la
foule s’est mise à l’unisson ; pendant
plusieurs minutes le chapiteau a vibré !
Petite note officielle : Michel Sapin,
préfet de la région PACA, et JeanClaude Gaudin et Bernard Latarget
fraîchement débarqués de Bruxelles,
sont venus déclarer ensemble leur
foi dans la canditature de Marseille
Capitale Européenne de la Culture en
2013. Enfin une danseuse flamenca
enflammée et un groupe de musique
mi-jazzy ont embrasé la salle.
Il reste à voir comment le programme
2008-2009 sera accueilli : des temps
forts de collaboration artistique avec le
Festival de Marseille, le Théâtre de la
Criée, le Ballet de Marseille et le
Théâtre Toursky sont annoncés, en
plus d’une programmation personnelle
avec des reprises de spectacles du
Styx Théâtre.
La Ville de Marseille prépare depuis
des années l’installation de Serge
Noyelle à Marseille : jusqu’alors basée
à Chatillon, sa Cie était venue jouer son
Cabaret en 2004, déjà coproduit par la
Ville, et son Entremets-entremots en
2006, dans cette Campagne Pastré,
juste à côté du théâtre Équestre du
Centaure. La Cie Styx sait inventer
des moments festifs, décalés, où le
théâtre se met à table, chante et se
partage comme un repas, se nourrit de
mots, et crée entre spectateurs et
comédiens des liens nouveaux. Un lieu
de théâtre dans les quartiers sud paraissait territorialement nécessaire.
Reste qu’on se demande toujours
pourquoi le Styx se voit construire
un théâtre à grands frais, alors que
tant de compagnies marseillaises sont
toujours à la rue, sans salle de répétition, sans lieu qui les programme
régulièrement. Et que les travaux de
la Criée ont été retardés de six mois
pour raisons financières, privant ainsi
Marseille d’une demie saison de son
CDN...
CHRIS BOURGUE
Théâtre NoNo,
Campagne Pastré.
04 91 75 64 59
Chapiteau © Bruno Ortega
24
THÉÂTRE
GYMNASE | MASSALIA | LES ARGONAUTES
Obstinato
La main écrit le mot, la bouche le façonne, seul le
matériau le dit. Par exemple un anorak est un blouson
épais destiné à protéger du froid mais c’est aussi un
mot emprunté à la langue inuit... Le monde penche,
vacille, avance et recule, change d’échelle, mais
Mahu en transporte une sur son dos, et Robert Pinget
par bonheur a inventé Larroche et les ateliers du
Spectacle ! Et c’est le mot qu’écrit la main qui le
redresse entre les bras ouverts d’un Grand Anorak
totem...
Tu vois bien que sans bafouiller on peut rien raconter !
Alors quoi ? Ils sont d’abord deux mais jamais seuls ;
il y a lui dans sa cabane au Canada de poupée ; il y a
elle dans sa cabane itou ; ils font tout comme
nous et la cheminée fume... mais d’où souffle le vent
de folie qui pousse ainsi le temps dans tous les
sens ? Tentatives de l’homme pour saisir le monde :
panneaux indicateurs, discours régulateurs et ô
merveille... jumelles géantes pour entrevoir la vérité...
qui s’échappe... miroir qui ne capte pas mais impose
son reflet... rasoir qui fait naître le visage sous le
savon à barbe... pinceau magique qui relaie le dire et
le faire pour découper un petit monde quotidien dans
l’étoffe des rêves et l’épaisseur du polystyrène...
casserole sans fond qui engloutit des fleuves de lait
destinés à quel estuaire ?
Mais oui, il faut en croire ses yeux et ses oreilles (de
l’archet qui prélude sur les cordes fantômes à
l’Harmonie des Intrus enfin réunis pour dresser un
éphémère chapiteau final) sans douter de sa propre
jubilation face à cette scénographie de génie de la
lampe qui de frottement en trafic donne tant d’esprit
Confidences
trop pénibles
© Thomas Lannette
à la lettre ! D’ailleurs est-on bien sûr de n’avoir pas
passé la soirée avec Héraclite et Platon venus
rejoindre en douce Coutin, Lomon, Senet et Mahu ?
Comment reprendre pied dans le monde réel après
avoir assisté à l’agonie minuscule d’une tapisserie qui
se décolle un peu comme une larme à l’œil ?
MARIE-JO DHÔ
Bafouilles/ Tu vois bien qu’on ne peut rien raconter
a été conçu par Jean Pierre Larroche,
mis en scène par Philippe Nicolle
et Frédéric Révérend, traversé et habité par de drôles
de gens formidables, couvé par le théâtre Massalia
et abrité à La Friche du 27 au 30 mai,
et joué au théâtre de l’Olivier,
à Istres, le 23 mai
© Thomas Lannette
Patrice Leconte a repris au Gymnase
la mise en scène de Confidences trop
intimes, avec Christophe Malavoy
et Florence Darel. En 2004, il réalisait
un long métrage sur ce même thème
de la méprise et de la confidence,
avec Fabrice Lucchini et Sandrine
Bonnaire dans les rôles principaux.
Le film n’avait pas rencontré un franc
succès. La pièce ne suscite pas
grand enthousiasme non plus.
Il faut dire que le texte de Jérôme
Tonnerre, malgré quelques échanges
savoureux, ne brille pas par sa
finesse. Et que d’un quiproquo
plaisant à l’origine, on attendait autre
chose que cette succession pesante
de saynètes prévisibles.
Une femme se trompe de porte.
Elle croit se confier à un psy.
C’est un conseiller fiscal qui la reçoit.
Courtois et troublé par les larmes
de la charmante éplorée, il endosse
le rôle de l’écoutant. Christophe
Malavoy, crédible durant les premières scènes, s’enlise ensuite dans
la posture du maladroit de service.
Florence Darel, en épouse bafouée
et naïve, se perd dans un personnage
sans épaisseur. Les seconds rôles,
pourtant bien interprétés par Olivier
Pajot (le psy) et Noémie Kocher
(Jeanne), ne parviennent pas
vraiment à secouer la chape d’ennui.
Le décor et les lumières confinent
la pièce dans un univers poussiéreux.
La musique n’aide pas non plus
à dynamiser l’intrigue. À la manière
de celle des feuilletons sentimentaux,
elle assomme le spectateur. Et l’on
dérive doucement mais sûrement
vers un spectacle de boulevard
sans grand intérêt…
MARIE MILANO ET FRED ROBERT
Confidences trop intimes
a été représenté
au Théâtre du Gymnase
du 23 au 31 mai
25
Raconte moi les objets
© X-D.R
Le théâtre d’objet se résout dans le geste : c’est
finalement la morale de l’Anthologie proposée par
Christian Carrignon. À côté de la salle de
spectacle, quelques objets exposés cabotinaient
déjà dans l’espace, formes spectaculaires arrêtées,
pleines de l’histoire de leur représentation. Dans
la salle, simplement, Carrignon conférençait.
Démonstrativement, comme un camelot, jouant
les sketches des autres. Un cerf cruel qui n’ouvre
pas la porte au lapin ; un cachet d’aspirine qui aspire
à devenir bonbon ; une baigneuse qui se fait dévorer
par un requin ; et pour fil d’Ariane le Roi Lear et le
nom de sa fille, cri de couleur, de mort, de remords,
de folie. Le théâtre d’objet serait-il féroce ? Sans
doute la double distance induite par la représentation
et les figurines permet-elle une cruauté plus profonde
encore que celle d’Artaud. Celle de l’enfance et de
ses poupées ?
Enfance
de l’art
AGNÈS FRESCHEL
Anthologie du Théâtre d’objet
a été créé au Massalia
du 20 au 23 mai
Il y a toujours quelque chose
d’attendrissant à voir des enfants sur
scène. Leurs maladresses, leur trac,
les imperfections de leur jeu sont
autant de petites lueurs qui brillent
comme des trésors éphémères,
inconscients. Les Planteurs de Perles
a réussi cette performance-là, avec
des enfants qui chantent… de la
musique contemporaine ! Le pari
n’était pas évident, et Marianne
Suner a composé une partition faite
de balancements légers et de
mélodies aux intonations douloureuses, pour emmener dans
un monde familier et terrifiant :
celui de la jalousie, de la colère, du
désir de meurtre et de la culpabilité.
Elle a confié les chœurs et les parties
solistes aux enfants des Voix
Polyphoniques, mis en scène par
Brigitte Cirla. Une partition dont
ils se tirent à peu près, malgré
la difficulté, et leur peu de technique
vocale. Les ados du Conservatoire
font preuve de plus de savoir faire,
et d’autant de fraîcheur. Reste qu’on
se demande tout de même si (ne)
faire travailler (que) des enfants
relève d’un choix esthétique :
les spectacles d’enfants intéressentils le jeune public, ou les parents ?
Gâchis aux Argonautes !...
Cela relève de l’hérésie ou de l’inconscience !
Monter Edward Bond réclame de l’analyse, de la
maîtrise, de l’expérience. Le texte est rude, les
situations dérangeantes et le spectateur n’y va pas
comme il irait au vaudeville. Cela nécessite donc
de la part des comédiens une maturité personnelle
et professionnelle que ne possédaient malheureusement pas ceux qui ont joué Mardi, pièce écrite au
départ pour la télévision.
L’argument en est simple : un adolescent a déserté
et se réfugie chez sa copine dont le père, attaché
au devoir, ne peut accepter de le cacher. La pièce
se passe dans un huis clos étouffant ; les trois
personnages sont malheureux, incapables de communiquer. Le spectateur est bouleversé par cette
détresse et ce gâchis, mais en l’occurrence il fut
également abattu par le jeu approximatif des
acteurs, notamment les tics de celui qui jouait le
père et qui, n’en ayant pas l’âge, se croyait obligé
de grimacer. En plus il ne connaissait pas son texte !
À la fin, l’armée à la recherche de sa proie intervenait
sur le plateau, semant le désordre et la mort, mais…
cela devint vraiment grotesque.
Il s’agissait pour la compagnie de monter trois pièces
de Bond : Jackets, qui dure déjà près de 4 heures,
Onze débardeurs, une pièce extrêmement lourde
et Mardi, de dimension a priori plus modeste. Au
vu de ce seul épisode du triptyque, il semble que le
projet de Francine Eymery, louable, était trop
ambitieux : manifestement il manquait à la troupe
entraînement et répétitions !
CHRIS BOURGUE
Les trois pièces de Bond ont été jouées
aux Argonautes, en alternance, du 20 au 31 mai
YAMINA TAHRI
Mardi © X-D.R
Les Planteurs de Perles
a été créé au Massalia
du 5 au 7 juin
26
CIRQUE/RUE
GYMNASE | LIEUX PUBLICS
Illusions dévoilées
Dites-le...
avec des bambous !
© Jean-Louis Fernandez
C’est peu dire que James Thiérrée est
un magicien. Son troisième opus, sans
doute un peu moins époustouflant
visuellement que la Symphonie du
Hanneton et surtout La Veillée des
abysses, n’en reste pas moins un des
plus «beaux» spectacles, au sens
propre, vu sur les scènes ces dernières
années.
La cordéliste, la danseuse et la
chanteuse y sont un peu moins sidérantes de talents multiples que les
artistes de la Veillée ; la musique, diffusée, y est nettement moins réussie
et la scénographie, un peu plus cheap,
ne maquille pas entièrement la scène
d’effets merveilleux... C’est un peu
moins illusionniste ou, plutôt, cela
laisse voir l’envers des illusions. Et
éclater le talent d’interprète de James
Thiérrée, et de son acolyte Magnus
Jakobson.
Car s’il est un maître de la fabrique des
illusions scéniques, James Thiérrée est
également un incroyable acrobate,
mime, clown, comédien, danseur. Son
numéro avec un rocking chair montre
sa maîtrise d’agrès les plus surprenants, mais ses danses au sol, sans
accessoires, sont aussi époustouflantes, tenant du hip hop et du mime.
Il sait aussi être un porteur, et ses
«monologues» face au public, visage
et corps offerts, sont stupéfiants
d’expressivité muette.
Quant à Magnus Jakobson, il porte
avec lui un art du décalage singulier.
Acrobate hors pair, il joue ici le rôle du
clown incapable de tordre son cops à
l’instar des autres, et nous amusant de
cette incapacité. Son numéro de prestidigitation à l’envers est emblématique
du spectacle : virtuose, mais à un
endroit totalement inattendu. Débutant
par des tours sans accessoires,
mimés, il se conclut par un foisonnement de gags enchaînés, où des
bouquets de fleurs de tissu, de
colombes de chiffons, des flammes,
des confettis surgissent comme spontanément des doigts du prestidigitateur
dépassé, maladroit, qui ne maîtrise
plus les illusions qu’il génère... Et on
sent dans ce numéro comme un virage
à venir, vers des spectacles plus
intimes... Plus burlesques peut-être
qu’enchanteurs ?
Dans de nombreuses civilisations, la
perfection de l’élan du bambou vers
le ciel symbolise la joie ; il est aussi un
instrument de musique sacrée et assure le bonheur. Aussi les Marseillais,
après les Martégaux, ont-ils vécu
l’installation de bambous géants sur le
cours d’Estienne d’Orves ou sur la
Halle de Martigues avec une sorte
d’exaltation. Durant deux fois trois
jours la Compagnie Caracol a présenté trois heures de spectacle éclaté
et ininterrompu dans une cathédrale
de bambous. Groupes d’amis, familles,
curieux de tous poils ont déambulé
sourire aux lèvres, s’asseyant pour
écouter des contes, s’initiant aux
percussions, captant les bruits des
villes du monde entier dans des écouteurs, regardant un drôle de type qui
pédalait dans les étoiles... À la fin tous
les acteurs se sont rassemblés pour
dire quelques extraits de Roméo et
Juliette du haut des perchoirs installés
dans les bambous au-dessus de la
foule, et une soprano a proposé quelques airs de Bel Canto italien. Le
tout sous une pluie de confettis
multicolores puis de feuilles blanches, couvertes de mots, de bribes de
phrases, que les spectateurs ont
ramassées avec une certaine avidité
tant ils avaient été stimulés par les
diverses propositions du spectacle. Ce
Dit du Bambou, souk de la Parole, que
nous avions déjà signalé à Aubagne
(Zibeline n°3) a deux fois de plus
donné la parole aux mots !
CHRIS BOURGUE
Le spectacle a eu lieu
du 23 au 25 mai à Martigues,
et du 30 mai au 1er juin
à Marseille
AGNÈS FRESCHEL
Au revoir parapluie est joué
jusqu’au 21 juin au Gymnase
0820 000 422
© X-D.R
Pas son espace
Peut-être que la rue n’est pas son
espace. Georges Appaix aime à jouer
avec les décalages de la représentation. Parler depuis la scène comme
s’il était un copain, et abolir les
distances. La Sirène de l’opéra modifie
ce rapport au public, et Appaix n’y a
pas trouvé la bonne mesure. Débutant
par le cri des sirènes, la fille et les
mecs ont esquissés des figures et des
mots, se sont amusés avec des lettres
blanches à composer d’autres mots
encore, puis ont mis une nappe au sol
et commencé à faire Dînette. Jusqu’à
ce que la sirène annonciatrice de la fin
n’enclenche un nouveau cri. Un peu
vain, un peu vide, un peu terne : cet
humour ne passe pas la rampe de la
rue. Dommage : il faut trouver une
autre focale !
YAMINA TAHRI
© Vincent LucaS
Sire Ennemi Dinette était la dernière
Sirène et midi net de la saison,
proposée par Lieux Publics
sur le parvis de l’Opéra,
le 4 juin à midi
ISTRES | MARTIGUES
THÉÂTRE/DANSE
27
Les bons contes font les bons esprits
Dieu qu’il est tête à claques ce
Pinocchio, petit pantin gâté qui se
pense au-dessus de la mêlée et croit
pouvoir vivre sans travailler, amasser
de l’argent sur un simple claquement
de doigts ! Mais on n’a rien sans rien,
et la vie se chargera de lui remettre
les idées à l’endroit. Loin des versions
édulcorées façon Walt Disney, Joël
Pommerat ancre le récit de Collodi
dans un troublant présent, empli de
miroirs aux alouettes, bourré de
pièges du paraître, dans lesquels
Pinocchio, naïf, tombe immanquablement. Jusqu’à comprendre qu’il
importe plus de conjuguer le verbe
«être» que le verbe «avoir». Un voyage
initiatique pour petits et grands, où Joël
Pommerat, tout à la fois auteur et
metteur en scène, mêle à merveille le
poids des mots et la puissance des
images. Le «pays des jouets» devient
ainsi celui de la «vraie vie», pour lequel
les enfants embarquent à l’arrière d’un
semi-remorque, tels des passagers
Pinocchio de Joël Pommerat
a été présenté au Théâtre des Salins,
scène nationale de Martigues,
du 27 au 29 mai.
© Elisabeth Carecchio
clandestins promis à une triste fin. Un
exemple parmi une foule de séquences
fortes en sens, où la magie du théâtre,
par l’illusion du son, le jeu ciselé des
éclairages ou encore l’ingéniosité des
costumes, n’est jamais en reste. De
paroles percutantes en images épous-
touflantes (inoubliables Pinocchio et
Geppetto navigant sur les flots), nous
voilà entraînés du bois à la chair, de
l’ombre à la lumière. Par un théâtre
brillant, comme un phare par temps de
brouillard.
Il sera en tournée
dans les Bouches-du-Rhône
la saison prochaine, avec l’aide
du Conseil Général, au Théâtre
du Gymnase, au Théâtre d’Arles
et, de nouveau, au Théâtre
des Salins.
LAURENCE PEREZ
Les sens en jeu
L’installation proposée par le Teatro di
Piazza o d’Occasione est une invitation
au voyage, une exploration de l’image
et du son. Le Jardin Japonais est un
spectacle interactif dans lequel les
jeunes spectateurs se laissent guider
par deux danseuses qui racontent, sur
des sons de chants d’oiseaux et de
bruits d’eau, la création du jardin. Un
mystérieux tapis blanc au centre de
la scène n’attend plus que leurs effleurements dansés qui vont déclencher
des images et des sons grâce à un
système très élaboré, mais complètement invisible, de capteurs sensibles.
Le tapis s’anime alors et reprend
l’histoire du jardin, les corps impriment
leurs marques, les pieds et les mains
© Teatro di Piazza o d’Occasione
donnent une direction, provoquent les
nénuphars, les fleurs, la mer… Les
enfants suivent silencieusement ces
explosions de sons et d’images avant
d’être appelés à leur tour, un par un
ou en petits groupes, à évoluer sur le
tapis et à recréer l’histoire : de petites
danses prennent forme, les gestes
s’affirment, la liberté donnée est totale,
à peine dirigée par les danseuses qui
jouent elles aussi avec ce public particulier. Expérience sensorielle à part,
Le Jardin Japonais se laisse découvrir
lentement…
D.M.
Le Jardin Japonais a été dansé
les 27 et 28 mai
au Théâtre de l’Olivier
à Istres
28
THÉÂTRE/DANSE
AUBAGNE | 3 BISF | CHÂTEAUVALLON
Aubagne en fête
Karnavires © Michel Wiart
L’événement à ne pas rater pour les amoureux des
arts de la rue : Aubagne, qui aime à rassembler ses
citoyens sur les places publiques, fête le retour de
l’été avec sa nouvelle édition printanière de Chaud
dehors. Deux jours de fête avec les spectacles de
l’Orphéon Théâtre intérieur, de Léandre, des Piétons
avec Brut de Décharge, un opéra concert fondé sur
l’accumulation d’objets de récupération, qui critique
les décharges publiques… et la création à ne pas rater
des Karnavires, le samedi à 22h30 : leur nouveau
spectacle de feu, être ou ne pas être, débute par
l’arrivée nocturne d’un camion musical, qui laisse
descendre 10 clowns illuminés… Encore une très
talentueuse compagnie de la région qui depuis des
années cherche un lieu de création, et navigue,
karnavire involontaire nomade, de résidence de
création en résidence de création. En Bretagne,
tandis que NoNo s’installe à Pastré…
AGNÈS FRESCHEL
Chaud Dehors
Centre Ville d’Aubagne
les 28 et 29 juin
04 42 18 19 88
Jardin de neige
Une compagnie qui s’appelle Compagnie, qui signe
Demesten Titip d’un anagramme joliment cassetête (on attend vos courriers !) et qui, au 3bisF, se
confronte au mythe d’Antigone ne peut être
soupçonnée de rechercher la facilité. Et ce titre
emprunté à Gilles Deleuze, Ils regardaient le monde
dans les yeux de leur voisin, somptueux comme un
Ils regardaient le monde dans les yeux de leurs voisins © Xavier Oliviero
arc-en-ciel en noir et blanc, ouvre en grand sur un
vrai travail de théâtre simple et efficace. La musique
composée et jouée par Sébastien Rouiller cadre
l’espace et trame le temps dans une vibration qui dit
sûrement déjà quelque chose du mythe : familier et
très lointain...
La famille s’installe assez vite, autour d’une table,
comme il se doit, et d’une marmite rouge sang ; une
jeune puis vieille jeune Ismène a d’abord parlé
doucement, paisiblement d’un présent, d’un passé
étouffé par un jardin de neige (?) ; une autre affairée,
péremptoire et cassante assène des injonctions dans
une noria domestique qui ne fait pas oublier qu’elle
tourne en rond ; l’histoire va se raconter, suffit de
laisser parler la parole durement amplifiée de Créon,
les mots blancs projetés sur mur noir ; les gestes du
métier font la tragédie : se poudrer les cheveux ou se
blanchir le visage pour passer à l’attaque ; ça va tout
seul, on connaît : depuis le début dans le jardin de
neige (?) qui crisse deux planches, deux tombes, l’une
presque muette (quelle belle idée que ce nom de
Polynice en lettres éphémères ranimées par la
vigilance d’une éponge imbibée d’eau), l’autre,
tribune avant d’être caveau, et le nom d’Antigone y
est tracé en blanc pur. Les mots se croisent et
Sophocle côtoie d’autres paroles moins antiques, pas
sacrées, tout aussi poétiques : bonheur ! Le mythe
est un bien commun et les sœurs des héroïnes
peuvent avoir les cheveux gris désormais. Le seul délit
d’impuissance serait de ne pas remarquer que le gros
sel a fait fondre la neige...
MARIE-JO DHÔ
Ils regardaient le monde dans les yeux de leurs voisins
mis en scène par Christelle Harbonn
a été donné au 3 bis F du 5 au 7 juin
Idéologie du
Le programme présenté à Châteauvallon par le
Ballet du Grand théâtre de Genève s’est révélé
un peu décevant. Bien sûr les interprètes étaient magnifiques. Bien sûr le public serré dans l’Amphithéâtre
face au ciel, et la lune qui éclairait la nuit derrière les
pins noirs avaient un goût délicieux de festivals qui
débutent… Pourtant l’affiche était belle : Teshigawara,
Kylián, Bagouet ! Mais Jours étranges, malgré son
côté pop réjouissant, n’est pas une œuvre majeure
de Bagouet : en dehors de son affirmation gaie de
la liberté individuelle, et d’une exploration du geste
mou, atonique, ou au contraire sporadique, elle
traîne en longueurs sans propos véritable. Le
court duo Blackbird de Kylián n’est pas spectaculaire, ni spécialement émouvant. La pièce de
Saburo Teshigawara, qui ouvrait le programme, jouait
en revanche d’une belle abstraction, de symétries et
oppositions entre les quatre couples, de tranversales,
de contrastes, d’obliques, de lumières. Dans un
raffinement plastique extrême, tendu, ne laissant
aucune place à l’imperfection. À la liberté ?
Baroque
Airs de Cour, Marin Marais, danse baroque, viole de
gambe, théorbe et luth… Le voyage dans le temps où
semblait deux heures avant nous convier Béatrice
Jours étranges © GTG-Ariane Arlotti
MUSIQUE
29
Gare aux Garances
Changement d’ambiance avec les trois mouvements de
l’Espagnol Edouard Toldra. Le Quatuor Garance
entame ces miniatures avec une légèreté toute latine
qui sert merveilleusement l’écriture enjouée de ces
petits joyaux.
Le quatuor de Ravel est certainement une des œuvres
les plus jouées de la littérature pour quatuor à cordes.
Les quatre musiciennes donnent ici une version d’un
grand sérieux. Les détails les plus délicats brillent de
précision. Le jeu d’ensemble est d’une cohésion
minutieuse et les caractères différents des quatre
mouvements sont dessinés avec finesse : les pizzicatos
fébriles, au second violon (Sophie Perrot), les cantilènes
délectables à l’alto (Blandine Quincarlet) nous rendent
la vivacité d’une concep-tion si française de la
musique de chambre. Le premier violon, Cécile
Bousquet-Mélou, éclaire les aigus de sa partition avec
une habilité lumineuse, et toutes se rassemblent autour
du son savoureux de la violoncelliste Elisabeth Groulx.
raffinement
AGNÈS FRESCHEL
Les Fêtes galantes
et le Grand Ballet du théâtre de Genève
ont dansé à Châteauvallon (83)
le 14 juin
À VENIR À CHÂTEAUVALLON
Le 20 juin : Le Grand Nain
(Jambenoix Mollet et Philippe Eustachon)
à 19h30, Il Silenzio (Pippo Delbono) à 22h.
Le 27 juin : Deca Danse
(Batsheva danse Company) à 22h
Le 4 juillet : Diga-me (Samir el Yamni) à 19h30 ;
May B (Maguy Marin) à 22h
Cécile Bousquet-Mélou, 1er violon © X-D.R
Philippe Glass porte bien son nom : sa musique,
minimaliste et répétitive, est d’une limpidité extrême. Le
Quatuor Garance avait choisi son troisième quatuor à
cordes pour débuter son concert dans la crypte du
couvent des dominicains. Avec une maîtrise remarquable, les quatre jeunes instrumentistes s’emploient à
faire miroiter ce prisme musical fait de formes géométriques, décalages structurels en un tissage subtil de
résonances complémentaires. Une musique hors du
temps, hors d’époque, insaisissable.
BENJAMIN CLASEN
Le Quatuor Garance a joué le 26 mai
dans la crypte du Couvent des Dominicains
Concert Espagnol (Ravel, Toldra, Turina)
le 28 juin
Hôtel D’olivary, Aix
04 91 54 76 45
Complètement timbré !
Beau succès pour le concert de clôture de la saison marseillaise de l’ensemble
Musicatreize
L’auditoire était nombreux malgré la concurrence involontaire et souvent déloyale d’un autre ensemble, adepte
de jongles lui aussi, mais avec une seule note appelée
ballon rond. Pendant que onze Hollandais volants
s’improvisaient solistes, Roland Hayrabedian prenait
l’accent suédois pour diriger le Chœur Contemporain
dans le Paradiso de Lars Edlund. Ensuite, croisements
des chœurs mais aussi des styles avec le pré-baroque
allemand Schein, attiré par le madrigalisme italien dans
ses Fontaines d’Israël, intitulées telle une antinomie
madrigaux spirituels.
Nouveau croisement riche en émotion avec la création
réussie de Ikhtifa de Zad Moultaka. Inspirée de deux
tableaux présents au musée Cantini (Terre Brûlée II de
Ubac et Voiliers à Cannes de De Staël) sur un texte de
al-Maari, poète et philosophe arabe du XIe siècle, la
«disparition», dans sa traduction littérale, désintègre les
mots, les morcelle, les fractionne et les fait danser. Les
solistes et l’orchestre vocal alternent, dans une mise en
espace propice à l’éparpillement des consonnes si
chères à la langue arabe.
La boucle d’une saison réussie est bouclée : les Lys de
madrigaux de Maurice Ohana rappellent combien les
compositeurs du XXe siècle se sont intéressés à la voix
et, à l’instar de Schein, au genre qui magnifie son timbre
: le madrigal. Orchestration originale et riche en couleurs
avec deux claviers (Pierre Morabia au piano et
Isabelle Chevalier à l’orgue), deux cithares (Sébastien
Boin), des percussions (Christian Hamouy)
accompagnant le Chœur contemporain. Du blues aux
feulements, chuintements et jeux de bouches, la
richesse de la vocalité est inouïe, le dialogue et
l’échange constants entre les vingt-quatre voix de
femmes et les instruments dont les timbres
prolongeaient les résonances vocales…
FRED ISOLETTA
Le Concert à quai fut donné
le 13 juin au Temple Grignan
© Guy Vivien, Paris, 2006
Massin, dans le Théâtre couvert, avait une tonalité
aristocratique affirmée. Idéologique ? Certes la
danse de Cour laisse les corps plus libres que sa
descendante la danse classique, mais elle n’en est
pas moins diablement codée, sage par rapport à ses
contemporaines populaires… Le baryton se mêlait à
la danse joliment, esquissait sur le plateau plus que
des gestes, un jeu, et lui aussi s’attachait à un chant
naturel et raffiné, éloigné des acrobaties du belcanto
mais aussi des impertinences et émotions des chants
populaires. Tout cela, petits sauts, batteries simples,
demi-pointes, pas chassés, tout cela semblait bien
sage…
Mais comme à son habitude Béatrice Massin dévie
les attentes, dévoie la reconstitution, dévoile le
présent de la danse. Car les filles malgré leurs
festons sont en pantalons, égales de l’homme, et
mine de rien elles vont au sol, tentent des contacts
contemporains et pour finir, sur une chanson à boire,
se tanquent sur le plateau et retrouvent les appuis
lourds des danses populaires… Béatrice Massin
réaffirme ici que la danse contemporaine, et la
musique, ont quelque chose à chercher là, dans
ces Arts baroques de Cour, dans leur liberté, leur naturel, leur abstraction, leur énergie. Leur raffinement ?
30
MUSIQUE
RETOURS DE CONCERTS
Trio inédit et virtuose
Si le concert Les inclassables de Télémaque à Montévidéo a fait découvrir des opus rares,
il a également permis à trois formidables solistes d’exprimer leur talent : Benjamin Clasen
(violon alto), Jean-Marc Fabiano (accordéon) et Frédéric Baron (basson)
Il semble que rien n’ait jamais été
composé pour alto, accordéon et
basson... Aussi a-t-on commandé à
Pierre-Adrien Charpy une pièce
spécialement conçue pour cette
formation inédite. C’est ainsi que
Récréation a été créée sur la scène du
Grim le 20 mai, œuvre au caractère
ludique, semblant vagabonder d’une
texture sonore à l’autre : d’accords
dissonants et non agressifs, au soutien
d’une longue mélodie sobre, à de
furtives réminiscences de tango, de
contrepoint baroquisant, de quintes
médiévales ou de couleurs à la
Stravinsky… Dans la foulée Capuccino
pour accordéon a donné l’occasion à
Jean-Marc Fabiano de briller dans les
traits acrobatiques, les rythmes
asymétriques, les élans furieux ou les
sonorités d’orgue… si éloignées de
l’esprit musette !
Les deux autres musiciens ont
également convaincu dans leur solo
respectif. Benjamin Clasen dans la
Sonate pour alto de Ligeti a dévoilé
une impressionnante palette expressive, des double-cordes aux périlleuses
harmoniques, de l’austérité feutrée
d’une mélodie évoquant l’Europe
centrale à l’ultime et suffocant frottement de l’archet sur les cordes… Quant
à Frédéric Baron, il a précisément
illustré toute la facétie virtuose de
l’exercice en forme de pastiche comique
Benjamin Clasen © Agnès Mellon
de Surexposition pour basson d’Alain
Mabit. Sûr qu’on n’entendra plus désormais l’incipit de Sacre du printemps
avec la même oreille !
Les Duos pour basson et alto de
Philippe Hersant ont complété le
versant avant-gardiste du programme,
et Piazzolla nous a fait retrouver des
terres plus familières, propices au
soufflet expressif de l’accordéon ou à
l’envol mélodique de l’alto… Une
originale transcription de la Sonate en
sol mineur HWV 393 de Haendel
(l’accordéon héritant du continuo) a
parachevé le tout et fait rayonner
derechef ces trois solistes de hautvol !
Chopin créole
Avec leur spectacle Pianos croisés, le 23 mai au Théâtre
Gyptis, Hélène Niddam et Bibi Louison ont joliment marié
la mazurka à la biguine
Les deux musiciens entrent en se
balançant, rejoignent les deux grands
pianos qui se font face et débutent
par des accords jazz sur une pulsation
syncopée de danse chaloupée. Un
moment en solo, Bibi Louison improvise, sur un rythme ternaire souple,
quelques harmonies suaves avant que
le duo ne reprenne une danse antillaise
au son de congas et maracas doucement
percutés... Entre la Nouvelle-Orléans et
la Martinique, une mazurka sur un
rythme de biguine, un standard de
Chick Coréa ou un cocktail de berceuses
créoles, le couple de musiciens dresse
des ponts entre le jazz afro-américain
et son petit frère antillais. Plus loin, ils
réinventent une valse de Chopin en
mambo... La seconde partie, plus
classique, entamée par Hélène Niddam
reprend ce principe d’arrangements
de pièces classiques de Chopin ou
Rachmaninov à l’aune de rythmes de
tango, de salsa...
Au-delà du talent de l’une et l’autre,
d’une répartition fine des rôles, l’alliage
classique/jazz fonctionne pour un
divertissement plaisant, chaleureux et
intime.
J.F
JACQUES FRESCHEL
Les Inclassables a été joué par les
solistes de l’Ensemble Télémaque à
Montévidéo le 20 mai
Mozart et la Flûte
L’ensemble Pythéas, lors d’un attrayant concert donné le
27 mai à l’église Saint-Ferréol, a particulièrement mis à
l’honneur la flûte traversière.
On admet d’ordinaire que Mozart n’aimait
guère la flûte… Cependant, si le fait
semble se confirmer à la lecture de sa
correspondance, il convient de pondérer ce jugement. À l’époque où le jeune
Wolfgang compose ses principales
œuvres pour cet instrument, il éprouve
sans doute de la rancœur pour la France
(où il n’a connu qu’un succès modéré)
et pour les flûtistes français en particulier qu’il jugeait prétentieux.
Au demeurant, les deux quatuors avec
flûte, magistralement interprétés par
l’ensemble Pythéas, prouvent (comme
ses Concertos et un très bel Andante)
qu’il n’a, de fait, pas négligé cet
instrument. Toute l’élégance et la spontanéité propres au style mozartien ont
trouvé, ce soir-là, de formidables
serviteurs. En premier lieu, on salue la
qualité sonore, le vibrato souple, la
virtuosité de Charlotte Campana et sa
musicalité déployée dans l’Adagio du
Quatuor K.285. À l’écoute de son thème
élégiaque, on ne peut pas réellement
penser que Mozart n’aimait pas cet
instrument !
Chez Debussy, la question ne se pose
pas ! Son solo Syrinx, dont les merveilleuses résonances ont empli la nef,
prouve que le Français choyait particulièrement la flûte traversière. Le
programme a également permis de
découvrir un rare Duo pour alto et flûte
d’Hoffmeister (frère de loge de Mozart)
et d’entendre un superbe Trio pour
cordes d’Henry Tomasi. Son divertissement, typique du style néoclassique,
a été interprété avec une frappante
cohésion par Yann Le Roux – Sédes
(violon), Pascale Guérin (alto) et
Guillaume Rabier (violoncelle).
J.F.
Ensemble Pythéas © X-D.R
31
Et la Lumière fut !
Au festival de Musique Sacrée, l’oratorio La Création de Haydn a été éminemment servi par un chef chevronné,
l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Marseille. On regrette néanmoins quelques bémols du côté des solistes
La bonne idée de la programmation du festival 2008
a été d’afficher successivement Le Messie de Haendel
et La Création de Haydn. Du coup, le public a pu se
rendre compte dans quelle mesure le second oratorio
s’inscrit dans la filiation du premier, tant sur le plan
formel que du point de vue du traitement contrapunctique ou illustratif des chœurs… Cependant, La
Création, dont le texte s’inspire en partie de la Genèse,
porte le sceau du style de la maturité d’Haydn.
