Hors-Série Horlogerie

Transcription

Hors-Série Horlogerie
HORLOGERIE
DE QUOI SERA FAIT LE MONDE
HORLOGER DANS 30 ANS?
QUAND LE TEMPS
SE FAIT MYSTÈRE
CE QUE VEULENT LES FEMMES
DENIS HAYOUN
Ce hors-série ne peut être vendu séparément Le Temps Mercredi 24 avril 2013
LUDWIG OECHSLIN,
LE PURISTE
Horlogerie
2
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
ÉDITO
On a bien entendu découvert des
trésors mécaniques. Mais ce que
l’on a perçu est du domaine de
l’ineffable: la conscience que l’on
vit une époque charnière et que
l’on ne sait pas encore si un cycle
va se terminer, et si oui quand, et
surtout comment. Un cycle horloger, c’est quoi? Sept ans pour les
cycles courts, trente ans pour les
cycles longs. Personne n’a oublié
la crise de 1972. Personne n’a
oublié non plus le miraculeux
redressement de la montre mécanique dans les années 90. Depuis
plus de vingt ans, l’horlogerie vit
un nouvel âge d’or.
Mais que sera l’horlogerie dans
trente ans? C’est la question que
nous avons posée à des présidents de manufacture, des patrons de marque horlogère, des
concepteurs (p. 4). Selon l’endroit
d’où l’on parle, bien sûr, les réponses varient. Mais on ne peut
s’empêcher de les croire lorsqu’ils
dépeignent une polarisation qui
va aller en s’accentuant entre les
grandes marques qui font des
centaines de millions de chiffre
d’affaires et les indépendants qui
en font 15 ou 20. Les manufactures statutaires, elles, n’étant pas
concernées: leurs produits confinent à l’œuvre d’art…
Tiens, cela me rappelle les mots
d’un informaticien venu donner
un cours à la rédaction afin de
nous aider à mieux appréhender
les outils informatiques mis à
notre disposition. «Un beau
La montre est un objet propre à
refléter les préoccupations de la
société qui la voit naître. Les
modèles que l’on a découverts
dans les salons poussent à s’interroger sur la pertinence de segmenter le marché en fonction des
genres masculin et féminin.
Pendant ce temps, dans les tribunes, les politiciens débattent de
l’attribution du droit au mariage
à des personnes du même sexe.
Hasard du calendrier? Peut-être…
Les femmes sensibles à la mécanique horlogère aiment à porter
des modèles masculins
(p. 28). Mais depuis que les horlogers conçoivent de beaux mouvements exprès pour elles, les hommes en sont jaloux et n’hésitent
pas à transgresser non pas un
tabou, mais une frontière virtuelle qui sépare les sexes. Et ce ne
sont pas quelques diamants sertis
sur la lunette qui les empêcheront de jeter leur dévolu sur un
modèle créé pour une autre
(p. 26). Il est même un brillant
horloger, Ludwig Oechslin, qui ne
s’embarrasse plus de savoir à qui
plairont ses montres, son seul but
étant de les concevoir de la manière la plus simple possible. Et si
elles ne plaisent à personne, tant
pis (p. 14). Sa position extrême
pourrait presque relever de l’art
pour l’art.
Quel est le futur de l’horlogerie?
Présidents de manufacture, concepteurs horlogers,
patrons de marque esquissent des projections d’avenir.
Propos recueillis par Isabelle Cerboneschi et Vincent Daveau.
LAZIZ HAMAN CARTIER 2013
8
8 Montres mystérieuses
Les montres mystérieuses
En vrais magiciens, les horlogers composent
avec la mécanique pour troubler nos perceptions.
Par Vincent Daveau
12
Garde-temps à un million
Qu’ont-elles de plus que les autres? Et que
promettent-elles en échange d’un tarif aussi élevé?
Par Catherine Cochard
14
Portrait de Ludwig Oechslin
L’horloger, qui a créé sa marque ochs und junior,
a un nouveau credo: utilité, fiabilité et simplification.
Par Pierre Chambonnet
18
A l’heure des métiers d’art
Les montres ornées de miniatures en émail,
de gravures précieuses sont les nouveaux enjeux de communication pour les marques maîtrisant ces techniques.
BEA WEINMANN
Par Isabelle Cerboneschi
20
14 Ludwig Oechslin
Les arcanes de la granulation étrusque
Cartier a réinventé cette technique d’orfèvrerie datant de
2500 ans av. J.-C. Reportage dans les ateliers.
Par Isabelle Cerboneschi. Photographies: Véronique Botteron
22
Les nouvelles voies de l’échappement
Trois grandes orientations en matière de développements
mécaniques.
Par Vincent Daveau
24
GILLES-MARIE ZIMMERMANN
En 2011, Hermès lançait une
montre qui donnait l’illusion que
l’on pouvait se rendre maître du
temps et le suspendre. C’est un
peu le sentiment que l’on a ressenti en découvrant les modèles
des salons horlogers de l’année
2013. Une sorte d’entretemps…
Mais entre deux quoi?
4
28 Mouvements féminins
Protection anti-magnétique
Face à un monde qui se magnétise, les horlogers
cherchent à améliorer la résistance de leurs montres.
Par Vincent Daveau
26
Petits cadrans pour hommes
Une clientèle masculine n’hésite plus désormais à porter
de petites montres serties ou pas.
Par Isabelle Cerboneschi
28
2013, année de la femme
Lors du SIHH 2013, on a découvert une foison de gardetemps dotés de mouvements mécaniques, agrémentés
de complications, destinés exclusivement aux femmes.
Par Isabelle Cerboneschi.
33
Portfolio
Ignition!
Photographies et réalisation: Denis Hayoun/studio Diode
40
Moteurs de montres et d’automobiles
Les marques horlogères, dont on connaît les partenariats,
se mesurent sur fond de performances, de chrono, de
mécaniques élaborées et de belles carrosseries.
Par Vincent Daveau
DR
Par Isabelle Cerboneschi
tableau, a-t-il affirmé, cela ne sert
à rien.» Une telle affirmation
mérite que l’on s’y attarde. Ainsi
donc, l’émotion née devant une
peinture de Kandinsky, ou le
simple plaisir ressenti en écoutant les oiseaux chanteurs des
boîtes à musique fabriquées par
Reuge (p. 44), ne servirait à rien?
L’utile aurait un avantage absolu
sur l’agréable? Le monde horloger a cette particularité qui le
rend passionnant: les deux s’y
côtoient avec art, parvenant
même à se valoriser l’un l’autre.
Les horlogers, conscients que
donner l’heure ne suffit plus,
s’attachent à la fois à inventer des
complications qui servent à
quelque chose en améliorant le
quotidien de celui qui les portent
(p. 46) et à offrir du rêve. Ils conçoivent des œuvres délicates,
gravées, émaillées, guillochées,
serties, par des artisans d’art
(p. 20), des garde-temps mystérieux dans lesquels le regard
s’oublie (p. 8).
SOMMAIRE
40 Pole position
44
Le nouveau souffle de Reuge
L’entreprise plus que centenaire tend à se moderniser
en conservant intact son savoir-faire artisanal,
entre sidérurgie et métier d’art.
Par Géraldine Schönenberg. Photos: Véronique Botteron
En regardant tous ces modèles,
en interrogeant ces présidents,
ces horlogers, ces concepteurs,
ces artisans, je me demande s’il
est bien raisonnable de continuer
à attendre des entreprises une
croissance à deux chiffres dans
une époque qui a singulièrement
besoin d’être réenchantée?
VERONIQUEBOTTERON.COM
FRÉDÉRIC LUCA LANDI
L’entretemps…
44 Boîtes à musique
46
Complications utiles
Quelques marques entendent offrir à leurs clients
des produits horlogers qui sont comme
des outils ultra-spécialisés.
Par Vincent Daveau
48
Nouveautés en avant-première
Une sélection de Vincent Daveau
Portfolio Ignition!
Photographies et réalisation Denis Hayoun/studio Diode
Horological Machine No 5 On the
Road Again, MB&F Horological Lab.
Moteur horloger tridimensionnel
développé par Jean-François Mojon et
Vincent Boucard de Chronode, sur une
base Sowind. Remontage automatique par rotor «mystère» en or 22 cts
en forme d’astérohache. Réserve de
marche de 42 heures. 28800 alternances par heure. Heures sautantes
bidirectionnelles et minutes affichées
par prisme saphir réfléchissant avec
lentille grossissante intégrée. Affichages des heures et des minutes sur
disques numérotés rotatifs (l’un pour
les heures, l’autre pour les minutes).
Boîtier en zirconium avec carter,
moteur étanche à 30 m en acier. Verre
saphir fumé de qualité optique avec
couche antireflet et grossissement de
20%. Edition limitée de 66 pièces.
Remerciements:
Nous remercions le garage Lambo
Cars SA, concessionnaire Lamborghini à Plan-les-Ouates, qui a mis à
notre disposition ses belles mécaniques.
Editeur
Le Temps SA
Place Cornavin 3
CH – 1201 Genève
Président du conseil
d’administration
Stéphane Garelli
Directrice générale
Valérie Boagno
Rédacteur en chef
Pierre Veya
Rédactrice en chef
déléguée aux hors-séries
Isabelle Cerboneschi
Rédacteurs
Pierre Chambonnet
Catherine Cochard
Vincent Daveau
Géraldine Schönenberg
Assistante de production
Géraldine Schönenberg
Photographies
Véronique Botteron
Denis Hayoun
Photo edit
Alain Vincent
Responsable production
Nicolas Gressot
Réalisation, graphisme,
photolitho
Cyril Domon
Christine Immelé
Patrick Thoos
Correction
Samira Payot
Conception maquette
Bontron & Co SA
Internet
www.letemps.ch
Michel Danthe
Courrier
Case postale 2570
CH – 1211 Genève 2
Tél. +41-22-888 58 58
Fax + 41-22-888 58 59
Publicité Le Temps Media
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IRL plus SA
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ISSN: 1423-3967
cartier.com - 044 580 90 90
rotonde de cartier
Double Tourbillon Mystérieux 9454 MC
Conçu par les maîtres horlogers de la manufacture Cartier, le double tourbillon mystérieux
9454 MC s’affranchit par deux fois des lois de la gravitation. Destiné à réguler avec précision
le mouvement, il semble se déplacer en suspension au cœur de la montre. Sa cage en titane
effectue une giration en une minute et réalise dans le même temps une révolution complète
en 5 minutes. Cette complication brevetée s’inspire des pendules mystérieuses, savoir-faire unique de
la Maison Cartier depuis 1912.
Boîtier en platine, couronne perlée en platine ornée d’un saphir cabochon, mouvement mécanique
Manufacture
à
remontage
manuel,
certifié
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de
Genève",
calibre
9454
MC
(25
rubis,
21’600 alternances par heure, double-barillets, Réserve de marche d’environ 52 heures).
En vente dans les boutiques Cartier à Genève, Zurich, lucerne, St. Moritz et auprès des distributeurs agréés :
Genève : b & B - Les Ambassadeurs - interlaken : kirchhofer casino – Lucerne : Embassy - vaduz : huber - Zurich : Les Ambassadeurs
Horlogerie
4
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
FUTUR
Commentimaginez-vous
l’horlogeriedans30ans?
C’est la question que nous avons posée à des présidents
de manufacture, des concepteurs horlogers, des patrons
de marque. Extraits choisis.
PHOTO: JAMES BORT / PHOTO EDIT BY ALAINVINCENT@YAHOO.COM
PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY ALAINVINCENT@YAHOO.COM
Propos recueillis par Isabelle Cerboneschi et Vincent Daveau.
Photo edit par Alain Vincent
Max Busser, fondateur de MB&F
«Unmarchéhyper-segmenté»
Thierry Stern, président de Patek Philippe
«Lebeauvaperdurer:ilrassure»
«J’ai déjà un plan à peu près à vingt ans
dans ma tête, donc trente ans, ce n’est pas si
loin… Il m’est difficile de m’exprimer sur
l’avenir global de l’horlogerie, mais je ne
pense pas que le haut de gamme coure un
grand risque. L’horlogerie est passée dans
le domaine artistique, même si elle
conserve une utilité. Une montre, c’est bien
plus qu’un objet utilitaire: c’est un status
symbol, une pièce d’art, elle a également
une valeur patrimoniale et familiale qui se
transmet, c’est le seul bijou qu’un homme
porte. Il y a bien les boutons de manchettes, mais ceux-ci ne vivent pas: une montre
vit avec vous. Quand les téléphones portables sont arrivés sur le marché, on disait
que les montres allaient disparaître. Quelque vingt ans plus tard, les téléphones sont
bien plus petits qu’à l’époque, ils ont une
infinité de fonctions, pourtant on continue
de porter des montres. Le beau va perdurer,
c’est une valeur qui rassure. Plus on va
avancer et plus on sera tributaire d’outils
que l’on ne peut pas maîtriser. Or une montre de manufacture – je ne parle pas des
mouvements à quartz –, c’est du 100% mécanique. Mes enfants me demandent parfois: «Tu ne la recharges pas, ta montre?»
Non, elle n’a pas besoin d’être rechargée.
Une automatique se recharge toute seule.
C’est une sensation formidable de se dire
qu’il s’agit d’un mécanisme qui a été inventé il y a plusieurs centaines d’années, et
qu’il fonctionne toujours. Mon iPhone, lui,
tombe tout le temps en rade à cause de la
batterie qui se décharge. Ma montre jamais. En revanche, je suis très curieux de
voir arriver sur le marché des montres avec
d’autres fonctions, qui vont nous aider
aussi bien à contrôler notre éclairage que
notre santé, ou la localisation de nos enfants avec un GPS intégré… Mais cela n’altérera jamais la passion pour la montre mécanique. Peut-être que l’on reliera les deux
d’ailleurs? Chez Patek, cela m’étonnerait
qu’on les mélange dans la boîte. Encore
qu’il ne faille jamais dire jamais… On a fait
du quartz, nous aussi. Mais je pense que
l’évolution horlogère sera vraiment sensible dans pas moins de cinquante ans. Avec
l’apport de nouvelles technologies. C’est à
ce moment qu’un clivage se fera. Mais cela
ne tuera pas l’horlogerie traditionnelle. Si
elle devait disparaître, ce serait la fin de
toutes les œuvres d’art…»
Propos recueillis par I. Ce.
«J’aime revenir en arrière pour envisager
le futur. J’ai commencé à travailler dans
l’horlogerie il y a vingt-deux ans. A l’époque, le mot «luxe» signifiait artisanat et
nous étions tous un peu des fous qui essayaient de défendre quelque chose d’indéfendable: la montre mécanique. En
1991, on se trouvait à ce moment charnière
où les choses ont basculé en sa faveur. Les
manufactures ont vendu de la tradition, du
savoir-faire. Avec un succès inespéré. Puis à
l’aube du XXIe siècle, on a assisté à l’émergence d’une horlogerie différente, en termes de créativité. Aujourd’hui, il y a une
dichotomie entre, d’un côté, certaines
grandes maisons, au pouvoir marketing
fort, qui créent le désir, la tendance, et qui
sont suivies par 95% des clients et, à l’opposé, les artisans, tout petits, qui n’existent
quasiment que par le bouche-à-oreille et
Internet, et n’intéressent qu’une petite partie de la population. Je pense que cette
polarisation va s’accentuer. Les méga
brands auront des budgets marketing toujours plus colossaux et vont fabriquer des
volumes toujours plus importants. Je ne
pense pas que ces marques prendront
beaucoup de risques. Plus une entreprise
est grande, moins elle prend de risques,
sauf si elle s’appelle Apple. Si je regarde ce
qui s’est passé les dix dernières années, la
créativité la plus débridée est venue surtout des indépendants. J’observe une sorte
d’homogénéisation des goûts, due à quelques grands acteurs trend setters qui créent
un produit qui n’est plus artisanal, mais qui
a du succès, parce qu’ils ont su, grâce au
marketing, encourager des personnes à
acheter une montre non pas parce que le
concepteur a mis trois ans pour la construire, mais parce que tel coureur automobile la porte. En parallèle, des maisons
comme Patek Philippe ou Rolex, qui sont
ce que j’appelle les gardiens des valeurs,
avec quelques autres manufactures, perdureront, sans être nullement touchées par ce
phénomène. En parlant de l’avenir de l’horlogerie, j’aimerais soulever un autre point
important: la difficulté croissante de rentrer dans ce métier. Il y a quinze ans, il
n’avait aucune barrière d’entrée. N’importe
qui pouvait acheter un mouvement ETA,
demander à un designer de lui dessiner
une boîte, la faire fabriquer chez X et monter une marque de montre. Aujourd’hui,
c’est impossible. On ne peut plus se fournir
en mouvements chez ETA. Créer son propre mouvement est un investissement incroyable et j’en sais quelque chose. Il y a de
moins en moins de fournisseurs indépendants, car beaucoup sont rachetés par les
groupes. A l’avenir, cette fractalisation va
s’accentuer entre les marques qui font du
branding, les indépendants qui racontent
des histoires d’hommes derrière la mécanique, et les gardiens du temple. Mais le côté
très positif de ce phénomène, c’est que toutes les maisons qui créent des besoins, qui
génèrent l’envie, quels que soient les
moyens employés, ouvrent les marchés à
des gens comme nous. Sans elles, qui popularisent l’idée de dépenser de l’argent pour
un produit horloger, nous n’existerions
pas. Parce que, pour arriver jusqu’aux indépendants, c’est une aventure initiatique…»
Propos recueillis par I. Ce.
TO BREAK THE RULES,
YOU MUST FIRST MASTER
THEM.
POUR BRISER LES RÈGLES, IL FAUT D’ABORD LES MAÎTRISER.
LE DESIGN ASYMÉTRIQUE DE LA MONTRE MILLENARY A
CHANGÉ LA FAÇON DONT LES HORLOGERS CRÉENT UN
CALIBRE. SON MOUVEMENT TRIDIMENSIONNEL ALLIE
PRÉCISION ET PERFORMANCE À CE SOUCI DU DÉTAIL QUI
CARACTÉRISE LA HAUTE HORLOGERIE.
SON PONT DE BALANCIER TRAVERSANT ORNÉ D’UNE FINITION
EN FORME DE VAGUES, DITE CÔTES DE GENÈVE, LUI ASSURE
UNE EXCELLENTE RÉSISTANCE AUX CHOCS. MÉLANGE DE
TECHNICITÉ, DE BEAUTÉ ET DE SAVOIR-FAIRE ARTISANAL,
ELLE INCARNE PARFAITEMENT LA PHILOSOPHIE HORLOGÈRE
DU BRASSUS.
MILLENARY 4101
EN OR ROSE. MOUVEMENT
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Horlogerie
PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY ALAINVINCENT@YAHOO.COM
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Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Jean-Frédéric Dufour, président directeur général de Zenith
Manuel Emch, directeur général de Romain Jerome
«Entrehistoireetplaisir»
«Entrehorlogerieettéléphonie»
«Une chose est certaine, dans trente
ans, je serai à la retraite… Mais, plus sérieusement, on peut dire que nous sommes au stade ultime du métier. Avant les
années 2000, nous avions à reconquérir
un marché et aujourd’hui nous sommes
dans la pure notion de plaisir. Alors, si
nous parvenons à faire rêver les générations futures, il n’y aura pas de révolution
majeure. On restera dans une sorte
d’équilibre tranquille. Assurément, il
peut y avoir une vraie rupture en matière
d’histoire. C’est-à-dire que dans un
monde qui se cherche, seules les maisons
ayant une histoire, les maisons assises sur
un passé de manufacture et capables d’offrir du rêve auront leur place et seront par
conséquent toujours là dans trente ans.
Toutefois, il y a peu de chance que les
choses changent vraiment si profondé-
ment. L’horlogerie sera sans doute la
même avec la coloration des goûts des
consommateurs dans trente ans, car l’horlogerie véritable véhicule des valeurs, fait
rêver les gens, incarne des repères qui
durent. La montre est et restera toujours
un bijou. Il ne faut pas sortir la montre de
ce contexte, le seul dans lequel elle peut
largement et durablement s’exprimer
sans risque de se dénaturer au point, finalement, de disparaître. Voilà pourquoi, je
pense qu’il ne faut pas céder aux sirènes
de l’informatique. C’est évident, le risque
existe de voir ressurgir des pièces électroniques, c’est une histoire de cycle. Mais les
vraies montres, si elles savent entretenir
leur potentiel «plaisir» ne risquent rien.
Toutefois, sans ce même plaisir, elles
n’auront plus de raison d’être…»
Propos recueillis par V. D.
«Il y a trente ans, l’horlogerie mécanique
a failli disparaître. Puis elle a connu une
croissance sans fin. J’imagine qu’un bouleversement de société va changer la donne.
On assiste à l’émergence de montres technologiques. Il y a eu la T-Touch, la Slide. Le
client est éduqué à ce geste: simplement
toucher sa montre pour changer les fonctions. Je crois à la convergence de l’horlogerie et de la téléphonie. Je m’intéresse aux
premiers téléphones avec écran plexi. Ils ne
sont pas encore très flexibles, mais dans
trois ans on verra certainement des prototypes de téléphones à mettre sur le poignet.
Or, je ne crois pas que l’on puisse avoir à la
fois une montre et un téléphone sur le poignet. La customisation va se développer. Le
marché sera toujours demandeur de montres statutaires, mais il ira aussi vers des
objets plus émotionnels, plus radicaux. Des
marques de référence, comme Rolex, Patek
et deux ou trois autres, ne seront pas touchées. Mais je suis avec beaucoup d’intérêt
le projet de l’iWatch d’Apple. Si elle n’est pas
encore sur le marché, c’est soit parce que la
technologie n’est pas aboutie, soit parce
qu’ils n’ont pas trouvé l’angle d’attaque
émotionnel pour bien la vendre. C’est une
question de maturité de produits. Apple n’a
jamais cherché à maîtriser ce qui est satellite autour du produit. Ils ont laissé ce soin
aux autres. Dans dix ans, je ferai peut-être
des applications de mouvements techniques téléchargeables… Je suis tiraillé entre
l’envie de confort du statu quo et le souhait
égoïste d’assister à un changement de cycle,
un bouleversement. Même si cela est anxiogène. En tout cas, cela oblige à se remettre
en question et pousse à l’humilité.»
Propos recueillis par I. Ce
PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY ALAINVINCENT@YAHOO.COM
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6
Jorg Hysek, cofondateur et président de Slyde
Jean-Marc Wiederrecht, patron d’Agenhor
«Desproduitshybrides»
«Troisvoiespourunmêmefutur»
«C’est clair, le monde bouge et l’horlogerie doit évoluer et aller vite pour suivre le
mouvement. Il y a dix ans, personne
n’aurait cru que le café serait vendu dans
des capsules en aluminium et pourtant
c’est devenu un mode de consommation
pratiquement exclusif. Dans l’univers du
temps, il en est un peu de même. Le métier
s’est longtemps cantonné à la mécanique
pure et au savoir-faire traditionnel pour
soutenir l’aspect patrimonial, mais il se
produit aujourd’hui un changement. La
jeunesse actuelle vibre pour des valeurs qui
ne sont pas nécessairement les nôtres et il
faut prendre en compte leurs goûts. Nés
avec les nouveaux outils de communication électroniques, ils n’ont pas de rejet par
rapport à cette technologie, mais l’intègrent à leur vie de tous les jours. Pour eux, la
mécanique peut très clairement s’exprimer
de façon virtuelle à travers la mise en œuvre
de produits que l’on peut qualifier d’hybrides. C’est pour répondre à ce qui me semble
être une orientation forte du marché que
j’ai créé Slyde. Si je n’y croyais pas, je ne me
serais pas engagé de la sorte. Cet univers à
un énorme potentiel, car il permet d’exprimer tout un tas de choses. Il ne sert à rien de
diaboliser l’électronique, car bien employée, elle peut apporter beaucoup au métier. Bien entendu, dans trente ans, les
montres mécaniques n’auront pas disparu.
Véritables bijoux, elles évolueront sans
doute avec leur temps, suivront également
les modes et ont toutes les chances de ne
plus ressembler à ce que nous avons connu.
En dix ans, nous avons vu une très forte
évolution dans l’univers des matériaux et
des designs. Faire une projection à trente
ans est plus risqué, mais tout laisse supposer que les nouvelles technologies intégreront le métier aujourd’hui traditionnel.
D’ailleurs, elles l’ont déjà pénétré avec les
matériaux comme le silicium par exemple,
mais également en matière de conception
avec la stéréolithographie et les électroformages. Alors dans trente ans…»
Propos recueillis par V. D.
«Il est difficile de répondre, mais j’imagine le métier pouvoir prendre trois
voies différentes. Dans l’absolu, il y aura
sans doute prochainement une nouvelle
race d’instruments très dessinés, capables de répondre aux attentes d’une
jeune génération. On ne parlera plus
d’une montre bien que l’engin donnera
l’heure, mais d’une sorte de smartphone
de poignet. Ce sera assurément un marché important qui répondra par la multitude de ses fonctionnalités aux attentes
d’un grand nombre de consommateurs.
On devrait également trouver une série
de produits mécaniques, mais réalisés
avec des technologies plus contemporaines. Ces montres industrielles, peu chères, serviront la cause des marques de
mode, de produits destinés à accompagner leur propriétaire durant une période relativement courte. De l’horlogerie mécanique mais «high-tech». Ces
montres n’auront pas d’âme, mais seront
un peu comme les Swatch d’hier, des
objets de consommation. Et puis, il y
aura la troisième catégorie, celle en laquelle je crois. Plus traditionnelle, elle
fera la part belle aux matériaux qui offriront aux horlogers de pouvoir les réparer
dans le futur. On peut espérer voir ce
monde rapidement soutenu par des labels et des certifications garantissant le
travail réalisé. Rien n’impose que les produits soient classiques, ils seront ce que
les clients voudront qu’ils soient. Pour
atteindre cet état, il faudra sans doute
revoir le principe des labels et autres certifications. D’ici à trente ans, il faudra de
toute façon un nouveau règlement du
swiss made pour donner sa chance à la
troisième voie d’expression horlogère.
Une voie qui aura pour quête de répondre aux défis qui ont toujours été ceux
des horlogers: atteindre la précision la
meilleure et offrir à ces mécaniques infiniment fines les moyens de faire autre
chose que donner seulement l’heure…»
Propos recueillis par V. D.
F
O
L
L
O
W
Y
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R
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S
T
P I L O T B I G D AT E S P E C I A L
W W W . Z E N I T H - W A T C H E S . C O M
Depuis toujours la Manufacture a accompagné les pionniers de l’aviation
en leur proposant des instruments de bords et garde-temps à la mesure de leur
exploit. Animée du légendaire mouvement El Primero, elle indique les dates en
grand et les heures en superluminova. Héritière du tout premier chronographe
automatique haute fréquence à roue à colonne, elle perpétue l’infaillible réputation
de la marque.
