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Hugo Wolf (1860-1903)
Mörike-Lieder
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grands maîtres du lied
HMA 1951882
“Songes-y, mon âme”
“Œuvre d’art totale.” Tel est le maître-mot du progressisme esthé­tique en cette seconde
moitié du xixe siècle. Cette idée a des précurseurs chez les romantiques, avant que
Franz Liszt, Richard Wagner et Hugo Wolf ne montent en première ligne pour la défendre.
Liszt voulait faire du poème symphonique une forme d’art nouvelle, combinant pour les
dépasser musique et ­littérature, sans paroles il est vrai. Wagner écrivit ses opéras comme
un ensemble indissociable intégrant musique, poésie et scénographie. Hugo Wolf, cas
rarissime, a composé presque exclusivement des lieder. Peut-on qualifier d’œuvre d’art
totale cette forme intime de la communication ?
L’idée de l’œuvre d’art totale n’implique pas nécessairement que l’ensemble – musique,
vision, paroles – soit effectivement présent, mais que tout cela coexiste dans l’imagination
du com­po­siteur et trouve un écho dans l’imagination du destinataire. La composition
intègre des grandeurs variables. Personne ne met Wagner en scène exactement comme il
l’a prescrit dans ses par­ti­tions, et pourtant, ses indications constituent une base de réfle­
xion indispensable. Si les lieder de Hugo Wolf évoquent chez chaque auditeur des images
différentes, cela ne signifie pas que le compositeur ne les ait pas voulues ou créées. Quand
on écoute la ballade du Feuerreiter (“Le Cavalier du feu”), les scènes d’épouvante suscitées
par le mystérieux pyromane s’imposent avec une évidence visuelle et même, véritablement,
olfactive. En prêtant l’oreille à la “Prière” (Gebet), on est transporté dans un espace de
ferveur et de paix – mais sans nulle fadeur narrative, sans la moindre plate bondieuserie ; on
comprendra que cette voix qui reste en suspens ouvre une porte sur l’infini, on comprendra
que le temps interrompt un bref instant son cours avant que le piano, avec une géniale
simplicité, ne constate son arrêt définitif. Dans l’accompagnement du “Jardinier” (Der
Gär­tner), le rythme de la chevauchée se mêle à la grâce de la mélodie pour brosser le
portrait envoûtant de la princesse à cheval dans le parc. Parce que Wolf veut suggérer des
images à son auditeur, ses lieder comportent tous les ingrédients de l’œuvre d’art totale ;
simplement, leurs proportions et leur style ne relèvent pas du genre dramatique, mais de la
poésie lyrique et de la ballade. Alors que les opéras de Wagner s’étirent en longueur, Wolf
mise sur la concentration.
Lui-même soulignait la dimension synesthétique de ses pièces chantées. Lors des récitals,
il aimait à les faire d’abord déclamer. Il dit un jour à un de ses amis qu’il imaginait pour
chacun de ses lieder un fond de scène particulier, un tableau qui servirait de décor. À de
rares exceptions près, il n’a jamais abordé de poèmes dont d’autres compositeurs avaient
déjà donné une ver­sion qu’il trouvait bonne, car il estimait qu’à chaque texte ne pouvait
correspondre idéalement qu’une seule musique, de mê­me que le livret de Tristan serait
impensable sur des notes diffé­rentes. Même si Wolf n’écrivait pas ses textes lui-même,
“il se plon­geait si profondément dans l’étude d’un poète qu’il se dissolvait en quelque sorte
dans sa personnalité avant d’illumi­ner et de sublimer ses vers avec les moyens qui lui étaient
propres”. (Hans Jancik)
1
Les Mörike-Lieder
Parmi les quelque trois cents lieder composés par Hugo Wolf, les cinquante-trois pièces
sur des poèmes d’Eduard Mörike, écrites entre le 16 février et le 26 novembre 1888,
représentent le cycle le plus important par leur nombre. Depuis l’âge de dix-huit ans, Wolf
possédait les œuvres du poète souabe et avait fini par leur attacher un tel prix qu’il confessait
en 1886 ne pas pouvoir s’en séparer fût-ce même une heure. Grâce à ces poè­mes, écrit
encore Hans Jancik, “il s’était enfin trouvé, il avait trou­vé son style après avoir longuement erré
et cherché”. Eduard Mörike, théologien originaire de Ludwigsburg, est sou­vent qualifié de
poétaillon bourgeois. Jugement pour le moins inexact, car on rencontre chez lui, à côté d’une
piété fervente, des fantasmes érotiques qui ne cadrent guère avec ses fonctions pas­torales
et, à côté de l’éloge des petits bonheurs quotidiens, une robus­te ironie et un sens aigu du
récit “noir”, incluant la même couleur d’humour.
La plupart des poèmes de Mörike, même quand il s’agit de formes rigoureuses comme
les sonnets, ne se laissent pas enfer­mer dans une idée unique. À l’exception de quelques
ballades, ils ne comportent pas de message ou d’intrigue univoques, ne sont pas tendus
vers un objectif précis. Ils se présentent bien plutôt comme des fragments arrachés
à un contexte plus vaste, des instantanés qui laissent deviner plus qu’ils ne montrent.
Cette ouverture, ainsi que les sonorités de la langue de Mörike et son art d’évoquer une
atmosphère, avaient déjà inspiré plusieurs compositeurs. Mais aucun d’eux, avant ce
Viennois d’adoption qu’était Hugo Wolf, ne s’était encore attaqué à tout un cycle de plus de
cinquante poèmes dont l’audition intégrale durerait aussi longtemps qu’un drame musical.
