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p. 1
MAGAZINE
numéro 55 été 2010
p. 2
exposition
du  septembre
au  novembre 2010
p. 3
Cher lecteur,
Ça devait finir par arriver : le numéro de Magazine
que vous tenez entre les mains est le dernier dans
sa version gratuite.
Heureusement, le prix ne sera pas le seul
à apparaître, il s’accompagnera d’une nouvelle
formule, avec plus de pages, plus de mode
et quelques surprises qu’on vous réserve…
Pourquoi ce changement ?
Pour jouer un tour aux habitudes (les nôtres,
les vôtres) et continuer à faire le même magazine,
mais de manière différente – le lot de la presse,
finalement.
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Neïl Beloufa • Julien Bismuth •Isabelle Cornaro
• Benoît Maire • Mick Peter • Soraya Rhofir
•Ernesto Sartori • Jessica Warboys
Parce qu’on nous reprochait d’ignorer la
province (c’est faux !), par snobisme de surcroît
(absolument pas…).
Parce que nous avons souvent été critiques
envers les images de mode et que nous aimons
nous mettre au pied du mur.
Prenez donc des vacances, nous vous préparons
une bonne raison de rentrer.
PS : Pour le rendez-vous, c’est mi-septembre,
en kiosque, en librairie et même sur un site,
mais nous n’avons pas encore choisi le nom.
édito
p. 5
– p. 8 – Brèves
– p. 52 – Rencontre
Yves est le méchant. Le personnage qui fait que notre fiction
– p. 10 – 5 magazines
Gentlewoman / Foam / Exit / Portfolio / I like my style
de l’actualité peut fonctionner, avec ressorts et renversements.
Yves est trader.
Par Mathias Ohrel
– p. 20 – Biographie
Tous les commissaires actuels se réclament d’Harald Szeemann.
Nous sommes allés regarder quelques points biographiques qui
Exit la minijupe (snif), place au short et donc retour dans les
ont fabriqué cette aura.
années 70, dont nous vient cette géniale inspiration.
par Marlène Van de Casteele
par Florence Tétier
– p. 54 – Mood Board
– p. 22 – Images
– p. 66 – Commissariat
Les images de mode masculine ont une rhétorique connue (le Mâle
Aurélie Voltz est discrète, mais elle fait son chemin dans différentes
ou l’androgyne). Que se passe-t-il quand le couple de photographes
institutions, entre Paris et Berlin. Son approche intuitive provoque
du moment s’y colle avec la campagne Lanvin ?
une singularité dans ses accrochages et des propositions
par Céline Mallet
inattendues.
par Emmanuelle Lequeux
– p. 24 – Interview
Etat des lieux de la photographie avec le commissaire
Hervé Mikaeloff, dans un système où marché, mode et art devaient
Portfolio d’Audrey Corregan & Erik Haberfeld
– p. 60 – Nathalie D.
redéfinir les règles.
par Cédric Saint André Perrin
– p. 72 – Projection
Même si l’individualisme en est la partie visible, c’est la solidarité et
le contrat qui fondent une société. Démonstration.
– p. 28 –Flamboya
par Sylvain Ohrel
Portfolio Viviane Sassen
– p. 38 – Off record
– p. 74 – Points de vue
Bien qu’on passe tout notre temps médiatique à parler d’iPad,
Une exposition de photographie et trois visiteurs qui se croisent
de Kindle, d’e-books, les livres continuent d’être publiés, y compris
sans se voir, mais n’en pensent pas moins.
ceux de photo, dont l’économie reste toujours mystérieuse.
par Rachel Nullans
Le moment d’en évoquer les mécanismes et ressorts, à visage
couvert.
par Angelo Cirimele
Voilà, un magazine des années 30 qui servait l’image.
– p. 76 – Rétrovision
par Pierre Ponant
– p. 42 – Hunting and Fishing
Portfolio de Paul Kooiker
– p. 50 – Design
La maison, rien de plus banal et terre à terre. Et pourtant, elle est
l’enjeu de déplacements symboliques, de mode et de modes de vie,
qu’on pense préempter.
par Pierre Doze
DIGITAL LAB - JANVIER.FR
sommaire
– p. 79 – Agenda
– p. 82 – Adresses
p. 6
p. 7
5 nominés, 1 seul vainqueur
#55
canal +
Prix du Client de l’année 2009
Directeur édiorial
ANGELO CIRIMELE
Directeur artistique de ce numéro
ERIK HABERFELD
AUDREY CORREGAN audreycorregan.com, PAUL KOOIKER paulkooiker.com courtesy Galerie Van Zoetendaal, Amsterdam,
VIVIANE SASSEN vivianesassen.com
Photographies
PIERRE DOZE, EMMANUELLE LEQUEUX, CÉLINE MALLET, RACHEL NULLANS,
MATHIAS OHREL, SYLVAIN OHREL, PIERRE PONANT, CÉDRIC SAINT ANDRÉ PERRIN,
Contributeurs
FLORENCE TÉTIER, MARLÈNE VAN DE CASTEELE
Traduction
KATE VAN DEN BOOGERT
Design original
YORGO TLOUPAS
Couverture
PAUL KOOIKER
SUISSE SANS ET SUISSE TEXT — BP FOUNDRY bpfoundry.com, LYDIAN BT bitstream.com
Typographie
Remerciements
MAXIME BUECHI, PATRICIA DOUKAN, NATHALIE DUBUISSON, FUNNY BONES, SYLVAIN FOULON
Secrétaire de rédaction
ANAÏS CHOURIN
Imprimeur
SIO-94120 FONTENAY-SOUS-BOIS
Editeur
ANGELO CIRIMELE
Email
MAGAZINEMAGAZINE@GMAIL.COM
Correspondance
ACP 32, BD DE STRASBOURG 75010 PARIS, +33 (0) 616 399 242
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ACP – Magazine 32, boulevard de Strasbourg 75010 Paris
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Le Club des Directeurs Artistiques remet pour la première fois le Prix du Client
de l’année. Les nominés étaient Canal +, Louis Vuitton Malletier, Sécurité
Routière, Sonia Rykiel pour H&M, TF1.
Merci à tous les clients audacieux, innovants, volontaires...
p. 8
Dans la série « les top models
sont aussi des designers »,
Natalia Vodianova, qui
dessinait déjà sa ligne
de lingerie pour Etam, va
cette fois collaborer avec
le diamantaire De Beers
pour une collection prévue
pour cet été. De son côté,
Audrey Marnay dessinera une
collection printemps-été pour
Claudie Pierlot, en 2011.
In the series ‘top models
are designers too’, Natalia
Vodianova, who already has a
lingerie collection with Etam,
will collaborate with De Beers
diamonds, for a collection out
this summer. And Audrey Marnay
is to design a summer collection
for Claudie Pierlot in 2011.
Le quotidien payant de Bolloré
devrait paraître en juin.
Bolloré’s newsstand daily should
be out in June.
Une rétrospective Tsumori
Chisato serait en préparation,
pour fêter les 20 ans de la
marque, dans un lieu qui
ne serait pas encore défini.
A Tsumori Chisato retropective is
in the pipeline, to celebrate the
brand’s 20th birthday, in a venue
that has yet to be confirmed.
Le festival de l’affiche
de Chaumont (du 31 mai
au 30 juin) accueillera une
exposition de H5 avec
la projection du film
Logorama, mais aussi
un cimetière de logos, tombés
sur le front de la guerre
économique.
The Chaumont poster and
graphic design festival
(31 May-30 June) will include
an exhibition by French
design collective H5 featuring
a projection of their film
Logorama, but also a cemetery
of logos, fallen on the front of
the economic crisis.
La cité de la mode de
Marseille a inauguré une
Maison de la création, qui
accueillera les 7 lauréats
d’un concours ouvert aux
jeunes créateurs des pays
méditerranéens, pour
les accompagner dans
les différentes étapes de la
création d’une collection.
Infos sur citemedmode.com
Marseille’s fashion institution has
opened a ‘Maison de la Création’,
which will welcome 7 winners
of a competition open to young
designers from Mediterranean
countries, in order to accompany
them through the different
stages of the creation of a
collection. More information on
citemedmode.com
Maintenant que tous les
journaux papier ont leur site
Internet, c’est au tour des
sites de penser à leur version
papier : après la tentative
chaotique de Bakchich et
les incursions de Mediapart,
c’est Rue89 qui va lancer son
mensuel Revue89, dès juin.
Now that all newspapers have
their website, it’s the turn of
websites to reflect on a paper
version: after the chaotic
attempts by Bakchich, and the
incursions from Mediapart,
Rue89 are launching the monthly
Revue89, from June.
2010 semble placée sous le
signe de la grande conso pour
Karl Lagerfeld, qui enchaîne
les collaborations : après
le design de la bouteille de
Coca Cola Light, c’est pour
Optic 2000 qu’il dessine une
ligne de lunettes (solaires et
optiques), disponible dès juin.
2010 is a mass market year for
Karl Lagerfeld who is ratcheting
up collaborations: following the
design of the Coca Cola Light
bottle, he’s now designing a
collection of glasses (sun and
corrective) for Optic 2000,
available from June.
Un livre consacré aux
photographes Inez van
Lamsweerde et Vinnodh
Matadin paraîtra à la rentrée
(Steidl).
A monograph on photographers
Inez van Lamsweerde and
Vinnodh Matadin will be
published in September (Steidl).
p. 9
Alors qu’il a été nommé à
la tête du musée Galliera,
Olivier Saillard prendra son
temps pour élaborer sa
programmation : première
exposition attendue en 2012. Though he has already been
elected director of the Musée
Galliera, Olivier Saillard is
taking his time developing his
programme: the first exhibition is
expected for 2012.
Un nouveau festival de
photographie verra le
jour à Deauville début
novembre : « Planches
contact » présentera une
exposition de Lise Sarfatai
et de Charles Fréger, ainsi
qu’une commande sur la ville,
passée à 5 étudiants de l’Ecal
(Lausanne).
A new photography festival
is launching in Deauville
at the start of November:
‘Planches Contact’ will present
an exhibition by Lise Sarfatai
and Charles Fréger, as well as
a municipal commission to
5 students from ECAL (Lausanne).
Après Martin Margiela, c’est
Jean-Paul Gaultier qui va
aménager la suite Elle Déco
de la Cité de l’architecture.
À l’opposé du rush des
collections semestrielles, c’est
un projet qui s’inscrit dans le
temps : jusqu’en octobre 2011 !
Following Martin Margiela, JeanPaul Gaultier is to decorate the
Elle Déco suite at the Cité de
l’Architecture. In contradiction
to the rush of the twice-yearly
collections, the project will
continue until October 2011!
Le nouveau DA de Télérama
est Loran Stosskopf (DA de
Magazine #39). Premières
inflexions graphiques
attendues à la rentrée.
Télérama’s new Artistic Director
is Loran Stosskopf (AD of
Magazine #39). First graphic
inflections are expected for
September.
Après des passages par
Jalouse puis DS, Elisabeth
Lazaroo arrive à Paris Match,
en charge de la rubrique
Style de vie.
After stints at Jalouse then
DS, Elisabeth Lazaroo joins
Paris Match, in charge of the Life
style section.
On pourra découvrir (et
acquérir) près de 200 dessins
de Sonia Rykiel à la galerie
Catherine Houart (6e),
du 4 juin au 24 juillet, alors
qu’une nouvelle ligne Rykiel
sera dessinée pour H&M
et également commercialisée
en juin.
One can discover (and buy)
almost 200 drawings by Sonia
Rykiel at the Catherine Houart
gallery (6th), from 4 June-24 July,
while a new Rykiel line from
H&M will also be on sale in June.
Suivant l’exemple de
Fantastic Man, qui a proposé
une déclinaison féminine avec
The Gentlewoman, Fairy Tale
vient de publier Madame Fairy
Tale. Infos sur vier5.de
Following the example of
Fantastic Man, which proposed a
version for women readers with
The Gentlewoman, Fairy Tale has
just published Madame Fairy Tale.
More information on vier5.de
Après avoir mis fin à leur
aventure sous forme
de magazine, les éditeurs
finlandais de Kasino A4
reviennent avec un livre :
Kasino Creative Annual,
ouvrage thématique (premier
numéro sur les cheveux…).
Infos sur wearekasino.com
After having ended their
adventure in magazine form,
the Finnish editors of Kasino A4
are back with a book: Kasino
Creative Annual, a thematic
publication (first issue
on hair…). More information on
wearekasino.com
Le logo de Marithé+François
Girbaud ferait l’objet d’un
lifting ; à voir dans les visuels
de la prochaine campagne.
Marithé+François Girbaud’s logo
is getting a makeover; the new
version will be visible in the next
campaign.
Le bureau de style Nelly Rodi
présentera fin juin une
installation dans le pavillon
Paris Ile–de-France
de l’exposition universelle
de Shanghai et organisera
le 8 juillet une journée
de l’innovation à l’Ecole
du Louvre.
Trend agency Nelly Rodi will
present an installation in the
Paris Ile-de-France pavilion
at Shanghai’s world expo in
late June, and will organise an
‘innovation day’ at the Ecole du
Louvre on the 8 July.
Le Renard, nouveau lieu
parisien et nocturne a
été récemment inauguré.
Ancien cabaret art déco, ce
restaurant karaoké a le mérite
de ne pas fermer ses portes
avant 5 heures et d’être
central : 12, rue du Renard (4e).
A new Parisian nightspot
Le Renard has recently opened.
Formerly an Art Deco cabaret,
this karaoke restaurant has
the advantage of staying open
till 5am and a central location:
12, rue du Renard (4th).
La prochaine édition du
festival Evento à Bordeaux
sera confiée au commissaire
italien Michelangelo Pistoletto.
Rendez-vous à l’automne 2011.
The next edition of the Evento
Festival in Bordeaux will be
headed by Italian curator
Michelangelo Pistoletto. See you
there in autumn 2011.
Un nouveau catwalk a fait son
apparition en mai : le tapis
rouge de Cannes. On a pu
voir pour la première fois
des modèles de robes Gucci
plus proches de la couture
que du prêt-à-porter. Le
phénomène donnera lieu à
une ligne « Gucci Première »,
pour laquelle aucun défilé
n’est prévu, puisque la presse
reprend si largement les
images de la montée des
marches…
Le calendrier Pirelli 2011
sera photographié par
Karl Lagerfeld.
The Pirelli calendar 2011 will
be shot by Karl Lagerfeld.
A new catwalk appeared in May:
the red carpet in Cannes. Gucci
dresses closer to couture than to
prêt-à-porter appeared there for
the first time. The phenomenon
has produced a new line ‘Gucci
Première’, for which no catwalk
presentation is planned, since
the red carpet receives such wide
press coverage anyway…
C’est le 28 juin que sera
connu le (riche) lauréat de
l’Andam, dont la bourse
s’élève à 220 000 euros.
Le choix sera opéré sous
le haut patronage de Carine
Roitfeld et Renzo Rosso,
entre autres…
The (wealthy) winner of the
Andam Prize, with its purse
of 220,000 euros, will be
announced on 28 June. The
selection will be made under the
patronage of Carine Roitfeld and
Renzo Rosso, amongst others…
Une nouvelle biennale va voir
le jour à Dublin en juin 2011.
Quatre commissaires :
Christine Macel, Hans Ulrich
Obrist, Okwui Enwezor et
Rachel Thomas, pour une
édition consacrée au silence.
A new biennale will open in
Dublin in June 2011. Four
curators: Christine Macel, Hans
Ulrich Obrist, Okwui Enwezor
and Rachel Thomas, and an
edition dedicated to silence.
Le Détail en typographie,
de Jost Hochuli, est le
premier d’une série de
textes consacrés au design
graphique que les éditions
B42 vont publier. Infos sur
editions-b42.com
Le Détail en typographie, by
Jost Hochuli, is the first in a
series of texts dedicated to
graphic design that the Editions
B42 are soon to publish. More
information on editions-b42.com
Après le rachat de l’agence
Art + Commerce, l’agent
de mannequins IMG devient
le partenaire privilégié des
« Paris Fashion Days »,
un salon organisé par Prêt A
Porter Paris et qui se tiendra
au Palais Brongniart
(la Bourse) les 4 et 5 juillet.
After buying the agency
Art + Commerce, the modeling
agency IMG is to be the exclusive
partner of ‘Paris Fashion Days’,
a trade fair organised by Prêt A
Porter Paris, and which will take
place at the Palais Brongniart
(the Bourse) on 4-5 July.
Le Jeu de Paume publie
son magazine en ligne,
essentiellement constitué de
prolongements des diverses
activités du lieu.
jeudepaume.org/lemagazine
The Jeu de Paume is publishing
an online magazine, essentially
composed of extensions of the
museum’s diverse activities.
jeudepaume.org/lemagazine
Bice Curiger, la curatrice
zurichoise et éditrice de
Parkett, sera la commissaire
de la prochaine biennale
d’art de Venise (2011), où la
France sera représentée
par Christian Boltanski
sous un commissariat de
Jean-Hubert Martin.
Bice Curiger, the Zurich curator
and editor of Parkett, is the
curator of the next Venice
Biennale (2011), where Christian
Boltanski will represent France
under the curatorship of JeanHubert Martin.
La manifestation
« Monumenta » pourrait se
doter d’un directeur artistique
et quitter le Grand Palais.
‘Monumenta’ may take on an
artistic director and quit the
Grand Palais.
I Heart Magazine est un
nouveau trimestriel dont
le concept est d’envoyer
dans une ville rédacteurs et
photographes pour y réaliser
le contenu du numéro.
Première escale : Austin
(Texas). Le projet est porté
par Eleonore Klar (ex-Modzik)
et Bastien Coulon. Rendezvous en kiosque fin juin.
brèves
I Heart Magazine is a new
concept magazine (trimestrial)
which sends its journalists and
photographers to a different city
to produce the content for each
issue. First stop: Austin (Texas).
Eleonore Klar (ex-Modzik)
and Bastien Coulon are behind
the project, on newstands in
June.
Rappel de quelques
mouvements : Martin
Bethenod a quitté la Fiac
pour le Palazzo Grassi et
la vénitienne pointe de la
Douane, laissant la direction
de la foire à Jennifer Flay ;
Stefano Tonchi a quitté T, le
supplément style du New York
Times, pour la rédaction en
chef de W, dont les équipes
devraient être renouvelées.
Reminder of a few changes: Martin
Bethenod has left the FIAC for the
Palazzo Grassi in Venice, leaving
the direction of the fair to Jennifer
Flay; Stefano Tonchi has left T, the
New York Times’ style supplement,
for editorship of W; expect the
editorial teams to change at both
publications.
Le municipal musée
Carnavalet proposera en
octobre une exposition sur
l’histoire de la maison et de
la famille Vuitton : malles,
bagages et joie du voyage…
In October, the municipal
museum the Carnavalet will
present an exhibition on the
history of Vuitton, the brand and
the family: trunks, bags and the
joy of travel…
Une boutique éphémère
Carven sera installée chez
Didier Ludot, dans les jardins
du Palais Royal, du 6 juillet au
31 août.
A pop-up Carven store will set up
in Didier Ludot, in the gardens
of the Palais Royal, from 6 July31 August.
p. 10
The Gentlewoman
p. 11
– Fantastic Man faisant l’interview d’Amanda Lear faisait preuve
d’humour et d’à-propos –, et la succession des sections cherche la
démonstration. Les textes sont intéressants sans être renversants ;
C’est peut-être un cadeau empoisonné que de se voir proposer
dommage, car la médiocrité des propositions sur ce segment de
de créer le pendant féminin de Fantastic Man – référence de
presse nous avait fait attendre un peu plus d’audace. Côté forme,
ces cinq dernières années dans la presse de style. Pourtant, le
des idées brillantes donnent du souffle à ce premier numéro : la
layout est toujours élégant, avec une idée de cadre virtuel en typo
série « Cruising » rassemble des portraits serrés, au téléobjectif, de
(rubrique, titre, folio), le noir et blanc est toujours bien représenté,
femmes se retournant ; une collection de chignons en noir et blanc ;
même si le papier mat a fait place au satin. Mais une entêtante
des natures mortes délicates et précises. Deux autres sections
sensation de sécheresse se dégage de The Gentlewoman,
attirent aussi l’attention : « Several referencies », un cahier de notes
confirmée par une série mode en salle de musculation des plus
de 8 pages fonctionnant comme un commentaire du magazine, et
glaçante. Selon le même principe que son prédécesseur masculin,
« Tips », 3 pages de texte dans lesquelles des people livrent une
The Gentlewoman est une galerie de femmes remarquables :
idée de cadeau. Il est intéressant de noter que ces deux sections
Phoebe Philo, Jenny Holzer, Kazuyo Sejima (curatrice de la
de textes courts se trouvent en milieu et fin de magazine et non
prochaine biennale d’architecture de Venise) et bien d’autres. Mais
plus au début, jouant le rôle d’apéritif, signifiant que le rythme des
l’absence caractérisée d’hommes dans le paysage n’apporte rien
magazines (semestriels au moins) est en train de changer.