Composé près de soixante ans après le chef-d’œuvre
de Haendel, sa texture orchestrale est plus riche,
éloignée du langage baroque, davantage proche d’une
expression pré-romantique. Là où l’on trouve
essentiellement des cordes, s’agrège une harmonie
complète (cuivres et bois) ; là où des sons plats non
vibrés et des soufflets baroques se justifient,
l’expression exige des phrasés pleins et un jeu où le
legato et le vibrato priment.
Le 6 juin à l’église St Michel, l’effectif de l’orchestre
de l’Opéra de Marseille, dirigé du clavecin par un
excellent chef viennois Theodor Guschlbauer, s’est
avéré plus proche du modèle brahmsien que de celui
de Mannheim. Les Chœurs, placés dans l’abside
derrière l’imposant appareil orchestral, ont dû chanter
à pleine voix quasiment tout au long de l’ouvrage. Si
la plénitude sonore a ravi l’auditoire, on n’a pas
manqué de relever quelques décalages rythmiques
(difficilement évitables dans ces conditions) ainsi
qu’un déficit de clarté dans les traits polyphoniques.
L’œuvre possède cependant une puissance rare et,
dans ce sens, les musiciens ont formidablement
dévoilé les contrastes d’une fresque tout en ombre et
lumière. De la représentation musicale du Chaos
originel (que n’a-t-on pas écrit sur cet incipit
dissonant unique dans l’histoire de la musique !) à
l’avènement de la Lumière (l’œuvre est autant
d’inspiration religieuse que franc-maçonne), des
récitatifs aux ariosos, des airs aux duos, trios, des
chœurs à la gloire du Divin…
Dans ces conditions, on aurait aimé entendre de plus
grandes voix solistes. Seul le ténor Éric Huchet
possède, outre une belle présence physique, une pâte
vocale capable de passer la rampe et de tenir le choc
face à la masse orchestrale et chorale. Mais sa voix
s’avère un peu courte dès les sons de «tourne». La
soprano Li Chin Huang a donné le change grâce à un
joli timbre, des aigus aisés et clairs. Cependant son
centre de voix est trop léger. Que dire du baryton
basse Marc Olivier Oetterli (ni vraiment baryton, ni
franchement basse!)… si ce n’est qu’il a montré une
belle musicalité dans son chant ? Il lui fallait toutefois
davantage d’ampleur vocale pour rendre aux
personnages de Raphaël ou Adam toute leur noblesse
de ton. Là où il aurait dû être solaire, le timbre était
bien pâle…
Eric Huchet © X-D.R
La Création a été jouée
à Saint-Michel le 6 juin
dans le cadre du Festival de Musique sacrée
JACQUES FRESCHEL
Spectaculaire apothéose
Le Chœur Régional PACA, l’Orchestre Philharmonique de Marseille et quatre magnifiques chanteurs dirigés par Michel
Piquemal ont offert, en clôture du Festival de Musique Sacrée, un Stabat mater de Rossini grandiose !
On souligne d’emblée le remarquable
travail accompli en amont, sur les
partitions, par les chefs de chœur
Nicole Blanchi et Vincent Recolin.
Dans les périlleux passages a cappella
du Stabat mater en particulier, on a
apprécié le dessin soigné des plans
sonores, des nuances, la richesse des
textures vocales… et la qualité de la
justesse. Le Chœur Régional PACA,
outil précieux au service de nombreuses
manifestations et créations du Sud-Est,
Elena Gabouri © X-D.R.
s’est trouvé magnifiquement soutenu
par l’Orchestre de l’opéra qui est entré
dans le jeu initié par la direction
fougueuse de Michel Piquemal. Dans
le Chant du Destin de Brahms, superbe
page romantique donnée en prélude,
comme dans la célèbre prose latine
évoquant la douleur de la mère du
Christ crucifié, on a pu mesurer toute la
ferveur, la profondeur qu’a placée le
chef dans le lyrisme, l’expression du
désespoir et de la lumineuse espérance.
Le souffle théâtral de la partition a
même poussé le maestro à chanter ou
gronder (un peu trop !) de concert avec
les solistes ou les pupitres de cordes…
Le Stabat mater de Rossini est
quasiment un opéra de par son style
exubérant et imagé. Il exige des voix
qui vont de pair : ce fut le cas avec les
solistes invités ! Dominé par l’expression large et puissante de la soprano
Sandrine Eyglier, le quatuor vocal a
montré, outre des moyens techniques
sans faille, une musicalité exemplaire.
Le ténor Jesus Garcia, à la sonorité
ronde et séduisante, n’a pas failli sur
son contre-ré, point d’orgue de son air
de bravoure, ni la basse Nicolas Courjal
dans ses graves profonds et ses aigus
généreux. La vraie mezzo Elena
Gabouri, au timbre compact et charnu,
a complété un plateau vocal magistral.
Et quand, au bout de l’ultime fugue
jubilatoire, les derniers accords spectaculaires ont ponctué l’ouvrage, le public
a rendu aux artistes, par d’inlassables
salves d’applaudissements, le fruit
d’une émotion générée deux heures
durant.
JACQUES FRESCHEL
Michel Piquemal © X-D.R
Le Stabat Mater de Rossini
a été joué le 13 juin
à l’église Saint-Michel,
dans le cadre du Festival de Musique
Sacrée de Marseille
32
RETOUR DE CONCERTS
MUSIQUE
Jazz à Fontblanche
Flamenco Puro
Après la représentation, les accueillantes terrasses du Toursky offrirent
sangria et musique à tous ceux, frustrés qui n’avaient pu danser et rire,
pris dans leurs fauteuils. Un groupe
de pseudo Gypsy kings, plutôt mauvais, prolongeait la fête : qu’importe,
la joie était là, après de si belles
larmes…
YAMINA TAHRI
La Compañia En Klave Flamenca
a dansé et chanté les 23 et 24 mai,
au Toursky, dans le cadre
du festival de flamenco
En Klave Flamenca © Sevillanes.net.2004/2008
La Compañia En Klave Flamenca a
bouleversé le public du Toursky
durant le 4e Festival de Flamenco.
Avec des recettes classiques, très
traditionnelles en fait : leur flamenco
andalou ne cherche pas l’innovation,
la variété ou le mélange, il joue
toujours de la même pâte, désespérée, tendue, rude… Andalouse, quoi !
Mais leur Duende si puissant fait
monter les larmes. Et la tension. Les
deux heures, pourtant monocordes,
sans variation de style, se déroulent
sans ennui. Le public, pourtant assis,
était en transe, et ne put s’empêcher
parfois de faire les mains, d’apostropher, de crier son douloureux plaisir.
Les deux guitares et les percussions
d’Isaac Vigueiras, les trois voix masculines, du rauque à la voix tendue vers
l’aigu du cri, les quatre danseuses du
ballet, tout était magnifique Et, aux
côtés de Manuel Liñan, Maria del Mar
Martinez fut splendide. À chaque numéro elle changeait de tenue comme
on change d’âme, serrée dans des
robes à gros pois, magnifique, assumant avec une sensualité folle ses
formes épanouies, belle comme une
vraie femme…
Issam Krimi © Christophe Alary
Les musiciens de la formation
Entresilences d’Issam Krimi (pianoclaviers) ont eu l’occasion de s’exprimer
pleinement en nous retournant le
coeur, lors de leur passage pour un
concert au Moulin à Jazz de Vitrolles.
Ce quintet, d’une configuration rendue inhabituelle par l’apport du
violoncelliste Olivier Koundouno,
nous a emmenés dans des ambiances
de nappes sonores très rythmiques.
Poussées du paroxysme au dénuement, elles aboutissaient sans sembler
y toucher à des unissons, des notes
minimales ou à des destructurations
mélodiques.
Alban Darche, le saxophoniste, fut
extrêmement émouvant dans ses
développements autour de la com-
position Joli Corps Sage. Le solo à la
contrebasse de Jean Philippe Morel
ou celui de Pierre Luzi à la batterie
furent mémorables : de quoi nous
faire oublier, par leur dextérité et
leur maîtrise, que ces instruments
ne servent souvent qu’à impulser le
rythme ! À suivre sans hésiter, la
sortie dans les bacs d’un CD prévue
fin octobre 2008 sous le label Melisse
Music.
inattendues : un standard de jazz, un
tango en turc particulièrement gai,
un morceau aux couleurs orientales.
L’orchestre seul joua un très beau
Piazzolla, plein de contrastes, de
surprises et d’accélérations… juste
pour monter en quoi Tango rugueux
et Fado lisse opposent leurs charmes
en construisant la même nostalgie.
Et pour finir, en bis, Mísia rendit
hommage à ses deux idoles : d’abord
à Piaf, en chantant a cappella,
jusqu’au bout, de magnifiques Mots
d’amour, avant de finir par Lágrima,
le Fado préféré d’Amália Rodrigues…
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le 24 Mai
au Moulin à Jazz à Fontblanche
(Vitrolles)
Voir programmation du Festival
Charlie Free page 43
Fado and so on
lisse, lyrique, peu rythmé, évolue
dans des tessitures moyennes, il ne
tire pas son expressivité d’effets
extrêmes, et cela peut sembler monotone, surtout lorsqu’on ne comprend
pas les paroles de ces chansons à
texte éminemment poétiques… Mais
les deux solistes virtuoses venus de
Lisbonne (Bernard Couto à la guitare
portugaise, et Daniel Pinto à la viola
de fado), particulièrement bien sonorisés, donnaient une touche locale
qui ne déséquilibrait pas du tout la
couleur symphonique. Et surtout
Mísia, telle une apparition mythique,
captivait les regards en quelques
gestes, une intonation, un sanglot
discret de la voix… et la Saudade de
Lisbonne vous attrapait l’âme.
Pourtant Misia, jamais orthodoxe,
emmena son public vers des berges
AGNÈS FRESCHEL
Mísia © C.B Aragao
Mísia avec un orchestre symphonique ? Ô la belle idée ! La diva du
Fado à l’époustouflant lyrisme, et à la
grande musicalité, est sans doute une
des rares chanteuses populaires à
pouvoir tenir le choc de cet accompagnement-là. Sa prestation à l’opéra
de Marseille fut un moment magique.
Pourtant le public, assis, sage, poli,
était a priori peu chaleureux : Mísia a
su trouver dès le second morceau la
voie pour créer, dans cette grande
salle aux ors guindés, une ambiance
d’une intimité et d’une chaleur
étonnantes…
Musicalement, ce fut presque parfait.
Les solistes de l’orchestre, en particulier Roland Muller au violon,
étaient particulièrement mis en avant
par l’orchestration parfois un peu
plate de Bruno Fontaine : le Fado,
Mísia a chanté
à l’Opéra de Marseille le 31 mai.
Elle donnera ses Saudades
symphoniques à Nîmes
dans le cadre des Nuits au Jardin
(voir page 43)
SAISONS
33
«À Toulon…!!»
De Haydn à Britten, la prochaine saison de l’Opéra de Toulon s’annonce panachée, avec toujours des nécessaires ouvrages
de Verdi, Bizet, Bellini et Mozart
C’est avec Rigoletto, opus majeur de
Giuseppe Verdi, que s’ouvre la
saison lyrique au pied du Faron.
Marco di Felice tient le rôle-titre
quand le Duc est chanté par
Leonardo Capalbo et Gilda par
Rosanna Savoia. Ce n’est pas
Carmen, mais Les Pêcheurs de Perles,
délicieux ouvrage lyrique de Bizet,
que l’on entend dans l’interprétation
de Kimy McLaren (Leïla), Jesus
Garcia (Nadir) et Jean-François
Lapointe (Zurga). Le bel canto est à
l’honneur avec Les Puritains de
Bellini et Jessica Pratt (Elvire),
avant un classique Cosi fan tutte de
Mozart dirigé par Thomas Rösner.
D’ordinaire, quand on veut instiller
une touche «moderne» dans une
programmation lyrique, sans trop
déranger son public, on puise chez
Janacek ou Britten… Peu de surprise
donc avec Le Songe d’une nuit d’été
On se réjouit, par ailleurs, d’entendre
le magnifique oratorio de Berlioz
L’Enfance du Christ dirigé par Laurent
Petitgirard dans une mise en scène
de Frédéric Andrau, comme de
beaux concerts symphoniques (au
nouvel an ou avec la pianiste Anne
Queffelec), le conte musical pour
enfants Pierre et le loup, un ballet sur
la musique de Zorba le Grec de
Theodorakis. On n’oublie pas les
piquantes opérettes : la «locale» Un
de La Canebière de Vincent Scotto et
L’auberge du Cheval blanc de
Benatzky.
JACQUES FRESCHEL
Cosi fan Tutte © Opéra Royal de Wallonie
du grand compositeur anglais du XXe
siècle, mais l’occasion d’entendre le
contre-ténor Rachid Ben Abdeslam
dans le personnage shakespearien
d’Obéron !
On joue assez peu les opéras de
Haydn : ceux qui n’ont pu entendre
L’Indedelta delusa au festival d’Aix
découvrent cette production sur le
boulevard de Strasbourg.
Saison 2008/2009
Opéra de Toulon
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Avignon sur le pont
L’Opéra d’Avignon annonce pour 2008-2009 de fameux ouvrages lyriques avec d’éminentes
sopranos comme Patrizia Ciofi dans Manon ou Annick Massis dans Lucia…
La programmation de l’Opéra-Théâtre
d’Avignon est un savant dosage de
classiques du répertoire lyrique
d’opéra et d’opérette, de musiques
symphoniques et de musique de
chambre. Sans oublier le théâtre et
la danse, dans cette maison aux
vocations multiples… (nous y reviendrons prochainement)…
Six opéras sont annoncés : Le Voyage
à Reims de Rossini, Les Contes
d’Hoffmann d’Offenbach, Manon de
Massenet, La Clémence de Titus de
Mozart et Lucia di Lamermoor de
Donizetti. Des choix traditionnels
servis par de solides plateaux
vocaux ! Par contre Les Orages désirés
de Gérard Condé, commandé par
Lucia di Lammermoor © Christian Dresse
Radio France et créé en 2003 en
version de concert (l’opus prend pour
sujet la naissance de la vocation
musicale du jeune Berlioz), est à
découvrir dans sa version scénique.
On ne manquera par le récital
exceptionnel de la soprano Inva Mula
en décembre ! Trois opérettes complètent le tableau : Les Brigands
d’Offenbach (de la pétillante
compagnie Les Brigands), Véronique
de Messager et une nouvelle production du Chanteur de Mexico de
Francis Lopez pour les fêtes de fin
d’année.
Concerts
Parmi la quinzaine de concerts
annoncés on note les venues de
pianistes renommés tels Boris
Berezovsky, Miguel-Angel Estrella,
Zu Zhong, les sœurs Labeque
auxquels il convient d’ajouter deux
jeunes et talentueux virtuoses :
David Greilshammer et Laure FavreKahn. Gautier Capuçon (violoncelle)
et Sergey Krylov (violon) feront
Katia et Marielle Labeque © Brigitte Lacombe
vibrer leurs cordes dans la cité
papale, tout comme François Sluznis
son anche de clarinette. L’ensemble
de musique ancienne Les Folies
Françoises, le Trio Jerusalem et le
Quatuor Rosamonde parachèvent
une alléchante et abondante
programmation.
J.F.
Opéra d’Avignon
Saisons 2008/2009
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
34
MUSIQUE
FESTIVALS
Grands classiques
Chemins musicaux
Deux opéras phares du répertoire français, Carmen et Faust, La 12e édition du festival international des Floraisons
et deux Requiems majeurs de Verdi et Fauré sont donnés, Musicales débutera le 21 juin et se poursuivra jusqu’au
21 octobre
cet été, dans la cité antique d’Orange
Roberto Alagna © Studio Harcourt
Michel Plasson revient aux Chorégies
pour diriger l’orchestre de la Suisse
Romande dans Carmen de Bizet. Pour
les rôles principaux, on attend de
grandes voix rompues à cet ouvrage
plébiscité dans le monde entier :
Béatrice Uria Monzon (Carmen),
Ermonela Jaho (Micaëla), Marcello
Alvarez (Don José), Angel Odena
(Escamillo). La mise en scène est
signée Nadine Duffaut (les 12 et 15
juillet).
En fin de festival, le retraité du
Capitole de Toulouse dirige l’Orchestre
de Radio France et quelques autres
stars des plateaux lyriques dans le
Faust de Gounod avec Roberto Alagna
(Faust), Inva Mula (Marguerite) et
René Pape (Méphisto) dans une mise
en scène de l’inusable Nicolas Joël
(les 2 et 5 août).
Les grands Requiems du répertoire
sont parmi les œuvres sacrées les plus
appréciées du grand public. Si celui
de Verdi est le plus exubérant (son
furieux Dies Irae fait frémir d’effroi),
celui de Fauré est l’un des plus
intimes... Tugan Sokhiev (qui a
remplacé Plasson à la tête de la
phalange symphonique de la «Ville
rose») dirige le premier en compagnie
d’un formidable quatuor de solistes :
Micaela Carosi, Luciana d’Intina,
Vittorio Grigolo et Paata Burchuladze
(le 19 juillet à 22h). Jonathan
Schiffman et l’Orchestre d’Avignon
interprètent le second avec Thomas
Dolié et Amel Brahim-Djelloul (le 26
juillet à 21h30 à la Cathédrale NotreDame d’Orange). La Maîtrise des
Bouches-du-Rhône donnera de la voix
pour les «Gamins» de Carmen et le
Requiem de Fauré. Une projection sur
grand écran du Werther de Massenet
est également annoncée dans le
théâtre antique : avec Roberto
Alagna dans le rôle-titre (entrée
libre).
JACQUES FRESCHEL
Les Chorégies
du 12 juillet au 5 août
Orange
04 90 34 24 24
www.choregies.com
Hervé Niquet © Nicole Bergé
De nombreux artistes aux talents
reconnus sillonneront la Provence au
son de musique baroque, classique et
du monde. Le concept singulier de la
déambulation est à comprendre à
deux niveaux différents : l’itinéraire
est à la fois musical et touristique, au
cœur de la Provence les concerts euxmêmes déambulent… dans les
vignes, au cœur des sites
remarquables comme Vaison-laRomaine…
Ouverture des festivités le 21 juin à
18h avec P. Hommage, F. Gardella, A.
Magnasco, C. Greco et l’ensemble
Ananke’ à Châteauneuf-du-Pape. Le
25 juin à 21h au Cellier pontifical du
même lieu seront accueillis F. De Zan
au piano et le Quatuor Archimède. Le
grand violoniste David Oistrakh sera
célébré par son petit-fils V. Oistrakh
au violon et toujours F. De Zan au
piano à l’église de Boulbon le 27 juin
à 21h. Direction le Var et la célèbre
basilique de Saint-Maximin le 3
juillet à 21h avec les Pages, les
Chantres et les Symphonistes du
Centre de Musique Baroque de
Versailles sous la direction de O.
Schneebeli. Même lieu sacré le 4
juillet toujours à 21h avec Le Concert
Spirituel dirigé par H. Niquet. Les
églises de Cotignac et de Brignoles
accueilleront respectivement les 5 et
6 juillet (21h et 18h) l’Ensemble
Antiphona dirigé par R. Muleika. Le
Mas de Sainte-Marguerite de La
Garde résonnera aux arpèges
romantiques du piano de J. Trzeciak
le 10 juillet à 21h. Et les
déambulations se poursuivront…
mais nous y reviendrons !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Floraisons musicales :
musique et Patrimoine
du 21 juin au 21 octobre
Bollène (84)
04 90 303 600
www.floraisonsmusicales.com
Cycle sacré en Avignon
Musique Sacrée en Avignon est
partenaire du Festival d’Avignon
depuis 1967 : c’était, au départ , la
volonté de Jean Vilar. Cette asso-
ciation propose un cycle de concerts
ayant pour but de mettre en valeur
les orgues historiques d’Avignon et de
sa proche région, tout en présentant
Orchestre des Jeunes de la Méditerranée © Elian Bachini
des créations. Parmi la dizaine de
programmes annoncés on retient
L’Incarnation du Verbe, polyphonies
romanes des XIe et XIIe siècles par
l’ensemble Organum de Marcel Pérès
(le 14 juillet à 18h à la Collégiale StPierre) ou l’hommage à Olivier
Messiaen rendu par l’Orchestre des
Jeunes de la Méditerranée dirigé
par Philippe Bender (le 15 juillet à
19h à l’église St-Didier). On note
également la venue de l’organiste et
compositeur Thierry Escaich (voir la
chronique du CD d’improvisations p
35). Ce dernier improvisera sur les
images d’un film italien de 1911
inspiré de l’Enfer de Dante : Inferno
de Giuseppe Deliquoro (le 22 juillet
à 18h au Temple St-Martial). Pour
répondre à l’Enfer de Roméo
Castellucci, dans la Cour.
J.F.
Musique Sacrée en Avignon
du 6 au 26 juillet
04 90 14 14 14 ou 04 90 82 29 43
www.musique-sacrée-en-avignon.org
35
Autour d’Offenbach
Le festival Off & Back présente, autour d’un couple
savoureux d’opérettes négligées du «Mozart des ChampsÉlysées», Un Mari à la Porte et La Bonne d’Enfant, une série
de concerts jazz et de récitals lyriques...
À Venelles-le-Haut est également
joué Kiss me Kate, un étonnant
pastiche de la shakespearienne
Mégère apprivoisée signé Cole Porter,
(les 17, 18 et 20 juillet) et l’on
entend le baryton Marc Barrard dans
un récital d’airs d’opéras français et
italiens (le 16 juillet).
À Mallemort, au domaine de PontRoyal, le Trio Claude Bolling ouvre la
manifestation (le 9 juillet) avant la
grande mezzo-soprano Nadine Denize
dans des mélodies de Wagner, Duparc
et Fauré autour de poèmes de Hugo
et Baudelaire (le 10 juillet) et des
solistes de l’Orchestre National de
France (le 11 juillet). Le baryton
François Le Roux présente une belle
mise en scène de L’Enfant et les
Sortilèges de Ravel (le 19 juillet),
tandis que le pianiste «tout-terrain»
Gérard Parmentier improvise (le 12
juillet) ou accompagne le violoniste
Luc Héry (le 13 juillet). Le festival se
clôt par le concerts des «master
class» (le 22 juillet – entrée libre).
J.F.
Off and Back
Mallemort, Venelles
du 9 au 22 juillet
Concerts à 20h30 ou 21h
06 21 24 33 21
www.kaleidoscope-arts-pluriels.com
Claude Bolling © François Abon
Pauline au village
Pauline Viardot (1821-1910) est une
figure féminine importante et assez
peu connue de l’histoire de la musique. Sa personnalité, ses talents de
pianiste et de cantatrice (comme sa
sœur La Malibran, elle triompha sur
les grandes scènes d’Europe dans
Rossini, Meyerbeer, Gounod…), de
pédagogue et compositrice fascinèrent un large cercle d’amis
artistes qui fréquentèrent assidûment ses salons : Tourgueniev en
tête, mais également Saint-Saëns,
Fauré, Massenet, Berlioz, Liszt, Clara
Schumann, Wagner, Delacroix, George
Sand, Dickens…
Si la 7e édition d’Opéra au Village
débute par une conférence de
Christelle Neuillet sur la musicienne
(le 4 juillet à 19h, entrée libre), elle
se poursuit par une «soirée musicale
chez George Sand» intitulée Au temps
de Nohant et la représentation d’un
«opéra de salon» composé par
Pauline Viardot en 1904 : Cendrillon.
Dans un esprit de convivialité, le prix
du repas «à thème», pris sous les
marronniers, est compris dans celui
de la location, pour des concerts dans
le cadre serein du couvent des
Minimes de Pourrières (les 17, 19, 21,
22 et 24 juillet à 20h).
J.F
Opéra au Village
du 4 au 24 juillet
Pourrières (83)
04 94 78 50 35 / 06 86 92 10 63
www.loperaauvillage.fr
36
MUSIQUE
Tour Royale et Collégiale
La Provence baroque
Quatuor Modigliani © X-D.R
Le Festival Estival de Toulon et sa
Région se poursuit à la Tour Royale
par un Récital aux Étoiles du pianiste
Jean-Marc Luisada qui joue de
fameuses partitions de Chopin et
Brahms (le 24 juin à 21h30). La
grande harpiste Marielle Nordmann
s’entoure d’un ensemble de jeunes
solistes pour des pièces de musique
de chambre de Mozart, Berlioz,
Britten, Ravel... (le 28 juin à 21h30).
Changement de lieu pour la seconde
partie du festival en juillet ! La
Collégiale, perchée sur les hauteurs
de Six-Fours, accueille le Chœur
byzantin de Grèce (le 5 juillet à
21h), le clarinettiste Paul Meyer et
le Quatuor Modigliani dans des
quatuors et quintettes de Haydn,
Ravel et Brahms (le 8 juillet à 21h),
avant le formidable violoncelliste
Gary Hoffman qui joue les six Suites
de Bach (le 12 juillet à 18h et 21h).
Le harpiste toulonnais et remarquable
soliste Xavier de Maistre interprète,
au final, des concertos de Haydn et
Haendel en compagnie de l’Orchestre
de Chambre Sinfonia Varsovia (le 13
juillet à 21h).
J.F.
Estivales de Toulon
jusqu’au 13 juillet
04 94 93 55 45
http://musiquetoulon.pagesproorange.fr
Butterfly et Pavarotti
Après Tosca l’an dernier, pour la
troisième saison des Nuits Musicales
de la Sainte-Victoire, la municipalité
de Peynier propose des représentations d’un grand Puccini dans
son théâtre de verdure. Madame
Butterfly est donné dans une version
«light» de concert commentée par
Eve Ruggieri qui parraine de jeunes
chanteurs en début de carrière. Le
Directeur artistique du festival, Grigori
Penteleïtchouk, dirige l’Orchestre
de l’Opéra National d’Ukraine,
Noriko Urata (Cio Cio San) et
Sébastien Guèze dans le rôle de
Pinkerton (Les 25 et 28 juin à 21h).
La seconde production est un
Hommage à Luciano Pavarotti rendu
par la projection d’un film retraçant
sa carrière et par de jeunes chanteurs
interprétant les ouvrages favoris du
grand ténor disparu (les 26 et 29 juin
à 21h).
J.F.
Nuits Musicales
de la Sainte-Victoire
Peynier
du 25 au 29 juin
04 42 53 16 43 / 06 25 97 26 87
Office du Tourisme 04 42 16 11 70
www.peynier.fr
Festes d'orphée © X-D.R
Comme chaque saison, Guy Laurent
et les Festes d’Orphée présentent
leur
festival
de
musiques
patrimoniales. Trois programmes
constituent la 12e mouture d’Aix en
Baroque. L’Esprit français : baroque et
XXe siècle dresse des ponts entre les
deux périodes à travers des œuvres de
Poulenc ou Milhaud, Charpentier ou
Gilles (les 5 et 6 juillet). Campra de
théâtre et Campra d’église met en
lumière les deux aspects du plus
grand compositeur baroque de la
région (les 8 et 10 juillet). Baroque
en Provence se consacre à des
compositeurs «locaux» tels Pierre
Gautier de Marseille, Audiffren,
Auphand, Desmazures... (les 10 et 11
juillet). Une conférence sur les Grands
maîtres baroques de Provence est
prévue le 6 juillet à 16h (entrée
libre).
J.F.
Chapelle du Sacré-Cœur, Aix
Concerts à 18h
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Piano royal
Les 12e Soirées d’été de Châteauneufle-Rouge accueillent, dans la cour
carrée, de formidables pianistes.
Jean-Marc Luisada joue Chopin
(Nocturnes, Barcarolle...) et Brahms
(op.117). Ce concert d’ouverture (le
11 juillet) est présenté par Frédéric
Marie-Josèphe Jude © Thierry Cohen
Lodéon. Frédéric Cassard interprète
Schubert (Impromptus) et des pièces
inspirées par l’eau de Debussy (le 12
juillet) avant que le jeune Bertrand
Chamayou ne s’attaque à des pages
virtuoses de Liszt, Schumann
(Carnaval) ou Mendelssohn (le 18
juillet). Marie-Josèphe Jude joue
avec la sensibilité qu’on lui connaît
des pages de Mozart, Haydn,
Moussorgsky
(Tableaux
d’une
exposition) ou Clara Schumann (19
juillet). Et l’on entend en clôture un
duo de jeunes artistes : Dan Zhu et
Geoffroy Couteau dans la sonate
pour violon et piano de Poulenc et
l’opus 121 de Schumann (le 20
juillet).
JACQUES FRESCHEL
Chateauneuf-le-Rouge
Concert à 21h du 11 au 20 juillet
04 42 58 62 01
www.chateauneuf-le-rouge.fr
Place forte
enchantée
e
La 5 biennale régionale des arts populaires propose
un grand rassemblement gratuit qui met en avant les
pratiques vocales en amateur. Cette année, le chant,
dans tout son rayonnement planétaire, est fêté dans
l’enceinte militaire fortifiée par Vauban à MontDauphin : des polyphonies alpines aux chants d’orient,
du slam au chant baroque, des chants occitans au
gospel, de la rumba gitane aux chants d’Asie, du
rigodon aux chants créoles et tsiganes… Quatorze
concerts, un bal, onze ateliers de chant, quatre
spectacles en déambulation ont lieu sur des scènes
extérieures ou dans l’église de la Place forte, et près
de 300 chanteurs soutiennent la candidature de la
commune de Mont-Dauphin au Patrimoine mondial de
l’UNESCO.
JACQUES FRESCHEL
Fort’issimo - Voix des Alpes
et du monde
Mont-Dauphin
le 29 juin à partir de 11h
www.regionpaca.fr
Liszt au pinacle
Le 11e Festival Liszt en Provence dédié à la mémoire
du pianiste et compositeur romantique, affiche ses
récitals sur son traditionnel piano Fazioli aux
sonorités brillantes. Sur la terrasse joliment éclairée
du Château Saint-Estève d’Uchaux, on attend cinq
concertistes confirmés ou prometteurs… Mikhaïl
Rudy débute avec l’incontournable Sonate en si
mineur (le 11 juillet à 21h30), Daniel Propper allie
les Variations Goldberg de Bach à des variations de
Liszt sur un thème du Kantor, Après une lecture de
Dante et la Fantasia quasi Sonata (le 18 juillet à
21h30), Agnès Graziano joue la Vallée d’Obermann,
les Jeux d’eaux de la Villa d’Este et la Méphisto-Valse
(le 3 août à 21h), Sodi Braide interprète la Lugubre
gondole, la Ballade n°2 et Venezia e Napoli (le 15 août
à 21h), et Hamish Milne conclut par la première des
Années de Pèlerinage – Suisse (le 22 août à 21h).
J.F.
du 11 juillet au 22 août
04 90 40 60 94
http://lisztenprovence.free.fr
Voix d’ici
La cinquième édition du festival De Vives Voix se
poursuit en juillet avec une série de concerts mettant particulièrement la voix à l’honneur. Dans
Bizet était une femme, la fantasque diva Katia von
Bretzel (Cathy Heiting) et son fameux pianiste accompagnateur Ingmar Bruteson (Jonathan Soucasse)
nous livrent leur version révisée de l’histoire du compositeur de Carmen : un concert classico-délirant, mis
en scène par André Lévêque (le 2 juillet à 19h30,
Cour des Récolettes, rue Thubaneau à Marseille).
Les trois derniers concerts ont lieu au Théâtre de la
Sucrière – Parc François Billoux (Marseille 15e) et permettent à des artistes de la région d’exprimer leur talent.
Carte Blanche est donnée au contre-ténor Alain
Aubin qui invite et dirige, pour l’occasion, des artistes
et amis pour un récital lyrique et populaire évoluant
de la Renaissance à nos jours : avec la comédienne
Edmonde Franchi, Deborah Nabet (chant sépha-
rade), Michèle Fernandez (chant espagnol), Aram
Petrossyan (baryton basse), Magali Damonte (mezzosoprano), chœurs et danseurs accompagnés au piano
par Jacques Chalmeau (le 4 juillet à partir de 19h).
Autour de musiciens de la Compagnie Rassegna
s’articule une série de spectacles : contes et chants
d’orients accompagnés de l’oud (Fouad Didi), chants
De l’Adriatique au Bosphore (Maria Simoglou),
flamenco (Tchoune) pour la création de Amor de
Lorca / Falla (le 5 juillet à 19h).
Le festival s’achève avec les rencontres chorales : Les
Choralys (le 6 juillet à 17h).
J.F
De Vives Voix
jusqu’au 6 juillet
0 892 68 36 22
Nuits rurales
Le petit village de Mazaugues, perché sur les contreforts de la Sainte-Baume, accueille depuis de
nombreuses années des musiciens de renom pour ses
Nuits musicales dans son théâtre de verdure. Cet été,
le duo de pianistes Darius Milhaud joue à quatre
mains des pièces de Mozart, Liszt, Schubert et
Ravel (le 10 juillet). Une dizaine de jours après, les
mélomanes sont à l’écoute d’une Soirée Rostropovitch
donnée par le violoncelliste Manfred Stilz (le 20
juillet). Le Quatuor Talich, l’une des plus grandes
formations tchèques, se produit dans des quatuors de
Beethoven, Mendelssohn et Ravel (le 30 juillet). Le
festival se poursuit avec des concertos interprétés par
le phénoménal violoniste Nemanja Radulovic (le 6
août), avant une Soirée Prévert par le duo complice
composé de François-René Duchable (piano) et du
comédien Alain Carré (le 12 août).
J.F
Nuits Musicales de Mazaugues
du 10 juillet au 12 août
Concerts à 21h
04 94 86 90 67
www.nuitsmusicmazaugues.free.fr
38
MUSIQUE
FESTIVALS
Messiaen au sommet
Plus que jamais, si l’on se trouve en
juillet dans les Alpes, il faut se rendre à
La Grave pour le 11e Festival Messiaen
au pays de la Meije. À l’occasion du
centenaire de la naissance de l’immense
compositeur français, une pléiade
d’artistes se sont donnés rendez-vous
sur les hauteurs du massif si cher à
Olivier Messiaen.
Au cœur d’une douzaine de concerts,
on retient la présence de Myung-Whun
Myung-Whun Chung © X-D.R
Chung à la tête de la Maîtrise et de
l’Orchestre de Radio France avec le
pianiste Roger Muraro (le 12 juillet à
19h, Place de Villar d’Arène), le récital
Messiaen, Debussy, Berlioz par la
soprano
Mireille
Delunsch
accompagnée au piano par Michel
Béroff (le 18 juillet à 21h, église de La
Grave), ou le concert donné par Régis
Pasquier (violon), Roland Pidoux
(violoncelle), Bruno Pasquier (alto),
Emmanuel Strosser (piano), Romain
Guyot (clarinette) avec, au programme,
le fameux Quatuor pour la fin du Temps
(le 19 juillet à 21h, église de La Grave).
JACQUES FRESCHEL
Festival Messiaen au pays de la Meije
du 10 au 20 juillet
04 76 79 90 05
www.festival-messiaen.com
Musiques du Monde
Le Festival Les Nuits d’été à Aix-enProvence se poursuit début juillet avec
des Musiques du Monde. On entend des
Polyphonies croates par le chœur Kapla
Iskon (le 3 juillet à l’église St-Jean de
Malte), Liber’Tango, un voyage au cœur
du tango nuevo d’Astor Piazzolla par
le Quatuor Caliente et Débora Russ
(le 8 juillet au Cloître des Oblats) avant
du Flamenco par les musiciens et
danseurs de Navegando por el tiempo
(le 10 juillet au Cloître des Oblats).
Suite et fin en septembre !
J.F.
Nuits d’été à Aix-en-Provence
du 3 au 10 juillet
concerts à 21h
04 91 93 89 87 ou 06 11 23 15 54
www.nuitsdete-aix.com
Cépages au diapason
L’association Musiques dans les Vignes
propose des concerts de musique classique dans des lieux privilégiés du Haut
Vaucluse, et des viticulteurs s’y associent en proposant des dégustations.
Un cycle de huit concerts (essentiellement de la musique de chambre) est
prévu à Ste Cécile, Camaret, Jonquières,
Quatuor Debussy © Frédéric Jean
Bollène, Mondragon, Vaison, Séguret...