Car ces cinquante-trois lieder sont bel et bien conçus comme une œuvre d’art totale. Wolf les
a encadrés d’une introduction et d’un épilogue, tous deux subjectifs. L’“Ode du convalescent
à l’espérance” (dont le titre, Der Genesene an die Hoffnung, rappelle le quatuor en la mineur
de Beethoven) est aussi un témoignage de gratitude à l’adresse de Mörike, qui avait libéré
la créativité de Wolf en lui imprimant une nouvelle direction. Quant à la conclusion burlesque
du cycle, loin de représenter un adieu mélancolique dans la tradition romantique, elle boute
hors avec énergie un représentant de cette corporation honnie qui faisait beaucoup souffrir
Wolf : un critique. Le morceau com­men­ce comme le chœur que Schumann avait consacré
à une rage de dents et se termine, après que le critique a dégringolé les escaliers, sur
une allègre valse (la rumeur courait à Vienne que c’était là le genre favori du très fameux
critique Eduard Hanslick). Les artistes ont choisi d’enregistrer ici une sélection de lieder qui
reflètent, sous une forme concentrée, la structure et les carac­tères essentiels du cycle tout
entier.
Les Mörike-Lieder se terminent sur une série d’humoresques annon­cées dans Begegnung
(“Rencontre”) et Nimmersatte Liebe (“Amour insatiable”). Le groupe conclusif proprement dit
commence avec Storchenbotschaft (“Le Message des cigog­nes”) : ces oiseaux qui, comme on
le fait croire aux enfants, apportent les bébés, confrontent le berger avec les conséquences
de son bel amour (insatiable ?). Wolf en fait un scher­zo qui joue capricieusement avec les
dissonances et les mo­tifs. Des ballades précèdent les humoresques. L’alliance des leit­
motive et d’une peinture sonore stylisée, les entrecroisements mé­lo­diques qui, reliant entre
elles des strophes apparemment hé­térogènes, en dévoilent par intermittence les arrièreplans se­crets, l’intensité des descriptions qui créent l’ambiance, font du Feuerreiter (“Le
Cavalier du feu”) un chef-d’œuvre du genre.
An die Geliebte (“À la bien-aimée”), Peregrina I et II et Lebewohl (“Adieu”) forment un
groupe relativement homo­gène à l’intérieur du cycle. Directement apparentés par leur
tonalité, ces quatre lieder progressent sur une semblable pulsa­tion tranquille, selon des
lignes mélodiques voisines à l’intérieur d’un ambitus harmonique comparable. Peregrina II
commence et se termine par le postlude de Peregrina I, qui varie les premières mesures de
la voix chantée. Le développement de Lebewohl est fondé sur les mêmes traits chromatiques
qui carac­térisaient les deux Peregrina et dont l’importance n’avait cessé de croître dans An
die Geliebte. Ces quatre pièces sont autant d’éclairages portés sur une idée unique : la
tension entre l’amour sublimé et le désir érotique. L’intensité émotionnelle de ces vers dans
lesquels Mörike transfigure un moment clef de sa vie se re­trouve dans une musique d’une
formidable densité. Elles sont, elles aussi, préfigurées dans Im Frühling (“Au Printemps”), un
de ces poèmes dédiés à la nature qui s’intercalent entre les autres compositions sans se
mêler à elles. Tel un commentaire élargissant la perspective, ces pièces recentrent le cycle
tout entier, tant sur plan de la musique que sur celui des poèmes, car elles aussi parlent
toujours de l’homme.
Chacun de ces lieder porte en lui-même son propre sens et sa propre valeur. Pourtant, le
travail du compositeur concernait aussi leur suite et leur agencement. La structure du cycle
laisse trans­paraître des idées d’exposition et de développement, l’esquisse, la reprise et la
progression d’une pensée tant littéraire que musicale. Ces morceaux sont des œuvres d’art
totales au sens humain et subjectif du terme. Mörike en personne avait trouvé la formule :
“Songes-y, mon âme !”
Habakuk Traber
Traduction : Brigitte Hébert
2
1 | Gebet
Prière
Herr, schicke was du willst,
Ein Liebes oder Leides;
Ich bin vergnügt, daß beides
Aus deinen Händen quillt.
Seigneur, envoie ce qu’il te plaît,
Amour ou bien souffrance ;
Je me réjouis que tous deux
Aient eu leur source dans tes mains.
Wollest mit Freuden
Und wollest mit Leiden
Mich nicht überschütten!
Doch in der Mitten,
Liegt holdes Bescheiden.
Ne me submerge pas
De trop de joies
Et de trop de peines !
Car c’est entre les deux
Qu’est le doux renoncement.
2 | Fußreise
Am frischgeschnittnen Wanderstab,
Wenn ich in der Frühe
So durch Wälder ziehe,
Hügel auf und ab:
Dann, wie’s Vöglein im Laube
Singet und sich rührt,
Oder wie die gold’ne Traube
Wonnegeister spürt
In der ersten Morgensonne:
So fühlt auch mein alter, lieber
Adam Herbst- und Frühlingsfieber,
Gottbeherzte,
Nie verscherzte
Erstlings-Paradieseswonne.
Voyage à pied
Lorsqu’en début de matinée,
À la main, un bâton fraîchement coupé,
Je marche en traversant des forêts,
Des collines, des vallées :
Alors, comme l’oiseau dans la feuillée
Qui chante et s’agite,
Ou comme le raisin doré
Qui s’enivre de soleil
Dans les premiers rayons du matin :
Ce vieil et cher Adam ressent ainsi la fièvre
De l’automne et du printemps,
La plénitude divine,
Jamais perdue,
Du premier homme au paradis.