Angleterre, semestriel, 144 p., nº 1,
230 x 300 mm, 7,50 euros.
Editor in chief: Penny Martin
Creative director: Jop Van Bennekom
Fashion director: Jonathan Kaye
Associate editor: Gert Jonkers
Publisher: Top Publishers.
thegentlewoman.com
Extrait
Princess Julia has been out every night for the past 34 years
The beloved mother of London’s underground, Princess Julia has moved seamlessly
through every important scene since punk, witnessing every high and low. Julia is a
DJ of a rather uplifting nature who knows just how to entertain a dance floor with
her fun, unselfconscious sets. She is also the co-editor of her own music fanzine,
The P.i.X, an innovative monthly freesheet that folds out into a poster. But Julia’s
role in the demimonde is much broader than all this. Fantastically good company,
she constantly encourages and nurtures those who wish to follow her very individual
example, maintaining a curiosity for new talent and for those who aspire to be
something other than the norm. Julia is an extraordinary raconteur who knows how
to wield a loaded pause to devastating effect, and she has recently taken to the
stage and started spoken-word performances. In fact, her life story is so hysterical
that there is a talk of it being made into a musical. A classic of her own design,
Julia is never without a fully made-up face. My first memory of Princess Julia is
at a Buzzcocks gig at the Lyceum of the Strand, maybe late ’77 or early ’78. I was
standing with Tracie O’Keefe and Debbie Wilson from Seditionaries when Julia
walked past. The notoriously scrappy Tracie aimed a kick at her arse. I figured it was
something to do with London’s punk hierarchy. The Seditionaries girls were queen
bees, Julia was an arriviste. Or maybe not. Turns out she was best friends with Kiki,
who was going out with Paul Cook, the Sex Pistol’s drummer. Anyway, Julia clearly
irritated Tracie, so she stood out for that. […] Tim Blanks, p. 95
p. 12
Foam
p. 13
En tout huit portfolios, qui sont autant d’acceptions du même thème.
La photographie de Foam n’est pas celle de l’actualité, au sens des
magazines des années 70 et de ses grands reporters, mais son
Quand un musée projette de publier un magazine, le contenu
approche ouvre des fenêtres sur la contemporanéité, faisant le
semble tout trouvé : les expositions que propose le lieu,
pari que seules de nouvelles formes et écritures photographiques
agrémentées de textes critiques. C’est cette formule qu’avait
pourront rendre la complexité du monde présent et encore
choisie Foam, le musée de la photographie d’Amsterdam, mais
indéchiffré. Foam aime aussi les jeunes (photographes) et propose
il l’a abandonnée dès le 3e numéro. Depuis, le magazine est un
un concours annuel dont les lauréats seront ensuite publiés
espace en soi, pensé de manière curatoriale, comme un espace
dans le numéro « Talents ». Conçu à Amsterdam, le magazine
en deux dimensions – la publication n’étant pas la plus mauvaise
n’oublie pas d’être aussi un objet, alternant les papiers au gré des
manière de montrer la photographie –, réunissant autour d’un
portfolios. Choix éditorial ou pure fantaisie ? Un peu des deux, plus
thème propositions photographiques et textes critiques. Dans ce
un deal avec un papetier qui comprend la mention des différents
22 numéro, le thème « Peeping » (ou Epier) combine des captures
papiers utilisés, constituant ainsi la page la plus regardée par les
d’écran du site Google Maps, figurant aussi des passants (et
graphistes… Encore une idée de publicitaire ? Absolument, car c’est
reposant la question : qui est le photographe ?), des images de la
une joint venture entre Vandejong, une agence de pub, et le musée
police secrète tchèque, d’autres de soldats américains endormis…
Foam, qui a mis au point le magazine. Sinon, en France, il y a De l’air
e
et Polka – mais c’est parce qu’on aime trop les années 70…
Pays-Bas, trimestriel, 220 p., nº 22,
230 x 300 mm, 17,50 euros.
Editor in chief: Marloes Krijnen
Editorial adviser: Kathy Ryan
Creative director: Pjotr de Jong
Editors: Marcel Feil, Pjotr de Jong,
Marloes Krijnen, Sara Despres
Publisher: Foam magazine.
foammagazine.nl
Extrait
Olga Sviblova on Rebuilding a National Identity
A philosophy and psychology graduate, Moscow-born Olga Sviblova, became the
Director of the Moscow House of Photography in 1996. She organizes numerous
photography shows at the House every year and has established an ever-growing
archive of Russian photo art that now contains over 80,000 original prints
and negatives. Sviblova has curated countless shows including the Rodchenko
exhibition at the Hayward Gallery in 2008 (on view at Foam Fotografiemuseum
in Amsterdam until 17 March) and has organized the international festivals
Photobiennale and Fashion and Style in Photography in Moscow every two
years since 1996. The Rodchenko Moscow School of Photography and Media
Arts, which was launched in 2006 was her brainchild. In June 2010 the Moscow
House of Photography will be moving to a new location – an 8,500 square metre
building on Ostozhenka Street in the centre of Moscow.
—You studied philosophy and psychology and were a street sweeper for a
few years in your twenties; now you are the director of the Moscow House of
Photography. Quite a path – when did you first get interested in photography?
—I’ve been involved with Russian underground artists since 1982-83. I was a
curator to begin with and then made two documentary films. The first one was
about Konstantin Melnikov, a Russian architect, in 1986.
[…] Anne-Céline Jaeger, p. 22
p. 14
p. 15
ou même Frédéric Chaubin esquissent la richesse du thème et
Exit
l’évolution des enjeux de sa représentation. Quelques essais
viennent nourrir la réflexion et ont la bonne idée de livrer une
Exit a aussi choisi le principe thématique pour rassembler de
version anglaise en plus de l’espagnole. Basée à Madrid, Exit est
(longs) portfolios de photographie contemporaine. D’une approche
une revue internationale tant par le choix de ses contributeurs que
plus classique et peut-être plus universitaire qu’audacieuse
par son comité scientifique. Grâce à quelques subventions (comme
éditorialement, Exit n’en demeure pas moins une publication
chaque magazine de photo), Exit paraît deux fois par an, depuis
à retenir. Exemple avec ce deuxième numéro consacré à
près de vingt ans, et publie aussi des livres.
l’architecture, cette fois à travers le regard des artistes. Le
magazine en fait l’occasion de problématiser ce point de rencontre
entre photographie et architecture : la taille du représenté, de
l’objectivité au motif, de la maquette au bâtiment… les approches
aussi variées que celles de Gabriele Basilico, Thomas Demand
Espagne, semestriel, 192 p., nº 37,
210 x 260 mm, 27,45 euros.
Editor: Rosa Olivares
External editor: Sergio Rubira
Advisory committee: Celia Diez Huertas,
Marta Gili, Felipe Hernandez Cava,
Martha Langford,
Alberto Sanchez Balmisa,
Urs Stahel, Paul Wombell
Publisher: Olivares & associates.
exitmedia.net
Extrait
Media as modern architecture
Thomas Demand sees the media as architecture, in his words “as a vast landscape,
a virtual domain with its cities of scandals, its towers of superstars, and its marsh
of murders.” This may explain why he builds it, why he takes images from the
world of the media – photographs of crime sites, most notably – and builds them
as full-scale constructions in paper and cardboard, strong enough to stay up only
until the photograph is taken, after which he destroys the original model. The
new photographs join the media world that originated them. A forensic image
of the German politician Uwe Barschel, found dead, fully dressed, in the bathtub
of a hotel in Geneva and published on the cover of Der Stern in 1987, becomes
Demand’s photograph Badezimmer of 1997; the hallway leading to serial killer
Jeffrey Dahmer’s apartment in Milwaukee becomes Flur (1995); the tunnel in Paris
where Princess Diana and Dodi Al-Fayed were killed in 1997, which was repeatedly
photographed and televised worldwide, becomes the site for Tunnel (1999), a
two-minute 35-millimeter film loop; a security-camera image of an escalator in
London that was passed by muggers before they committed a murder becomes
Rolltreppe (2000); a press photograph of the presidential election recount in Palm
Beach Country, Florida, on the 16th of November 2000, becomes the photograph
Auszählung (2001); the kitchen in Saddam Hussein’s hideaway house in Tikrit, Iraq,
becomes Küche (2004); and so on. […] Beatriz Colomina, p. 128
p. 16
Portfolio
p. 17
ou de la publicité. Pour fêter ce cinquantième opus, Portfolio
demande à autant de photographes une double page de leurs
plus récents travaux, ce qui donne lieu à un tour d’horizon créatif
En l’espace de vingt ans, la pratique, la fonction et l’impact social
(et insulaire), sur un papier parfaitement imprimé. Quelques
de la photographie ont considérablement évolué. De la presse
textes critiques offrent une perspective à l’histoire récente,
papier à Internet, du reportage à la mode, de l’argentique au
notamment trois lectures de la même exposition charnière « Three
numérique… ce 50 e numéro de Portfolio vise à faire le point. Publié
Perspectives on Photography: Recent British Photography »,
à Edimbourg, c’est avant tout le magazine de la photographie
qui a eu lieu en 1979 à Londres. Dans son approche assez
britannique, qu’elle appartienne à la famille de l’art, du reportage
classique, Portfolio rappelle que si les images sont peut-être le
bien qui circule le plus aisément aujourd’hui, c’est l’ancrage des
Ecosse, semestriel, 128 p., nº 50,
245 x 295 mm, 16,75 euros.
Editor: Gloria Chalmers
Design: Patricia Bartie
Publisher: Portfolio Photography
Workshop.
portfoliocatalogue.com
Extrait
Changing Perspectives
Thirty years ago, London’s Hayward Gallery held its first survey show of British
photography. Entitled ‘Three Perspectives on Photography’, it brought together
work of a broad and diverse nature and, although not the first major photography
show at the gallery, it was the first to provide an overview of contemporary British
photographic practice. It was 1979, a year of significant political and social
change. The USA and China had re-established full diplomatic relations, whilst
John Paul II visited his native Poland becoming the first Pope to visit a Communist
country. In Cambodia the murderous regime of Pol Pot and his ‘killing fields’ came
to an end. Ayatollah Khomeini seized power in Iran. Egypt’s President Sadat and
Israel’s Prime Minister begin signed a peace treaty. Idi Amin fled Uganda. A blackled government took power in the former Rhodesia, and the Sandinistas assumed
control in Nicaragua, whilst Margaret Thatcher was elected Britain’s first woman
Prime Minister. In Iraq, Saddam Hussein became President and in Iran the hostage
crisis began. It was a watershed period, a time of transition. The generation
raised in the 1960s was now able not just to react to the dominant culture but
to begin to shape it from within, particularly in media and the arts. And whilst
the Hayward show may pale in significance against such a maelstrom of world
events, it was an interesting and important marker of the transitional state and
status of photography within British visual culture. It confirmed that a point has
been reached, a stopping-off point on a journey – not a destination. The show’s
disparate content was strongly indicative of the shifts within British society
which had fed through into the cultural agenda during the decade. Photography
was already showing itself as an art form that could respond effectively at both
aesthetic and issue-based levels. And the way in which it was being created and
critiqued was in the process of change. Paul Hill, one of the show’s curators,
has described the response: “Because of its diverse perspectives – political and
artistic – it did leave its mark on those who regarded the medium’s plurality as
its greatest asset…” […] Dewi Lewis, p. 112
photographes dans une réalité (locale, donc) qui leur procurera un
regard singulier.
p. 18
I like my style
p. 19
avec un appareil photo numérique, un peu de temps et une envie
de partager sa passion du style. Le process est très participatif
(chaque contribution est signée d’un username, qu’on peut donc
Depuis quelques mois, les signes avant-coureurs du mouvement
retrouver sur le réseau) et le résultat, foisonnant. Ça aurait pu
« les people, ça commence à bien faire » se sont déjà manifestés à
ressembler à un bric-à-brac, mais Alex Wiederin a dû mettre un
travers quelques magazines (comme Pop) et autant de campagnes
peu d’ordre et probablement organiser la fantaisie des typos. Donc,
de publicité (comme Céline), comme exposé dans Magazine no 54.
beaucoup de spontanéité, pas mal de textes, mais surtout l’opposé
Et I like my style vient apporter sa pierre à l’édifice. Passé le titre,
du glamour fabriqué au kilomètre par les Vogue et autre Bazaar.
fier et autoréférent, un « this could be you ! » trône au centre de la
On avait failli oublier que la rue pouvait être créative, quelque
couverture et donne le ton. Ce trimestriel de 260 pages fonctionne
part entre Balenciaga et H&M. Soyons précis : il ne s’agit pas de
comme une série de collections : des looks urbains, des hobbies,
la version trimestrielle d’un énième Sartorialist ou Facehunter,
des critiques (de séries mode !) et pas mal de mots. Serait-on
qui traquent les silhouettes les plus lookées au sortir des défilés,
revenu au ID des années 80, qui descendait dans la rue Nikon en
mais bien des gens qui s’habillent avec un certain soin, sans être
main pour documenter l’inventivité des jeunes londoniens ? Pas
fashion victims pour autant. Un dernier twist : I like my style va de la
exactement, mais ça en a le goût et en est probablement la version
nouvelle technologie (le blog) vers l’ancienne (le papier) ; le résultat
moderne. I like my style est avant tout un « réseau », c’est-à-dire un
est surprenant et risque de faire vieillir pas mal de publications, si
blog alimenté par moult… comment dire… gens comme vous et moi,
le mix fraîcheur + information reste à ce niveau.
Allemagne, trimestriel, 264 p., nº 1,
165 x 240 mm, 12 euros.
Editors in chief: Eva Munz,
Adriano Sack
Art director: Judith Banham,
Middlecott design
Creative toublemaker: Alex Wiederin
Publisher: Ilikemystyle.
ilikemystyle.net
Extrait
My boyfriend’s wardrobe
Oslo, Saturday, January 30 , 2010, 8:30am
I am sitting in the business class lounge in the Oslo airport waiting for my flight
back to New York and emailing my boyfriend, Mark Jan Krayenhoff van de Leur, who is quite definitely still asleep in our Chelsea apartment. It is just about this time
that the clubs in west Chelsea get out, and no doubt there are some loud drunken
vocalizations in the street that will cause him to stir in his sleep and will perhaps
wake him completely. I imagine him sitting up on the edge of the bed, naked, and
it is in this state-undressed and groggy, with his long white beard feathering down
his chest-that he lends himself to this, my tale of his very particular approach to
fashion. I first read Roland Barthes’ Système de la mode circa 1972 in French, as
it had not yet been translated into English, and I have to say it was the title that
excited me more than the length book itself. It’s a title that is ideally suited to Mark
and his relation to his clothes. Mark has two seasons: summer and winter;
and two forms: office and casual. There are no items ofclothing that coexist between
business and casual, although there is the occasional piece of clothing shared by
winter and summer. It is the office attire that most concerns me here. An outfit is
like a sentence, perhaps even a paragraph. It is constructed from a suit and a shirt,
punctuated by a tie and shoes, and joined by belt and socks. Summer consists of
eight suits and winter consists of eighteen. […] AA Bronson, p. 52
Texte, Marlène Van de Casteele
p. 20
Harald
Szeemann
1933 – Naissance à Berne.
1953 – Etudiant dilettante à Berne puis à Paris, il ne sait que
choisir entre la musique, la littérature, l’archéologie, le journalisme,
la pataphysique et le théâtre — « J’ai fait le minimum, quoi ! »
1957 – De sa rencontre avec Arnold Rüdlinger, ex-directeur de
p. 21
« … parce que voilà, il y avait
Beuys qui mettait sa graisse
dans les coins, Heizer qui
défonçait les trottoirs, Weiner
qui ôtait un mètre carré
de mur à l’intérieur du musée,
et ainsi de suite… » La Ville
met donc un terme à ce « chaos
structuré ».
1974 – Il se prend alors à rêver d’un monde sans institutions,
1985 – Son poste sur mesure de « curateur indépendant
d’une agence sans structure juridique, d’un musée imaginaire… « Je
permanent » désormais labellisé, il organise de grandes
n’avais plus envie de reprendre une institution… Mais je voulais en
expositions rétrospectives d’artistes dont il a depuis longtemps
même temps continuer à faire des expositions. C’est comme ça
soutenu le travail (Cy Twombly, Walter De Maria, Bruce Nauman…)
que j’ai dû trouver des thèmes que j’étais le seul à pouvoir faire ! »
et, poussé par son intérêt grandissant pour la sculpture, se met en
Ainsi présente-t-il dans son appartement bernois (rebaptisé pour
quête de lieux non institutionnels, de dimensions monumentales,
l’événement « Galerie Toni Gerber ») « une chambre de torture au
à investir : la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière à Paris,
service de la beauté » ; exposition obsessionnelle sur son grand-
le Deichtorhallen de Hambourg, la Halle Tony Garnier à Lyon
père coiffeur, génie de la mise en plis. « Grand-père, un aventurier
permettent enfin aux œuvres de respirer… et de flotter dans les
comme vous et moi », titre l’exposition, vecteur de subjectivité.
airs, comme des « poèmes dans l’espace », se plaît à penser « le
Si untel met toute son énergie dans la mise en plis, un autre dans
faiseur d’exposition », dans son costume de metteur en scène. « Si
la politique ou la littérature, Szeemann monte des expositions,
ma vie était seulement d’aller, comme un jury, voir des millions de
voilà tout. « Un musée des obsessions, on ne peut pas le faire,
tableaux, et dire ça, ça me plaît, ça, ça ne me plaît pas... Non ! ça
c’est un musée dans la tête… Donc tout ce que je fais, ce sont
c’est de la mécanique ! Moi j’aime les détours de la pensée vécue
des rapprochements par rapport à une chose qu’on ne peut pas
pour arriver à une chose à la fois évidente et poétique… »
la Kunsthalle de Berne, naît sa passion pour l’art contemporain. Par
faire… » Pour aller au fond de sa pensée bouillonnante, il fonde une
son intermédiaire, il se fait recommander auprès du Kunstmuseum
agence pour le travail intellectuel à la demande (Agency Spiritual
1996 – Des expériences sensibles, presque spirituelles, des
de Saint-Gall pour assurer le commissariat de l’exposition
Guestwork), dont il est le seul « employé »…
expositions-créations soumises à une véritable éthique de la
« Peintres-poètes/Poètes-peintres », section contemporaine : « J’ai
Berne, on avait très peu d’argent. […] C’était le moment vraiment
commencé à faire des expositions plutôt par hasard. […] J’ai vu que
de l’aventure, il ne s’agissait plus tellement de faire des expositions
1978 – Le temps des expériences existentielles a sonné.
c’était pour moi un moyen d’expression idéal, parce qu’avant j’avais
de tel ou tel, mais de travailler directement avec les artistes. »
Indépendant, il peut jouer le jeu de l’offre et de la demande
présente la réalité », clame-t-il dans son hymne à l’exposition,
à sa guise, prêt à déposséder les expositions de leurs lieux
Ecrire les expositions, qui recueille des dizaines de textes, proses
institutionnels. Ce faisant, il s’affuble en saisonnier exportable,
et poésies, produits pendant près de quarante années d’activité
frénétique.