On entend les Quatuor Atrium, Thymos,
Debussy, Ludwig (en compagnie de
Marie-Christine Barrault), Antarès, le
Trio Rincontro, le Quintette Moraguès
(avec la pianiste Claire Désert). Les six
voix jazz Les grandes gueules
complètent le programme par un
divertissement swingué (le 25 juillet).
J.F.
Musique dans les vignes
Concerts à 21h30
du 11 juillet au 3 août
04 90 30 90 78
www.musiquesdanslesvignes.com
La Cave à Charlie
L’été swing du côté du moulin à jazz Charlie Free. L’édition
2008 du festival se tiendra du 4 au 6 juillet pour trois
soirées hautes en couleurs et en qualité
Les festivités débuteront le 4 juillet
dès 19h avec la fanfare de poche Le
mystère des éléphants, composée de
trois saxophones et une batterie. Le
jazz en perpétuel mouvement de Dress
code conclura à 21h sa résidence au
Moulin à Jazz avec un concert création
haut en couleurs. 22h15, place à Carla
Bley, figure féminine remarquable de
la scène post-free depuis près de
quatre décennies, toujours inventive et
créative avant de conclure cette
première soirée à 23h30 avec les
classes de jazz de Charlie Free, ateliers
dirigés par Bernard Jean. Samedi 5
juillet à 19h30, la fanfare «bulgarofranco-belge» Panika débutera aux
sons rythmés du soubassophone, avant
de céder la place, à 21h, au Claudia
Solal 4tet, jeune formation née en
2006 au festival de Marciac. Composé
en studio à partir des photos de Guy Le
Querrec, African Flashback est le
troisième volet d’un triptyque contant
l’échappée sur le continent noir des
trois musiciens que sont Aldo Romano,
Louis Sclavis et Henri Texier. Un
émouvant spectacle à ne pas rater (à
22h15). La soirée se terminera au son
des compositions et des arrangements
du Serendipity quartet (à 23h30). La
soirée de clôture débutera dès 17h30
le dimanche 6 juillet avec la création
Own Virago, galerie de portraits
féminins chantés par Marion Rampal,
soutenue par ses quatre musiciens.
Romano - Sclavis - Texier © Guy Le Querrec
Pour les étourdis du samedi, la fanfare
Panika nous gratifiera d’un nouveau
tour de piste à 19h30, avant d’écouter
le surprenant Edelin Avenel Betsch
Trio dont le leader est un des rares
jazzmen français à s’exprimer exclusivement à la flûte, ou plutôt aux flûtes,
pour être juste (à 21h). 22h15, la
soirée et le festival se termineront en
apothéose : La Marmite Infernale et
le Nelson Mandela Metropolitan
Choir seront associés pour le spectacle
Sing for freedom. Humanité, enthousiasme, originalité, le big band de
l’Association à la Recherche d’un
Folklore Imaginaire (l’ARFI) a mijoté
dans son chaudron de délicieuses surprises cuisinées spécialement pour le
chœur issu de Port Elisabeth. À ne pas
rater !
F.I.
Charlie Free Festival
du 4 au 6 juillet
20/15 euros / pass 2 jours 35 euros /
pass 3 jours 50 euros
04 42 79 63 60
www.charliefree.com
Sing for freedom © Aline Valdenaire
AGENDA
MUSIQUE
39
Au programme
MARSEILLE
Balthazar : Spectacle des minots, danse hip hop (18/6),
Lindigo & l’Orchestre des îles sœurs de l’océan indien
(19/6), Young, Soul, Rebels : One soul sound system,
Prince Freedom, God save the 45 (20/6), fête de la
musique (21/6), fanfare connexion : Ratamar, Brass
Banda, Samenakoa (26/6), King Lorenzo backed by Dub
Akom (28/6), Ministère des affaires populaires (3/7)
04 91 42 59 57
www.aubalthazar.com
Cabaret Aléatoire : Clara le Picard & Frédéric
Nevchehirlian (18/6), John Lord Fonda, The Penelopes
ft. Morpheus, The Micronauts, Arnaud Rebotini, Lady B,
Shockers (20/6), Fête de la musique (21/6), On the
Vintage (21/6), Africa fête (27 et 28/6)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
Cité de la Musique : Emma Milan & Diego Trosman &
Fernando Maguna (26/6)
04 91 39 29 19
www.citemusique-marseille.com
Daki Ling : Monsieur Marie (26/6)
04 91 33 45 14
Dock des Suds : Bullet for My Valentine, Eyeless (20/6)
04 91 99 00 00
www.dock-des-suds.org
El ache de Cuba : Barrio Jabour (19/6), Dj Sky & Tony S
(20/6), Fête de la musique (21/6), Barrio Jabour
(26/6), Dj Sky & guest (27/6)
04 91 42 99 79
www.elachedecuba.com
Embobineuse : Gangpol&mit, Dj Couleurs, Miosine,
Pierce (20/6), Soirée Osaka Invasion (22/6), Soso
Modern (25/6), Don Vito, Heraclite, Manetti (27/6),
Soirée Revolution mystique par les Possédés (28/6)
04 91 50 66 09
www.lembobineuse.biz
AIX
Espace Julien : Jah Cure (23/6), Sefyu (24/6), Melting
Sound : iPod Battle, Blasta Warriors Foundation,
NeverHide, Dj Jan Rowburt (28/6)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
Intermédiaire Otantic Records Sound System (18/6),
Gacha Empega, Still Life (19/6), Les Anges gardiens
(20/6)
04 91 47 01 25
La Machine à Coudre : Lo Cor de la Plana, le Chœur de
la Roquette, Rosa (19/6), 1KA, Carne Cruda (20/6),
Antonio Negro et ses invités (26/6), Rosa, Ifif Between
(27/6), Egoïne, Dam Dynamite, Prypiat (28/6)
04 91 55 62 65
www.lameson.com
Le Lounge : Echo, Sharline (19/6), Plaine Ombre, Eloa,
Oggre (20/6), Splash Macadam, Les Résistants (22/6),
Lezards Tristes (26/6), Sibyl Vane, Mina May (27/6),
Rescue Rangers, The Host (28/6)
www.myspace.com/lelounge13
Le Poste à Galène : Jacquy Bitch (20/6), Into the
groove (21/6), Pop club (27/6), Nuit années 80 (28/6),
Into the groove (4/7), Nuit années 80 (5/7), Into the
groove (11/7)
04 91 47 57 99
www.leposteagalene.com
MuCEM : concert de la chorale des Mamies du panier (21
et 22/6, de 14h à 19h)
04 96 13 80 90
Station Alexandre : Liz Mc Comb (28/6), Direct Usine :
Dj Rebel, Hélène Niddam, Martha Galarraga (3/7)
04 91 42 05 87
www.station-alexandre.org
Théâtre et Chansons : Les soirées cabaret (27 au 29/6)
04 42 27 37 39,
www.theatre-et-chansons.com
L’Unplugged : No Perfect (19/6)
04 42 23 40 84
Le Korigan : Converge, Integrity, Coliseum, The Dawn
(23/6)
04 42 54 23 37
Luynes
CAVAILLON
Place Fernand Lombard : Fête de la musique avec Loïc
Lantoine, François Pierron, Eric Philippon, René Lacaille,
Joseph Doherty et Jef Le Poul avec toutes les personnes
résidant ou travaillant au Village. Le 21 juin à 21h30.
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
VITROLLES
Moulin à Jazz / Charlie free : Mariannick Saint-Ceran
(21/6)
04 42 79 63 60
www.charliefree.com
SALON
Portail coucou : Blackfire, Acouphen, Clan D, Red Road
Crossing (21/6)
04 90 56 27 99
http://portail.coocoo.free.fr
40
MUSIQUE
DISQUES
Détonation Rythmique
Atome Sonore
Alliage sonore détonant et pimenté,
l’album Watch the sun des Headcharger
déménage. Puissante et maîtrisée,
l’association de la force du métal, la
rage du hardcore et la carrure du
rock’n roll donne un résultat abouti
et prometteur. Le son est propre, lourd,
profond et percutant, mixé et masterisé par de grands noms du genre
ayant œuvré entre autres auprès de
Tantrum et Sepultura… Taillé pour la
scène, l’engin HDGR sonne au
demeurant remarquablement bien
dans des baffles affûtées, étant du
reste distribué efficacement par trois
labels français : Custom Core, Coriace
et Season of Mist. Attention, l’énergie
dégagée par les onze titres de ce
deuxième brûlot à déguster en stéréo
L’album de l’immaturité est enfin là !
Le troisième opus Dirty centre des
inclassables Svinkels atterrit tel un
ovni, ou plutôt un objet sonore non
identifié dans les bacs le 16 juin. Se
baladant à mi-chemin entre le rock et
le rap, tout en prenant des chemins
de traverse punks et «décalés
déjantés», Dirty Centre «serait un pays
entre la France et les Etats-Unis, dont
le président serait Snoop et où tous les
soirs à 20h il y aurait Turbo». Du
parodique tube de l’été «Tout nu yo»
au graveleux «Du pq pour mon trou
trou» déjà culte, «Le club de
l’apocalypse» ne doit rien au rap
guerrier des habitués du genre. Le
single «Droit dans le mur» pourrait à
n’en pas douter désenliser un homme
devient rapidement contagieuse et
comblera sans nul doute tout
amateur de rock agité qui se
respecte.
F.I.
Headcharger / Watch the sun
Customcore Records /
www.customcore.com
: rythmique appuyée, son lourd et
texte incisif, la déflagration n’est pas
loin et vaut le détour.
F.I.
Swinkels / Dirty Centre
At(ho)me
www.label-athome.com
La Revolte des mots
Pochette surprise
Le rap tourne t-il en rond ? Existe-til une alternative à cette lassitude
grandissante ? Elle s’appelle Duval
MC ! La sortie de son album Matières
Premières pousse les murs et les carcans habituels, et place la barre bien
haut. «Moi je ne souhaite que faire
danser les gens» ; pari réussi ! Notre
tribun est modeste, et l’attention se
porte tout naturellement sur la
qualité et la pertinence du texte.
Engagé, militant ? Certes, mais quand
on chante aux côtés d’alter mondialistes, le militantisme mute aux
pulsations du scratch et de la verve
déclamée. Slamée, rapée, la violence
n’est pas dans le son, proprement
mixé et sans surcharge, mais bien
dans les mots, distillés et catapultés
avec aisance. Et musicalité ! D’un
Avant un troisième album orienté
rock qui devrait voir le jour dans
quelques mois, les Normands de
Baldini présentent leur deuxième
recueil intitulé Diversion.
La chanson française à texte tendance rock continue de s’enrichir,
avec la sortie du second album des
six cannois, prévue pour mi-juin.
Pompe énergique à la guitare pour
conter les souvenirs d’un voyage à
Londres ou état brumeux des relations masculin/féminin, le texte est
efficace et discouru : il évoque la
verve et le ton de Mano Solo et
Dominique A. Mélange inattendu, à
la fois sincère, retenu ou festif, cette
Diversion surprend et se démarque. La
présence heureuse du trombone
donne une couleur fanfare jazzy, et
climat feutré aux chemins empruntés
parfois ragga, l’aisance maîtrisée du
parfum révolté annonce le nouveau
MC de la planète rapée !
F.I.
Duval MC / Matières Premières
Contrevents / www.duvalmc.com
Voir page 66 et 67 :
La mémoire et l’art
Pour Head banger avertis
Formé en 1997, Primal Age se forge
une solide réputation scénique après
avoir enregistré deux titres pour la
compilation «In This Other Land»
(Overcome), et l’album «The Light To
Purify» deux ans plus tard. Le groupe
d’Evreux a par la suite montré
l’étendue de son énergie et de son
efficacité sur scène. Précurseur français de la fusion remarquable entre le
hardcore et le métal, Primal Age
revient sur le devant de la scène
après six ans d’inactivité avec A Hell
Romance sorti chez Customcore (rock,
hardcore et métal label). Autant le
dire tout de suite, cet album décoiffe
sévèrement !
Bénéficiant d’une bonne production,
ce nouveau recueil nous livre un
gros son bien massif à la pulsation
ultra rapide, soutenant une voix très
sombre et caverneuse, faisant parfois
penser au brutal Death métal. Toute
la puissance du métal et l’énergie du
hardcore figurent sur cet album. Pour
les amateurs c’est du très lourd.
Primal Age / a hell romance
Customcore records
SONIA BENSAAD
une impulsion novatrice et
entraînante qui permet de quitter les
carcans habituels de la chanson à
texte.
F.I.
Bandini / Diversion
Lakalashnik’off
L’Autre Distribution
41
Gospel… of Marseille !
Réuni depuis 2001 autour du guitariste, chef de
chœur et arrangeur Grégoire Richard, le Massilia
Sounds Gospel a travaillé, progressé, trouvé sa
couleur propre au fil des concerts et du contact
récurrent avec le public. Le temps était venu pour le
groupe vocal d’enregistrer un témoignage de leur
travail enthousiaste autour des répertoires de Gospels
et Spirituals afro-américains.
Intitulé Love’s in need (Stevie Wonder), le CD butine
du côté du blues (Down in the river to pray), du swing,
de la soul ou du traditionnel (We shall overcome)…
Finement accompagné par un quatuor jazz (batterie,
piano, basse et guitare) ou a cappella, le chœur
mixte, composé d’une vingtaine de chanteurs, répond
occasionnellement à des solistes solides comme
l’excellent Georges De Pierreti dans Moanin’ ou le
«rocailleux» Thierry Garcin dans On my way...
L’art d’improviser
Talents d’enfants
Thierry Escaich est l’un des compositeurs les plus doués de sa génération.
Comme la plupart de ses pairs organistes, depuis Bach ou Franck, c’est
aussi un formidable improvisateur
La Chorale Anguélos, que l’on a entendue ces deux
dernières années au Festival de Musique Sacrée de
Marseille dans L’Enfant à l’étoile de Gilbert Bécaud,
les oratorios La Naissance de David Sassoun
d’Aprikian ou La Vierge de Massenet, à l’Opéra de
Marseille dans La Damnation de Faust ou au Festival
de Lacoste dans Carmen, publie un nouvel
enregistrement. C’est la marque du travail sérieux et
passionné accompli par Patrick Benoît, son chef
depuis vingt ans, assisté d’Hélène Gilles et de la
pianiste Brigitte Grosse.
Ce disque, comme du reste les précédents qui
partent «comme des petits pains» lors des concerts
et des tournées internationales de l’ensemble vocal,
est le reflet fidèle de ce qui ravit le public en
concert. Intitulé Laetitia (Allégresse), le programme est bâti autour de chants virginaux ou de
la Nativité : noëls populaires français, espagnol,
alsacien, parmi lesquels on reconnaît de jolies
harmonisations d’Il est né le divin enfant, Entre le
bœuf et l’âne gris, la Marche des Rois…
On apprécie également des chants traditionnels (un
joyeux pot-pourri Jardin de France) tchèque ou
hongrois, acadien (Ave Maris Stella), israélien
(Chalom) des Spirituals (Amen, Jericho), des
classiques signés Benedetto Marcello ou Luigi
Perosi et également l’Ave Maria du Dialogue de
Carmélites de Poulenc ou le Chœur des jeunes filles
d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski… Un répertoire
aux styles variés, que les enfants maîtrisent avec
talent.
Cet art, pratiqué autrefois par Mozart, Beethoven
ou Chopin, s’est éteint peu à peu dans la musique
classique occidentale… sauf chez les organistes !
Peut-être grâce au fait que ces derniers sont obligés
de s’adapter souvent à la contrainte de la pratique
religieuse !
Ce récital capté sur le vif, intitulé Organ spectacular est une suite d’improvisations sur différents
thèmes : Salve regina, Noëls, Notre-Père, mélodie
populaire... Des paraphrases, variations, passacailles, rapsodies s’enchaînent sur des formules
de Duruflé, Bach, Couperin, alternant des styles
anciens et modernes. Quelques évocations figurent
le brouillard ou la tempête quand un poème de Saint
John Perse inspire une texture lyrique poignante.
Les méditations vaporeuses, les sonorités inquiétantes, les pulsations et les constructions complexes
s’avèrent magistrales sous les doigts d’un virtuose
que l’on retrouvera à plusieurs occasions, cet été,
lors de passionnants ciné-concerts.
J.F.
* Thierry Escaich improvisera sur les images d’un
film italien de 1911 inspiré de l’Enfer de Dante :
Inferno de Giuseppe Deliquoro, le 22 juillet à 18h au
Temple St-Martial dans le cadre du cycle de Musique
sacrée du festival d’Avignon (voir p.34)
* Thierry Escaich fera de même, à l’orgue, sur les
images du célèbre film muet Faust de Murnau (1926)
le 28 juillet à 21h dans la cour du château de l’Empéri
à Salon, pour le Festival international de Musique
(réserv. 04 90 56 00 82)
CD UNIVERSAL
CLASSICS 480 0874
CD «CIGALE SWING»
0001/1
J.F.
Le Massilia Sounds Gospel se produit le 20 juin
à 20h30 à l’église St Georges aux Catalans
(entrée libre et dons reversés à de petites
associations caritatives) et le 10 juillet à 21h30
au Palais Longchamp dans le cadre des Estivales
(entrée libre également).
J.F.
La Chorale Anguélos présente ce disque
fraîchement sorti des presses,
le 20 juin à 21h à l’église Saint-Laurent,
lieu où il a été enregistré
Laetitia
Chorale Anguélos
CD «CACTUS»
CMD 20908
Les Adieux
de Brendel
Sûr qu’il y aura du monde au Grand
Théâtre de Provence le l2 août
prochain dans le cadre du festival de la
Roque d’Anthéron pour l’un des
ultimes concerts d’Alfred Brendel !
Le pianiste «a annoncé qu’il donnerait le dernier
concert de sa carrière à Vienne le 18 décembre 2008.
Il jouera le Concerto pour piano n°9 «Jeune
homme» de Mozart… à cette date il aura 77 ans et
aura passé plus de soixante ans de sa vie à donner
des concerts.» (extrait du communiqué officiel
annonçant sa retraite). Dire qu’en plus ce sera la
première fois que l’artiste se produira au fameux
festival de piano !
«J’appartiens à une tradition qui veut que ce soit le
chef-d’œuvre qui dit à l’interprète ce qu’il devrait
faire.» Tel est le credo du maître, inclassable,
développant au clavier une sonorité, une poésie
et une expression personnelles où le sens de
l’architecture générale se conçoit en harmonie
avec la spécificité de chaque opus, jusqu’au
moindre détail !
C’est ce que l’on retrouve dans ces Variations
Diabelli gravées en live au Royal Festival Hall à
Londres en 2001. La compilation (BBC recording)
est augmentée de la Grande Polonaise de Chopin
(1968, des Variations sérieuses de Mendelssohn
(1990), Elegien de Busoni (1997) et de l’Opus 101
de Beethoven (1992) qui fut avec Schubert un
partenaire de route privilégié du pianiste.
J.F.
Ultime récital à Aix
le 12 août à 21h
04 42 50 51 15
Alfred Brendel
2 CD PHILIPS 475 83 22
42
MUSIQUE
CONCERTS
Happy Day
I Love Gaou
L’été commence fort au son des Voix du Gaou.
Situé sur la presqu’île éponyme dans le coin estival
de Sanary et du Brusc, l’incomparable lieu et la
qualité de la programmation font des 10 jours de
concerts un rendez-vous incontournable pour tout
amateur de rock’n roll qui se respecte. Pour
exemple, vous rappelez-vous du passage tonitruant
des fameux Stooges sous la houlette de l’intemporel
Iggy Pop, le tout dans un décor côtier ensoleillé ?
Iggy ne sera pas là cette année, laissant la vedette
au grand Ben Harper (le 15 juillet) qui présentera
son nouveau joyau enregistré récemment avec les
innocent criminals. La très pop Laetitia Sheriff aura
la grande responsabilité de baliser la scène au
mythique Ben.
On change d’ambiance avec le revendicatif Cali et
le rock français de Mokaiesh (le 16) avant
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Toutes les infos sur
www.voixdugaou.com
Ben Harper © 2007 EMI Music France
Liz Mc Comb © X-D.R
Camille © X-D.R
d’accueillir Catherine Ringer qui sera là, toute
seule hélas, sans le grand Fred dont elle nous fera
partager la musique indémodable (le 17). Plateau
reggae innovant avec Tiken Jah Fakoli, Nneka et
Zion Train (le 19), avant les revenants à la
barbiche du blues rock ZZTOP et le guitariste
virtuose Steve Lukather (le 20). Le trip hop de
Morcheeba et la jeunette Micky Green rythmeront
la fin du festival (le 22), en attendant la déjantée
Camille et les venimeuses Cocorosie (le 23), le
plateau rock’n roll des BB Brunes, Mademoiselle
K et Fancy (le 24). Clôture électro avec Justice,
The Do, Birdy nam nam (le 25) pour finir en
beauté avec Aaron et Asa (le 26).
«L’idée, ce serait de construire un pont musical entre
les générations». Pas de doute, nous te croyons sur
parole chère Liz, toi qui fais revivre le gospel, toi
qui prêches la «bonne parole», toi qui réveilles la
soul façon James Brown!...
Le fabuleux lieu qu’est la Station Alexandre
accueille pour deux récitals exceptionnels l’héritière
du gospel Liz Mc Comb, le 28 juin à 18h et 22h.
L’artiste chantera pour la première fois à Marseille
des extraits de l’album Soul, Peace and Love et nous
fera redécouvrir, à travers son dernier opus, L’hymne
à l’amour de Edith Piaf. Récompensée d’une victoire
d’honneur aux victoires du jazz, la vénus d’ébène à
la splendide voix de mezzo enchantera Marseille
dans une formation intimiste acoustique à la fin du
mois. À ne rater sous aucun prétexte.
F.I.
Liz Mac Comb,
Station Alexandre
Renseignements sur www.station-alexandre.org,
04 91 42 05 87
Africa Friche
La 4e édition du festival Africa fête Marseille se
déroulera à la Friche belle de Mai les 27 et 28 juin.
Premier pas avec un plateau hip hop éclectique :
Imhotep (de IAM), DJ Rebel de Marseille, Mr Catra
de Rio et Duggy Tee de Dakar (le 27 juillet). Puis
un pas de deux avec Diho de Mayotte et le reggae
de Manjul et Takana Zion (le 28).
Echauffement possible l’après midi du samedi pour
fêter les 30 ans d’Africa fête avec un accès libre au
village festif, projections, expositions et débat
autour du livre Mamadou m’a dit de Gilles de Staal.
F.I.
1 soir : 7 euros / 2 soirs : 10 euros
Infos sur www.africafete.com, 04 95 04 96 36
43
Saint Martin de Rock
Le festival Les Aulnes Rouges de
Saint-Martin de Crau aura lieu au
Domaine de l’étang des Aulnes les 4
et 5 juillet. La quatrième édition
prévoit des bouchons au pied de la
Charlélie Couture © X-D.R
Aix à la rue
scène tant la programmation est
alléchante, branchée rock, pop et
chanson française.
Les toujours énervés Raoul Petite,
Emzel Café, Maxxo, Syrano et
Micromachine seront là (le 4 juillet)
juste avant le fameux CharlElie, Les
Petites Bourrettes, La Maison
Tellier et Les Blérots de Ravel, sans
oublier la finale du tremplin avec
Solat’, Madâme et Modulus (le 5).
F.I.
15 euros par soir / pass 2 jours
à 20 euros. Tarifs réduits également.
Toutes les infos nécessaires
à ce beau festival sur
http://lesaulnesrouges.fr,
04 90 47 06 80
Gare aux Oreilles
«T’écoute quoi toi ?»
«Euh… difficile à expliquer»
Et oui les musiques inclassables ça
existe, et elles ont même leur festival
dont la 7e édition se déroulera à La
Gare de Coustellet dans le Vaucluse.
Le festival gratuit Gare aux oreilles
accueille du 25 au 28 juin Le
Chantier musical, le Chantier
chorégraphique et le collectif Inouï
(le 25), l’original Erikm et les
slovaques de Longial (le 26), le solo
pour 227 cordes de Lionel Malric et
le free punk des Bampots et de Ted
Milton (le 27) avant de clôturer sur
les décalés des Hauts de plafond et
l’inimitable toujours imité Pascal
Comelade (le 28).
F.I.
Les infos et bien plus sur
http://gareauxoreilles.free.fr,
04 90 76 84 38
Nuits de Nîmes, calines
Les Nuits des Jardins 2008 se
dérouleront à Nîmes du 24 juin au 3
juillet. Programmation éclectique et
spectaculaire avec la venue du
pianiste de jazz Herbie Hancock le
27 juin. Outre la présentation de son
Herbie Hancock © Sjaaks
nouvel album River : the Jony Letters,
le jazzman de Chicago fera apprécier
la fusion des styles qu’il affectionne
tant. Le chant corse des non moins
connus I Muvrini prendra la relève le
28 juin, empruntant des corniches
escarpées si chères à l’île de beauté,
conduisant à des rencontres musicales inattendues. La grande voix du
fado d’aujourd’hui, Misia, clôturera le
festival le 3 juillet dans des
Saudades symphoniques accompagnées par l’Orchestre des Pays de
Savoie (voir page 29). Et pour ouvrir
ces Nuits, il y aura Pietragalla et ses
mineurs esthétisants, dans Conditions
Humaines, les 25 et 26 juin.
F.I.
Jardins de la Fontaine /
6 av Jean Jaurès / Nîmes
www.nimes.fr
04 66 27 76 80
Gacha Empega © M. Belhaoué´s
Le festival Musique dans la Rue se
déroule à Aix-en-Provence du 17 au
27 juin. Tous les concerts sont
gratuits, et le programme varié et
chargé avec l’Acousmonium du
Conservatoire de Nice, le Duo
Impromtu, l’Orchestre des Jeunes
du Conservatoire d’Aix, Gacha
Empaga, Stimmhorn, la fanfare
Vagabontu, le Hadouk Trio, le bal
Tango de Yuyo Verde, le trio Sudden
Jazz, les Fleurs Noires, l’Orchestre
Symphonique du Pays d’Aix, les
Musiciens d’Hélios, les classes de
piano du Conservatoire d’Aix, le Big
Band d’Aix, la fanfare la Baronnade
et le théâtre Nô d’Atsumori.
Pour les lieux il y en a aussi pour tous
les goûts : le GTP, le Pavillon
Vendôme, le conservatoire, la place et
la cour de l’hôtel de ville d’Aix, l’hôtel
Boyer d’Eguilles, le cours Mirabeau et
le parc Jourdan. Ne manquez pas les
spectacles Bizet était une femme et
la Tétralogie de Quat’sous donnés
entre la Cité du Livre et le Pavillon
Noir.
F.I.
Les infos indispensables pour ne
rien rater sur www.aixenmusique.fr,
0892 68 36 22
Panier Garnic!
La 15e édition de la Fête du Panier se
déroulera dans le quartier éponyme
les 20 et 21 juin.
Programmation comme toujours festive et colorée dont voici un avant
goût alléchant : live électro avec
Projet Lafaille, pop rock avec
Mouettes et Gabians, dub avec Mad
Professor, Colombie avec Cumbia
Chicarra, house avec Jack de
Marseille, world music avec DJ Big
Bouddha, fanfare méditerranéenne
avec la Compagnie Rassegna,
fanfare toujours avec Accoules Sax,
platines
tziganes
avec
DJ
soumkanai, jazz maghreb avec
Nhao, Cap Vert avec Thérésa de
Jesus, funk Carioca avec Mister
Catra, salsa avec Kontigo, blues rock
avec Blue’s On, sans oublier les compagnies Pachammama, Sevillanas,
Bouam, La Innombrable, A Malicia
da Capoeira, La Rue de la Fanfare,
Les Décatalogués, Zébulon, Hakili
Sigui…
Les lieux habituels comme les place
du Refuge, des Pistoles, de Lenche,
des 13 coins et des Moulins seront à
n’en pas douter bouillonnantes et
sonores !
F.I.
Toute la programmation
de ce week-end endiablé sur
www.fetedupanier.org,
04 91 91 09 28
44
ARTS VISUELS
ST-REMY | P’SILO | VIEILLE CHARITÉ
Couple moderne
Après la belle exposition monographique Joseph Alessandri, le musée
Estrine offre ses espaces à René et
Jacqueline Dürrbach, lui peintre et
sculpteur, elle maître licière, tous
deux modernes
Il y a eu parmi les couples d’artistes célèbres
du XXe siècle Sonia et Robert Delaunay ou bien
Sophie Taeuber et Jean Arp, Niki de Saint
Phalle et Jean Tinguely. On connaît moins le
duo Jacqueline et René Dürrbach. Pourtant
leurs travaux respectifs, comme leur
collaboration, ont compté dans l’art moderne
français. Auteur de nombreuses tapisseries,
Jacqueline Dürrbach contribua après la
seconde guerre mondiale au renouveau de cet
René Dürrbach, Sans titre, gouache sur papier, 37 x 28 cm,
Collection particulière
Tête, René Dürrbach, c.1960, Gouache sur papier, 38 x 28 cm,
Collection particulière
Des Ocres en
vagabondage
Films expérimentaux à Marseille
Cette année le thème commun a pour titre :
Le mal des hommes. Les 66 films sélectionnés viennent de tous les pays
et s’organisent dans six programmes :
espace, identité, mouvement, perception,
sens et temps. En ouverture le 1er juillet,
Raw urgency with a webcam de Véronique
Duhaut. L’ensemble des programmes
est projeté aux Lices. Les vidéos reçues,
238 au total, peuvent être vues
Conférence
Albert Gleizes et le décor mural
par Christian Briend,
Conservateur du Patrimoine
vendredi 20 juin à 18h
CLAUDE LORIN
René Dürrbach, Sans Titre, disque en bronze, D.18cm,
Collection particulière
P’Silo organise la 8e édition
du festival international de vidéo
expérimentale : Images Contre
Nature qui se déroulera
du 19 juin au 7 juillet 2008
à Marseille
René et Jacqueline Dürrbach, Conversations
jusqu’au 14 septembre
Musée Estrine, Saint-Rémy
04 90 92 34 72
www.ateliermuseal.net
art-artisanat et mit son expérience au service
d’artistes renommés comme Fernand Léger,
Delaunay ou Picasso qui la sollicita en 1955
pour transposer Guernica. Ou encore Les
Demoiselles d’Avignon dont les cartons
originaux seront visibles dans l’exposition avec
les tapisseries d’Albert Gleizes, Jacques Villon.
L’autre parcours est celui de son alter ego
artistique et compagnon, peintre, sculpteur,
dessinateur, auteurs de cartons de tapisseries
et vitraux, dont l’œuvre est habitée souvent d’un
fort sentiment religieux. Conversations, invite à
la (re)découverte d’un couple d’artistes inscrits
dans la modernité de leur temps.
En 1972, les Dürrbach avaient choisi de
s’installer à Saint-Rémy-de-Provence. Qui le
leur rend bien.
à la vidéothèque sur grand écran
pendant le festival.
Vous pouvez aussi visionner les films
sélectionnés comme expérimentaux
lors des sept précédentes éditions,
soit 522, à la vidéothèque P’Silo,
ouverte toute l’année au Vidéodrome
(www.videodrome.fr)
A.G.
Raw urgency with a webcam de Véronique Duhaut
Une association de 7 plasticiens s’installe
sous les arcades de la Vieille Charité.
Depuis 2004 ils utilisent un matériau-phare :
l’ocre, et investissent les espaces qu’on leur
propose. La force et la beauté imposantes de
l’architecture du monument, la puissance du
lieu ont donné l’échelle et la structure
des installations proposées dans ce lieu
chargé de mémoire.
Parallèlement, le peintre et théoricien d’art
Camille Saint-Jacques signera
2 de ses derniers livres à la librairie
Regards à 17 heures.
C.B.
www.p-silo.org
04 91 42 21 75
Ocre-Vagabonds
du 28 juin au 2 août
Centre de la Vieille Charité et librairie Regards
ARTS NUMÉRIQUES | GALERIE PORTE AVION
ARTS VISUELS
45
Arts multimédia
Depuis Nam June Païc bidouillant
la vidéo ou Vera Molnar outillée
d’un ordinateur, le flux des nouvelles technologies ne se lasse pas
de nourrir les imaginaires artistiques, incitant aux croisements et
métissages de toutes formes. Avec
le théâtre, pour Judith Nab qui
installe le visiteur du Château d’If
dans une cellule d’isolement, seul,
six minutes dans l’obscurité face
à ses propres surgissements hallucinatoires visuels et sonores. Le
pire : c’est le visiteur lui-même qui
décide d’appuyer sur le bouton !
Le meilleur : de savoir qu’on peut
en réchapper, Monte Christo dixit.
Autre satisfaction. Depuis que
Seconde Nature a confirmé sa
fusion, l’offre de programmation
s’est sérieusement étoffée et diversifiée, très orientée musiques
électroniques sans pour autant
sacrifier les arts visuels. Nombreuses sont les collaborations, en
particulier avec les structures en
région comme récemment pour
le festival de deux jours à la Cité
du Livre d’Aix-en-Provence avec
d’expérimentales et/ou poétiques
propositions (Akousmaflore de
Gregory Laserre et Anaïs Met Den
Ancxct, installation du collectif
Arts-Terres, LS/SL de Locus Sonus
utilisant les potentialités d’Internet), et Zinc/ECM de la Friche de la
Belle de Mai à Marseille (delay~
d’Etienne Rey, projet vibratoire
de son, d’eau et lumière). À l’approche de la période estivalefestivale,SecondeNatureprogramme
les installations participatives de
l’Australienne Lynette Wallworth
au Musée des Tapisseries dans le
cadre du Festival d’Art Lyrique, et
le travail de Thomas Köner à partir
des usages de la vidéosurveillance, à l’écart du festival
d’Avignon dans la rassérénante
architecture de la Chartreuse.
CLAUDE LORIN
Installations
Lynette Wallworth
Musée des Tapisseries, Aix
du 27 juin au 23 juillet
04 42 64 16 50
www.festival-aix.com
Pneuma Monoxyd
Thomas Köner
jusqu’au 30 septembre
Chartreuse
de Villeneuve-Lez-Avignon
04 90 15 24 24
www.chartreuse.org
www.secondenature.org
akousmaflore © X-D.R
Nightshot If
Judith Nab
jusqu’au 15 octobre
Marseille-Château d’If
www.theatreespace.nl/if
Juste avant la chute
À la galerie Porte Avion les propositions de Laurent Le Forban et Marie Bovo sont limite. Et ça va péter le 27 juin
Arman avait ses colères, Weiss
et Fischli enchaînaient les catastrophes. Laurent Le Forban installe
les conditions de tension annonçant
un prochain déchaînement. Neuf
radios portables noires en fonctionnement sont prêtes à gicler au
mur blanc, tendues par les larges
élastiques de latex bleu et retenues au sol par des filins d’acier
gris. Quelques enroulements de
ruban adhésif parfont ces catapultes minimales. Tout est en
attente. L’évènementiel est déjà
potentiellement contenu dans le
dispositif : au niveau sonore (car la
radio c’est aussi fait pour informer
(déformer ?)) et visuel, on s’attend
à un jaillissement possible. Mais
de quelle intensité ? Quel sera
l’impact ? Quelles déformations du
contenant (l’objet radio) comme du
contenu plus important (le son,
l’information ?). Il faut donc tester
le tirant des élastiques pour
évaluer la capacité de puissance
(nuisance ?) : à la fois souple et
suffisamment étiré pour créer un
certain relâchement, mais pas
trop. Lors du dévernissage il est
prévu de rompre les amarres.
Attendons !
En face, sur le mur sont collées
quatre photographies couleur tirées
sur papier grand format. On y
distingue des empilements de
livres. Les images sont biffées par
des traces qui suggèrent des flous
de bougé. Impossible de savoir
assurément si cela provient du
passage d’un élément perturba-
teur ou plutôt d’un geste prélevant
un de ces ouvrages superposés.