Also bist du nicht so schlimm, o alter
Adam, wie die strengen Lehrer sagen;
Liebst und lobst du immer doch,
Singst und preisest immer noch,
Wie an ewig neuen Schöpfungstagen,
Deinen lieben Schöpfer und Erhalter.
Möcht’ es dieser geben
Und mein ganzes Leben
Wär’ im leichten Wanderschweiße
Eine solche Morgenreise!
Ainsi, n’es-tu pas aussi mauvais,
Ô vieil Adam, que le disent les maîtres sévères,
Tu aimes et louanges toujours,
Tu chantes encore la gloire,
Comme aux premiers jours du monde,
De ton Créateur et ton Dieu aimé.
Puisse m’être accordée la grâce
De vivre ma vie entière
Comme un gai pèlerin,
Dans cette marche splendide du matin !
3 | Er ist’s
Le voici
Frühling läßt sein blaues Band
Wieder flattern durch die Lüfte;
Süße, wohlbekannte Düfte
Streifen ahnungsvoll das Land.
Veilchen träumen schon,
Wollen balde kommen.
– Horch, von fern ein leiser Harfenton!
Frühling, ja du bist’s!
Dich hab ich vernommen!
Revoici le ruban bleu du printemps
Qui flotte dans les airs ;
Suaves et familiers, ses effluves
Sur la terre s’exhalent comme un pressentiment.
Déjà rêvent les violettes
De pouvoir bientôt éclore.
Écoute, les doux arpèges de la harpe viennent de loin !
Printemps, oui c’est toi !
C’est toi que j’ai reconnu !
4 | Im Frühling
Au printemps
Hier lieg’ ich auf dem Frühlingshügel:
Die Wolke wird mein Flügel,
Ein Vogel fliegt mir voraus.
Ach, sag’ mir, all einzige Liebe,
Wo du bleibst, daß ich bei dir bliebe!
Doch du und die Lüfte, ihr habt kein Haus.
Der Sonnenblume gleich steht mein Gemüte offen,
Sehnend,
Sich dehnend
In Lieben und Hoffen.
Frühling, was bist du gewillt?
Wenn werd ich gestillt?
Me voici étendu sur la colline au printemps :
Le nuage devient mon aile,
Un oiseau vole devant moi.
Ah, dis-moi, amour unique,
Où tu gîtes, que je reste auprès de toi !
Mais toi et les airs n’avez point de demeure.
Pareil au tournesol mon cœur est ouvert,
Il désire,
Et s’étire,
D’amour et d’espoir.
Printemps, que me veux-tu ?
Quand trouverai-je la paix ?
3
Die Wolke seh ich wandeln und den Fluß,
Es dringt der Sonne goldner Kuß
Mir tief bis ins Geblüt hinein;
Die Augen, wunderbar berauschet,
Tun, als schliefen sie ein,
Nur noch das Ohr dem Ton der Biene lauschet.
Je vois couler nuages et fleuve,
Le baiser doré du soleil,
Profond, me pénètre les sangs ;
Mes yeux, dans une étrange ivresse,
Font comme s’ils s’endormaient,
Seule mon oreille épie encore le chant des abeilles.
Ich denke dies und denke das,
ich sehne mich, und weiß nicht recht, nach was:
Halb ist es Lust, halb ist es Klage:
Mein Herz, o sage,
Was webst du für Erinnerung
In golden grünen Zweige Dämmerung?
Alte unnennbare Tage!
Je songe à ceci, et puis à cela,
Je me languis sans trop savoir de quoi :
Moitié plaisir, moitié crainte,
Mon cœur, oh, dis-moi,
Quels souvenirs tisses-tu
Dans les rameaux verts et or de la brune ?
Jours anciens, indicibles !
5 | Auf ein altes Bild
Sur une vieille image
In grüner Landschaft Sommerflor,
Bei kühlem Wasser, Schilf und Rohr,
Schau, wie das Knäblein Sündelos
Frei spielet auf der Jungfrau Schoss!
Und dort im Walde wonnesam,
Ach, grünet schon des Kreuzes Stamm!
Dans la floraison estivale d’un vert paysage,
Près du frais ruisseau, des joncs et des roseaux,
Regardez comme le petit enfant sans péché
Joue hardiment près du sein de la Vierge !
Tandis qu’au loin dans l’enchantement de la forêt,
Ah, verdit déjà le bois de la croix !
6 | Der Genesene an die Hoffnung
Ode du convalescent à l’espérance
Tödlich graute mir der Morgen:
Doch schon lag mein Haupt, wie süß!
Hoffnung, dir im Schoß verborgen,
Bis der Sieg gewonnen hieß.
L’aube me faisait frémir mortellement :
Mais déjà ma tête reposait, ô espérance,
En ton sein délicieux,
Attendant que la victoire fut acquise.
Opfer bracht’ ich allen Göttern,
Doch vergessen warest du;
Seitwärts von den ew’gen Rettern
Sahest du dem Feste zu.
Je sacrifiais à tous les Dieux,
Mais toi, je t’oubliais ;
Tu contemplais la fête,
À l’écart des sauveurs éternels.
O, vergib, du Vielgetreue!
Tritt aus deinem Dämmerlicht,
Daß ich dir in’s ewig neue,
Mondenhelle Angesicht
Ô, pardonne, toi ma fidèle !