fait du théâtre, j’écrivais des textes, je faisais de la musique, je
profession : « Ma vie est au service d’un médium, et ce médium
n’est pas l’image qui est elle-même réalité, mais l’exposition qui
jouais, je faisais les décors, et ainsi de suite, mais ça m’emmerdait
1969 – « Naturellement, à un moment donné, en 69, avec
au fond ! »
“Quand les attitudes deviennent forme”, c’est devenu scandaleux
proposant aux institutions des expositions clés en main, telles
aussi pour la ville : parce que voilà, il y avait Beuys qui mettait sa
« Les machines célibataires » et « Les mamelles de la vérité »,
graisse dans les coins, Heizer qui défonçait les trottoirs, Weiner
premier et deuxième volets d’un triptyque mythologique. « C’était
2005 – Quarante années d’engagement inconditionnel,
qui ôtait un mètre carré de mur à l’intérieur du musée, et ainsi de
un nouveau type d’exposition, où on essayait de visualiser vraiment
consacrées à dégager les résonances complexes qui peuvent
1960 – Après avoir soutenu sa thèse sur « Les débuts de
l’illustration moderne du livre, par les Nabis », il est élu, six mois
plus tard, directeur de la Kunsthalle de Berne — « J’ai été le plus
suite… » La Ville met donc un terme à ce « chaos structuré ». Mais
autre chose, un fonctionnement de l’esprit, un modèle à penser
naître entre les œuvres, les artistes et les lieux, auront raison
jeune directeur de musée du monde ! » Une structure de quatre
la provocation a du bon : à peine le temps de savourer sa liberté
et à vivre… » Après avoir initié une série d’expositions autour des
de sa santé. Le « penseur sauvage » disparaît sans avoir pu
personnes (une secrétaire à mi-temps, une caissière et un
retrouvée, il se fait nommer par le maire de Kassel secrétaire
utopies politiques et sociales présentes dans le canton du Tessin, il
réaliser les deux expositions – « La Mamma » et « Il Sole » – qu’il
concierge) où il se fait la main à raison de dix expositions par an ;
général de la Documenta, session 1970-1972. « Au début, il
se met à acheter (à ses frais) tous les documents trouvés au cours
projetait depuis la fin des années 70 et qui auraient ainsi formé
le tout pour un maigre salaire. Aussi doit-il prêter son cerveau à la
voulait que je réorganise – pour faire quelque chose d’utile – les
de ses recherches pour les exposer de façon permanente sur une
une trilogie de thèmes fondamentaux (le célibataire, la mère, le
galerie municipale de Bienne à raison de quatre expositions par an.
archives, le centre de documentation… Mais après six mois, j’ai
colline des utopies, que sera le Monte Verità, aujourd’hui mémorial
soleil). « À travers ces histoires temporaires, j’ai fait des musées
10 + 4 = 14 : « Je ne sais jamais combien d’heures je travaille… ça
dit que je pensais que c’était plus important de faire l’exposition.
pour la paix. « J’ai dit bon, moi je fais mes musées, et si un jour
qui n’existaient pas, des musées d’idées : pas des musées avec
ne m’intéresse pas, il faut seulement que ce soit bien ! Je laisse les
C’est après qu’ils ont trouvé ce titre de « secrétaire général ». J’ai
il y a une sorte de jonction et qu’on veuille faire une sorte de centre
des chefs-d’œuvre mais le chef-d’œuvre remplacé par ce qui est
derrière le chef-d’œuvre ! »
autres compter ! »
1963 – Tel est son secret pour faire d’un musée un centre de
trouvé ça pas mal : c’est comme à l’ONU et au Parti communiste ! »
culturel, eh bien à ce moment-là, au lieu de se rencontrer dans
Après la Documenta, des démêlés avec les autorités municipales
un Hilton idiot, le Monte Verità peut servir pour des symposiums,
de Kassel – « Naturellement, il y a eu aussi des problèmes
sur cette société idéale… Parce que c’était ça au fond : le musée
création pluridisciplinaire, le sixième sens (détecteur de jeunes
psychologiques, parce que c’était la première fois que cette
comme moyen d’expression d’une exposition, pour montrer les
talents) en plus… Joseph Beuys, Richard Serra, Daniel Buren, Sarkis
grande exposition n’était pas faite par un comité mais organisée
choses comme si la société idéale avait vraiment existé. » « Avec le
– encore indésirables dans les autres musées – accrochent leurs
par un seul responsable : alors pour pas mal de gens j’avais violé
Monte Verità, tu as visualisé le bordel qu’on a dans la tête, nous, les
« intensités d’intention » aux murs palimpsestes, avant d’envahir les
les règles ! » – ainsi que des difficultés financières (il est accusé
artistes – un jour on est végétarien, un jour on se saoule à mort, un
rues de Berne (Christo et Jeanne-Claude emballent la Kunsthalle en
d’être responsable d’un large déficit budgétaire que les autorités
jour on est anarchiste, l’autre jour on est mystique, un jour on fait
1968). Monographies, thématiques de l’art brut ou de l’avant-garde,
le somment de rembourser, le poussant à la faillite) confortent
des mathématiques, un autre jour autre chose… », lui répond son
mode, théâtre, design, cinéma, tout y passe... « À la Kunsthalle de
l’encore employé Szeemann « Sans Musée Fixe » dans son intention
ami Mario Merz.
de sortir des sentiers battus.
◊
Citations extraites de Harald Szeemann, un cas singulier, entretien,
Nathalie Heinich, Paris, L’Echoppe, 1995.
biographie
Texte, Céline Mallet
p. 22
À propos
d’un baiser
POUR LA CAMPAGNE LANVIN HOMME PRINTEMPS-ÉTÉ 2010,
LE COUPLE DE PHOTOGRAPHES INEZ VAN LAMSWEERDE ET
VINOODH MATADIN DEVIENT AUTEUR ET SUJET, ET S’EXPOSE EN
p. 23
Mais pour que l’homme intègre
pleinement le cirque de la mode,
il faut qu’il s’hystérise, qu’il
accepte de devenir objet passif
du désir. […] C’est de cette
résistance dont parlent aussi les
photographes.
1
bariolée, attire d’abord le regard, l’étrangeté monstrueuse dont
elle se pare la repousse rapidement en un second plan d’irréalité.
Et c’est pour mieux le faire apparaître lui, d’une part plus proche et
tangible dans sa beauté, d’autre part éminemment singulier dans
son désir, lui qui s’abouche avec cette créature à la séduction si
peu consensuelle. Alors voilà, pour cet été 2010, Lanvin propose
de l’homme une image tout à fait désarmante : celle d’un homme
singulier et désirant au-delà des clichés, un homme un vrai, les
épaules douces, ni caricature ni éphèbe, en coordonnées de noir
mat et brillant, drapé dans un quant-à-soi inassignable. Pour tout
sujet féminin qui se refuserait à rejoindre les armées de walkyries
2
bêtement offertes sur leurs talons trop hauts, cette résistance
QUATRE IMAGES. ILS SE LIVRENT NOTAMMENT À UN SINGULIER
feutrée et mystérieuse apparaît en dernière instance comme un
BAISER, ASSEZ BRUTAL DANS LA FORME, MAIS QUI EN RAPPELLE
privilège subitement enviable.
UN AUTRE, QUE LE DUO PROPOSAIT DANS LES ANNÉES 90…
saison au corps féminin. S’esquissent comme deux mondes
… lorsque leurs créatures numériquement manipulées
parallèles, à l’image – précisément pour la maison Lanvin – du
commençaient à envahir galeries et pages de mode. Beautés
discret Lucas Ossendrijver, sous l’ombre tutélaire du maître adulé
hybrides, transgenres, glacées et glaçantes malmenaient alors
et chouchou médiatique Alber Elbaz. Mais pour que l’homme
la réalité des corps, interrogeaient les codes du glamour et de la
intègre pleinement le cirque de la mode, il faut qu’il s’hystérise, qu’il
beauté. Et pour l’image intitulée Me Kissing Vinoodh (passionately),
accepte de devenir objet passif du désir : une tentation risquée
ce qui aurait pu être la captation sensuelle de la romance du couple
et à vrai dire bien peu en vogue selon les vieux, mais persistants,
prenait des airs, via le trucage numérique, de double assassinat.
réflexes culturels. C’est de cette résistance dont parlent aussi
Seul le visage d’elle apparaissait mais littéralement dévoré,
les photographes. Une autre image de la campagne montre
amoché par le profil effacé de son compagnon l’embrassant, pour
ainsi Vinoodh Matadin se cachant le visage de ses mains, sur
une représentation plus qu’ambivalente du désir, et des rapports
lesquelles est tracé grossièrement un sourire au bâton de rouge,
masculin-féminin.
signe « glamour » sarcastique venant bousculer la posture du
◊
photographe qui s’offre et se refuse à la fois.
C’est au moins un même étonnement que suscite le « baiser » 2010,
la sophistication du trucage en moins, l’effet théâtral en plus. Et si
Il n’a pas tort d’hésiter. Car la plupart des campagnes publicitaires
Vinoodh réapparaît, c’est dans un contraste franc : lui, la silhouette
de mode résolvent par ailleurs assez mal l’affaire de la
sobre et sombre, tandis qu’elle est prise dans le tourbillon d’une
représentation masculine. Qu’y voit-on grosso modo ? Deux figures
fantaisie expressionniste, le corps entièrement peint de magenta
types, a priori contradictoires mais au fond complémentaires
zébré de blanc. Corps comme écorché, ou épiderme consumé
et aussi abstraites l’une que l’autre. Soit d’un côté l’hyper mâle
au millième degré, profil rapace et cheveu noir de jais, Van
dominant, hyper actif et bodybuildé, soit de l’autre un éphèbe pris
Lamsweerde apparaît bien moins femme que démon femelle.
dans un devenir jeune fille, un adolescent cultivant une douce
Lui, en retour, reste humblement humain trop humain, et docile,
androgynie, les yeux vagues, machine célibataire sous influence
délicatement consentant face à cette harpie vorace et flamboyante.
Gus Van Sant. Les tensions masculin-féminin, la mode peut
Van Lamsweerde s’institue de fait en un drôle de faire-valoir qui
encore les résorber sous le signe de l’androgynie lorsqu’elle fait
flirte volontiers avec la laideur et l’effroi.
mine de déployer un groupe mixte de très jeunes gens, mais dont
3
l’homogénéité lisse ramène l’un et l’autre sexe au même ; de Calvin
Ce contraste théâtral peut s’offrir comme un commentaire de
Klein à Givenchy, ces campagnes présentent plusieurs figures mais
quelques réalités de mode. On se rappelle en effet que la mode
pour un seul et même Narcisse, qui exclut de facto toute différence.
masculine, et partant les codes du glamour masculin, reste
encore et toujours en retrait par rapport à la mode féminine ;
Il faut le reconnaître, rien de tout cela ne se passe dans cette
que le vocabulaire de la mode masculine reste relativement
image. Au contraire, puisqu’elle pense et exacerbe un écart, une
pragmatique, eu égard aux reconfigurations fantastiques,
différence de traitement assez radicale, qui plus est loin des
fantasmatiques et spectaculaires que la mode fait subir chaque
clichés habituels. Car si Van Lamsweerde, toute d’extériorité
1
Me Kissing Vinoodh (passionately)
Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin
2 et 3
Campagne Lanvin Homme
Printemps-été 2010
images
p. 24
Propos recueillis par
Cédric Saint André Perrin
Hervé
Mikaeloff
p. 25
Certains photographes de mode n’ont-ils pas
acquis une véritable légitimité artistique ?
—
À quelques rares exceptions près, pas vraiment.
Inez Van Lamsweerde avait débuté une double carrière, art et mode,
au début des années 90 – je pense d’ailleurs qu’elle avait quelque
chose à dire artistiquement à cette époque –, mais lorsqu’elle a
scellé sa collaboration avec Vinoodh Matadin, un ancien styliste,
elle s’est focalisée sur la mode. Le cas de Wolfgang Tillmans est
inverse : alors que ses premiers clichés de street style furent
publiés dans ID, il prit par la suite la décision de devenir plasticien
[…] Mais, il faut bien
comprendre que la valeur
commerciale [publicitaire, ndlr]
d’un photographe n’a rien à voir
avec une quelconque cote sur
le marché de l’art.
amateurs parisiens. Des gens qui se rendant au spa, venant
bruncher le week-end… pourraient « éventuellement » acquérir une
œuvre en prenant le temps de la découverte.
Quel est le profil type du collectionneur de
photographie ?
—
Déjà, il y a très peu de collectionneurs spécifiquement attachés
à la photographie. Et très peu de photographes prennent place
dans les collections privées importantes. D’une façon générale,
HERVÉ MIKAELOFF EST CONSULTANT EN ART ET COMMISSAIRE
et délaissa, à quelques exceptions près, la mode. Philip-Lorca
la photographie contemporaine intéresse principalement les
D’EXPOSITION INDÉPENDANT. APRÈS DES DÉBUTS À LA
diCorcia demeure un phénomène un peu à part : il a une place dans
fondations, les entreprises et les banques.
FONDATION CARTIER POUR L’ART CONTEMPORAIN, IL PARTICIPE
l’art contemporain et collabore régulièrement avec le magazine
AU LANCEMENT DE LA GALERIE EMMANUEL PERROTIN AVANT
W pour des séries d’esprit cinématographique. Ce sont à ma
DE S’OCCUPER DE LA COLLECTION DE PHOTOGRAPHIE
connaissance les seuls à avoir quelque peu percé dans le domaine
CONTEMPORAINE DE LA CAISSE DES DÉPÔTS. IL CONSEILLE
de l’art.
AUJOURD’HUI LVMH À TRAVERS LA FONDATION LOUIS VUITTON
ET DÉVELOPPE UN PROJET D’ESPACE D’ART AU SEIN DE L’HÔTEL
ROYAL MONCEAU, QUI OUVRIRA À LA RENTRÉE PROCHAINE.
IL AVISE ÉGALEMENT DE NOMBREUX COLLECTIONNEURS
PRIVÉS DE PAR LE MONDE.
Que penser alors de photographes qui, de
Juergen Teller à Karl Lagerfeld en passant
par Mario Testino, multiplient livres et
expositions ?
—
Il existe peu de lieux d’exposition dédiés à la
photographie à Paris…
—
Pourquoi cet intérêt de la part des grandes
entreprises ?
—
Parce que c’est tout de même moins cher que la peinture et que
ce médium se prête plus facilement à la communication. On peut
Des lieux comme le Petit Palais ou l’Hôtel de la Monnaie présentent
aisément utiliser une photographie pour illustrer un rapport annuel,
de plus en plus de photographie, car ils ont compris qu’elle attire du
voire une campagne publicitaire… c’est plus délicat avec une toile.
public, mais leur pratique relève de l’événementiel. Côté musées,
Les galeries sont devenues des sortes de vitrines pour les
programmation et leurs expositions couvrent de larges champs
Le numérique a bouleversé la donne…
—
photographes de mode. Ça fait chic d’exposer à New York les
d’expression. À Paris, on manque surtout de galeries spécialisées
Pour ma part, je pense que le passage de l’argentique au
derniers clichés de Charlotte Rampling et compagnie shootées
comme on en trouve à New York ou à Londres. Il existe une
numérique a fait beaucoup de mal à la photographie. Dans la pub,
nues dans les salles du Louvre. Mais même si ces clichés se
clientèle qui s’intéresse à la photo, mais ces gens ne savent pas
la DA ou la mode, bien sûr que le numérique se justifie, mais pas
La photo a 150 ans et sa place dans le champ de l’art n’a eu de
vendent entre 7 000 $ et 15 000 $, entre les frais de production et
où aller. C’est la raison qui nous pousse à développer un espace
en art. Le numérique permet certes de plus belles images, mais
Quelle est la place de la photographie dans
l’art d’aujourd’hui ?
—
le Jeu de Paume et la Maison européenne proposent une vraie
cesse d’évoluer depuis le xix siècle. Elle a d’abord eu une influence
la marge de la galerie, ils ne représentent pas la véritable source
d’exposition largement ouvert à la photographie au sein du Royal
en tant qu’œuvre cadrée, la photographie est morte. L’ADN de la
majeure sur la peinture, libérant les impressionnistes de l’obligation
de revenus de ces photographes. Ce genre de coup leur permet
Monceau. Une galerie ouverte aux photographes issus de la mode,
photographie d’art repose sur l’idée de compositions spécifiques,
de réalisme, influençant certains peintres dans leurs sujets.
plutôt d’entretenir une certaine image. Les tirages papier jouent
de la pratique architecturale et, bien entendu, aux plasticiens.
de tirages de qualité édités en petite quantité… Autant de choses
Au début du xxe, cubistes et surréalistes utilisèrent des clichés
d’une prétendue rareté de leur œuvre, alors que leurs clichés
pour leurs collages… Le marché de la photographie demeura
sont par ailleurs largement diffusés dans la presse et à travers la
pourtant longtemps restreint à quelques amateurs. Il fallut
publicité. Autant de données empruntées au système de l’art qui
Une galerie dans un hôtel ?
—
attendre les années 80 que des artistes comme Cindy Sherman
font fantasmer un certain public et permettent de valoriser des
Oui, plutôt que de faire un « art hotel » classique en commandant
adoptent les principes de composition des peintres pour que
honoraires publicitaires. Mais il faut pourtant bien comprendre que
des œuvres à des artistes dans une ambiance définie par un
leurs photographies, pensées comme des œuvres, prennent de la
la valeur commerciale d’un photographe n’a rien à voir avec une
décorateur – comme on en trouve un peu partout à travers le
L’avenir de la photo demeure-t-il
indissociable de l’imprimé ?
—
valeur. La photographie explosa véritablement par la suite dans les
quelconque cote sur le marché de l’art.
monde –, nous avons décidé, avec Alexandre Allard, le directeur
Oui et non. Certes, la photographie peut être diffusée à travers
artistique du Royal Monceau, d’ouvrir une galerie et d’exposer des
moult médias non imprimés (sites, blogs, etc.), mais pour qu’une
pièces à travers l’hôtel, dans les suites par exemple. Ces œuvres
photographie pénètre véritablement le marché de l’art et qu’elle
seront à vendre à travers la mise en place de ce que nous appelons
laisse une trace historique, il faut qu’elle soit vue dans des
un « Art Concierge » ; un professionnel au fait du marché de l’art, en
expositions, présentée dans des galeries… ce qui suppose des
permanence présent pour guider les clients.
tirages. Cet aspect exclusif est d’autant plus déterminant que je ne
e
années 90 lorsque nombre de collectionneurs, jusqu’alors attachés
prit alors une importance prépondérante. Et le soufflé est un peu
Certains artistes ont pourtant une valeur sur
les deux marchés.
—
retombé juste avant la crise, il y a deux ans.
Il est vrai qu’à force de médiatisation, d’expositions sexy et
à la peinture, s’y intéressèrent. L’école de Düsseldorf, avec des
artistes comme Thomas Ruff, Thomas Struth et Andreas Gursky,
Pourquoi ce retournement de situation ?
—
de coups, quelqu’un comme David LaChapelle a acquis une
justifiant la valeur des clichés. Peut-être pas tout de suite, mais à
terme, je pense que les artistes reviendront vers l’argentique.
photographie comme média – je pense à des gens comme Nan
À qui pensez-vous vous adresser ?
—
On avait très certainement surestimé la place de la photographie ;
Goldin – vivent davantage de leurs campagnes publicitaires que de
Paradoxalement, nous ne tablons pas trop sur une clientèle
tous les gens appuyant sur un déclencheur se disaient artistes.
la vente de leurs tirages en galerie.
internationale de passage à l’hôtel mais davantage sur des
On ne savait plus très bien où étaient les frontières entre art,
photographie et mode.
véritable cote artistique. Mais la plupart des artistes utilisant la
crois pas au e-commerce dans le domaine de l’art.
interview
p. 26
Comment envisagez-vous le futur de la
photographie ?