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A
R
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
ZIM ZALA BIM
Lesmontres
mystérieuses,magie
dutempsquipasse
Confronté à l’extraordinaire, à l’inattendu, voire au surnaturel, le cerveau tente de trouver des explications rationnelles
à ce que l’œil observe. Tout l’art du prestidigitateur tient dans cette capacité à leurrer son auditoire en créant
une illusion. En vrais magiciens, les horlogers ont composé avec la mécanique pour envoûter nos sens et laisser
le temps comme en suspens.
Par Vincent Daveau
LAZIZ HAMANI / CARTIER 2013
CARTIER 2012
8
Cartier. Calibre de la Rotonde de Cartier Mystérieuse réf. 9981 MC comprenant 158 composants et ayant 48 heures de réserve de marche.
P
our beaucoup d’amateurs, la simple mécanique d’une montre relève
du mystère, et le fond
transparent laissant voir
les petits composants
s’apparente à une lucarne par laquelle ils peuvent contempler une
part de la magie du génie humain.
Mais cela n’a rien de vraiment
mystérieux face à ce que les horlogers, quand ils jouent aux apprentis sorciers, aux illusionnistes
pour tromper nos sens, parviennent à produire pour nous berner
et révéler avec talent et légèreté
leur capacité à maîtriser les arts
cinétiques pour transcender le
temps qui s’écoule inexorablement.
On aura beau chercher, il n’y a
pas grand-chose de plus fascinant
et de plus étonnant dans l’univers
du temps que de voir léviter les
aiguilles d’une montre dans le
vide. L’esprit cartésien, piqué au
vif, cherche à savoir par quelle
force invisible les aiguilles en suspension se meuvent, ou par quel
enchantement elles parviennent à
échapper aux lois de la gravitation
universelle.
Le père de ces drôles d’instruments est un horloger français né
à Blois en 1805, Jean-Eugène Robert-Houdin, qui se passionna
pour la prestidigitation après
qu’il eut acheté par erreur, et à la
place du Traité d’horlogerie de Berthoud, le Dictionnaire encyclopédique des amusements, des sciences
mathématiques et physiques. Ainsi
naissent des vocations et des merveilles mécaniques… Ce maître,
plus connu pour ses tours prodi-
Cartier Rotonde de Cartier Double Tourbillon Mystérieux
Cal. 9454MC: une montre en platine de 45 mm
de diamètre dont le tourbillon semble léviter
dans le vide comme tenu par un mystérieux
enchantement de magicien.
gieux et pour être le père de la
magie moderne, devait créer des
pendules faisant la part belle aux
effets d’optique. Mais c’est l’horloger parisien Maurice Couët qui allait remettre au goût du jour cette
technique des pendules mystérieuses grâce à la fascination
qu’elles exerçaient sur Louis Cartier. La maison parisienne en produit régulièrement encore en pièces uniques depuis 1913 comme
celles présentées au SIHH 2013, et
il semblait logique à l’équipe des
ingénieurs et horlogers de
La Chaux-de-Fonds, emmenée par
Carole Forestier-Kasapi, de se pencher sur ce type d’affichage et de le
miniaturiser pour l’intégrer à une
montre-bracelet mécanique.
De cet attachement à entretenir
le mystère de l’affichage, Cartier a
présenté cette année deux gardetemps que tous les amateurs ont
reconnus comme grandioses: la
Rotonde de Cartier Mystérieuse en
or gris ou rose et la fascinante
Rotonde de Cartier Double Tour> Suite en page 10
hermès. le temps en mouvement
dressage
la montre hermès dompte le temps pour en maîtriser la mesure.
au coeur du modèle dressage résonne le tic-tac du mouvement mécanique de manufacture h1837.
de la conception aux ultimes réglages, de la fabrication de chacune des pièces
à leur finition manuelle, la montre hermès met son exigence d’excellence et de belle facture
au service de la précision.
POUR INFORMATION: +41 32 366 71 00, info@montre-hermes.ch
10
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
VINCENT WULVERYCK / CARTIER 2012
Cartier ID2: «concept watch» prototype développé au sein
de la manufacture Cartier. Le but: apporter des solutions
concrètes en toute transparence. Boîtier en céramique cristalline.
Mouvement manuel travaillant sous vide pratiquement absolu,
donc sans frottement.
> Suite de la page 8
billon Mystérieux en platine. Des
deux pièces, la seconde est sans
doute celle qui a le plus retenu
l’attention du public lors du SIHH,
qui avait lieu à Genève en janvier,
car son tourbillon semblant
comme léviter dans le vaste espace laissé libre effectue une giration en une minute et une révolution autour du centre, dans le
vide, en cinq minutes. Difficile de
faire mieux. Pourtant, il existe à
l’AHCI (Association des horlogers
et créateurs indépendants) un
horloger russe du nom de Konstantin Chaykin qui fabrique également des montres-bracelets mécaniques dotées d’un affichage
mystérieux. L’artisan est méconnu
du grand public, mais il fait, avec
une toute petite équipe, un vrai
travail de précision, et ses pièces
soignées, très aériennes et, finalement, mécaniquement assez proches de celles de chez Cartier –
sans pour autant qu’il y ait le
moindre point commun, selon
Carole Forestier-Kasapi – méritent
largement d’être présentées. Car
la qualité de ses réalisations est la
preuve qu’il est possible, avec une
belle dose de talent, de rivaliser
avec les maisons les plus prestigieuses.
Le mystère de la transparence
Cartier, qui possède une vraie expertise de longue date dans ce secteur (elle avait produit des montres de poche mystérieuses dans le
passé), n’est donc pas la seule maison de luxe à donner, cette année,
une place de choix au mystère
temporel. La marque Quinting
par exemple, réalise, à partir d’un
concept mis au point par ses soins
en 1993, des montres et chrono-
PHOTOS: DR
Arnold & Son Time Pyramid: dans son boîtier en or rouge
se devine le mouvement squeletté à l’extrême avec beaucoup
d’originalité. Ce modèle ajouré s’inspire
d’une horloge régulée par une chaîne-fusée, datant
de la première partie du XIXe siècle.
graphes aux cadrans strictement
transparents ne laissant voir
aucun composant en lien avec les
aiguilles. Cette entreprise fait
aujourd’hui encore appel à un calibre à quartz élaboré pour son
seul usage, qu’elle loge dans la carrure de boîte, mais cherche toujours à développer un organe mécanique pour ses pièces. Elle
propose, cette année, une collection Street Art dont les motifs font
oublier un tant soit peu l’aspect
transparent du cadran, mais dont
la peinture réalisée sur les différents disques évolue au gré des
heures et des minutes pour ne se
recomposer que deux fois par
jour. Cette société avait fourni, en
2010, à la Maison Dior, les moyens
de produire une série de montres
Christal Mystérieuses. Il ne faudrait pas oublier Louis Vuitton
dont la montre Tambour Mystérieuse lancée en 2009 avait séduit
le grand public, et la montre
Grand Tourbillon Heures Mystérieuses présentée la même année
par Montblanc.
Les montres mystérieuses exploitent la transparence pour
donner l’illusion à l’observateur
que les aiguilles ou les composants que l’on a choisi de conserver à la vue pour entretenir le mystère lévitent dans le vide. Mais
toutes les marques n’emploient
pas la transparence de la même
façon pour entretenir la magie et
le mystère. La maison Arnold &
Son propose, par exemple, sa vision du mystère horloger avec la
Time Pyramid: une montre dont le
calibre a été conçu de façon à ce
que la platine se concentre à la
périphérie afin de laisser le centre,
vide de matière. Résultat: les
composants, bien dessinés, semblent en effet comme par enchan-
Revelation: fondée en 2003, cette jeune maison propose
des montres dont la rotation de la lunette permet,
grâce à une glace polarisée, de faire découvrir
aux observateurs les différents composants du mouvement
habituellement cachés à la vue.
tement en suspension dans l’espace de la boîte alors qu’en réalité
ils sont tenus par un pont, partant
de la carrure, que l’on voit à peine.
D’autres maisons comme Richard Mille pour la RM 56-01 ou
Cartier avec sa Concept Watch ID2
font appel à la transparence absolue du boîtier pour révéler une
part du mystère du fonctionnement de son mouvement et donner l’impression que ce dernier,
au complet, flotte dans le vide, audessus du poignet… Au jeu de la
lévitation, la montre ID2 de Cartier, présentée à une poignée de
journalistes spécialisés, avait
bluffé tout le monde. Pour ce
«concept watch» révolutionnaire,
l’équipe de R&D de Cartier avait
eu l’idée d’enfermer son calibre
très innovant dans un boîtier
transparent réalisé en céramique
de nouvelle génération dans lequel avait été fait le vide d’air à
plus de 99%. Résultat: le rendement du calibre s’en voyait largement amélioré, et le fond de cette
pièce, réalisé dans la même matière technique et transparente,
comme du cristal, tenait en place
sans l’aide de la moindre vis grâce
au différentiel de pression. Imparable et magique! Cette solution
n’a pas été retenue par Richard
Mille et le boîtier de la RM 56-01,
comme certains de ses composants usinés en saphir de synthèse,
est encore assemblé par des vis.
Des vis bien visibles dont la présence contribue à maximiser le caractère viril de cet instrument à
l’envoûtante transparence.
Cacher ce que l’on
ne saurait voir
Dans les faits, toutes les montres
ne font pas mystère de leur mode
d’affichage, mais le transforment
Richard Mille RM 56-01 Saphir: avec son boîtier
à la transparence exceptionnelle, cette pièce éditée
à cinq exemplaires repousse les règles de la conception,
car la carrure à elle seule demande plus de 40 jours
d’usinage.
pour lui donner une dimension
onirique. Une marque comme
Chanel a choisi cette année de surprendre son public en présentant
la montre Mademoiselle Privé; un
bijou qui ne se contente pas d’afficher l’heure au cadran mais la
transcende en lui donnant une
autre dimension. Pour y parvenir,
la maison parisienne a substitué
les aiguilles par des ornements
qui semblent léviter au-dessus
d’un ciel de cadran formé d’un disque d’aventurine. Si les aiguilles
sont ici remplacées par d’autres
marqueurs temporels pour faire
du temps un instant magique, certaines enseignes ont choisi de
faire de l’art de l’occultation – on
parle d’escamotage en magie –
une spécialité.
Deux jeunes sociétés se sont fait
une spécialité de cette dissimulation: les maisons Valbray et Révélation. La première, fondée en
2009 par Côme de Valbray et sa
femme Olga, fait appel à un cadran inspiré d’un diaphragme
d’appareil photo pour faire disparaître à la vue les fonctionnalités
du chronographe Oculus V.01. Ce
dernier, très attractif, fait l’objet
de trois nouvelles déclinaisons, et
la jeune entreprise présente également une nouvelle version à Baselworld: l’Oculus V.02 avec
grande date. Assurément, les fans
de fine mécanique apprécieront le
travail et le caractère mystérieux
des 16 lames de ce diaphragme
qui s’escamotent une fois la lunette de la pièce mise en rotation.
Bluffant et poétique pour les passionnés de photographie argentique. La maison Revelation entend
également surprendre son auditoire en proposant un tour de magie horloger. Son but: permettre
au propriétaire de la montre de
Quinting Street Art: ce modèle est piloté par un calibre
à quartz de manufacture caché dans la carrure.
Il actionne les disques en saphir portant chacun une aiguille
et une peinture qui ne se reforment parfaitement
que deux fois par jour.
faire apparaître le mouvement
sans avoir à l’enlever du poignet.
Le tour est finalement simple,
mais demande d’embarquer dans
la carrure de l’objet un mécanisme
assez compliqué et nécessite un
traitement très technique des verres constituant le cadran. On devine que l’entreprise fait appel à
des disques polarisés pour laisser
voir le mouvement ou l’escamoter
à la vue, une simple rotation de la
lunette et s’opère l’illusion d’optique. Etonnant et très esthétique
d’autant que la mécanique à découvrir est soignée et mérite plus
qu’un simple coup d’œil.
Le champ des possibles en matière de développement de produits est immense, et les marques
ont tout intérêt à offrir dans un
proche avenir des constructions
permettant de créer cette magie.
Car, au-delà de la matière, au-delà
des sertissages éventuels, au-delà
même de l’exploit que représente
le fait d’occulter à la vue une partie
d’un mécanisme, futiliser le mystère comme élément de sublimation offre paradoxalement à la
marque une visibilité accrue. Et de
tenir une belle cote dans l’univers
de la collection. C’est déjà pas mal,
car contrairement à ce que peuvent décréter certains spécialistes
et commissaires-priseurs travaillant pour différents fonds de
placement: la notoriété d’une
marque ne suffit pas pour assurer
à un garde-temps de voir sa valeur
augmenter annuellement de 15%.
Il faut des arguments, du rêve et
de quoi surprendre. Dans le cas
des montres mystérieuses, l’étonnement et la poésie qu’elles dégagent suffisent à faire de ces merveilles plaisantes au regard des
références incontournables en
matière d’investissement.
Konstantin Chaykin Levitas. L’horloger russe propose
des montres mystérieuses mécaniques à remontage manuel
d’une rare qualité. Réalisées dans son atelier, elles sont la preuve
manifeste qu’un indépendant brillant peut rivaliser
avec les plus grands.
Big Bang Zebra.
Chronographe en or rouge 18K
orné de pierres précieuses, topazes incolores
et spinelles noires taille baguette. Cadran
imprimé serti de 8 diamants. Bracelet
caoutchouc et cuir avec imprimé zèbre.
Série limitée à 250 pièces.
BOUTIQUE GENEVE
78 rue du Rhône / 3 rue Céard
twitter.com/hublot •
facebook.com/hublot
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
SIX ZÉROS
Letemps,
c’estbeaucoupd’argent
Cette année,
parmi les tendances
horlogères qui font
surface, la montre
à un million de francs.
Qu’est-ce que ces
garde-temps ont
de plus que les autres
et que promettent-ils
en échange d’un tarif
aussi élevé?
Par Catherine Cochard
REUTERS/WIN MCNAMEE/POOL
12
L’
horlogerie, comme la
mode, fait naître des
tendances plus difficilement portables que
d’autres. Pour ce qui
est des montres, une
des valeurs montantes de 2013
c’est le garde-temps coûtant 1million et plus. Un «hit» de saison qui
n’est pas à la portée de tous les
poignets. «Une pièce à 1million et
plus est sans aucun doute une talking piece! L’effet recherché, c’est
justement qu’on en parle», explique François Courvoisier, docteur
ès sciences économiques, professeur à la Haute Ecole de gestion
Arc de Neuchâtel et doyen de l’Institut du marketing horloger.
Parmi les marques qui misent
sur cette stratégie cette année, on
peut citer notamment Roger
Dubuis et son Excalibur Quatuor à
4 balanciers, la RM 56-01 Tourbillon Sapphire de Richard Mille
(une marque coutumière des modèles proches du million), plusieurs pièces très joaillières chez
Cartier ou encore la Piaget Gouverneur Tourbillon pavée (une
pièce unique, vendue durant le
SIHH pour 2300000 francs).
Le premier à s’être servi de cette
technique qui consiste à marquer
les esprits avec une pièce à 6 zéros,
c’est Jean-Claude Biver chez Hublot, lorsqu’au printemps 2007 il
présente la One Million Dollar Big
Bang. Il se souvient: «Un jour, un
fournisseur me téléphone alors
que je suis au volant de ma voiture
et me propose de créer une montre exceptionnelle en serti invisible, soit une première mondiale
d’un point de vue technique et tarifaire puisque la pièce coûterait
au moins 1million de dollars. Il
ajoute qu’il évalue à 30% le risque
de ne pas parvenir à fabriquer le
garde-temps et que, en cas
d’échec, cela ne coûterait pas plus
de 250000 dollars. Compte tenu
de ces données, j’ai dit OK sur-lechamp, tout en conduisant! Quelques minutes plus tard, j’appelle
un de nos clients et lui raconte ce
qui vient de se passer. Après un
temps de réflexion, il me donne
son accord. En l’espace de vingt
minutes, j’avais à la fois passé
commande pour la fabrication
d’une montre exclusive à 1million
de dollars et l’avais vendue!»
Arguments de taille
Si on n’en attendait pas moins de
Jean-Claude Biver, ce coup d’éclat
eut des retombées bien plus grandes, en termes d’image et de communication, que la recette de la
vente. «Ce jour-là, Hublot est entré
dans la cour des grands! Cette
montre nous a permis de nous positionner comme une marque
d’exception capable de fabriquer
et de vendre une pièce extraordinaire à un prix tout aussi extraordinaire! Les amateurs ont, quant à
eux, apprécié le formidable challenge technique que représentait
la réalisation d’un tel gardetemps.» Outre son caractère unique, la One Million Dollar Big
Bang possède également un argument massif: elle comptabilise
493 diamants baguette de tailles
différentes et de qualité Top Wesselton. Ce qui fait de cette montre
un excellent véhicule de placement puisque la valeur des pierres
précieuses ne tarira pas.
Après ce premier succès, Hublot faisait encore plus fort l’année
dernière avec la 5$ Million présentée à Baselworld. Une pièce unique totalisant 1282 diamants, soit
plus de 100 carats de diamants
baguette et six pierres pesant plus
de 3 carats chacune. «Cette montre peut ainsi être considérée
comme une collection de tableaux, car tous les diamants ont
été sélectionnés pour créer un ensemble cohérent», extrapolait le
dossier de presse de la montre.
Une façon de suggérer qu’à ce
prix-là, ce n’est pas un simple objet à donner l’heure, mais un
chef-d’œuvre auréolé de l’aura
d’un Picasso ou d’un Renoir. Et
Jean-Claude Biver de confirmer:
«Avec un tel objet, on entre dans
l’art. Il s’agit d’une œuvre.» Vu les
sommets atteints par les tableaux
des maîtres anciens aux enchères,
les 5 millions de dollars que coûte
la pièce seraient donc légitimes…
La rumeur raconte que c’est la
chanteuse Beyoncé qui aurait
acheté la montre superlative
comme cadeau d’anniversaire à
son mari, le rappeur Jay-Z.
A la hausse
Mais qu’est-ce qui peut bien pousser les marques à commercialiser
cette année des montres à 1million? «Chez Piaget, nous avons
toujours fait des montres à 1million et plus», explique Philippe
Léopold-Metzger, directeur général de Piaget. Mais contrairement à
d’autres marques, nous n’utilisons
pas ces pièces pour communiquer
à grande échelle. Les montres qui
allient haute horlogerie et haute
joaillerie – et dont les tarifs avoisinent le million – font historiquement partie de notre offre.»
Pour les clients qui peuvent se
se payer de tels bijoux horlogers, la
montre à plus de 1 million possède de nombreux arguments.
«Bien sûr, une pièce comme la
Gouverneur permet d’afficher son
statut, de montrer qu’on a réussi.
Si, sous nos latitudes, nous ne som-
mes pas habitués à voir un homme
porter une montre sertie, cela est
très courant en Asie ou dans les
Emirats. Et puis ces garde-temps
sont rassurants pour l’acheteur: ils
peuvent être considérés comme
un véhicule d’investissement. Un
produit d’une grande marque avec
un tel nombre de diamants ne va
pas voir sa valeur chuter de sitôt. A
l’argument émotionnel qui motive le désir d’acquérir la pièce
vient s’ajouter un autre argument,
rationnel, qui rassure le client final
quant à la valeur de l’objet pour
lequel il est sur le point de débourser 1million de francs.»
Si Piaget n’use pas de ses pièces
à 1million et plus pour faire parler
d’elle, elle en retire néanmoins des
bénéfices. «C’est excellent pour la
cote de nos produits, s’enthousiasme Philippe Léopold-Metzger.
Une montre à 1million qui a nécessité tellement d’heures de travail, qui présente autant de pierres
précieuses et qui en plus a été réalisée en un seul exemplaire est évidemment
très
rare.
Par
conséquent, sa valeur sur le marché des enchères sera très élevée.
Ce n’est plus une simple montre,
c’est une œuvre d’art.»
La subjectivité de la valeur
Si ces montres qui dépassent le
million font tellement parler d’elles, c’est parce qu’elles ravivent le
sempiternel débat de la valeur des
choses. «La plupart des marques
de très haute horlogerie connaissent des clients à très haut potentiel qui n’ont pas de problème
pour poser un demi-million ou
1million de francs sur la table»,
ajoute François Courvoisier. Mais
quid des effets de tels prix sur un
plus large public? «M. et Mme
Tout-le-monde peuvent trouver
Jay-Z et Beyoncé à Washington en
janvier 2013. Il se dit que la chanteuse
aurait acheté à son rappeur de mari
la montre à 5 millions de Hublot.
que c’est du luxe superflu et qu’on
ferait mieux de dépenser cet argent autrement. Il y a néanmoins
toujours eu des montres chères et
d’autres bon marché… Mais l’écart
semble chaque année se creuser
un peu plus, au même titre que
l’écart entre les salaires!» souligne-t-il. Cette tendance ne fait, en
fin de compte, que répondre à une
demande, comme tout autre produit de consommation. «Comme
l’horlogerie se porte très bien et
qu’il y a toujours plus de personnes très riches, par exemple en
Chine, les marques se permettent
de faire de l’upgrading.» Soit d’augmenter le prix des produits de façon forcée. «Or, la plupart des
amateurs recherchent d’abord un
bon rapport qualité-prix et toutes
les marques ne sont pas légitimes
pour pousser les prix vers le haut.
Le risque alors pour certaines marques qui proposent une montre à
1million sans réel bien-fondé,
c’est d’être démasquées, et leur
tentative perçue comme coup publicitaire», ajoute-t-il. Les dégâts
en termes d’image et de crédibilité
peuvent être immenses… Mais
alors pourquoi courir un tel risque? «Tant que la recherche de
l’exclusivité et de la rareté sera un
moteur pour certains clients, les
montres ultra-chères auront un
bel avenir devant elles. Néanmoins, je ne suis pas sûr que toutes les montres affichées à plus de
1 million de francs trouvent effectivement preneur… Et ce n’est
peut-être pas le but premier de la
démarche: l’important – d’un
point de vue stratégique – c’est
que tout le monde en parle!»
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Horlogerie
14
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PORTRAIT
LudwigOechslin,
simplegénie
Il déteste l’épithète, qui fait croire à des facilités tombées du ciel. Pourtant, les travaux de l’horloger – aujourd’hui
conservateur du Musée international d’horlogerie – forcent l’admiration. Car toute sa vie de labeur acharné
et virtuose, il l’a bâtie comme une œuvre d’art. Mais depuis ses réalisations légendaires et compliquées à l’extrême,
il a aujourd’hui un autre credo: utilité, fiabilité et simplification. Rencontre. Par Pierre Chambonnet
PHOTOS: BEA WEINMANN
Ludwig Oechslin: «C’est la fonction
pratique et la manière de le produire
qui définissent l’objet en termes
de forme. Et c’est peut-être pour cela
que mes montres dégagent une force
et une âme différentes. De toute façon,
même si elles ne plaisaient pas,
je continuerais de les faire.»
S
es deux chaussettes sont
identiques, on a eu l’occasion de le vérifier. Précédé par sa réputation
de savant notoire féru
d’astronomie, on s’attendait, avant de le rencontrer, à un
être lunaire, un professeur Tournesol de la toquante perdu dans la
course des astres, loin des soucis
de la vie quotidienne. Mais Ludwig Oechslin a bien les pieds sur
terre. Et les idées claires.
Actuellement conservateur du
Musée international d’horlogerie
(MIH) de La Chaux-de-Fonds, ce
brillant horloger est l’un des
grands spécialistes des mouvements mécaniques les plus
complexes qui soient, et notamment le créateur d’une horloge astronomique, l’horloge Türler à Zurich. Une compétence qui n’est
pas tombée du ciel. C’est même
précisément l’inverse. C’est dans le
ciel qu’il est monté pour aller
chercher une masse de connaissances sur la compréhension des
phénomènes cosmiques, à l’origine de ses créations actuelles.
Durant sa longue collaboration
avec la marque Ulysse Nardin, il a
créé, entre autres, la Trilogie du
Temps, trois montres-bracelets
parmi les plus compliquées au
monde (l’Astrolabium Galileo Galilei, le Planetarium Copernicus et
le Tellurium Johannes Kepler).
Une œuvre qui a marqué le retour
de la manufacture du Locle parmi
les grands noms de l’horlogerie
«IL N’Y A AUCUN
DESIGN DANS
MES MONTRES!»
suisse. Et Ulysse Nardin continue
de développer aujourd’hui certaines de ses idées, des projets qu’il a
laissés à la marque au moment de
sa prise de fonction au MIH en
2001.
21 mars 2013. Officiellement,
c’est la fin de l’hiver. L’information
n’est pas parvenue jusqu’à
La Chaux-de-Fonds, toujours sous
une épaisse couche de neige. La
vallée qui y conduit scintille et se
réchauffe difficilement dans ce
début de printemps. Ludwig
Oechslin nous reçoit dans les bureaux du MIH, au milieu du tintement quasi ininterrompu de carillons et d’horloges en tout genre.
Sandales Birkenstock – sur
chaussettes assorties, donc –, pattes d’oie rieuse au coin des yeux,
demi-lunes pincées sur le nez, sobre prototype au poignet – «un
nouveau projet…». L’homme manie un français teinté d’accent
italo-alémanique, en agitant des
doigts cerclés d’anneaux voyants.
Ludwig Oechslin, 61 ans, est né
en Italie mais a fait ses études à
Bâle puis à Berne. Cursus atypique: un apprentissage en horlogerie dans l’atelier lucernois de Jörg
Spöring mené en parallèle avec
des études universitaires d’archéologie, de grec, de latin et
d’histoire ancienne. Puis un Doctorat d’histoire et de philosophie
des sciences.
Au cours de son apprentissage,
il a eu l’opportunité d’étudier et
de restaurer à Rome «la montre
Farnese», une horloge astronomique fabriquée en 1725. Cette
vieille dame de près de 300 ans,
offerte au pape Léon XIII en 1903,
a livré tous les secrets de ses roua-
ges épicycloïdaux au jeune
horloger-rhabilleur, qui a développé ses propres outils mathématiques pour parvenir à une
telle prouesse.
Devenu conservateur du MIH,
Ludwig Oechslin a dû arrêter ses
mandats pour l’industrie horlogère, par souci de neutralité. Il
représente notamment le musée
chaux-de-fonnier à la Fondation
du Grand Prix d’horlogerie de Genève. Il est aussi le responsable
du Prix Gaïa, dont il préside le
jury.
Sa collaboration avec Ulysse
Nardin mise entre parenthèses, il
n’a cependant jamais cessé de
continuer à inventer et à produire.
Notamment la montre MIH (conjointement avec Embassy à Lucerne), qui fait du musée luimême une marque. Et son taux
d’activité à 60% au MIH, en dépit
d’un engagement à 120%, «par
passion», lui a laissé le loisir de
créer sa propre marque: ochs und
junior.