Quitte ton crépuscule,
Laisse-moi contempler ton visage,
Incertain, et de lune rayonnant.
Einmal schaue, recht von Herzen,
Wie ein Kind und sonder Harm;
Ach, nur einmal ohne Schmerzen
Schließe mich in deinen Arm!
Le voir une fois, du fond du cœur,
Comme un enfant, en toute candeur ;
Ah, une seule fois sans douleur,
Ouvre-moi tes bras !
7 | Auf einer Wanderung
D’un voyage à pied
In ein freundliches Städtchen tret’ ich ein,
In den Straßen liegt roter Abendschein.
Aus einem offnen Fenster eben,
Über den reichsten Blumenflor
Hinweg, hört man Goldglockentöne schweben,
Und eine Stimme scheint ein Nachtigallenchor,
Daß die Blüten beben,
Daß die Lüfte leben,
Daß in höherem Rot die Rosen leuchten vor.
J’entre dans une gentille petite ville,
Au rouge du soir qui tombe dans les rues,
D’une fenêtre qui vient de s’ouvrir,
Par dessus la plus luxuriante abondance de fleurs,
On entend sonner les cloches d’or,
Et comme un chœur de rossignols une voix s’élève,
Qui fait frémir les fleurs,
Qui fait s’exhaler les effluves,
Qui fait chatoyer les roses dans la pourpre divine.
Lang hielt ich staunend, lustbeklommen.
Wie ich hinaus vor’s Tor gekommen,
Ich weiß es wahrlich selber nicht.
Ach hier, wie liegt die Welt so licht!
Der Himmel wogt in purpurnem Gewühle,
Rückwärts die Stadt in goldnem Rauch:
Wie rauscht der Erlenbach,
Wie rauscht im Grund die Mühle,
Ich bin wie trunken, irrgeführt O Muse, du hast mein Herz berührt
Mit einem Liebeshauch!
Longtemps, je suis resté là, charmé, étreint de volupté,
Comment ai-je passé les portes de la ville ?
Je ne le sais nullement.
Ah, comme le monde ici resplendit !
Le ciel ondoie comme une houle de braise,
La ville est au loin dans une brume dorée :
Comme murmure le ruisseau sous les aulnes,
Comme murmure le moulin au vallon,
Je suis comme enivré, égaré –
Ô Muse, tu as touché mon cœur
D’un souffle d’amour !
4
Le papillon jaune en avril
8 | Zitronenfalter im April
Cruel soleil de printemps,
Tu m’éveilles avant l’heure,
Car c’est seulement dans l’ivresse de mai
Que croissent les mets délicats !
Si nulle aimable jeune fille
Ne me tend ici sa lèvre rose,
Où perle une gouttelette de miel,
Je mourrais lamentablement,
Et jamais le mois de mai
Ne me verra dans mon habit jaune.
Grausame Frühlingssonne,
Du weckst mich vor der Zeit,
dem nur in Maienwonne
Die zarte Kost gedeiht!
Ist nicht ein liebes Mädchen hier,
Das auf der Rosenlippe mir
Ein Tröpfchen Honig beut,
So muß ich jämmerlich vergehn
Und wird der Mai mich nimmer sehn
In meinem gelben Kleid.
Le jardinier
9 | Der Gärtner
Auf ihrem Leibrößlein
So weiß wie der Schnee,
Die schönste Prinzessin
Reit’t durch die Allee.
Sur son petit cheval
Aussi blanc que neige,
La plus belle des princesses
Chevauche dans l’allée.
Der Weg, den das Rößlein
Hintanzet so hold,
Der Sand, den ich streute,
Er blinket wie Gold!
Sur le chemin où le petit cheval
Caracole avec grâce,
Le sable que j’ai semé
Étincelle comme l’or !
Du rosenfarb’s Hütlein
Wohl auf und wohl ab,
O wirf eine Feder,
Verstohlen herab!
Toi, petit chapeau rose
Qui va montant et descendant,
Oh, laisse une plume
Tomber à la dérobée !
Und willst du dagegen
Eine Blüte von mir,
Nimm tausend für eine,
Nimm alle dafür!
Et si en échange
Tu me demandes une fleur,
Prends-en mille pour une,
Prends-les toutes !
Rencontre
10| Begegnung
Was doch heut Nacht ein Sturm gewesen,
Bis erst der Morgen sich geregt!
Wie hat der ungebetne Besen
Kamin und Gassen ausgefegt!
Quelle est donc cette tempête
Qui, jusqu’à l’aube, étreignit la nuit !
Quel importun balai a brossé
Rues et cheminées !
Da kommt ein Mädchen schon die Straßen,
Das halb verschüchtert um sich sieht;
Wie Rosen, die der Wind zerblasen,
So unstet ihr Gesichtchen glüht.
Une fillette parcourt déjà les rues,
Et regarde autour d’elle, à demi apeurée ;
Comme les roses dans le vent effeuillées,
Ses joues s’empourprent de reflets changeants.
Ein schöner Bursch tritt ihr entgegen,
Er will ihr voll Entzücken nahn:
Wie sehn sich freudig und verlegen
Die ungewohnten Schelme an!
Un beau garçon vient à sa rencontre,
Et s’approche d’elle émerveillé :
Comme ils se regardent joyeux et confus,
Ces deux étranges petits coquins !
Er scheint zu fragen, ob das Liebchen
Die Zöpfe schon zurecht gemacht,
Die heute Nacht im offnen Stübchen
Ein Sturm in Unordnung gebracht.
Il semble se demander si sa mignonne
A déjà refait ses nattes,
Que cette nuit, dans la chambre ouverte,
La tempête avait défaites.