—
Quand on voit qu’Irving Penn expose à la National Portrait Gallery
de Londres et que Paris se prépare à accueillir une exposition
Helmut Newton, force est d’admettre que la photographie
continuera d’être relativement populaire. En revanche, je ne pense
pas que ce média aura une place prépondérante dans le domaine
artistique ces prochaines années. Le développement de nouveaux
médias, Internet, iPad et consorts, ne mènera sans doute pas à une
revalorisation de la
Internet ne pourrait-il pas se révéler être un
nouvel espace de découverte ?
—
p. 27
[…] L’ADN de la photographie
d’art repose sur l’idée de tirages
de qualités, éditées en petites
quantité… autant de choses
justifiant la valeur des clichés.
Peut-être pas tous de suite, mais
à terme, je pense que les artistes
reviendront vers l’argentique.
Oui. Ce sont d’ailleurs des collectionneurs de mobilier vintage
qui s’intéressent aujourd’hui à la photographie ancienne. C’est
un phénomène nouveau, car le boom de la photographie est
d’abord passé par des œuvres contemporaines plasticiennes.
Le vintage n’a encore qu’une très faible cote ; elle ne peut donc
qu’augmenter. Les tirages d’un artiste comme Pierre Molinier ne
valent que quelque dizaine de milliers d’euros, alors que tout le
monde s’accorde à le reconnaître comme une grande figure de
la photographie. En peinture, pour 10 000 euros, on ne peut pas
espérer acquérir une signature.
Quelle échelle de valeur entre peinture et
photographie ?
—
Difficile à dire. Disons que dans les catalogues de vente, les
estimations varient de 1 à 20. Vingt fois plus pour de la peinture… Et
Je différencie vraiment photographie et image. Les images, il y en a
partout, mais je ne vois pas ce qu’un cliché vu sur un site ou sur un
dans sa relation à la photographie. Hedi Slimane l’avait également
encore, ce sont toujours les mêmes photographes qui passent en
iPhone a d’artistique. Le Web demeure un médium de transmission,
compris à ses débuts dans la photographie, quand il présentait
salles des ventes. Seule une vingtaine de noms bénéficient d’une
il ne crée pas de valeur. Entre une photo sympathique diffusée sur
des systèmes de fragmentations en galerie – qui avaient très
véritable cote.
Facebook et un cliché majeur e-mailé en basse définition par une
bien marché à l’époque. Mais pour des raisons économiques, son
galerie : quelle différence ? Si on ne connaît pas l’œuvre originale, si
travail a aujourd’hui davantage évolué vers celui de photographe de
on ne connaît pas l’artiste, si on ne connaît pas sa cote : que peut-
mode…
on en penser ?
Rien à attendre d’Internet, donc ?
—
De jeunes photographes ont-ils émergé sur
la scène artistique ?
—
Des sites, des blogs diffusant des photos il y en a plein, mais je
Peu.
trouve surtout qu’ils les dévalorisent. Les images sont aujourd’hui
Et le rapport entre photographie
contemporaine et vintage ?
—
Une photo d’Andrea Gursky peut valoir plus d’un million de dollars,
alors que l’on peut trouver de très beaux tirages d’époque de
Man Ray à 150 000 $. Cela n’intéresse pourtant pas les mêmes
clients… Pour des collectionneurs d’art contemporain habitués à de
grands formats sur leurs murs, se retrouver avec des vintages de la
centaines ou milliers de dollars pour avoir sur son mur un cliché
Certains jeunes photographes vous
touchent, pourtant…
—
juste en un peu plus grand que sur son iPhone. Et puis faire de très
Les images hédonistes de Ryan McGinley me séduisent. Tout
Sent-on poindre une reprise du marché ?
—
beaux tirages, avec une bonne imprimante, c’est tout à fait possible
comme les portraits très formels, mais pourtant surréalistes, de
Le marché de la photographie a plus souffert que le marché de
de nos jours. Je ne suis pas certain que les gens fassent vraiment la
Loretta Luxe, qui m’évoquent des visages de Goya ou Vélasquez.
l’art. Les affaires reprennent, mais seuls quelques artistes sortent
différence entre une impression laser et le tirage d’un labo. Comme
Le questionnement sur l'identité sociale et individuelle développé
leur épingle du jeu. Les grands ! Les clients sont à nouveau plus
pour la musique ou le cinéma, beaucoup de photos sont aujourd’hui
dans l’œuvre de Charles Fréger est vraiment intéressant. Mais en
enclins à acheter de la peinture, car le marché est devenu plus
en libre-service sur le net.
terme de cote, il y a réellement un souci, car le marché est très
conservateur.
devenues tellement immédiates, si accessibles, si répandues, que
je comprends qu’un collectionneur rechigne à payer des dizaines,
Comment les artistes réagissent-ils à cette
nouvelle donne ?
—
réduit en France. De nouveaux artistes pourraient certes émerger,
mais pour ce qui est des transactions, je crois que l’on va surtout
redécouvrir et revaloriser des travaux réalistes des années 50,
des expérimentations picturales 70s ou postmodernistes 80.
Wolfgang Tillmans a par exemple très bien compris que ce qui
Des œuvres d’artistes qui n’ont pas vraiment de cote aujourd’hui.
faisait le « plus », la force de son travail, ce n’était pas ses clichés
Ou infime.
en eux-mêmes mais le jeu de composition, de juxtaposition entre
ses images. Ses œuvres relèvent de l’installation conceptuelle
davantage que de la simple photographie. Il a su évoluer vers des
choses plus plastiques. C’est sans nul doute un des plus malins
taille d’une carte postale, c’est tout de même moins valorisant.
Voyez-vous poindre un phénomène vintage,
comme il en existe dans le mobilier ?
—
◊
p. 28
Flamboya —
Photographie - Viviane Sassen
Propos recueillis par
Angelo Cirimele
p. 38
Économie
du livre de
photographie
p. 39
Comment fonctionnent des éditeurs comme
Taschen ou Phaidon ?
—
Ce que font les deux éditeurs que vous citez est très « marketé »,
on peut retrouver leurs livres dans le monde entier à des prix très
abordables ; ça donne des objets grand public intelligents, c’est pas
mal ! Au pire, ça fait des table books, mais puisqu’il y a des tables…
Pour certains livres, Taschen, Phaidon, et même Steidl, proposent
une édition de luxe, ou un tirage limité à 200 ou 300 exemplaires
avec une boîte par exemple, et surtout vendue sur leur site Internet,
donc court-circuitant le réseau classique et permettant d’amortir
immédiatement une partie de l’investissement. Parce que dans
l’économie du livre, 50 % va à la diffusion (diffuseurs, distributeurs et
LA PÉRIODE EST TOURMENTÉE POUR LA PHOTOGRAPHIE.
librairies), et finalement, la marge de l’éditeur est dérisoire ; pour dire
JAMAIS TANT DE CLICHÉS ONT CIRCULÉ DANS DES GALERIES,
les choses simplement : on ne gagne pas d’argent en éditant des
DES MAGAZINES, DES LIVRES ET SUR INTERNET, QUAND
livres d’art.
L’ÉCONOMIE DE CE SECTEUR RESTE SUR DES BASES INSTABLES.
[…] La mode, ça ne se regarde
pas dans les livres, ça supporte
mal ce déplacement du
magazine au livre. Et quand des
photographes comme Teller ou
Testino font des livres, il n’y a
finalement que très peu de mode
dedans.
Dans cette catégorie du livre d’art (mais
aussi des catalogues d’exposition, des
livres de photographie), le prix de vente n’a
donc rien à voir avec le prix de revient. Qui
paye donc les livres ? Institutions, artistes,
galeristes ?
—
Il n’y a que des cas particuliers, mais des éditeurs comme Assouline
ont un département édition classique – qui ne doit pas être rentable,
comme c’est le cas pour tous les éditeurs –, et un département
catalogue pour les marques de luxe, qui compense. Steidl doit
fonctionner sur un modèle assez proche.
Editer un livre d’art aujourd’hui ce n’est
donc pas chercher à gagner de l’argent
mais à donner un signe ? Un galeriste avec
l’artiste auquel il croit, un photographe pour
signifier son importance…
—
FANTASMANT LA DEMANDE À VENIR D’INTERNET, NOUS AVONS
Une maison d’édition, est-ce une danseuse ?
—
CHOISI D’ÉVOQUER LE LIVRE DE PHOTOGRAPHIE, SON MODÈLE
Clairement, si on veut gagner de l’argent, on fait autre chose – et
ÉCONOMIQUE, SON RÉSEAU DE DIFFUSION, SA RAISON D’ÊTRE.
il se trouve que certains éditeurs contemporains avaient déjà fait
Montrer les pages d’un livre sur un site
Internet ne nuit-il pas à ses ventes ?
—
À VISAGE COUVERT, BIEN ENTENDU.
fortune dans un autre domaine… Je crois que les personnes qui se
En règle générale, non. Mais si c’est un « coup », un livre
l’ordre de 5 %, donc dérisoires si on parle d’un photographe de mode,
lancent dans cette aventure sont des malades de livres, d’écrit et de
d’opportunité qui surfe sur une actualité people par exemple, on
qui gagne 1 000 fois plus sur une campagne de publicité. Mais le
rencontres avec des gens. Après, si on peut en plus laisser une trace
ne se risquera pas à en montrer l’intégralité. Et puis il n’y a pas que
livre sera pour lui une sublime carte de visite pour séduire d’autres
dans le monde de l’édition, tant mieux…
le contenu, il y a aussi la part de fétichisme à posséder des livres,
clients, des marques, des magazines… mais aussi des galeries. Les
qu’on n’ouvre pas tous les jours. […] Le fait est qu’il existe un marché,
livres rendent des images visibles et les extraient du contexte du
y compris pour des livres à 100 ou 120 euros, et Internet permet
magazine, qui reste commercial et promotionnel. Dans certains cas,
de constituer ce petit réseau qui rendra sinon profitable au moins
c’est aussi un marché parallèle, car on peut vendre les tirages d’un
viable l’édition de tels livres.
travail plus personnel.
Que pensez-vous de la démarche d’un
Juergen Teller, qui a toujours habilement
navigué entre les livres (Go Sees), les
magazines, les campagnes de publicité
(Marc Jacobs) et les expositions ?
—
ALORS QUE TOUS LES REGARDS SE TOURNENT VERS LE FILM,
Dans une période où le numérique devient
omniprésent, pour réaliser des images, les
faire circuler ou les montrer, comment se
porte le livre d’art ?
—
Internet a-t-il changé la donne pour la
diffusion des livres d’art ?
—
Les royalties, pour le photographe à qui on consacre un livre, sont de
Il ne se porte pas aussi mal qu’on pourrait le penser. Du moins, il s’en
Oui et non. C’est très pratique pour envoyer une newsletter à un
produit beaucoup… Mais si on regarde bien les colophons, on se
réseau qu’on sait déjà intéressé, qu’on soit à Paris ou à Santa Fe ; ça
rend vite compte que beaucoup de livres sont édités à travers des
rend donc visible la production sur les cinq continents. Ensuite, ça
partenariats, essentiellement avec des musées, des institutions, des
permet à un éditeur d’avoir des billes dans un réseau parallèle aux
galeries… Prenons par exemple Revelations, le livre de Diane Arbus,
libraires. Parce que notre vision française, de surcroît parisienne, est
qui est très réussi. Si on est attentif, on voit dans un coin qu’il est en
trompeuse : en France, grâce à la loi Lang, il y a des libraires. Alors
réalité publié en relation avec une exposition qui va circuler dans
qu’à Londres, à part la Photographers Gallery, il n’y a pas de librairie
sept ou huit grands musées aux Etats-Unis et en Europe.
spécialisée en livres de photo, et à New York, c’est aussi quasiment
Best-sellers mis à part, l’économie du
livre d’art est un peu particulière : elle
obéit davantage à l’offre qu’à la demande.
Autrement dit, peu importe qu’il y ait des
lecteurs en bout de chaîne, l’essentiel est de
produire…
—
terminé… Ce sont les chaînes comme Barnes & Noble qui ont pris le
Effectivement, le segment des livres de photo est un marché
proviennent de commandes pour la publicité ou les magazines,
relais.
d’offre et non de demande. Par exemple, aujourd’hui, il n’y a plus
et sont proposées avec une nouvelle lecture dans le cadre d’un
vraiment de livre sur Nadar ou Boubat, mais c’est sur Doisneau
livre. Et qu’on aime ou non son travail, c’est l’un des rares dont
qu’on a ressorti des bouquins récemment, bien qu’il en existe
les images supportent cette double inscription. […] Parce que la
déjà vingt-cinq… parce qu’il y avait une actualité et qu’il vend
mode, ça ne se regarde pas dans les livres, ça supporte mal ce
Comment ce type de partenariat se met en
place ?
—
Ce qui m’intéresse le plus, c’est que les images de ses derniers livres
Concrètement, en accord avec le curateur, un musée commande (et
Comment en est-on arrivé là ?
—
règle) des textes et acquiert ensuite des exemplaires, ce qui diminue
Les marges réalisées en vendant des livres de photo sont faibles,
toujours. Maintenant, si un éditeur a un coup de cœur, il publiera
déplacement du magazine au livre. Et quand des photographes
d’autant les frais et les risques d’invendus de l’éditeur. Beaucoup de
de l’ordre de 25 % ou 30 %, ce qui, sur un livre à 40 dollars, ne va
un livre et ne va pas se demander pendant des lustres si ça va
comme Teller ou Testino font des livres, il n’y a finalement que très
livres sont édités avec ce type de montage. Car, contrairement à la
chercher loin… pendant que le prix du mètre carré en centre ville a
marcher… D’ailleurs, un éditeur qui ne chercherait que des succès
peu de mode dedans. […] Quand on regarde des images d’Irving
littérature, où on publie énormément de livres et on voit ensuite ceux
explosé. Donc les gens – surtout s’ils sont loin du centre ville d’une
commerciaux, en somme des « coups », n’y parviendrait pas
Penn, de Richard Avedon ou d’Helmut Newton, on oublie que c’était
qui marchent, produire un « beau livre » coûte beaucoup plus cher :
capitale – achètent sur Internet.
forcément. Il y a heureusement du mystère dans le succès d’un livre
parfois des commandes de Bazaar ou de Vogue ; elles transcendent
et un temps qui peut être très long…
la commande, et je crois que c’est à ça qu’on reconnaît des grands
la photogravure, l’impression, un bon papier…
photographes.
off record
p. 40
Quels photographes contemporains sont
aujourd’hui capables de transcender cette
commande ?
—
Steven Klein, dont certains travaux personnels sont intéressants ;
Mario Sorrenti, si son travail est bien édité…
Quelles professions ont besoin d’un livre
aujourd’hui ? Photographes, artistes,
graphistes ?
—
Un livre, c’est la garantie d’une visibilité très importante, beaucoup
plus qu’une exposition dans une galerie, qui s’adresse finalement
à peu de gens ; alors qu’avec le réseau de passionnés à travers
p. 41
Mais le livre sera pour [un
photographe] une sublime carte de
visite pour séduire d’autres clients,
des marques, des magazines mais
aussi des galeries. […] Dans
certains cas, c’est aussi un marché
parallèle, car on peut vendre les
tirages d’un travail plus personnel.
le monde et ce qu’Internet permet, le livre me semble beaucoup
plus performant, car il circule mieux et s’inscrit dans un temps
long. […] Le livre est aussi un moyen d’expression pour certains
beaucoup d’images pauvres peuvent produire quelque chose de
riche à la fin, mais ça reste nombriliste et ennuyeux.
Un livre doit aussi garder une trace et
donner un éclairage scientifique sur son
sujet. Mais avec le virage récent opéré
par l’art, de l’éducation à l’événement,
les catalogues d’exposition sont devenus
les comptes rendus d’un spectacle et
non plus la démarche de réflexion qui
devrait présider à l’élaboration d’un livre.
On pensait le livre comme le rempart à
l’accélération du temps numérique, mais
il est aussi pris dans le tourbillon, à sa
manière.
—
C’est effectivement de plus en plus rare qu’un livre soit une réelle
photographes, y compris jeunes, pour qui c’est le seul médium ;
fait régulièrement des livres à 100 ou 200 exemplaires en print
relecture de l’œuvre d’un artiste ou d’un photographe. Et le fait que
d’ailleurs Henri Cartier-Bresson disait que la photographie, ça ne
à la demande… Ça reste des quantités qui s’écoulent facilement
les approches scientifiques intéressantes ne donnent pas lieu aux
se regarde pas dans les magazines ou sur les murs mais dans
et ça donne même des collectors. D’ailleurs, les bons livres de
meilleures ventes n’arrangera rien.
les livres. C’est une approche qui nous vient essentiellement de
photo deviennent rapidement des collectors, car ce sont de petits
la photographie japonaise, dans laquelle il y a très peu de tirages,
tirages !
car les appartements sont minuscules et ne permettent pas
d’accrocher un tirage au mur. Ils ont développé le livre et l’écriture
particulière qui y est rattachée.
Et pour les marques de mode ?
—
Les marques de luxe cultivent un côté précieux que je relie
naturellement au livre ; on ne peut pas se contenter d’Internet, de
films et de DVD… Le livre suppose un certain recul, du rituel ; c’est
un objet qu’on ouvre et qu’on referme, dans lequel on entre et avec
lequel on fait corps.
Et l’auto-édition ? Ça existe ou c’est un
fantasme ?
—
Il y a beaucoup de photographes de mode qui travaillent sur des
Parlons un peu chiffres : à partir de combien
d’exemplaires peut-on dire qu’un livre de
photographie s’est bien vendu ?
—
En France, 1 000 exemplaires, c’est un bon niveau. Ça veut dire qu’il
a bénéficié de pas mal de relais dans la presse.
Justement, quels magazines sont de bons
prescripteurs ?
—
Je sais que certaines personnes travaillent à une nouvelle forme de
présentation des images, qu’on pourra télécharger, qui sera comme
valeur ajoutée et de curiosité du rédacteur, qui parvient à faire
des gens qui continueront à le regarder. On peut avoir un tirage
découvrir des livres inconnus à ses lecteurs.
d’Avedon et un écran plat, même dans la même pièce !
Ça a surtout produit une saturation d’images. Ça me fait penser
aux soirées diapo des années 70, quand les gens rentraient de
qu’ils chargent des iconographes de documenter un thème, une
vacances, enchaînant des images pauvres, sans grand intérêt,
marque ou une tendance. […] Dans un autre genre, Stephen Shore
à part de figurer le cousin, l’oncle ou le G.O. Je sais bien que
est devenu très facile d’éditer 10, 20 ou 50 livres à la demande,
Quel avenir prédisez-vous au livre et quel
sera notre rapport à lui ?
—
ce moment. Et le livre de photographie continuera à exister avec
ne sortent pas et les stylistes non plus, c’est pour cette raison
n’ont finalement pas besoin d’un éditeur au sens classique… il
reviennent, en Italie notamment.
une sorte de diaporama avec un son ; ça expérimente beaucoup en
six lieux dans le monde… De toute façon, les rédactrices de mode
gravure et une idée de maquette ou des amis DA. Je pense qu’ils
« mais » ! La mode semble toutefois passée, et pas mal d’éditeurs
tirage, car un titre comme Paris Match n’apporte rien, mais de
puisque finalement, ils sont destinés à être distribués dans cinq ou
de lisibilité à leur travail ; ils ont des images avec une bonne
Oui… mais on ne peut pas vérifier la qualité. Il y a toujours un
Télérama, Le Monde, Libération… Ce n’est pas une question de
Après la vague des snapshots
il y a une dizaine d’années, leurs
successeurs, l’appareil numérique et
le blog, ont-ils apporté quelque chose
photographiquement ? Un style ?
—
commandes et qui veulent faire un livre pour donner davantage
Imprimer en Chine, c’est vraiment moins
onéreux qu’en France ?