Après s’être intéressé au formidablement
complexe
pour
comprendre son métier et inventer de nouveaux outils et de nou-
velles voies, il cherche aujourd’hui
une forme de simplification extrême dans ses travaux. Faire simple, précis et utile. Comme avec la
«Selene» par exemple, l’une de ses
dernières créations. Cette montre
à phases de lune à l’affichage ultra-simple reproduit les mouvements de l’astre de la nuit avec une
forme de poésie enfantine. Sans
aucun doute la montre qu’aurait
portée le Petit Prince de Saint-Exupéry, s’il avait possédé un objet.
L’horloger est arrivé à ce résultat après 12 prototypes. Une immense chaîne de travail qui a
abouti à une pièce d’une grande
sobriété et surtout à une prouesse
technique. En utilisant seulement
cinq composants pour la phase de
lune (une phase de lune classique
en comporte en moyenne six fois
plus), il est parvenu à une très
grande précision. Le secret? Un
rouage épicycloïdal inédit. Le mécanisme est basé sur le principe de
l’épicycloïde, un cercle qui tourne
sur un autre fixe et qui permet un
mouvement très fin, le plus à
même de restituer la course des
astres. La simplicité, au service de
la précision.
Horlogerie
WEIN
MAN
N
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PHO
TOS:
BEA
ochs und junior «Selene». Cette montre à l’affichage ultra-simple
reproduit les mouvements de l’astre de la nuit. En utilisant
seulement cinq composants (ci-dessous) pour la phase de lune,
Ludwig Oechslin est parvenu après 12 prototypes à une très
grande précision, grâce à un rouage épicycloïdal inédit.
«Jeveuxfairedemavieuneœuvred’art»
Conservateur du Musée international d’horlogerie, Ludwig Oechslin parle de son parcours et explique sa vision
du métier d’horloger. Un mouvement naturel qui va pour lui de l’incroyablement compliqué vers le simple et l’utile.
Le Temps: Vous avez étudié
entre autres l’archéologie
et la civilisation grecque ancienne.
Comment en êtes-vous arrivé
à l’astronomie?
Ludwig Oechslin: C’est venu par
l’horlogerie. La montre est un
outil de mesure du temps qui se
base sur la rotation de la Terre. La
montre-bracelet est une petite
modélisation de cette rotation
qu’on porte au poignet. Et les
horloges les plus intéressantes
sont celles qui reproduisent des
indications astronomiques (le
mouvement des astres, du soleil,
de la lune et des planètes). Ce
sont des pièces fascinantes sur le
plan technique à étudier, à
comprendre, puis à réaliser.
Mais pourquoi avoir cumulé des
études universitaires avec une
formation en horlogerie?
Après ma licence, j’ai commencé à
24 ans un apprentissage en horlogerie, en parallèle avec mes études. Parce que l’un et l’autre se
complétaient. Grâce aux méthodes scientifiques apprises à l’université, j’ai pu faire de la modélisation et de la recherche poussée sur
le cosmos notamment. Cette
méthodologie m’a aussi servi pour
mes recherches historiques sur les
horloges et les pendules antiques.
Passe-t-on facilement d’études
théoriques à une formation
pratique?
J’ai commencé l’horlogerie au
moment où plus personne ne s’y
intéressait, mais j’ai voulu, de
mon côté, développer à ce moment-là la capacité de ma main.
C’était aussi ma logique du moment. M’exercer dans la maîtrise
du métier d’horloger, pour pouvoir ensuite avancer dans d’autres
domaines. Et pour exercer le plus
finement possible sa main, c’est
ce métier qu’il faut apprendre.
La «montre Farnese» à Rome
a occupé une place centrale
dans votre formation.
En quoi précisément?
L’analyse du fonctionnement de
l’horloge astronomique farnésienne correspond à la partie
autodidacte de ma formation. J’ai
appris le métier de base d’horloger avec Jörg Spöring à Lucerne.
J’ai eu ensuite l’opportunité de
travailler à la restauration de
cette horloge mythique. Il n’existait aucune documentation. J’ai
donc dû tout inventer pour analyser mathématiquement,
comprendre et décrire son fonctionnement. Tout ça m’a permis
d’engranger des connaissances
pratiques essentielles.
C’est-à-dire?
La modélisation mathématique
du fonctionnement de l’horloge
farnésienne est à la base de tout
mon travail actuel. J’utilise les
moyens théoriques que j’ai inventés à cette époque dans mes
propres créations aujourd’hui.
Mais je n’ai jamais reproduit
directement une pièce de cette
horloge. J’ai toujours trouvé mes
propres solutions pratiques. Cet
aspect autodidacte de ma formation m’a permis de tracer par la
suite ma propre trajectoire. C’est
le lien entre ma maîtrise du métier de base et ma propre vision
de l’horlogerie.
Savoir-faire traditionnel et vision
d’artiste, il s’agit là de la définition
même du génie…
Cette notion de «génie», c’est
idiot! Derrière ce mot, on oublie
tout le travail en amont car on se
focalise uniquement sur les produits finis, tout aussi créatifs
qu’ils puissent être. On pense que
c’est tombé du ciel, arrivé comme
ça, quasiment par hasard. Mais il
y a en réalité tellement de travail,
tellement de petits pas additionnés les uns aux autres, et aussi
tellement de chutes… Il n’y a rien
de génial là-dedans. N’importe
qui d’un peu décidé et courageux,
avec la même quantité de travail
et de passion peut aller très loin,
encore plus loin que moi. Je ne
suis pas le plus intelligent. Mais
peut-être que je suis l’un des seuls
qui accepte de réaliser ce labeur
immense. Et je reste persuadé
qu’il existe de meilleures solutions encore que celles que je
trouve moi-même.
Jusqu’à votre prise de fonction
au MIH, la marque Ulysse Nardin
a joué un rôle capital dans votre
parcours. Avez-vous des projets
d’avenir avec elle?
Je me concentre aujourd’hui sur
des choses plus simples que ce
que je faisais avant pour Ulysse
Nardin. Mais quand je ne travaillerai plus pour le musée, ma
collaboration avec cette marque
pourra, pourquoi pas, recommencer. Je ne travaillerai en tout
cas jamais pour une autre marque, quoi qu’il arrive. Par fidélité
envers Ulysse Nardin, d’une part,
mais aussi car je veux faire de ma
vie une œuvre d’art, ce que je ne
pourrais pas faire en m’éparpillant. C’est un choix de vie qui a
pour conséquence une ligne
claire, comme la trajectoire qui va
avec.
Vous parlez de «choses plus simples». Est-ce que la simplification
est votre nouvelle philosophie?
Mon but premier n’est pas de
faire des choses simples. Je veux
en fait fabriquer les montres les
plus fiables possibles. Il faut pour
cela utiliser le moins de composants possible. Car quand on
multiplie les pièces, on divise
d’autant la fiabilité de la montre.
Cette simplification ne repose pas
sur un concept stylistique. C’est la
conséquence de ma volonté de
créer des montres fiables.
Avez-vous le projet de revenir à de
grandes complications, l’équation
du temps par exemple?
Dans l’immédiat, je veux faire
des choses utiles. Utilité, fiabilité
et simplification de la production sont les trois axes principaux de mon travail. D’abord
l’indication claire des heures,
minutes et secondes ainsi que du
calendrier. C’est fondamental. En
ce qui concerne les autres complications, je ne l’exclus pas.
Peut-être que je serai amené à
créer des complications pour des
montres de poignet Ulysse Nardin, une fois que je serai à la
retraite. Mais qui a objectivement besoin d’une équation du
temps? On est là presque dans la
catégorie des jouets, ce qui m’intéresse moins.
Dans les années 80, le quartz a
changé l’horlogerie en la simplifiant. C’était pour vous la période
durant laquelle vous avez construit
des horloges traditionnelles ultra-
compliquées comme des pendules
astronomiques. Aujourd’hui, avec
la mode des grandes complications
à outrance, vous travaillez à une
simplification. Est-ce le signe d’un
anticonformisme? Une volonté
de faire différemment?
Je ne me laisse jamais guider par
les goûts du public. Ce que disent
ou pensent les autres m’intéresse
évidemment, mais ça n’oriente
jamais mes réflexions, pas plus
que ça ne détermine la direction
de mon travail. Je fais toujours
mes propres choix et suis mes
propres centres d’intérêt comme
ils se développent logiquement
chez moi. Il se trouve que c’est
sans parallélisme avec la mode, et
toujours précisément en dehors.
Je n’arrive pas à être à la mode!
(Rires.)
Du coup, c’est le plaisir qui
vous guide?
Précisément! Je cherche uniquement à créer la montre qui me
plaît, sans aucune autre considération. Je suis content bien sûr si
mon travail séduit et que je peux
gagner quelque chose avec. Je
cherche en permanence des
solutions pour les choses qui
m’occupent l’esprit car elles me
font plaisir. Tous les trois ou six
mois, en fonction du temps dont
je dispose, j’ai une nouvelle montre au poignet, la dernière
qui me plaît.
Vous êtes un égoïste!
(Rires.) Oui, totalement. Mais je
crois précisément que c’est grâce
à son propre égoïsme que l’on
peut faire plaisir aux autres.
C’est en se faisant plaisir d’abord
à soi que l’on peut le communiquer aux autres. Sans être égocentriste pour autant, sans quoi on se
perd dans soi-même uniquement.
Vos montres ont une esthétique
particulière. Parlez-nous
de leur design.
Il n’y a aucun design dans mes
montres! J’ai conçu les boîtes
selon un aspect utile, pratique et
fonctionnel uniquement. Toutes
les pièces ont été pensées de
façon à ce qu’elles puissent être
produites de la manière la plus
simple et la plus rapide possible
par les machines. Aucun souci
esthétique là-dedans. A la fin, il
en sort ça, ce dont on peut parler
en termes de design. Mais je n’ai à
la base jamais cherché à faire
quelque chose de beau.
Est-ce qu’elles vous plaisent
esthétiquement?
Je trouve le résultat esthétique un
peu primitif, mais peu importe.
Ça ne m’intéresse pas plus que ça.
Ici, le design est un effet secondaire de la fabrication de la montre.
Vous n’avez jamais été sensible
à l’esthétique des vieilles horloges
que vous avez eu l’occasion
d’étudier?
Je n’ai jamais été attiré que par
leur fonctionnement. Tout le
reste ne m’intéressait pas. J’ai
quand même analysé leur forme
aussi, mais pas selon des critères
esthétiques.
Vous êtes sans doute le seul
créateur d’objets au monde
à ne pas prendre en compte
les questions de design…
Effectivement, le design est
primordial dans beaucoup de
domaines. Mais chez ochs und
junior, la forme vient de
l’intérieur. C’est la fonction
pratique et la manière de le
produire qui définissent l’objet
en termes de forme. Et c’est peutêtre pour cela que ces montres
dégagent une force et une âme
différentes, et qu’elles plaisent du
coup. De toute façon, même si
elles ne plaisaient pas, je
continuerais de les faire, et je me
débrouillerais pour gagner ma
vie autrement.
Votre avenir, vous l’imaginez
éventuellement en dehors
de l’horlogerie?
C’est tout à fait possible. A l’heure
actuelle, j’ai encore deux ou trois
choses en tête qui font que je suis
amené à m’intéresser à l’horlogerie pour un moment encore. Si
après je n’ai plus d’intérêt, je
laisserai cette activité de côté.
Faire autre chose: revenir à des
recherches historiques, l’archéologie, les voyages, reprendre mes
études de grec…
Propos recueillis par P. C.
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Horlogerie
18
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
HAUT ARTISANAT
Lesmétiersd’art,
beausouci
del’horlogerie
Réservées autrefois à quelques connaisseurs et présentées en toute discrétion, les montres ornées de miniatures en émail,
de gravures précieuses, de savants guillochages sont devenues de nouveaux enjeux de communication pour les marques
maîtrisant ces techniques. Des équipes dédiées partent en quête de métiers inédits, comme la marqueterie de verre,
les camées ou la granulation étrusque. Pourquoi cet engouement récent? Par Isabelle Cerboneschi
E
Les nouveaux métiers d’art
On assiste ainsi à une floraison de
techniques nouvelles, parfois empruntées au monde de la joaillerie,
souvent à celui de la décoration.
C’est à qui présentera l’objet réalisé
selon le procédé le plus inusité: on
a vu de fait apparaître au fil des ans
des cadrans ornés de marqueterie
de pierre, de nacre, de paille, laqués selon la technique japonaise
du maki-é. C’est presque devenu
un rituel: lors de chaque salon horloger, désormais, on s’attend à découvrir un, voire plusieurs nouveaux métiers d’art. La 23e édition
du Salon international de la haute
horlogerie (SIHH), qui s’est tenue à
Genève en janvier dernier, était à ce
titre exemplaire.
Sur le stand Cartier, pas moins
de huit métiers étaient mis à l’honneur, dont deux encore inédits en
horlogerie: un cadran représentant un alligator sculpté en camée
d’agate et une panthère qui doit
ses formes à des milliers de microbilles d’or, selon la technique de la
granulation étrusque (lire p. 20).
La manufacture genevoise Vacheron Constantin a présenté un bouquet floral de trois cadrans inspirés des planches de l’ouvrage
d’illustrations botaniques du
XIXesiècle «The Temple of Flora»,
mettant en avant l’art de l’émail, du
guillochage et du sertissage. Van
L’artiste
émailleuse
Anita Porchet
travaillant la
profondeur de la
rose Yves Piaget
réalisée en émail
miniature.
Altiplano Miniature Email,
Piaget.
ETIENNE DELACRETAZ
PHOTOS: DR
mail grand feu, guillochage, gravure, sertissage,
mais aussi marqueterie de
pierre, de nacre, de bois…
Depuis ces cinq dernières
années, on entend beaucoup parler des métiers d’art. Le
travail artistique consistant à orner
les garde-temps de savantes gravures, d’exquises peintures miniatures, de motifs guillochés raffinés
existe pourtant depuis les origines
de l’horlogerie. Les garde-temps
gravés du XVIe siècle ou les magnifiques miniatures des XVIII et surtout du XIXe siècle ont traversé le
temps. Mais jamais on a autant
communiqué sur ces objets et ceux
qui les ont réalisés. Au point que
les métiers d’art traditionnels,
comme l’émail grand feu, la
peinture miniature, le champlevé, le cloisonné, le plique-àjour, la grisaille, la gravure, le
guillochage et le sertissage, n’y suffisent plus.
Cleef & Arpels a également puisé
chez Dame Nature son inspiration,
avec sa série de Cadrans Extraordinaires, où différents métiers
étaient mis à l’honneur: sculpture
sur nacre, plique-à-jour, champlevé, émail cabochonné…
La maison Piaget s’est livrée à un
très bel exercice autour du motif
de la rose Yves Piaget. «Nous avons
demandé à trois artisans de la réinterpréter», explique Philippe Léopold-Metzger, le président de la
marque. Sur un plateau tendu de
velours noir, trois montres ornées
de ces fleurs semblent vouloir attirer toute l’attention. La première
est une rose miniature en noir et
blanc, une prouesse réalisée par la
fameuse émailleuse Anita Porchet.
La deuxième semble avoir été dessinée à l’aide d’une minuscule
chaîne d’or: en réalité un fil d’or
torsadé, brodé à même la soie, par
un artisan brodeur français. «Nous
voulions retrouver la même créativité que lorsque nous avions développé des bracelets brodés interchangeables pour le modèle Miss
Protocole il y a quelques années,
mais cette fois-ci à l’intérieur
De haut en bas:: Piaget Piaget Altiplano Micro-Mosaïque. Le cadran est orné d’une rose Piaget réalisée en
marqueterie de verre. Vacheron Constantin montre Métiers d’Art Florilège, modèle Limodoron de Chine, selon
une illustration botanique extraite de l’ouvrage «The Temple of Flora» de Robert John Thornton. Cadran guilloché
main, émail grand feu cloisonné. DeLaneau ATAME Tulip Field, cadran émaillé grand feu, peinture miniature et
émail représentant un champ de tulipes. Les émailleuses ont mis au point une technique «pointilliste», afin de
pouvoir reproduire la photographie d’un champ de tulipes à la manière des peintres impressionnistes. Boîte
sertie de 30 diamants baguette et 292 brillants. Mouvement automatique. Pièce unique.
même du cadran», explique Philippe Léopold-Metzger. Puis le regard est attiré par un autre modèle,
qui joue les trompe-l’œil. De loin,
on a l’impression de voir une rose
peinte en émail. De près, on découvre une micro-mosaïque de verre.
«Les tesselles sont toutes posées à
la verticale», explique Marc Menant, chef de produits marketing.
Elles sont tellement petites et serrées que l’on ne voit pas d’espace
entre elles. «Le maître verrier commence par créer ses couleurs,
poursuit-il. Ensuite il chauffe sa
pâte de verre et l’étire jusqu’à avoir
le fil le plus fin possible. Puis il recommence l’opération jusqu’à parvenir au diamètre d’un cheveu. Il le
casse avec une pince brucelles
pour obtenir des mini-tesselles
qu’il dépose sur le cadran, où elles
seront emprisonnées dans un
stuc.» Un travail qui s’apparente à
un jeu de patience et de maîtrise de
soi.
Chez Cartier, on prend les nouveaux métiers d’art très au sérieux.
Un ingénieur a été assigné pour
faire de la «veille métiers d’art».
C’est-à-dire qu’il part en quête de
toute technique pouvant être utilisée par les artisans des ateliers Cartier. Tout en respectant l’esprit de la
maison, bien sûr. «Nous avons créé
une équipe nommée «projets métiers d’art», formée de personnes
issues de plusieurs disciplines et
nous nous réunissons toutes les semaines ou tous les 15 jours. On
passe en revue les projets ouverts,
on prépare ceux susceptibles d’être
présentés à la direction», explique
Romain Moïse, responsable de l’innovation chez Cartier. «Des procédés applicables à l’horlogerie, il n’y
en a pas une infinité, explique
Jean-Luc Carisey, chef de l’atelier
métiers d’art de Cartier. Il faut les
adapter. Ça peut sembler simple,
mais c’est là que réside toute la difficulté: comment adapter une
technique où tout se calcule en
centimètres, à une autre, où l’on
travaille au dixième de millimètre?» C’est lors d’un de ces séminaires, il y a trois ans, que l’idée de
retrouver les secrets de la granulation étrusque a surgi. «Le réseau
des arts horlogers est limité, explique Romain Moïse. Si l’on veut
réussir à introduire de nouveaux
savoir-faire, on doit s’intéresser à
d’autres domaines. La granulation
étrusque est un métier joaillier, par
exemple.» Du fait de la lenteur de
la mise en œuvre d’une nouvelle
technique, plusieurs programmes
sont menés de front. «Actuellement, nous avons une vingtaine de
projets dans le pipeline, confie Romain Moïse. Mais on en perd en
cours de route…»
Assurer la pérennité
des œuvres
Van Cleef & Arpels Lady Arpels
Papillon Extraordinaire. Un cadran de
nacre sculptée sur lequel repose un
papillon en lapis-lazuli avec des ailes
en plique-à-jour.
Lorsque l’on tente d’appliquer un
nouveau métier d’art à l’horlogerie, il faut non seulement réussir à
adapter la technique au support,
mais aussi veiller à la pérennité du
garde-temps ainsi orné. D’où la nécessité de faire passer aux montres
des tests d’homologation. «Par le
passé, il est arrivé que certains cadrans, conçus avec de nouvelles
techniques de métiers d’art, cassent pendant les tests d’homologation. Nous avons dû soit repenser
entièrement la montre pour
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
De gauche à droite:
Cartier montre Rotonde, décor crocodile, camée d’agate naturelle.
Mouvement mécanique manufacture à remontage manuel, calibre
9452 MC, certifié Poinçon de Genève, tourbillon volant avec indication de la seconde par la cage de tourbillon en forme de C.
PHOTOS: DR
Chanel montre «Mademoiselle Privé», décor Coromandel gravé et
sculpté à la main sur le cadran. Miniature réalisée en émail grand feu
selon la technique de Genève et feuillage en paillons d’or 24 carats
réalisé par Anita Porchet.
Parmigiani Tourbillon Tonda Woodstock. Cadran en marqueterie de
bois représentant une guitare Gibson. Cette marqueterie est le résultat de 10 jours de travail et comporte plus de 50 segments de bois
teinté. Mouvement PF 510 à remontage manuel. Pièce unique.
«Unémail,c’estmagnifique,maiscen’estpasassez:
ilfautledoterd’unjolimouvement»
VINCENT WULVERYCK / CARTIER 2013
Ce nouvel engouement autour des métiers d’art inquiète Thierry Stern, le président
de Patek Philippe. A ses yeux, les manufactures ont un devoir moral face aux artisans:
leur donner du travail, même lorsque la demande du marché faiblit.
Un flou artistique opportun
Ce nouvel engouement pour ces
savoir-faire nouveaux et ancestraux entraîne hélas quelques dérives. Notamment lorsque certaines marques pèchent par
omission et essaient de faire passer
de l’émail à froid, dont le résultat
n’est pas pérenne, pour de l’émail
grand feu, un art qui traverse les
siècles. Faire de l’émail à froid, c’est
n’avoir aucune des compétences
de l’artiste émailleur et ne prendre
aucun des risques qu’il encourt.
Une peinture à l’émail grand feu,
comme son nom l’indique, passe
plusieurs fois l’épreuve du feu, au
risque d’y disparaître. Cette confusion volontaire se fait bien entendu au détriment du client, qui
paiera le prix fort pour une pièce
qui ne le vaut de loin pas. «C’est la
même chose pour le guillochage:
vous savez combien de guillochages réalisés avec des machines
CNC, et non pas à la main, existent
sur le marché?» relève Thierry
Stern, président de Patek Philippe
(lire interview ci-après).
Le risque existe, hélas. Il s’agit
donc pour l’acheteur potentiel de
cultiver son regard et sa connaissance des marques. Mais pour les
autres, ceux qui ne sont que des
«voyeurs», quelle beauté! Même
les plus rétifs à l’art horloger ne
peuvent rester insensibles devant
ces montres qui sont autant d’objets d’art miniature. C’est peutêtre d’ailleurs l’une des plus belles
manières qu’aient trouvées les
manufactures pour les amener
progressivement à s’intéresser au
cœur des montres, à ces mécanismes miniatures qui relèvent eux
aussi de l’art…
Vous connaissez beaucoup de
personnes qui ont les moyens de
s’offrir un Picasso? (Rire.) A Bâle,
sur notre stand, nous avons créé
un coin réservé aux métiers d’art
où l’on peut les regarder de près.
D’ailleurs le rendu d’une photo
n’est jamais à la hauteur de la
beauté de la pièce. La gravure,
l’émail, le sertissage, le
guillochage sont difficiles à
réduire en deux dimensions.
MARC NINGHETTO
mettre des amortisseurs, soit changer la manière dont on utilisait la
technique», explique Romain
Moïse. Une épreuve pénible pour
tous les acteurs, surtout lorsqu’il
s’agit d’un travail de développement qui aura duré des mois, voire
des années.
La pérennité, voilà le souci récurrent des horlogers. Comment
vont vieillir les garde-temps ornés
de végétaux, comme la mosaïque
de paille, ou de matériaux lourds,
comme la mosaïque de pierre?
Comment s’assurer que les vernis
utilisés pour la laque ne vont pas
jaunir avec le temps? Peut-on être
certain que les 9000 microbilles de
la montre décorée selon la technique de la granulation étrusque ne
vont pas se détacher? «C’est une
pièce qui va bien vieillir dans le
temps, rétorque Jean-Luc Carisey.
Les bijoux étrusques ont été fabriqués 3000 ans avant Jésus-Christ et
ils sont encore là!»
Le Temps: Les métiers d’art sont
constitutifs de l’histoire de
l’horlogerie, or on n’en a jamais
autant parlé que ces cinq dernières
années. Les montres appelées
Métiers d’art sont devenues une
famille à forte valeur ajoutée.
Comment l’expliquez-vous?
Thierry Stern: On assiste
aujourd’hui à une chasse aux
métiers d’art, ce qui est bien et pas
bien à la fois, car ce sont des objets
rares. Or, à quoi cela sert-il de
sur-communiquer autour et de
donner envie à des acheteurs
potentiels, pour leur dire ensuite
qu’ils ne pourront pas obtenir la
pièce parce qu’il n’y en a pas assez? Chez Patek Philippe, nous
restons discrets. Ces montres ont
toujours été destinées à des
connaisseurs, à des passionnés:
ceux qui apprécient la belle gravure, les beaux émaux et même un
magnifique sertissage avec des
pierres spécifiques. Avec cette
abondance de communication,
ces métiers se sont ouvert un
marché plus vaste.
Vous semblez le regretter.
Mais ne pensez-vous pas que
ces modèles pourraient permettre
à des personnes qui ne sont pas
forcément sensibles à la beauté
de l’art horloger de s’y intéresser
grâce à la beauté du cadran?
Oui, c’est certain. Mais notre rôle,
c’est aussi de protéger les personnes qui ne feront pas forcément
la différence entre un émail
grand feu et un émail à froid.
Certaines marques sont prêtes à
leur vendre tout et n’importe
quoi, alors que le prix restera
toujours fixé à 150 000 francs…
Nous limitons volontairement la
communication sur ces pièces
afin de ne pas frustrer les clients
potentiels pour rien: nous n’en
faisons qu’une trentaine de modèles par an.
Si l’on suit votre raisonnement,
les maisons de vente aux enchères
devraient aussi s’abstenir de
communiquer lorsqu’elles ont
un Picasso à vendre, parce
qu’il n’y en a qu’un seul et qu’un
seul client pourra se l’offrir?
Ce nouvel intérêt pour des pièces
au cadran orné a-t-il une incidence
sur une manufacture comme
la vôtre?
Nous avons toujours eu la volonté de fabriquer ces produits,
que cela marche commercialement, ou pas. Pour l’instant, ces
montres surfent sur une vague.
Mais le jour où les acheteurs se
feront plus rares, que croyez-vous
qu’il va se passer pour les artisans? Nous n’avons jamais arrêté
de leur commander des pièces. Il
nous est arrivé d’avoir en stock 80
pendulettes «dôme» en émail
cloisonné parce que personne ne
les voulait. Nous souhaitons que
ces métiers perdurent. Les artisans qui travaillent avec nous
savent que ce sera à long terme.
Que ce n’est pas qu’un effet de
mode. Il y a des décennies, nous
étions les seuls à leur commander des pièces.
Vous parlez de la pérennité de ces métiers et
je me permets de faire
une comparaison
avec le monde de la
haute couture.
Chanel, par exemple, a racheté
tout ou partie de
certains ateliers
d’art – brodeurs,
plumassiers, etc. –
qui risquaient de
disparaître. Une
manufacture comme
Patek Philippe n’auraitelle pas une obligation
morale de racheter des
ateliers?