Der Bursche träumt noch von den Küssen,
Die ihm das süße Kind getauscht,
Er steht, von Anmut hingerissen,
Derweil sie um die Ecke rauscht.
Le garçon songe encore aux baisers
Que la douce enfant lui avait rendus,
Il reste là, par son charme fasciné,
Alors qu’au coin de la rue, elle a déjà disparu.
5
11| Der Tambour
Wenn meine Mutter hexen könnt’,
Da müßt’ sie mit dem Regiment,
Nach Frankreich, überall mit hin,
Und wär’ die Marketenderin.
Le tambour
Si ma mère était sorcière,
Alors elle devrait suivre le régiment,
Partout en France,
Et serait la vivandière.
Im Lager wohl um Mitternacht,
Wenn niemand auf ist als die Wacht,
Und alles schnarchet, Roß und Mann,
Vor meiner Trommel säß’ ich dann:
À minuit au campement,
Lorsque seule la garde veille,
Et que tous ronflent, hommes et chevaux,
Je m’assiérais alors devant mon tambour :
Die Trommel müßt’ eine Schüssel sein;
Ein warmes Sauerkraut darein;
Die Schlegel Messer und Gabel,
Eine lange Wurst mein Sabel,
Mon tambour serait un plat
Rempli de choucroute chaude ;
Les baguettes, le couteau et la fourchette,
Mon sabre, une énorme saucisse,
Mein Tschako wär’ ein Humpen gut,
Den füll’ ich mit Burgunderblut.
Und weil es mir an Lichte fehlt,
Da scheint der Mond in mein Gezelt ;
Mon shako serait un bon hanap,
Que je remplirais avec du sang de Bourgogne,
Et comme je suis sans lumière,
La lune luit dans ma tente ;
Scheint er auch auf franzö’sch herein,
Mir fällt doch meine Liebste ein:
Ach weh! Jetzt hat der Spaß ein End’!
– Wenn nur meine Mutter hexen könnt’!
Bien qu’elle éclaire à la française,
Ma mie me manque pourtant :
Hélas ! Le rêve s’est dissipé !
– Si ma mère était une sorcière !
12| Jägerlied
Chant du veneur
Zierlich ist des Vogels Tritt im Schnee,
Wenn er wandelt auf des Berges Höh:
Zierlicher schreibt Liebchens liebe Hand,
Schreibt ein Brieflein mir in ferne Land’.
Gracieuse est la trace de l’oiseau dans la neige,
Lorsqu’il se promène sur les sommets ;
Mais plus gracieuse encor est celle que la main
De ma mie laisse sur la petite lettre qu’elle m’écrit au loin.
In die Lüfte hoch ein Reiher steigt,
Dahin weder Pfeil noch Kugel fleugt:
Tausendmal so hoch und so geschwind
Die Gedanken treuer Liebe sind.
Un héron prend son envol et s’élève dans les airs,
Où ne peuvent l’atteindre ni la flèche ni la balle :
Mille fois plus haut et plus rapides
Volent les pensées d’un amour fidèle.
13| Nimmersatte Liebe
Amour insatiable
So ist die Lieb’! So ist die Lieb’!
Mit Küssen nicht zu stillen:
Wer ist der Tor und will ein Sieb
Mit eitel Wasser füllen?
Und schöpfst du an die tausend Jahr;
Und küssest ewig, ewig gar,
Du tust ihr nie zu Willen.
L’amour est ainsi ! L’amour est ainsi !
Avec ses baisers à n’en plus finir :
Quel est le fou qui pourrait prétendre
Remplir d’eau une passoire ?
Tu puiserais pendant mille ans
Et embrasserais éternellement,
Jamais tu ne l’assouvirais.
Die Lieb’, die Lieb’ hat alle Stund
Neu wunderlich Gelüsten;
Wir bissen uns die Lippen wund,
Da wir uns heute küßten.
Das Mädchen hielt in guter Ruh’,
Wie’s Lämmlein unterm Messer;
Ihr Auge bat: nur immer zu,
Je weher desto besser!
À toute heure, l’amour, l’amour
Fait naître d’étranges désirs ;
Nous nous sommes mordus les lèvres au sang,
Aujourd’hui en nous embrassant.
La jeune fille attendait calmement
Comme l’agneau sous la lame,
Et ses yeux disaient encore :
Car c’est bien meilleur avec la douleur !
So ist die Lieb’, und war auch so,
Wie lang es Liebe gibt,
Und anders war Herr Salomo,
Der Weise, nicht verliebt.
L’amour est ainsi, et l’était jadis,
Depuis que l’amour existe,
Et le roi Salomon, le Sage,
N’aima pas autrement.
6
À l’aurore
14| In der Frühe
Aucun sommeil n’a rafraîchi mes yeux,
Là-bas point déjà le jour
À la fenêtre de ma chambre.
Mon esprit hagard se mine,
Va sans cesse d’un doute à l’autre
Et s’invente de nocturnes chimères.
– Ces angoisses, ces tourments,
Qu’ils se dissipent maintenant, ô mon âme !
Réjouis-toi ! Écoute ici et là-bas
S’éveiller déjà les cloches matinales.
Kein Schlaf noch kühlt das Auge mir,
Dort gehet schon der Tag herfür
An meinem Kammerfenster.
Es wühlet mein verstörter Sinn
Noch zwischen Zweifeln her und hin
Und schaffet Nachtgespenster.
– Ängste, quäle
Dich nicht länger, meine Seele!