—
◊
p. 42
Hunting
and Fishing —
Photographie - Paul Kooiker
p. 43
p. 44
p. 45
p. 49
Texte, Pierre Doze
p. 50
La maison
des autres
LE DESIGN SE DÉBAT AVEC LA NOTION D’USAGE. IL SERAIT
DU CÔTÉ DU DOCUMENTAIRE. MAIS L’ATTRAIT EXERCÉ PAR
UNE MAISON TROPICALE EN ALU OU UN OBJET INDUSTRIEL
ARCHAÏQUE A DÉJÀ TRANSFORMÉ SON OBJET. IL EST PASSÉ
DU DOCUMENTAIRE À LA FICTION.
p. 51
[…] Cet ordre esthétique du
docu-déco, celui de la valeur
documentaire muant artefact
ornemental, se lira dans le
mobilier industriel exposé et
vendu dans la vaste boutique
Merci, ou chez de plus modestes
archéologues-marchands.
de plus modestes archéologues-marchands de ces sécrétions
chiens. Il finit cruellement déchiqueté. Le mythe ne cesse de
mobilières de l’âge industriel occidental révolu. C’est celui qui
l’emporter sur la raison logique : face à ces images du design,
habite la nouvelle vie des luminaires Gras ou Jieldé, des meubles
nous sommes privés de logos. Nous voilà cerfs, incapables
Tolix et de tous ceux qui suivront bientôt. Quelle étrangeté, la
de rendre compte de la déesse nue. Mais nous saurions sûrement
vie des autres. L’eskimo, le pariah, le fugéien, l’ouvrier. Le design
sa beauté, ce qui est rassurant (encore faudrait-il qu’elle ne soit
est, par sa nature même, essentiellement documentaire. Mais
pas hideuse). Et pour les chiens, ceux que j’entends souvent
le documentaire est devenu fiction. Le design est terre à terre
aboyer, on verra plus tard.
dans ses préoccupations : il vient toujours parler d’usages. De
manière remarquable, il est devenu projection d’une image de ces
◊
usages et de leurs modes d’emploi – l’intérêt envahissant des
artistes pour un objet en rapport avec le design, dans son dessin,
sa fabrication ou sa perfection technique, ne parle pas d’autre
chose. Projection que l’on verra proposée en mille variantes sur le
champ domestique, là où les designers ont des possibilités plus
rapides de devenir brillants et de se montrer sur une scène mieux
-1
La foire de design et d’art contemporain de Miami, où prend place cette petite
scène, a accueilli cette année à Miami quatorze galeries de design (le nombre le
plus faible depuis sa création il y a cinq ans). Art Miami/Basel se tiendra à Bâle du
16 au 20 juin 2010, proposant un scénario nouveau pour sa partie design.
Sur le stand de la galerie Seguin (1), une vidéo montre la procédure
éclairée. Ils font eux-mêmes aussi partie de cette image, en tant
de montage d’une structure d’habitat d’urgence de Jean Prouvé.
qu’avatar marketing ou auteur responsable, selon le sens attribué
-2
Croquis techniques animés, photographies d’installation en
à la signature, selon leurs capacités physiques et talents oratoires
-3
parallèle. Une réclame désuète pour Meccano, l’odeur du tabac
à l’incarner. L’image est celle d’un rêve qui se développe dans le
gris, visions de moustaches et de casquettes, bleus de travail en
cadre éminemment symbolique de la maison – le bureau s’y prête
Vitra Haus, Weil am Rhein, Allemagne.
Extrait des Métamorphoses d’Ovide, in Forêts, essai sur l’imaginaire occidental
de Robert Harrison, Champs Flammarion.
toujours très mal, ou alors c’est la maison qui en devient un, parée
noir et blanc. Que pense Naomi Campbell, accompagnée de son
ami russe et oligarque, lorsqu’elle s’arrête devant cet écran ? Que
de la part des pouvoirs publics auxquels cette proposition est
des arguments démagogiques vantant une activité d’esclave qui se
voit-elle dans ce projet, quels sont les adjectifs qui la traversent ?
adressée, et qu’il atterrit, cinquante ans plus tard, dans une foire
serait transformée en loisir d’affranchi, pénible escroquerie.
Bouleversée par l’intelligence des articulations de la charpente ?
miamiesque, en voisin de Néerlandais baroques qui montrent une
Sans voix devant l’élégance du trait, l’équilibre des proportions,
théière de plusieurs mètres tapissée de mosaïque miroir, que se
C’est bien cette maison magiquement envisagée comme horizon
la légèreté dynamique du squelette, le schéma de montage ?
passe-t-il ?
qui peut seule expliquer la passion décidément pas normale
d’une foule qui se presse dans tous ces salons, avec des enfants
Pense-t-elle à des enchères récentes, à l’un de ces acquéreurs
glorieux, ou aux Congolais à qui une maison tropicale Prouvé de
Ce qui semble être dit, c’est que l’un et l’autre sont des anomalies,
et des animaux, dans une atmosphère ivre d’après match. La
plus a été soustraite dans des conditions qui ne méritent pas d’être
qu’ils sont deux représentants de la confrérie du Facteur Cheval.
maison, perspective ultime, fantasme insubmersible de l’humanité
racontées ? Le choix de cette caricature n’est sûrement pas le plus
Associés dans la seule mesure où les réunit un autre facteur, celui
qui cherche toujours un abri, est la grande image à l’intérieur
pertinent. Trop facilement navrant. Et Naomi Campbell a peut-être
de leur immédiate fongibilité. Les uns par choix délibéré – creuser
de laquelle viennent se ranger d’autres images plus petites,
simplement mal aux pieds, elle a peut-être envie à cet instant d’un
le sillon ambigu du design-art, tant qu’il ne cesse de ressembler
toutes imprégnées de sa puissance. La récente construction
Coca Zéro et c’est tout.
à un gisement aurifère. Les autres par voie de conséquence,
des architectes Herzog & De Meuron pour l’entreprise Vitra (2),
résultat de la combinaison de la spéculation, de la mode, de la
inaugurée en mars dernier, en parle avec grande précision. Si elle
Mais nous nous trouvons sur les lieux de la caricature et il est
communication maîtrisée et d’une rareté plus ou moins artificielle.
ne recule pas devant l’archétype de la silhouette du parallélépipède
raisonnable de la lire. Alors, oui, décidément étranges, ces images
Il faudrait sûrement encore se pencher sur les prodiges de
surmonté d’un chapeau, celui de la maisonnette dessinée par
de Prouvé qui semblent venir d’un autre monde et d’un autre
magie mis en œuvre à de multiples niveaux, ceux qui permettent
l’enfant sans imagination, si elle est répétée plus de dix fois sur le
temps, tous deux très éloignés, appartenant surtout à une culture
de transformer, à ce point, valeur d’usage en valeur d’échange,
profil des façades multipliées, c’est qu’il est décidément fort et trop
devenue exogène. Aussi mystérieuses que l’Opéra de Paris, celui
contenu politique en frise décorative, logement d’urgence en pool
efficace pour être évacué. Ils y associent une structure intérieure
qui est palais millefeuille d’une capitale bourgeoise fantastique.
house dans les Hamptons. Prouvé trouve ici une traduction de
labyrinthique, où l’expressionnisme entre en collision avec cette
Les réalisations démentes auxquelles s’est livré son architecte
l’ordre du glissement accompli par le ready made sur le terrain
silhouette schématique. Stupeur. Cette maison du Dr Caligari est
Garnier – si l’on considère le degré le plus poussé d’un contrepoint
artistique, mais en termes de design cette fois. Décontextualisé,
aussi un temple, un immense nœud, une mystique moderne.
décoratif et mondain aux préoccupations des designers rigoureux
nettoyé, stérilisé, là où mutation et mutilation deviennent sœurs de
du siècle suivant – s’inscrivent dans un registre de la bizarrerie
sang, il peut devenir une pure image.
Lorsqu’Actéon voit la déesse Artemis nue, elle lui annonce :
« Maintenant, va raconter que tu m’as vue sans voile.
ou de la curiosité qui peut se poser en repère symétrique. Une
projection tout aussi étrange. Lorsqu’un ingénieur à petite
Cet ordre esthétique du docu-déco, celui de la valeur documentaire
Si tu le peux, j’y consens. » (3) Elle métamorphose au même
moustache décide de répondre aussi efficacement que possible
muant artefact ornemental, est celui qui se lira dans le mobilier
moment le fier chasseur Actéon en cerf, humainement conscient
à une question très pressée, qu’il se heurte à la cécité persistante
industriel exposé et vendu dans la vaste boutique Merci, ou chez
mais zoologiquement muet. Il est bientôt poursuivi par ses propres
design
Texte, Mathias Ohrel
p. 52
Yves de
PARFOIS MON TÉLÉPHONE SONNE ET, PENDANT QUELQUES
p. 53
[…] « De l’argent va partir
en fumée, tout le monde est
mouillé jusqu’au cou, dépensez,
dépensez !!! »
raccrocher, Yves m’a conseillé de faire un tour sur le site qu’il
consulte le plus : http://contreinfo.info. J’ai fait un tour : des papiers
inquiets de Noam Chomsky (les USA sont « très semblables à
l’Allemagne de Weimar ») aux chroniques de Martin Wolf, Joseph
Stiglitz, Chevènement ou Rocard, en passant par « Chirac n’a
rien compris au Liban » par Michel Aoun et des contributions de
SECONDES, AVANT D’ENTENDRE SA VOIX DE CARDINAL
nombreux Prix Nobel, j’ai trouvé une mine d’infos contre les idées
JOUISSEUR, J’ENTENDS EN SOURDINE LES ORDRES MASCULINS
reçues. Mais peu d’espoir.
QUI FONT L’ATMOSPHÈRE PARTICULIÈRE DES SALLES DE
MARCHÉS. « DÉSOLÉ, JE VIENS DE TROUVER TON MESSAGE.
Nikos, philosophe grec du PAF, rappelait mardi dans l’émission de
TU DEVRAIS APPELER SUR CE NUMÉRO, C’EST LE SEUL AUQUEL
Taddeï que « Zeus a engrossé Europe sous un platane ». Moi, je
JE RÉPONDS », ENCHAÎNE MON AMI YVES.
retiens ce que me dit Yves : bientôt nous ferons tous partie du 1 %
des plus riches. Ceux qui à eux seuls représentent plus de 15 % du
revenu national français. C’est-à-dire plus rien. Heureusement,
Il est pressé, bien sûr. Certainement sur-stressé par les marchés
sur la journée. Sur les taux, les mouvements sont de bien plus
mai, en France, c’est aussi Roland-Garros. « Balles neuves », dit
« très très tendus » sur lesquels il fait (combien sont-ils dans
grosse ampleur. Les clients sont terrorisés. La fin de semaine va
Yves. Vive le troc.
ces équipes à gagner des bonus en millions ?) des opérations
être déterminante : soit les marchés considèrent que la BCE et
auxquelles je n’ai rien compris. Pourtant Yves paraît toujours très
les autres ont pris des mesures suffisantes – les Etats grecs et
calme avant qu’arrive un « je te rappelle », qui ne sera suivi d’effet
espagnols vont devoir restructurer leur dette –, soit la Grèce sort,
que plusieurs jours après. Son ton ne laisse rien deviner de ce
et à ce moment-là c’est compliqué. Ça va renforcer l’euro à moyen
qu’il pense. Ce n’est pas de la dissimulation, juste le flegme quasi
terme, les marchés diront qu’on s’est débarrassé des plus faibles.
britannique de ce Breton dont le bateau, le nom à rallonge et les
Mais tu te rends compte que le 19 mai la Grèce doit rembourser
mains extra larges imposent le respect à tous les marins. Un grand
10 milliards, avec à peine un milliard et demi en caisse ? Et on parle
garçon à l’épaisse mèche rousse, taiseux et solitaire, curieusement
de 10 milliards sur les 240 qu’ils doivent… »
◊
seul occupant de sa chambre dans les dortoirs du lycée militaire
de Saint-Cyr-l’Ecole où nous envisagions le bac. Un jeune lord
Franchement, je ne me rends pas compte du tout. Depuis que j’ai
dont le charisme opérait manifestement sur les adjudants, qui
compris que les Etats avaient des milliards par centaines pour les
feignaient de ne pas voir les élégantes transformations de son
banques et rien pour les pauvres, je n’essaie plus de comprendre
treillis réglementaire.
ce que sont les milliards. Je souhaite que, comme l’annonce Yves,
Quand nous avons dîné ensemble l’automne dernier, Yves m’a
tout le monde est mouillé jusqu’au cou, dépensez, dépensez !!! »,
raconté très placidement ce qu’il pensait : « Le chaos n’est pas
répond Yves pour que je comprenne quelque chose. Et je réalise
maintenant, ce sera en mai. Après celles des banques, viendront
que mon pote dans la finance ne dit pas du tout comme Michael
les milliards ne signifient plus rien. « De l’argent va partir en fumée,
les faillites des Etats. Il n’y aura pas d’autre solution que l’hyper-
Douglas dans le Wallstreet d’Oliver Stone, il y a déjà vingt-cinq
inflation. Ce que l’on a ne vaut plus rien, et c’est bien : tout le monde
ans : « I create nothing! I own. » Qu’il n’est pas non plus comme le
repart à zéro. » Yves sait bien que je n’ai pas de bateau, pas de
regretté Bérégovoy, qui disait que l’inflation est un impôt pour les
maison, pas d’appartement, pas de Range Rover, pas de compte en
pauvres. Mais convaincu que nous allons tous perdre ce que nous
banque ni rien à perdre. Mais ce n’est pas pour me caresser dans
croyons avoir. L’ironie lucide de sa vision du monde, sa prédiction
le sens du poil gauchiste qu’il annonce la faillite du capital. Il pense
de l’hyper-inflation généralisée peut sembler cynique aux naïfs ou
vraiment que nous allons faire la queue devant les banques pour
aux « intellos » qui « croient encore qu’on existe » quand « notre
récupérer des billets qui ne vaudront plus rien.
salut, celui de l’Europe, qui ne représentera en 2020 que 6 % de la
population mondiale, ne tient plus qu’à l’envie d’un pays de racheter
Nous sommes jeudi de l’Ascension. Les marchés sont indécis :
un peu de dette européenne ».
ils ne savent pas s’ils montent ou s’ils descendent. Un jeudi froid,
gris et vide à Paris, comme un trou au milieu de cette semaine
« Je te rappelle. » Cette fois, je soupçonne que l’urgence n’est pas
de mai 2010 où la presse chronique la mort annoncée de l’euro.
sur son écran. Il m’a confié plus tôt qu’il se retenait ces jours-
« Regarde seulement les indices boursiers : 8,81 de hausse
ci parfois plus de cinq heures pour aller pisser. Mais avant de
rencontre
Illustrations, Florence Tétier
p. 54
p. 55
Shorts
(1970 )
1
Tunique en laine blanche
et combinaison short noire
en dessous, Louis Féraud.
L’Officiel no 576, 1970
2
Catherine Bach dans
« Sherif fais moi peur », 1979
2
4
6
3
Blouson en popeline, short
en popeline et pull blouson ajouré,
3
5
1
4
L’Officiel no 669, 1981
5
Elle, 1979
6
Veste et short de toile blanche,
corsage marine et ceinture en daim,
l’ensemble Christian Dior. Elle, 1974
mood board
Propos recueillis par
Emmanuelle Lequeux
p. 56
Aurélie
Voltz
Vous avez notamment collaboré à
l’élaboration de « La beauté », exposition
culte réalisée pour Avignon en l’an 2000,
aux côtés du commissaire Jean de Loisy.
Que vous a-t-il appris ?
—
Jean de Loisy avait créé une association intitulée Song Lines,
une mine de stagiaires qui travaillaient sur les prémisses de « La
beauté » en explorant une multitude de pistes de réflexion. Je
travaillais par exemple sur l’art brut et les formidables créations
p. 57
[…] Hier encore, derrière Alexanderplatz, j’ai découvert un lieu qui
semblait un bar des années 30, avec une chanteuse en gants de
satin, un pianiste en queue de pie, et des néons démodés, jouant
devant une foule assise dans de vieux sofas, avec, au fond, un
restaurant improvisé et des serveurs en gants blancs.
SON PARCOURS ? COMME UN RÉSUMÉ DE LA VIE ARTISTIQUE
plastiques de certains malades mentaux. Ce que je retiens de lui,
DES QUINZE DERNIÈRES ANNÉES. DE SES ANNÉES DE
c’est son exhaustivité, sa générosité. Avec lui, tout semble ouvert
FORMATION À L’ÉCOLE DU LOUVRE À SON ÉTAPE BERLINOISE,
et possible, c’est une leçon qui m’a ensuite beaucoup servi. Il y a
AURÉLIE VOLTZ A CÔTOYÉ LES PLUS GRANDS COMMISSAIRES :
aussi une clarté dans son propos qui m’a toujours fascinée. Nous
auparavant cachés par des white cubes. Je voulais révéler la
J’avais besoin de grandir, et je sentais que le MAMVP ne m’offrait plus
JEAN DE LOISY, SUZANNE PAGÉ, HANS ULRICH OBRIST, JÉRÔME
avions avec le groupe beaucoup de discussions très ouvertes, qui
créativité énorme de cet espace, plutôt que l’obturer.
de perspectives en ce sens. J’ai donc intégré l’équipe du Palais de
SANS, NICOLAS BOURRIAUD. MUSÉE D’ART MODERNE DE LA
passaient d’une idée à l’autre, d’un pays à l’autre. Cela partait dans
VILLE DE PARIS, PALAIS DE TOKYO, PUBLIC : ELLE A PARTICIPÉ
tous les sens, mais c’était une vraie respiration. Ce qu’il transmet
AUX AVENTURES LES PLUS EXCITANTES DES ANNÉES 90 ET 2000.
admirablement, c’est une attention à tout ce que tu vois et sens.
AVEC NOUS, ELLE REVIENT SUR CE QU’ELLE EN A RETENU
Parallèlement, il m’a proposé de l’assister sur son exposition
ET ÉVOQUE LES PROJETS QUI L’ONT MENÉE DE FOIRES EN
Alberola au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (MAMVP), où
MUSÉES : DE SA COLLABORATION AVEC LA FAIR GALLERY POUR
Au MAMVP, vous avez assisté Laurence
Bossé et Hans Ulrich Obrist. Quels projets
vous ont marquée ?
—
je suis ensuite restée quelques années.
Ces deux personnalités sont très différentes. Laurence m’a apporté
Disons à moitié. En tout cas, j’ai eu plus de responsabilités.
sa grande tranquillité de réflexion, Hans Ulrich sa folie. Il est dans
L’essentiel, c’est que je pouvais enfin diriger une exposition avec
une boulimie d’artistes, de démarches et de disciplines. C’est un
son budget, ce qui n’arrivait jamais au musée de la Ville de Paris,
moteur énorme, débordant d’énergie, un vrai laboratoire. Cela m’a
dont la gestion par Paris Musées nous interdisait d’être au plus près
passionnée d’être à ses côtés pendant ces années. Pour lui, tout
de la chose financière. Au Palais, j’avais la possibilité de faire des
Il y a une part terrifiante dans ce personnage, qui te dit que tu as
est digne d’intérêt, tout jeune artiste peut retenir son attention,
choix dans une programmation déjà établie par ses deux directeurs,
tout à apprendre et que tu ne sais rien. Mais elle a une rigueur
il est de ceux qui ne regardent pas la biographie pour se forger un
Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud. Il était important pour eux de
incroyable, elle ne laisse rien passer. Elle m’a notamment appris
avis, je pense que cette attitude est essentielle. Il a une capacité à
maîtriser les choses de A à Z. J’avais bien sûr une petite force de
à écrire, bannissant toute langue de bois. Comme Hans Ulrich
toujours renouveler son regard, à ne pas rester dans sa génération,
proposition, mais sans pouvoir m’épanouir totalement comme
Obrist, qu’elle a fait venir au musée, elle est très intuitive, à tous
une énorme volonté de transmission. Ensemble, nous avons fait
commissaire. J’ai été en tout cas très heureuse de participer à
les niveaux, en termes de programmation comme de mise en
de très belles rencontres, avec Olafur Eliasson, Gabriel Orozco,
l’aventure de cette ouverture, il y avait une formidable énergie, une
espace. Je crois moi-même beaucoup à cette façon d’être. Suzanne
Pipilotti Rist. Je me souviendrai toujours de la présence incroyable
équipe très soudée, un véritable investissement de chacun.