Vous pouvez racheter un
atelier, oui, mais si
l’artisan n’est plus dedans, cela
ne vous servira à rien. On ne peut
pas acheter le cerveau d’une
personne. En revanche,
l’obligation morale, vous avez
raison, nous l’avons toujours eue,
mais nous l’exerçons en passant
des commandes. Il y a plus de dix
ans, personne ne communiquait
sur ces métiers. Pendant les
périodes creuses, quand personne
ne voulait acheter des pièces en
émail, aucune autre marque n’en
commandait. Tout ce savoir-faire
aurait pu se perdre. La
manufacture n’a jamais cessé de
commander, de stocker.
Aujourd’hui, on peut se le
permettre, mais il y a vingt ans, je
peux vous assurer que ce n’était
pas le cas. J’ai encore le souvenir de
mon père qui fondait de l’or pour
payer les salaires. Et il continuait à
commander ces pièces. Je veux
bien être damné si une autre
marque a fait cela! Actuellement,
nous avons deux émailleuses, qui
travaillent essentiellement pour
nous.
Il est certaines techniques qui se
sont perdues, des couleurs
d’émaux que l’on ne peut plus
refaire. Comment redonner le goût
aux jeunes générations
d’apprendre ces métiers si l’on ne
communique pas autour?
En formant. En demandant à des
artisans de former les jeunes. Les
commandes sont là. Mais a-t-on la
volonté de le faire? Certains artistes souhaitent rester uniques et
garder leur savoir-faire. Pour
qu’un émailleur ou une
émailleuse atteigne un niveau
acceptable, il faut compter quinze
ans de formation minimum. Pour
devenir un maître, comme Suzanne Rohr, par exemple, il faut
en compter trente. L’émail
est un art complexe. Pour
créer une belle pièce, un
an est nécessaire. Cela
signifie que pour
devenir un maître
vous aurez fait 30
pièces? Ce n’est
rien. C’est un
métier très ingrat
pour les jeunes, c’est long,
on prend
beaucoup de
risques. Chaque
fois qu’on met la
pièce au feu, elle
peut disparaître. C’est
dur nerveusement.
Etes-vous confrontés
à des demandes
impossibles?
Il peut arriver que tel
client demande de reproduire
son labrador ou son cheval sur
son cadran, tel autre le portrait de
sa fille. Mais il y a trop peu d’artistes pour les pousser à faire n’importe quoi et leur faire perdre
leur temps. Nous choisissons nos
propres thèmes.
Est-ce que vous explorez des métiers d’art qui ne sont pas traditionnels à l’horlogerie?
Oui, cela fait plus de dix ans déjà
que l’on combine différents métiers d’art. On avait appelé cela
«les techniques mixtes». On est en
constante recherche. On le fait
par plaisir. Les métiers d’art sont
passionnants mais difficiles,
selon le degré d’exigence que l’on
s’impose. Un émail tout seul, c’est
magnifique, mais ce n’est pas
assez. Il faut le doter d’un joli
mouvement. C’est le mélange des
deux qui fera naître la montre
parfaite. Les grands artisans le
savent.
Puisque la demande est supérieure
à l’offre, comment tranchez-vous
entre tel et tel client?
Je ne présente ces pièces qu’à
Bâle. Cela fait environ 40 à 60
objets. Les détaillants dressent
une liste indiquant leur intérêt
pour telle ou telle pièce. Après
Bâle, je passe cette liste en revue,
je sélectionne les détaillants, je
leur demande à qui ils entendent
vendre le produit, s’il s’agit d’un
client de la maison, s’il est
connaisseur… J’essaie d’être
équitable en fonction des
marchés. C’est difficile à gérer.
Certaines pièces ne peuvent pas
être vendues à n’importe qui. Ce
n’est pas une question d’argent. Il
y a d’ailleurs des montres que l’on
ne vend pas. On préfère les
présenter au musée plutôt que de
les savoir dans un coffre, afin que
des personnes qui apprécient
vraiment ces savoir-faire puissent
les admirer. Elles restent dans
notre patrimoine. Cela peut aussi
motiver les jeunes à se lancer
dans ces métiers. D’ailleurs, nous
allons réaliser en mai prochain
une exposition dans notre
magasin, à Genève, où nous
allons présenter toutes ces pièces,
avec les artisans.
Et vous, comment vous êtes-vous
passionné pour ces métiers?
J’ai grandi avec l’émail. L’une
des premières choses que mon
grand-père m’a montrées,
c’étaient des pièces émail. Et puis
j’ai vu mon père passionné. Il
avait l’habitude de me dire:
«Quand tu en auras eu
1000 dans les mains, tu
comprendras…»
Propos recueillis par I. Ce
Au centre:
Patek Philippe Ara rouge, référence
5077P-080. Cadran décoré d’un ara
réalisé en émail cloisonné sur une
plaque de base en or gris décorée
d’un motif feuilles guilloché main.
9 feux, 18 couleurs d’émaux.
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Le ré-apprentissage de la technique de granulation permet de créer une nouvelle interprétation de l’emblématique panthère Cartier…
MÉTIER D’ART
Lemystèredelapanthère
auxgrainsd’or…
A l’occasion du dernier SIHH, Cartier a réinventé une technique d’orfèvrerie datant de 2500 ans av. J.-C.:
la granulation étrusque. Ou comment, à l’aide de microbilles d’or, parvenir à former un motif en relief.
Un art impossible qui exige une patience et une minutie extrêmes. Reportage dans les ateliers.
Par Isabelle Cerboneschi. Photos: Véronique Botteron
R
A gauche, de haut en bas:
Le point de départ de la création du motif est la découpe d’un fil d’or
de 22 carats, qui servira à créer les billes de granulation.
La calibration des billes se fait par passage successif
dans des micro-tamis calibrés en fonction des dimensions recherchées. Un exemple de bille d’or 22 carats fabriquée main.
Une démonstration de la manière dont le maître joaillier dispose
les billes une à une.
éinventer une technique oubliée depuis des
millénaires, cela peut
vous user les nerfs. Des
deux joailliers des ateliers Cartier qui ont
tenté de percer les secrets de la
granulation étrusque, un seul a
supporté de voir son travail disparaître sous ses doigts. La panthère
d’or que l’on découvre sur son établi est fille du renoncement et de
l’espérance. Sans espoir, comment
supporter de voir fondre le visage
d’une panthère dessinée patiemment avec des milliers de microbilles d’or, sous le souffle un peu
trop appuyé d’un chalumeau à
bouche?
Durant dix-huit mois, Cartier
s’est acharné à découvrir le secret
de cet art oublié et a choisi de le
réinventer. La maison a prévu de
faire une série de 20 pièces. «Un
défi», souligne Jean-Luc Carisey,
chef de l’atelier Métiers d’Art. «Il
faut déjà réussir à fabriquer ces
billes, confie Romain Moïse, responsable de l’innovation chez
Cartier. Ensuite, il faut les mettre
en place sur des parois inclinées
sans qu’elles tombent, puis enfin
les souder, mais sans les faire fondre.» Autrement dit, une gageure.
Surtout lorsque aucun mode
d’emploi n’a traversé les siècles.
«Nous nous sommes rapprochés
des experts du Musée du Louvre
pour essayer d’en apprendre plus,
poursuit-il. Ils reconnaissent qu’il
y a un mystère autour de cette
technique, mais ils ne le connaissent pas.» Trois étapes, trois mystères à élucider…
L’or repoussé d’où naît
une panthère
Il a d’abord fallu repousser l’or du
cadran à la main, afin de lui donner du volume. «On part d’une
feuille d’or d’épaisseur 0,3, de l’or
22 carats, plus tendre – et on repousse la matière par l’arrière
pour faire apparaître cette tête de
panthère.» Cette partie a été confiée à un repousseur, qui fait métier de gravure, à La Chaux-deFonds. Une semaine de travail.
Ensuite viennent les différentes
étapes de la granulation. Et la fabrication des billes, pour commencer. «A l’époque, je pense
qu’ils faisaient comme on fait
maintenant», dit Romain Moïse.
C’est-à-dire? «Les Etrusques n’ont
pas livré leurs secrets, nous, on fait
pareil», sourit Jean-Luc Carisey.
«Ce qui se passe entre le moment
où l’on coupe le volume d’or nécessaire pour faire la bille et l’obtention de celle-ci, on ne peut pas
le dévoiler, poursuit Romain
Moïse. C’est le résultat de dix-huit
mois de travail et on veut conserver ce savoir-faire.» Bien.
9000 micro-billes
pour faire un motif
Oublions alors les secrets et
contentons-nous de ce que l’on
peut observer: un joaillier à
l’œuvre, en train de couper des fils
d’or en microsections, qui deviendront des granules d’or par la
grâce d’une technique qu’il ne
nous sera pas donné de connaître.
Cela fait un an que le joaillier
coupe des petits morceaux d’or.
Au début, avec un gabarit.
Le repoussé manuel de l’or terminé,
la pose des billes a nécessité
120 heures de travail au maître
joaillier.
Aujourd’hui, son œil suffit. «Pendant une semaine je ne fais que
cela, des billes. Et une fois qu’elles
sont prêtes, je les trie avec un tamis», explique-t-il. Celui que l’on
appellera l’artisan granuleur,
faute de pouvoir en dévoiler le
nom, en a une douzaine à disposition, correspondant à différents
diamètres allant de 9/10e à 2/10e,
qui permettent les variations d’effets et de reliefs. «Vous imaginez
que les Etrusques faisaient leurs
petites boules, on ne sait comment, sur des feux de bois? Il nous
est resté des images. On a travaillé
avec le Musée du Louvre, qui nous
a aiguillés sur différentes techniques. L’une des deux paraissait
plus probable», souligne le
joaillier formé à la granulation.
La mise en place, ensuite. Pour
que les micro-billes restent en
place, il faut réussir à les faire tenir
sur le support avant la chauffe,
avec une matière qui disparaît sous
le feu. De la cire perdue? «Non, ce
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
> Un secret bien gardé
On sait peu de choses sur cette technique d’orfèvrerie, dont la plus
ancienne pièce remonte à 2500 ans av. J.-C, développée sans doute par
les Sumériens. Mais ce sont les Etrusques, au VIIe siècle av. J.-C., qui
l’ont élevée à son plus haut degré de raffinement. Ils étaient parvenus à
décorer des surfaces avec des billes d’or d’un diamètre n’excédant pas
100 micromètres, probablement soudées au sel de cuivre. «La chose la
plus précise que nous connaissions sur leur technique, c’est une sorte de
gravure où on les voit travailler sur un feu de bois avec une espèce de
grande paille en bois dans laquelle ils soufflent, dans l’esprit d’un chalumeau à bouche. On a aussi eu accès à des rapports du Musée du Louvre
sur les matériaux utilisés dans ces bijoux, analysés au rayon X. Le musée
était très intéressé de collaborer avec nous, car ils espéraient que, grâce
à nos essais, nous pourrions leur donner des explications. C’est encore
un mystère pour eux», confie Romain Moïse, responsable de l’innovation
chez Cartier.
La technique a perduré, avec moins de finesse, sous l’occupation romaine, puis le savoir-faire s’est perdu. Au XIXe siècle, l’orfèvre romain
Fortunato Pio Castellani, spécialisé dans la restauration d’orfèvrerie
étrusque, a tenté d’en retrouver le secret. Il avait eu accès à la fameuse
collection de bijoux étrusques du marquis Giampietro Campana et avait
pu l’analyser en détail. Coutumier des pastiches à l’antique, vendus
d’ailleurs comme tels et très en vogue à l’époque, il poussa l’art de la
copie un peu trop loin et fut impliqué dans l’affaire des faux étrusques de
la collection Campana, acquise par le Louvre sous Napoléon III.
Le secret ne se laisse pas découvrir par n’importe qui. I. Ce.
Le maître joaillier doit soumettre le cadran à l’épreuve de la flamme afin que quelques billes fraîchement déposées puissent se lier à la plaque.
C’est uniquement en contrôlant le changement de coloration de la zone que l’artisan peut savoir quand arrêter de chauffer le cadran.
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RÊVE | ÉTERNITÉ
ne serait pas assez précis. Mais on
ne peut pas vous en dévoiler la
composition.» N’insistons pas.
Tout ce que l’on en sait, c’est qu’il
s’agit d’une colle utilisée couramment en joaillerie, dans laquelle
on a intégré quelques ingrédients secrets qui permettent de
faire la soudure. Une fois cette
colle posée sur le cadran, il s’agit
de choisir le calibre des billes que
l’on va poser. «Mais ce n’est pas un
choix aléatoire: on doit respecter
les volumes de l’animal. Pour le
nez, on travaille en dégradé: on
commence avec de grosses billes
et on termine avec des billes de
3/10e», explique l’artisan granuleur. «Tout le problème de cette
technique, c’est qu’à un moment
donné, la colle ne joue plus son
rôle. On doit donc passer le chalumeau sur les billes avant qu’elles soient sèches. Et ce, toutes les
demi-heures, soit toutes les dix
ou vingt environ, sur un total de
9000. Avec le risque de tout perdre à chaque fois», explique Romain Moïse.
L’épreuve du feu
Nous voilà donc arrivés au point
le plus délicat du processus: la
soudure. «L’or de la bille doit
réussir à se diffuser dans l’or du
cadran, sans se déformer. Ce n’est
pas comme dans certains autres
métiers où l’on peut avancer pas à
pas. A chaque fois que l’on pointe
le chalumeau sur la pièce, on
peut détruire tout le travail que
l’on a déjà fait», explique Romain
Moïse. Et lorsque l’on apprend
qu’un cadran passe 2000 à 3000
fois sous la flamme, on comprend que le joaillier doit avoir
un tempérament de moine
bouddhiste. Une guerre du feu,
et surtout, une guerre des nerfs.
La pièce est posée sur un
moule en plâtre qui permet d’en
conserver la forme. Comment
l’artisan granuleur reconnaît-il
le moment où il faut qu’il s’arrête
de chauffer avant qu’il ne soit
trop tard? «Lorsque la pièce
commence à rougir d’une certaine façon, il faut arrêter de
chauffer. On le voit à l’œil», explique-t-il. Il aura fallu deux mois et
demi au joaillier pour poser les
9000 billes du premier cadran.
Ensuite, celui-ci ayant noirci, il
sera plongé dans un bain d’acide
avec des ultrasons pour le dérocher. Les moustaches, les yeux et
les oreilles vont être polis.
Cartier a intégré ce nouveau
métier car il était impossible de
le faire réaliser à l’extérieur.
Aucun artisan d’art n’a souhaité
relever le défi, et notamment pas
avec ce dessin-là: autant de granules d’or sur une si petite surface pour donner l’illusion d’une
panthère en relief qui surgit
hors de l’or. De plus, le support –
un cadran de montre – suppose
des contraintes supplémentaires. «Des personnes qui travaillent la granulation sur bijoux, il y en a. Mais ils œuvrent
sur des pièces plus volumineuses, plus épaisses, où il n’y a pas
de partie fonctionnelle. Avec un
cadran de montre, vous avez à
prendre en compte toutes les
contraintes horlogères», explique Jean-Luc Carisey. Et notamment le fait qu’il ne saurait être
question de perdre des billes
lors d’un mouvement un peu
brusque du poignet.
Quand on a découvert ce cadran inouï en octobre dernier,
dans les ateliers de La Chaux-deFonds, Cartier espérait pouvoir
présenter deux pièces au SIHH.
L’artisan granuleur avait terminé
la première, après une huitaine
d’essais et dix-huit mois de travail. Il venait de commencer la
seconde, travaillant 6 jours sur 7.
En janvier dernier, dans les vitrines du SIHH, une seule panthère
était exposée. On ne sait pas ce
qu’il est advenu de la seconde. Ni
du moral du joaillier…
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PRÉCISION
L’échappementréinventé
Cette année, un tour d’horizon rapide des nouveautés permet de noter trois grandes orientations en matière
de développements mécaniques visant à optimiser les rendements horaires des instruments de mesure du temps
contemporains. Ceux qui tentent d’améliorer l’existant en utilisant des recettes du passé, ceux qui réécrivent le passé
avec les outils d’aujourd’hui. Et enfin ceux qui explorent des voies étonnantes dont on ne sait si les résultats
seront à la hauteur des investissements consentis. Par Vincent Daveau
Diversifier les voies
de recherche
Mais cet assemblage, au demeurant très graphique, n’est pas la
seule solution pour égaliser la
force du barillet à destination du
balancier. Les organes permettant
de la lisser peuvent prendre différentes appellations en raison de
leur mode de construction. Ainsi,
la montre Tourbillon Souverain
de François-Paul Journe utilise un
remontoir d’égalité, un organe –
ici un ressort lame – dont le réarmement régulier permet de transférer à l’organe réglant une force
constante et calibrée. La manufacture saxonne A. Lange & Söhne
avait pris l’option d’un échappement à force constante pour la
Lange 31 dont le couple incroyable nécessitait la mise au point
d’un mécanisme le régulant. Visuellement qualitatifs, souvent
complexes à mettre au point,
d’une efficacité difficilement démontrable, ces développements
ont fait des émules, et quelques
maisons ont présenté, cette année, leur propre vision des choses.
Christophe Claret intègre, par
exemple, au sein du nouveau
chronographe Kantharos, un
L’échappement Co-Axial d’Omega
avec sa roue au profil redessiné.
Cette architecture, radicalement
différente de celle mise au point
initialement par George Daniels,
est apparue en 2011.
PHOTOS: DR
C
ertains procédés élaborés par les horlogers du passé comme
la transmission «chaîne-fusée» pour lisser
la force transmise du
barillet au balancier (à roue de
rencontre), refont surface depuis
quelques années dans des montres de haute horlogerie. Chez A.
Lange & Söhne par exemple, les
modèles portant la mention
«pour le Mérite» avaient ouvert la
voie et intégré un régulateur à
chaîne-fusée assurant un couple
constant à ses tourbillons, des organes de précision que l’on sait
assez sensibles aux différences de
tension du ressort de barillet. La
maison Breguet a suivi avec la
mise au point du modèle Tradition Tourbillon Chaîne-Fusée avec
spiral en silicium, présenté en version platine en 2010 et, depuis,
décliné en or rose. Cette année,
quelques privilégiés ont pu découvrir chez Zenith la montre
Christophe Colomb Hurricane:
une impressionnante référence
éditée en série limitée à 25 exemplaires dotée de son groupe de
régulation monté sur cardan et,
cette fois, équipé d’un mécanisme
de chaîne-fusée comme on en
trouvait sur les chronomètres de
marine.
Macro de la pièce fondamentale de cet échappement constant de Girard-Perregaux. On devine la finesse de la lame en silicium qui fait
14 microns d’épaisseur. Cet organe exploite l’élasticité et la déformation programmée connue sous le nom de flambage d’une lame de silicium.
La montre Christophe Colomb
Hurricane de Zenith emporte
un régulateur classique monté
sur cardan et un barillet associé
à une «chaîne-fusée» inspirée de
celle des chronomètres de marine.
échappement à force constante visible, à 6 heures, côté cadran. Selon son auteur, ce savant mécanisme donne la possibilité de
diminuer sensiblement les écarts
de marche de la montre. Situé en
amont de l’échappement, il dispose d’une came de commande
qui est déportée de l’axe du mobile de force constante. Le spiral se
trouvant ainsi armé plus fréquemment, le couple à la roue d’échappement gagne en constance, augmentant d’autant la précision.
Hypnotique parce qu’en continuel mouvement, ce mécanisme
s’admire sous un pont de saphir
minutieusement anglé destiné à
mettre en valeur le savoir-faire du
maître horloger. On retrouve,
cette année, dans la collection Ingenieur présentée par IWC lors du
SIHH 2013, une construction intégrant également un échappement
à force constante. Il est ici originalement regroupé dans la cage de
tourbillon du modèle Ingénieur
Tourbillon à Force Constante. Celui-ci, d’une rare complexité et
ayant demandé dix ans d’études,
laisse admiratif puisque la régulation de la force distribuée au
grand balancier se fait directement dans la cage effectuant une
ronde minutée.
Les échappements à double
roue d’échappement
Montre Girard-Perregaux
Echappement Constant: montre en or
gris de 48 mm de diamètre dotée
d’un échappement innovant mis au
point par Nicolas Dehon en 1998
lorsqu’il était chez Rolex et développé
depuis par la manufacture GirardPerregaux.
Mais certaines maisons ont également l’ambition de produire leur
propre calibre avec un échappement «maison» comme l’a fait
Omega avec le Co-Axial conçu par
George Daniels et produit en série
par la manufacture à partir de
1999. Difficile pourtant de rivaliser avec l’échappement à ancre
mis au point en 1754 par l’horloger anglais Thomas Mudge. Rares
sont ceux capables de lui faire
concurrence en précision et en facilité de production. Seulement,
avec l’aide des nouvelles technologies, il est aujourd’hui possible de
donner une seconde chance à des
organes de régulation longtemps
restés en suspens. De tous, celui
baptisé «Oscillateur Naturel» par
son inventeur Abraham-Louis
Breguet, semble le plus apprécié.
On sait Ulysse Nardin en avoir employé dès 2001 une version revisitée par Ludwig Oechslin (lire p.
14,15) pour la Freak. On sait également depuis peu que l’horloger
français François-Paul Journe, installé au cœur de Genève, propose
le Chronomètre Optimum, un
chronomètre associant un remontoir d’égalité d’une seconde
breveté à un échappement Biaxial à Haute Performance, lui
aussi breveté. Ce nouvel organe
baptisé EBHP comprenant une
double roue d’échappement à impulsions directes fonctionne sans
huile. Il semble promis à un bel
avenir car, en matière d’entretien,
l’absence de lubrification garantit
une précision de fonctionnement
sur une plus longue période. Cette
ambition est aussi celle du CoAxial d’Omega qui, comme par
hasard, possède deux roues
d’échappement superposées, visuellement inspirées, depuis
2011, de celles des échappements
Duplex.
Les étranges groupes
de régulation
Un bel avenir semble également
sourire à l’échappement Constant, récemment finalisé par la
manufacture Girard-Perregaux et
présenté le 26 mars dernier aux
professionnels de la branche lors
d’une soirée à Zurich. Cet organe
original avait déjà été présenté
dans Le Temps en 2008 (lire Hors-
série du 3.11.2008). Rendant
hommage aux dix années de recherches menées par l’inventeur
Nicolas Dehon pour faire de cet
échappement, conceptualisé et
déposé du temps où il était chez
Rolex (avant d’être engagé chez
Girard-Perregaux), un produit
fonctionnel. Il aura donc encore
fallu cinq ans à la manufacture
pour parvenir à optimiser cet
échappement Constant dont le
mode de fonctionnement est très
innovant. Réalisé en silicium à
l’aide de technologies de pointe,
cet élément fin et symétrique,
dont la forme rappelle un peu
celle d’un papillon, s’intègre à
merveille dans l’architecture de la
montre Girard-Perregaux Echappement Constant. Cet organe d’un
nouveau genre exploite l’élasticité
et la déformation programmée
(connue sous le nom de flambage) d’une lame de silicium de
14 microns d’épaisseur (soit le
sixième d’un cheveu) pour agir
comme échappement à force
constante d’un groupe mécanique comprenant deux roues
d’échappement, une sorte d’ancre
couplée à cette lame ressort en silicium et un balancier spiral classique. D’une qualité de fonctionnement élevée, cette montre, en or
gris de 48 mm de diamètre au
mouvement mécanique à remontage manuel innovant vibrant à
3 Hertz et traité noir pour plus de
modernité, est la première d’une
collection d’un nouveau genre.
Question étrangeté, Franck Muller n’est pas en reste avec le Thunderbolt Tourbillon. Dans cette
construction propulsée par quatre
barillets, la cage du tourbillon effectuant 12 rotations par minute
(soit une toutes les cinq secondes)
enferme un mécanisme breveté
par Franck Muller composé d’une
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Antoine Martin Slow Runner:
un balancier géant et une fréquence
très basse pour une montrebracelet… A surveiller en termes
de précision chronométrique.
F.P. Journe Chronomètre Optimum avec remontoir d’égalité
et son échappement Bi-Axial à Haute Performance EBHP.
Christophe Claret Kantharos:
un chronographe innovant doté
d’un échappement à force constante
pour améliorer la précision.
Rudis Sylva et son étonnant échappement
avec oscillateur harmonieux. Un appairage
osé mais qui fonctionne efficacement.
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IWC Ingenieur Tourbillon à Force Constante.
La subtilité tient au fait que le régulateur à force
constante est intégré dans la cage de tourbillon.
roue d’échappement fixe, d’une
ancre inversée et d’un balancier.
L’ensemble est mécaniquement
très original et mérite le coup
d’œil. Autre découverte anticonformiste: le très grand balancier
de 24 mm de diamètre de la jeune
maison
horlogère
Antoine
Martin. Visiblement inspirée par
les œuvres du XVIIIe siècle, cette
montre intégrée à la collection
«Slow Runner» bat à une fréquence oscillatoire basse de 1 Hz
soit 7200 alternances par heure.
L’emploi d’un grand et lourd balancier vibrant à basse fréquence
est un choix osé surtout lorsqu’il
s’agit de passer l’instrument au
Franck Muller Thunderbolt
poignet, car tout le monde sait
Tourbillon: la cage de tourbillon
combien l’inertie liée aux gestes
avec sa roue d’échappement fixe
de la vie quotidienne peut avoir
montée à la périphérie effectue
une incidence sur ces compodouze rotations par minute.
sants et, par effet, sur la précision
de la montre.
En termes de précision, il y a
encore plein de choses à essayer.
Et, en la matière, Jaeger-LeCoultre, qui n’est pas la dernière manufacture à chercher à améliorer
le rendement de ses gardetemps, vient d’expérimenter le
spiral Sphérique pour sa Gyrotourbillon III. Une expérience
qui fait suite à l’emploi du spiral
cylindrique… La question demeure de savoir lequel des deux
est le plus efficace?
Cette question se pose
d’ailleurs pour toutes ces inventions qui ne trouvent que très
rarement un débouché en
grande série, preuve sans doute
de la faiblesse du gain par rapJaeger-LeCoultre Master Grande port au coût de mise en œuvre…
Tradition Gyrotourbillon 3 Jubilee: Mais l’expérimentation étant un
cette montre dotée d’une cage
moyen de progresser, ces tentade tourbillon étonnante et sphérique tives doivent être regardées, et
emporte un balancier en or associé admirées, à l’aune de l’histoire
à un spiral sphérique pour plus
de l’horlogerie, et non à celle de
de précision.
la rentabilité.
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PROTECTION
Letemps
anti-magnétique
PHOTOS: DR
Portiques d’aéroports, jeux vidéo, sacs
à fermeture aimantée, dans un monde qui
se magnétise toujours plus, les horlogers
cherchent à améliorer la résistance de leurs
montres. L’occasion de revenir sur l’un des pires
cauchemars des rhabilleurs. Par Vincent Daveau
Publicité IWC datant de 1964 décrivant clairement les
avantages de la protection offerte par la cage en fer doux.