C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Telles des tours de Babel
ou du onze septembre, la chute est
proche. Chaque geste évoqué tend
au sabotage. Les photographies de
Marie Bovo possèdent cette
capacité contenue de suggestion
du précaire, de l’effondrement
annoncé des choses qui se
construisent -comme l’architec-
Marie Bovo - Laurent Le Forban © X-D.R
ture et la culture. Nécessaires et
fragiles. C’est la force d’une forme
métaphorique ouverte aux exégèses de la catastrophe qui
appellent la vanité des Babel ou la
mécanique de l’erreur telle la
Parabole des Aveugles de Peter
Bruegel : deux sont déjà dans la
chute, les quatre autres prêts à
suivre. Quatre photographies de
Marie (Bovo) sont (encore) au mur.
Pas pour longtemps : en guise de
décrochage, elles seront arrachées. Détruites. Le 27 juin.
Que restera-t-il à voir jusqu’au 5
juillet ?
Les poèmes maladifs de Nicolas
Gilly, artiste invité, qui déroulent à
l’infini leurs litanies sur l’écran
vidéo au fond de la galerie… près
des livres.
C.L.
Marie Bovo/Laurent Le Forban
jusqu’au 5 juillet
Galerie Porte Avion
04 91 33 52 00
www.galerieporteavion.org
Évènement le vendredi 27 juin
46
ARTS VISUELS
MUSÉE ZIEM | MUSÉE DE L’EMPÉRI
Ziem mon amour !
Deuxième volet pour Le Musée Ziem a cent ans : le 19e siècle de Ziem parachevé avec une création
contemporaine d’Isa Barbier
Van Gogh l’enviait pour ses couleurs : «Je voudrais
pouvoir faire des bleus comme Ziem qui ne bougent
pas tant que les autres.» Mais une des préoccupations majeures de Félix Ziem était déjà la
restitution de la lumière et de ses effets annonçant
ainsi les recherches impressionnistes une trentaine
d’années plus tard. Le premier volet de cette
programmation 2008 présentait l’œuvre du peintre.
Le second, le 19e siècle de Ziem, s’intéresse à ses
contemporains et souhaite situer son œuvre dans
le contexte artistique de l’époque comme en
déterminer la part singulière. L’exposition est
conçue comme un parcours chronologique et
stylistique dans lequel sont présentées un choix
d’œuvres de Félix Ziem en vis-à-vis de ses maîtres
(Rembrandt, Claude Lorrain), professeurs et amis
de la première heure (Emile Loubon, Prosper Grésy,
Gustave Ricard), compagnons d’expérimentation
(Isabey, Corot, Rousseau ou Millet) puis Eugène
Boudin et Claude Monet pour les périodes préimpressionniste et impressionniste, Auguste Renoir
aussi qui se rendit à Martigues pour saisir tous les
enjeux de l’œuvre du maître.
Plus complexe qu’on a voulu le reconnaître
d’ailleurs, insiste Lucienne Delfuria, conservatrice
du musée, lorsqu’on observe la facture de ses
tableaux où la touche se libère peu à peu pour
annoncer les modalités lumineuses de l’impressionnisme, ou ailleurs encore, lorsque sa palette
le processus de conception, le travail de préparation
et d’installation de cette œuvre vouée à l’éphémère.
Un livret concernant le travail d’Isa Barbier et le
catalogue de l’exposition sont tous deux édités chez
Images En Manœuvres, bientôt disponibles.
Et n’omettons pas de rappeler qu’à l’heure où les
subsides publics, pour la culture en particulier, se
réduisent comme peau de chagrin, on ne peut
qu’apprécier le «confortable» coup de pouce
financier apporté par la ville de Martigues pour
rendre nécessaire la réussite de ce projet ambitieux.
Mais est-ce tenable à long terme ? Et plus
généralement, quelles collectivités locales pourront
ainsi se le permettre ?
C.L.
Le 19e siècle de Ziem
et une installation d’Isa Barbier
jusqu’au 21 septembre
Musée Ziem
04 42 41 39 60
www.ville-martigues.fr
Alexandre Gabriel Decamps, Vue prise de Hollande.
Béziers, musée des Beaux-Arts
s’intensifie et préfigure les «outrances» du
fauvisme.
Le parcours se conclut avec une commande faite à
Isa Barbier pour l’évènement. En complément des
esquisses et dessins préparatoires, un film retrace
Catalogue
Le XIX siècle de Ziem
textes de Nathalie Bertrand
coédition musée Ziem - Images en Manœuvres
Editions
L’art aux créneaux
L’art contemporain à l’assaut du musée de L’Empéri ? Vingt-quatre artistes contemporains ont été choisis
par Claude Darras et mis en photo dans leur atelier par Maurice Rovellotti pour le livre éponyme. Tous reliés
par le Sud Méditerranéen
Carole Challeau, sans titre, encre blanche/papier, 2003
L’exposition propose au visiteur un choix personnel
d’un amateur passionné et engagé. Claude Darras a
suivi ses coups de cœur sans imposer une règle
esthétique restrictive à son projet de rassembler les
œuvres d’artistes possédant leur atelier dans le sud
méditerranéen. Deux années ont été nécessaires à
son élaboration d’autant qu’il se concrétise par un
bel ouvrage édité par la toute nouvelle maison
d’édition David Gaussen, installée à Marseille. La
sélection des vingt-quatre artistes est logiquement
très éclectique comme peut l’être un cabinet
d’amateur. Nous rencontrons des noms reconnus
comme Bernard Dejonghe, Jean-Jacques Surian ou
Julien Blaine avec d’autres créateurs dont la
notoriété est en devenir. Les techniques utilisées,
comme leurs modalités d’expression, varient selon
chaque personnalité, offrant ainsi un riche éventail
d’esthétiques. Pêle-mêle : les sculptures corrodées
de Noortje Piccer, les images bariolées façon art
brut chez Raymond Reynaud ou Maurice Fanciello,
les peintures de Jean-Marie Zazzi évoquant Fautrier,
les graphies hétérogènes sur grand format élaborées par Alain Grosajt, les encres blanches
biomorphiques de Carole Challeau, les photos de
Virgil Brill habitées par un éros velouté…
Et pour entrer plus avant dans l’univers de chaque
créateur, le livre, qui fait suite au premier ouvrage
Ateliers du Sud - l’esprit des lieux, paru chez Edisud
en 2004, saura être un guide précieux par les jeux
de connivence et d’intimité évidente entre les textes
de Claude Darras et les œuvres servies par une
iconographie que l’on doit pour l’essentiel à Maurice
Rovellotti, complice de la première heure. Peut-être
encore pour un troisième volet prévu en 2010, en
réunissant cette fois-ci les deux rives du mare
nostrum pour un partenariat avec l’Algérie.
L’aventure intérieure sait se partager !
C.L.
Ateliers du Sud, l’aventure intérieure
jusqu’au 14 juillet
Musée de l’Empéri
04 90 44 72 80
www.salondeprovence.fr
Ateliers du Sud, l’aventure intérieure
textes de Claude Darras,
photographies de Maurice Rovellotti
Editions Gaussen, 2008
GRANET | VÉLICKOVIC
ARTS VISUELS
47
Du Granet à moudre
Réveillé avec l’exposition Cézanne, le musée Granet prend goût aux grands évènements estivaux.
Rétrospective logique et nécessaire pour l’enfant du pays
Alors que le musée de Martigues
rend hommage tout au long de
l’année à son peintre emblématique,
Aix-en-Provence vise une lisibilité
d’envergure internationale -comme il
est désormais d’usage de s’exprimer
en terme de communication. Dans le
grand sud, Montpellier avait donné le
ton avec la rénovation de fond en
comble du musée Fabre et le
rafraîchissement de sa programmation. Les musées de province ne
veulent donc plus rougir (depuis belle
lurette) de leur ancrage local face au
pouvoir central. On ne peut que s’en
réjouir. Les retombées en terme
d’image et d’économie ne sont pas
négligeables non plus. Bilbao en sait
quelque chose. Pourtant, bien des
acteurs culturels et d’observateurs
s’inquiètent de la tournure que
prennent les politiques culturelles
décidées en haut lieu. Parfois localement aussi. On peut se demander
par exemple, en regard de «grands»
évènements comme celui-ci, ou à
venir tel Cézanne-Picasso en 2009,
quels bénéfices reviennent aux communes de la Communauté du Pays
d’Aix ? Comment l’événementiel et
le durable en matière culturelle
peuvent-ils être profitables ?
Mais ne boudons pas notre plaisir
puisque les valeurs immatérielles
véhiculées à travers les œuvres d’art
ne souffrent pas les décomptes.
Certains y ont consacré une vie
entière. Granet est de ceux-là.
Ce sont près de deux cent vingt
pièces, peintures, aquarelles et
dessins qui permettront de mieux
situer l’importance de cet artiste
encore trop méconnu dans l’art du
XIXe siècle. Le parcours suit sept
thématiques : Granet peintre de
Rome, Granet peintre des peintres,
d’histoire, de genre, caricaturiste ; les
aquarelles et les lavis ; méditation sur
la vie et la mort. Sans oublier une
sélection d’œuvres issues de sa
collection personnelle léguée au
musée d’Aix en 1849 comprenant
quelques trois cent peintures, en
particulier italiennes et flamandes.
D’entre François-Marius Granet, rival
pour un temps de Jacques-Louis
David, néo-classique parmi tous les
néo-classiques, l’histoire nous fait
F.M. Granet, Couvent Saint Bonaventure a travers une arcade du Colisee, (huile sur toile, 61 x 48 cm)
© Musee Granet - CPA, cliche B. Terlay
F. M. Granet, La Piece d'eau des Suisses a Versailles (1842). Aquarelles, 19 x 26 cm
© Musee Granet - CPA, cliche B. Terlay
retenir le second. Pourtant, lorsqu’on
regarde Averse dans la vallée du Tibre
(huile sur papier) on pense à Turner,
ou dans Pièce d’eau des Suisses à
Versailles (aquarelle de 1842) c’est
un peu Cézanne qui s’immisce dans
l’espace. Granet déjà un peu...
moderne ?
catalogue
François-Marius Granet 1775-1849
une vie pour la peinture
Denis Coutagne
368 pages
Editions Somogy, 2008
C.L.
conférence
Granet, une vie pour la peinture
par Denis Coutagne, conservateur en
chef du patrimoine
lundi 7 juillet à 17h
Granet une vie pour la peinture
du 5 juillet au 2 novembre
Musée Granet
04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
Feux et Corbeaux
Après une (trop) longue absence Vladimir Vélickovic
expose à Aix, très simplement
Dans Karton (éditions Thalia, 2006),
Michel Onfray commentait ainsi les
œuvres de Vladimir Vélickovic : «Les
Hommes creusent leurs charniers ; le
peintre se contente de les éclairer
de sa lumière noire…» Et cette semiobscurité semble n’avoir jamais cessé
de hanter ses peintures dès le moment où un regard a pu croiser ses
coureurs pantins mutilés ou ses
chiens effarés écorchés en courses
folles. La mémoire serait-elle
impitoyable ?
Une exposition en diptyque à La NonMaison présente des petites toiles,
lithographies et collages, tandis que
le 200 rd 10 à Vauvenargues accueille
des toiles de plus grand format. Sans
jamais se départir d’un sentiment de
grande gravité, les créations récentes
de Vélickovic tendent aujourd’hui à
moins de tragique : est-ce aussi un
signe d’apaisement pour l’homme ?
C.L.
Feux, Corbeaux
Vladimir Vélickovic
du 19 juin au 14 août
Galerie La Non-Maison
06 24 03 39 31
www.lanonmaison.com
du 15 juin au 6 juillet
200 rd 10
Lieu d’art contemporain
Les Lamberts/Vauvenargues
04 42 24 98 63
48
ARTS VISUELS
ARLES
Faire des Rencontres
Les RIP c’est toujours pareil : plein de photos, forcément
différentes chaque année, avec des surprises, des découvertes,
des enthousiasmes et leurs contreparties
Joachim Schmid/n°832, Berlin, avril 2004
C’est LE festival de photographie vraiment international avec ses rituels –la semaine des nuits,
les signatures, le moment des prix, le théâtre
antique… On déambule, on regarde, on feuillette,
on (se) rencontre et on discute, on échange (des
appréciations, des courriels, des adresses de
bistro/resto un peu plus sympa que…). On écoute
une oreille tendue dans un sens et le deuxième
œil tourné vers l’autre : ah ! les avantages
comparés du bon vieil argentique vs numérique
(si, si, toujours d’actualité), repéré untel (connu)
qui vient de passer, vu machin (très connu) très
décevant à son avis…
Et puis il y a ceux qui se lèvent tôt pour profiter du
calme relatif de la matinée, ils sont de plus en
plus nombreux ; heureusement, Arles ce n’est
pas si grand.
Peter Lindberg
Kristen Mc Menamy, Vogue France, Beauduc, France, 1990
- qu’est-ce qui y a d’bien c’t’année
à Arles ?
- ben, faut voir, il y en a tellement…!
- tu sais qu’c’est Lacroix qui préside
cette année ?
- mmm…ça peut le faire, et puis ça
change des spécialistes ; en plus, il
a tout Réattu aussi !
- attention ! ça n’a rien à voir avec
les Rip, mais ça peut être très
sympa un musée avec sa manière
à lui d’utiliser la couleur, les
allusions baroques…
- mouais… c’est vrai qu’il a invité
quelques collègues intéressants;
c’est pareil pour les Rencontres.
- qui c’est qu’il y a ?
- il y a un hommage à Avedon avec
ses photos de mode pour le New
Yorker, et c’est Caujolle le curator…
- dans le style il faut quand même
pas louper les Peter Lindberg,
hein ?
- y a aussi Françoise Huguier, Marla
Rutherford… tu sais avec leur façon
de traiter le portrait, le modèle…
- ouais, j’aime bien. Faut voir aussi
le boulot de récup’ de Joachim
Schmid, je trouve sa démarche pas
très photo-photo ni très mode non
plus ; ça change des poncifs.
- hum ! J’irai forcément faire un
tour aux Ateliers, il parait qu’ils ont
un nouveau projet d’aménagement ; on s’dit ce qu’on en pense
la prochaine fois, hein ?
- …dis-moi-là… euh… Combas,
c’est aussi Lacroix qui l’a invité ?
- je crois pas ; il fait aussi de la
photo ?
- et le truc des chapeaux à l’Arlaten ?
- Lacroix, des chapeaux ? c’est pas
son rayon…
CLAUDE LORIN ET UN QUIDAM
39e Rencontres Internationales
de la Photographie d’Arles
du 8 juillet
au 14 septembre
04 90 96 76 06
www.rencontres-arles.com
Poursuivons
le
Combas !
Comme chaque année, la Fondation
Van Gogh consacre son exposition d’été
à un artiste reconnu. Robert Combas
livre plus de quarante pièces créées
spécialement pour Arles
C’est un peu comme pour Claude Viallat l’année
dernière à la Fondation Van Gogh. Combas est
du Sud, on connaît, on aime bien mais c’est
désormais attendu. On va voir quand même, pour
le fun, Robert. Comme on écoute certaines musiques populaires qui savent faire groover le
corps, et dire des choses importantes en même
temps.
Alors il refait le coup de la bagnole customisée
par un artiste contemporain ? La légendaire Mini
Clubman récemment restylée par Bmw, et bariolée par lui lors de la précédente Fiac, sera
visible jusqu’au 18 juillet seulement. Tout le
reste, au-delà de la grande figure tutélaire du
Van Gogh de 1988, donne à voir une quarantaine
de pièces inédites conçues pour l’évènement
arlésien, notamment une belle série de
travaux en volume, sculptures et céramiques.
Réjouissant, rassérénant et vraiment à regarder
de près.
Tiens, ça me donne une idée : en complément
du projet de modifier les plaques d’immatriculation automobile d’une affligeante
esthétique administrative, proposons aux responsables européens de généraliser l’obligation
de faire customiser chaque véhicule de la
communauté européenne par un artiste contemporain, tous les deux ans. Ça donnerait du boulot
aux créateurs et la vie serait un brin moins triste !
C.L.
Ques Aco ?
du 4 juillet au 2 novembre
Fondation Van Gogh
04 90 49 94 04
www.fondationvangogh-arles.org
Catalogue
éditions Actes Sud/Fondation Van Gogh, 2008
Peinture optimiste.
Acrylique sur toile, 2007, 201 x 221 cm© Robert Combas
49
Relax max !
La saison estivale
pointant son farniente,
le Château d’Avignon
consacre ses espaces à
une exposition thématique
réunissant artistes et
designers. Vautrons-nous
dans le repos et l’oisiveté !
L’année passée Dans ces eaux-là
consacrait le précieux liquide omniprésent en Camargue à travers
des pièces de design et œuvres
contemporaines. Selon des moda-
lités identiques, l’exposition de cet
été investit le château et les
espaces extérieurs sur la thématique de la villégiature. De la
vacance pour se retrouver assis
ou allongé dans des pièces de
mobilier qu’on espère confortables,
conçus par quelques belles pointures du design tels Le Corbusier et
sa collaboratrice des débuts
Charlotte
Perriand,
Olivier
Mourgue, Stéphanie Marin, ou
Matali Crasset entre autres… De
son côté l’art contemporain ne
s’endort pas puisqu’on retrouvera
de nombreuses propositions avec
des œuvres vidéo (Alice Anderson),
photographies (Philippe Ramette,
Wendy Jacob, Anna Malagrida),
sculptures (César, Mark Hosking)
et installations ou mises en espace
(Betty Bui, Véronique Joumard) et
des atypiques comme Fabien Lerat,
Jaume Plensa. Offre non limitative
et visites commentées sans
supplément.
Ouverte à la déambulation familiale,
la programmation propose diverses
activités autour des cinq sens tout
au long de l’été. Un atelier excitera
Spécialisées en art contemporain,
les éditions Analogues présentent Themselves,
les travaux récents de Pierre Labat
«L’idée est d’aborder l’actualité de
l’art par le biais de projets éditoriaux et non pas par des plaquettes
de présentation.» C’est ainsi que
Gwénola Menou définissait la ligne
éditoriale singulière des Éditions
Analogues qu’elle installait à Arles
il y a quatre ans. Ainsi, pour chaque
nouvelle livraison s’élabore un
concept spécifique en relation avec
un artiste et son travail, et convoque
le partenariat avec divers lieux d’art
contemporain en région comme audelà. Analogues publie une revue
hebdomadaire, Semaine, et bimestrielle Semaines. Le numéro 11
la créativité des plus jeunes lors
d’une customisation d’un siège en
carton, à emporter en fin de séance.
Là c’est carrément l’invite à se
tanquer dans un coin pendant que
les mouflets bossent ! Que du
bonheur quoi !
CLAUDE LORIN
Ere de repos
Art et design en villégiature
au Château d’Avignon
du 27 juin au 31 octobre
04 90 97 58 60
www.cg13.fr
Pierre Labat, Affinity, 2007/contreplaqué, acrylique 306 x 300 x 1 cm/Exposition "The Re-conquest
of space", Overgaden, Copenhague
Themselves
Pierre Labat
du 5 juillet au 20 septembre
Analogues
maison d’édition pour l’art
contemporain
04 90 47 75 97
www.analogues.fr
consacre un article à Pierre Labat
qu’elle expose conjointement dans
ses locaux.
Entre sculpture et architecture,
peinture aussi rappelant les
Concetti Spaziali de Lucio Fontana
en particulier, les œuvres de Pierre
Labat interrogent les figurations de
l’espace et le rapport au spectateur.
S’il s’agit moins pour cet artiste de
construire un objet en volume que
de créer les conditions de
figurabilité d’éléments conçus dans
l’espace tridimensionnel.
C.L.
Art en Arles
Lieu d’exposition associatif, l’Atelier Archipel en Arles fait suite à
l’Atelier Archipel (lieu privé dans lequel il accueillait déjà les artistes
dont il appréciait le travail) que l’artiste plasticien Jean-Blaise Picheral avait créé à Dunkerque en 1995,
et animait jusqu’à son arrivée à
Arles en 2007. Où il retrouve par hasard Laura Jonneskindt, jeune
Jean-Blaise Pascal - installations
photographe rencontrée à Dunkerque, et l’idée d’un Atelier arlésien prend forme. Les deux artistes
se donnent une année pour faire
leurs preuves, avec, excusez du
peu, une exposition par mois, sauf
en janvier ! Autant dire que le projet
est mûrement réfléchi, tellement
bien d’ailleurs qu’ils ouvrent officiellement le 6 juillet la (grande)
porte de l’Atelier, dans le quartier
de la Roquette, deux jours avant le
lancement des Rencontres de la
photo… Le lieu sera d’ailleurs ouvert toute la nuit lors de la fameuse
Nuit de l’Année (le 11 juillet de 23h
à 3h), durant laquelle la déambulation est de rigueur. Quel meilleur
moyen de se faire connaître ?
Axé sur l’art contemporain, l’Archipel comblera un manque arlésien
en la matière, offrant un large panel
de techniques et d’approches (photographie, peinture sur vitres, collages, dentelle de Calais…) en
misant sur «des coups de cœur,
une envie de faire connaître des artistes différents… On attend aussi
des retours, des avis, que des regards se posent sur notre travail.»
Le 6 juillet ils seront au rendezvous avec la première exposition,
celle de leurs œuvres : Jean-Blaise
Picheral avec La pesanteur du vide
Laura Jonneskindt - photographies
s’interroge sur la notion d’espace et
d’effort à partir d’un travail sur les
filets de pêche et les «vides» des
mailles, un travail différent de celui
qu’il expose aux rencontres In Situ
0.3 à Gageron jusqu’au 30 juin.
Laura Jonneskindt présentera elle
des tirages issus de son travail K.O.,
une série illustrant un monde en
crise à partir de jouets d’enfants
trouvés dans un terrain vague. «On
veut avant tout partager et échanger…» L’invitation est lancée !
DOMINIQUE MARÇON
Atelier Archipel en Arles
8 rue des Douaniers
06 21 29 11 92
www.atelierarchipelenarles.com
50
CINÉMA
CINÉCOLE
Nuit blanche…
noire, noire à Cannes
Si «le cinéma est un regard qui se substitue au
nôtre pour nous donner un monde accordé à
nos désirs», on peut se demander ce que désiraient les quelque 250 profs et la centaine
d’élèves rassemblés les 25 et 26 mai dernier,
pour le traditionnel week-end de CINECOLE,
dans la salle du Miramar à Cannes !
En effet, les treize films qui leur ont
été présentés étaient sombres, très
sombres. Sans doute à l’image du
Festival de cette année. Malgré tout, ils
sont restés, ravis d’avoir été retenus et
plus de 150 ont passé la nuit entière à
regarder ces films, issus de la compétition officielle, d’un Certain Regard,
de la Semaine de la Critique, de La
Quinzaine de réalisateurs, tous choisis
par une équipe d’enseignants de
l’Académie de Nice.
Cinéma et école
Cinécole est une initiative de
l’Académie de Nice, de Cannes
Cinéma et de la Ville de Cannes ; une
programmation sur deux jours de plus
d’une douzaine de films. Une ouverture
sur l’actualité cinématographique internationale, proposée aux enseignants
et aux étudiants. 2008 était la vingtsixième édition. À partir de 2003, un
prix de L’Éducation Nationale a été
décerné chaque année par un jury
composé de professionnels du cinéma, d’enseignants et d’élèves.
En 2007, présidé par Bernadette
Lafont, le jury l’avait attribué au film
roumain Quatre mois, trois semaines et
deux jours de Cristian Mungiu, pour
son intérêt cinématographique et
pédagogique, ses qualités artistiques
et culturelles. Ce qui d’ailleurs avait
déplu à M. Darcos qui, dans un
premier temps, avait refusé que ce film
qui parle d’avortement soit proposé
aux enseignants avec son accompagnement pédagogique !
Cette année, c’est Tulpan de Sergey
Dvortsevoy qu’a récompensé le jury
présidé par Robin Rennuci. Un film
«qui porte un regard totalement neuf sur
le Kazakhstan, poétique et politique»
comme l’a précisé l’acteur et réalisateur corse, qui a ajouté qu’il ne fallait
pas se contenter de parler de l’art, qu’il
fallait le pratiquer. Des paroles très
applaudies par la salle au moment où
des menaces sérieuses pèsent sur l’art
à l’école.
Tulpan de Sergey Dvortsevoy
Noir, c’est noir !
«Cinécole, c’est comme si on montait
dans un train sans savoir où il va, s’il faut
aimer l’aventure, la découverte, les
sentiers qui ne sont pas battus et le
temps qui passe», déclarait André G.
enseignant à Marignane : les spectateurs qui ont accepté de monter dans
ce train durant 27 heures, n’ont eu que
très peu d’occasion de rire ou de rêver.
Ils ont pris de plein fouet la misère, le
chômage, la peur, la dislocation sociale
et surtout la violence. La violence des
rapports sociaux, la violence entre
les sexes, la violence entre jeunes,
la violence des jeunes avec les
vieux, la violence de la guerre et de
l’oppression.
Le marathon a commencé avec le
superbe Valse avec Bashir de l’Israélien
Ari Folman. S’il n’a, hélas, rien obtenu
au palmarès officiel, il a été le premier
coup de cœur du public de Cinécole.
Nul ne pourra oublier les premières
images du film, une meute de 26
chiens hurlants, dans les rues d’une
ville, le cauchemar récurrent de l’ami
d’Ari Folman, ni ce rivage où il se voit se
baigner nu avec deux amis prés d’une
ville embrasée, ni les images finales
qu’on vous laisse découvrir. Souvenirs
douloureux retrouvés de Sabra et
Chatila…
Les spectateurs de Cinécole ont aussi
particulièrement apprécié le film
d’Emily Atef, projeté le dimanche
matin, l’Etranger en moi, superbement
interprété par Suzanne Wolf (Semaine
de la Critique). Un film qui peut déranger puisqu’il aborde le thème peu
traité de l’amour maternel, un amour
que ne ressent pas Rebecca à la naissance de son petit garçon, pourtant
désiré, qu’elle «oublie» même, un jour,
à une station de tramway.
Troisième coup de cœur du public
pour le cinquième film de Kiyoshi
Kurosawa, Tokyo Sonata, (Un Certain
regard) qui rompt avec le fantastique
de ses films précédents. On est dans
le Tokyo contemporain, dans sa dure
réalité sociale : des cadres en costume
mangent à la soupe populaire pour
ne pas avouer à leur famille qu’ils ont
été licenciés. On assiste à la déchéance du père qu’interprète à la
perfection Tennyuki Kagawa ; aux
progrès stupéfiants de son fils, Kenzi,
Valse avec Bashir de Ari Folman
51
Ils causent ils causent,
les profs de Cinécole…
qui étudie le piano en cachette ; à la
fugue de la mère avec celui qui est
venu la cambrioler…
À ces trois films, certains ont préféré
Adoration d’Atom Egoyan où le jeune
Simon «recompose» son passé sur
Internet. Ou le premier long métrage
de la jeune Valeria Gaï Guermanika,
Ils mourront tous sauf moi, (Semaine
Internationale de la Critique) qui a
obtenu la mention spéciale Caméra
d’or. Un regard porté sur une adolescence rebelle, violente où la caméra
portée à l’épaule suit Katya, Vika et
Zhanna, trois collégiennes de la
banlieue de Moscou dans l’apprentissage de la vie. Dur, terrible…
Durant la nuit, les spectateurs auront
voyagé du Chili, avec Tony Manero de
Pablo Larrain, en Argentine avec Alba
qui récupère son fils de six ans qu’elle
ne connaît pas pour l’emmener à El
Bolson, «la vallée mythique de la
Patagonie argentine, la Mecque des
hippies dans les années 70, El Bolson
(le gros sac) qui enferme les illusions de
ceux qui plongent les chercher.»
Salamandra de Pablo Aguero nous
montre une Patagonie très sombre à
laquelle on ne s’attend pas.
Quant au premier film macédonien
sélectionné à Cannes, Je suis de Titov
Veles de Teona Mitevska, il met en
scène trois sœurs, dont la plus jeune,
Afrodita, ne parle pas. Son interprète,
la sœur de la réalisatrice porte le film
à travers ce personnage qui vit dans
ses rêves, que la dure réalité rattrape
et qui ose, un jour, détruire l’armoire
de la mère, dernière chose qui la relie
au passé.
Un grand regret, l’absence du film de
Laurent Cantet, Entre les murs, au
cœur de l’école… Mais la Palme d’Or
sera bientôt sur tous les écrans !
«Fais apparaître ce qui sans toi ne serait
peut- être jamais vu» disait Bresson.
Les participants à Cinécole auront vu à
travers des films, oscillant parfois entre
documentaire et fiction, un monde…
bien noir !
ANNIE GAVA
«Le cinéma est «une fenêtre ouverte sur le monde»
disait encore récemment Jeanne Moreau. Justement,
c’est bien du monde qu’il s’agit et de son écroulement dans la violence.
-Violence sociale où les dures lois du marché font
d’un cadre japonais un candidat à la soupe populaire
(Tokyo Sonata) ;
-Violence des rapports parents-enfants lorsque
l’autorité paternelle s’écroule ou lorsque certains
enfants tombent sous les coups des pères (Tokyo
sonata, Ils mourront tous sauf moi)
-Violence des rapports hommes-femmes : viols,
fellations et premiers rapports plus ou moins
consentis (Quatre nuits avec Anna, Je suis de Titov
Veles, Ils mourront tous sauf moi).
De corps en pièces, malmenés sous les coups et les
shoots, à bout de course, à plat ventre, la sélection de
cette cuvée 2008 n’en manque pas. Les corps
tombent, s’écroulent dans les immondices pour
mieux se relever (Tokyo Sonata), ou dans un coma
éthylique (Ils mouront tous... et Involontaire) ou par
overdose (Better things).
Et l’amour dans tout ça ? Difficile, voire impossible,
non partagé et obsessionnel comme dans le très
beau Quatre nuits avec Anna. Dans l’ensemble, peu
de «happy end» dans le cinéma mondial en 2008 !
Muriel Benisty, Professeur d’anglais au Lycée
Victor Hugo, Marseille
Je ne parlerai pas de la qualité des films que nous
avons vus durant les 15 projections, mais plutôt de la
fascinante facilité avec laquelle j’ai pu me plonger
dans les différents univers que nous avons parcourus.
Malgré le rythme effréné de la succession des films,
la balade fut aisée et, au-delà même, saisissante. Ce
que je retiendrai de l’expérience cannoise Cinécole :
au sortir des 26 heures de projection, lorsque je me
suis retrouvé chez moi, j’ai eu un instant le sentiment
de réinvestir mon corps. Je me suis alors rendu
compte à quel point j’avais été déconnecté de moi
et projeté dans un ailleurs. Cet oubli de soi au profit
des passions de l’autre (ou des autres) est ce qu’on
Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa
appelle catharsis en théâtre, je crois. J’en connaissais
le terme mais n’en avais jamais autant expérimenté
le bienfait. Ce jeu intellectuel auquel participe le
spectateur cinéphile est ici devenu une expérience
de vie. Je fus autre 26 heures durant. Tantôt Russe,
tantôt Macédonien, tantôt jeune fille, tantôt sosie,
tantôt assassin. Et de cette richesse nouvellement
composée, je suis revenu à moi, comme plus grand.
Cyril Carret, Professeur d’espagnol au Lycée
Thiers, Marseille
Ce qui fait l’intérêt et l’originalité de Cinécole, c’est
que le spectateur, contrairement à ses habitudes, ne
choisit pas les films qu’il va voir, il plonge dans l’inconnu, s’y expose. Le risque n’est pas vital, mais, sauf
dans les festivals, le spectateur en général mesure
en quelque sorte les risques qu’il prend ; la renommée, la publicité, les critiques, le bruit qui court
tracent la route qui conduit dans la salle obscure. À
Cinécole, aucune route n’est tracée, ce ne sont que
des découvertes, des surprises, des déceptions, des
plaisirs, des irritations, des étonnements, des
admirations. «Exquise contrainte» disait quelqu’un à
propos d’autre chose. C’est comme si l’on montait
dans un train sans savoir où il va, il faut aimer
l’aventure, la découverte, les voyages sans cartes,
guides, GPS, réservations, agences, les sentiers qui
ne sont pas battus et le temps qui passe.
André Gilles, Professeur de lettres classiques au
Collège Brassens, Marignane
Impression étrange, en regardant et en écoutant les
palmarès dimanche soir, de ne pas avoir participé au
même festival de Cannes. Pas une citation pour Valse
avec Bashir, que pourtant toutes les critiques annonçaient nominé, et qui aurait mérité qu’on en parle.
Mais c’est surtout le choix des films présentés à
Cinécole, qui m’a étonnée ! L’absence du film de
Laurent Cantet sur l’école que je n’ai pas vu et dont
je ne sais a priori s’il mérite cette palme, mais qui
aurait dû nous être présenté dans le cadre des films
nominables pour le prix de l’éducation !
Peu de «grands» films «coups de cœur ou coups de
poing» comme en 2007 ! Un instant, j’ai cru que nous
allions revivre la même excitation quand les lumières
se sont éteintes pour le premier film samedi matin, et
que sur l’écran une meute hurlante de chiens s’est
précipitée sur nous… J’ai aussi apprécié l’humour
tendre et surréaliste des films Eldorado et 4 nuits avec
Anna, mais beaucoup moins celui, pas tendre du tout,
de notre Ministre M. Darcos, quand il a annoncé la…
(non) suppression de poste d’enseignants de cinéma !!!
Arlette Assante, ex professeur du Lycée Victor
Hugo
52
CINÉMA
ALHAMBRA
La Quinzaine
des réalisateurs à l’Alhambra
Les Bureaux de Dieu de Claire Simon
Née de 68 !
Mai 68 fête son quarantième
anniversaire, la quinzaine aussi.
Normal ! puisqu’elle en est issue. Suite
aux États Généraux du cinéma qui se
tiennent du 17 mai au 5 juin 1968, la
SRF (Société de Réalisateurs de Films,
créée le 14 juin) propose la création
d’un «contre festival», destiné à
promouvoir le cinéma d’auteur en
montrant des films «gratuitement, sans
palmarès et sans censure».
La première édition comporte plus de
60 films dont ceux de Philippe Garrel
et d’Oshima. Tout au long de ces
quarante années, la Quinzaine
accueille les cinémas du tiers monde,
les nouvelles vagues venues de l’Est,
les indépendants américains, le
cinéma nuevo brésilien… Elle a révélé
entre autres Herzog, Loach, Jarmush,
Angelopoulos…
Dirigée aujourd’hui par Olivier Père,
programmateur à la Cinémathèque
Française et critique de cinéma, elle a
proposé cette année 22 films, issus
d’une vingtaine de pays.
À Marseille aussi !
Depuis 2005, la région PACA a décidé
de faire découvrir cette sélection,
synonyme de «découverte, surprise et
qualité» au public marseillais, tout
comme le font Paris, Rome et Milan. Et
c’est tout naturellement vers
l’Alhambra, «reconnu pour la qualité de
sa programmation art et essai et pour
ses actions pédagogiques et
éducatives» qu’elle s’est tournée. Ce
sont donc 13 films qui seront proposés
aux cinéphiles marseillais -et aux
autres-, choisis par l’équipe de
l’Alhambra, reflets de la diversité de
forme, d’origine et de ton.
Un film, deux films…
treize films !
Choisi donc, le film d’ouverture de la
Quinzaine, Quatre nuits avec Anna,
le retour au cinéma du polonais Jerzy
Skolimowski, une des figures de la
révolution cinématographique des
années 60 : «À ceux qui m’aiment, je
voudrais dire que je suis de retour, à
ceux qui ne m’aiment pas aussi
d’ailleurs» a dit à l’ouverture, le
réalisateur de Signes particulier : néant,
de Deep End entre autres. Son
nouveau film, tourné en Pologne, tout
en gris-bleu et brun, couleur de pluie,
est une histoire de regards surtout.
Son personnage principal, Léon, passe
son temps à observer Anna, sa voisine,
une jeune infirmière dont il a assisté au
viol… Il va pénétrer chez elle…
Le film du belge Bouli Lanners,
Eldorado, démarre avec une intrusion,
aussi, celle d’un jeune cambrioleur, un
peu paumé, chez Yvan, un vendeur de
vieilles voitures américaines.