Freu dich! schon sind da und dorten
Morgenglocken wach geworden
Songes-y, mon âme
15| Denk’ es, o Seele
Ein Tännlein grünet wo,
Wer weiß, im Walde,
Ein Rosenstrauch, wer sagt,
In welchem Garten?
Sie sind erlesen schon,
Denk’ es, o Seele,
Auf deinem Grab zu wurzeln
Und zu wachsen.
Un petit sapin verdit quelque part,
Dans la forêt, qui sait où ?
Un rosier pousse, qui dira,
Dans quel jardin ?
Ils ont été choisis déjà,
Songes-y, mon âme,
Pour s’enraciner sur ta tombe
Et y croître.
Zwei schwarze Rößlein weiden
Auf der Wiese,
Sie kehren heim zur Stadt
In muntern Sprüngen.
Sie werden schrittweis gehn
Mit deiner Leiche;
Vielleicht, vielleicht noch eh’
An ihren Hufen
Das Eisen los wird,
Das ich blitzen sehe!
Deux poulains noirs paissent
L’herbe du pré,
Ils rentrent chez eux à la ville,
En bondissant gaiement.
Ils marcheront au pas,
Traînant ta dépouille,
Peut-être, peut-être même avant
Que ne soit perdu
Le fer à leurs sabots,
Que soudain je vois briller !
À la bien-aimée
16| An die Geliebte
Wenn ich, von deinem Anschaun tief gestillt,
Mich stumm an deinem heilgen Wert vergnüge,
Dann hör ich recht die leisen Atemzüge
Des Engels, welcher sich in dir verhüllt.
Lorsque, profondément apaisé par ton image,
Muet je me réjouis de ta chère sainteté,
J’entends alors très bien comme doucement respire
L’ange qui demeure au plus secret de toi-même.
Und ein erstaunt, ein fragend Lächeln quillt
Auf meinem Mund, ob mich kein Traum betrüge,
Daß nun in dir, zu ewiger Genüge,
Mein kühnster Wunsch, mein einzger, sich erfüllt?
Un sourire étonné, interrogateur, éclôt sur mes lèvres,
Demandant si nul rêve ne m’abuse,
Quand en toi s’accomplit désormais, à jamais assouvi,
Mon vœu le plus hardi, mon unique désir.
Von Tiefe dann zu Tiefen stürzt mein Sinn,
Ich höre aus der Gottheit nächtger Ferne
Die Quellen des Geschicks melodisch rauschen.
Mon esprit plonge alors d’abîme en abîme,
Des lointains nocturnes de la divinité, j’entends
Le murmure mélodieux des sources du destin.
Betäubt kehr ich den Blick nach oben hin,
Zum Himmel auf – da lächeln alle Sterne;
Ich kniee, ihrem Lichtgesang zu lauschen.
Enivré, je lève les yeux vers le ciel,
Où rient toutes les étoiles ;
J’écoute à genoux leur chant étincelant.
Peregrina
Peregrina
I
Le miroir de ces yeux bruns et fidèles
Est pareil au reflet d’un or caché,
Qui semble émaner du plus profond d’elle.
Un tel or peut naître d’un tourment sacré.
17| I
Der Spiegel dieser treuen, braunen Augen
Ist wie von innerm Gold ein Widerschein;
Tief aus dem Busen scheint er’s anzusaugen,
Dort mag solch Gold in heil’gem Gram gedeihn.
À plonger dans la nuit de ce regard,
Innocent enfant, tu m’y invites toi-même,
Tu veux qu’hardiment nous nous enflammions,
Et en souriant, tu me tends la mort dans le calice du péché !
In diese Nacht des Blickes mich zu tauchen,
Unwissend Kind, du selber lädst mich ein –
Willst, ich soll kecklich mich und dich entzünden,
Reichst lächelnd mir den Tod im Kelch der Sünden!
7
18| II
Warum, Geliebte, denk’ ich dein
Auf einmal nun mit tausend Tränen,
Und kann gar nicht zufrieden sein,
Und will die Brust in alle Weite dehnen?
Ach, gestern in den hellen Kindersaal,
Beim Flimmer zierlich aufgesteckter Kerzen,
Wo ich mein selbst vergaß in Lärm und Scherzen,
Tratst du, o Bildnis mitleidschöner Qual;
Es war dein Geist, er setzte sich ans Mahl,
Fremd saßen wir mit stumm verhalt’nen Schmerzen;
Zuletzt brach ich in lautes Schluchzen aus,
Und Hand in Hand verließen wir das Haus.
II
Pourquoi, bien-aimée, ton souvenir
Inonde-t-il mes yeux de mille larmes,
Et pourquoi ne suis-je pas heureux,
Pourquoi mon cœur soupire-t-il sans fin ?
Ah, hier dans la chambre claire des enfants,
À la lueur des bougies disposées avec grâce,
Où je m’oubliais dans le bruit des jeux,
Tu entras, ô belle image de mon pitoyable tourment ;
C’était ton ombre qui s’assit à la table du repas,
Nous étions assis là, étrangers, taisant notre douleur ;
Enfin, j’éclatai en de bruyants sanglots,
Et main dans la main nous quittâmes la maison.
19| Lebewohl
Adieu
„Lebe wohl“ – Du fühlest nicht,
Was es heißt, dies Wort der Schmerzen;
Mit getrostem Angesicht
Sagtest du’s und leichtem Herzen.
“Adieu” – Comment pourrais-tu sentir
Ce que signifie le mot douleur ;
Tu le prononças d’un visage serein
Et le cœur léger.