I
l n’a pas fallu attendre l’invention des portiques d’aéroports
pour que les horlogers prennent conscience de l’incidence
du magnétisme sur les composants de leurs créations. Les artisans ont été confrontés à ses effets
dès l’apparition des boussoles en
Europe, au début du XIVe siècle. Au
départ, les montres étaient bien
trop imprécises pour qu’il leur soit
possible de mesurer l’influence du
magnétisme sur leur marche. Toutefois, dès le XVIIIe siècle, les instruments horlogers portatifs, précis à
terre, étaient, une fois embarqués
sur les navires, confrontés à des forces inconnues qui leur faisaient
perdre leur précision. Après maintes analyses, les horlogers comprirent que le magnétisme des boussoles perturbait leurs instruments,
et la solution trouvée à l’époque fut
de les éloigner les uns des autres.
On aurait pu croire cette histoire
d’aimantation réglée. Elle ne faisait
que commencer. En effet, à l’aube
du XXe siècle, l’arrivée progressive
de l’électricité dans les foyers et
l’utilisation de plus en plus régulière d’engins faisant appel à des
moteurs électriques et d’instruments contenant des aimants devaient remettre au goût du jour la
recherche destinée à contrer les effets du magnétisme sur la marche
des instruments de mesure du
temps.
montres dotées d’une cage de protection en fer doux avaient une résistance largement supérieure à la
normale, simplement du fait que le
caisson de vil métal agissait
comme une cage de Faraday. Cette
particularité physique permettait à
IWC de résoudre, pour un temps, le
problème du magnétisme en dotant la Mark XII d’un boîtier doublé
d’un blindage en fer doux. Mais
c’est surtout à l’issue de la Seconde
Guerre mondiale qu’il s’est révélé
essentiel pour les scientifiques et
les ingénieurs du génie civil de disposer d’instruments de mesure du
temps capables de résister à de
forts champs magnétiques. Toutes
les marques sérieuses travaillaient
sur ce projet et les recherches aboutirent à la mise au point durant les
«fifties» des premiers prototypes.
IWC créait l’Ingenieur, et Rolex
l’Oyster Perpetual Milgauss; deux
pièces dont les mouvements
étaient enfermés dans des boîtiers
usinés en acier inox – lui-même difficilement magnétisable – et protégés des champs magnétiques par la
présence d’un caisson en fer doux.
Ces produits devaient réveiller la
concurrence: Omega proposait en
1957 la Railmaster, une montre capable de résister à un champ magnétique de 900 gauss, tandis que
Jaeger-LeCoultre créait la Geophysic en 1958-59.
Le présent comme
une répétition du passé
Mais chaque époque a ses récurrences. Aussi, dans le courant des
années 70, avec la généralisation
des ordinateurs dans les bureaux,
l’apparition dans les foyers de chaînes hi-fi dotées d’enceintes dégageant de puissants champs électromagnétiques, les marques ont
soumis aux consommateurs des
montres résistant à des produits du
quotidien dont la proximité ou
l’emploi pouvaient perturber la
marche normale. Ainsi, durant les
seventies, la manufacture IWC remettait au goût du jour son Ingénieur sous le crayon de Gérald
Genta, et Rolex devait conserver à
son catalogue la Milgauss jusqu’en
1988. Puis le magnétisme est passé
un peu au second plan jusqu’en
2004, date à laquelle IWC est reve-
Jaeger-LeCoultre Geophysic
de 1958 en acier avec cage interne
en fer doux permettant de
protéger la montre contre le
magnétisme. Jusqu’à 600 gauss.
nue à la charge avec une nouvelle
Ingénieur capable de résister à des
champs
magnétiques
de
1000 gauss. Et même si Rolex a également relancé la Milgauss en
2007, il semble que l’intérêt du public pour ce type de garde-temps
très spécialisés n’ait pas été au rendez-vous.
Questions de règles
et de normes
Cela dit, le commun des mortels ne
peut pas mesurer l’incidence des
champs magnétiques classiques
sur sa montre, les instruments
contemporains en acier en étant finalement assez correctement protégés. Les responsables d’Omega
lors de la présentation de la Seamaster Aquaterra Amagnétique en
janvier 2013 rappelaient que la
norme NIHS (Norme industrielle
de l’horlogerie suisse) en matière
de protection des montres mécaniques est aujourd’hui de 75 gauss.
Assez donc pour pouvoir passer sa
montre derrière un écran d’ordinateur, la plonger dans un sac doté
d’un fermoir aimanté, pour supporter le rayonnement des instruments de bord dans une voiture,
un avion ou ailleurs, mais pas assez
pour la voir résister aux champs
émis par des aimants se trouvant
dans des enceintes hi-fi, dans certains jeux pour enfants et surtout
dans les portiques magnétiques
des aéroports. Et Jean-Claude Monachon, vice-président et chef du
développement produit d’Omega,
soulignait, lors de la présentation
de la nouvelle Omega, à Genève,
qu’il estimait à 15% environ le
nombre de montres rapportées au
Service après-vente, toutes mar-
ques confondues, pour cause de
magnétisation des composants;
une magnétisation dont le propriétaire n’a aucune idée, car elle se
traduit, le plus souvent, non pas
par un arrêt de la montre mais par
une avance importante de l’heure.
Pour éviter ces retours intempestifs
qui pénalisent les propriétaires et
engorgent les SAV déjà débordés,
Omega proposera, à partir d’octobre, la Seamaster Aquaterra. Une
pièce dotée d’un calibre Coaxial révolutionnaire qui, en plus de recevoir une nouvelle roue d’échappement, s’équipe de composants
amagnétiques et paramagnétiques
lui permettant de fonctionner au
cœur de champs magnétiques intenses supérieurs à 15000 gauss,
soit, ceux émis par les IRM des hôpitaux. On l’aura compris, le but
n’est pas de pouvoir faire un
contrôle de santé avec sa montre
préférée, mais de lui garantir de
supporter des forces qui, si elle n’y
avait pas résisté, auraient imposé
qu’elle soit intégralement révisée.
En somme en créant ce mouvement, Omega a bon espoir de réduire de 15% son SAV.
Des produits en phase
avec le monde
Face à un monde urbain qui se magnétise de plus en plus, les horlogers proposent des solutions adaptées aux pires environnements.
Mais est-il nécessaire d’aller jusque-là, telle est la question. La nouvelle Omega a ouvert la voie d’une
nouvelle série de montres destinées à répondre aux attentes de
professionnels décidés à gérer des
magnétismes de forte intensité. Cet
intérêt éveille également celui
d’autres maisons qui, elles aussi,
ont leur avis sur la question. Ainsi,
en plus de la collection Ingénieur
d’IWC, qui opère un retour en force
avec des produits spécialisés dont
quelques-uns portent encore leur
protection en fer doux, Panerai
propose cette année la Luminor
Submersible 1950 Amagnetic 3
days Automatic Titanio en 47 mm
de diamètre. Cette pièce, spécialement dédiée aux plongeurs, est
aujourd’hui dotée d’un boîtier qui
lui permet d’offrir une résistance
aux champs magnétiques à hauteur de 40000 A/m (Ampères – mètres), soit un seuil plus de 8 fois
supérieur aux standards de la
norme NIHS. Cela devrait garantir
à ce produit de supporter la proximité des compas de bord des bateaux spécialement affrétés pour
emmener les hommes-grenouilles
sur des spots de plongée ou les portiques des aéroports. Alors, c’est
vrai, l’idée d’Omega avec cette
montre particulièrement attractive, mais amagnétique, n’est pas
de faire réagir la concurrence, mais
de proposer un mouvement
Coaxial, aujourd’hui à l’avantgarde en matière de protection
magnétique, appelé à équiper toutes les montres Omega de haut de
gamme. Une façon claire pour le
Swatch Group d’annoncer que la
prochaine avancée – ou bataille –
en matière d’horlogerie mécanique sera d’augmenter sensiblement la fiabilité des produits en
réduisant au minimum le risque de
panne et de faire en sorte que la
révision d’une montre n’intervienne qu’une fois tous les dix ans
contre une tous les cinq ans, en
moyenne aujourd’hui… A suivre!
La généralisation
d’une protection magnétique
Durant la Première Guerre mondiale, les forces et les faiblesses de
certaines montres ont été mises en
lumière. Il s’est alors avéré que les
De gauche à droite: Omega Seamaster Aqua Terra Amagnétique: produit en acier capable de résister à un champ magnétique supérieur à 15 000 gauss.
IWC Ingenieur Automatic 40 mm acier: inspirée de la référence dessinée par Gérald Genta durant les «seventies», cette pièce résiste à 40 000 A/m grâce à sa
cage en fer doux. Rolex Oyster Perpetual Milgauss: modèle relancé en 2007 avec cette particularité de résister à un champ magnétique égal à 1000 gauss.
Panerai Luminor Submersible 1950 Amagnetic 3 Days Automatic Titanio: cette pièce est taillée pour résister à des champs magnétiques jusqu’à 40 000 A/m.
U LT I M E D I S C R É T I O N
PIAGET ALTIPLANO
La montre automatique la plus plate du monde
Boîtier en or blanc, 5,25 mm d’épaisseur
Le mouvement automatique le plus plat du monde
Calibre Manufacture Piaget, 2,35 mm d’épaisseur
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Boutiques PIAGET : Genève - rue du Rhône 40 • Zurich - Bahnhofstrasse 38
Horlogerie
26
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
GENRE
GUERIN NICOLAS
Leshommespréfèrent
lespetites…
Une clientèle masculine
issue du domaine
artistique a commencé il
y a cinq ans à arborer des
garde-temps au boîtier
d’un petit diamètre.
Certains n’hésitent
plus désormais à porter
des montres serties
ou pas, conçues
pour les femmes.
La barrière des genres
est devenue poreuse.
Tour de la question.
El Primero
Original 1969, 38 mm,
version sertie, Zenith
Par Isabelle Cerboneschi
Reverso Classique,
Jaeger-LeCoultre
1972 Prestige,
collection 1972,
Vacheron Constantin
Calatrava
référence 5227, 39 mm,
Patek Philippe
Clifton 10058 ,
39 mm,
Baume & Mercier
I
l s’agissait à l’origine d’une sorte
d’exception culturelle. Il y a
quatre ou cinq ans, on a commencé à voir aux poignets de
ceux qu’on appellerait dans le
jargon marketing des «early
adopters», souvent issus du monde
de l’art – cinéastes, acteurs, musiciens –, des montres de petits diamètres. Dans le GQ de décembre
2011, on découvrait notamment
l’acteur Michael Fassbender, sexy
au possible, portant, outre une chemise blanche très ajustée, une Reverso Ultra Plate 1931. Quelques
cinéastes ou musiciens n’hésitant
pas à emprunter aux femmes certains de leurs modèles favoris.
«Nous avons commencé à observer ce phénomène en 2011 avec la
Reverso Classique, souligne Jérôme
Lambert, PDG de la manufacture
Jaeger-LeCoultre. Au début, 90% de
la clientèle qui portait une Classique était masculine. Ensuite, ce
modèle est devenu à 90% féminin.
Puis une clientèle masculine, plus
jeune, plus urbaine, l’a redécouvert.
Cette année-là, cela s’est ressenti
très fortement au niveau des ventes, au point que nous nous sommes retrouvés en rupture de stock
pendant un bon trimestre pour les
modèles dotés de mouvements
mécaniques. C’était une belle surprise, car c’est ce même modèle qui
avait relancé la Reverso en 86-87. Il
n’est pas marqué féminin, il n’a pas
de chiffres floraux, pas de diamant,
même son nom est neutre. Quand
on fait des statistiques, on ne sait
jamais dans quelle catégorie le
classer: il est en quelque sorte unisexe.»
Du sexe des montres, on pourrait discuter longtemps. Lorsque
l’on regarde l’histoire de l’horlogerie, on note que certaines montres
ont changé de genre au fil du temps
et des modes. La Tank Louis Cartier
que portait Rudolf Valentino dans
le film Le fils du cheik en 1926, par
exemple, est devenue un modèle
pour femmes. Une montre que se
réapproprient d’ailleurs certains
artistes, musiciens ou chanteurs. Le
temps a l’art de faire des boucles…
L’engouement pour le vintage y
est d’ailleurs pour quelque chose.
Comme cette nostalgie pour un
hier dont on se souvient ou que l’on
imagine plus rieur, qui anime les
quarantenaires. «J’ai observé que
certains créatifs portaient des
L’acteur Clive
Owen portant
une Reverso,
JaegerLeCoultre.
montres plus petites, des pièces
vintage. Au début, je pensais que
c’était une manière de se démarquer, souligne Alain Zimmermann, PDG de Baume & Mercier.
Puis j’ai pensé qu’il s’agissait d’autre
chose. Plus le contexte est difficile,
plus on a envie de se rassurer et on a
besoin de points d’ancrage. Ce qui
explique aussi l’engouement pour
le vintage dans tous les autres domaines, du design, de la mode…»
Mais la nostalgie n’explique pas
tout. C’est aussi une question de
style. La tendance des grosses montres avait atteint des proportions
frôlant le grotesque: 50 mm au poignet, il faut avoir envie. «Arborer
une montre de grande taille, ce
n’est pas agréable, c’est trop lourd,
trop grand. On peut la porter le
week-end, mais ce ne sera pas la
montre de tous les jours. Ce qui
compte c’est de choisir le bon diamètre par rapport à son poignet:
les plus belles proportions naviguent entre 38 et 40 mm», souligne
Thierry Stern, président de la manufacture Patek Philippe. On pourrait même les étirer jusqu’à
37-41 mm. «Quand on s’ancre dans
le classique et l’intemporalité, on
doit respecter un certain nombre
de codes. Celui de la taille en fait
partie, et ce, quel que soit le pays
auquel on s’adresse», relève aussi
Alain Zimmermann.
Pour Jean-Frédéric Dufour, PDG
de Zenith, il ne faut pas généraliser:
«Cela dépend du type de montre.
Faire une montre sport en dessous
de 42-44 mm, c’est difficile. Les
Etats-Unis, l’Amérique du Sud, le
Moyen-Orient ne vont pas vers le
plus petit. En revanche, les marchés
matures reviennent en effet vers
des dimensions historiques. Nous
avions relancé le chronographe El
Primero de 1969 dans sa taille originale en 38 mm il y a deux ans. Au
départ, ce furent surtout des femmes qui l’ont plébiscité, mais les
hommes recommencent à le porter. Nous venons de recevoir une
commande de 35 blogueurs italiens de Orologi & Passioni pour ce
modèle.»
Nul besoin d’aller jusqu’en Italie
pour voir les diamètres des montres rétrécir au poignet des hommes. Lors de l’édition 2012 du
SIHH, nous avions demandé au génial concepteur horloger Giulio
Papi, fondateur et directeur techni-
que de Audemars Piguet Renaud &
Papi, qui portait alors une Royal
Oak de 41 mm, de faire un test et
d’essayer un modèle en 37 mm. «Au
début, j’étais suspicieux. Mais
comme toute chose, il faut les mettre au poignet et vivre avec. Ensuite,
soit on aime, soit on déteste. Et j’ai
aimé. D’ailleurs, je n’ai pas reçu un
seul commentaire», sourit-il. Un
an plus tard, il porte toujours une
Royal Oak, mais d’un diamètre de
39 mm. «Ce qui est important, c’est
la chute du bracelet, le confort du
porter, l’élégance. Autant 37 mm
était trop petit pour moi, j’ai un
poignet assez fort, autant 41 mm,
c’est trop gros. Je me suis arrêté sur
39. On a tous nos numéros fétiches.
Et moi, j’adore les multiples de 3»,
dit-il avant de partir dans un grand
éclat de rire.
«Lorsqu’il y a eu cette mode des
grands boîtiers qui sont allés jusqu’à 50 mm, on me disait que mes
mouvements étaient trop petits,
relève Thierry Stern. Or, cela allait à
l’encontre de tout ce que j’avais appris: la difficulté de ce métier réside
dans le fait de réussir à fabriquer
un mouvement précis, qui soit plat
et beau. Le retour vers des diamètres plus raisonnables, je crois que
cela contente toutes les manufactures qui fabriquent leurs propres
calibres. Les gros mouvements, ce
n’est pas ce que les horlogers
aiment faire…»
Quant aux femmes, celles qui
aiment porter des modèles masculins, elles aussi sont ravies de voir
les tailles des montres masculines
diminuer. Homme, femme, cette
frontière entre les genres est devenue plus poreuse. Ce qui n’est pas
pour déplaire à Christian Selmoni,
le directeur artistique de Vacheron
Constantin. En janvier dernier, la
manufacture genevoise a présenté
au SIHH des modèles exclusivement féminins. Notamment une
collection de montres Métiers d’art
baptisée Florilège. «Alors qu’elle
avait été clairement conçue pour
les femmes, on a noté qu’une clientèle masculine raffinée souhaitait
l’acquérir. Ces hommes veulent des
objets qui soient beaux, quel que
soit le public auquel les maisons les
avaient destinés.»
La barrière séparant les genres a
été levée par les femmes, lorsqu’elles ont commencé à se soucier du
moteur de leur montre. Mais l’inté-
rêt n’allait que dans un sens. Ce qui
est en train de changer. Notamment depuis que les horlogers
conçoivent exprès pour elles des
modèles dotés de beaux mouvements mécaniques (lire p. 28). Sertir un modèle n’est plus un marqueur suffisant pour définir le sexe
d’une montre. Certains hommes savent passer outre. Lorsque Patek
Philippe avait lancé son chronographe pour dames en novembre
2009, Thierry Stern avait souhaité
que le boîtier soit serti afin qu’une
clientèle masculine n’y ait pas accès. Cela n’a pas empêché certains
de l’acquérir pour leur propre
usage…
«La tendance, c’est aux marques
d’essayer de la capturer. Il est difficile de parler de
ces choses fugaces, note Christian Selmoni.
Prenez la montre 1972 Prestige. Il s’agit de
l’interprétation
d’un modèle
datant de 1972
qui était complètement atypique. Les proportions de ce
garde-temps
répondent au nombre d’or. Nous
avons mis l’accent sur le côté
dandy de l’éventuel acheteur, d’où
le cadran décoré de chevrons. Elle
est à la fois étroite, longue et très
galbée. Mais finalement, c’est une
montre qui n’appartient ni au
genre féminin, ni au genre masculin. Elle est androgyne, en quelque
sorte.»
Androgyne, unixexe… Est-ce
vraiment ce que le marché souhaite? On pourrait établir un parallèle avec le monde de la parfumerie. Le premier essai d’un parfum
unisexe remonte à 1975, vingt ans
avant le fameux CK One de Calvin
Klein. Il s’appelait Eau Libre, il était
signé Yves Saint Laurent et la publicité vantait: «Tout ce qui est à toi est
à moi.» Il a hélas été très vite retiré
du marché. L’histoire montre que
les femmes veulent bien emprunter aux hommes leurs voitures,
leurs parfums, leurs pulls, leurs
montres et regarder les hommes
désormais faire de même, tant que
cela ne reste qu’un emprunt, aussi
sexy soit-il…
SERTIR UN MODÈLE
N’EST PLUS UN
MARQUEUR
SUFFISANT POUR
DÉFINIR LE SEXE
D’UNE MONTRE
17 Septembre 1755. A l’étude de Maître Choisy, notaire, Jean-Marc
Vacheron, jeune Maître Horloger genevois s’apprête à engager son
premier apprenti. Cet engagement porte la plus ancienne mention
connue du premier horloger d’une dynastie prestigieuse et représente
l’acte de naissance de Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture
horlogère au monde en activité continue depuis sa création.
Depuis cet acte, et fidèle à l’histoire qui a fait sa réputation,
Vacheron Constantin s’est engagé à transmettre son savoirfaire à chacun de ses Maîtres Horlogers, gage d’excellence
et de pérennité de ses métiers et de ses garde-temps.
Patrimony Traditionnelle Tourbillon 14 jours
Boîtier en or rose 18K 5N, Cadran opalin argenté,
Poinçon de Genève, Mouvement mécanique à remontage manuel,
Tourbillon, Ø 42 mm
Réf. 89000/000R-9655
Maison Vacheron Constantin : 7, Quai de l’Ile - 1204 Genève - Tél. 022 316 17 20
Boutique Vacheron Constantin : 1, Place de Longemalle - 1204 Genève - Tél. 022 316 17 40
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
GENRE
Leshorlogersàla
conquêted’uneterra
malcognita:lafemme
Nouveau design,
mouvements
mécaniques conçus
pour elles,
complications qui
leur sont dédiées. Les
femmes sont reines.
Au point que les
hommes jalousent
leurs nouveaux
garde-temps. Par
Isabelle Cerboneschi
GILLES-MARIE ZIMMERMANN
28
Montre Jules Audemars extra-plate 41 mm. Mouvement automatique manufacture Calibre 2120. Boîtier en or rose, lunette sertie de diamants, index 12h serti,
cadran argenté guilloché, glace saphir devant et au dos du boîtier, Audemars Piguet.
L’
PHOTOS: DR
Calatrava Référence 7200, Patek Philippe. Mouvement
mécanique à remontage automatique extra-plat, calibre
240, aiguilles «poire Stuart» en or rose.
année 2013 est l’année
de la femme. En termes horlogers s’entend. Et il y a fort à parier que 2014 le sera
tout autant. Lors du
Salon international de la haute
horlogerie (SIHH), qui s’est tenu à
Genève en janvier, et dans les manufactures, on a découvert une
foison de garde-temps dotés de
mouvements mécaniques, agrémentés de complications, destinés exclusivement aux femmes.
Ce n’est pas la première fois que
les horlogers se lancent à la
conquête de cette clientèle aux
goûts versatiles, mais c’est sans
doute l’offensive la plus importante que l’on observe depuis de
nombreuses années.
Il ne s’agit pas que de ces pièces
destinées à de riches collectionneuses comme il en existe à Hongkong, à Singapour ou à Taïwan.
Des amatrices de haute horlogerie
avant l’heure qui n’ont jamais hésité à dépenser plusieurs centaines de milliers de francs pour s’offrir un tourbillon, une montre à
grande complication, qu’elle soit
sertie ou pas. On est dans un tout
autre registre. Les maisons horlogères cherchent à s’adresser à un
marché plus local, sentant un intérêt croissant pour la mécanique
chez les Européennes. Et ils ont
raison: il y a une vraie demande.
«J’ai interrogé les distributeurs
pour savoir si les achats de montres mécaniques féminines sur le
marché européen étaient à mettre
sur le compte des touristes asiatiques ou bien si c’était le fait de
clientes italiennes, anglaises, suisses ou françaises, explique Alain
Zimmermann, PDG de Baume &
Mercier, qui lance cette année une
Linea dotée d’un mouvement
automatique. De manière unanime, ils m’ont dit que c’était effectivement la cliente locale qui
prenait conscience avec plaisir de
cet aspect de l’horlogerie. Mais
lorsqu’on leur propose une montre à la mécanique sophistiquée –
que les hommes regarderont toujours avec des lunettes de gamin
et de mécano – si cela entraîne un
déficit esthétique, à modèle équivalent, la femme choisira plutôt la
version quartz.»
La donna è mobile…
«L’esthétique». Voilà bien le mot
le plus difficile à circonscrire. Il
existe des règles immuables en
termes d’élégance et de simplicité,
mais comment appréhender ce
que les femmes désirent, ce quelque chose d’ineffable, qui est dans
l’air et qu’elles-mêmes, parfois, ne
parviennent pas à expliquer? «J’ai
délégué ce problème à ma femme,
qui chapeaute la création, confie
Thierry Stern, président de Patek
Philippe. Je suis capable de faire
une belle montre homme, mais
pour une montre dame, je n’y arrive qu’à 80%. Avec le chrono, mon
épouse a réalisé la montre qu’elle
voulait porter. Elle a réussi à instiller dans ce modèle l’esprit Patek
– cela fait plus de quinze ans
qu’elle travaille à la manufacture –
tout en s’adaptant à la demande
féminine, plus mode que la clientèle homme. Il fallait créer une
montre intemporelle tout en la
mettant au goût du jour: seule
une femme pouvait relever ce
challenge.»
A condition qu’elle en ait les
moyens, la cliente peut avoir envie
de porter un chrono masculin un
jour, un tout petit calibre le lendemain, une montre bijou ou manchette le soir même, un modèle
classique le surlendemain, un modèle vintage l’après-lendemain, en
fonction de son humeur, du personnage qu’elle aura envie d’endosser, de son sac, de ses vêtements, du lieu où elle se trouve,
bref… Les horlogers savent qu’il
leur est impossible de se calquer
sur le calendrier de la mode. «On
ne fait pas de soldes dans l’horlogerie, relève Jean-Frédéric Dufour,
PDG de Zenith. Les temps de fabrication sont beaucoup plus longs.
On travaille sur des cycles minimums d’un an et demi à deux ans.
Pour faire un sac, on met trois
mois maximum. Le rythme de lancement des produits est différent.
On ne peut pas suivre la mode.»
Toutefois, il y a quelques tendances à cycles longs qui font
sens. Lorsque celle des gros calibres a envahi le marché, la clientèle féminine n’a pas hésité à la
suivre. On a vu des Panerai dépassant allègrement les 42 mm sur
des poignets minuscules. Tout le
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
29
PHOTOS: DR
Arceau Le Temps suspendu 38 mm, La Montre Hermès.
Mouvement mécanique à remontage automatique. Boîtier
en or rose, glace et fond saphir antireflet.
monde semble en être revenu, et
la tendance actuelle, pour les
deux sexes, est plutôt à un retour
vers des calibres plus petits (lire
p. 26). Il n’est qu’à voir d’ailleurs la
montre qu’a lancée la créatrice
Isabel Marant avec la marque JEM.
Un modèle en or, de forme carrée,
inspiré par celui que portait le
père de la créatrice. Pile ce dont les
filles et les femmes ont envie. Sauf
qu’Isabel Marant n’est pas un horloger et que ses montres sont à
quartz. Il n’en demeure pas moins
que ce style, plus classique, qui se
réfère à une horlogerie traditionnelle est justement ce qui plaît
aux femmes aujourd’hui. «Elles
veulent des petites montres, couture, confirme Jérôme Lambert,
PDG de Jaeger-LeCoultre. Mais
faire un petit mouvement automatique en 27 mm, c’est très compliqué: il y a à peine cinq maisons
capables de les fabriquer. Or plus
c’est petit, moins il reste de place
pour faire de l’esbroufe. Il faut que
la finesse du métier, le savoir-faire
s’exprime. On doit travailler dans
la subtilité. Vous allez voir, l’an
prochain, il y aura foison de montres féminines signées par des
horlogers.»
Ce que femme veut.