«L’histoire part d’une situation que j’ai
vécue, raconte Bouli, un cambriolage
où mon voleur s’est caché et j’ai dû
parlementer avec lui pendant deux
heures pour le faire sortir parce qu’il
avait peur que j’appelle les flics.
Finalement, on a établi le contact ;
j’étais touché par ce qu’il était. (…)».
Yvan trouvant Elie, la nuit, planqué
dans sa maison, décide de le ramener
chez ses parents et ce voyage qui
aurait du être bouclé en une demijournée va devenir un road movie,
tendre et drôle, où tous les
personnages révèlent leurs failles, où
l’on trouve au bord d’une petite route
perdue, une chaise au nom… d’Alain
Delon !, («piquée sur le tournage
d’Astérix et Obelix» précise Bouli), où
l’on assiste à la toilette en caleçon,
avec leurs chaussures, des deux
protagonistes ; une scène d’une «belle
poésie», comme l’a voulu Bouli.
Avec Tony Manero, deuxième film de
Pablo Larrain, nous quittons la
Wallonie pour le Chili de 1979, sous la
dictature de Pinochet. Raùl Peralta,
obsédé par le personnage de La fièvre
du samedi soir, le film de John Badham,
veut gagner à tout prix le concours de
sosies dans une émission de télé. Ce
minable -très bien interprété par
Alfredo Castro- n’hésite pas à harceler
son entourage et même à tuer pour
être le meilleur Tony Manero ! On peut
penser que ce film est une métaphore
des rapports entre le Chili et les USA,
même s’il a tendance à s’enliser un
peu.
On pourra aussi découvrir Les Bureaux
de Dieu de Claire Simon, écrit après
une collecte d’entretiens au Planning
Familial, film interprété par Rachida
Brakni, Nathalie Baye, Isabelle Carré et
Quatre nuits avec Anna
Nicole Garcia ; ou Le Voyage aux
Pyrénées des frères Larrieu, ou
encore Blind Loves, un documentaire
slovaque sur l’amour entre aveugles…
Ainsi, c’est à un voyage entre la France,
la Belgique, la Pologne, l’Espagne, La
Russie, la Slovaquie le Chili, l’Argentine
et les États-Unis que vous êtes
conviés. Dans une sélection de 13
films retenus pour leur représentativité
de l’ensemble des tonalités de la
Quinzaine. Alors bon voyage, et bonne
découverte de l’état du monde !
ANNIE GAVA
La Quinzaine des réalisateurs
du 18 au 24 juin
Alhambra Cinémarseille
04 91 46 02 83
www.alhambracine.com
Alfredo Castro in «Tony Montero»
CINÉMA ISRAELIEN | FID
CINÉMA
53
FID or not FID ?
Films d’Israël
à Marseille
Du 2 au 7 juillet se tiendra
à Marseille le dix-neuvième Festival
International du Documentaire.
Gardera-t-il ce nom l’an prochain ?
Peut-être, peut-être pas !
Du 18 au 24 juin, Judaï Ciné organise
aux Variétés le 9e Regards sur le cinéma
Israëlien, une semaine de projections,
d’échanges et de rencontres avec des
réalisateurs invités, Roni et Shlomi
Elkabetz qu’on a vu avec plaisir dans La
Visite de la fanfare en 2007. Présents
aussi Shemi Zarhin qui a obtenu l’oscar
israélien du meilleur film pour Aviva mon
amour en 2006 et Ari Folman,
sélectionné à Cannes cette année pour
Valse avec Bachir (voir page 50).
Sont donc programmés une dizaine de
films dont Les sept jours de Roni et
Shlomi Elkabetz en compétition à la
Semaine de la Critique, film sur les
névroses et secrets familiaux.
En hommage à Shemi Zarhin, un film
inédit à Marseille, Aviva mon amour,
histoire d’une travailleuse prête à
réaliser son rêve, écrire, jusqu’à ce
que… Bonjour Monsieur Schlomi,
histoire d’un adolescent timide et
généreux que personne ne voit ni
n’entend…
Dans Noodle, de l’Israélienne Ayelet
Menahemi, un petit garçon d’origine
chinoise qui, bien que né en Israël parle
à peine quelques mots d’hébreu, est
laissé sous la garde de la patronne de
sa mère pendant une heure et sa vie
bascule quand il devient clair qu’on ne
reviendra jamais le chercher. Entrée
illégalement, la mère du petit «Noodle»,
qui faisait des ménages à Tel-Aviv pour
gagner sa vie, a en effet été renvoyée à
Pékin…
Car la tendance amorcée en 2007 se confirme :
fusionner, mettre en complicité documentaire et
fiction. «Ce n’est ni un amalgame, ni un fourre-tout,
précise Jean-Pierre Rehm, le Délégué Général ; c’est
une réponse vitale. La frontière entre les genres était
imposée par la télévision. Aujourd’hui, c’est caduc.
C’était plus idéologique que théorique, plus d’ennui que
de bonheur !»
Donc, 130 films au programme cette année, pour 116
en 2007 et sept lieux de projection.
Dix-neuf films, venant de dix-huit pays, dont douze en
première mondiale, sont en compétition internationale
dont le jury est présidé par le philosophe italien Toni
Negri.
Quatorze films en compétition française dont
certains réalisateurs sont des «habitués» du FID,
Olivier Derousseau, Pierre Creton. Henri-François
Imbert qui y avait été primé en 1999 pour Doulaye ou
la saison des pluies revient avec Le Temps des
amoureuses, l’histoire d’une rencontre entre un homme qui a joué dans Mes petites amoureuses de Jean
Eustache il y a trente ans, et un cinéaste, qui aime
énormément ce film.
Il y aura aussi un film soutenu par la région, d’Arusha
à Arusha de Christophe Gargot, et un court métrage
d’une réalisatrice de Marseille, Caroline Delaporte,
Pologne.
Souvenirs, voyages, sentiers
Comme chaque année, une rétrospective : Robert
Kramer avec la projection de Milestones, qu’il a réalisé
de 1972 à 1975, sorte d’état des lieux d’une communauté de militants dispersés sur le territoire américain.
En cette période anniversaire de 68, le FID a choisi
Milestones de Robert Kramer lors de laRétrospective de Robert Kramer
Flower in the poket de Liew Seng tat. Ecran parallèle Les Sentiers
d’éclairer un groupe éphémère, Zanzibar dont la figure
de proue était Philippe Garrel : Les films présentés
sous le label Zanzibar Productions ont été fomentés
autour de Mai 68. Avant prophétiquement, pendant
factuellement et après mélancoliquement.
Un regard sur l’Amérique sera proposé par Jean-Pierre
Gorin, fondateur avec Jean-Luc Godard du groupe
Dziga-Vertov, collectif militant qui affirmait la nécessité
de «réaliser politiquement des films politiques».
L’Europe n’est pas oubliée : un des «Écrans parallèles»
lui est consacré avec un accent mis sur les pays de
l’Est, en particulier sur un artiste lituanien, Deimantas
Narkevicius.
Ni l’Amérique latine ! Les Rencontres cinématographiques sud américaines nous proposent des films
chiliens, brésilien, vénézuélien et péruvien.
Pour la troisième année, un écran est proposé par
Fotokino, les Sentiers destiné plus particulièrement
aux enfants : témoignages, films d’artistes, essais,
fictions... des films rares voire inédits, d’ici et d’ailleurs,
de Pologne, de Finlande, des Pays-Bas, d’Iran… dont
Flowers in the pocket de Liew Sang Tat.
Et bien sûr, comme chaque année, des tables rondes,
des rencontres avec des réalisateurs, des séances
spéciales dont Crude Oil, un film de 14 heures du
chinois Wang Bing dont l’émouvant He Fengming,
Chronique d’une femme chinoise avait obtenu le prix
«Georges de Beauregard» l’an dernier.
Sans oublier les moments d’échanges et de convivialité.
Bon festival à tous !
ANNIE GAVA
Regards sur le cinéma Israëlien
du 18 au 24 juin
Variétés
http://judaicine.fr
04 91 37 40 57
ANNIE GAVA
FIDMarseille
04 95 04 44 90
www.fidmarseille.org
Aviva mon amour
54
LIVRES
LIBRAIRIE DES 3 MAGES | JEUDIS DU COMPTOIR
Pour tous les goûts
et de toutes les couleurs
À la Librairie des 3 Mages, ce ne sont ni l’or, ni l’encens,
ni la myrrhe que les Rois ont apportés, mais des albums, des livres, des CD,
pour tous les jeunes lecteurs, de 6 mois à… ans.
Lorsqu’il y a trois ans, l’ancien propriétaire a
vendu ce fief trentenaire dédié à la littérature de
jeunesse, on a eu peur un moment que l’endroit
ne change, ne perde son âme. Ouf, rien de tout
cela ne s’est produit. Didier de Régis, le nouveau
gérant de la librairie, a conservé l’esprit du
lieu. Des murs aux couleurs pimpantes, tapissés
d’affiches colorées, et partout des présentoirs, des
étagères, bourrés à craquer de volumes de toutes
dimensions. On vient y faire un tour à l’heure
du goûter, après la halte aux jeux d’enfants ou à
la sortie de l’école, de la crèche. Enfants et parents
prennent ici le temps de fouiner, de feuilleter, de
demander conseil. Les deux filles jumelles du
patron, Domitille et Sixtine, ne dédaignent pas
de s’installer après le collège dans ce havre propice
à l’évasion tranquille.
Rien ne prédisposait Didier de Régis au métier
de libraire : des études d’ingénieur, une carrière
de salarié dans la finance, on est assez loin des
livres de jeunesse ! C’est pourtant dans cette voie
nouvelle qu’il s’est lancé lorsqu’il est revenu à
Marseille, sa ville natale. Et sa ténacité semble
lui réussir ; après une adaptation difficile à un
environnement radicalement différent de
ceux qu’il avait côtoyés jusqu’alors, il se sent
aujourd’hui à l’aise dans le milieu. Il navigue
avec adresse dans les catalogues et les revues
spécialisées, collabore activement avec les écoles,
organise des événements. Un authentique
professionnel.
Zibeline : Pourquoi avoir choisi le secteur
jeunesse ?
Didier de Régis : Cela a été un concours de
circonstances ; au départ, j’étais plutôt intéressé
par la littérature générale ; et puis, au fil de mes
recherches, j’ai pensé que la librairie spécialisée
était un choix judicieux. C’est comme cela que
j’ai été amené à rencontrer mon prédécesseur et
à reprendre cette librairie en 2005. Me former
m’a demandé beaucoup de travail ; il faut du
temps pour acquérir la somme de connaissances
nécessaires à la maîtrise de ce secteur, pour explorer la presse professionnelle et s’en imprégner. Les
enseignants, avec lesquels je collabore souvent,
m’ont énormément guidé dans ma formation.
Grâce à eux, je perçois mieux la façon dont on
peut utiliser la littérature jeunesse dans l’apprentissage de la lecture et leur contact est pour moi
une source continuelle de connaissances… et
d’enrichissement personnel.
Vous participez actuellement à la Semaine
des Librairies sorcières , pouvez-vous nous
expliquer en quoi consiste cette opération ?
Cette opération a été initiée par l’Association
des Librairies Jeunesse qui, depuis 1981, a à
cœur de défendre la littérature jeunesse et
aussi la librairie indépendante. Cette association
regroupe 44 libraires qui ont choisi un titre,
un auteur, qu’ils présentent dans leurs librairies.
44 titres différents ont donc été sélectionnés pour
cette semaine de promotion, à l’issue de laquelle
seront décernés les Prix Sorcières 2008.
Quel album avez-vous privilégié, et pourquoi ?
J’ai choisi un album d’Hubert Benkemoun qui
s’intitule Moi ! J’aime bien cet ouvrage car, pour
moi, il reflète bien les discours de cours de récré
et l’imaginaire enfantin. Les enfants passent leur
temps à raconter : «Moi, mon papa, il fait ça»,
«Moi, j’ai vécu ci, je suis allé là», «Moi, quand je
serai grand, je ferai ça» ; bref, ils construisent avec
des mots tout un monde imaginaire auquel
finalement ils croient. Benkemoun traduit cette
réalité dans son album, pour en conclure que
tout cet imaginaire mis en branle par les mots,
on le retrouve dans la littérature jeunesse, qui
offre aux enfants à la fois le rêve et la projection nécessaire vers le futur. L’album propose
un condensé de tous les mythes littéraires de
l’enfance, des dinosaures aux petits hommes
verts en passant par les chevaliers et les sorcières.
Il s’adresse aux enfants à partir de 4 ans, mais on
peut l’apprécier à tout âge…
Le secteur jeunesse semble en pleine
expansion…
Oh oui ! Si je lisse sur l’année, je reçois en
moyenne 500 nouveautés par mois.
Qui sont vos clients ?
Essentiellement une clientèle d’habitués. Mon
prédécesseur avait une certaine renommée, que
j’essaie de faire perdurer (rires). Pour l’instant, ça va.
Donc, vous ne regrettez pas votre reconversion ?
Non, pas du tout. J’apprécie énormément
l’aspect contact de mon nouveau métier. Mais
s’occuper d’une librairie représente énormément
de travail. On est sur un marché qui a tendance
à se comprimer, notamment auprès des écoles
mais surtout des bibliothèques dont les budgets
subissent une baisse sensible. On travaille avec
des marges faibles, des trésoreries extrêmement
tendues. Avec le système des prix imposés, on
n’est pas maître de son chiffre d’affaires, qui
augmente peu, face à des charges qui explosent,
en particulier dans le domaine du transport.
Avec la crise des carburants, cela risque fort de
s’aggraver encore…
PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT
La sélection
de Didier de Régis
-Pour de jeunes lecteurs, le libraire des 3
Mages suggère la lecture de Ma culotte, d’Alan
Mets (École des Loisirs, 10,40 euros), ainsi que
les quatre tomes des aventures du petit éléphant
Pomelo, créé par deux Marseillais, Ramona
Badescu et Benjamin Chaud (Albin Michel
Jeunesse, 11,90 euros). Il nous a présenté
également un grand album aux doubles pages
fourmillantes de dessins, dans lesquelles il doit
faire bon se perdre : Au pays merveilleux de
l’intrépide Non-Non, de Magali Le Huche
(Tourbillon, 12,95 euros). Sans oublier Fleur de
Cendre, une splendide version de Cendrillon, à
l’esthétique japonisante, raffinée, poétique ; un
bijou ! (A. Combier et A. Romby ; Milan
Jeunesse, 12,50 euros).
-Didier de Régis a aussi des collections
«chouchou». Il nous fait écouter les airs slaves
des Comptines et Berceuses de Babouchka, son
titre favori dans la collection de coffrets livresCD (Didier Jeunesse, 23,50 euros). Dans les
documentaires, il recommande la collection
LIVRES
55
Le tonneau est mort,
vive le Bouchon
Fini les Danaïdes, Libraires à
Marseille a élu un nouveau lieu.
«Enfants d’ailleurs», et particulièrement le volume sur la Chine
(Ed. de La Martinière Jeunesse). Sa
préférence va toutefois à une collection de beaux livres, …raconté par
les peintres. Il montre celui que
Marie Bertherat et M-H Deleval
ont consacré à la Bible, et on est
séduit par la qualité des reproductions et leur choix judicieux.
(Bayard Jeunesse, 19,90 euros).
-Aux lecteurs adolescents, il
conseille les deux tomes des
aventures de Tobie Lolness, micro
habitant d’une micro société nichée
dans un tronc d’arbre, créé par
Timothée de Fombelle (Gallimard
Jeunesse, 16 euros).
-Ses deux filles de 12 ans
donnent elles aussi des conseils de
lecture. Domitille recommande
L’île qui rend fort, de Jean-Luc
Luciani (Rageot Poche) ; Sixtine a
adoré Verte de Marie Desplechin
(Neuf, de l’Ecole des Loisirs).
-À noter enfin, la rencontre fin
mai avec une nouvelle maison
d’édition marseillaise L’Initiale,
spécialisée dans des livres de philosophie à l’usage des plus jeunes.
Juliette Grégoire y a présenté son
premier titre, La grande couverture, qui évoque la naissance du
deuxième enfant et traite du problème de la jalousie.
Bref, beaucoup de choix dans cette
librairie jeunesse éclectique et
pleine de vie.
FRED ROBERT
À feuilleter également,
Citrouille, la revue trimestrielle
de l’Association des Librairies
Spécialisées Jeunesse.
C’est au Bouchon marseillais
qu’organisateurs et auteurs avaient
coutume de venir dîner après les
Jeudis du Comptoir ; c’est dans ce
resto tendance de la rue Thiers que
se tiendront désormais les rencontres littéraires mensuelles de
l’association.
Nouveau lieu, nouveau style : après
la grande brasserie animée, idéalement située sur une place très
passante, mais bruyante, un bar à
vins plus confidentiel, à la déco
sobre et néochic. Service détendu
mais
raffiné,
amuse-gueule
originalement présentés, salle
agréable et surtout superbe fond de
jardin, avec figuier et acacia en
prime, le nouvel espace ne manque
pas d’atouts. Il est réputé pour ses
apéros mix. Espérons que sa
notoriété grandira également grâce
aux jeudis littéraires.
À lieu nouveau, nouvelle formule.
Pour cette première «émission
radiophonique en public», selon les
termes du journaliste animateur
Pascal Jourdana, Marie-Dominique
Russis et Claude de Peretti ont
invité deux nouvelles venues sur la
scène de la fiction littéraire, Marie
Cosnay et Hélène Frappat. La
brune, Marie, arrive de Bayonne où
elle enseigne les lettres classiques et
anime des ateliers de traduction du
grec ancien. La blonde, Hélène,
vient de Paris ; philosophe de
formation, elle est journaliste,
critique de cinéma, auteure entre
autres d’un essai sur Jacques
Rivette, et traductrice de textes
américains. Toutes deux écrivent.
Des livres étranges, labyrinthiques,
qui interrogent plutôt qu’ils ne
relatent. Écritures du ressassement,
de la reprise, du leitmotiv. Marie
Cosnay le constate : «Il ne se passe
rien, en fait.» C’est que ce qui se
passe n’est pas, loin s’en faut,
À lire :
Marie Cosnay :
Déplacements et
André des ombres,
aux éditions
Laurence Teper.
Hélène Frappat :
Sous réserve et
Agent de liaison,
aux éditions Allia.
l’essentiel.
L’essentiel,
c’est
comment ça se passe, comment ça
affleure, comment ça se dit.
Comment ça raconte une histoire
qui n’a plus rien à voir avec
l’anecdote, et qui pourtant parle, et
fait ressurgir le plus profond. Alors,
lorsque le journaliste évoque leurs
récits fragmentaires, Hélène
Frappat s’étonne ; pour elle, il s’agit
au contraire d’exprimer une
continuité. Comme Marie Cosnay,
elle dit chercher la «grammaire
profonde, le liant.» De même, pour
les deux jeunes femmes, la question
du genre est secondaire ; et encore
moins intéressante celle de
l’autofiction. Seule compte la
langue, qu’en traductrices elles
maîtrisent parfaitement, et qu’en
amoureuses elles espionnent pour
la faire parler. Un débat
passionnant, agrémenté de lectures
par les écrivaines d’extraits de leurs
derniers textes. De quoi regretter
que le public n’ait visiblement pas
encore trouvé l’adresse de ce
nouveau rendez-vous littéraire.
Jeudi 19 juin, Anne-Marie Garat est
l’invitée du deuxième Jeudi du
Comptoir au Bouchon marseillais.
Souhaitons qu’une météo enfin
clémente permette cette fois-ci de
profiter du jardin ! Littérature rime
avec verdure, non ?
FRED ROBERT
Voir les chroniques sur
André des ombres
et l’Agent de liaison en pages Livres.
Renseignements sur
www.lebouchonmarseillais.com
56
LIVRES
RENCONTRES
Le pape, le roi et le grand moutardier,
overconférence
Pour son neuvième et dernier
rendez-vous de la saison, last but
not least, le département Art et
Littérature de la BMVR a accueilli,
en partenariat avec les éditions
de l’Ecailler et l’association L’écrit
du Sud, trois éminents spécialistes
d’overlittérature, Henri-Frédéric
Blanc (le pape), Gilles Ascaride (le
roi) et André Not (le grand
moutardier)
© Juliette Lück
La rencontre était animée par Serge Scotto, leur
ami et complice en overlittérature. Autant le dire
d’emblée, on s’est bien amusé et le temps a filé
overvite. Car ces messieurs ont la langue aussi
vive et bien pendue à l’oral qu’à l’écrit et, sous la
direction de Scotto, ils ont donné le meilleur
d’eux-mêmes.
D’abord, qu’est-ce que l’overlittérature ? «Over»,
c’est la démesure, l’excès. Ce préfixe évoque aussi
le «game over» bien connu de ces joueurs de
flipper repentis, qui, bien que leur prose
anticonformiste résiste aux définitions, en ont
élaboré une de leur mouvement : «littérature
marseillaise mondiale qui cultive l’impertinence, le
mauvais goût assumé, voire une forme d’obscénité».
L’overlittérature se veut littérature d’idées et
d’humour, «satiridéconnante», selon Gilles
Ascaride. Et littérature urbaine, aux deux sens du
terme : polie (dans son impolitesse), et citadine.
Ancrée à Marseille, dont elle entend refléter la
liberté de ton et la vitalité linguistique, mais
surtout pas ethnique ni régionaliste. Et éditée par
l’Écailler, dans une collection vert vif et noir, qui
publie «l’impubliable bon» et lui permet d’exister.
Les trois overconférenciers ont régalé le public
de leurs formules-chocs, de leur rage aussi, qui
les pousse à se révolter contre un système qui
formate les genres, les mots, et surtout la pensée.
L’Écailler sort en Boîte…
Les rencontres de l’Écailler, ce sont aussi celles
qu’organise le libraire Jacques Aubergy. Dans sa
petite librairie, on serait serrés comme des
anchois ; alors il a eu la bonne idée de réunir les
amateurs de polar à La Boîte à Sardine, une
poissonnerie-bar à huîtres située au bas du
boulevard de la Libération. La formule,
mensuelle et rôdée tout l’hiver, est séduisante :
d’abord, on se délecte l’intellect d’une courte
conférence, généralement suivie d’un débat pas
trop long non plus ; ensuite, on poursuit la
conversation de manière informelle en dégustant
un apéro. Mercredi 11 juin, on n’a pas dédaigné
le verre de vin qui venait arroser l’exquise
anchoïade maison. Le petit blanc de la côte
varoise après le petit bleu de la côte ouest.
Car il s’agissait ce soir-là de rendre hommage à
un GRAND de ce qu’il est convenu d’appeler le
néopolar : Jean-Patrick Manchette, dont le
Journal vient de paraître aux éditions Gallimard.
Le rôle de conférencier est échu au traducteur et
amateur Emmanuel Pailler, qui s’est brillamment
acquitté de sa tâche. Il a rappelé, extraits lus et
commentés à l’appui, la rigueur stylistique, le
sens du décalage et de l’humour à froid qui
faisaient la marque de ce graphomane désabusé,
amer, mais jamais désespéré, et qui le rendent
aujourd’hui, plus de 20 ans après sa mort,
tellement actuel. Jacques Aubergy a résumé avec
talent et enthousiasme certains de ses titres
préférés ; Gilles Del Pappas, présent dans le
public, est intervenu également pour rappeler le
caractère engagé et très libertaire de l’écrivain.
Grâce à eux, Manchette était là. Alors merci à la
librairie de l’Ecailler et rendez-vous à la rentrée
prochaine, avec la même exigence de qualité,
littéraire et gourmande.
Car ils luttent, les bougres, et refusent de se
soumettre. Aux contraintes commerciales, aux
dérives d’une ville haïe autant qu’aimée, à une
politique élitiste de l’éducation… L’over alors fait
tilt. Et les extraits lus, overexpressifs, permettent
de mesurer, au-delà de la galéjade, la force
subversive et poétique de cette voie littéraire
atypique. À découvrir d’urgence par les temps
qui courent.
FRED ROBERT
Quelques titres
dans la collection
«overlittérature»
H-F. Blanc : Discours sur
l’universalité de l’esprit
marseillais ; L’art d’aimer
à Marseille ; Mise au ban.
G. Ascaride : Attention
centre-ville; Le sultan est dans
l’escalier.
A. Not : Chroniques d’un
gardien de phares.
Il est à noter que Blanc
et Ascaride ont aussi beaucoup
publié chez d’autres éditeurs.
F.R.
© Juliette Lück
Afin de mieux connaître
J-P. Manchette, on peut
dévorer tous ses Romans noirs,
dans la collection «Quarto» de
Gallimard. Si on préfère le lire
à doses plus homéopathiques,
ses polars sont édités en Folio
policier, L’Affaire N’Gustro,
Fatale et Le Petit Bleu de la côte
ouest, par exemple.
ENTRETIEN
LIVRES
57
Enfant de mai
Jérôme Harlay, né en mai 68 à Marseille, publie aujourd’hui chez
Belfond son premier roman, Le sel de la guerre. Cet ancien de la FEMIS,
dont il est sorti avec un diplôme d’ingénieur du son, continue de
collaborer à de nombreux films pour le cinéma et la télévision. L’écriture
semble cependant l’occuper de plus en plus.
Zibeline : Qu’est-ce qui vous a poussé vers
l’écriture ?
Jérôme Harlay : J’ai toujours eu une relation avec
l’écriture. Il faut dire que j’ai été élève à l’école
Freinet. Au centre de cette pédagogie, il y a le
journal : chaque élève en tient un ; c’est une
écriture libre, sans évaluation d’aucune sorte, qui
stimule la créativité. Ensuite, j’ai gardé une
pratique régulière de l’écrit, pour moi, pour le
journal du lycée… puis j’ai collaboré à des
scénarios. J’ai longtemps écrit sans projet
d’édition.
Comment est né Le sel de la guerre ?
J’ai commencé à l’écrire comme ça ; c’était juste
une ébauche. La difficulté d’un livre, en tout cas
du premier, c’est de savoir si on va tenir le projet
jusqu’au bout ; j’en ai été convaincu tardivement,
après en avoir rédigé une bonne partie et l’avoir
fait lire. C’est à ce moment-là seulement que j’ai
pensé que ça valait la peine de contacter un
éditeur.
Vous avez contacté Belfond tout de suite ?
Non. J’ai procédé de façon classique, et naïve ;
j’ai envoyé mon manuscrit aux grands éditeurs
français, en ciblant particulièrement les maisons
qui publient des polars. Échec complet. Alors je
me suis adressé à un agent, Pierre Astier, qui a un
statut très particulier car c’est un ancien éditeur.
Il connaît bien le milieu. Il savait à qui il fallait
adresser le texte pour avoir une chance d’être
publié. Trois ou quatre maisons ont répondu
positivement et c’est Belfond qu’on a choisi.
Je ne le regrette pas car je trouve qu’ils suivent
Jérôme Harlay © X-D.R
avec beaucoup de sérieux leurs auteurs ; je les
ai rencontrés souvent, pour des échanges
constructifs.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire un roman
policier ?
Sans doute par conformisme au goût de
l’époque (rires) ; mais aussi en souvenir de très
bons moments de lecture, d’auteurs américains
surtout. James Ellroy bien sûr, mais également
Donald Westlake, Dennis Lehane. Je ne lis pas
énormément de littérature policière. Mais j’ai un
ami, Xavier-Marie Bonnot, qui a écrit quatre
policiers, dont le prochain sera publié par
Belfond lui aussi. J’ai lu tous ses manuscrits, il a
lu le mien, on a souvent parlé de ce qu’on faisait ;
c’est sans doute parti de là. Mais mon roman, en
dépit de son sous-titre, n’est pas un vrai polar. Je
n’ai pas donné la place centrale à l’enquête ni au
flic dans mon histoire ; je ne voulais pas suivre les
conventions du genre, que je trouve réductrices
et ennuyeuses. Ce qui m’intéresse dans le polar,
c’est une ambiance ; c’est cela que j’ai privilégié.
Est-ce pour cela que vous situez une grande
partie de l’intrigue en Camargue ?
La Camargue est une image vivante et forte de
mon enfance. Et, dans cette histoire, j’avais
besoin de la Camargue comme univers opposé à
celui de Marseille. Des lectures m’ont sans doute
aussi inspiré : Le désert des Tartares, Le rivage des
Syrtes et En attendant les barbares de Coetzee. Je
voulais montrer ces deux espaces en contrepoint
l’un de l’autre : la ville grouillante, directement
confrontée à la guerre, et cette espèce de désert
aux confins d’un empire en décomposition.
Pourquoi avoir choisi cette époque, 1944 ?
L’histoire de la police à cette période-là me
semble très riche. Ce service de l’état était à cette
époque en pleine schizophrénie et il m’a paru
intéressant de l’évoquer dans le roman. Et puis,
je n’avais pas envie d’utiliser une fois de plus la
pègre marseillaise. J’ai peu de goût pour le
folklore marseillais en général, et pour celui du
milieu en particulier.
Avez-vous déjà d’autres projets littéraires ?
Oui, un projet de roman qui ne sera pas policier.
Il se situera à l’époque contemporaine, à
Marseille, et il n’est pas exclu qu’il nous emmène
jusqu’en Russie… Mais vous n’en saurez pas
davantage !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FRED ROBERT
Contre vents
et marais
Les éléments se déchaînent dans ce roman et dès
le début, la neige s’abat en tempête sur AiguesMortes. En cet hiver 1944, c’est la débâcle. Dans
ce climat d’«agonie générale», l’inspecteur Simian
mène l’enquête sur le meurtre d’une jeune
prostituée dont on a retrouvé le cadavre enfoui
sous une camelle de sel, à Salin-de-Giraud.
Tout semble accuser Louis, un adolescent
étrangement mutique, que sa mère, bizarre
elle aussi, surprotège maladroitement. Trop
évident pour être vrai. Mais difficile de démêler
la vérité dans l’entrelacs des silences, des secrets,
des mensonges. Entre l’univers camarguais,
sauvage, violent, et Marseille où l’Occupation
vit ses derniers moments et où les comptes
commencent à se régler au sein des services
de la police et dans certaines familles, Simian va,
vient, s’acharne, longtemps en vain. D’autant
qu’affleurent une autre époque, d’autres crimes
plus anciens, qu’un justicier solitaire est venu
venger sur ces terres désolées.
Il y a du western dans ce roman, de l’histoire
aussi. Et surtout une atmosphère, un climat, que
le style ciselé et poétique de Jérôme Harlay rend
palpables. On sent qu’il connaît bien la région
qu’il évoque, qu’il l’aime. Au point parfois de
donner l’impression que le personnage principal
de l’histoire, c’est la nature rebelle de la Crau
et des marais de Camargue. Au fil de l’intrigue,
on assiste d’ailleurs à une véritable hécatombe.
Comme si les humains n’étaient que les fragiles
figurines du grand jeu de massacre organisé en
ces périodes troubles. Troubles et saumâtres
comme les eaux de la lagune.
F.R.
Le sel de la guerre
Jérôme Harlay
éditions Belfond,
21 euros
58
LIVRES
SALON | FOTOKINO
Femmes libres ?
Le 7 juin se clôturait Lire ensemble, manifestation organisée par l’Agglopole
Provence et qui se déroulait sur les 17 communes de la communauté
d’agglomération Salon - Étang-de-Berre- Durance
Le Château de l’Empéri, à Salon, accueillait la journée
de clôture. Dans ses cours et ses allées, auteurs, lecteurs,
spectateurs, acteurs, conteurs et artistes en tous genres
se croisaient, discutaient, et luttaient contre le vent en
buvant un thé au soleil. Femmes en Méditerranée,
annonçait cette édition. Cet après-midi-là, deux tables
rondes abordaient l’état des littératures féminines en
Méditerranée aujourd’hui et le désir, le plaisir et
l’amour en Méditerranée.
Pour la première , autour de la modératrice Catherine
Mézan, des femmes auteures (Karima Berger, Fatima
Besnaci Lancou, Dominique Sigaud), éditrice (Behja
Traversac), et une comédienne qui lira quelques
extraits de leurs écrits. Elles poseront la question des
libertés, de «la liberté magnifique» que peut procurer
l’écriture, le simple fait de montrer qu’«une arabe
sait et peut écrire» ; de la nécessité pour Behja Traversac
de créer «un pont poétique entre l’Algérie et la France»
avec les éditions Chèvre Feuille étoilé ; de «l’immémorialité de l’absence, intériorisée jusqu’à devenir
normalité» ; d’une parole, et notamment dans les
familles harkis, qui a du mal à sortir quand la principale
préoccupation dans les camps est de survivre à sa
situation matérielle, au rejet de la population… Alors
l’écriture libère, devient témoignage, exutoire de
violences, de haine, d’exil, une possibilité de s’exprimer
qui n’a pas de prix. Les femmes du livre sont des
femmes libres, une fois la parole entendue.
villes méditerranéennes au travers
d’écrits féminins pose souvent la
question de la domination masculine sur une liberté sexuelle qui
ne serait qu’espérance. Comment
instaurer une égalité homme/
femme, aller à l’encontre de l’islamisation forcenée de ces sociétés
qui -est-ce paradoxal ?- offrent dans
le même temps des espaces de
liberté sexuelle de plus en plus
important ? Retour, encore et
toujours, sur la question de la
liberté sexuelle, indissociable de
toutes les autres libertés, sur la place
à laisser à l’amour qui, lorsqu’il n’en
a pas, «coupe un individu en deux,
empêche sa créativité». Entre combat
© D.M
féministe, politique, et révolution
sociale qui pourraient faire voler en
éclat une tradition aliénante, la religion pose la domination masculine comme légitime. La seule liberté alors
serait-elle de «rêver le paradis» ?
Présent lors du débat, le plasticien Rachid Koraïchi
l’était aussi dans cette salle des gardes du château avec
une exposition des originaux qui illustrent un recueil
de poèmes adaptés par Mohamed Kacimi (éd. Thierry
Magnier). Superbe travail de calligraphe, même s’il s’en
défend, voulant donner à voir plus qu’à lire, Bouqala,
chant des femmes d’Alger montre ce jeu traditionnel de
divination créé à l’origine par les femmes d’Alger.
Chacune des femmes devait déposer un bijou dans un
récipient en terre, et après la lecture par l’officiante du
poème, une jeune fille prenait au hasard l’un des
bijoux, sa propriétaire s’efforçant alors d’interpréter le
présage de bon ou mauvais augure.
L’amandier fleurit au printemps
La lune découvre sa lumière
Les joues rougissent de pudeur
Devant l’amant qui se trahit.
DOMINIQUE MARÇON
Usages amoureux en Méditerranée
La deuxième table ronde, qui réunissait Minna Sif,
Wassyla Tamzali, Mohamed Kacimi et Rachid
Koraïchi, fut moins légère que son intitulé ne le laissait
présager. Car parler d’usages amoureux dans les grandes
Lire ensemble s’est déroulé
sur le territoire d’Agglopole
Provence du 23 mai au 7 juin
Humanité
L’association Fotokino, qui propose
chaque année des ciné-contes lors
de sa manifestation Laterna
Magica, les prolonge durant
l’année en collaboration avec le
théâtre du conte La Baleine qui dit
«Vagues». Le 20 juin, le chefd’œuvre du réalisateur italien
Vittorio de Sica, Miracle à Milan
(Palme d’or à Cannes en 1951),
sera projeté de façon particulière,
dans un spectacle qui mêle cinéma
et spectacle vivant à la façon des
représentations des Lanternes
magiques. Le conteur Laurent
Daycard ouvrira la séance par des
contes qui introduiront le film.
Fable allégorique qui oppose les
riches et les pauvres, Miracle à
Milan est à mi-chemin entre le
néo-réalisme et la fable fantastique
: Toto, naïf et innocent garçon né
dans un chou, se retrouve à
l’orphelinat à la mort de la vieille
Lolotta –aux pouvoirs magiquesqui l’a élevé. Adulte il ira vivre dans
un bidonville avec ses compagnons
d’infortune,
jusqu’à
la
confrontation avec de méchants
riches soudainement intéressés par
le terrain qu’ils occupent qui se
trouve être rempli de pétrole…
C’est une colombe magique,
envoyée des cieux par Lolotta, qui
permettra aux bons de triompher,
et à de Sica de délivrer son message
humaniste…
D.M.