Pagé, en quelque sorte, m’a autorisée à être à l’écoute de cette
de David Hammons, qui a bouleversé une après-midi nos bureaux
intuition. Et tout simplement, elle m’a appris à regarder, car elle a
de 5 mètres carrés. Et de Gregor Schneider, très fou, très solitaire,
un œil incroyable, notamment pour les accrochages. Pour moi, une
très rocambolesque. Ogre de travail, il dormait aussi, le jour,
exposition se fait à 90 % précisément à ce moment-là.
dans les salles d’exposition, y mangeait les conserves qu’il avait
FRIEZE À SA MAGNIFIQUE PROPOSITION D’ACCROCHAGE DE
LA COLLECTION DU CAPC, À DÉCOUVRIR JUSQU’À SEPTEMBRE.
LE FABULEUX DESTIN D’UNE INTUITIVE DU COMMISSARIAT.
Quand vous avez commencé votre carrière,
il y a une quinzaine d’années, le concept
même de commissaire indépendant
n’existait pas encore vraiment, et peu
de formations s’offraient aux étudiants
dans cette perspective, hormis celle du
Magasin de Grenoble. Vous avez donc
choisi d’étudier à l’Ecole du Louvre, sans
pour autant aller jusqu’au bout, c’est-à-dire
le concours de conservateur. Pourquoi ce
choix ?
—
Vous avez vécu au MAMVP les dernières
années de direction de Suzanne Pagé.
—
amenées. Son côté très bestial influait sur la façon de communiquer
indépendant, je me voyais plutôt rattachée à une institution. Avant
Vous concevez vos expositions quasiment
in situ, en prenant avant tout en compte
la réalité d’un lieu.
—
même ma sortie de l’Ecole du Louvre, j’ai donc enchaîné des tonnes
Un bon accrochage, c’est une harmonie, un dialogue entre les
de jeunes commissaires l’oublient, et pensent que dès leur sortie de
de stages, qui me permettaient de me retrouver dans une situation
pièces et l’espace, cette correspondance doit être d’une justesse
l’université ils sont prêts à monter de grandes expositions.
de travail au quotidien. Je suis passée par des galeries d’art chinois,
extrême. Si une très belle pièce est en discordance avec son
par l’hôtel Drouot, et par la galerie Durand-Dessert, qui m’a offert
environnement, mieux vaut ne pas la mettre. Je choisis donc les
mon premier job.
pièces en fonction de l’espace, en m’inspirant à la fois de ses
Je ne me voyais pas passer par les voies officielles, je ne me sentais
pas rat de bibliothèque, j’avais besoin de concret immédiatement.
Mais je n’envisageais alors pas une carrière de commissaire
qualités plastiques et de son histoire. Volumes, lumière, matériaux,
anecdotes, tout peut aider à la mise en place d’un projet. Dans
ma dernière exposition, actuellement au CAPC, j’ai voulu refaire
parler la pierre, le bois, la lumière, tous ces éléments qui étaient
avec lui ; ce fut en tout cas une expérience unique. Souvent, quand
je rêve de travail, je me vois encore dans les salles du MAMVP. C’est
le lieu où j’ai tout appris. Je crois que ce temps de formation est
incompressible et inestimable, et je trouve regrettable que beaucoup
De votre bureau du MAMVP, vous voyiez le
lieu d’en face, le futur Palais de Tokyo, en
train de commencer sa révolution. Et vous
n’avez pas résisté à l’appel.
—
Tokyo. Je sentais que là-bas, il y avait une vraie possibilité de devenir
curateur à part entière.
Cela s’est-il avéré ?
—
En parallèle, vous vous êtes lancée dans
l’aventure de Public, espace alternatif de
l’impasse Beaubourg qui a marqué la scène
parisienne à la fin des années 90 et au début
des années 2000. C’est Boris Achour, l’un
de ses créateurs, qui vous a contactée pour
prendre la relève de la première équipe.
Pourquoi avoir accepté alors que vous aviez
une place dans l’institution ?
—
J’avais besoin d’une fenêtre ouverte, quelque chose qui me
ressemble. Pour Public, j’ai travaillé avec Emilie Renard et Giovanna
Zapperi. Le début de l’aventure a été assez difficile, car cela m’a
mis en porte-à-faux avec Suzanne Pagé, qui refusait absolument
que son équipe s’investisse dans des projets personnels. Public
devenait ainsi une activité clandestine. Avec la première équipe,
commissariat
p. 58
le lieu était vraiment actif tous les week-ends, avec performances,
chorégraphies, projections. J’y ai développé quelque chose de
plus classique, autour des artistes que j’estimais. J’ai ainsi fait mes
premières armes de commissaire indépendante en exposant par
exemple Guillaume Leblon, Pierre Malphettes ou Haegue Yang.
Notre réalité budgétaire était très modeste, nous étions tous
bénévoles, mais c’était un vrai laboratoire. J’espère que le livre que
nous préparons aujourd’hui, qui rassemblera toute l’histoire de ce
lieu, pourra en témoigner.
Votre vie personnelle vous a ensuite
conduite à Berlin pendant six années,
jusqu’à cet été 2010, où Paris vous
voit revenir. Berlin, capitale de l’art
contemporain, est-ce un mythe ou une
réalité ?
—
p. 59
[…] Je pense qu’après toutes
ces années de haute technologie,
de fascination pour le support
vidéo, on ressent le besoin d’un
retour à quelque chose de plus
humain, plus essentiel. Ce n’est
pas un hasard si les artistes font
un come-back vers la céramique,
le tapis, la broderie… toutes ces
pratiques artisanales.
de foire, l’essentiel est souvent sur les murs, très chargés, et les
Inventaire des objets ayant appartenu à la jeune fille de Bordeaux, a
un environnement saturé de sculptures.
été un déclic, avec ses vastes vitrines qui présentent une multitude
Vous l’avez pris comme un véritable
exercice de style ?
—
de choses anodines. Elle m’a tout de suite fait songer aux ATP, à
ces dispositions d’objets liés à des personnes, des professions. La
fermeture de ce musée en 2005 m’avait beaucoup chagrinée. D’où
cette idée de relire la collection du musée avec cette typologie en
D’autant plus que j’étais parfois confrontée à des artistes vers
tête. Salle des rivières, salle de l’astronomie, salle des légendes
lesquels je ne serais pas allée naturellement. Mais je me suis
et traditions orales, salle d’armes… J’ai repris certains titres, j’en ai
attachée à les comprendre. Je voulais vraiment une exposition
inventé d’autres. Pendant que je préparais l’exposition, j’ai visité
d’œuvres, pas d’artistes. Mais j’ai eu quelques difficultés à
le musée d’Histoire naturelle de Bordeaux qui, avant de récents
imposer ma vision aux galeristes : ils ont un regard beaucoup plus
travaux, était vraiment resté dans son jus xixe siècle. Et je lui ai
conceptuel ou politique que moi, qui suis peut-être plus dans la
emprunté beaucoup de ses vitrines de bois pour le CAPC. Enfin,
poésie. Le résultat ressemblait à un intérieur très subjectif, où je
à la collection, j’ai mêlé des emprunts au Frac Aquitaine, et invité
mettais en scène des œuvres à double fond. Elles perdaient leur
18 jeunes artistes dénichés pour beaucoup à Berlin.
signification propre pour en trouver une autre. On m’a souvent dit
que cela ressemblait à l’installation d’un seul artiste, et il est vrai
La réalité y est aussi excitante que le mythe. Pendant six ans, je n’ai
que j’ai cherché quelque chose de très homogène, même si chaque
fait que découvrir des gens, des artistes, des lieux. Je ne connais
pièce nous faisait rentrer dans une histoire différente.
aucune ville aussi excitante, avec un flux aussi permanent. Certes,
La très grande pièce de Christian Boltanski créée en 1973,
espaces sont laissés libres pour la circulation. J’ai préféré privilégier
Pierre Huyghe réalise actuellement une
série de performances filmées dans ce
musée des ATP, le Centre Pompidou Metz
lui rend hommage à travers une très belle
vitrine de visages. Comment expliquez-vous
ce regain d’intérêt pour cette muséologie
que tout le monde jugeait ringarde il y a dix
ans ?
—
la ville fourmille de petits lieux indépendants, de project spaces,
Tous vos projets réalisés à la galerie Jean
Brolly, au musée de l’objet de Blois ou à la
maison populaire de Montreuil sont donc
allés puiser dans cet immense réservoir
berlinois. Revenons sur l’un d’eux, réalisé
pour Frieze, en 2007, à la demande de la Fair
Gallery.
—
Votre dernière exposition, au CAPC jusqu’en
septembre, est née d’une proposition de sa
directrice Charlotte Laubard. Cette dernière
vous a invitée à imaginer un accrochage de
la collection restée depuis longtemps dans
les réserves du musée. Comment avez-vous
travaillé ?
—
c’est un puits sans fond absolument fou, un trésor pour nous,
The Fair Gallery est une structure qui n’existe que durant les foires,
J’ai eu une vraie carte blanche, sur 1 500 mètres carrés. Je me
hasard si les artistes font un come-back vers la céramique, le tapis,
les commissaires. Cela m’a extrêmement nourrie, comme si je
émanation de quatre galeries décidées à s’allier dans ces moments
suis plongée dans les réserves. Ce qui m’a tout de suite frappée,
la broderie… toutes ces pratiques artisanales.
mangeais tous les jours, et j’ai beaucoup puisé dans ces structures
particuliers : gb agency, de Paris, Jan Mot, de Bruxelles, Hollybush
c’est qu’il y avait beaucoup d’œuvres que je ne connaissais pas,
alternatives, dans lesquelles les artistes sont beaucoup plus actifs
Gardens, de Londres, et Raster, de Varsovie. Ensemble, ils voulaient
beaucoup d’artistes disparus. C’était une vraie redécouverte des
qu’en France. Elles ne sont jamais identifiables, on ne sait jamais
imaginer un nouveau format de présence dans les foires. Plus
années 80, sans doute les grandes années de cette collection. J’ai
ce qu’elles sont vraiment, elles ouvrent soudain, ferment au bout
que de galeristes, il s’agit profondément de curateurs qui ont en
travaillé par coups de cœur, en tentant de ne tenir compte ni du
Grâce à ces procédés, l’exposition est
comme un hors-temps, une parenthèse.
—
d’un mois, rouvrent ailleurs, se transforment tour à tour en bar,
permanence envie de réinventer des schémas. En témoigne leur
nom des artistes ni de leur carrière. Ainsi est née une liste, mais
Je m’attache beaucoup au fait que l’on soit dans un temps
lieu d’expo, salle de concert. Hier encore, derrière Alexanderplatz,
programmation, déjà très curatée. Pour Frieze, ils ont fait appel à
qu’en faire ?
suspendu, qu’on prenne de la distance par rapport à aujourd’hui,
j’ai découvert un lieu qui semblait un bar des années 30, avec une
moi pour réaliser une exposition qui devait mêler leurs artistes sur
chanteuse en gants de satin, un pianiste en queue de pie, et des
leur stand commun. C’était une très belle invitation.
historiques ou contemporaines y sont rares et il n’y a vraiment
pas l’équivalent du Centre Pompidou, ou du MAMVP – je pense
à ce qui a été fait à l’ARC par exemple. Autre problème, il est
impossible d’y développer quoique ce soit financièrement. Tous
mes projets m’ont toujours été amenés par mon réseau français,
excité par le fait que j’amène quelque chose venu d’ailleurs. Mais
néons démodés, jouant devant une foule assise dans de vieux
sofas. Je me trouvais en fait dans l’ancien centre culturel hongrois,
réhabilité récemment, avec, au fond, un restaurant improvisé et des
serveurs en gants blancs, et où je m’étais rendue pour assister à la
conférence d’une artiste norvégienne qui travaille sur l’odorat !
Ce qui était remarquable dans cette
proposition, c’est qu’elle ne se prostituait
pas du tout au contexte très marchand
et hype de Frieze, elle se voulait plutôt
radicale.
—
J’avais conçu ces 48 mètres carrés véritablement comme un
musée, un petit territoire que je me suis appropriée, et j’ai fait
comme si j’étais ailleurs, en m’abstrayant de la foire. Sur les stands
C’est alors que vous est venue la belle
idée d’emprunter au défunt musée des
Arts et Traditions populaires (ATP), qui
se trouvait au jardin d’acclimatation, ses
typologies désuètes de salles, imaginées
par l’ethnologue français GeorgesHenri Rivière. Vous avez glissé de l’art
populaire (céramiques, rituels, mobilier)
à l’art contemporain. Comment est né ce
glissement ?
—
Je pense qu’après toutes ces années de haute technologie, de
fascination pour le support vidéo, on ressent le besoin d’un retour
à quelque chose de plus humain, plus essentiel. Ce n’est pas un
notre réalité politique et sociale. Cela en gêne d’ailleurs plus d’un,
on me reproche parfois ce côté trop universaliste. Mais je voulais
gommer dans ces années 80 ou 90 ce qui les rattache à leur
temps, les regarder autrement, sans leur contexte. Ce qui ne veut
pas dire qu’on leur soustrait tout leur sens. Les œuvres de Combas,
par exemple, très présentes dans la collection, me semblent figées
dans leurs années 80, les en abstraire ne peut que les ouvrir.
Au début, je ne les ai même pas regardées, puis je suis revenue
dessus, et je les ai vues différemment. Pour finalement les inclure
à l’exposition. Si j’essaie de me réapproprier formellement les
œuvres, je tente néanmoins de les laisser parler sans leur imposer
un discours. Je veux qu’elles respirent.
◊
Berlin ne brille pas par ses institutions, les grandes expositions
p. 60
Nathalie D. —
Photographie - Audrey Corregan & Erik Haberfeld
Texte, Sylvain Ohrel
p. 72
Le souvenir de
la solidarité
p. 73
qui saute à nos yeux, mais qui a largement échappé aux
maquis des Glières et le Fouquet’s n’est pas évident, si le lien entre
contemporains de l’Evénement, et pour des raisons précises. Car
résistance et jetons de présence est a priori ténu, c’était pourtant à
si la ferveur du présent et l’amour de la nouveauté inspirèrent de
l’époque ceux-là qui commémoraient celles-ci. Une partition de la
nombreux publicistes jamais avares d’analyses et toujours prêts à
comédie de la mémoire interprétée par ceux qui avaient tout mis en
proposer une lecture des derniers codes sociaux en cours, le solde
œuvre pour tourner la page.
des références révolues s’était avéré un exercice à la fois plus rare
et plus dangereux. Une pratique douteuse parce que largement
La radicalisation des objectifs de la classe des grands possédants
monopolisée par de vieux professeurs passionnés d’eux-mêmes
avait bien amené certains de leurs représentants à clamer haut
L’ÉPOQUE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ ULTRA INDIVIDUALISTE. DES
et occupant les ondes du service public pour y déverser leurs
et fort leur détestation des barrières au relativisme héritées de
CONDITIONS HISTORIQUES TRAGIQUES ET PAS SI ÉLOIGNÉES
angoisses réactionnaires dans des bas de soie d’universitaires.
l’immédiate après guerre. Mais leur haine d’une alternative au
AVAIENT MÊME RÉPANDU LA CONSCIENCE INTIME QUE LA
Un exercice d’autant plus délicat qu’il vous affublait par son
capitalisme, qui avait selon eux vécu, s’habillait la plupart du temps
SOLIDARITÉ ENTRE LES HOMMES, FUSSENT-ILS SI DIFFÉRENTS,
instrumentation politique de compagnons de route des plus
d’une déférence ostentatoire. Le vintage et la Grande Histoire
ÉTAIENT UNE BASE INDISPENSABLE POUR TOUTE SOCIÉTÉ.
douteux. À l’heure de la manipulation symbolique comme nécessité
faisaient toujours recette. Et si leur détermination à faire voler
MAIS LA MÉMOIRE COURTE AVAIT ENCORE MARQUÉ UN POINT.
professionnelle, la réaction avait inévitablement fini en niche
en éclats un anti-individualisme institutionnel rendu possible
communicationnelle au service de la carrière. Un endroit où il ne
par la force tragique de l’histoire s’était parfois montrée à visage
faisait pas bon frayer.
découvert, l’essentiel du démembrement à l’œuvre s’était opéré
non pas discrètement mais au contraire sous la protection d’une
En 2012, la France vivait et quittait la plus longue période de paix
consécutive de son histoire. Les trente-neuf ans suivant la chute
Quelles qu’en soient les raisons, force est de constater que la
célébration gesticulatoire qui avait tout d’un détournement de
de l’Empereur comme les quarante-trois précédant la Première
disparition orchestrée des valeurs établies par ceux qui avaient
mémoire. En réalité, bien que ce dynamitage masqué sous les
Guerre mondiale étaient désormais loin des soixante-sept qui
connu la contrainte et l’effroi formidables de la guerre ne fut que
oripeaux de la glorification ait connu une forte accélération et une
la séparaient de son dernier armistice. Soixante-sept ans, une
marginalement prise en compte au moment des faits. Car en 2012,
radicalisation au tournant des années 10, l’ouvrage ne s’était pas
vie d’homme. Soixante-sept ans, l’âge légal de la retraite cette
le Français qui avait eu 15 ans en 1945 en avait 82, l’âge de son
fait en un jour. Les attitudes et idéaux des élites émergeantes
année-là. A part quelques exceptionnels parrains dont les griffes
espérance de vie. En 2012, les derniers témoins tournaient la page,
dans les années 80, et leur montée en puissance s’envisageaient
pouvaient encore servir, les hommes et les femmes désormais
et avec eux disparaissait le souvenir direct d’un universalisme
comme un mouvement progressif dont 2012 n’était que le point
aux manettes étaient, pour la première fois de l’histoire de France,
occidental non relativiste, hérité d’une grande frayeur. La nausée
final. Quand le sens du tragique perdit tout ancrage mémoriel
dépourvus de tout souvenir de guerre. Ce premier et unique
et le vertige des années 50, l’enthousiasme de 68 et même la
vivant, la catastrophe n’était plus loin. À l’époque, on ne pouvait pas
sevrage total avec l’expérience de la nécessité s’avéra décisif.
ferveur industrieuse des années 70 portaient encore – parfois
le savoir puisque c’était la première fois.
malgré les dénégations de leurs inspirateurs – la trace d’un idéal
L’histoire est une science dangereuse puisqu’elle s’exerce sans
fondé sur une connaissance intime de la nécessité. Un doute
Cette génération, qui avait grandi dans un monde post-industriel
processus expérimental et sur un matériel déjà existant. Et la
qui ressemblait à une certitude. Et même ceux qui, en définitive,
où plus rien n’était vraiment nécessaire, était venu refermer la
tentation des explications a posteriori en fait à la fois la saveur
en avaient peu souffert, parce qu’ils avaient connu les heures
parenthèse enchantée d’un universalisme tardif qui avait fait une
et le péril. De fait, pour nous qui nous situons de l’autre côté de
noires, portaient en eux une connaissance intime et irréversible
singularité française. Comme l’idée de Nation, dont elle avait
la barrière du temps, 2012 est une année si particulière qu’elle
de la notion de solidarité objective. On y trouvait là un relativisme
contribué à maintenir l’illusion, cette fleur de septembre du génie
donne naturellement lieu à bien des interprétations. La chute
circonscrit par la connaissance de l’injustice. Un relativisme
français était morte, n’en déplaise aux lecteurs de Marianne. Tout
de la démocratie parlementaire et la guerre civile sur laquelle
en somme tempéré et qui n’était pas encore considéré à la fois
était vrai, rien n’était faux, et le libre jeu des intérêts était désormais
elle a débouché, avant sa substitution par une organisation en
comme le dernier héritage du génie occidental et son stratagème
la seule justice possible. Mais fonder un ordre social sur le principe
communes, ont fait l’objet de beaucoup d’analyses. On a parlé de
pour ignorer sa mort clinique.