Sans attendre l’an prochain, les
manufactures présentent déjà
cette année pléthore de modèles
qui possèdent cet esprit intemporel et statutaire qui plaît. «Nous
avons décidé de ne nous adresser
qu’aux femmes pendant le SIHH,
explique Christian Selmoni, directeur artistique de Vacheron Constantin. Nous en sommes au début
du redéploiement de notre segment féminin. On ressent une
forte demande pour des montres
classiques, élégantes qui incorporent un mouvement mécanique.
Cet intérêt se généralise. C’est un
phénomène passionnant. Cela offre un territoire d’expression sans
précédent! La montre Patrimony,
à l’origine un modèle masculin, a
été entièrement repensée pour les
femmes – que ce soit la largeur de
l’entre-corne, la longueur des cornes, le galbe de la glace, la minuterie – mais sans modifier la substance, la personnalité du modèle
originel. On ne pense plus la montre femme en réduction de celle
de l’homme.»
Il reste encore quelques maisons horlogères pour continuer à
croire qu’une montre pour dame
n’est rien d’autre qu’un modèle
masculin au diamètre réduit,
construit en homothétie, avec un
cadran nacre, des diamants jetés
sur la lunette et un bracelet rose,
mais sans doute plus pour très
longtemps. La plupart ont
compris que ce n’était pas aussi
simple. Et que la cliente n’hésitera
plus à acheter un modèle masculin qui lui plaît, si aucun modèle
féminin n’arrive à la séduire. «Les
Européennes ont été les premières à dérober les montres des
hommes, poursuit Christian Selmoni mais ce sont les Asiatiques,
les grandes collectionneuses de
Hong Kong et Taïwan, qui se sont
d’abord intéressées aux mouvements. Ce sont deux choses distinctes: dans le premier cas, il
s’agissait d’un intérêt pour le design, dans le second, de technique
horlogère.» Jérôme Lambert estime que ce nouvel engouement
remonte à 2008-2009: «Il y a eu un
double basculement qui vient,
d’une part, de la clientèle asiatique qui a une aversion pour le
quartz et, de l’autre, d’une passion
retrouvée pour l’automatique. La
clientèle, qu’elle soit masculine ou
féminine, est à la recherche d’un
contenu, d’une tradition, des valeurs de réassurance.»
La mode, la mode…
L’arrivée des marques venues de
l’univers de la mode sur le marché
horloger dès 1972, année de création de Gucci Timepieces par le
visionnaire Severin Wunderman,
a certainement eu une influence
sur la création horlogère. Même si,
à l’époque, ces montres, dotées
d’un mouvement à quartz, étaient
considérées avant tout comme
des accessoires de mode. Il a fallu
que des maisons comme Chanel,
Hermès, Louis Vuitton, Dior, pour
ne citer qu’elles, se lancent dans la
course, et imposent à la fois un
style, et surtout, la force de leur
nom de marque, pour que les
quelques horlogers ayant longtemps négligé le segment féminin
dans leurs collections, s’y intéressent de près. «S’il est assez facile de
définir l’horlogerie masculine, il
est beaucoup plus complexe de
définir l’horlogerie féminine, souligne Nicolas Beau, directeur international Horlogerie chez Chanel. Dans notre cas, l’approche
créative de la féminité ne se pose
pas dans les mêmes termes que
pour les horlogers. On ne fait pas
de vêtements pour homme. Chez
nous, la femme est reine. La féminité n’est pas un sujet. Et même si
la J12 avait été conçue par un
homme pour lui-même (Jacques
Helleu, qui fut le directeur artistique de l’horlogerie et des parfums, ndlr), nous avons beaucoup
de mal à connaître le pourcentage
de vente de ce modèle aux hommes. On l’estime à un petit 20%.»
Parce que les équipes marketing des grandes marques aiment
bien donner un nom à un épiphénomène qu’elles n’ont pas anticipé, mais qu’il leur faut définir
afin de créer une demande et ensuite y répondre, elles ont inventé
Royal Oak 37 mm, Audemars Piguet. Mouvement
manufacture automatique calibre 3120. Date à 3 h. Boîtier,
lunette en or blanc pavé de diamants. Glace saphir dos
et devant.
le terme de «boyfriend watch»,
comme il existait celui de «boyfriend jean». Il s’adresse aux habitudes de certaines femmes qui,
depuis des années, quelles que
soient les tendances, les années,
les crises, aiment à porter des modèles conçus pour les hommes.
Par goût personnel. Et non pas
parce qu’elles ont emprunté le
garde-temps de leur mari ou de
leur amant. Des femmes qui ont
l’utilité et les moyens de s’offrir un
quantième annuel doté d’un beau
mouvement manufacture, et qui
n’ont pas demandé que l’on
conçoive des modèles rien que
pour elles. Ce qui existe leur convenant parfaitement.
Thierry Stern pense que c’est un
choix dirigé par la marque. «Le
meilleur exemple, c’est Rolex.
Beaucoup de femmes portent des
modèles masculins, parce qu’il n’y
a pas le même modèle en version
féminine: il y a soit des montres
trop petites, soit pour homme.
Tant que les manufactures ne proposent pas des modèles qui les
séduisent, elles choisissent des
modèles homme. C’est plus facile
aussi pour une marque: pourquoi
travailler sur un design féminin, si
la cliente préfère un modèle
homme? C’est plus de travail, cela
demande de nouvelles boîtes, de
nouveaux cadrans, mais c’est notre travail! Nous avons désormais
chez Patek une équipe qui travaille à plein-temps juste pour les
montres dames. En revanche,
nous n’allons pas jusqu’à faire des
différentiations entre les mouvements, pour l’instant. Les nôtres
sont suffisamment petits et plats
pour s’adapter. Pour notre
chrono, on a pris des mouvements
compliqués homme et, même si
l’on n’en avait pas assez, on en a
gardé un pourcentage pour les
dames.»
Féminin jusqu’au cœur
Certaines manufactures, en revanche, conçoivent des mouvements spécifiquement pour cette
clientèle. Blancpain par exemple
(lire interview ci-après). Jaeger-LeCoultre, aussi. «Il est difficile de se
battre contre la force d’étiquette
de certaines marques. En revanche, si l’on considère qu’une montre se doit d’être automatique,
fine, de petite taille, et qu’elle doit
présenter des fonctions spécifiques, cela rend les montres horlogères plus pertinentes que jamais», Explique Jérôme Lambert.
Raison pour laquelle, dans la
Grande Maison, on s’est penché
sur les moteurs et l’on a réfléchi à
ce qui pouvait être modifié afin de
concevoir des modèles qui soient
féminins jusqu’au cœur du mouvement. «Il y a vingt ans, une ligne
de montres féminines s’appelait
Rendez-vous. Il y avait une petite
pierre sertie sur la lunette que l’on
pouvait faire tourner afin d’indiquer l’heure d’un rendez-vous
choisi. Pourquoi ne pas transformer cela en fonction, avec une
aiguille? Notre nouveau modèle
Rendez-Vous a été lancé en juin
2012. C’est de la belle horlogerie
pour femme, avec des mouvements automatiques très fins, très
petits, un soin tout particulier est
porté au boîtier, aux aiguilles, explique Jérôme Lambert. Cette année, nous la présentons en deux
nouvelles versions: un quantième
perpétuel, et une montre Céleste.
Comme la voûte céleste apparaît
sur un cadran de lapis-lazuli, une
pierre qui implique un certain
poids, cela a entraîné une reconception du mouvement.» Et
quand on regarde cette montre
avec attention, on découvre que
tout, depuis le mouvement jusqu’au décor, en passant par la
fonction d’indication de l’heure
du rendez-vous, a été pensé et
conçu pour la femme.
Fifty Fathoms Bathyscaphe,
Blancpain. Mouvement automatique, date et seconde, cadran blanc,
lunette unidirectionnelle
en céramique.
Les femmes et les complications
L’indication de l’heure d’un
rendez-vous, que l’on imagine
amoureux, est une fonction qui
fait appel au cœur des femmes
plus qu’à leur raison. Mais elles
ont besoin d’un peu plus que cela
pour succomber. Si, aux yeux des
hommes, certaines montres à
complications sont simplement
des «toys for boys», les femmes attendent de leurs outils qu’ils les
accompagnent dans leur quotidien et leur soient utiles. «Je pense
comme vous, mais c’est totalement contre-intuitif: une idée
commune veut qu’une femme
choisisse une montre seulement
en fonction de son esthétique et
l’homme selon la fonction», souligne Jérôme Lambert.
Quelles sont dès lors les
complications plébiscitées par les
femmes? «Le tourbillon, la phase
de lune, et le chronographe, répond Jean-Frédéric Dufour, PDG
de Zenith. Certaines marques de
montres bijoux ont fait des complications plus poétiques et je
crois que cela marche très bien.
Mais nous faisons plutôt des complications utiles» Lesquelles? «Le
Tourbillon, parce que c’est un status symbol. La phase de lune et le
chrono, qui est utile dans la vie
quotidienne. C’était une fonction
qui était très masculine et qu’on
retrouve désormais au poignet
des femmes.»
Toutes les personnes consultées
ont placé la phase de lune en tête
de liste de la complication utile
pour la clientèle féminine. Sans
ö Suite en page 30
Patrimony Traditionnelle Dame
manuel, Vacheron Constantin.
Mouvement mécanique à remontage
automatique. Calibre manufacture
1400. Boîtier 33 mm en or rose.
Lunette sertie de diamants.
Tonda 1950 extra-plate sertie,
Parmigiani. Mouvement PF 701 à
remontage automatique. Petite seconde à 6h. Décoration «Côtes de
Genève». Aiguilles Delta luminescentes. Lunette sertie de diamants, boîtier
en or rose.
Chronographe Grande Date de la
collection Women, Blancpain. Cadran de nacre perlée. Heure décentrée. Affichage des heures et des
minutes à 12h, grande date à 6h,
Boîtier en or rouge serti de diamants.
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PHOTOS: DR
Lady Arpels Ballerine Enchantée, Van
Cleef & Arpels. Complication poétique. Boîtier en or blanc, lunette sertie
de diamants. Fond du cadran guilloché recouvert d’émail champlevé
translucide et or sculpté. Mouvement
mécanique double rétrograde, affichage de l’heure à la demande.
Ultra Thin Lady Moonphase, collection Héritage, Zenith. Mouvement
automatique Elite 692. Epaisseur du
boîtier: 3, 97 mm. Masse oscillante
avec motif «Côtes de Genève».
Heures et minutes au centre, petite
seconde à 9h, disque de phases de
lune à 6h. Boîtier en or rose.
AltiplanoSquelette serti automatique,
Piaget. Mouvement squelette serti
automatique le plus plat du monde
(3 mm d’épaisseur) serti de diamants
et de cabochons de saphir noir.
Calibre automatique 1200D. Réserve
de marche: env. 44 heures. Boîtier en
or gris de 6, 10 mm d’épaisseur.
Lunette, couronne, cornes et fond
saphir sertis.
J12 Blanche Phases de Lune 38 mm,
Chanel, en céramique high-tech
blanche et acier, cadran en opaline
finition satin, compteur en aventurine.
Mouvement mécanique à remontage
automatique, avec phases de lune
et date. Réserve de marche de
42 heures. Disponible en boutique
à partir d’octobre 2013.
Rendez-vous Perpetual Calendar,
Jaeger-LeCoultre. Mouvement
mécanique à remontage automatique. Année, mois, quantième
perpétuel, jour, phases de lune.
Réserve de marche de 43 heures.
Lunette sertie de diamants.
Boîtier en or rose.
ö Suite de la page 29
beaucoup. Cela lui permet de savoir l’heure qu’il est là où je me
trouve, afin que nous puissions
nous appeler. Elle a décidé de
prendre une pièce utile», confie
Thierry Stern.
«Le Temps Suspendu», d’Hermès.
Le modèle pour homme avait été
lancé en 2011. Le principe? Arrêter symboliquement le temps afin
d’être entièrement ancré dans le
moment présent. En actionnant
un poussoir, les aiguilles des heures et des minutes se relèvent et
indiquent un temps qui n’existe
pas. Cette année, la maison lance
un modèle féminin, mais légèrement modifié. Ce qui était au départ un impératif technique, est
devenu un plus poétique. «Elle est
un peu différente du modèle masculin, souligne Philippe Delhotal,
Directeur Création et Développement de La Montre Hermès. Ce
dernier avait une date rétrograde
qui se cachait quand on suspendait le temps, or en réduisant le
module, on a dû faire disparaître
ce mécanisme. Pour le modèle
homme, on avait utilisé un mouvement de base ETA 2892 avec un
mécanisme additionnel de JeanMarc Wiederrecht. Pour la femme,
on a choisi un mouvement Vaucher qui a une particularité: il possède une petite seconde. Avec
cette idée de temps que l’on suspend, une aiguille indiquant les
secondes, cela n’aurait eu aucun
sens. On l’a donc transformée en
témoin de marche. Quand on suspend le temps, le mouvement, lui,
ne s’arrête pas. La petite aiguille le
rappelle en tournant à l’envers et
trois fois plus vite. Le chiffre 24 ne
se réfère à rien d’autre qu’au 24,
rue du Faubourg Saint-Honoré
(ndlr: l’adresse parisienne de la
marque). Elle a un côté plus fou
que le modèle pour l’homme.» Les
possesseurs de la montre originale pourront toujours suspendre
le temps des regrets…
si ce n’était pas le but. Il est difficile
de segmenter le marché quand il
est question de mouvements d’exception. La marque Parmigiani
était une marque essentiellement
masculine, jusqu’à ce qu’en 2006,
elle lance une vraie collection féminine. «Aujourd’hui nous faisons
30% de notre volume avec les montres dame, explique Catia Hofmann, vice-présidente marketing
et communication de Parmigiani.
Nous avons serti la lunette de la
Tonda 39 mm. avec des diamants
très fins. Nous l’avons développée
dans l’idée d’avoir une pièce plus
féminine, tout en sachant que des
hommes pourraient la porter. Elle
plaît aux hommes»
Idem pour le squelette Altiplano de Piaget, doté d’un mouvement automatique. «Nous avons
lancé un squelette entièrement
serti pour les clientes amoureuses
de la mécanique. Ainsi qu’une Altiplano sertie. Franchement, je pourrais m’imaginer la porter à une soirée. En revanche, je ne porterais pas
la squelette sertie», souligne Philippe Léopold Metzger, PDG de Piaget. Lui, peut-être pas, mais on ne
voit pas ce qui empêcherait
d’autres hommes de succomber.
doute parce que l’astre de la nuit a
toujours été associé à la féminité,
même si le cycle de la lune et celui
des femmes diffèrent à un jour et
demi près, ce qui, scientifiquement parlant, est une énorme différence. Cette soit disant correspondance entre les deux est donc
plus symbolique qu’autre chose.
Et le chronographe, en quoi est-il
utile? Pour calculer le temps de
cuisson des œufs à la coque?
Quant au tourbillon, il sert surtout à mettre en avant son pouvoir
et sa capacité financière. On sent
que là encore, dans la compréhension des véritables besoins des
femmes, certains schémas de pensée perdurent.
De quoi a-t-on vraiment besoin? Comme les hommes, de
connaître la date avec exactitude,
donc d’un quantième annuel, ou
d’un quantième perpétuel. De
pouvoir voyager sans avoir à modifier constamment l’heure de sa
montre, donc d’une montre à
double fuseau horaire. «Mon
épouse porte l’heure universelle,
non pas parce qu’elle voyage, mais
parce que moi je me déplace
De la poésie dans les rouages
Mais la femme a aussi besoin
qu’on la fasse rêver. Le terme de
complication poétique est apparu
en 2005. Inventé par Van Cleef &
Arpels, il s’appliquait au quantième des saisons, qui faisait un
tour en un an grâce à un mouvement développé par le concepteur
horloger Jean-Marc Wiederrecht.
Depuis, chaque année, le joaillier
parisien présente dans ses salons
du SIHH une collection de montres qui prêtent à rêver, avant de
donner l’heure. Cette année, outre
le thème des papillons cher à la
marque, et quelques envols de
cerfs-volants, on pouvait découvrir les deux pans de la robe d’une
fée s’ouvrir comme des ailes pour
donner l’heure et les minutes à la
demande, telles deux aiguilles rétrogrades.
La poésie se niche dans les détails, et confine parfois à une philosophie de vie. Ainsi la montre
Les hommes en sont jaloux
Par un curieux effet de balancier, il arrive qu’une idée développée pour la femme, se retrouve
chez l’homme. «Notre guillocheur
a créé un motif pour des montres
féminines que l’on va utiliser sur
un modèle a priori masculin de 38
mm», confie Christian Selmoni.
Il y a quelque chose de flatteur
dans le fait qu’un modèle ait été
conçu uniquement pour plaire à
une femme. Mais un beau mouvement, dans un beau boîtier, n’attire pas qu’une clientèle féminine.
«Quelques clients, plutôt asiatiques, ont acheté le chronographe
dame», confie Thierry Stern, même
Entretien avec Marc A. Hayek, président et CEO de Blancpain
«Nousavonsreconstruitunmouvementpourlesfemmes»
Le Temps: Les montres féminines
ont longtemps été un écueil pour
les manufactures réputées pour
leurs garde-temps masculins.
Comment l’avez-vous contourné?
Marc A. Hayek: Cela reste difficile.
La femme correspond à 20% de
nos ventes chez Blancpain. Il y a
une vraie demande pour les
montres mécaniques. Nous essayons de concevoir nos
complications différemment,
comme le chrono avec l’heure
décentrée et la phase de lune,
mais cela prend du temps. Et c’est
difficile. Nous avons aussi rendu
le cadran plus féminin, on l’espère, moins rigide, moins géométrique que l’on a l’habitude.
Les femmes portent très volontiers
des montres pour homme,
notamment quand ce sont
des complications. Est-ce que
l’on ne va pas trop loin pour
essayer de les séduire?
Je crois qu’il faut pouvoir leur
offrir le choix. Chez Breguet, par
exemple, la Reine de Naples concentre en elle toute l’expression
de la féminité de la marque. Or,
elle ne représente pas 90% des
ventes des modèles féminins! Les
montres beaucoup plus sportives,
plus proches des modèles masculins, sont fortement demandées
ALAIN GROSCLAUDE
30
Marc A. Hayek.
par les dames. Ce n’est d’ailleurs
pas forcément à une cliente différente que l’on vend une montre
très joaillière et une autre plus
masculine. Ces différents modèles
correspondent à différents moments dans la vie d’une femme.
La femme a des goûts versatiles…
Dans l’idéal, j’aimerais accompagner une cliente dans toutes les
situations, qu’elle trouve chez
nous une montre correspondant
à toutes ses émotions, (rire).
D’ailleurs, nous allons lancer à
Bâle un modèle Fifty Fathom
pour dame (photo p. 29). Elle n’a
pas de diamant, pas de nacre,
c’est juste une petite montre de
sport, proche du modèle
homme. Mais ce n’est pas un
bijou. Elle a un petit côté masculin, mais on doit voir qu’elle est
destinée aux femmes. Elle est
plus petite, elle fait 38 mm.
Quant au mouvement, c’est le
même que l’on utilise aussi sur
des modèles hommes. On l’a
créée en pensant à la montre
dont une femme a besoin quand
elle fait du sport.
Est-ce que Blancpain va lancer une
ligne de bijoux comme l’a fait
Breguet?
Si un jour on découvre notre face
féminine, peut-être… Mais ce
n’est pas la stratégie actuelle. Je
le vois avec Breguet, c’est un tout
autre métier. Et il n’est pas facile.
Quelles sont les complications
chez vous qui ont la préférence des
femmes?
La phase de lune. C’est une
complication moins technique,
plus romantique. Elle a toujours
été la plus demandée.
Qui achète? Il existe un plafond de
prix qu’une femme – je ne parle pas
des collectionneuses – est moins
encline à dépasser qu’un homme.
Qui achète vraiment, c’est difficile à dire. Mais qui décide vraiment, c’est la femme, sans aucun
doute. En tout cas chez nous. On
voit de plus en plus de femmes
qui s’offrent leur garde-temps
mécanique. Par ailleurs, lorsqu’un homme veut faire un
cadeau à une femme, Blancpain
n’est pas un choix évident: il
choisira plus facilement une
marque réputée pour ses produits féminins, ou bien une
maison dont la femme possède
déjà des bijoux, afin d’être sûr
que cela lui plaise. Beaucoup de
clientes sont amenées chez nous
par leur mari. Nous ne sommes
pas extrêmement forts en communication féminine, je dois
l’admettre.
Est-ce qu’il y a un profil de l’acheteuse des montres Blancpain?
Là encore, c’est difficile à dire.
Cela varie selon les cultures, les
pays. Si je compare les deux
marques, la Reine de Naple de
Breguet a beaucoup de succès en
Russie, mais ce sont les hommes
qui l’achètent. Comme la plupart
des montres bijoux, d’ailleurs.
Les collections féminines de
Blancpain, en revanche, n’y connaissent pas ce succès, justement
parce qu’il y a moins de femmes
qui s’offrent leurs montres ellesmêmes. En revanche, en Europe
et en Chine, c’est tout le
contraire.
Pour en revenir au visage de la
montre, votre dernier chrono
porte un cadran de nacre, avec des
diamants de la lunette. Faut-il en
passer par là pour faire une montre
pour femme?
Non, pas forcément. Mais le
cadran de nacre, à mes yeux, a
une beauté exceptionnelle. On
en a fait aussi pour des hommes
et c’est magnifique, même si je
ne les porterais pas. Mais nous ne
nous sommes pas contentés de
jouer avec les matières. Cela ne
suffit pas de réduire un mouvement et de le mettre dans une
boîte plus petite. Nous l’avons
reconstruit spécialement pour
les femmes. Nous l’avions déjà
fait avec la phase de lune avec
heure décentrée l’an passé. Cela
nous permet de déplacer les
compteurs, de donner une esthétique différente à la montre.
Nous voulions surtout nous
éloigner des modèles homme.
Même si cela prend du temps: il
faut compter quand même un an
et demi de travail pour changer
une heure décentrée!
Propos recueillis par I. Ce.
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signée Gübelin.
Chez Gübelin, la connaissance des
pierres fines repose sur une longue
tradition familiale. Aujourd’hui,
nos expertises scientifiques et nos
estimations de gemmes sont reconnues
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C’est ainsi qu’une passion se
transmet de génération en génération.
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Denis Hayoun
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Mouvement automatique.
Réserve de marche de 40 heures.
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PORTFOLIO
Page précédente: Mille Miglia 2013, Chopard. Chronographe
mécanique à remontage automatique certifié Chronomètre
COSC. Réserve de marche de 46 heures. 28 800 alternances par
heure. Cadran 3 compteurs à 12h, 6h, 9h. Petite seconde à 9h.
Affichage du deuxième fuseau horaire au centre. Quantième à
guichet à 3h. Tachymètre. Etanche à 100 m. Boîtier en or rose.
Edition limitée à 250 pièces.
Ci-dessus: Bugatti Super Sport, Parmigiani Fleurier. Calibre PF
372 à remontage manuel conçu en cascade, sur deux plans.
21600 alternances par heure. Réserve de marche de 10 jours.
Balancier visible, pont circulaire de réserve de marche gradué
sur 10 jours et placé au centre. Six glaces saphir montrent les
333 composants. Décoration «Côtes de Genève», platines
perlées, sablées et anglées à la main. Etanche à 10 m. Cadran
opalin noir avec base or en hommage à la Bugatti Veyron 16.4.
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PORTFOLIO
Seamaster Bullhead Co-Axial Chronograph, Omega. Calibre
exclusif Omega 3113, mouvement chronographe à remontage
automatique, certifié Chronomètre. Réserve de marche de
52 heures. 28800 alternances par heure. Echappement
Co-Axial sur 3 niveaux. Petite seconde à 6 h, guichet
de date à 3 h et 30 mn centrales à 12 h. Cadran «Sport-Chic»
avec motif inversé «Clous de Paris». Boîtier en acier inoxydable.
Etanche à 150 m.
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Horlogerie
PORTFOLIO
Modèle R10 de la collection L-evolution, Blancpain.
Mouvement 6950, Grande Date double guichet, spiral
en silicium. Boîte en acier brossé, cadran en fibre de carbone,
fond saphir.
37
38
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
PORTFOLIO
Carrera Carbon Calibre 1887 Concept Chronograph,
TAG Heuer. Mouvement de manufacture Calibre 1887.
Chronographe automatique. Compteur des heures à 3 h.
Compteur des secondes à 6 h. Compteur des minutes à 9 h.
Guichet de la date à 6 h.
Eléments en composite de carbone typiques de la Formule 1
et de l’aéronautique. Boîtier en carbure de titane poli satiné
à la main, cage en acier satiné et sablé, tachymètre et pulsomètre sur le cadran. Boîtier, fond et lunette en fibre de carbone
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40
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
TIM CHONG/REUTERS
Formule 1 Ferrari. Hublot est sponsor et chronométreur de l’écurie.
MOTEURS
PolePosition
L
Sensibiliser un nouveau
public
PHOTOS: DR
ors d’une course automobile, le nombre de
concurrents sur la piste
augmente l’attractivité de
la compétition auprès du
public, car il multiplie les
confrontations possibles et accentue le suspense. En horlogerie,
c’est un peu pareil. Si une marque
de référence réussit à focaliser
l’attention des médias spécialisés
sur une activité sportive, il y a
toutes les chances que les sociétés
déjà présentes dans cet univers
profitent de retombées plus
importantes. Depuis quelques
années, ces médias spécialisés
dans le secteur horloger boudent
un peu la Formule 1™, discipline
reine des sports automobiles.
Mais l’annonce, connue le 5 décembre 2012, de l’arrivée en 2013
et pour plusieurs années de la
manufacture Rolex comme l’un
des principaux partenaires de la
Formule 1 ™ en tant que Chronométreur officiel et Montre officielle devrait changer le regard
des professionnels et passionnés
d’horlogerie sur ce sport.
Hublot Big Bang Ferrari «Carbon Red
Magic», modèle de 45,5 mm
avec boîtier en fibre de carbone
édité à 1000 exemplaires.
Chopard Mille Miglia 2013: un
chrono attendu sur son bracelet au
profil de pneu Dunlop des années 60.
La relation
qu’entretiennent
les horlogers avec
l’automobile est née
d’une passion pour
la belle mécanique.
Rolex Oyster Perpetual Cosmograph
Daytona avec gravure
spécifique pour les vainqueurs des 24 Heures de
Daytona. Un chrono de référence
puisque le modèle fête ses 50 ans.
ROLEX/TOM O’NEAL
Les marques horlogères, toujours en course pour
conquérir un nouveau public, sont nombreuses
à capitaliser sur l’univers automobile, tous secteurs
confondus, parce qu’il véhicule des valeurs fortes
et universelles. L’occasion, pour ces compétitrices
dont on connaît les partenariats, de se mesurer sur fond
de performances, de chrono, de mécaniques élaborées
et de belles carrosseries. Par Vincent Daveau
BRM CNT-44-Gulf: l’acronyme du
Français Bernard Richards Manufacture. Une montre bien lubrifiée Gulf
avec container d’huile.