Miracle à Milan sera projeté le 20 juin
à 21h à La Baleine qui dit «Vagues»
04 91 48 95 60
www.labaleinequiditvagues.org
Miracle à Milan
MARTIGUES
LIVRES
59
Bâtir l’utopie
La cinquième édition
de l’Odyssée des lecteurs
s’est déroulée avec plus
de succès encore
que les précédentes
Il n’était pas facile d’accéder à la
Halle durant ces cinq jours, entre
les groupes scolaires, les familles
écartelées par leurs désirs divers, et
les stands, abondants, qui occupaient l’espace. On passait d’un
bout de conférence à une conver-
sation surprise, un dialogue impromptu, et du monde du conte à
celui de l’illustration. Le livre y était
exposé en objet de désir, et même si
l’espace de lecture n’y était pas
ménagé, les ateliers nombreux empêchaient un rapport passif et
intimidé à l’écrit. Les mots s’y construisaient, s’y chuchotaient, s’y
dessinaient, s’y échangeaient, s’y
écrivaient, s’y traduisaient… ce qui
est plus précieux encore que de les
lire !
Trois événements furent particuOdyssée des lecteurs le 22 mai © X-D.R
lièrement remarquables : tous les
moments où le conte envahissait de
ses fictions l’espace du réel, transformant la foire en scène ; le Souk de
la parole, qui s’est construit puis
visité au dehors (voir page 26) et les
deux soirées imaginées par Riccardo
Montserrat.
Le projet de l’Amour Fou est singulier, généreux, important : il
s’agissait de faire écrire la ville, son
histoire, son éclatement, ses utopies
et sa réalité sociale, culturelle… par
ceux-là même qui la vivent.
Riccardo Montserrat a recueilli
pendant plus d’un an les paroles de
ceux qui habitent les divers
quartiers de la ville. Depuis le plus
tranquille, Carro, jusqu’aux immigrés récents qui survivent dans le
foyer d’accueil temporaire de la
colline, et ceux plus anciens de
Paradis Saint Roch. En passant par
les employés et ouvriers de Lavera.
Chacun a écrit sa fiction, comédie
musicale, nouvelle, drame, récits
autobiographiques… Montserrat, à
partir de ces textes, a écrit sa propre
utopie, en se servant aussi de celle
de Ziem, l’impressionniste qui ne
répugnait pas à peindre la misère
(quoi de plus halluciné que les
soleils couchants de l’industrie chimique) et de celle de Paul Lombard,
Odyssée des lecteurs le 23 mai © X-D.R
qui a voulu bâtir une ville heureuse,
une anti-Sarcelle, industrielle mais
heureuse…
Et c’est Michel André (voir
Zibeline 4) qui a, en trois semaines,
mis en scène tous ces espaces de
paroles, ces utopies confrontées au
réel, et aux fictions engendrées par
les histoires mouvementées des
populations migrantes. Preuve
qu’un théâtre qui s’inscrit dans la
ville est possible, lorsque la ville veut
être une Cité…
A.F et F.R.
L’Odyssée des Lecteurs
s’est déroulée du 22 au 25 mai
à Martigues
Polyphonie martégale
Ils étaient heureux, les gens de
Martigues, et la grande salle du
Théâtre des Salins était pleine à
craquer. Un public inhabituel, pas
très sage, quelque peu chahuteur.
Ma voisine était venue applaudir
son fils joueur de doukdouk ;
d’autres étaient là pour entendre
leurs mots repris, amplifiés par la
scène, pour voir ce qu’on avait fait
de leur vie, de leur parole ; et ils ne
se privaient ni de commentaires, ni
de rires, ni d’applaudissements. Le
spectacle était aussi dans la salle
pour ces deux représentations de
L’Amour fou.
Les textes sont condensés en une
heure et demie de spectacle. Une
heure trente d’épopée modeste des
gens d’ici. Michel André, dont on
connaît le goût pour les écritures du
réel, a accepté le défi de monter, en
un temps record, cette mosaïque,
de lui donner une unité, un tempo,
un cadre dramatique. Il y a plutôt
bien réussi.
Le spectacle débute dans l’ombre
tutélaire de l’enfant célèbre du
pays : Félix Ziem, par la voix de
Michel Crespin, redit son amour
fou de Martigues, «mine entière de
richesses superbes». Ce préambule
donne le ton. C’est bien de passion,
et d’utopie, et de beauté, et de
bonheur qu’il sera question. En
dépit des pollutions, de la précarité,
des violences de la vie.
Sur le plateau, des plates-bandes
plantées de gerberas rouge vif
symbolisent l’énergie martégale et
le rêve d’un petit coin de paradis.
Deux acteurs professionnels, Josette
Lanlois et Théo Trifard, ont accepté
l’aventure. En moins de trois semaines, ils ont appris les textes et
sur scène, ils incarnent tour à tour
une dizaine de personnages, dont
ils transmettent la parole, les
aspirations. Avec une grande justesse. On écoute avec émotion le
réfugié kurde, émerveillé d’être
arrivé dans un pays sans guerre, les
désillusions de Tania, la jeune
Tchétchène… Grâce à eux, toute la
ville est là, dans sa diversité, sur le
plateau du grand théâtre. Et avec
eux, un chœur d’habitants, des
musiciens (bravo à l’accordéoniste
et aux guitaristes !), une danseuse
orientale, une chorale, un trio époustouflant de danseurs de hip-hop.
Les images de la réalisatrice
Florence Lloret, magnifiques, soulignent et transcendent l’ancrage
dans le réel. Toutes les formes
d’expression artistique s’interpellent
ici pour donner raison à Ziem, et
aux urbanistes qui rêvaient d’une
Martigues radieuse. Pour faire de
l’Amour fou un vrai beau spectacle
populaire. Et pour rappeler la
vocation première, politique, du
théâtre : un lieu où résonne le
chœur de la Cité.
F.R.
L’amour fou a été créé
au Théâtre des Salins de Martigues,
les 23 et 24 mai dans le cadre
de L’Odyssée des lecteurs
Riccardo Montserrat © X-D.R
60
LIVRES
MANIFESTATIONS
Les transports de l’esprit et des sens
le toucher, l’odorat, l’ouïe. Des
correspondances tout à fait baudelairiennes s’établissent. Chacun est
conduit à redéfinir sa perception du
monde, chaque sens reprend sa
place, et la vue, privilégiée lorsqu’il
s’agit de musée, n’est plus qu’un
sens au même titre que les autres.
À la Cité du Livre
Il était une fois la Provence © X-D.R
Une expérience
de synesthésie
Artesens offre depuis quelques
années une série d’expositions itinérantes destinées à tous les publics.
Le nom de cette association livre
l’essence même de sa démarche :
associer les sens pour une découverte originale de la culture. Ainsi, il
est vraiment possible d’affirmer que
les diverses manifestations mises en
place sont destinées à tous les
publics. En effet, tous les sens sont
sollicités, la vue bien sûr, mais aussi
L’exposition Les ailes du serpent
s’inspire du bestiaire fantastique des
chapiteaux de l’art roman. Nous
pouvons découvrir, les yeux fermés,
les formes de la tarasque, de la
licorne, de la chimère dont nous
redécouvrons les légendes, par de
petits textes bilingues, en braille et
en écriture pour voyants. C’est aussi
le sphinx, la sirène, le basilic, le
griffon, dans un espace organisé en
scriptorium médiéval. La visite
s’achève sur un arbre à parfums,
qui permet d’explorer les essences
du Moyen Age. Fermez les yeux,
la myrrhe et l’encens capiteux
vous transportent dans le temps…
Saurez-vous alors répondre à
l’énigme posée au début du parcours ? Pourquoi le serpent a-t-il des
ailes ? La réponse est dissimulée
sous un des panneaux. N’attendez
pas de réponse de Zibeline ! Allez à
la Cité du livre d’Aix-en-Provence,
et mettez vos sens en éveil !
Et ailleurs…
D’autres expositions tournent,
comme la plus récente, Il était une
fois la Provence qui raconte à
travers une légende dorée l’histoire
de la Provence de l’antiquité au
XVIIIe siècle. Un mini champ de
fouilles tactile donne l’impression
d’être un archéologue en herbe, et
rappelle les différentes occupations
de la région, depuis la préhistoire,
en passant par les Grecs, les CeltoLigures et les Romains. Douze
castelets permettent de découvrir
douze personnages phares, comme
Marie-Madeleine, le roi René, la
Reine Jeanne, Mirabeau… On
ouvre un rideau de théâtre, on
prend les écouteurs, et on se laisse
guider, les castelets livrent alors leurs
secrets, on regarde, on écoute, on
touche, on hume… Chaque
castelet est une petite œuvre d’art,
façonnée, peinte, cousue, à la main,
par des artistes de la région. Les
noms s’effacent, se refusant de faire
écran, modestie d’artistes qui se
considèrent plutôt comme artisans
au service d’un sens et des sens.
Vous pouvez profiter de ces expositions dans les nombreux lieux
culturels de la région. Sont aussi
abordés les thèmes de la sculpture,
de l’arbre, de l’olivier, du peintre
Cézanne…
Car Artesens est une association
(trop ?) discrète qui fournit un
travail exemplaire de finesse et
d’honnêteté intellectuelle. À découvrir absolument !
Les ailes du Serpent
jusqu’au 21 juin
Cité du Livre, Aix
Il était une fois la provence
jusqu’au 23 juin
Office du Tourisme de Vitrolles
du 26 sept au 31 décembre
à Fuveau, Bouc Bel air, Simiane,
Aix en Provence
04 42 27 05 94
www.artesens.org
Rebotier l’imprévisible
Jacques Rebotier n’est jamais tout à fait où on l’attend
car ses talents sont multiples : il est poète, écrivain,
compositeur, metteur en scène, comédien. Il était invité
dans le cadre de l’opération «processus de création»
initiée par le Théâtre du Petit Matin autour des écritures
contemporaines. Il se présente comme un «hétérodidacte» qui a appris le piano et la musique au
Conservatoire, a été chef de chœur, est venu au théâtre
par hasard sur l’impulsion de Joël Jouanneau et a écrit
des pièces publiées aux Solitaires Intempestifs. Il avoue
ne pas avoir su choisir entre la musique et les mots, ce
qui l’a amené à pratiquer une poésie sonore et des
lectures-concerts.
Après avoir écouté un moment les lectures proposées
par Maude Buinoud, Céline Greleau et Pascal Rozand,
il est intervenu avec des exclamations, des paroles
presque chantées, des mots saisis dans la rue ou à travers
la cloison du voisin : «Tu ne m’aimes plus, tu ne me
regardes plus...». Il entame le long monologue de celui
qui écoute un homme qui parle et qui n’est autre que
lui-même qui se parle dans sa tête. Ses textes sont
parsemés de bruits incongrus, d’onomatopées, de
bizarreries réjouissantes : on s’amuse beaucoup, notamment lorsqu’il imite la boîte à Meuh !, celle qui
reproduit le cri de la vache et qu’il utilise dans ses
Jacques Rebotier © X-D.R
compositions, ou lorsqu’il joue sur
les signifiants et qu’on ne sait plus à
quel mot se vouer !
Bref, Rebotier a mis le sens dessusdessous, avec la complicité de
Nicole Yanni qui renouvellera ces
soirées à la rentrée.
CHRIS BOURGUE
L’accueil-échange avec Rebotier
a eu lieu au Petit Matin
le 9 juin.
Lecture poétique
plage des légionnaires à Malmousque
le 23 juin à 19 h 30
04 91 48 98 59
http://theatredupetitmatin.free.fr
61
Pour vibrer
Des voix vont s’élever au milieu
d’un concert de bruit et de
propositions plus ou moins
heureuses le jour de la fête de la
musique : sur une proposition de
l’association Peuple et Culture
Marseille, et avec la participation de
son président Pierre Guéry, luimême slameur, performeur, poète,
écrivain…, La Compagnie accueille
le poète performeur Sébastien
Lespinasse pour une soirée poésie
sonore Pneuma-Récital, avec
l’intention affirmée de placer cette
discipline dans le champ de la
musicalité contemporaine. Dans
un espace redécouvert par la mise
en vibration de l’écriture, le souffle
projeté, les mots se cognent et
résonnent, prennent corps et
«parfois les mots me gonflent parfois
les mots nous crèvent parfois les mots
é c l a t e n t». Alors si l’envie vous
prend de vous laisser percuter…
D.M.
Pneuma-Récital
le 21 juin
La Compagnie
04 91 90 04 26
www.la-compagnie.org
Pierre Guéry © X-D.R
Au Programme
Aix-en-Provence
Le Puy-Sainte-Réparade
Cité du livre – 04 42 91 98 88
L’Enseignement de l’estime : conférence organisée en
partenariat avec l’association des Amis de Jules Isaac avec
l’historienne Paule Marx et Paul Thibaud,
président de l’Amitié judéo-chrétienne.
Le 19 juin à 18h.
Bibliothèque du centre culturel – 04 42 61 82 36
Festival de poésie Rêves Pensées : Organisée par l’association
La Trévaresse, la 7e édition de cette manifestation
est entièrement dédiée à la poésie. Slam, ateliers
de musique, lectures… Du 30 juin au 1er juillet.
Institut d’études politiques – 04 42 17 01 60
6e Nuit de la Philosophie : cette manifestation, co-organisée
avec le Centre Darius Milhaud, aura pour thème le
pardon, à partir des écrits et réflexions de Vladimir
Jankélévitch. Tables rondes avec Joëlle Hansel, Roger PolDroit, Françoise Schwab, le Père Luc-Thomas Somme et
les modératrices Monique Atlan et Paule-Henriette Lévy.
Le 19 juin dès 19h.
Librairie le Poivre d’Âne – 04 92 72 45 08
Rencontre-débat avec Claudie Gallay autour de son livre
Les déferlantes (Rouergue). Le 18 juin à 18h30.
Avignon
Centre Européen
de la poésie d’Avignon – 04 90 82 90 66
Exposition Poësimage : estampes de peintres et de graveurs,
livres d’artistes. Jusqu’au 28 juin.
Jeudis des lectures libres : lectures de poésie suivies
de discussions, les 19 et 26 juin à 18h30.
Manosque
Marseille
CIPM – 04 91 91 26 45
Les Archipéliens : lecture avec Anne Parian,
Jean-François Bory, Jean-Marc Baillieu,
Eric Audinet. Le 27 juin.
Good night mister Monte-Cristo de Véronique Bourgouin
et Juli Susin. Jusqu’au 5 juillet.
Bouchon Marseillais – 04 91 42 47 33
Les Jeudis du comptoir accueillent Anne-Marie Garat
pour une rencontre-débat, le 19 juin à 18h.
Librairie Regards – 04 91 90 55 34
Rencontre avec Boualem Sansal pour son livre
Le Village de l’Allemand (Gallimard), le 26 juin à 18h30.
À l’air livre : tous les deuxièmes mercredis de chaque mois,
le journaliste littéraire Pascal Jourdana anime
une émission sur Radio Grenouille à 11h.
Durant le Festival International du Documentaire,
il propose tous les jours à 13h, du 2 au 7 juillet,
des entretiens enregistrés au FID ou sur le Vieux-Port
avec les invités du Festival.
Pertuis
Bibliothèque municipale – 04 90 79 40 45
L’Imaginaire d’Alan Mets : Exposition de travaux réalisés
toute l’année par des élèves de l’école maternelle du Clos
Fleuri sur les albums de l’auteur et illustrateur Alan Mets ;
jusqu’au 28 juin.
Dédicaces de l’auteur le 17 juin dès 17h30.
Port-de-Bouc
Médiathèque municipale Boris Vian – 04 42 06 65 54
Cié-art : de l’esthétique à la citoyenneté : rencontre avec
Pierre Guéry sur la question de la place de l’art
dans la cité entre esthétique et politique. Le 19 juin à 14h.
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Remise du Prix du livre jeunesse, en présence des classes
lauréates et des partenaires institutionnels.
Le 20 juin 2008 à 9h.
Jean-Henri Fabre, poète et entomologiste : conférence
animée par François Clarac, le 25 juin à 17h30.
Sainte-Cecile-les-Vignes
Sisteron
La Ciotat
Espaceculture – 04 96 11 04 60
Les peuples des solitudes himalayennes : récit de voyage
par Andrée Donadieu. Le 26 juin à 16h15.
Faisons l’humour avec les femmes : lectures de pièces de
Sacha Guitry et Georges Courteline par Les Poètes du
Soleil & Les Très-Tôt de Marseille. Le 30 juin à 17h.
Librairie le Poivre d’Âne – 04 42 71 96 93
Rencontres :
- avec Anne-Marie Garat, animée par Emmanuelle
Chemsi, autour de son livre L’Enfant des ténèbres.
Le 20 juin à 18h30.
- avec Claude Ballard, et son éditeur Claude Ballaré,
autour des livres d’artistes, le 26 juin à 16h.
Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92
Rencontres : avec Anne-Marie Garat pour son livre
L’Enfant des ténèbres (Actes Sud) à 12h30, et avec
Emmanuel Chirache à l’occasion de la parution
de son livre Covers, une histoire de la reprise dans le rock
aux éditions Le Mot et le Reste à 19h.
Carpentras
Librairie de l’Horloge – 04 90 63 18 32
Rencontre avec Boualem Sansal pour son livre
Le Village de l’Allemand (Gallimard). Le 24 juin à 19h.
Forcalquier
Librairie La Carline – 04 92 75 01 25
Exposition de Karine Girault : dans le cadre des Journées
jeunesse de Croq’ livres, sur le thème Une faim de loup.
Jusqu’au 28 juin.
Librairie Feuilles de vignes – 04 90 60 67 95
Lire entre les vignes : manifestation littéraire qui réunit
éditeurs, auteurs, producteurs de vin, musiciens, acteurs
qui proposent des lectures, conférences, ateliers
d’écriture… Le 22 juin dès 10h.
Bibliothèque municipale – 04 92 61 54 50
Festival international de la bande dessinée : expositions,
rencontres, animations… Les 5 et 6 juillet
62
LIVRES
LITTÉRATURE | ARCHITECTURE
La vie la plus belle
est celle que l’on s’invente
Le titre évoque un roman d’espionnage, la guerre
froide ou quelque obscure intrigue politique… Les
histoires, elles, ressemblent à la vie. À des fragments
de vie ou à des vies entières dont on ne retiendrait que
des moments, parfois les plus intenses, souvent
insignifiants. En fait tous les romans sont par nature
fragmentaires : choix des instants, du quotidien, des
temps morts, de l’infini vague qui sépare deux
moments forts. Voilà ce que répondrait l’auteure
questionnée, pour la énième fois, sur la structure de
son texte. Elle aurait tendance à mettre l’accent sur
une continuité que le lecteur cherche, un peu dérouté
par la succession de ces petits textes (100 au total,
dûment numérotés, ce qui n’aide en rien…) qui
chacun développe un morceau, un temps. Parfois le
narrateur dit «je» –mais est-ce le même ?-, parfois une
troisième personne prend en charge la narration. De
grandes lignes se dessinent ; des histoires de femmes,
de départ, d’abandon et de retrouvailles fantasmées ;
des figures se construisent. Celle d’un ancien espion
qui souffre de confusion d’identités, celle d’une jeune
femme, Sylvette, bien décidée à brouiller les pistes,
celle d’une noble polonaise, celles d’enfants… La
trame romanesque est lacunaire, de quoi donner à
Not for over
Une des vocations de la collection verte de L’Ecailler,
dédiée à l’overlittérature, est de «publier l’impubliable
bon» (voir page 56). Les Chroniques d’un gardien de
phares d’André Not, recueil de textes d’humeur
aujourd’hui accessibles aux lecteurs, ont leur place à
ce titre dans une collection ouverte à l’écriture et à la
pensée buissonnières.
Sur la couverture de Melchior Ascaride, on voit
s’abîmer dans la mer la tour de la fac des Lettres d’Aix.
Le ton est donné. André Not, professeur de littérature française à l’Université de Provence, jette un
pavé dans la mare universitaire. La préface de Gilles
Ascaride le confirme ; l’opus tient du pamphlet.
Du coup de gueule salutaire, qui crie là où ça fait mal,
et a le mérite de dénoncer un ordre des choses
inadmissible dans le monde de l’enseignement
supérieur.
Nizan, dès l’épigraphe, étend sur le recueil son
ombre d’éternel «chien de garde» ; c’est de lui et
de son refus des lauriers hypocrites de Normale
Sup’ que Not se réclame. Lui, le «gardien de phares»
entend faire autre chose que de les garder, ces phares,
justement. Foin de la conservation élitiste des «chefsd’œuvre» ; faudrait voir à les faire connaître à tous, à
les partager solidairement. Ce que ne fait pas
l’université, qui exclut tant d’étudiants d’origine
modeste dès le premier semestre de cours, surtout
la fac de lettres, la fac «des enfants de pauvres».
rêver au lecteur. C’est lui qui reconstruit les récits, à
partir des éléments dispersés. Histoires en forme de
puzzles, mosaïques en partie détruites par le temps.
La mission du lecteur, s’il l’accepte, est stimulante.
C’est lui le véritable Agent de liaison de ce texte, et la
vérité a de nombreux visages.
SYLVIA GOURION
L’Agent de liaison
Hélène Frappat
Editions Allia
9 euros
Pour ce petit-fils d’«hommes de lettres» -un grandpère facteur, l’autre typographe-, qui a grandi dans
un quartier défavorisé de Toulouse, l’école a joué son
rôle d’ascenseur social. Las, aujourd’hui, ce type de
promotion est terminé, et c’est ce qu’à juste titre il
ne supporte pas. Alors, entre deux textes de souvenirs
d’enfance nostalgico-comiques, il l’écrit haut et fort.
Au risque (assumé) de paraître cracher dans la soupe.
Pour qu’on entende sa colère et que peut-être les
choses changent…
Itinéraire
azuréen
Un très beau livre sur l’Architecture des
années 20 et 30 sur la Côte d’Azur
donne des envies de week-ends prolongés. Il s’agit de l’actualisation d’une
publication de 1999 qui concerne le
bâti de l’entre-deux-guerres et permet
la réappropriation d’une part négligée
de notre patrimoine architectural.
Finie la Riviera rococo et décadente des
princes russes ou des anglaises éthérées !
La Côte d’Azur se démocratise avec les
congés payés, la mode vestimentaire
libère le corps et ce corps doit se sublimer par la nage, le sport et le soleil.
Désormais c’est l’été que l’on fréquente
le bord de mer !
À travers les pages, vous irez d’Hyères
avec la villa Noailles de Mallet-Steven
(1924-1930) au domaine du Rayol de
Guillaume Tronchet (1927), vous admirerez le «paquebot» de Georges-Henri
Pingusson à Saint-Tropez (1932), grand
hôtel revendu en appartements en
1948. Vous retrouverez le même
Pingusson à Cannes avec la villa Romée
(1929) sauvée de la ruine par des architectes cannois qui en ont fait la Maison
de l’Architecture de leur ville. Vous
découvrirez les deux maisons d’Eileen
Grey, celle appelée E-1027 à Roquebrune
(1926-1929) et la villa Tempe a Pailla,
plus modeste, véritable maison de poupée, à Castellar à quelques centaines de
mètres de l’Italie (1932)...
Vous aurez ainsi effectué un tour passionnant sur la Côte, assurés de ne pas
bronzer idiot !
CHRIS BOURGUE
FRED ROBERT
Côte d’Azur :
Architecture des années 20 et 30
Charles Bilas et Lucien Rosso
photographies de Thomas Bilanges
Les éditions de l’Amateur,
35 euros
Chroniques
d’un gardien de phares
André Not
Editions de L’Ecailler,
collection
overlittérature,
5 euros
63
Permis d’exhumer
C’est à une exhumation que se livre Marie Cosnay, au
cours de ce récit singulier où la narratrice tente de tirer
André des Ombres. André, c’est son arrière-grandpère, dont elle ne connaît que quelques dates,
quelques scènes relatées par d’autres, quelques fils
d’une existence marquée par le secret et le silence. Trois
moments cruciaux de la vie de cet aïeul forment les
volets du triptyque : 1915, la guerre et l’horreur des
tranchées ; 1919, le départ pour l’Ethiopie où André
rejoint un cousin devenu imprimeur du roi ; 1939,
l’attente d’une nouvelle mobilisation, à l’imprimerie
de l’Atlantique dans la déchéance et l’alcool. Ces
points d’ancrage de la mémoire s’entrelacent, se
répètent, et résonnent dans d’autres temps, ceux des
légendes éthiopiennes, de la reine de Saba et du roi
Salomon, mais aussi des époques plus récentes des
descendants d’André. «Je trouvais des temps parallèles,
souples. De l’un à l’autre des fils élastiques du temps,
j’allais.» La narratrice navigue entre ces strates
temporelles, comme elle tisse des liens entre les noms.
Litanies de prénoms, d’états civils, de généalogies aux
allures bibliques. Leitmotiv de scènes récurrentes et
d’images frappantes aussi. Le récit progresse par
ressassements concentriques, comme pour cerner les
silences d’André et des siens, pour trouver le fin mot
de l’histoire de celui qui «n’a jamais rien dit». Lui
donner une parole posthume, en quelque sorte. Mais
la plongée ne va pas sans mal, et la narratrice, telle les
héros mythiques, devra descendre jusqu’au «pays des
ombres gardé par le chien aux têtes multiples», afin de
Écrire : un acte de foi
Le sujet du dernier livre de René Frégni ne
surprendrait pas ses lecteurs si l’auteur n’était le
personnage principal de la dramatique aventure qu’il
relate : «comment décide-t-on un beau jour de supprimer
un homme ?». Cet homme, objet de la haine de
l’écrivain , est le juge «Second» qui, dans l’espoir d’une
vaine célébrité médiatique, n’a pas hésité à couvrir
l’écrivain d’infamie ; pour avoir ouvert un restaurant
avec un ancien détenu rencontré dans l’un des ateliers
d’écriture qu’il anime en prison, le romancier s’est vu
avec stupeur et effroi accuser d’appartenance au milieu
du grand banditisme. Dans le labyrinthe où il se
trouve brutalement pris au piège, René Frégni
expérimente malgré lui le parcours d’un hors-la-loi,
d’une terrifiante garde à vue dans les caves de l’Evêché
à Marseille jusqu’à la liberté sous contrôle judiciaire ;
déchéance qui l’amène à faire de son récit un
témoignage contre la barbarie de conditions de
détention voisines des geôles de Midnight express et
contre l’arbitraire d’un pouvoir qui l’a injustement
séparé de sa fille. Le monde bascule, les paysages
provençaux, colorés, lumineux, cèdent la place aux
profondeurs souterraines aveugles où remuent
vaguement des fantômes sans âme. Face à une
mécanique inquiétante, l’écriture apparaît bien
comme l’ultime recours : les mots sont glorifiés,
rapporter l’histoire perdue.
Biographie, roman, enquête, introspection, fable ? On
ne sait trop, et pour l’auteure, là n’est pas la question.
Ce qu’elle cherche à faire, à l’inverse de la Parque
antique, c’est à «ravauder fil à fil les accrocs d’oubli», à
suturer la plaie béante de la mémoire qui file. Pour
prendre sa place dans la lignée.
FRED ROBERT
André des Ombres
Marie Cosnay
éditions Laurence Teper,
14,80 euros
véritable fil d’Ariane pour obtenir de haute lutte une
pleine réhabilitation, «face à la lumière, au vent, à la
mer».
Un réquisitoire courageux qui ne peut laisser
indifférent.
ÉVELYNE BART
Tu tomberas avec la nuit
René Frégni
Editions Denoël,
15 euros
Et l’étrangleur à la chaussette inventa le silence…
Je vous le dis tout net : la bien nommée Prune Sauvage
m’agace. Cette adolescente de presque 15 ans a le don
de vous vriller les nerfs au bout de deux pages d’une
logorrhée intarissable (pléonasme ?) dans laquelle elle
vous balance, pêle-mêle, ses angoisses existentielles, ses
problèmes de surcharge pondérale (elle se bourre de
sandwichs au camembert, sous prétexte que c’est le
seul fromage vivant ; considère que le remède
vraiment efficace à la vie est la crêpe à la myrtille et
programme de se suicider, telle une héroïne de La
Grande Bouffe, avec de la paella refroidie), ses démêlés
phantasmatiques avec la gent masculine, sa poitrine
«généreuse» jalousée par ses copines aux plats nichons,
ses malheureux parents dépassés, excédés mais qui
tiennent quand même le coup, son désir éperdu
d’absolu… Bref, elle ressemble furieusement à une ado
en crise (pléonasme ?) qui aurait un sacré vocabulaire
et un débit proche d’un laser à neutrons (à moins que
ce ne soit à protons ? -disons un truc capable de
bombarder des particules à une vitesse supersonique).
Certainement me direz-vous, chère Sylvia (car vous
êtes des lecteurs courtois), j’ai la/le même à la maison ;
entre 15 et 26 ans, boutonneux, anxieux, casse-c…,
paresseux, plein de rêves et de drames… À la
différence près que le vôtre, ou la mienne, traverse des
phases de dépression mutique qui sont une vraie
bénédiction ! La Prune, elle, ne s’arrête jamais ! Car,
quand elle ne parle pas, elle écrit. Jugez de mon
désarroi…
Je vous le dis moins nettement ; j’ai bien aimé le
psychopathe (comment avouer un tel penchant ?). Cet
homme est attachant ; le pauvret, ivre de vengeance
face à un destin qui l’a rendu inodore, incolore mais
pas indolore, a trouvé une vieille chaussette avec
laquelle, tel un moderne cavalier de l’Apocalypse, il
rend justice à tous les mâl(es)-baisant et là, il y a du
pain sur la planche. Pour ce faire, il étrangle les jeunes
femmes dont le cul lui semble par trop suggestif…
Bon, très bien pour la motivation à tuer, si rare de nos
jours, mais ce n’est certes pas ce qui me le rend
sympathique : il me rappelle un vieil amour de
jeunesse, un certain San-Antonio qui remplissait des
pages et des pages de ses élucubrations métaphysiques
et misanthropes. De mon bien-aimé, il a la verve et le
regard désabusé. Sa sombre vision du genre humain
me fait rêver à une belle et définitive explosion
nucléaire qui nous débarrasserait enfin de nousmêmes. Mais la ressemblance s’arrête là car mon beau
commissaire avait trouvé une autre façon de se venger
de la vie, nettement plus agréable pour ses victimes…
Quel rapport entre ces deux personnages me direzvous, perplexe et vaguement agacé. Pour le savoir, il
faudra vous taper, comme je l’ai fait moi-même, les
déblatérations de la donzelle aux hormones en folie et
les considérations mystico-politico-philosopho-érotico
(car rien ne nous sera épargné…) déjantées de notre
susceptible tueur. Je vous le dis quand même ; vous
pourriez tomber sur pire comme lecture de tram !
Il ne nous reste qu’une chose à espérer ; que
l’étrangleur à la chaussette règle enfin son compte à
l’insupportable drôlesse. Et je ne crains qu’une
chose… que ce ne soit le contraire !
SYLVIA GOURION
La théorie de la paella générale
Henri-Frédéric Blanc
éditions du Rocher,
16 euros
64
LIVRES
POÉSIE | HISTOIRE | MUSIQUE
Une parole en marche !
Hélène Sanguinetti vient de publier son dernier recueil. Prose poétique, poème, chant, mélopée, prière ?
Tout à la fois et autre chose encore
Une parole qui semble venir de très loin, des origines,
s’est mise en marche à l’âge de 12 ans alors que la petite
Hélène écrivait son premier poème pour faire comme
ses frères, «un poème pour être lu à voix haute», et ne
s’est jamais arrêtée, jamais tue. Et quiconque a entendu Hélène Sanguinetti lire un de ces textes ne l’oubliera pas : elle connaît l’art de rendre présents les mots
et les images, les éclairant, les mettant en scène par la
seule magie du verbe, comme une incantation.
Ses textes nous transportent dans l’univers des contes.
Au détour des pages on rencontre des guerriers fatigués par trop de luttes, des berceaux, des fées, des
jeunes filles, des mendiants, des nourrices... ; mais
aussi on croise des ânes et des agneaux, des abeilles ou
des grillons, tout un bestiaire ; on respire la menthe, le
fenouil, le basilic ! Car selon le mot qu’elle s’est choisi,
son univers est celui de la «concrétude», un monde
physique ancré dans le quotidien : «Le réel m’a traversée
!». Elle est ainsi happée par les êtres qu’elle croise, toute
une foule sur sa route. Le poème s’en fait le témoin, et
la poète le médium qui accueille et transmet avec parfois humour et dérision ces presque «riens», selon le
mot qui lui est cher.
Au fil des pages les mots n’occupent parfois qu’une
colonne, et l’espace blanc offre sa respiration ; la syntaxe, bousculée, supprime les déterminants ou les prépositions ; ses livres finissent souvent par des virgules,
pont entre les textes pour de futurs rendez-vous ?
CHRIS BOURGUE
Le héros
Hélène Sanguinetti
éd. Flammarion,
17 euros
Hélène Sanguinetti
a proposé une lecture en Arles
chez Harmonia Mundi le 6 juin
S’approprier l’Histoire
Quel est le point commun entre Dreyfus, Guy Môquet, Maurice Barrés,
Léon Blum, Jules Ferry, la colonisation, le Général De Gaulle… ? Nicolas Sarkozy !
Dans leur ouvrage Comment Nicolas Sarkozy écrit
l’Histoire de France, Laurence de Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt et Sophie Wahnich, membres
du CVUH (comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire) nous proposent d’y voir un peu plus
clair, sous la forme d’un dictionnaire critique très bien
documenté, sur tous ces personnages sans cesse cités,
associés, mélangés. En effet, que ce soit en campagne
ou bien depuis son élection, il a inlassablement multiplié les références historiques. Certes l’exercice n’est
pas nouveau, puisque ses prédécesseurs ont «parsemé
leurs interventions de rappels de l’histoire de France». Cependant, ce qui étonne chez Nicolas Sarkozy c’est cette
volonté de faire cohabiter de grandes figures historiques, décontextualisées, afin de construire un nouveau rêve national dépolitisé s’adressant à tous les
Français. Orchestrée par Max Gallo et Henri Guaino,
cette stratégie a pour but de capter les valeurs historiques de la gauche pour semer le doute dans les re-
pères mémoriels. Le meilleur exemple sont les références très fréquentes à Jaurès (figure emblématique
socialiste du XIXe siècle) : il va même jusqu’à réclamer
une filiation. Cette «stratégie historique» vise ensuite
à flatter l’orgueil local en citant inlassablement les
héros locaux et ainsi réécrire une identité nationale ancrée dans l’histoire locale. De plus elle permet de faire
oublier le clivage droite/gauche pour présenter une
France consensuelle. Enfin, cette tactique permet de
créer une filiation avec ces figures historiques, et de
s’inscrire ainsi dans cette marche de l’histoire.
Il faut toutefois ne pas se méprendre. Loin de lui
l’idée de renier son appartenance politique. Bien au
contraire, cette instrumentalisation permet à Nicolas
Sarkozy de s’ériger en leader d’une droite républicaine présentée comme progressiste.
À la lecture de cet ouvrage, relativement abrupt, on
mesure mieux les desseins nationaux de Nicolas Sarkozy. Une question se pose alors : et si Nicolas Sarkozy
réécrivait l’histoire ? cette histoire que l’on enseigne à
nos enfants résumerait désormais «l’héritage africain
à la musique», «le communisme au totalitarisme», «le
choc des civilisations au péril de demain», «la liberté au
libéralisme», «le soixante-huitard à l’ennemi de la République»… Le terme de vigilance n’a jamais été autant d’actualité !
FABRICE BARTH
Comment Nicolas
Sarkozy écrit l’histoire
de France
Laurence De Cock, Pierre
Schill
et Eric Soriano
Ed. Agone,
15 euros
Rock’n roll will never died !