Lebe wohl! – Ach! tausendmal
Hab’ ich mir es vorgesprochen,
Und in nimmersatter Qual
Mir das Herz damit gebrochen!
Adieu ! Ah, mille fois
Me suis-je redis ce mot,
Et dans ce tourment dévorant,
Mon cœur s’est brisé !
20| Verborgenheit
À l’écart
Laß, o Welt, o laß mich sein!
Locket nicht mit Liebesgaben,
Laßt dies Herz alleine haben
Seine Wonne, seine Pein!
Laisse, ô monde, oh laisse-moi !
Ne me soumets pas aux dons de l’amour,
Laisse ce cœur solitaire
À sa joie et à sa peine !
Was ich traure weiß ich nicht,
Es ist unbekanntes Wehe;
Immerdar durch Tränen sehe
Ich der Sonne liebes Licht.
Je ne sais pas ce que je pleure,
C’est une douleur inconnue ;
Derrière mes larmes toujours je vois
La chère lumière du soleil.
Oft bin ich mir kaum bewußt,
Und die helle Freude zücket
Durch die Schwere, so mich drücket,
Wonniglich in meiner Brust.
Souvent je suis à peine conscient,
Et la joie claire tressaille
Délicieusement en mon cœur,
À travers l’angoisse qui m’oppresse.
Laß, o Welt, o laß mich sein!
Locket nicht mit Liebesgaben,
Laßt dies Herz alleine haben
Seine Wonne, seine Pein!
Laisse, ô monde, oh laisse-moi !
Ne me soumets pas aux dons de l’amour,
Laisse ce cœur solitaire
À sa joie et à sa peine !
21| Der Feuerreiter
Le cavalier du feu
Sehet ihr am Fensterlein
Dort die rote Mütze wieder ?
Nicht geheuer muß es sein,
Denn er geht schon auf und nieder.
Und auf einmal welch Gewühle
Bei der Brücke, nach dem Feld!
Horch! das Feuerglöcklein gellt:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Brennt es in der Mühle!
Voyez-vous par la fenêtre,
Là-bas, le béret rouge reparaître ?
Ce n’est pas de bon augure,
Lorsque déjà il va et vient.
Et soudain la cohue se répand
Près du pont, vers le champ !
Oyez ! La cloche sonne l’alarme
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Le moulin s’enflamme !
Schaut! da sprengt er wütend schier
Durch das Tor, der Feuerreiter,
Auf dem rippendürren Tier,
Als auf einer Feuerleiter!
Querfeldein! Durch Qualm und Schwüle
Rennt er schon und ist am Ort!
Drüben schallt es fort und fort:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg,
Brennt es in der Mühle.
Voyez ! Il bondit comme hors de lui,
Le cavalier du feu s’élance hors des murs,
Juché sur sa bête efflanquée
Comme sur une échelle de pompier !
À travers champs ! Dans la fumée et la chaleur,
Il court, il est déjà dans la place !
Là-bas s’amplifie la clameur :
Derrière la montagne,
Derrière la montagne,
Le moulin s’enflamme.
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Der so oft den roten Hahn
Meilenweit von fern gerochen,
Mit des heil’gen Kreuzes Span
Freventlich die Glut besprochen –
Weh! dir grinst vom Dachgestühle
Dort der Feind im Höllenschein.
Gnade Gott der Seele dein!
Hinterm Berg.
Hinterm Berg
Rast er in der Mühle!
Toi qui souvent, à des lieues de distance,
As flairé l’odeur du feu,
Qui, avec le bois de la Sainte-Croix,
Ô sacrilège, a conjuré la flamme,
Malheur à toi ! Sous la charpente,
L’ennemi infernal ricane et te raille.
Dieu ait pitié de ton âme !
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Le moulin s’embrase !
Keine Stunde hielt es an,
Bis die Mühle barst in Trümmer;
Doch den kecken Reitersmann
Sah man von der Stunde nimmer.
Volk und Wagen im Gewühle
Kehren heim von all dem Graus;
Auch das Glöcklein klinget aus:
Hinterm Berg,
Hinterm Berg
Brennt’s! –
Une heure ne s’était pas écoulée
Que le moulin s’était écroulé ;
Cependant, dès cet instant,
Nul ne revit jamais le hardi cavalier.
La foule des gens et des voitures
Rentra chez elle, loin de ces horreurs ;
La petite cloche aussi s’arrêta :
Derrière la montagne,
Derrière la montagne
Brûle-le…
Nach der Zeit ein Müller fand
Ein Gerippe samt der Mützen
Aufrecht an der Kellerwand
Auf der beinern Mähren sitzen:
Feuerreiter, wie so kühle
Reitest du in deinem Grab!
Husch! da fällt’s in Asche ab.
Ruhe wohl,
Ruhe wohl
Drunten in der Mühle!
Bien plus tard, un meunier découvrit
Un squelette avec un béret
Au mur de la cave adossé,
Assis sur les os de sa rosse :
Cavalier du feu, comme tu chevauches
Dans le frais du tombeau !
Husch ! Ses restes tombent en cendres.
Repose en paix,
Repose en paix
Là-bas, dans le moulin !
Le message des cigognes
22| Storchenbotschaft
Des Schäfers sein Haus und das steht auf zwei Rad,
Steht hoch auf der Heiden, so frühe, wie spat;
Und wenn nur ein mancher so’n Nachtquartier hätt’!
Ein Schäfer tauscht nicht mit dem König sein Bett.
La maison du berger est juchée sur deux roues,
Perchée là-haut sur la lande, le matin, le soir ;
Ah, si tout homme avait un tel abri pour la nuit !