selon lequel rien n’est vrai étant un exercice qui n’est possible
la faillite inéluctable des élites, de l’emballement de la stimulation
[…] Mais fonder un ordre social
sur le principe « rien n’est vrai »
n’est un exercice possible qu’au
prix d’une police permanente,
et le quadrillage sécuritaire allait
à vive allure.
qu’au prix d’une police permanente, le quadrillage sécuritaire
des désirs par la communication marchande, aussi de la crise
Certes, le passage de témoin entre les générations ne s’était
allait à vive allure. Il fallait bien contenir les dangers inhérents à la
fatale des institutions dynamitées par le faux culte de l’individu ; on
pas fait en un jour, et une clairvoyance minimale avait permis
dimension subversive implicite d’une telle proposition. Pas assez
a même parlé de la vengeance des Aztèques. Bref, de nombreux
à quelques observateurs de pointer, plusieurs années avant la
vite néanmoins, puisque, finalement, le 10 mai 2012, eut lieu l’Apéro
arguments ont été avancés pour comprendre la soudaineté
bascule, une évolution qui annonçait une rupture inéluctable. Mais
Clash Géant et toutes les répercussions que nous lui connaissons.
et l’ampleur de la métamorphose d’une société qu’on disait
la perception de la séparation à l’œuvre fut largement obscurcie
paradoxalement figée. Mais tout est allé si vite.
par une frénésie commémorative dont tout indique qu’elle servait
précisément de paravent à un solde de tout compte. S’il est
Si ces propositions ne sont pas toutes farfelues, elles méritent
aujourd’hui difficile de comprendre le lien entre Guy Môquet et les
d’être conjuguées avec l’hypothèse générationnelle. Un argument
grands seigneurs du capitalisme à la française, si le rapport entre le
◊
projection
Texte, Rachel Nullans
p. 74
Les Petits
Métiers –
Irving Penn
p. 75
Un webmaster
—
comme s’il fusionnait les deux approches. Mais je ne sais pas si
c’est cet aspect de son travail que je préfère. Il est évident qu’il sait
Quels étranges noms de métiers… Rémouleur, marchand de
capturer les personnalités, mais ce qui capte ici mon attention, au-
concombres, vendeur de peau de chamois… 1950, c’était hier. Paris,
delà de la photographie en elle-même, c’est le côté exotique de ces
New York, Londres, trois villes opposées et pourtant similaires
portraits : ce garde-champêtre de Montmartre avec son chapeau à
grâce à cette foule, à ces artisans urbains. Et en même temps, il se
la Napoléon me déroute, surtout si je l’imagine dans le Montmartre
lit sur les visages de chacun, dans la pose, un trait caractéristique
d’aujourd’hui… Mais je trouve que la véritable valeur de cette série
de sa nationalité : les Français esquissant des sourires timides, les
c’est d’être le témoignage d’un monde disparu et ça me gêne,
Anglais arborant fièrement les insignes de leur profession et les
dans l’appréciation que je peux en avoir. Il est évident que Penn
Américains heureux de passer à la postérité par la photographie.
maîtrise parfaitement la lumière, ce qui donne cette atmosphère
On peut donc faire le même métier dans trois régions du monde
particulière. D’un point de vue technique, c’est absolument parfait,
mais ne pas le vivre de la même façon. Et puis les extraire de
c’est acquis, il est l’un des maîtres de la photographie du xxe siècle.
FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON
leur quotidien, les faire poser dans un studio, c’est transformer
Mais il y a tellement de choses qui se superposent dans cette
DU 5 MAI AU 25 JUILLET 2010
ce qui aurait pu être un reportage sociologique en un portrait
exposition que je ne sais plus ce que je regarde : le témoignage
psychologique. Je regarde ces visages de personnes que je n’ai
d’une époque disparue ? une recherche sociologique ? le travail
jamais vues, ces métiers que je n’imaginais même pas avoir pu
d’un grand photographe ? Il me semble que l’exposition ne joue que
exister, et je les regrette. J’imagine les rues de Paris bruyantes des
sur cette nostalgie, sur le souvenir d’une société qui n’est plus. Et
cris de ces hommes et femmes, parsemées de leur silhouette, et
je trouve que cette nostalgie – que Penn ne pouvait pas imaginer
Je me souviens qu’enfant je les voyais passer ces joueurs d’orgue
il se dégage une atmosphère particulière. « Les petits métiers »,
si vive – interfère avec le véritable sentiment que font naître ces
de Barbarie, rémouleurs, vitriers… et je les avais oubliés. Le monde
un drôle de nom quand j’y réfléchis. Quand je les regarde, je ne
images : face à ces cent portraits, je me sens perdu, submergé par
a tellement changé, je ne m’en suis pas aperçu. Ces photos me
me dis pas que ces gens font des petits métiers, je les vois fiers
des métiers aux noms parfois vides de sens pour moi. C’est peut-
ramènent à cette époque où les métiers s’affichaient sur les
et arrogants, fiers de leur savoir, leur uniforme comme blason.
être sévère, mais cette nostalgie qui surgit de partout m’insupporte
hommes. Je me revois enfant regardant passer le laitier avec
Quand je croise des gens dans la rue, je ne peux jamais identifier
de plus en plus. On a compris que c’était mieux avant ! À la fin, elle
ses bouteilles en verre dans lesquelles était recueilli ce lait bien
leur profession, rien ne distingue les hommes les uns des autres…
me fait rejeter ce travail. Je n’aime pas quand ce sentiment naît en
blanc, et j’aimais écouter le son de l’orgue de Barbarie quand il se
À cette époque, chacun portait les attributs de sa profession sur
regardant une œuvre, quelle qu’elle soit ; j’ai toujours l’impression
dispersait dans le quartier, les enfants accouraient vers la machine
lui, la relation au travail était donc forcément différente de celle
qu’il prend trop de place et ne laisse pas à d’autres sentiments,
et fixaient ces partitions étranges devenir de la musique… La ville
d’aujourd’hui. Il n’y avait pas de honte à exercer un métier qui
plus subtils, la possibilité de se faire sentir. Alors oui, les « petits
n’était pas la même, la vie non plus, d’ailleurs. En regardant ces
aujourd’hui serait certainement désigné par une périphrase pour
métiers » ont disparu, mais doit-on toujours faire la liste des choses
photographies, je redeviens l’enfant d’un monde qui n’est plus.
ne pas froisser les ego. Je dois avouer que c’est troublant toutes
qui disparaissent ?
Ça me renvoie que mon enfance est partie avec ce monde-là, qui
ces photographies, ces portraits, je n’arrive pas à me figurer ce
comme elle ne reviendra plus. Je ne pensais pas pouvoir regretter
que devait être le monde à cette époque, pourtant pas si lointaine.
cette époque. Je ne dis pas qu’elle était plus intéressante que celle
J’ai comme une nostalgie de ce monde-là, il me semble qu’avec
que nous vivons, mais, soudainement, je la trouve plus poétique.
toutes ces figures, ces métiers ancrés dans la ville, Paris devait être
Ces « petits métiers » qui donnaient un charme à la ville, une âme,
moins froide, moins anonyme, ces gens dans les rues, devant leur
même. Oui, il s’agit de cela : l’âme d’une rue, d’un quartier… Paris
boutique, devaient créer des liens, tisser des relations aujourd’hui
était moins grande, chaque quartier avait ses caractéristiques
disparues ou virtuelles.
Un retraité
—
[…] À cette époque, chacun
portait les attributs de sa
profession sur lui, la relation
au travail était donc forcément
différente. Il n’y avait pas de
honte à exercer un métier qui,
aujourd’hui, serait certainement
désigné par une périphrase,
pour ne pas froisser les ego.
◊
propres, on voyageait en traversant la Seine… Ces hommes et
femmes faisaient le lien. Je le trouve touchant ce réparateur de
n’a plus eu de place dans cette société qui s’est métamorphosée
Un photographe
—
en moins de cinquante ans en mettant sur la touche ces petites
C’est étonnant de voir ce travail d’Irving Penn, moi qui le
gens qui la composaient depuis des siècles. Cela me rend triste,
connaissais davantage comme un grand nom de la photographie
ému, toutes ces figures rieuses et fières, ces hommes et femmes
de mode… Vogue, ses photos de mannequins parisiens ou ses
qui proposaient leur savoir-faire… Comment ai-je pu les oublier ?
portraits de mondains cultureux… Je me demande pourquoi il s’est
Pourquoi n’ai-je pas remarqué le vide qu’ils ont laissé ?
tout à coup intéressé à ces petits métiers, au point de les faire
faïence. Qui fait encore réparer sa faïence ? Qu’est-il devenu, lui qui
poser comme des stars dans son atelier. D’un autre côté, cette
série reflète assez bien l’admiration qu’il avait pour Atget et Sander,
points de vue
p. 76
Texte, Pierre Ponant
Voilà
DANS LES ANNÉES 30, LA PHOTOGRAPHIE SE RÉVÈLE ÊTRE
L’UN DES MÉDIUMS DE LA MODERNITÉ PERMETTANT UNE
p. 77
[…] Voilà est édité par Zedpublications, une société sous
contrôle de Gaston et Raymond
Gallimard créée pour lancer des
hebdomadaires dont Détective et
Marianne… tout en protégeant
la librairie Gallimard et la
fameuse NRF d’éventuels échecs
commerciaux.
de photoreportage, dont s’inspirera, en 1938, le patron du Times
exclusivement des agences Trampus, Keystone ou France-
à New York, Henry Luce, pour créer Life. Lucien Vogel fait partie
Presse. La maquette, très aléatoire dans sa grille, affirme des
de ces directeurs de revue qui sollicitent des images originales.
principes modernes dans le rapport textes/images tout en restant
Vu couvre ainsi, outre des reportages de société, les sujets
ludique dans son rapport au lettrage des titres. Une expression
qui s’imposent à l’actualité, comme la montée du nazisme en
vernaculaire qui n’hésite pas à faire appel à « l’œil amateur ». Dans
Allemagne ou la guerre civile en Espagne. Vu s’inspire de ces
un numéro de 1936, la rédaction sollicite les lecteurs pour envoyer
magazines illustrés que furent le Berliner Illustreite Zeitung et
« des documents sur la vie », en affirmant : « […] peu importe
l’Arbeiter Illustreite Zeitung, où officie John Hartfield en tant que
l’aptitude rédactionnelle, littéraire ou le degré d’instruction ».
photomonteur engagé. Les unes de Vu sont ainsi composées
Nous ne leur demandons pas de faire des phrases, mais d’exposer
par des photomontages d’Alexander Liberman, qui gère aussi
simplement, sans littérature, même de façon abrégée, exactement
une maquette moderne et inventive, puisant dans les théories
ce qu’ils ont fait, vu, entendu, vécu. Plus professionnelles sont
du constructivisme. Précurseur en France, Vu ouvre la voie
les collaborations d’auteurs des reportages lointains comme
où s’engouffrent de nouvelles publications. Le 28 mars 1928,
ceux de Joseph Kessel, qui parcourt l’empire colonial, révélant
le premier numéro de Voilà paraît avec pour sous-titre :
des traditions et un exotisme qui restent le privilège de quelques
« L’hebdomadaire du reportage ». Voilà est édité par Zed-
explorateurs et aventuriers, ou ceux d’Albert Londres, beaucoup
Une nouvelle presse périodique voit le jour. Avec des maquettes
publications, une société sous contrôle de Gaston et Raymond
plus polémiques. Des écrivains comme Georges Simenon se
modernes et parfois inspirées des avant-gardes graphiques,
Gallimard créée pour lancer des hebdomadaires dont Détective et
prêtent à l’exercice, telle une enquête sur l’Europe en 1933. Jean
PERCEPTION ESTHÉTIQUE ET SOCIALE DU QUOTIDIEN.
AU TERME D’UN PROCESSUS RELATIVEMENT COURT, ENTRE
LES ANNÉES 10 ET 20, L’USAGE DE LA PHOTOGRAPHIE
INVESTIT PROGRESSIVEMENT LES COLONNES DE LA PRESSE
GÉNÉRALISTE.
La presse grand public augmente sa diffusion face à un lectorat qui
s’intéresse de plus en plus à l’actualité immédiate et internationale.
l’influence de ces magazines d’information devient décisive sur
En particulier Keystone et France Presse, qui disposent de la
Marianne… tout en protégeant la librairie Gallimard et la fameuse
Prevost, Paul Allard, Claude Blanchard, Pierre Hamp, May Reeves…
le comportement social et culturel de ses lecteurs. Le politique
technologie téléphotographique.
NRF des éventuels échecs commerciaux. L’hebdomadaire de faits
sont les principaux signataires des enquêtes de société ou des
divers Détective rencontre un très grand succès et résume la ligne
portraits de « people ». Ainsi que le grand reporter Pierre Scize,
Entre 1930 et 1934, une vingtaine d’agences photographiques
éditoriale et la stratégie économique des Gallimard : mélanger
collaborateur de L’Œuvre, du Canard enchaîné, du Figaro, de Vu,
nouvelles voient le jour à Paris. La plupart sont fondées par des
élitisme et grand public dans un éclectisme essentiel.
qui couvre tous les fronts de l’actualité, des scandales politico-
s’en empare et l’invention récente du photomontage joue un rôle
important dans l’écriture et la lecture des idéologies.
Avec l’illustration photographique, la presse périodique offre à
photographes et journalistes, émigrés d’Europe centrale ou
son lectorat les documents les plus récents et les plus rares. Mais
d’Allemagne, ayant fui la montée des régimes autoritaires et du
Voilà est dirigé par Georges Kessel puis, en 1933, par le critique
espagnole. La guerre en Espagne devient un catalyseur. Les cinq
au-delà du simple objectif de séduire ou de convaincre, le but
nazisme. Parmi celles-ci, Alliance Photo, fondée en 1934 et dirigée
d’art Florent Fels, ancien rédacteur en chef des revues Action (entre
principaux magazines, ou illustrés photographiques, publiés à
affiché par les groupes de presse est l’augmentation des tirages.
par Maria Eisner, qui contracte de jeunes photographes encore
1920 et 22) puis de l’Art Vivant (voir Magazine #53). Imprimé en
Paris vont envoyer une cinquantaine de journalistes au cœur du
L’évolution des techniques va y contribuer. Si, depuis le début du
inconnus – Robert Capa, Gerda Taro, David Seymour ou encore
grand format, 30 x 43 cm, en sépia, avec une pagination variant de
conflit. Un déluge de feu et d’images envahit la presse française. Si
siècle, on peut imprimer simultanément et à moindre coût, le texte
Henri Cartier-Bresson. Le talent de ces photographes est servi par
16 à 20 pages, Voilà paraît chaque samedi. La première période
l’hebdomadaire de Gaston Gallimard reste sur une ligne sociétale
et l’image, l’héliogravure – inventée par Karl Klietsch en 1875 – va
l’innovation technologique et l’utilisation d’appareils adaptés aux
privilégie des unes proposant un sommaire sous la forme d’un
et ne prend pas ou peu de positions politiques, d’autres supports
s’imposer (tout comme l’offset) au bénéfice d’une plus grande
contraintes du photojournalisme de terrain : le Rolleiflex ou le Leica.
photomontage. Florent Fels opte pour des unes avec un visuel
affirment un engagement et des convictions plus radicales. Le
précision dans la diffusion imprimée des images. La demande,
L’industrie photographique, qui a compris les enjeux économiques,
unique illustrant un des reportages. Des commandes sont passées
magazine Regards en fait partie. En 1939, comme beaucoup
sans cesse croissante, d’une illustration de l’actualité immédiate
produit des appareils de plus en plus performants, légers et
à François Kollar, Alban, Brodsky, Hans Namuth et Robert Capa.
d’autres journaux, Voilà interrompt sa parution.
pousse les patrons de presse à s’intéresser à la transmission
maniables, adoptés par la nouvelle génération de créateurs :
Mais les photographies des pages intérieures proviennent presque
des visuels et de leur commentaire. L’emploi du téléphone
Germaine Krull, André Kertész, Gisèle Freund… La sensibilité de
par les correspondants internationaux des grands quotidiens
l’émulsion photographique augmente, le format 35 mm s’impose,
apporte un style nouveau au reportage écrit. L’invention, en 1913,
favorisant des prises de vue de plus en plus rapides et permettant
par l’ingénieur Belin, du bélinographe permet, par ailleurs, la
un changement radical d’esthétique et de style. Le mode de
transmission d’une photographie par fil ou par radiotélégraphie.
fonctionnement du marché de la photographie demeure néanmoins
Les reporters emportent avec eux la « valise bélinographe » qui,
artisanal… Si les agences s’enrichissent rapidement, notamment
en 1933, ne pèse que 17 kg. Ce nouveau rôle de la photographie
par la vente de clichés d’archive, les photographes vivent souvent
incite ses concepteurs à se doter d’un modèle économique pour
dans des conditions précaires. Mais leur force provient de leur
faire face à ses commanditaires. Les agences de presse vont y
capacité à opérer dans des domaines extrêmement variés. Capa,
pourvoir. A Paris, au début des années 20, le marché est partagé
Brassaï ou Kertész proposent directement leurs images aux
entre les vieilles agences, fondées au xix siècle, comme Havas,
magazines. Des images nouvelles qui vont trouver leur lectorat à
la new-yorkaise Associated Press, la londonienne Reuter, et
travers ces supports qui révolutionnent le rapport texte/image.
e
celles plus récentes, Rol, Meurisse et Trampus. Mais les plus
Créé en 1928 par Lucien Vogel, le magazine Vu en est un des
performantes sont les agences photographiques qui s’adaptent
exemples et peut être considéré comme le premier des magazines
aux exigences de qualité formulées par la presse périodique.
financiers ou des bas-fonds des grands ports à la guerre civile
rétrovision
◊
p. 78
21-24
octobre
2010
grand palais
& louvre, paris
p. 79
Juin
Sa 5.06
Ma 1.06
The Decapitation of Money
Présentation des travaux menés lors
de la résidence de Goldin + Senneby,
deux artistes suédois, qui ont invité
d’autres artistes à éprouver leurs
théories sur la finance mondiale,
en entremêlant fiction et réalité.
Kadist Art Foundation,
jusqu’au 25.07
Art
Mode + Design
Défilé
Présentation d’une collection de
Jasmin Santanen, dans un décor de
design finlandais. Vente privée le
lendemain.
Institut finlandais, 16h
Me 2.06
Art
Parkett
Le Centre donne une carte
blanche à la revue Parkett. Table
ronde, projection et discussions
avec la curatrice de la prochaine
biennale de Venise.
Centre culturel suisse,
jusqu’au 4.06
Art
Parcours Saint-Germain
30 artistes invités pour cette
10e édition à investir boutiques,
hôtels et places du quartier, sur le
thème « Colours of sound ».
Saint-Germain, jusqu’au 17.06,
parcoursaintgermain.com
Semaine de la critique
Reprise de cette section cannoise
sur les écrans parisiens.
Cinémathèque, jusqu’au 6.06
Ve 4.06
Mode
Dessins de Sonia Rykiel
Dessins, carnets et notes de la styliste
qui dévoile 40 ans de papiers intimes.
Galerie Catherine Houard, jusqu’au
24.07
Reed Expositions
Art + Architecture
Perspectives
L’architecte Odile Deck et l’artiste
Camille Henrot investissent l’espace
Vuitton, sous le commissariat
d’Hervé Mikaeloff.
Espace Louis-Vuitton, jusqu’au 5.09
Organisé par
Partenaire Officiel
Me 9.06
Voyage dans ma tête
La collection de coiffes
d’Antoine de Galbert. 400 pièces
non occidentales pour parer la tête.
Maison Rouge, jusqu’au 26.09
Fête Nationale
Exposition nationale russe
Célébration de la fête nationale et
du savoir-faire russe, une sorte de
foire de Moscou sous la nef.
Grand Palais, jusqu’au 16.06
Design
Designer’s Days
Une foule d’expositions en quelques
jours, de boutiques en galeries,
sans oublier la Cité de la mode et
du design.