La maison d’édition marseillaise Le Mot et Le Reste
continue de publier des ouvrages de qualité sur les
musiques actuelles, et plus particulièrement sur le
rock’n roll. Révolution Musicale du tout jeune
professeur de lettres Guillaume Ruffat enseigne qu’il
n’est pas nécessaire d’avoir vécu la fin des sixties pour
analyser avec pertinence le foisonnement artistique
que représentent les années 67, 68, 69 de Penny Lane à
Altamont. Du flower power au sex, drugs and rock’n roll,
une approche sociologique précieuse nous plonge dans
ce monde mythique encore appelé rock and roll, des
premières communautés hippies à la guerre du
Vietnam, des nouveaux courants musicaux,
psychédéliques ou expérimentaux aux prémices du
hard rock et autres tentatives électroniques, sans
oublier les substances licencieuses et les festivals
incontournables. Ou meurtriers, comme le festival
d’Altamont qui fit sonner le glas par son effervescence
autodestructrice. Quelques 90 albums sont proposés
et présentés en regard de cette analyse fort instructive.
Chefs-d’œuvre reconnus (Doors, Stones, Beatles…)
ou trésors souvent méconnus (Stooges, Grateful Dead,
et même… Pierre Henry avec son fameux Psyché
Rock), ces 33 tours présentés avec leur pochette
originale sont témoins d’un paysage sonore et social
en pleine mutation. La révolution musicale du rock
se dévore au fil des pages !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Révolution Musicale
Guillaume Ruffat
Ed Le Mot Et Le Reste, Coll.
Formes,
23 euros
ÉCONOMIE | PHILOSOPHIE
LIVRES
65
Foucault l’insupportable
Le concept chez Foucault vient bousculer les évidences de l’histoire positive, et la généalogie historique corroder les universaux
dont la philosophie se prévaut
Ce livre rassemble des articles sur les «gestes,
luttes, programmes» du philosophe. Car ce qu’il
y a d’insupportable chez Foucault c’est qu’il parle
du langage en y introduisant l’évènement, le
politique, l’histoire, et ceci à rebours de la philosophie analytique à la mode, en prenant au
sérieux le discours des perdants, des fous, des
enfermés, des délinquants. Ceci pour construire
une théorie du pouvoir contre une posture
philosophique qui a fait des concepts juridiques
les catégories directrices de toute réflexion sur
le politique.
En bref, dans Surveiller et punir par exemple,
Foucault sort du piège humaniste et re-politise
la question de la prison : ce bouleversement
radical devait être enterré, tant sa vérité était
insupportable, et l’est d’autant plus aujourd’hui
où l’on surpeuple les prisons par un emprisonnement de la société comme il le dénonçait déjà
30 ans auparavant. Inadmissible encore cette
pensée du libéralisme chez Foucault, qui n’est
pas rapportée aux lieux communs de la liberté
ou de l’économie, mais à l’aune des transformations précises dans l’art de gouverner.
Ce livre parcourt ainsi les rires du philosophe,
lieu d’ouverture de la pensée mise en branle
dans l’étonnement, mais aussi les risques de
l’intellectuel sur le terrain du terrorisme : on se
rappelle son engagement sur l’affaire des
Fractions Armées Rouges et du cas Croissant, au
moment de la brouille avec Deleuze…
D’après Foucault
Philippe Artières
Mathieu PotteBonneville
Les prairies ordinaires,
22 euros
RÉGIS VLACHOS
Organisation Globalement Monstrueuse
On essaiera de ne rien dévoiler de la trame
narrative, investigatrice et policière de ce
documentaire fondamental et terrible. Autre
précaution qui est de l’ordre de l’injonction :
même si ce film est passé il y a deux mois sur
Arte, il faut absolument le donner à voir, à
revoir, à tous. C’est une entreprise salutaire
que de comprendre et faire partager collectivement ce qui fait le fonctionnement de
notre monde. Rien de moins.
Son actualité est brûlante : Marie-Monique
Robin vient de témoigner il y a quelques jours au
procès des OGM ; son enquête est on ne peut
plus rigoureuse et approfondie : les OGM sont
un danger pour la planète, une véritable
hérésie. Les mots ne sont pas assez forts pour
qualifier l’insupportable, l‘inadmissible :
Monsanto fait son fascisme de chemin qui
consiste à s’ap-proprier le vivant en ruinant et
exterminant des centaines de milliers d’agriculteurs dans le monde, et en truquant et
trompant les enquêtes scientifiques ; insupportable aussi que l’on rencontre des défenseurs
de cette technique entièrement soumise à une
multinationale ; écœurant que les politiques se
fassent acheter, que le sénat français se plie aux
intérêts économiques…
Face à la clarté de la démonstration et des faits
ne peut être ainsi opposé aucun argument comme nous le démontre Duval MC sur un
autre sujet, somme toute si proche(page 66) :
à certaines vérités ne peuvent être opposées
que la dissimulation ou la négation péremptoire.
On le redit, c’est 15 euros de clairvoyance.
RÉGIS VLACHOS
Le monde selon
Monsanto
DVD,
15 euros
Penser la décroissance
Il s’agit d’une réflexion aux frontières confondues
de la philosophie et de l’économie : que nous
faut-il pour être heureux ? Quel est le but de
l’humanité ? Être ou avoir ? Ces questions,
comme tout questionnement philosophique,
sont en fait sous-tendues par une critique
préexistante : nous ne pouvons plus continuer à
vivre comme cela. C’est tout l’objet du projet
global de Serge Latouche que de donner à penser
avec des précisions chiffrées. Notre modèle
économique et ces objectifs servent les intérêts
de minorités dominantes et pas de la population
planétaire. Le PIB réel de la France a été
multiplié par 12 entre 1900 et 2000 : vivons
nous 12 fois mieux ? Même si l’on admet que
l’on vit deux fois mieux, où est cette plus
value de fois 6 ? Il faut 5 mètres carrés de forêt
pour absorber le coût énergétique d’un litre
d’essence consommé. L’absurdité écologique est
connue mais rien n’y fait : «le capitalisme est un
géant déséquilibré qui reste debout grâce à une
course perpétuelle qui détruit tout sur son passage.» :
bien vu. «L’horreur économique» est toujours
d’actualité : nos vaches européennes touchent
deux euros de subvention par jour, soit plus que
ce que gagnent 2 milliards 700 millions
d’humains sur la planète !
La décroissance c’est quoi alors ? C’est bénéficier
du progrès technologique en le débarrassant de
son pouvoir destructeur, lié à la croissance,
c’est-à-dire actuellement à l’accumulation de
richesses par des multinationales. Le concept de
décroissance a pour trame directrice celle de tout
projet intellectuel abouti : il faut savoir, penser,
puis lutter.
R.V.
Le pari de la
décroissance
Serge Latouche
Fayard,
19 euros
66
PHILOSOPHIE
Penser la vérité
et la mémoire sans
référence à l’histoire
serait stérile.
Mais cette pensée
manquerait de
force sans le souffle
de l’art. Cette force,
nous l’avons trouvée
dans les sons
et les mots aiguisés
par le rap électro
de Duval MC.
Il est très rare
d’entendre une telle
précision, érudition
et virulence du
verbe ; et très rare
que cela puisse faire
danser, balancer.
Quand la musique
donne à penser,
à éprouver
et à bouger, cela
étonne !
Duval MC © Sigrun Sauerzapfe
LA MÉMOIRE ET L’ART
Musique,
mémoire,
histoire,vérité
Duval MC sort son album (voir page 34), sortie fêtée par
un concert exceptionnel au Balthazar le 16 mai. Le
lendemain Zibeline avait quelques questions à poser à
l’artiste sur la vérité et la mémoire.
Zibeline : Je voudrais partir du début de ce morceau,
Mémoire mauvaise ; juste ces mots : «amnésie lâche
collective…» Qu’est-ce que ça veut dire ?
Duval MC : Ce sont les horreurs commises dans le cadre de
la colonisation il y a des dizaines d’années, des siècles. On
occulte ça, on fait comme si c’était loin, non pas parce
qu’il faut tourner la page, regarder vers l’avenir, mais
parce que ça continue. Le morceau mémoire mauvaise
c’est justement ça, ça joue avec les mots autour du passé
et du présent. Ce qui est mauvais dans notre mémoire c’est
notre lecture du présent.
Je vais retomber sur les paroles : «jamais nous ne pourrons
le réaliser, ni même envisager de cicatriser tant que les
mensonges du présent seront enfouis dans notre… mémoire
mauvaise.»
En fait, on ne peut pas prendre conscience de ce qui se
passe en ce moment en Afrique entre les puissances
industrielles et les populations, la façon dont on organise
le pillage en règle des ressources premières, de la force de
travail etc., si on n’a pas conscience de ce qu’étaient la
colonisation, l’esclavage et les massacres coloniaux.
Au Cameroun par exemple, ce que les Français appelaient
les rebelles, les Bassas et les Bamilékés, c’était des civils ; et
les Français en ont exterminé plusieurs centaines de
milliers ; même les femmes et les enfants. Le prétexte était
que les bébés seraient des rebelles quand ils seraient grands,
et les mamans enfantaient des gens qui s’opposeraient aux
intérêts de la France un jour.
Ce raisonnement mène droit à la culture du génocide.
C’est une culture qu n’est pas propre à l’Allemagne nazie,
mais qui est partagée par l’histoire de France. Les
Allemands, ça ne leur a pas pris d’un coup de faire un
génocide, ils ont repris les méthodes coloniales d’Afrique :
les colons se copiaient dans l’horreur. Pas très longtemps
avant l’holocauste de la deuxième guerre mondiale, les
Allemands avaient massacré un peuple qui s’appelaient les
Hereros, en Namibie ; plusieurs dizaines de milliers de
morts ; et ils les avaient massacrés dans des camps de
concentration. Donc ils avaient déjà inauguré l’expérience.
Certaines affirmations sont étonnantes pour qui n’est pas
familiarisé avec l’histoire de la colonisation. Quelles sont
tes sources ?
Je le sors de gens qui ont passé leur vie à étudier ça : il y a
Jean-Pierre Chrétien, Mongo Beti, Verschave, Rosa Plumel
Uribe qui a écrit un livre que j’aime beaucoup : La
férocité blanche. Beaucoup d’auteurs qui sont spécialistes de
l’Afrique des grands lacs. Je me sers de leur travail. Je pense
qu’ils avaient très envie que ce soit repris d’une manière ou
d’une autre par des enseignants, des artistes, des cinéastes,
des gens qui seraient petit à petit capables de vulgariser
des choses compliquées. Mes sources sont recoupées : à
force de voir traiter ces infos dans différents ouvrages, des
documentaires, je suis en mesure de dire qu’à telle époque
ça s’est passé comme ça avec tels acteurs.
Comment se fait-il que ce ne soit pas la vérité officielle ?
Qu’est-ce que qui empêche cette vérité d’émerger ?
Rien ne l’empêche ; on n’est pas à un stade où il y a des
obstacles, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de négation, pas
d’historiens qui aient établi le contraire. Il peut y avoir des
différences sur la synthèse ou sur la lecture globale d’une
période, mais quand on rentre dans les faits, les
témoignages, les analyses, surtout sur une histoire si proche
que celle-là, il n’y a pas d’antithèse…
67
…sauf sur la responsabilité française dans le
génocide au Rwanda
Juste deux mots avant de parler du Rwanda. Je veux
préciser ma réponse sur les obstacles : Quand je dis
que rien n’empêche la vérité d’éclater, je veux dire
qu’elle attend d’être défendue, d’être mise sur le
devant de la scène, par moi, par nous, par des gens
qui voudraient bien dire aux autres que ça c’est
important.
Je crois que l’idée que je me fais du militantisme,
c’est de s’indigner pour les autres. Parce que les gens
dans leur vie quotidienne, leur passion, ne sont pas
amenés à s’indigner : on peut leur dire les choses
crûment, ils n’auront pas les références pour s’indigner ; ou alors, ça leur viendra trop de nulle part.
Ils pourraient aussi se dire que c’est pas vrai, donc
on est là pour faire partager notre indignation, par
compassion pour les victimes. Rappeler à la mémoire collective qu’il y a eu ça, ça me parait être la
moindre des choses.
Mais tu es animé par l’idée de compassion envers
les victimes, de travail d’indignation, par un pur
souci de vérité ?
Les deux ! Oui il y a ce plaisir de dire la vérité, c’est
vraiment la pure jouissance de mettre en lumière
les parties les plus occultes de notre histoire
commune.
Je demande cela parce les noirs, à cause d’un certain
racisme de la société française, peuvent ne susciter
aucune compassion… mais ils peuvent éveiller un
souci cartésien d’analyse chez certains
Mais la compassion c’est l’état normal des choses !
Pour que quelqu’un se dise «c’est pas grave, ils se sont
fait massacrés, mais ils sont noirs», c’est qu’il y a eu un
long travail d’endoctrinement ! En 2008 l’écho
d’un long endoctrinement raciste des consciences
reste présent. À une époque, à l’école française on
parlait à des minots de race supérieure, de pays
colonisés, civilisés. On peut ainsi comprendre pourquoi des gens sont racistes ; il faut comprendre.
On a cultivé en eux une représentation du monde.
On ne peut pas poser ce problème de l’histoire
sans faire l’histoire du racisme, comment il s’est
construit.
L’histoire du génocide rwandais serait intéressante
pour des élèves, pour des adultes aussi bien évidemment. Intéressant de voir comment dans un pays
où les mots race, ethnie n’existent pas -il n’y a aucun
équivalent de ces mots-là en kinya rwandais , les
colons allemands puis belges, très imprégnés de la
culture raciste à une époque où c’était la grande
mode de mesurer les crânes, la longueur des bras et
de dire «ça c’est une race et ça c’est une autre
race…» ça peut aller très loin, il peut y avoir 6
milliards de race ! Si on cherche des différences
on trouvera toujours des différences entre les
individus… Donc des gens ont voulu véhiculer ça
dans la société rwandaise, en se servant des
différences qu’il y ont vues et ils en ont fait des
races : les termes Tutsis et Hutus qualifiaient une
appartenance sociale... Et encore… dès qu’on
s’approche un peu c’est plus compliqué que ça…
Voilà, ils ont fait des Tutsis et des Hutus des races.
Ils ont inventé une histoire à ces Tutsis et Hutus
parce que les colons n’étaient pas assez nombreux,
ils ont du confier l’autorité à certaines personnes ;
pour justifier cette autorité, ils ont dit aux Hutus
qu’ils étaient supérieurs aux autres et donc plus à
même de diriger.
Tu es en train de dire que le génocide est impliqué
par des concepts occidentaux petit à petit instillés…
On peut fabriquer un génocide à partir de
catégories occidentales ?
À la base le but n’était pas de faire un génocide,
mais de diviser pour mieux régner ; mais l’histoire
a montré qu’on ne retourne pas comme ça ce qui a
fait l’objet d’une propagande raciste industrielle.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS
PHOTOS: Sigrun Sauerzapfe/www.siggi-s.blogspot.com
Album en vente sur le site Duval MC
http://pagesperso-orange.fr/duvalmc
et à la librairie Jeanne d’Arc, 41 bd Jeanne d’Arc, 5e
04 91 92 52 65
68
HISTOIRE ET PATRIMOINE
PONT DU GARD | GROUPE F
Dis-moi quelle est ton eau
Sous les arches multiliées du plus beau des aqueducs se cache un passionnant Musée de France…
© Site du Pont du Gard-photo: J-L Mabit
En bas d’une volée de marches, sous les
structures de l’accueil, une porte résiste à
la poussée du visiteur. Un souffle de vent
nous enveloppe un court instant.
Aspiration de l’histoire ? Un couloir bordé
de longs tissus qu’une respiration invisible anime… Nemausus, Augustus,
Diana… clés magiques pour un parcours
dont les méandres nous entraînent sur le
chemin de l’eau, de sa domestication à
ses multiples applications.
Mercure, protecteur malicieux des voyageurs…
Une fontaine publique, grandeur nature,
ouvre la visite, décorée d’une tête de
Mercure en bas relief. Mais surtout, le
système qui l’alimente est mis en
évidence. C’est ainsi que le musée est
conçu : par delà les éléments visibles,
tout est mis en œuvre pour aider à décrypter, comprendre les mécanismes,
invitation intelligente à passer de
l’autre côté du miroir. Plus de secrets
dorénavant : nous sommes initiés aux
arcanes des circuits hydrauliques de la
Rome antique, de la captation des sources
au robinet de bronze (1er siècle) qui
permet de dispenser l’eau dans les
maisons les plus fortunées.
La paix, condition
du progrès
De grands panneaux historiques font le
point sur la pax romana, condition
essentielle du progrès et de la recherche
du bien-être. C’est la paix qui permet la
fabrication sereine de toutes ces vannes,
siphons, robinets, canalisations de différentes tailles, jusqu’au chauffe-eau du IIe
siècle ou la pompe aspirante à forte
pression qu’employaient les pompiers
romains du IIIe siècle. Le nom de
l’inventeur a survécu aussi : Ctésibios,
savant d’Alexandrie.
Mais c’est dans la matérialité des objets
et des lieux du quotidien que perdure
le génie romain, qui s’exprime par de
multiples réalisations : thermes qui ne
cessent de s’étendre (13 hectares pour
ceux de Dioclétien !), lieux d’aisances
publics… leurs reconstitutions, éloquentes par leurs proportions, permettent
de s’imaginer physiquement dans ce
passé : seule l’électricité semble y
manquer !
Le système de chauffage par le sol dévoile
ses dessous, et, correspondant à la
chaleur des hypocaustes, les socques de
bois semblent prêtes pour le caldarium…
Les dés à jouer, une délicate épingle à
cheveux, des aryballes de verre transparent, au col élancé, attendent, qui, leur
élégante propriétaire, qui, des jeunes
gens en veine de paris.
Récits fondateurs…
La vie de tous ces lieux est rendue sensible par la magie de textes lus au gré des
visiteurs. Le brouhaha des bains publics
que tout Romain fréquentait quotidiennement, nous est raconté, ainsi que
diverses anecdotes. Ce sont des extraits
du Satiricon de Pétrone qui évoque le jeu
de balles, des Lettres à Lucilius de
Sénèque, et la description du luxe
effréné et de l’animation bruyante des
thermes, des Epigrammes de Martial qui
brocarde les parasites.
Une allée de fauteuils propose même
une pause radiophonique au visiteur,
avec la reconstitution du dernier entretien (fictif !) de Cnaeus Domitius Afer et
de son jeune neveu. Le personnage
principal, stoïcien désabusé, évoque la
construction de l’immense aqueduc de 34
miles de long (50 Km), les problèmes
d’argent, de corruption…
Des écrans multimédia jalonnent le
parcours, invitent à approfondir, à tester
les connaissances exposées, entre les
plans précis de la construction et toutes
les représentations picturales et photographiques du Pont du Gard… Images
fondatrices et récits entretenant les
mythes, tel celui tiré du Pantagruel de
Rabelais qui s’inscrit dans une tradition
toute médiévale des maîtres d’œuvre ; ou
l’histoire que rapporte Mistral (1876) : la
femme y trompe le diable, seul capable
d’édifier le projet titanesque, en jetant
dans les bras du démon son tribut
d’âme sous la forme d’un lièvre affolé !
…et fondations
Si Frontin (curateur des eaux du premier
siècle ap. JC) écrivait que les aqueducs
étaient «les principaux signes de grandeur
de l’empire», les cartes en présentent la
preuve évidente. Au même titre que les
routes qui sillonnaient l’empire, les aqueducs tissent une fascinante toile. L’eau
parcourt tout le monde romain, Rome à
elle seule comptait onze aqueducs !
Les constructions drainent une foule de
corps de métiers, les géomètres et leur
groma, perche d’arpentage, ou leur chorobate, instrument de visée permettant de
© Site du pont du Gard-photo: N;Facenza
calculer les différences d’altitude ; les
tailleurs de pierre, les forgerons, les
maçons, les peintres, les préposés à l’extraction de la roche, ceux qui charrient,
lèvent les énormes blocs, ceux qui
étayent les tunnels, qui creusent, consolident, tous se battent avec la matière la
domptent, la modèlent… Quelques noms
émergent, traces ultimes sur des stèles
funéraires : c’est Amabilis du IIe siècle
qui travaille encore sur le bas relief armé
de sa massette et de son ciseau, Bellicus,
le forgeron, qui manie avec dextérité son
marteau, pour l’éternité…
Chantier en musée
Quel chantier extraordinaire : 2500m² de
musée ! Les étapes de la construction
nous sont dévoilées, grandeur nature,
peuplées des silhouettes des ouvriers,
des maîtres d’œuvre. Et c’est la
carrière, la levée des blocs pour les
conduire au sommet de l’édifice, les
travaux de soutènement, le percement
de tunnels, le tout animé par les bruits
du chantier qui se mêlent à ceux de la
garrigue…
Les paysages traversés par l’aqueduc
défilent sur un large écran, parmi les
pierres sauvages hérissant les herbes
folles et les buissons, s’accoudant aux
oliviers paisibles. Comment se douter que
dans l’ombre fraîche des canalisations les
250 couches successives accumulées
entre le Ier et le IIIe siècle constituent une
véritable mémoire solide de l’eau ! Car
le pont ne constitue qu’une infime partie
de l’aqueduc… 90 % de la construction
circule sous terre !
L’eau arrive enfin dans le castellum de
Nîmes, suffisant important pour contenir
l’équivalent de 25 mètres de canalisation… et le visiteur parvient au
terme d’un parcours multiple : spécialisée dans l’étude d’un site particulier,
cette exposition s’échappe vers d’autres
horizons, et donne à voir la civilisation
romaine. Car toute recherche poussée
dans un domaine se lie aux autres pour
laisser voir l’essence même des peuples
disparus…
MARYVONNE COLOMBANI
69
Le Pont
s’embrase…
Vous avez dit ludique ?
Littéralement, la Ludothèque, c’est le lieu où sont rangés les jeux. Tout naturellement, le pont du
Au Pont du Gard les enfants y apprennent en s’amusant, selon le Gard inspire. Le groupe F en tire
principe du docere ludendo
un parti spectaculaire avec La
flamme de mes rêves, une saga
Jeux
On joue à la marchande, avec des sesterces et des as, des hauteurs… Puis ils observent à la loupe les restes d’un dont le premier volet Lux populi
deniers si l’on est plus riche ; on pèse des légumes avec repas gallo romain, pour en reconnaître la composition. a rassemblé 6 fois une foule
une balance romaine, combien d’onces ? de livres ? Douze La parole est au noyau, à l’arête, au reste rassis ! Bon
immense…
onces, donc une livre, alors, 27,27g x 12… (gloups !) ; appétit les fossiles !
Vie quotidienne
Affamés par vos efforts, vous allez piocher quelques
recettes pour le moins étonnantes, tétines de truie farcies
aux oursins salés, dattes fourrées aux noix et au poivre
puis frites dans du miel… et des plats arrosés de garum,
sorte de nuöc mam. Pas très nouvelle cuisine tout ça !
La vie quotidienne est ainsi abordée sous ses aspects les
plus variés, coiffure, loisirs, petits métiers, activités
sportives, le bonheur des thermes, repas, hygiène…
Comment vous lavez-vous les dents ? la poudre de pierre
ponce est idéale pour un sourire éclatant ! Et comment
avoir une peau douce ? bien sûr en s’enduisant d’une
crème de beauté à base de lait d’ânesse (merci
Cléopâtre !) et… d’escargots écrasés… ! Et pour
empêcher la repousse trop rapide des poils ? le fiel de
hérisson mêlé à de la cervelle de chauve souris… Parce
que vous le valez bien !
On rencontre dans le savant dédale des cloisons qui
portent des jeux des énigmes, des informations, sur la
belle et oisive Mila, richesse oblige ! Le jeune Titus qui,
du haut de ses neuf ans et de son nom d’empereur, se
rend à l’école…
Reproduire des mosaïques ? Rien de plus facile ! L’art des
tesselles n’a plus de secrets pour les petits visiteurs. Les
apprentis archéologues, se retrouvent dans un atelier,
pour venir à bout d’un puzzle en trois dimensions, avec
un conformateur qui prend la forme des objets, des
équerres qui en mesurent la largeur, une toise pour les
Les jeux se succèdent, sollicitant sens de l’observation,
esprit d’analyse, capacité de déduction. De la grotte
préhistorique au bac à sable de fouille, la formation est
complète. Et honnête : il y a des questions sans réponses,
des avis différents, on accepte de ne pas comprendre, ne
pas savoir…
Le projet s’étale sur quatre ans, chaque année correspond
à un nouvel épisode. Cette tétralogie est conçue comme
un opéra qui revisite les mythes fondateurs. Dans Lux
Populi on voit Al-Adam et Li-Light, image de feu, se lier
et s’affronter. La dualité originelle avec ses réussites et
ses déboires se module au cours des siècles, avec les
personnages d’Apollo et de Fabulla, femme de l’eau, et
leurs amours lunaires, puis Casa Nova et Anima pris dans
les vertiges de la séduction, enfin, la Mariée Vive célèbre
les amours multicolores d’Anima.
Les spectateurs se pressent, les familles se massent, avec
leurs pulls, les couvertures de survie, les nattes, les
sandwiches, les bouteilles de vin, les canettes, les
appareils photos qui testent les distances. Quelques
«olas» créent de joyeuses vagues, ambiance de match
dans l’impatience du spectacle. La nuit enfin daigne offrir
une ombre suffisante. Les lumières s’éteignent, seul
subsiste le croissant de lune, une barque porteuse de
torches glisse sur les eaux étrangement silencieuses. La
magie du feu peut commencer, avec ses effets énormes,
ses personnages lumineux, ses marionnettes
enflammées, ses êtres de lune qui s’envolent, arpentent
le ciel au rythme des compositions électro-baroques de
Scott Gibbons. Moments magiques où le pont devient
théâtre, habité par des silhouettes qui hantent ses
arches, où il s’ombre de bleu, fantomatique au-dessus
des eaux, où il se teinte de rouges unissant les éléments
contradictoires, feu et eau… L’ensemble constitue un
spectacle énorme, à la dimension de son cadre, et même
si les différentes histoires restent parfois obscures dans
leurs transitions, Lux populi est une remarquable réussite
du genre.
Fluide, essences et vers
Si l’eau coule entre les doigts, on nous présente tout ce
qu’il a fallu inventer pour la puiser, la transporter, la
stocker, la distribuer. La vis d’Archimède (spécialiste des
poussées de bas en haut) tourne et transporte l’eau vers
les hauteurs. C’est simple et magique ! Et l’on joue encore
à détourner des cours d’eau, à faire bouger les pales de
minuscules roues à aube, à jongler entre les écluses qui
interrompent la fuite de l’eau.
Puis on sort pour découvrir la garrigue, les traces
d’animaux, empreintes qui apprennent à pister et
surprendre pic-vert, écureuil, blaireau, à reconnaître le
scolyte, cette larve de la cigale, qui vit cinq ans sous
l’écorce (notre rédactrice en chef refuse que l’on
mentionne même la cigale, symbole de la sieste provençale
et d’un tourisme par trop commercial… Sous forme de
larve, elle stridule un petit peu tout de même pour conjurer
les orages, et passer outre les foudres de cette ignoble
censure…)
Les différentes essences des arbres de la région sont
exposées, du genévrier de Phénicie au chêne vert… Nous
sommes prêts à partir en balade dans la garrigue, dont
les 15 hectares sont consacrés à une approche de la
nature domestiquée par la main de l’homme. Des
explications claires jalonnent le parcours, évoquent les
mûriers et l’industrie de vers à soie, les dix-huit variétés
d’olives cultivées au fil des siècles autour du pont du
Gard, l’importance vitale de la culture des céréales, les
plantes utiles… Une heure et quelque d’une charmante
et instructive promenade qui nous ramène au pied du
Pont.
M.C.
Lux Populi a embrasé le Pont du 5 au 13 juin
M.C.
D’autres découvertes à faire au Pont du Gard
Le Languedoc Roussillon occupe son territoire avec des expositions autour des Paroles dégelées de Rabelais (voir
page 13). Au Pont du Gard, depuis le 7 juin, des artistes contemporains exposent autour du thème de la Gorge
pRofonde de Gargantua… nous y reviendrons dans le prochain Zibeline, ainsi que sur le film Vaisseau du
Gardon…
© Site du Pont du Gard-photo: S.Barbier
on compte en chiffres romains, on s’amuse à s’imaginer
en écolier maniant tablettes de cire et stylet, déroulant
le livre de papyrus, bien sages pour éviter la cruelle férule
du maître qui n’accepte pas les rêveurs…
On préfère alors la récréation, avec ses jeux de cachecache, de balle, de cerceau, d’osselets, de poupées en
chiffon, de chevaux de bois. Mais il faut retourner en
classe, s’appliquer au calcul, avec l’abaque, le boulier aux
rainures inégales…. Les adages du tableau invitent au
«carpe diem» (profite du jour) et à la prudence du
«festina lente» (hâte-toi lentement) : l’écolier romain
commençait l’école à sept ans, l’âge de raison…
70
SCIENCES ET TECHNIQUES
«Ovni potentis»
ou le cave du Vatican
Quand la religion entre en science, la science doit-elle entrer en religion ?
Le révérend José Gabriel Funès,
Directeur de l’observatoire du Vatican
donne début mai un fracassant entretien à l’Osservatore Romano. Dans
une grande vadrouille théologique
fort peu catholique, le Révérant fait
révérence à la science, admettant le
calcul probabiliste qui conclue à
l’existence d’autres formes vivantes
dans l’univers. Selon lui, admettre
certaines conclusions scientifiques
n’est pas contraire à la foi !
Admettre Galilée
Les sciences de l’univers intègrent
l’universalité divine. Le big-bang est
une thèse admissible par la foi en
tant que point d’orgue de la
création : c’est l’explosion du point
de densité absolue et infinie de toute
matière, c’est le lieu instant de la
volonté divine. La thèse idéaliste du
Big Bang autorise la divinisation de
l’uni-versalité désormais indéniable
de la matière et de ce que les
humains en connaissent.
Ainsi le Pape Jean-Paul II dans sa
grosse bulle de 1992 reconnaît
l’erreur de l’église sur les thèses de
Galilée et marque ainsi la «réconciliation» entre la science libérale et
la foi morale religieuse. Allégeance du
religieux à la vérité scientifique, ou
allégeance de la science à la loi
divine ? De toute façon, le capitalisme mondialisé nécessite la
mobilisation de tous les appareils
idéologiques d’état dans une grande
réconciliation de tous les «idéaux» du
libéralisme, qu’ils soient religieux ou
scientifiques.
Mais si la fiction scientifique est
admissible par le religieux, le
Révérant, nouvel observateur de
l’univers scientifique, impose ses
conditions de négociation ! L’univers
nouvellement probabilisé par le
clergé l’autorise à revendiquer des
«Aliens» non touchés par le péché
originel. Si l’univers est infini, il y a
bien un monde sans Eve ! Hé oui !
D’accord pour une certaine vérité
scientifique, si on l’assortit du péché
de vanité. Un peu satanique la
connaissance ! Donc on accepte le
divin Big Bang, nuancé de la honte
de l’avoir inventé ; la tentation se
mord la queue, le vieux serpent de
mer aussi.
II au cinéma, ou les expériences
politiques sulfureuses du pape actuel
durant la dernière guerre mondiale.
De la Maison Blanche au Vatican en
passant par l’Elysée ou Bruxelles, la
religion de l’innovation est l’âme du
libre échange, de la création d’emploi
(non plus du travail), du pouvoir
d’achat (non plus des salaires), de la
croissance (non plus de la satis-
faction des besoins humains). Toute
vérité scientifique n’est pas bonne à
admettre. Seule la science fructueuse
et payante est bonne, le reste n’est
que vanité, la tentation du démon, le
fruit de l’arbre de connaissance.
Benoîte ascèse
Ainsi il existerait au fond du siècle
des siècles-lumière de l’univers, un
Le péché très original
Mais pourquoi donc revenir sur tant
d’années de bon et déloyal obscurantisme et accepter soudain une
certaine «vérité scientifique» ? L’état
du Vatican est entré aussi dans la
loi du marché. Ne dit-on pas que la
religion catholique «se vend mal» en
ce XXIe siècle ? Pour pasticher Sempé
dans son album L’information consommation paru en 1968 : «En matière de
morale il n’y a qu’un seul impératif…
c’est vendre.» Comment nier que le
benoît pape se déplace en papamobile à fenêtres blindées, que
l’épiscopat déblogue complètement,
que le religieux se cybernétise ?
Si la religion obéit aux lois scientifiques économiques du marché, elle
doit préserver la culpabilité qui est
de toute éternité l’opium dont elle a
toujours endormi ses brebis. Si le
religieux admet les lois économiques
pragmatiques de la production, il doit
parallèlement culpabiliser tout autre
d’en bénéficier. L’humain jouit de la
connaissance mais doit se morfondre,
se flageller de le faire. Car si
l’humanité est une parcelle du divin
Big Bang, elle a commis le péché
mortel d’en formuler la thèse. C’est à
l’homme de Neandertal qu’il faut jeter
la première pierre taillée !
C’est sans doute à cause de cette
faute première qu’on doit la
papamobile et le cortège spectaculaire des fastes du Vatican, peut-être
aussi la carrière précoce de Jean-Paul
Tonkin Prod.
71
être divin vierge de toute connaissance. Heureux
l’alien simple d’esprit, imagine l’abbé Funès !
L’exception qui confirme la règle. Un être pur de
toute contradiction, un prolétaire idéal obéissant à
toutes les oukases de la production du grand
marché intersidéral, sans faire grève, sans salaire,
un esclave de la divine croissance, un divin abruti,
quoi ! Le rêve !
Car admettre l’Eden extra-terrestre confirme
l’immanence de la punition divine sur l’humanité
critique. Il s’agit là de faire accroire que l’être
unique, harmonieux, infiniment réconcilié avec luimême dans une absolue méconnaissance du grand
Autre est objet divin.
En contrepoint, la contradiction motrice de toute
pratique critique de connaissance est satanique,
pécheresse. La contradiction dialectique (en
pratique formelle et définition critique de cette
pratique) devient dès lors une forme déviante.
Nécessité dialectique
Or il ne peut y avoir de production scientifique
sans que la contradiction dialectique entre pratique
et théorie soit questionnée. La quête de l’humanité
pour l’amélioration de ses conditions d’existence
est motivée par le questionnement des contradictions essentielles entre le monde qui l’entoure
et ses pratiques immédiates. L’universalité de la
contradiction est l’unique moteur de l’évolution du
vivant et de sa conscience. De la pointe de flèche
en silex à la machine outil, l’humain pense et
critique. De la découverte de la distinction des
sexes aux fantasmes de toutes ses représentations,
les humains désirent, souffrent et n’ont pas à s’en
culpabiliser car c’est l’humanité même. S’il existe
d’autres formes de vie dans l’univers sans Big Bang,
soyons sûr qu’elles résultent des mêmes
contradictions intrinsèques qui nous fondent et
qu’elles aussi désirent l’Autre. La distinction des
sexes dans l’ordre du vivant nous le prouve, n’en
déplaise aux caves du Vatican.
Au programme
Avant l’histoire ?
Heureusement que Monsieur Homo
Erectus, notre lointain cousin, ne se
doutait pas qu’une branche d’illuminés enluminés de sa descendance le
blâmeraient de s’être, en l’an de
vache maigre «moins 700.000»,
creusé les méninges à inventer la
pointe de flèche qui allait sérieusement améliorer son ordinaire et par
voie de conséquence le nôtre. On
peut d’ailleurs se demander si les fameux enluminés auraient pu débiter
leurs inepties sur le péché originel
de connaissance si les ancêtres blâmés ne l’avaient commis. Quadrature
du cercle ou plutôt paradoxe d’un
«savoir ne pas savoir».
En tout cas si d’aventure estivale vos
pas et les bâts de votre âne (compte
tenu du prix des carburants) vous
poussent vers le magique pays du bas
Verdon, n’hésitez pas, entre parties
de grimpe ou de pêche, à commettre
sans retenue tous les péchés originels. Découvrez ou faites découvrir à
vos enfants et amis le Musée de la
préhistoire des Gorges du Verdon à
Quinson.