La démarche n’est pas innocente,
car ce sport mondialement rediffusé touche un énorme public. Et,
même s’il est annoncé en baisse
avec un chiffre officieux d’un
demi-milliard de téléspectateurs
en 2012, soit une perte d’une
quinzaine de millions par rapport à 2011 (essentiellement chinois), ce volume d’audience demeure colossal. Cela n’a pas
échappé à la sagacité des entreprises qui, dans des périodes où
la concurrence se fait rude, ont
besoin d’une visibilité importante pour entretenir leur notoriété, mais également pour séduire les foules et ainsi espérer
élargir leur cercle de chalandise.
Rolex a donc mis la main sur les
retransmissions audiovisuelles
des 20 Grands Prix comme l’avait
fait TAG Heuer en son temps, de
1992 à 2003. Seule différence
avec les années passées: huit des
Grands Prix, contre trois en 2000,
seront courus dans des marchés
stratégiques intéressant au premier chef les horlogers, dans leur
ensemble… On l’aura compris,
être en première ligne augmente
les chances de renforcer sa position sur les marchés concernés.
Cela vaut bien quelques millions!
Alors, c’est un fait, la marque à
la couronne a perdu des chevaux
avec l’arrivée de Longines dans
les concours de la FEI (Fédération
équestre internationale), mais
elle est parvenue à renforcer
considérablement sa puissance
dans le secteur automobile, qui
ne manque pas de chevaux non
plus. Ainsi, en plus de la F1, Rolex
occupe une place privilégiée
dans l’univers des courses automobiles d’endurance… On pense
à l’engagement historique de Rolex avec les 24 Heures de Daytona
(USA), mais également à la reconduite de sa présence aux 24 Heures du Mans en tant que «Montre
officielle» pour les prochaines
années. On comprendra d’autant
mieux ce positionnement que
cette année 2013 est l’occasion de
célébrer le cinquantenaire du célèbre Chronographe Cosmograph Daytona dont la production a débuté en 1963.
Grille de départ
On connaît la marque de montres en «pole position» dans la
course à la visibilité horlogère
dans l’univers automobile! Mais
quelle maison occuperait potentiellement la deuxième position
sur une grille de départ de Grand
Prix? Difficile de départager TAG
Heuer et IWC.
Dans l’absolu, les accords passés par TAG Heuer avec McLaren,
mais aussi avec l’Automobile
Club de Monaco lui permettant
d’avoir une présence privilégiée
au Grand Prix de Monaco, donnent un certain avantage à cette
maison sur IWC dont la carte
principale demeure son accord
de partenariat avec l’écurie Mercedes AMG-Petronas. Rapportée
à l’échelle purement horlogère,
cette compétition entre le trio de
tête constitué de Rolex, TAG
Heuer et IWC prend un drôle de
tour. En effet, le fameux chrono
Daytona de Rolex partagera la
tête d’affiche avec le chronographe Carrera de TAG Heuer car ces
deux références fêtent, en 2013,
leurs 50 ans de bons et loyaux
services… Mais attention, il faut
compter d’autres protagonistes
dans cette fantastique course médiatique. Si les trois ténors sont
bien cernés, d’autres maisons
horlogères affichent également
leurs prétentions au titre. Ainsi,
Hublot, ancien tenant du titre de
Montre officielle de la F1, est partenaire de Ferrari depuis 2011
partout dans le monde et affichera sa présence comme chronométreur de la Scuderia Ferrari
et à bord des monoplaces rouges,
à grand renfort de logos sur les
meilleurs emplacements. La
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
ROLEX/TOM O’NEAL
Les 24 Heures de Daytona en Floride, de nuit.
maison Oris, entreprise horlogère indépendante basée à Hölstein en Suisse alémanique reste
également, plus que jamais, dans
la course et a reconduit, pour la
11e année pleine, son contrat qui
la lie au Team Williams. Assurément, cette entreprise devrait
pouvoir profiter au mieux de
cette implication.
suppose que la pièce présentée,
tout en restant classique, intègre
différents éléments en matière
«high-tech» comme du Cerachrom, par exemple. Dans le
même esprit, nul indice ne permet de savoir comment seront les
montres Oris dédiées à l’univers
de la F1, mais il est possible de
conjecturer que le titane, le carbone et le caoutchouc seront de
la partie.
Des montres à forte
personnalité
Richard Mille RM 011 Spa Classic:
boîtier en titane calibre chronographe
flyback, compte à rebours, bracelet
caoutchouc.
IWC Ingenieur Automatic Carbon
Performance: boîtier en fibre de
carbone, calibre automatique.
Oris, chronographe Calobra: boîtier
en acier de 44 mm, calibre automatique 774, base Sellita. Edition limitée
à 1000 exemplaires.
Cette année, La Formule 1™ sera
hyper-représentée
dans
le
monde horloger en raison de la
présence nouvelle de Rolex. On
peut soupçonner que cette participation va mettre de l’huile dans
les rouages et contribuer à
concentrer l’attention du public
sur quelques grandes courses,
autres que la F1tm que les médias
avaient un peu délaissées.
Cette année, avec l’anniversaire du célèbre Oyster Perpetual
Cosmograph Daytona et l’implication de Rolex en F1, l’intérêt des
journalistes européens pour les
Rolex 24 at Daytona a été largement supérieur à la moyenne habituelle. Cela n’a évidemment pas
chamboulé la vie des consommateurs, mais a contribué à mettre
l’accent sur la durée record de ce
partenariat entre un circuit et
une manufacture. 51 ans…
Autre
circuit
magique:
Le Mans… Et une course mythique: les 24 heures du même nom.
Et, là encore, Rolex. On soupçonne qu’elle y prend du plaisir,
car la marque à la couronne vient
de signer un nouveau contrat
comme Montre officielle pour
cette compétition mythique. Elle
ne sera pas la seule maison d’horlogerie présente durant cette
épreuve reine. Mais elle demeure
toujours égale à elle-même et ne
se mélange jamais au groupe des
enseignes prêtes à en découdre
sur le terrain. Elle laissera ce plaisir à TAG Heuer qui, elle aussi,
fête cette année les 50 ans de l’un
de ses modèles phares: le chronographe Carrera. Présente aux côtés d’Audi depuis 2009, la maison
TAG Heuer sera, cette année encore, associée à cette firme qui
brigue un énième podium en Endurance. Mais elle n’est pas seule,
car la marque Rebellion, présente
en American Le Mans Series
(ALMS) et en World Endurance
Championship (WEC), sera également là avec une Lola sur la
piste et au poignet des pilotes
avec des créations horlogères
dont les matériaux et le design
sont inspirés du monde de l’automobile…
L’univers du Grand Tourisme
Parmigiani Fleurier Bugatti Super
Sport édition spéciale de 30 pièces en
or rose 18 carats bracelet alligator
Hermès.
On pourrait imaginer la présence
de Jaeger-LeCoultre sur le circuit
sarthois (Le Mans) car il se dit,
dans les paddocks, que la marque
horlogère du Sentier et le constructeur anglais Aston Martin envisagent des partenariats croisés
pour les anniversaires des deux
avec le constructeur britannique
Bentley en présentant le chrono
Breitling for Bentley Light Body
Midnight Carbon, une référence
puissante et racée, tout à fait dans
la veine des GT les plus tendances
parées de carrosseries noir mat.
Mais à ce jeu, Parmigiani Fleurier
n’est pas la dernière à s’inspirer
des créations automobiles de son
partenaire: le célèbre constructeur Bugatti. L’association est
réussie, la dernière Parmigiani
Fleurier Bugatti Super Sport Rose
Gold en est la plus belle expression.
Le passé qui inspire
La relation qu’entretiennent les
horlogers avec l’automobile est
née d’une passion pour la belle
mécanique. Et celle-ci s’incarne
plus particulièrement dans l’univers des voitures de collection.
Délicates, souvent faites à la main
et à l’unité, elles partagent avec
les montres mécaniques de demander de l’attention et de la méticulosité pour leur entretien
comme au premier jour. La maison familiale Chopard, codirigée
par Caroline et Karl-Friedrich
Scheufele, a parfaitement analysé
ce qui liait les uns aux autres et
s’implique comme partenaire
dans la course des Mille Miglia
depuis 1988. Difficile de faire
mieux en termes d’antériorité.
Cette année, comme d’habitude,
ce rallye ralliant Brescia à Rome
et retour donnera lieu à la présentation d’une nouvelle référence spécialement créée pour
l’événement. Apprécié des amateurs, le modèle de cette année
reprend les éléments qui ont fait
son succès et multiplie les allusions à l’univers de la collection.
Ainsi, les poussoirs de chrono ne
sont pas sans rappeler les boutons des tableaux de bord des
voitures de sport d’antan, les
compteurs de chrono s’inspirent
MALCOLM GRIFFITHS/WWW.MGPHOTO.UK.COM
L’endurance dans la peau
PHOTOS: DR
Mais, pour un horloger, pareille
visibilité doit être suivie d’effet et
donner naissance à un produit
dans l’esprit de la Formule 1. On
sait, à date, quelle sera la montre
proposée par Hublot. Il s’agit
d’une Big Bang Ferrrari «Carbon
Red Magic». Ce garde-temps est le
porte-étendard de l’engagement
de la marque dans l’univers automobile, mais il est également
l’emblème de l’entreprise vers la
verticalisation. En effet, la boîte
en fibre de carbone et le calibre
Chronographe
Unico
sont
conçus, développés et produits
dans les murs de la manufacture
Hublot. On notera que ce chronographe, bien dans la tendance du
moment, est habillé d’une boîte
usinée en fibre de carbone. Tendance oui, car TAG Heuer présente également avec le Carrera
CMC Concept un chronographe
avant-gardiste au boîtier en fibre
de carbone et piloté par un calibre automatique 1887. Et, parce
qu’une bonne idée est souvent
partagée, la montre Ingenieur
Automatic Carbon Performance
d’IWC a retenu le même genre de
livrée pour faire plus Formule 1™.
Petit détail qu’apprécieront les
connaisseurs sur cette pièce: le
traitement de la masse oscillante
avec ses pistons et ses bielles gravées… Certains puristes s’étonnent de l’importance accordée à
la fibre de carbone dans le secteur horloger haut de gamme dès
qu’il s’agit d’évoquer l’univers de
la Formule 1™ et plus largement
de l’automobile… Mais le phénomène n’est pas nouveau. Cette
matière habillait déjà les cadrans
des garde-temps associés à l’univers des voitures, il y a de cela dix
ans. Avec les progrès de la technologie et des savoir-faire, la généralisation des boîtiers composites tombe presque sous le
sens… A savoir maintenant si
cette matière, comme le titane ou
la céramique, aura la chance
d’être anoblie par les consommateurs… Cela reste à voir. Pour les
autres, concurrents de cette
course à l’image dans l’univers
mécanique à forte valeur ajoutée,
certaines marques présentes
dans l’univers de la Formule 1™
comme Oris ou Rolex, n’ont pas
encore dévoilé leur jeu. On se
doute que Rolex va présenter un
nouveau chronographe Daytona,
mais personne ne sait comment il
sera. Toutefois, en raison de
l’orientation générale du marché
et des désirs du public que la
marque sait très bien analyser, on
maisons: les 180 ans de l’horloger
et le centenaire du constructeur
britannique. Bien entendu, une
bonne idée ne venant jamais
seule, TAG Heuer, à l’occasion du
cinquantenaire du chrono Carrera, s’est rapprochée de l’univers
des GT en s’associant, lors du Salon de l’automobile de Genève,
au pôle McLaren Automotive, car
le constructeur fête également
ses 50 ans d’existence. Les fanatiques de montres peuvent sans
aucun doute se réjouir. Il y a fort à
parier que ces relationnels très
particuliers donnent naissance à
des montres dédiées, du meilleur
cru. Des pièces qui, à l’instar du
chronographe Blancpain 8886F
Supertrofeo Flyback, sont nées de
la compétition et de l’investissement de Blancpain au sein du
Lamborghini Super Trofeo. Un
univers qui semble plaire à la
marque horlogère puisqu’elle est
également «sponsor titre» pour
les Blancpain Endurance Series et
la Montre officielle des ADAC GT
Master,
un
championnat
automobile Pro-Am, pour ceux
qui l’ignoraient. Evidemment,
d’autres entreprises – et elles sont
nombreuses – occupent le segment. Parmi celles qui proposent
des produits inspirés de cet univers des GT, on citera Graham.
Cette maison, présente en Swiss
Porsche Cup, propose des produits dédiés, dont les bracelets
s’inspirent, comme pour la Silverstone Stowe 44, de profils de
pneus de GT. On pense également
à la marque française BRM qui
entretient un important relationnel avec des sociétés gravitant
autour de l’univers automobile
dont les sociétés Gulf (lubrifiants) et Renault, à travers les
WSR. On sait également la manufacture Breitling impliquée dans
le secteur avec la collection Breitling for Bentley. Cette année, la
marque souligne son association
La Lamborghini Gallardo aux couleurs de Blancpain lors du Blancpain Super Trofeo.
41
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
DR/GPMH
42
La manufacture Chopard est le Chronométreur officiel et sponsor du Grand Prix de Monaco Historique: une rencontre au sommet dans un univers de belles mécaniques.
Machines à voyager
dans le temps
Graham Chronographe Silverstone
Stowe 44: boîtier en acier de 44 mm,
calibre automatique G1702 bracelet
en gomme au profil de pneu de GT.
Tendance rétro-futuriste
En raison des commémorations
et autres anniversaires, on aurait
pu imaginer une opération entre
Richard Mille et le circuit du
Mans, dans la Sarthe, puisque ce
dernier fête ses 90 ans. En fait, le
calendrier ne permet pas au principal sponsor du Mans Classic de
célébrer l’événement, mais qu’à
cela ne tienne. Richard Mille, collectionneur de voitures de course
de collection sera, cette année,
plus que jamais présent dans
l’univers automobile vintage. Celui qui a su transcender la mécanique horlogère inspirée de l’univers automobile sera, cette année
encore, le partenaire principal du
Grand Prix Historique de Pau qui
aura lieu du 10 au 12 mai. Il sera
également partenaire principal
du Grand Prix de Pau Moderne
(18-20 mai) et, pour la première
fois, de celui de Spa Classic, en
Belgique, qui aura lieu du 24 au
26 mai. A l’occasion de cette compétition qui se déroulera sur cette
piste vallonnée très réputée pour
son tracé sinueux, ce fanatique de
mécanique, toujours prêt à en découdre au volant de l’une de ses
propres voitures quand il en a la
possibilité, dévoilera la RM011
Spa Classic, une édition limitée à
50 pièces de son chronographe
automatique
Flyback
avec
compte à rebours, quantième annuel et rotor à géométrie variable. Evidemment, cette pièce portera les couleurs de l’épreuve.
Breitling for Bentley Light Body
Midnight Carbon: un chrono viril
et puissant édité à 1000 exemplaires
avec bracelet au motif inspiré
des calandres de voitures.
Blancpain Chronographe L-evolution
Flyback à Rattrapante: boîtier en
carbone et matériaux de pointe.
Grande Date bracelet Alcantara
et fibre de carbone.
Cette année, Audemars Piguet
sera présent dans le secteur automobile en tant que sponsor du
rallye Gstaad Classic Audemars
Piguet qui aura lieu du 25 au
28 septembre 2013. Elle abandonne en revanche le Tour Auto,
rallye qui aura lieu durant
Baselworld et c’est presque dommage car le retour médiatique de
l’opération se confondra dans le
milieu horloger avec la présentation de toutes les nouveautés découvertes durant ce salon proposant un nouveau visage. Pour la
première fois, Hublot sera le partenaire horloger de cette course
organisée par Peter Auto et devenue au fil des ans une vraie référence en Europe. L’occasion pour
les équipages et le public nombreux de découvrir des voitures
dans un état exceptionnel et une
marque de montres dont l’inspiration automobile est nettement
plus orientée vers le présent.
Il semblerait que pareil investissement vaille la peine d’être fait
puisque des maisons plus accessibles – en termes de prix public –
s’impliquent dans le secteur.
Ainsi, en début d’année, la maison
Tissot était le partenaire des
Alpine-Renault pour le Rallye Historique de Monte-Carlo qui se déroulait du 25 janvier au 1er février
2013. Moment privilégié pour
mettre sur le devant de la scène la
montre Heritage PR516, une pièce
inspirée d’un modèle historique
datant de la fin des années 60, soit
la période où les «Alpines»
brillaient en rallyes. Mais il y a bien
d’autres protagonistes de ces rencontres qui fonctionnent comme
autant de machines à remonter le
temps. Ainsi, Oris a été partenaire
à la mi-mars (14 au 16 mars) du
«Rally Clasico Isla Mallorca». Ce
rendez-vous des passionnés de
voitures de sport anciennes, parrainé par Oris et rebaptisé pour
l’occasion «Oris Rally Clasico Isla
Mallorca», a été le prétexte pour la
marque de Hölstein de proposer
le chronographe Oris Calobra en
édition limitée à 1000 exemplaires: une belle référence virile et
rétro-futuriste utile en course et
portant, au dos, une gravure rappelant cet événement.
TAG Heuer Carrera CMC Concept
Chronographe: boîtier en composite
à matrice carbone 19 g et calibre
chrono 1887.
DR
PHOTOS: DR
de ceux des tachymètres des voitures de sport du passé. Mais c’est
indéniablement le bracelet reprenant le profil d’un pneu Dunlop des années 60 qui constitue le
fil conducteur de ces montres
qui, au cours des années, forment
une collection cohérente qui sert
de signe de ralliement entre amateurs. Ce n’est pas la seule car,
aujourd’hui, la ligne Superfast incarnant les valeurs du Grand Prix
de Monaco Historique, dont Chopard est également le sponsor et
Chronométreur officiel, possède,
en plus de disposer d’un calibre
de manufacture, de codes forts et
distinctifs à même de permettre
aux passionnés d’automobiles de
se reconnaître entre eux.
Tissot était déjà engagée dans l’univers «vintage» en 1966, date de la photo où l’on voit
la Visodate PR516. La pièce est rééditée cette année à l’identique.
Pour chaque semaine de l’année.
La Patravi Calendar est la première montre de boîtier rond à être dotée du mouvement
de manufacture de Carl F. Bucherer. Le module fonctionnel CFB A1004, la masse oscillante
périphérique, le mécanisme de grande date, ainsi que l’affichage hebdomadaire le confirment:
la Patravi Calendar représente l’instrument parfait pour mesurer le temps, aux yeux des
esthètes aussi bien que des amoureux de la technique.
www.carl-f-bucherer.com
BUCHERER boutiques Bâle, Freie Strasse 40, T 061 261 40 00, Berne, Marktgasse 2, T 031 328 90 90, Davos, Promenade 69, T 081 410 00 50, Genève, 45, Rue du Rhône, T 022 319 62 66, 22, Rue du Mont-Blanc, T 022 732 72 16, Interlaken,
Höheweg 43, T 033 826 02 02, Lausanne, Rue de Bourg, T 021 312 36 12, Locarno, Piazza Grande, T 091 751 86 48, Lugano, Via Nassa 56, T 091 923 14 24, Lucerne, Schwanenplatz 5, T 041 369 77 00, Saint-Gall, Multergasse 15, T 071 222 02 22,
St. Moritz, Via Maistra 17, T 081 833 31 03, Zermatt, Bahnhofstrasse 6, T 027 967 53 53, Zurich, Bahnhofstrasse 50, T 044 211 26 35, Zurich aéroport, Airside Center, T 044 800 85 40, KURZ boutiques Bâle, Freie Strasse 39, T 061 269 60 60,
Lucerne, Weggisgasse 25, T 041 419 40 20, Zurich, Bahnhofstrasse 80, T 044 219 77 77 et SWISS LION boutiques Engelberg, Titlis, T 041 372 10 90, Lucerne, Löwenplatz 11, T 041 410 61 81.
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
FÉERIQUE
Reuge,
paradisdes
mélodies
artificielles
L’entreprise plus que centenaire
tend à se moderniser en conservant
intact son savoir-faire artisanal,
entre sidérurgie et métier d’art.
Maîtres du design ou de l’horlogerie
s’intéressent aujourd’hui à la boîte
à musique, objet «vintage»
par excellence, diffusant des
mélodies de velours au moyen
de cylindres de laiton.
Cage à oiseaux
chanteurs automates.
Volière de la cour,
collection 1865.
REUGE
Par Géraldine Schönenberg.
Photos: Véronique Botteron
«L
a
musique
creuse le ciel»,
écrivait Baudelaire. Sous le
plafond ouaté
qui recouvre la
route en lacets menant au Balcon
du Jura, le soleil, lui, tarde à percer.
A Sainte-Croix, la manufacture, bâtisse discrète et désuète, vestige de
l’architecture industrielle des années 20, se devine sans s’imposer.
Cet écrin prosaïque en renferme de
plus allégoriques: les boîtes à musique de luxe. Tabatière ouvragée
d’où surgit un minuscule oiseau au
ramage cristallin et au plumage
irisé, meuble en bois marqueté
dont les ouvertures s’inspirent de
l’architecture d’Azerbaïdjan, cage
de verre au design futuriste, les coffrets ont mille facettes mais leur
cœur bat au même rythme depuis
le XIXe siècle, celui de la musique
mécanique. Un son tintinnabulant,
à la fois métallique et rond, qui ramène à la quiétude des endormissements de l’enfance, au mystère et
à la féerie. Notions dénigrées ou valeurs refuges? Il semblerait que
l’objet anachronique revienne hanter l’imaginaire au XXIesiècle. Car
la boîte à musique, dont Reuge est
le seul fabricant artisanal mondial,
recommence à capter l’attention
après des décennies de désintérêt,
des designers de renom, comme les
frères Campana ou le fondateur de
la marque MB&F, Max Büsser, s’appropriant la boîte à rêves.
«Comme cadeau, une boîte à
musique est plus exceptionnelle
que n’importe quel autre objet de
luxe», affirme Kurt Kupper, CEO de
la marque. «Elle permet de laisser
un message de longue durée, tout
le monde s’en souvient. S’il est interdit de rêver aujourd’hui, les adultes
ont pourtant toujours des émotions…», ajoute-t-il en actionnant
le remontoir d’un simple galet de
bois. Une sonorité claire, lisse, enveloppante s’échappe, qui parle à
l’âme. «Une étude initiée par une
université au Japon prouve que
l’impact sur le bien-être est plus
grand si vous écoutez une mélodie
provenant d’une boîte à musique
que d’un MP3 ou d’un CD par exemple», affirme le CEO. L’impact sur le
corps serait lui aussi différent, le
son d’une musique mécanique provoquant des ondes, des vibrations
que n’émet pas une musique électronique. Il suffit de passer la main
sur la table où est posé l’écrin mélodieux pour s’en rendre compte. «La
résonance n’est pas la même selon
que le boîtier est en verre, en bois
ou en acrylique, ajoute le CEO. Si
vous posez n’importe lequel d’entre
eux sur du bois, le son a une grande
amplitude. Sur du tissu, la sonorité
est éteinte, moins riche.»
Kurt Kupper nous présente un
imposant coffret où trône un téléphone portable. L’objet a été personnalisé pour le Montreux Jazz
Festival sur une idée du défunt
Claude Nobs. «Dans ce modèle uni-
que, l’iPhone se charge par induction. Lorsque l’on reçoit un appel, le
mécanisme de la boîte à musique se
met en route et joue Smoke on the
Water, des Pink Floyd, voilà un
exemple de modernisation!» s’exclame Kurt Kupper, qui a été appelé
justement à dépoussiérer l’entreprise il y a six ans. Venant du monde
horloger, il savait que les créations
Reuge, au début des années 2000,
ne s’adressaient encore qu’aux
chefs d’Etat pour les plus belles pièces ou aux touristes fortunés qui
souhaitaient rapporter chez eux un
peu de la tradition suisse exposée
dans les vitrines des grands hôtels…
«Reuge est redevenue attractive
aujourd’hui grâce aux écrins modernes, mais les gens achètent toujours les boîtes en bois qui touchent au cœur de l’émotion»,
affirme Kurt Kupper qui a mille
idées en partenariat avec d’autres
entreprises pour démocratiser ce
savoir-faire unique au monde,
comme une machine à café, par
exemple, qui enclencherait une
mélodie en même temps que la
capsule pour se réveiller en douceur… Le CEO souhaite développer
de nombreuses collaborations
d’opportunismes mutuels: «Dans
l’horlogerie, le créneau de distribution est figé mais pas chez nous. On
peut tout inventer», dit-il. Pour séduire la riche clientèle brésilienne,
par exemple, il a imaginé insérer
dans le mécanisme du niobium,
Ci-dessus: L’habillage des oiseaux avec des plumes véritables: un métier d’art.
Ci-dessous: Les volatiles prêts à se nicher dans une tabatière ou une cage
ouvragée.
PHOTOS: VERONIQUEBOTTERON.COM
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
matériau utilisé en aéronautique et
dont le Brésil détient des mines colossales. «On voulait obtenir la mélodie grâce à ce métal. Mais c’est
impossible. On a donc essayé avec
la platine.» C’est durant Baselworld
que Reuge va proposer une pièce
unique, élaborée avec la marque
horlogère MB&F, la «MusicMachine». «Nous avons approché la
manufacture il y a un an. J’avais toujours rêvé de fabriquer une boîte à
musique à la MB&F. C’est la première idée que l’on expérimente en
dehors du champ de l’horlogerie.
Ça a été une collaboration incroyable», dit Max Büsser. Evoquant la
magie du son d’une boîte à musique, qui hypnotise un public de
tous âges. «C’est un moment de tendresse, de poésie dans un monde
qui en manque beaucoup», avouet-il. Il souligne que, depuis les années 70, il n’y a plus aucune raison
pratique de produire un mouvement mécanique, donc autant le
transformer en art, comme il le fait
avec ses sculptures fantastiques.
«Reuge a la même démarche que
nous. J’ai dessiné un objet que
j’avais envie d’avoir, un caprice d’enfant. On est dans l’univers de
La Guerre des étoiles, des navettes
spatiales. J’avais envie d’électriser
cette vénérable maison, qui est la
seule au monde à posséder ce savoir-faire haut de gamme», poursuit Max Büsser. L’architecture métallique de base semble avoir été
pensée pour une de ces machines
insensées de MB&F. «On dirait que
les cylindres sont les réacteurs de
l’engin. Une boîte à musique est très
proche de l’horlogerie: il y a un barillet que l’on remonte, un système
qui transmet l’énergie au cylindre
par des régulateurs de vitesse, qui
est le même que celui d’une Répétition Minute.»