En ville, jusqu’au 14.06, infos
sur designersdays.com
Cinéma
Je 3.06
Cinéma
fiac.com
Art
A perte de vue
Cycle de films avec paysages,
étendues, horizons, perpectives…
Forum des images, jusqu’au 1.08
Je 10.06
Mode
Ecole d’Anvers
Défilé annuel des étudiants de
la section mode de l’Académie
d’Anvers. Des défilés, mais aussi
une ambiance et des rencontres
pendant trois jours.
Académie des beaux-arts d’Anvers,
jusqu’au 12.06
antwerp-fashion.be
Ve 11.06
Art
Dynasty
Une exposition en deux lieux
rassemblant 40 (jeunes) artistes que
l’art a à l’œil.
Musée d’Art moderne + Palais de
Tokyo, jusqu’au 5.09
Sa 12.06
Table ronde
Le rôle de directeur artistique dans
l’entreprise.
Carrefour, Citroën, Betc luxe… Moult
intervenants pour traiter de cette
question, en plein Designers Days.
IFM, 10h à 12h30
Art
Zone Botanique Temporaire
Exposition organisée par le
collectif Glassbox sur le thème
animal/végétal au sein de la Cité
internationale + performances
et interventions.
Cité internationale, jusqu’au 4.07
Di 13.06
Foire
Art Basel
Le thermomètre du marché de l’art.
Sinon, il y a Miami pour le design,
aux mêmes dates.
Bâle, jusqu’au 20.06
Je 17.06
Architecture
Meilleurs diplômes 2010
Remise des diplômes 2010 et
exposition à l’Ecole spéciale
d’architecture.
Ecole spéciale d’architecture, 19h
Ve 18.06
Cinéma
Pocket films
Festival de films réalisés avec un
téléphone portable, 6e édition, déjà.
Forum des images, jusqu’au 20.06
Ma 22.06
Photo
Cinéma
Table ronde sur le cinéma iranien
Réalisateurs et comédiens iraniens
dressent un état des lieux de la
création cinématographique perse,
assez vivante ces dernières années.
Cinémathèque, 17h30
Ma 15.06
Nouvel accrochage
Les images de la nouvelle Russie,
les polaroïds d’Anna et Bernhard
Blums, et les cathédrales de
Cyril Porchet de l’Ecal. Vernissage.
MEP, jusqu’au 29.08
Edition
Le meilleur du court
Florilège des meilleurs courts
métrages néerlandais produits cette
année et parfois primés.
L’Entrepôt, 20h
Dick Higgins et Something Else
Press
Une maison d’édition de livres
d’artiste existant depuis 1964, ses
productions historiques et d’autres
plus actuelles.
Immanence, jusqu’au 3.07
Me 16.06
Me 23.06
Cinéma
Cinéma
Air Doll
de Kore-Eda Hirokazu, Japon,
2009, 125’. Une poupée adulte
prend vie et bouleverse la vie de
ses rencontres. Par un réalisateur
injustement méconnu.
En salles
Art
Les Interlocuteurs
Des œuvres dont le matériau est la
parole : interviews, chorale, lectures,
performances, etc.
La Vitrine, jusqu’au 3.07
agenda
Photo
Valérie Jouve
Un travail récent réalisé en Israël
et en Palestine, toujours sur des
questions d’humain et de l’espace.
Centre Pompidou, jusqu’au 13.09
Photo
Slideluck Potshow
Projection de séries de
40 photographes sur le thème
de la première fois + rencontre
et soirée proposées par Nathalie
Belayche.
Comptoir Général, 19h
network.slideluckpotshow.com
p. 80
Je 24.06
Art
Design
Things Uncommon
Une exposition autour du designer
Noam Toram, qui interroge le
design (et nos besoins) à partir
du cinéma, sous un commissariat
d’Alexandra Midal.
Le lieu du design, jusqu’au 21.08
Miroirs noirs
Une exposition conçue par
Vincent Romagny avec entre
autres Christophe Brunnquell,
Pierre Leguillon, Mïrka Lugosi,
Gyan Panchal, Bruno Perramant,
Clément Rodzielski, AnneLaure Sacriste.
Fondation Ricard, jusqu’au 26.06
Ve 25.06
Mode
Carte Blanche à Vanessa Bruno
Dans le cadre du festival
Paris & Création, la styliste
française est invitée à présenter
une exposition. Art ou mode ?
Galerie des Galeries, jusqu’au 14.08
Ma 29.06
Photo
Bruno Serralongue
Des travaux connus et un nouveau
sur le Kosovo, interrogeant actualité,
représentation et médias.
Jeu de Paume, jusqu’au 12.09
Derniers jours
Cinéma
Le court en dit long
Ce 18e festival de courts
métrages présente la scène
belge : indépendants, écoles,
subventionnés…
Centre Wallonie-Bruxelles, jusqu’au
5.06
Photo
World Press Photo 2010
Ce qui se fait de mieux en
photojournalisme, à découvrir
avant Visa pour l’image.
Galerie Azzedine Alaïa, jusqu’au
17.06
Architecture
InDetails
Le cabinet suisse Devanthéry
& Lamunière présente trois
réalisations : Philip Morris, la faculté
des sciences de la vie de Lausanne
et la tour de la TSR à Genève.
La galerie d’architecture, jusqu’au
19.06
Art
Myriorama
Exposition personnelle d’Estelle
Hanania, photographe et lauréate
du festival de Hyères, qui présente
des images de masques et de
personnages imaginaires.
Fat galerie, jusqu’au 30.06
Juillet
1.07
Dessin
L’histoire de l’Europe en
160 caricatures
Le dessin de presse à travers
Le Soir et Courrier International.
Centre Wallonie-Bruxelles, jusqu’au
6.10
28.07
16.07
Foire
Design Parade
5e édition de ce festival qui s’installe
à son rythme dans le paysage.
Hyères, jusqu’au 4.07
3.07
Festival
Rencontres photographiques d’Arles
Rendez-vous estival et
photographique. Vernissages et
fêtes la première semaine.
Arles, jusqu’au 19.07
Août
Derniers jours
Derniers jours
Photo
Pieter Hugo
« Selected Works » pour des séries
sur les supporters, le catcheurs et
les scouts.
Colette, jusqu’au 3.07
Art
Diplômés
21 jeunes artistes diplômés et
félicités par le jury aux Beaux-Arts
de Paris.
Beaux-Arts de Paris, jusqu’au 11.07
Art
Lucian Freud
Derniers jours de cette exposition
qui a connu un vif succès et fait
l’unanimité.
Centre Pompidou, jusqu’au 19.07
Bouroullec
Exposition « Lianes - Roches –
Conques » d’Erwan et Ronan
Bouroullec, composée de lampes
étagères et display.
Galerie Kreo, jusqu’au 22.07
Photo
Les Petits Métiers
Exposition d’Irving Penn, voir rubrique
Points de vue pour les détails.
Fondation Henri Cartier-Bresson,
jusqu’au 25.07
Photo
15.07
Art
Moscou
Un circuit de 4 jours de découvertes
dans la capitale russe. Musée d’Etat
ou galeries privées, et rencontre de
collectionneurs.
Art Process, jusqu’au 18.07
art-process.com
Visa pour l’image
La Mecque du photojournalisme.
Perpignan, jusqu’au 12/09
Trieste, jusqu’au 17.07
Design
2.07
Festival
Festival
International Talent Support (ITS)
10e concours mode et photo
rassemblant de nombreux
participants internationaux et
soutenu par Diesel.
Les Halles de Baltard
Présentation de 100 images
d’époque sur les Halles de Baltard,
de leur construction en 1853 à leur
destruction en 1973. Vente le 31 des
reproductions exposées.
Le Louvre des Antiquaires, jusqu’au
31.07
Art
Dreamlands
Le modèle du parc d’attraction dans
les villes contemporaines, à travers
le cinéma, la photo, le dessin…
Centre Pompidou, jusqu’au 9.08
Photo
Willy Ronis, une poétique de
l’engagement
Hommage au photographe
centenaire après sa disparition
à travers 150 clichés, dont certains
inédits.
Monnaie de Paris, jusqu’au 22/08
Mode
Yves Saint Laurent
Rétrospective consacrée au
couturier retraçant 40 ans de
création : 300 modèles, ainsi
que des dessins, des documents
et des films organisés par les
commissaires Florence Müller et
Farid Chenoune.
Petit Palais, jusqu’au 29.08
Art
Corps et décors
Le travail de Rodin mis en regard de
celui de Wim Delvoye, le classique
versus le contemporain.
Musée Rodin, jusqu’au 22.08
Graphisme
La Poste vue par…
l’école Olivier de Serres. Une
sorte d’application, normalement
moins éprouvante que la visite des
diplômes.
La Poste du 34, bd de Vaugirard,
jusqu’au 21.08
◊
Galerie Yvon Lambert 108, r. Vieille-du-Temple - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 71 09 33
Galerie Serge Le Borgne 108, r. Vieille-du-Temple - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 74 53 57
Artazart 83, q. de Valmy - 10e Mo République 01 40 40 24 00
Galerie Loevenbruck 40, r. de Seine - 6e Mo Saint-Germain 01 53 10 85 68
Les Arts Décoratifs 107, r. de Rivoli - 1er Mo Palais-Royal 01 44 55 57 50
Galerie Madé 48, r. de Lancry - 10e Mo République 01 53 10 14 34
Art Process 52, r. Sedaine - 11 M Voltaire 01 47 00 90 85
Galerie Kamel Mennour 47, r. Saint-André-des-Arts - 6e Mo Saint-Michel 01 56 24 03 63
La Bank 42, r. Volta - 3e Mo Arts-et-Métiers 01 42 72 06 90
Galerie de Multiples 17, r. Saint-Gilles - 3e Mo Saint-Paul 01 48 87 21 77
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o
Beaux-Arts de Paris 13, q. Malaquais - 6e Mo Saint-Germain 01 47 03 54 58
Galerie Nelson Freeman 59, r. Quincampoix - 4e Mo Rambuteau 01 42 71 74 56
Bétonsalon 9, espl. Pierre Vidal-Naquet - 13e Mo Bibliothèque 01 45 84 17 56
Galerie Emmanuel Perrotin 76, r. de Turenne - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 16 79 79
Centre culturel suédois 11, r. Payenne - 3e Mo Saint-Paul 01 44 78 80 20
Galerie Pozzi Bertoux 115-117, r. Lafayette - 10e Mo Poissonnière 09 51 02 51 88
Centre culturel suisse 32 + 38, r. des Francs-Bourgeois - 3e Mo Rambuteau 01 42 71 44 50
Galerie Praz-Delavallade 28, r. Louise-Weiss - 13e Mo Bibliothèque 01 45 86 20 00
Centre Pompidou piazza Beaubourg - 4e Mo Rambuteau 01 44 78 12 33
Galerie Vanessa Quang 7, r. des Filles-du-Calvaire - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 44 54 92 15
Centre Wallonie-Bruxelles 127, r. Saint-Martin - 4e Mo Rambuteau 01 53 01 96 96
Galerie Almine Rech 19, r. de Saintonge - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 45 83 71 90
Cinémathèque 51, r. de Bercy - 12e Mo Bercy 01 71 19 33 33
Galerie Michel Rein 42, r. de Turenne - 3e Mo Chemin-Vert 01 42 72 68 13
Cité de l’Architecture 1, pl. du Trocadéro - 16e Mo Trocadéro 01 58 51 52 00
Galerie Thaddaeus Ropac 7, r. Debelleyme - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 72 99 00
Cité internationale 17, bd Jourdan - 14e Mo Cité-Universitaire
Galerie Léo Scheer 14-16, r. de Verneuil - 7e Mo Saint-Germain 01 44 55 01 90
Cneai Ile des impressionnistes - 78400 Chatou 01 39 52 45 35
Galerie Vallois 36, r. de Seine - 6e Mo Saint-Germain 01 46 34 61 07
Colette 213, r. Saint-Honoré - 1er Mo Tuileries 01 55 35 33 90
Galerie Anne de Villepoix 43, r. de Montmorency - 3e Mo Arts-et-Métiers 01 42 78 32 24
Comptoir général 80, q. de Jemmapes - 10e Mo République 01 44 88 20 45
Galerie Xippas 108, r. Vieille-du-Temple - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 40 27 05 55
De la Ville Café 34, bd de Bonne-Nouvelle - 2e Mo Bonne-Nouvelle 01 48 24 48 09
Grand Palais 3, av. du Général Eisenhower - 8e Mo Champs-Elysées-Clemenceau 01 44 13 17 17
Ecole spéciale d’architecture 254, bd Raspail - 14e Mo Raspail 01 40 47 40 47
IFM 36, qu. d’Austerlitz - 13e Mo Gare-d’Austerlitz 01 70 38 89 89
Espace Louis Vuitton 60, r. de Bassano - 8e Mo George-V 01 55 80 33 80
Immanence 21, av. du Maine - 15e Mo Montparnasse 01 42 22 05 68
L’Entrepôt 7, r. Francis-de-Pressensé - 14e Mo Pernety 01 45 40 07 50
Institut culturel mexicain 119, r. Vieille-du-Temple - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 44 61 84 44
La Fabrique 51, av. Jean-Jaurès - Montrouge Mo Porte-d’Orléans 01 44 61 76 76
Institut finlandais 60, r. des Ecoles - 5e Mo Odéon 01 40 51 89 09
Fat galerie 5, r. Dupetit-Thouars - 3e Mo République 01 44 54 00 84
Institut néerlandais 121, r. de Lille - 7e Mo Assemblée Nationale 01 53 59 12 40
Fondation Cartier 261, bd Raspail - 14e Mo Denfert-Rochereau 01 42 18 56 50
Jeu de Paume - Concorde 1, pl. de la Concorde - 8e Mo Concorde 01 47 03 12 50
Fondation Henri Cartier-Bresson 2, imp. Lebouis - 14e Mo Gaîté 01 56 80 27 00
Kadist Art Foundation 19bis, r. des Trois-Frères - 18e Mo Abbesses 01 42 51 83 49
Fondation Ricard 12, r. Boissy-d’Anglas - 8e Mo Concorde 01 53 30 88 00
The Lazy Dog 25, r. de Charonne - 11e Mo Bastille 01 58 30 94 76
Forum des images porte Saint-Eustache - 1er Mo Halles 01 44 76 63 00
Le Lieu du design 74, r. du faubourg Saint-Antoine - 12e Mo Ledru-Rollin 01 40 41 51 02
Galerie Azzedine Alaïa 17, r. de la Verrerie - 4e Mo Hôtel-de-Ville 01 40 27 85 58
Le Louvre des antiquaires 2, pl. du Palais-Royal - 1er Mo Palais-Royal 01 42 97 27 27
Galerie Martine Aboucaya 5, r. Sainte-Anastase - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 76 92 75
Maison de la culture du Japon 101, q. Branly - 15e Mo Bir-Hakeim 01 44 37 95 01
Galerie Anatome 38, r. Sedaine - 11e Mo Bastille 01 48 06 98 81
Maison Rouge 10, bd de la Bastille - 12e Mo Quai-de-la-Rapée 01 40 01 08 81
Galerie Air de Paris 32, r. Louise-Weiss - 13e Mo Bibliothèque 01 44 23 02 77
MEP 5-7, r. de Fourcy - 4e Mo Pont-Marie 01 44 78 75 00
Galerie Marcelle Alix 4, r. Jouye-Rouve - 20e Mo Pyrénées 09 50 04 16 80
Monnaie de Paris 11, q. de Conti - 6e Mo Pont-Neuf 01 40 46 56 66
Galerie Art Concept 13, r. des Arquebusiers - 3e Mo Saint-Sébastien-Froissart 01 53 60 90 30
Musée d’Art moderne 11, av. du Président-Wilson, 16e - Mo Iéna 01 53 67 40 00
Galerie d’architecture 11, r. des Blancs-Manteaux - 4e Mo Saint-Paul 01 49 96 64 00
Musée Rodin 79, r. de Varenne, 7e - Mo Varenne 01 44 18 61 10
Galerie E.L Bannwarth 68, r. Julien-Lacroix - 20e Mo Belleville 01 40 33 60 17
Palais de Tokyo 13, av. du Pdt-Wilson - 16e Mo Iéna 01 47 23 54 01
Galerie Anne Barrault 22, r. Saint-Claude - 3e Mo Saint-Sébastien-Froissart 01 44 78 91 67
Passage de Retz 9, r. Charlot - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 48 04 37 79
Galerie Carlos Cardenas 43, r. Quincampoix - 4e Mo Rambuteau 01 48 87 47 65
Petit Palais av. Winston-Churchill - 8e Mo Champs-Elysées-Clemenceau 01 53 43 40 00
Galerie M & T de La Châtre 4, r. Saintonge - 3e Mo Saint-Sébastien-Froissart 01 42 71 89 50
Le Plateau 33, r. des Alouettes - 19e Mo Jourdain 01 53 19 84 10
Galerie Philippe Chaume 9, r. de Marseille - 10e Mo République 01 42 39 12 60
Point éphémère 200, q. de Valmy - 10e Mo Jaurès 01 40 34 02 48
Galerie Chez Valentin 9, r. Saint-Gilles - 3 M Chemin-Vert 01 48 87 42 55
Spree 16, r. de La Vieuville - 18e Mo Abbesses 01 42 23 41 40
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Galerie Lucile Corty 2, r. Borda - 3e Mo Arts-et-Métiers 01 44 78 91 14
Surface to air 108, r. Vieille-du-Temple - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 49 27 04 54
Galerie Crèvecœur 4, r. Jouye-Rouve- 20e Mo Pyrénées 09 54 57 31 26
La Vitrine 24, r. Moret - 11e Mo Ménilmontant 01 43 38 49 65
© STUDIOPIU’ Communication S.r.l / MAGIS, Voido (design Ron Arad) © DR
12 Mail 12, r. du Mail - 2e Mo Etienne-Marcel
Agnès b. 1, r. Dieu - 10e Mo République 01 42 03 47 99
preview, femme/woman: © Jupiterimages / chaise/chair: EMU, Re-Trouvé (design Patricia Urquiola)
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Galerie Chantal Crousel 10, r. Charlot - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 77 38 87
Galerie Magda Danysz 78, r. Amelot - 11e Mo Filles-du-Calvaire 01 45 83 38 51
Galerie Patricia Dorfmann 61, r. de la Verrerie - 4e Mo Hôtel-de-Ville 01 42 77 55 41
Galerie Les Filles du Calvaire 17, r. des Filles-du-Calvaire - 3e Mo Filles-du-Calvaire 01 42 74 47 05
Galerie des Galeries 40, bd Haussmann - 9e Mo Chaussée-d’Antin 01 42 82 34 56
Galerie gb agency 20, r. Louise-Weiss - 13e Mo Bibliothèque 01 53 79 07 13
Galerie Laurent Godin 5, r. du Grenier-Saint-Lazare - 3e Mo Rambuteau 01 42 71 10 6
Galerie Marian Goodman 79, r. du Temple - 3e Mo Rambuteau 01 48 04 70 52
Galerie Alain Gutharc 7, r. Saint-Claude - 3e Mo Saint-Sébastien-Froissart 01 47 00 32 10
Galerie Eva Hober 9, r. des Arquebusiers - 3e Mo Saint-Sébastien-Froissart 01 48 04 78 68
Galerie Catherine Houard 15, r. Saint-Benoît - 6e Mo Saint-Germain
Galerie du Jour 44, r. Quincampoix - 4e Mo Rambuteau 01 54 54 55 90
Galerie Kreo 31, r. Dauphine - 6e Mo Odéon 01 53 10 23 00
adresses
3-7 septembre 2010. salon international du design pour la maison
September 3-7, 2010. international home design exhibition
Paris Nord Villepinte. www.nowdesignavivre.com
Salon réservé aux professionnels. Trade only.
Organisation SAFI, filiale des Ateliers d’Art de France et de Reed Expositions France.
SAFI - 4, passage Roux. 75850 Paris
Cedex 17. France. Tel. +33 (0)1 44 29 02 00. Fax. +33 (0)1 44 29 02 01. info@safisalons.fr
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