Dans une architecture exceptionnelle
pour sa modernité et sa complète fusion avec la beauté minérale du site,
vous cueillerez avec émotion et délice
les fruits défendus du verger de la
connaissance de l’homme par
l’homme. Au travers de salles d’exposition «vivantes» vous vous baladerez
sur les chemins d’un million d’année
d’édification de l’intelligence industrieuse.
L’originalité pédagogique de ce lieu
réside dans le parti pris scientifique
de ses créateurs de faire comprendre
Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon © X-D.R
«l’humain» en tentant de reconstituer
une image de ses pratiques à partir
des vestiges, des traces de son industrie, en tant que seule connaissance
immédiate d’une intelligence passée.
Reconstitutions de village rupestre,
animations d’ateliers pratiques…
glissez-vous dans les pelisses de
l’homme de Neandertal… partez à la
redécouverte de la prime gestuelle
enfouie en vous et qui est la base de
toute vos connaissances. Allez, en famille, aérer vos consciences et cultiver le geste premier cet été à
Quinson.
Y.B.
Musée de Préhistoire
des Gorges du Verdon
Route de Montmeyan
- 04500 QUINSON
04 92 74 09 59
En juillet et août, musée ouvert
tous les jours de 10h00 à 20h00
sans interruption.
http://www.museeprehistoire.com
Candidatez !
Dans Zibeline N°2 nous annoncions
la deuxième édition des Rencontres
Internationales Sciences Cinémas
(RISC) au mois de novembre 2007.
L’Association Polly Maggoo organise
dès maintenant la 3e édition de ces
Rencontres. Zibeline se fait le relais
de l’appel à candidature de cette Association auprès des professionnels
du cinéma pour la sélection du programme du prochain festival qui se
tiendra cette année à Marseille du 13
au 16 novembre 2008. «Tous genres
de films (documentaires, expérimentaux, fictions, art vidéo, animation...)
dont le sujet est directement ou indirectement lié à des thématiques scientifiques (sciences fondamentales,
sciences du vivant, environnement,
sciences humaines et sociales...) sont
éligibles.»
Y.B.
YVES BERCHADSKY
Informations, règlement
et formulaires sur le site
http://www.pollymaggoo.org/
doc_polly/risc-2008.html
Date limite d’inscription des films :
15 juillet 2008
72
ÉDUCATION
PRIX DES LYCÉENS
Fête ! Lycéens,
apprentis et enseignants,
heureux !
© Richard Melka
Mercredi 28 mai, au Dock des Sud
a été décerné dans une allégresse
communicative le 4e Prix Littéraire
des lycéens et des apprentis
de la Région PACA
Cette opération est née de l’initiative
de la Région, mise en œuvre par
l’Agence Régionale du Livre (ARL) avec
le concours de la Régie Culturelle.
Environ 1000 lecteurs répartis sur le
territoire régional ont lu 6 romans et 6
bandes dessinées, et tout au long de
l’année scolaire se sont réunis, documentés, interrogés pour sélectionner
et voter pour les 2 livres qui ont recueilli
le plus de suffrages dans chacun des
28 établissements concernés.
Les 400 participants ont été
accueillis en fanfare par les musiciens
d’Accoules Sax qui ont ponctué de
façon festive les moments forts de la
journée. Puis ils se sont rendus dans
les différents ateliers et ont déambulé
à la découverte des expositions. C’est
la faute à Voltaire a proposé un
atelier de recyclage des mots : on
pouvait se débarrasser d’un mot honni
ou agaçant en fabriquant un autre mot
avec les mêmes lettres, puis proposer
une définition nouvelle ! Deux illustratrices pour la jeunesse de l’atelier
Atelier graphique © Richard Melka
Venture proposaient des fabriques
graphiques à partir de portraits des
élèves présents projetés en direct
grâce à un dispositif vidéo. Beaucoup
de succès !
Au hasard des découvertes on
pouvait apprécier un spectacle de
marionnettes du lycée Léon Blum de
Draguignan, les textes produits au
cours d’un atelier d’écriture avec le
romancier René Frégni (voir page 63)
du lycée Carnot de Cannes, les
calligraphies du lycée professionnel
Edmond Rostand de Marseille, des
vidéos, des dessins, des peintures...
Le CFA Industriel d’Avignon a
engagé dans l’aventure 15 élèves de
BTS de construction et production
industrielles. Ils ont travaillé en relation
avec le monde de la métallurgie, visité
des imprimeries. Des ateliers d’expression dramatique les ont familiarisés
avec la lecture à haute voix, puis la
prise de parole. Leur professeur de
français souligne que cela les a bien
préparés pour leur examen ; un élève
remarque que cette expérience leur
a permis de s’ouvrir à des formes
d’expression peu ou pas connues. Ils
ont d’ailleurs trouvé un moyen d’allier
la technique et la création en créant
un livre géant dont la couverture a
été réalisée dans un atelier de
chaudronnerie.
Le lycée professionnel de la
Cabucelle a présenté le travail des
élèves de la filière bois : partant du
constat que ces adolescents étaient
démotivés, Nathalie Dallin, leur enseignante, a associé les différents
apprentissages (histoire, géographie
et français) à un travail artistique de
photographie autour de la culture
marseillaise. Ils se sont pris au jeu audelà des espérances ! «Ils sont venus
au lycée au-delà des heures obligatoires d’enseignement, y compris les
week-end ! Même physiquement ils se
sont transformés : leur regard et leur
maintien se sont affirmés !» Résultat :
un livre de textes et photos tiré à 1000
exemplaires par les Editions Images
Plurielles, doublé d’une exposition
itinérante qui circulera dans des
entreprises.
L’ambiance était chaleureuse et de
nombreux échanges ont eu lieu entre
les lycéens rassemblés pour le
déjeuner dans la cour autour d’un
buffet musical très apprécié !
Les 3 lauréats !
15h : l’heure attendue des prix ! Le
Recteur Jean-Paul de Gaudemard est
venu remercier les acteurs de la Région
en la personne d’Alain Hayot et ceux
de l’ARL. Il a souligné l’impact que ne
manquerait pas d’avoir la Palme d’Or
du Festival de Cannes avec le film de
Laurent Cantet : «Pas d’école sans
culture, pas de culture sans école !» De
son côté Alain Hayot a déclaré :
«Quand on fait confiance aux collégiens
et lycéens, ils sont capables d’un
énorme enthousiasme, capables du
meilleur ! Les livres qu’ils ont choisis
sont difficiles, preuve de leur maturité,
qui va à l’encontre de l’image que la
société véhicule sur ses propres
jeunes.»
Ce sont des élèves qui ont distribué les
prix. Cette année, pour la 1re fois, il y a
2 prix ex-aequo pour le roman car 2
livres ont obtenu strictement le même
nombre de voix. Il s’agit de celui de
Laurent Graff, Le cri et de Joseph
Boyden, Le chemin des âmes. Laurent
Graff, toujours très réservé, a tout
de même confié : «Quand j’étais dans
la cour du lycée, écharpe mauve et
cheveux longs, on rêvait de Cannes et
Devant les peintures © Richard Melka
73
Fin du monde
de son Festival. À 40 ans je suis très
heureux d’être ici et de recevoir un prix
pour la première fois.». Son livre Voyage
voyage (Le dilettante, 2005), sera
adapté pour l’écran cet automne par
Frédéric Pelle, sur un scénario qu’il est
en train de rédiger.
Joseph Boyden habite l’Ontario : son
grand-père avait fait partie des 4000
indiens qui s’étaient engagés volontairement dans les troupes canadiennes
de la guerre de 14-18. Il a donc envoyé
un message : «J’aurais aimé être là,
comme un pont entre la France et le
Canada. Ce prix me va droit au cœur.
Tous ces jeunes me paraissent être
des messagers de paix, malgré les
guerres, les races, les camps !»
Le prix de la Bande dessinée est allé
à Chaque chose de Julien Neel qui
avait déjà obtenu le Prix de la Jeunesse
au Festival d’Angoulême en 2005 : «Ça
fait bizarre ! Pendant longtemps on est
tout seul chez soi et puis des flasches,
des saxo... et des applaudissements !»
Chaque lauréat a reçu la somme de
3000 euros de la part de la Région. Et
après, musique ! C’est Vincent Loiseau
surnommé Kwal qui vient présenter
son 3e album de chansons et de slam
accompagné de musique classique
avec violon et violoncelle. Les lycéens
apprécient : c’est l’essentiel !
CHRIS BOURGUE
Vous retrouverez Le Chemin des
âmes de Joseph Boyden
dans le numéro 10 de Zibeline
Rappelons que la Région
a lancé depuis 2003 le dispositif
du chéquier lecture et depuis
2005 celui du chéquier cinéma,
donnant droit à chaque porteur
de 16 à 25 ans à des réductions
sur les livres et les films.
CHRIS BOURGUE
Conseil régional
04 91 57 51 64
www.regionpaca.fr
Un mal étrange décime la population mondiale, un
bruit, impossible à localiser s’amplifie dans la tête des
individus jusqu’à les faire mourir, sans échappatoire.
Certains évitent la contagion, ce sont les «êtres de
silence». De sa cabine vitrée, «pivot du monde», un
péagiste assiste à cette fin du monde, il raconte, les
gens, passagers grognons, affables, émouvants,
surfaits, prétentieux ; il se raconte, à la première
personne, notations emplies d’humour tendre et
lucide. Ce monde, il l’a vu défiler sous ses yeux,
«l’humanité entière» ; et «qui peut se prévaloir d’un tel
aperçu?». L’autoroute constitue un monde en soi,
véritable «création métaphorique», raccourci éloquent
de l’univers. Des destinées traversent ainsi le champ
de vision du narrateur. Mais ce monde se délite
emporté par ce bruit inexplicable, les personnages
disparaissent comme Calo le collectionneur de
panneaux, les collègues de travail qui ne reviennent
plus, les utilisateurs de l’autoroute qui se raréfient ;
Daniel, le gendarme, abandonne progressivement
son radar et se prend pour une rock star. Les herbes
folles commencent à envahir l’autoroute. Tous ces
évènements seraient-ils liés au vol du tableau de
Munch, Le Cri ?
L’écriture, simple, limpide, nous conduit aux frontières
du fantastique, par les chemins d’un récit dont
l’apparente clarté libère une réflexion profonde sur
nos angoisses, nos peurs. La fin invite à une relecture,
livre les clés, alors que le romancier s’est plu au cours
du récit à égarer le lecteur dans de multiples
interprétations. Un très beau roman, à lire, à savourer,
à relire surtout, absolument !
MARYVONNE COLOMBANI
Le Cri
Laurent Graff
édition Le dilettante,
14 euros
Un gros bol d’amour
Dédié, entre autres, à son papa, Chaque chose de
Julien Neel est une B.D. surprenante. Il ne s’agit pas
seulement du récit émouvant sur la relation –
autobiographique ?- de Julien Neel avec son père,
c’est aussi un formidable travail graphique qui
accompagne la lecture et guide de manière très
habile le lecteur dans la construction du récit. Entre
souvenirs de jeunesse et réalité abrupte, Julien oscille
entre deux univers : les jours passés avec son père
divorcé, magicien forcé d’accepter d’enfiler un
costume grotesque de gros nounours bleu butagaz
pour pouvoir emmener son petit bonhomme en
vacances, et les allers-retours à l’hôpital où se meurt
ce père. La palette graphique alterne les couleurs
sombres, les traits épais, hachurés, striés des
moments graves (mais parfois très drôles, l’émotion
n’empêche pas la légèreté), avec les couleurs vives et
les traits plus ronds des jours de vacances. Passé et
présent se répondent, chaque chose est une petite
chose qui ancre les personnages dans le récit jusqu’à
ce que, de transitions en transitions, les deux se
mêlent et esquissent une fin surprenante.
D.M.
Chaque chose
Julien Neel
Gallimard,
collection Bayou,
15 euros
74
ÉDUCATION
ARCHITECTURE
Bien dans mon École, à l’aise
Les écoliers et les collégiens ont participé activement à des activités éducatives et créatrices
qui les ont immergés dans l’univers de l’Architecture et de l’Urbanisme !
Disons-le tout net : l’Architecture est mal connue, parfois
moquée, elle laisse souvent indifférent ou dubitatif...
Aussi le projet d’en faire comprendre les enjeux et
mesurer l’impact sociologique est-il hautement louable.
Et dans ce cas, le mieux n’est-il pas de commencer
jeune ? C’est le projet conjoint du Rectorat d’AixMarseille, du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme
et d’Environnement) des Bouches-du-Rhône, des
Conseils Départemental et Régional de Documentation
Pédagogique (CDDP et CRDP) et de la DRAC (Direction
Régionale des Affaires Culturelles) : il s’agit de
renseigner les jeunes sur l’organisation de leur ville et
celle d’un bâtiment dans leur environnement ; c’est une
priorité de l’Académie d’Aix-Marseille qui s’inscrit dans
le plan de développement de l’éducation artistique et
culturelle avec la participation active des CAUE qui ont
une mission de formation, de sensibilisation et
d’animation culturelle.
Voir ou regarder ?
Le mercredi 14 mai, une rencontre a réuni
professionnels et représentants de l’éducation, de la
culture et de l’architecture donnant la parole aux acteurs
des établissements scolaires qui ont fait part de leurs
initiatives et de leurs expériences.
Marie-Claude Derouet-Besson, maître de conférences,
appartenant à l’Institut National de la Recherche
Pédagogique (INRP) a présenté l’ouvrage Repères
pédagogiques en architecture pour le jeune public (il est
édité par les ministère de la Culture et de l’Éducation,
vous pouvez vous le procurer au CRDP). Il donne des
éléments pour comprendre l’architecture de façon
sensorielle, proposant des exercices pour développer la
perception, appréhender l’espace, les formes, les
matériaux : «Je me situe dans l’espace, je deviens acteur
dans mon cadre bâti, je découvre les matériaux et les
architectes. Ensuite, je peux imaginer et réaliser la
maquette de ma ville rêvée, ou de ma maison ou de mon
école !»
4 établissements : 4 démarches originales !
Imaginer puis réaliser !
Les élèves du CM2 de l’école Benoît Franck (quartier
de Trinquetaille en Arles) ont travaillé avec leur
professeur Françoise Coquet sur le thème : comment
vivre au bord de l’eau ? Le Rhône dans ce cas précis.
Durant 6 demi-journées de 3 heures, et sur les conseils
l’architecte-conseil du CAUE Emmanuel Soulier, les
élèves sont partis de l’étude de leur quartier sur les
bords du fleuve sujets aux inondations, ont travaillé sur
l’œuvre du Corbusier après avoir visité la Cité Radieuse
à Marseille, ont réfléchi à la notion de collectivité, ont
calculé des volumes et des échelles, pour se consacrer
durant
Maquette © Emmanuel Soulier
6 heures en demi groupes à la réalisation de l’étonnante
maquette de 2 tours sur une île reliée par 2 ponts à
la ville proche, avec petit train, passerelle, utilisation de
l’énergie solaire… ! Et l’on reste époustouflé devant
l’inventivité, la technicité du projet de ces enfants qui
ont si bien su réfléchir à leur environnement !
graphie. Il s’agissait d’étudier leur propre bâtiment
scolaire dans son environnement, les espaces, le
rapport intérieur/extérieur, les perspectives, de
comprendre comment le bâti s’adapte aux régions et
aux lieux. Ensuite il a fallu verbaliser, réfléchir à la notion
de citoyenneté et de socialisation et organiser
l’exposition des travaux pour juin.
Bâtir et habiter
Le projet du nouveau collège de Plan de Cuques a réuni
un professeur d’Arts Plastiques, Françoise Kremer, et
Christine Belliard du CAUE : 28 élèves de 5e se sont
initiés à l’Architecture par l’intermédiaire de la photo-
Regarder la ville
C’est aussi par la photo que Gérard Verdun, professeur
d’Arts Appliqués au lycée professionnel Léonard de
Vinci, a décidé d’intéresser les élèves à l’architecture :
«La photo est un moyen d’appréhender le monde, et
non seulement un résultat, c’est-à-dire un objet-photo.»
Avec la participation d’Erick Gudimard des «Ateliers de
l’image», il montre aux élèves que «la photo permet de
regarder la ville». Sur une semaine bloquée, les élèves
partent à la recherche de la ville «invisible», cadrant,
coupant, grossissant. Cette année l’étude a porté sur le
front de mer à Marseille et le quartier d’Euroméditerranée avec la confrontation des traces du passé, des
bâtiments présents et de ceux du futur. Et ils en ont
découvert des aspects insoupçonnés.
S’approprier
son cadre de vie
Le lycée Victor Hugo de Marseille, situé entre la Fac St
Charles et la gare, subit les désagréments des travaux
de restauration et d’aménagement du quartier
depuis une dizaine d’années. Partant de ce constat,
Nicole Villain, professeur coordinatrice de l’option
Histoire des Arts (voir Zibeline n°7), a décidé de
retourner la situation et de transformer les élèves en
acteurs «éclairés» du changement. Au lieu de subir
poussières et bruits, ils sont partis à la découverte de
leur environnement immédiat, saisissant l’opportunité
d’une situation complexe pour en faire un sujet d’études
qui s’ancre dans un des thèmes du programme : villes
75
dans ma ville… ! Un beau pari !
et utopies au XXe siècle ! Avec l’assistance de l’association de médiation culturelle En italique, ils ont
effectué des promenades en cercles de plus en plus
larges autour du lycée pour étudier les mutations
urbaines. Objectif : participer aux journées du
Patrimoine en septembre et rédiger des fiches pour
Wikimapia, passant ainsi de l’observation à l’étude,
la recherche et enfin l’écriture ; ce travail est actuellement en cours de réalisation.
Ne vous étonnez donc pas si vous rencontrez des
groupes d’adolescents, l’œil dans l’objectif, en
équilibre instable sur une marche d’escalier ou
rampant sur les quais : ils forment leur regard, ils sont
des apprenants actifs !
CAUE 04 96 11 01 20 www.caeu13.org
En italique 06 19 25 80 60 www.enitalique.fr
Les ateliers de l’image 04 91 90 46 76
www.ateliers.image.free.fr
Maquette © Emmanuel Soulier
Prix
Radieuse
L’exposition Quelques architectures
dans les Bouches-du-Rhône est la 1re édition d’un concours
qui privilégie l’innovation
À l’issue des échanges de l’après-midi, le CRDP a
inauguré une exposition de photos d’architectures
contemporaines qui présentent 22 réalisations
architecturales récentes implantées dans notre
département : habitat individuel, habitat collectif ou
équipement public. Respectueuses de la qualité
architecturale, urbaine et paysagère, elles ont été
distinguées parmi 66 candidatures pour l’organisation
du Grand prix départemental de l’architecture, de
l’aménagement urbain et paysager, initié par le
CAUE des Bouches-du-Rhône. Chacune des
constructions est présentée à travers les photographies
d’Olivier Amsellem et accompagnée d’un court texte des
architectes.
Olivier Amsellem, lauréat du Festival International de
Photographies de Hyères en 1998, développe depuis
plusieurs années un travail sur le paysage urbain. Il
photographie avec soin et précision bâtiments, maisons
individuelles, gymnases, bibliothèques : 22 œuvres
d’architecture contemporaine de 13 communes. Ses
photos captent merveilleusement la lumière sur le béton
ou le verre, mettant en valeur les volumes, laissant
toutes leur chance aux formes. À voir !
C.B.
Jusqu’au 27 juin
CRDP – 31 Bd d’Athènes – 13001
04 91 14 13 87
Catalogue de l’exposition disponible au CRDP
La librairie Imbernon a lancé un ouvrage sur Le Corbusier
en présence de ses auteurs, Robert Dulau et Pascal
Mory, le mercredi 21 mai. Ce livre retrace les étapes de
la reconstitution en grandeur réelle d’un appartement
de la Cité Radieuse de Le Corbusier par des élèves de
lycées professionnels de la région Ile de France pour la
Cité de l’Architecture et du Patrimoine au Palais de
Chaillot.
C.B.
Maison de retraite de Noves © X-D.R
Le Corbusier: expérience et réalisation
pédagogique - Echelle 1
Robert Dulau et Pascal Mory
Édition bilingue – 2008 (39 euros)
Librairie Imbernon
3ème étage de la Cité Radieuse
04 91 22 56 84
www.editionsimbernon.com
76
ÉDUCATION
ENSDM | FNTCA
Les écoles dansent
Classe d’insertion professionnelle © Agnès Mellon
Depuis 3 ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée de
Frédéric Flamand à la direction du Ballet
National de Marseille, l’école ouvre largement
ses portes au public marseillais. Pour sa plus
grande joie !
Frédéric Flamand a lui-même déclaré
que la programmation du mois de mai
avait la forme d’un «premier bilan».
Outre les deux programmes présentés
à l’Opéra (voir numéro 8) les démonstrations de l’école permettaient de juger
du travail et de la progression pédagogique dans les enseignements.
La première partie présentait les
danses des plus jeunes aux corps
graciles et émouvants dans un ensemble
impeccable, les classes de garçons qui
bénéficient d’un enseignement spécifique des sauts et des pirouettes ;
venaient ensuite les danses traditionnelles et baroques : comme toujours la
qualité de l’interprétation fut irréprochable, avec le côté conventionnel et
figé de ce type d’exercice... Daphnis et
Chloé et surtout les danses d’Isadora
Duncan avaient un certain charme,
tout en suspension et retenue, une
écriture des bras étonnante, et des
jeunes femmes aux cheveux lâchés et
aux pieds nus.
Après le 2e entracte, le public s’est malheureusement fait plus rare : parents et
enfants étaient fatigués et beaucoup
sont partis. Quel dommage ! Le 3e volet
arrivait trop tard, et les créations des
danseuses de la Classe d’Insertion
Professionnelle (CIP) et de l’Atelier
de danse contemporaine étaient
vraiment intéressantes par leur liberté,
leur sensibilité et une modernité
rafraîchissantes !
Exporter l’enseignement...
Avec son programme Entrez dans la
danse ! le BNM va à la rencontre des
scolaires dans les quartiers. Un travail
de sensibilisation à la danse a été mené
plusieurs fois dans l’année avec le
Centre de loisirs Agora (la Busserine).
Il ne s’agit pas d’apprendre à danser à
ces enfants qui viennent au Centre le
mercredi et à leurs heures de liberté,
mais de les mettre à l’aise dans leur
corps. Agnès Lascombes, magnifique
interprète du Pas de Deux de Forsythe,
est intervenue pour «faire de ces enfants
des acteurs, qu’ils ne soient pas
passifs !». Mais le Centre Agora n’a pas
de salle spécifique pour la danse et les
séances qui ont eu lieu dans les
studios du BNM ont été plus
productives car les enfants ont apprécié
d’évoluer sur des parquets. Des
exercices d’étirements, des sauts, des
pas chassés sur l’air de Carmen ont eu
un franc succès !
D’autres actions destinées au jeune
public, aux scolaires se sont multipliées
grâce au mécénat et à des liens
resserrés avec l’Education Nationale et
la DRAC. Le lundi 2 juin a rassemblé
les établissements scolaires qui ont
travaillé toute l’année en partenariat
avec le BNM dans les studios. L’école
de Carry le Rouet a présenté un spectacle sur le thème de la vie qui fait
passer du stade bébé à celui de vieillard
avec des textes écrits et dits par des
élèves ; le lycée Perrier a redonné la
belle chorégraphie en noir et blanc primée au Printemps des lycéens 2008 ;
avec le lycée Daumier on revenait au
thème de Narcisse et son miroir avec
un beau travail sur les costumes ; enfin
le lycée Joliot-Curie d’Aubagne s’est
lancé dans une chorégraphie inspirée
librement des ballets vus pendant l’année. Parce que les élèves travaillent la
danse mais voient aussi des spectacles,
dialoguent avec chorégraphes et
danseurs.
Christophe Mély, chargé de communication, confie volontiers : «Le Ballet
donne les mêmes outils et les mêmes
moyens à tous les établissements, mais
ensuite les projets qui réussissent
vraiment sont ceux dans lesquels les
enseignants s’investissent à fond !» Il est
vrai que si l’ on a vu des élèves ravis et
enrichis par l’expérience, on a aussi
croisé des enseignants convaincus et
militants, fatigués mais heureux !
CHRIS BOURGUE
Les auditions pour la CIP
auront lieu le 5 juillet
04 91 32 72 72
www.ballet-de-marseille.com
L’Amateur finit
en beauté et en rires !
La Compagnie Sucrée-Salée d’Istres nous a
régalés d’une pièce comique succulente et
relevée : La nuit des reines de Michel Heim.
Une pièce en alexandrins à notre
époque, ça ne court pas les rues.
C’est même un peu ringard, non ?
Mais lorsqu’il s’agit d’une pièce de
Michel Heim, auteur gay de comédies
musicales et directeur des Caramels
Fous, troupe parisienne travestie talentueuse, ça passe très bien !
L’argument, déjà, est cocasse : la reine
Catherine de Médicis veut que son
fils Henri III épouse Elisabeth, reine
d’Angleterre, surnommée la Reine
Vierge. Or Henri III ne connaît rien aux
femmes, (à part sa relation incestueuse avec Margot, sa soeur
nymphomane) et n’est pas tenté par
le projet. Elisabeth décide de venir se
rendre compte de la situation, déguisée en homme, en compagnie du Duc
de Buckingam, qui est gay. Sur le
conseil de sa sœur, le roi va se faire
passer pour folle alors qu’Elisabeth
semble tentée par Catherine ! Tous se
fourvoient dans une langue gourmande, mélangeant les styles, les
allusions coquines, les anachronismes,
les jeux de mots, sans vulgarité.
La mise en scène de Michel Hulot est
efficace, les costumes bien vus, les
acteurs excellents, tout cela sans décor :
il faudra aller voir à Istres, le 3e weekend d’octobre, leur festival de théâtre
amateur !
C.B.
La Nuit des reines a été joué
le 6 juin au Théâtre de Lenche
dans le cadre des dixièmes
Rencontres de Théâtre Amateur
© X-D.R
TANGO
SOCIÉTÉ
77
Et voilà Marseille capitale du tango pour deux mois : bals, concert, rencontres, exposition photographique,
cinéma, pour la plupart gratuits. Comment Marseille prend-elle en été cette couleur argentine ?
Grâce à une association fédératrice, La Rue du Tango…
Le bonheur de tanguer
La Rue du Tango a débuté en 2005 grâce à la réunion
des énergies et des volontés des associations de
tango de Marseille. Durant les mois de juin et juillet,
chaque vendredi de 20h à minuit, la rue du Théâtre
Français, devant le Théâtre du Gymnase, est investie
par les danseurs. Dès la première édition, la Rue du
Tango a été un grand succès populaire. Le public
s’installe sur les marches ou à l’une des terrasses de
café. Le nombre de danseurs et de spectateurs varie
entre 250 et 500 personnes. Chaque soirée est
confiée à l’une des associations de tango participante. En milieu de soirée, une ou plusieurs
démonstrations sont présentées. Des initiations
gratuites sont proposées.
Festif et vivant, le tango permet de redynamiser
cet espace urbain de l’hypercentre de Marseille,
souvent déserté la nuit. Petit à petit, la Rue du Tango
a développé ses actions en partenariat avec les
institutions culturelles de la ville. Une programmation
de cinéma, concert, exposition permet au public de
découvrir la culture argentine. La Cité de la
Musique ouvre ses portes pour un concert, une
exposition photographique et un documentaire,
l’Alcazar met sa collection de disques de tango à
l’honneur, l’Association Solidarité Provence
Amérique du Sud organise la projection d’une belle
fiction argentine, la librairie Maupetit fait la part
belle aux livres sur le tango, mais aussi aux romans et
essais argentins et Sud Américains. On y trouvera le
livre de Christophe Apprill, Tango, le couple, le bal et
la scène, qui vient de paraître. Ce sociologue,
tanguero marseillais fait partie de l’association.
Au programme
Le jeudi 26 juin à 20h30 à l’Auditorium de la Cité de
la Musique un concert exceptionnel d’Emma Milan,
De Paris à Buenos Aires, avec le duo Trosman/Maguna
(guitare, bandonéon). Cette artiste française s’est
© Peter Niebert 2007/2008
vouée au Tango des années 40. Sa voix restitue un
lien puissant entre les trottoirs ombragés de Buenos
Aires et les pavées mouillés de Paris. Cette chanteuse au timbre épuré se laisse emporter par la
beauté des mots, l’épanchement retenu. Elle a
obtenu le Grand Prix du Disque Charles Cros en
2002.
Et puis venez découvrir un de ces vendredi cette
musique magique que chacun interprète à sa guise,
selon son humeur, avec son (sa) partenaire dans le
désordre organisé de la piste de la «milonga». Car il y
a tout cela et plus encore dans le tango ! Vous ne
l’entendrez peut-être pas se dire avec des mots, mais
observez simplement ces gens qui se lancent, qui
s’élancent, qui dansent et peignent sur le sol des
motifs improvisés…
CATHERINE MANTEL
La Rue du Tango
du 6 juin au 25 juillet
http://laruedutango.fr
Tango, le couple, le bal et la scène
Christophe Apprill
Ed. Autrement, 17 euros
Pourquoi tu l’aimes ?
couteaux, le regard qui harponne... Pourquoi le tango
fascine-t-il tellement ? Serait-ce parce qu’on peut
s’enlacer et jouer à être un homme ou une
© Peter Niebert 2007/2008
On croit savoir ce qu’est le tango… Pour beaucoup,
une musique et une danse surannées quelque part
entre le musette de grand-père et la danse de salon
en concours numéroté, bustes rigides et sourires
figés… Mais non… Ces tangos là ne sont que
caricatures et vieilles lunes.
À la fin du XIXe siècle naissait sur les rives du Rio de
la Plata, dans les quartiers des migrants, une passion
brûlante nommée tango. De l’âge d’or des années
1940 à la formidable renaissance actuelle, après la
dictature, malgré ou à cause des crises économiques
et politiques qui secouent l’Argentine, le tango est
tout à la fois musique, danse et poésie populaire.
Cambrure, talons hauts, jambes effilées comme des
femme, un jeu auquel plus grand monde n’ose se
prêter ouvertement ?
De l’atmosphère fiévreuse des milongas argentines
ou des bals des trottoirs de Rome, Berlin ou Marseille,
à la scène avant-gardiste, des tenants de la musique
à ceux de la danse, des grands classiques au Tango
Nuevo, de Paris à Buenos Aires, de Montevideo à
New York, en escarpins ou en baskets, le tango séduit
aussi parce qu’il correspond à une sensibilité de
notre époque : à la fois chic et populaire, pratique de
la rue et de la scène artistique, culture du monde,
traditionnel et branché…
C.M.
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TRIBUNE LIBRE
Vous avez été nombreux à profiter des offres de nos partenaires,
des livres de La Pensée de Midi, des invitations aux spectacles.
À ce propos, Pierrette et André Ercolano nous écrivent :
«L’accueil dans les lieux est agréable et le fonctionnement rapide s’ajoute au plaisir du spectacle. Ces invitations nous ont permis de passer de bonnes soirées, de faire des découvertes, comme le cycle Bertold
Brecht récemment à la Minoterie.»
Thierry Thieû Niang,
chorégraphe, a réagi à notre édito…
et parlé de son travail
…une odeur particulière en ce mois de mai... pour
une paix civile, dites-vous... en effet !
En réponse à l’édito de mai je voulais dire aussi
l’inquiétude et la vigilance face à toutes les
protestations, les questions et les peurs de la
société tout entière. Dire en qualité de citoyen et
d’artiste toutes les paroles possibles pour
sauvegarder «l’en commun», la place de tout autre
dans notre vie : enfant, femme et homme, personne
âgée, handicapée, immigrée mais aussi journalistes,
artistes, ouvriers, enseignants, travailleurs sociaux,
chercheurs, chômeurs… Être ainsi à l’horizontale,
en rhizome pour accueillir et solliciter dans mes
propres projets la présence de : CEUX-LÀ... proposer
une semaine de travail avec les seniors ; convoquer
enfants et enseignants autour des questions
d’identité, de territoire et d‘échange ; mettre en
relation le geste artistique et celui chaotique de
l’autiste ; travailler les postures et les corps à travers
les textes de Jelinek, de Duras ou encore à travers
l’opéra de Janacek ; rester au présent des présences
heureuses des artistes qui travaillent avec moi; ou
encore des jeunes chanteurs de l’Académie du
festival International d’art lyrique et les enfants des
écoles de Martigues, Crépy en Valois ou ici St Jean
de Cornies… Travailler avec ceux-là, proches et
différents, connus et inconnus... Faire ce grand écart
pour nommer le passage, «l’entre» là où l’on fait,
nomme et danse. C’est là que porte ma voix et mon
désir de danse, en écoute du monde. Car la douceur
du proche nous soulève...
THIERRY THIEÛ NIANG
Nelly Francoul
nous a découverts à Aix :
«Bonjour ! J’ai assisté en mai au Festival de la Mangrove
au Pavillon Noir : magique, un vrai régal ! Cela m’a
permis de découvrir votre magazine, particulièrement
réussi.
C’est le premier magazine que je trouve complet et
intelligent dans ses commentaires.
Merci pour votre travail et celui de votre équipe.
Sincèrement.»
ENVOYEZ VOS REMARQUES ET RÉACTIONS À :
chris.bourgue@wanadoo.fr
Le Festival du Théâtre Amateur
nous a fait part de ses remarques :
«C’est avec un grand plaisir que nous avons découvert un article critique relatif
à notre festival !
Notre rencontre théâtrale concerne des spectacles amateurs et pour cette
(malheureuse ?) raison, les journalistes ne se déplacent pas souvent… amateur
n’est pas toujours lié à la notion d’amateurisme, c’est aussi ce que montre le
papier… merci, cela nous aidera
à continuer à soutenir cette pratique et à l’aider à maintenir
une qualité de travail que nous défendons (en complément
des professionnels et non en opposition).
Chris Bourgue venue à deux reprises (!!) au Théâtre du Gymnase
et à la Minoterie démontre que, contrairement à certains autres journaux,
Zibeline cherche à couvrir le maximum d’événements
et c’est tant mieux !!! Merci !»
CHARLOTTE MAUGER POUR LA FNCTA
Et une habitante d’Istres
(une adhérente ? nous ne savons pas, elle est restée
anonyme…) nous a fait part de son mode de lecture…
et nous la remercions vraiment d’être aussi fidèle !
«Comment je lis Zibeline ?
C’était la question que vous nous posiez il y a quelques mois.
Je voulais y répondre plus vite mais en fait ce n’est pas si simple…
Comment lit-on Zibeline ? D’abord comme une source d’informations,
sur les spectacles qui passent près de chez moi, et plus loin.
Trop loin parfois, et on se met à envier les gens de Toulon ! Puis on se venge en
allant à Nîmes ! Je suis aussi allée au centre d’art contemporain qui est juste à
côté de chez moi, à Istres : je n’y avais jamais mis
les pieds ! Mais je me suis mordu les doigts d’avoir raté le Shakespeare
qui passait juste à côté, à Martigues, et qu’on avait déjà raté
à Avignon cet été.
On est content de lire de vraies critiques même quand on ne partage pas vos
avis… Parce que je vous ai trouvé très durs avec Ariane Ascaride dans Médée
par exemple, et beaucoup trop gentils avec Emanuel Gat…
Zibeline m’amène aussi à acheter des livres : j’ai acheté le dernier livre d’Henry
Bauchau par exemple. Jusque là on m’avait dit que c’était aride, mais j’ai passé
mes préjugés, j’ai acheté… je trouve ça toujours aride, mais j’ai essayé !
En fait Zibeline se lit aussi comme un magazine, surtout les dernières pages. On
sort un peu du magazine régional pour entrer dans une revue d’idées. J’adore les
pages philo, et tous les articles de fond :
sur les écoles, l’histoire, la science… Il manque des pages architecture.
Et des grandes enquêtes, comme vous aviez fait sur les festivals
dans votre premier numéro.
En fait ce journal est double : il vous appâte comme un magazine
d’information gratuit, mais vous le gardez chez vous…
comme une vraie revue !»
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Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
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Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
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20h à 2h
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groupe IAM)
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