Le berger ne l’échangerait pas avec le lit du roi.
Und käm’ ihm zur Nacht auch was Seltsames vor,
Er betet sein Sprüchel und legt sich auf’s Ohr;
Ein Geistlein, ein Hexlein, so lustige Wicht’,
Sie klopfen ihm wohl, doch er antwortet nicht.
Quand de nuit il lui arrive quelque étrange aventure,
Il dit une courte prière et s’endort sur ses deux oreilles,
De petits fantômes, une petite sorcière, de gais lutins,
Tous frappent à sa porte, mais il ne répond point.
Einmal doch, da ward es ihm wirklich zu bunt:
Es knopert am Laden, es winselt der Hund;
Nun ziehet mein Schäfer den Riegel – ei schau!
Da stehen zwei Störche, der Mann und die Frau.
Un jour cependant, il en fut vraiment excédé :
Les grattements au volet, les couinements du chien ;
Notre berger tire le verrou : Hé, voyez cela !
Deux cigognes, mâle et femelle, se tenaient là.
Das Pärchen, es machet ein schön Kompliment,
Es möchte gern reden, ach, wenn es nur könnt!
Was will mir das Ziefer? – ist so was erhört?
Doch ist mir wohl fröhliche Botschaft beschert.
Le couple mignon fit une jolie révérence,
Il aurait bien parlé, ah, si seulement il avait pu !
Que me veulent ces volailles ? A-t-on jamais ouï ceci ?
Mais sans doute est-ce une bonne nouvelle.
Ihr seid wohl dahinten zu Hause am Rhein?
Ihr habt wohl mein Mädel gebissen ins Bein?
Nun weinet das Kind und die Mutter noch mehr,
Sie wünschet den Herzallerliebsten sich her?
Vous venez sans doute de chez vous sur le Rhin ?
Vous avez sans doute pincé le mollet de ma mie ?
Maintenant l’enfant pleure et la mère plus encore,
Elle aimerait que l’élu de son cœur soit près d’elle ?
Und wünschet daneben die Taufe bestellt:
Ein Lämmlein, ein Würstlein, ein Beutelein Geld?
So sagt nur, ich käm in zwei Tag oder drei,
Und grüßt mir mein Bübel und rührt ihm den Brei!
Elle souhaite que soit décidé le baptême :
Un agnelet, un saucisson, une petite bourse ?
Dites-lui donc que j’arriverai dans deux ou trois jours,
Saluez mon petit garçon et faites-lui sa bouillie !
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Mais attendez ! Pourquoi êtes-vous là toutes deux ?
Ne serait-ce pas, j’espère bien, des jumeaux ?
Les cigognes approuvent d’un claquement joyeux,
Elles s’inclinent, font une courbette et s’envolent.
Doch halt! warum stellt ihr zu zweien euch ein?
Es werden doch, hoff ich, nicht Zwillinge sein?
Da klappern die Störche im lustigsten Ton,
Sie nicken und knicksen und fliegen davon.
Adieu
23| Abschied
Unangeklopft ein Herr tritt Abends bei mir ein:
„Ich habe die Ehr, Ihr Rezensent zu sein!“
Sofort nimmt er das Licht in die Hand,
Besieht lang meinen Schatten an der Wand,
Rückt nah und fern: „Nun, lieber junger Mann,
Sehn Sie doch gefälligst mal Ihre Nas’ so von der Seite
Sie geben zu, daß das ein Auswuchs is’.”
[ an!
– Das? Alle Wetter – gewiß!
Ei Hasen! ich dachte nicht,
All’ mein Lebtage nicht,
Daß ich so eine Weltsnase führt’ im Gesicht!
Sans frapper un Monsieur entre un soir chez moi :
“J’ai l’honneur d’être le critique de votre œuvre !”
Aussitôt, il prend la lampe en main,
Considère longuement mon ombre sur le mur,
S’approche puis recule : “Eh bien, mon jeune ami,
Ayez l’obligeance de regarder votre nez de ce côté !
Vous conviendrez que c’est une excroissance.”
Ceci ? Mille tonnerres – certainement !
Diantre ! Je n’avais pas pensé,
Jamais de toute ma vie,
Que j’avais un nez aussi extraordinaire !
Der Mann sprach noch verschiednes hin und her,
Ich weiß, auf meine Ehre, nicht mehr;
Meinte vielleicht, ich sollt’ ihm beichten.
Zuletzt stand er auf; ich tat ihm leuchten.
Wie wir nun an der Treppe sind,
Da geb’ ich ihm, ganz frohgesinnt,
Einen kleinen Tritt,
Nur so von hinten aufs Gesäße mit –
Alle Hagel! ward das ein Gerumpel,
Ein Gepurzel, ein Gehumpel!
Dergleichen hab’ ich nie gesehn,
All mein Lebtage nicht gesehn
Einen Menschen so rasch die Trepp’ hinabgehn!
L’homme dit encore diverses choses,
Sur mon honneur, je les ai oubliées ;
Sans doute pensait-il que j’allais me confier.
Enfin, il se leva et je l’éclairai.
Alors que nous arrivions dans l’escalier,
Je lui donnai, de fort bonne grâce,
Un petit coup de pied,
Par derrière dans le fondement –
Sacrebleu ! Cela produisit un grondement,
Une dégringolade, un boitillement !
Je n’avais jamais vu,
Jamais de toute ma vie,
Un homme descendre aussi vite l’escalier !
Traduction Pierre-André Bruhns
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