Les prototypes alignés dans la
salle d’exposition de la manufacture de Sainte-Croix, qui n’a jamais
cessé sa production depuis sa création en 1865, évoquent des périodes révolues où la boîte à musique
faisait partie du patrimoine familial, mais aussi les temps futurs, le
mouvement mécanique haut de
gamme s’adaptant aux nouvelles
technologies et s’insérant dans des
coffrets design, donnant un nouveau ressort et une impulsion de
jeunesse à l’objet suranné. De la tabatière à oiseau chanteur en verre
et laiton au mécanisme apparent à
l’arche de verre minimaliste, du
boîtier peint d’arabesques serties
de cristaux Swarovski à la table mu-
sicale en marqueterie «tapisserie»
ou encore de la coque d’acajou en
forme de bateau recouvert d’une
voile en carbone au oud, instrument oriental joufflu, la galerie des
boîtiers et des meubles, luxueux
automates disparates, attendent qu’une main actionne
leur mécanisme pour faire retentir leurs mélodies cristallines.
Un modèle étonnant d’où se dressent des épis de blé trempés dans
un bain d’or attire l’œil. Il s’agit
d’une pièce créée en 2010 par des
étudiants de l’ECAL lors d’un
workshop autour de la nature,
initié par les frères Campana,
les épis s’activant aléatoirement en même temps que la
mélodie.
Mais de quoi sont composées les
entrailles de ces boîtes ouvragées
au clapet fermé et à l’air sage? De
tout un jeu de cames, de vis et de
ressorts autour de leurs organes vitaux, un cylindre orné de picots minuscules (les goupilles) et un clavier à lames.
Nous partons à la rencontre de
ceux qui, étape après étape, arrivent à faire chanter le métal. La manufacture résonne de cliquetis mystérieux.
Sébastien,
ouvrier
polyvalent comme la plupart des
employés, est actuellement préposé à l’atelier des claviers où de
petites plaques de métal subissent
plusieurs opérations destinées à les
métamorphoser en une sorte de
peigne: fendage, ébauchage, puis
effilage des lames. Une fraiseuse
tourne dans un bain d’huile, découpant le métal. «La machine a trente
ans, elle a été développée par des
mécaniciens à l’interne», explique
l’artisan. Les claviers sont ensuite
introduits, par Philippe cette fois,
dans un four durant sept minutes
pour atteindre une température de
800 degrés avant d’être plongés
dans un bain d’huile, un procédé
métallurgique qui donne une dureté à l’acier, permettant d’obtenir
un son parfait. Le four (appelé
«trempe») date de la construction
de la manufacture en 1920, sa carcasse est encrassée et culottée
comme une vieille cafetière.
L’atelier suivant est le royaume
d’un magicien aux doigts d’une
souplesse surnaturelle, Didier, qui y
trône depuis trente ans. Il est
chargé du polissage latéral de chaque clavier à l’aide d’une meule
avant d’enlever la calamine, la couche d’oxyde de fer qui macule le
métal suite à la trempe. Le clavier
est indissociable d’une masse de
DR
La MusicMachine, une collaboration exclusive entre Reuge
et MB&F. Un vaisseau spatial à la coque en noyer laqué,
composé de deux mouvements musicaux indépendants.
Chacun comprend une hélice de remontage, un barillet
à ressort en forme de piston sous l’hélice et le cœur
du mécanisme: un cylindre à picots associé à un clavier
à lamelles.
plomb qui lui donne son poids. Celui-ci est coulé et forgé sur place
puis la masse est pré-sciée de façon
à ce que chaque lame ait sa masse
indépendante. C’est à ce moment-là que l’on obtient les premiers sons. «Le pré-meulage du clavier se fait grâce à un diapason. J’ai
été embauché parce que j’avais
l’oreille musicale», souligne Didier
qui, dans le privé, joue du synthétiseur. Leonardo, quant à lui, accorde
les claviers à l’aide d’un système informatisé mis au point par Reuge
en 1991, une meule retirant automatiquement la matière excédante
jusqu’à ce que la lame joue la note
juste. On retrouve Sébastien, qui
L’AVENIR DE REUGE
SEMBLE EMPRUNTER
DE NOUVELLES VOIES
PROMETTEUSES
paraît avoir le don d’ubiquité, dans
l’atelier suivant. Il contrôle, à l’aide
d’un stroboscope (écran avec imagerie lumineuse), les claviers qui
viennent de passer à l’accordage, de
manière à stabiliser les notes. On
peut encore, à ce niveau-là, affiner
les lames grâce à la meule. Le clavier
prêt, des plumes (sorte de petits
tampons) sont ensuite collées sous
les plombs pour amortir les vibrations des sons.
Le clavier est indissociable du cylindre dont les goupilles incrustées,
de façon à composer une ou plusieurs mélodies, vont faire jouer les
lames comme les touches d’un
piano. Nous voici dans l’atelier
des rouleaux où s’opère le piquage qui consiste à distribuer mécaniquement les trous sur le cylindre. Suit l’étape du goupillage: des
mini-fils d’acier de 0, 26 mm de diamètre sont insérés dans les trous,
toujours mécaniquement. C’est Patrice, cette fois, qui contrôle avec
une loupe que les goupilles soient
placées correctement ou qu’il n’en
manque pas. «Il y a trente ans, on
insérait les goupilles une par une à
la main!» s’exclame-t-il. Une fois les
picots fixés, il faut maintenant les
stabiliser définitivement grâce à un
ciment spécial, dont la recette est
tenue secrète: un alliage de pierres
fondues et d’autres composants.
Cette résine va tapisser l’intérieur
du cylindre de façon à maintenir
parfaitement les goupilles. C’est
l’étape du gommage.
A l’atelier du fixage, délicate
opération consistant à arrimer le
clavier en face des goupilles, on fait
aussi du service après-vente. Alain
répare une boîte des années 50
dont les plumes étaient usées et les
cylindres oxydés (une boîte peut
contenir plusieurs cylindres interchangeables pour obtenir autant
de mélodies). «Il arrive qu’une
lame se casse, l’acier durci étant
fragilisé par la trempe. Un cheveu
peut aussi freiner le mécanisme»,
énonce l’artisan. Il est conseillé au
client de faire jouer sa boîte au
moins une fois par mois pour qu’il
y ait toujours de l’huile dans les
rouages.
Si les boîtiers
sont fabriqués à l’extérieur (les pièces marquetées, par exemple, viennent
d’Italie du Nord), c’est à l’emboîtage que l’on découvre les métiers
d’art de la manufacture. Bertrand est
chargédeconfectionner,pourlestabatières et les cages à oiseaux chanteurs, les soufflets en peau de chèvre,
assouplie, talquée, de boucher les
trous, de coller et d’ajuster pistons,
soupapes, clapets qui produiront le
chant de ces minuscules volatiles
chamarrés qui stridulent à la commande en ouvrant le bec. Leur plumage est l’œuvre de Mejrema, artisane aux doigts d’or armés de
brucelles, assise devant un amoncellement de plumes colorées et satinées, de paon, de colibri, de faisan
teinté, qu’elle extirpe d’oiseaux taxidermisés pour les coller avec une
minutie d’orfèvre sur les corps nus
des oiseaux. Elle compose ses plumages, de la queue à la tête au gré de
sa fantaisie d’artiste et aligne dans
un coffret ses oiseaux ainsi parés,
prêts à s’envoler au bout du monde.
L’avenir de Reuge semble emprunter de nouvelles voies prometteuses. Selon Max Büsser, la destinée de la boîte à musique peut se
comparer à celle de la pendule, à
partir du moment où l’on arrête de
penser qu’elle ne sert qu’à donner
l’heure. «Dès qu’on sublime sa fonction, elle devient un objet d’art. Et la
boîte à musique est autant un objet
d’art qu’un mouvement mécanique
d’horlogerie.»
>> Retrouvez la vidéo sur
www.letemps.ch/horlogerie
En haut, de gauche à droite: Plongés dans un bain d’huile, les claviers sont découpés en lames par une fraise, c’est le «fendage». La «trempe», le four centenaire grâce auquel les claviers vont acquérir une
dureté, chauffés à 800 degrés. En bas, de gauche à droite: Les claviers sont associés à une masse de plomb usinée de manière à ce que chaque lame soit indépendante, Le clavier est vissé face au cylindre
à picots, qui jouera plusieurs airs des années 70 dans la MusicMachine élaborée par MB&F.
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
USAGES
Quandlesmontres
deviennentutiles
Dans le monde fascinant de l’horlogerie, l’immense majorité des produits sont conçus d’abord pour donner
l’heure. Ensuite, un nombre plus restreint de pièces sont mises au point pour répondre à des usages plus
spécifiques comme la plongée, l’aviation, l’automobile, les voyages. Dans leur démarche visant l’exclusivité,
certaines maisons entendent aujourd’hui aller encore plus loin, pour offrir à leurs clients des produits horlogers
ultra-spécialisés, plus strictement adaptés à leurs attentes. Tour d’horizon d’une horlogerie entre
«sur-mesure» et démesure. Par Vincent Daveau
PHOTOS: DR
De gauche à droite: Rado D-Star Rattrapante: une montre en céramique éditée à 250 exemplaires avec calibre de chronographe automatique cal. 7770 intégrant une fonction rattrapante. TAG Heuer Aquaracer Cal. 72:
chronographe de régate en acier avec calibre automatique et compte à rebours de régate. Bracelet acier. Etanche à 500 m. Lunette en céramique. Christophe Claret Kantharos: chronographe automatique de 45 mm
en titane avec mécanisme à force constante et indicateur sonore d’enclenchement des fonctions. Cartier Ballon Bleu Tourbillon Second Fuseau Double Sautant: cette montre en or gris de 46 mm de côté emporte
un calibre à tourbillon affichant l’heure sautante en simultané sur les deux fuseaux. Panerai Luminor 1950 Regatta 3 Days Chrono Flyback Titanio 47 mm: chronographe avec calibre de nouvelle génération avec compte
à rebours programmable et compteur de nœuds marins.
D
ans notre civilisation
où règnent en maîtres l’informatique
et la domotique, un
horloger traditionnel avec ses instruments mécaniques serait bien
présomptueux de vouloir concurrencer les ordinateurs de poignet
ou les smartphones en matière de
pure fonctionnalité. Toutefois,
certaines entreprises et quelques
visionnaires utopistes croient encore ce combat possible. Il y a
presque vingt ans maintenant
(1996), Patek Philippe présentait
le quantième annuel, une mécanique fort pratique et simple à
mettre en œuvre, qui garantissait
à son porteur un affichage exact
des informations calendaires sur
la durée d’un cycle bissextile.
Cette fonction a depuis fait florès
et s’est généralisée au reste de la
profession. Preuve de son utilité:
la Maison Rolex – que l’on sait
attachée à aller à l’essentiel – a
proposé, l’an passé, l’Oyster Perpetual Sky-Dweller: une montre
purement mécanique dont l’affichage de la date ne nécessite
qu’une seule intervention manuelle par an, le 1er mars. Efficace, cette fonction d’usage
agréable était également associée
à un affichage de second fuseau
horaire et à un mécanisme de
programmation par la lunette,
ayant pour objet de simplifier
toutes les opérations de manutention concernant le réglage.
Cette montre de série, disponible
au catalogue, posait à sa façon la
question de l’utilité des fonctions
additionnelles pour une montre
urbaine et celle connexe de savoir
si les autres marques allaient rebondir sur ce défi et dévoiler leur
vision de la montre citadine
contemporaine dotée de fonctions vraiment utiles.
Chronométrer
et plus si nécessaire
Le chronographe classique, qui
représente tout de même près de
75% environ des montres à
complications, n’a plus vraiment
d’intérêt au sens strict du terme
dans notre civilisation, sauf peutêtre pour quelques médecins s’en
servant pour prendre le pouls de
leurs patients ou certains cuisiniers soucieux de cuire leurs œufs
mollets. Voilà pourquoi, pour lui
redonner un peu de piquant, Rolex avait proposé, en 2007, l’Oyster Perpetual Yacht-Master II, un
chrono de régate parfaitement
adapté aux besoins des skippers.
Cette année, Officine Panerai offre à son tour, en même temps
que son premier calibre de chronographe «maison», sa vision du
chrono de régate avec le Luminor
1950 Regatta 3 Days Flyback Titanio 47 mm. A l’essai, ce gardetemps se révèle d’une grande facilité de mise en œuvre, d’une
incroyable efficacité et d’une
grande lisibilité. Utile et pertinent, il devrait faire date dans
l’univers nautique avec son
compte à rebours mécanique et
programmable et son échelle
nautique permettant de mesurer
la vitesse en nœuds. Dans le
même esprit, TAG Heuer, que l’on
sait impliquée dans l’America’s
Cup, présente l’Aquaracer Cal 72:
un chrono de régate qui, tout en
restant traditionnel, se révèle
d’une grande efficience. Tout de
même, cet outil de régatier fait
s’interroger sur l’usage potentiel
que l’on peut avoir d’un instrument dédié à la mesure des temps
courts. C’est sans doute la ques-
tion que s’est posée Christophe
Claret lorsqu’il a mis au point le
chronographe Kantharos. Ce produit demeure un instrument classique, mais chaque enclenchement
des
fonctions
du
chronographe donne lieu à un
petit tintement sur timbre cathédrale – excusez du peu – indiquant à son propriétaire leur
mise en œuvre. Dans le cas présent, ce produit mécanique
«singe» les outils électroniques
produisant à chaque action un
petit «bip». C’est sympa, mais
est-ce utile? Indubitablement,
cette
mécanique
est
fort
complexe, mais elle demeure
moins essentielle qu’une fonction
rattrapante, qui autorise des mesures de temps intermédiaires et
de chronométrer deux événements ayant un départ simultané
mais une fin différente. Bref, le
truc qui vient toujours à manquer
quand il est nécessaire de faire un
relevé chronométrique avec le
garde-temps dont on dispose et
qui, bien entendu, n’en est pas
équipé. Pour remédier à cela,
Rado propose, cette année, le
chronographe D-Star Rattrapante; une montre en céramique
technique produite – et c’est malheureux – à 250 exemplaires seulement. Trop peu donc pour satisfaire tous les passionnés, mais
c’est un bon début.
Lier l’utile à l’agréable
Evoquer les montres dotées de
fonctions utiles impose de faire
un point sur celles dédiées aux
voyageurs. Si la fonction GMT,
toujours d’une incroyable actualité, a été élaborée par Rolex pour
la GMT-Master au début des années 50, il revient à Patek Philippe
d’avoir mis au point, à partir de
1959, la fonction la plus évoluée
en matière de garde-temps à destination des amateurs ayant une
activité liée avec l’étranger: la
complication d’Heures Universelles. La référence 5130 présentée
l’an passé est l’héritière de ce type
de produit. Elle permet d’afficher,
au cadran et à volonté, l’heure de
l’une des 24 villes représentant les
24 fuseaux partageant le globe
terrestre.
Cette année, Ralph Lauren entendait avoir la meilleure des
fonctionnalités possible à destination des voyageurs et se voyait
fournir par Jaeger-LeCoultre le calibre de référence de la manufacture du Sentier pour équiper la
Ralph Lauren Sporting Worldtime
en acier; une Heure Universelle capable d’afficher au cadran l’heure
qu’il est dans le fuseau d’origine et
celle d’un second fuseau horaire
dans un petit compteur. Mais
Jaeger-LeCoultre pouvait offrir
cette mécanique car elle présentait, lors du SIHH, une référence
particulièrement sophistiquée et
graphique à destination des voyageurs exigeants: la Duomètre Unique Travel Time. Ce garde-temps
en or gris, édité à 100 exemplaires
pour l’inauguration de la boutique Jaeger-LeCoultre de Paris,
possède la particularité de disposer d’un second fuseau à heure
sautante et réglable, à la minute
près. De cette façon, il sera possible au porteur de cette pièce
d’avoir l’heure juste dans tous les
fuseaux horaires existant sur
Terre.
Dans le même esprit, Cartier,
qui sait combien il est essentiel
d’inventer une nouvelle façon de
lire l’heure pour sortir du lot,
lance la Ballon Bleu Tourbillon Second Fuseau Double Sautant. Ce
garde-temps subtilement sophistiqué offre une nouvelle dimension au temps du voyage. Dans
cette construction, les deux heures indépendamment réglables
sautent en même temps grâce à
un mécanisme hautement élaboré partiellement visible à travers le cadran ajouré.
Evidemment, toutes les marques n’ont pas pour ambition d’aller si loin en matière de complications. Voilà pourquoi une maison
comme Tissot a conçu, pour son
160e anniversaire, le modèle Heritage Navigator. Cette montre éditée en série numérotée a été conçue afin de répondre aux attentes
des amateurs de montres en quête
d’un instrument disposant d’une
fonction utile. Avec sa fonction
Heure du Monde, il est possible
d’avoir l’heure locale aux aiguilles
et celles des 24 autres fuseaux en
faisant coïncider les heures affichées à la périphérie avec le nom
des villes en regard. Certains puristes préfèrent, lors de leurs voyages, se réveiller au son de leur propre réveil plutôt que de l’être par
le groom de service. Ceux-là regarderont avec intérêt la montre «réveil» baptisée Chargée d’Affaires
proposée par Corum. Produite à
seulement 150 exemplaires, elle
sera une parfaite alternative aux
modèles disponibles au catalogue
chez Vulcain ou Jaeger-LeCoultre.
La sécurité pour fonction
Du temps du grand Breguet, certaines montres étaient dotées
d’hygromètres à cheveu, de répétitions à tact, de thermomètres…
De son temps, aller de l’avant était
gage de réussite et la garantie de
s’assurer une certaine visibilité.
Aujourd’hui, les choses ne sont
pas vraiment différentes. Pour se
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Horlogerie
De haut en bas et de gauche
à droite:
Richard Mille RM 36-01 Limited
Edition Jean Todt: édition limitée
à 15 pièces en titane d’une montre
intégrant en plus du tourbillon une
fonction mécanique de capteur de G
lisible dans le secteur à 12 heures.
Patek Philippe Heure Universelle
5130: boîtier en or gris de 39,5 mm
avec calibre automatique. Fonction
Heure Universelle modèle 2012.
Ralph Lauren Sporting World Time:
boîtier en acier de 45 mm de diamètre avec calibre RL939 automatique
avec affichage des heures universelles.
Urwerk UR-110PTH: édition limitée
en platine noir avec la fameuse platine comprenant l’indication de
changement d’huile, signifiant l’utilité
d’une révision.
Oris Aquis Depth Gauge: boîtier en
acier de 46 mm de diamètre étanche
à 500 m avec profondimètre intégré
dans la glace de la montre.
PHOTOS: DR
Tissot Heritage Navigator: pour ses
160 ans, la maison réédite un modèle
lancé en 1953 qui permet de lire les
heures du monde d’un simple coup
d’œil. En acier et calibre automatique.
faire connaître des clients et des
médias toujours à l’affût de produits extraordinaires, les horlogers contemporains ont tout intérêt à mettre au point des
fonctionnalités originales. Certaines, comme celle inventée par
HYT avec la H1 en or rose, n’apportent rien de très utile sinon leur
caractère divertissant – ce qui est
déjà pas mal. Mais d’autres jeunes
maisons réfléchissent, comme le
fait la maison Urwerk de longue
date, aux fonctions dont la présence sert concomitamment la
cause de l’horlogerie et celle du
propriétaire de la montre. Parmi
les plus emblématiques, on retient l’indicateur de révision, celui
de fonctionnement effectif en années et le frein dynamique destiné
à ajuster le remontage du mécanisme automatique de la montre
au mode de porter. La très récente
manufacture Julien Coudray, fondée par Fabien Lamarche, propose
également pour ses pièces d’exception une fonction permettant
de rappeler aux propriétaires de
façon ludique quand il est nécessaire de faire réviser sa montre
(après quatre ans de fonctionnement).
Mais, cette année, la vraie
bonne idée originale en matière
de fonctionnalité revient à Richard Mille. Avec la RM 36-01 Capteur de G, cet inventeur visionnaire a su concevoir quelque
chose de vraiment nouveau. En effet, le mécanisme intégré au mouvement de la montre, par ailleurs
classique, n’est pas directement
associé à l’univers de l’horlogerie,
mais a pour but d’apporter une
information sur le nombre de G –
autrement dit la force cinétique –
subis par le corps lors de freinages, en voiture. On pourra juste
Corum Heritage Vintage Chargé
d’Affaires: boîtier en or rouge de
38 mm avec calibre mécanique à
remontage manuel et fonction réveil.
Editée à 150 exemplaires.
regretter que ce système développé par Richard Mille, destiné à
contribuer à l’amélioration de la
sécurité routière, pour utile et intelligent qu’il soit, n’ait été réalisé
qu’à 15 exemplaires.
On retiendra que cette fonctionnalité sans lien avec le temps,
mais associée à l’automobile s’inscrit dans le prolongement de celle
qu’avait proposée Jaeger-LeCoultre aux propriétaires d’Aston
Martin, qui consistait à faire de
leur chronographe Amvox la clé
permettant d’ouvrir leur voiture…
A l’époque, cela avait interloqué,
mais les mentalités évoluent et les
montres peuvent aujourd’hui,
grâce à la microtechnique, devenir des supports sophistiqués dispensant des informations de différentes natures susceptibles
d’aider les porteurs à organiser,
jouer (Christophe Claret) ou avoir
des informations sur leur environnement.
Par chance, certains visionnaires titillent les synapses d’ingénieurs et autres inventeurs pour
faire avancer la science horlogère.
Pareille vision du futur horloger
devrait inciter les marques les
plus déterminées à aller de l’avant,
à s’interroger sur ce qu’attendent
vraiment les amateurs de leurs
montres. Bon nombre de maisons
pourraient sérieusement se pencher sur de nouvelles complications pouvant servir la cause des
citadins d’aujourd’hui, plutôt que
d’être juste, année après année, de
nouvelles déclinaisons des mêmes constructions mécaniques,
dont l’objet est de flatter l’ego de
ceux qui les créent. Et d’assurer
aux investisseurs des fonds de placement spécialisés de réaliser des
achats pratiquement garantis, par
la tradition.
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Horlogerie
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Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
NOUVEAUTÉS
Montres
desalon
Sélection. Par Vincent Daveau
Longines
> Conquest Classic
Chronographe
Hermès
> Chrono Arceau Bridon
PHOTOS: DR
Cet instrument dédié aux mesures des temps courts, décliné en cinq versions et mettant en scène une expression originale du sport équestre, est
une évolution du modèle Arceau dessiné par Henri d’Origny en 1978. Dans
cette pièce de 43 mm de diamètre façonnée en acier, bat un calibre de chronographe mécanique à remontage automatique capturant le temps des
échappées belles, comme le souligne la maison. Sur le cadran, on note la
présence des chiffres arabes inclinés identiques à ceux de la ligne originelle
et la présence de trotteuses de chrono nimbées d’orange dans les versions
plus sportives. La montre se porte sur un bracelet en veau lisse où le savoirfaire harnacheur-sellier de la maison est mis en valeur.
Paré d’un très classique boîtier en or rose de
41 mm de diamètre, ce chronographe mécanique à remontage automatique et au dessin inspiré de l’âge d’or des montres-bracelets mécaniques – les «golden fifties» – joue à fond la carte
de l’intemporalité pour toucher une clientèle encline à posséder un garde-temps dont les codes
graphiques lui garantissent de passer à la postérité. Disponible également en acier ou en or et
acier comme à la grande époque, cet instrument
au gabarit idéal pour tous les poignets, étanche
à 5 bars, laisse voir par le fond transparent son
calibre automatique exclusif (L.688.2) doté de
54 heures de réserve de marche et d’un mécanisme de chronographe à roue à colonne. Sobre,
il est disponible en cadran noir ou argenté avec
chiffres et index rhodiés ou traité or rose poli.
Bvlgari
Tudor
> Diagono Calibro 303
> Heritage Chrono Blue
Avec ses proportions harmonieuses, son cadran traité «champlevé», ce
chronographe, synthèse du savoir-faire suisse et d’esprit italien, habillé
d’un boîtier en acier constitué de 75 pièces, est animé par un calibre
ayant demandé 3250 heures de mise au point et comprenant 303
composants. Visible par le fond transparent, il dispose d’une roue à colonne traditionnelle pour les commandes de fonction et d’un très
contemporain embrayage vertical pour l’entraînement de la trotteuse de
chronographe. Edité en série limitée à 500 exemplaires, ce modèle subtil et viril se porte en toute élégance sur un bracelet en alligator bleu.
Inspiré du très célèbre et recherché chronographe Tudor «Montecarlo» lancé en
1973 par la marque fondée par Hans Wilsdorf en 1926, ce modèle en acier animé
par un calibre mécanique à remontage automatique retiendra l’attention des adeptes séduits par l’idée de passer à leur poignet un instrument à l’esthétique un brin
vintage, mais refondu de façon à ce qu’il soit parfaitement en phase avec son époque. Etanche à 150 m et doté d’un boîtier de 42 mm – soit légèrement plus grand
que la version historique (40 mm) –, il reçoit une lunette tournante bidirectionnelle
avec cerclage en aluminium bleu et se trouve être proposé avec deux bracelets: l’un
en acier et l’autre en tissu renforcé.
Chronographes
> Deep Sea Chronograph
Cermet
Avant-gardiste, ce chronographe l’est à plus
d’un titre. Il est l’héritier d’instruments
conçus pour des professionnels par la manufacture du Sentier, à la fin des années 50. Traditionnel, il se dote d’une lunette tournante
unidirectionnelle pour calculer les temps de
plongée, mais contemporain, son boîtier de
44 mm de diamètre, étanche à 10 bars, est
usiné en cermet renforcé. Cet alliage utilisé
en aéronautique, en Formule 1 et dans l’armement est ultra-résistant et d’un poids inférieur à celui du titane. Pratique, il protège
un calibre de chrono automatique doté d’un
indicateur d’enclenchement de la fonction de
chronographe (disque rouge et blanc), une
spécificité inspirée d’une fonction appelée
«Chronoflight» utilisée par Jaeger-LeCoultre
dans les années 30. Efficace, lisible et disponible en version vintage dans les boutiques
de la marque.
Breguet
> Chronographe Type
XXII Or Rose
Cet instrument, héritier des chronographes mis
au point par la marque à la fin des années 50
pour l’Armée de l’air française, se veut la
luxueuse déclinaison de celui présenté l’an
passé en acier. On retiendra de ce chronographe
de 44 mm de diamètre équipé d’une lunette
tournante bidirectionnelle sa fréquence élevée
de 10 Hz garantissant une précision exceptionnelle (groupe de régulation en silicium) et sa
trotteuse de chrono effectuant deux tours de cadran à la minute pour améliorer la précision de
lecture. Il possède, en outre, la désormais classique fonction flyback, un cadran sur 24 heures
permettant la lecture d’un second fuseau horaire et la date affichée en guichet à 6 heures.
Produit superlatif, il s’adresse aux puristes passionnés d’aviation ou de pure chronométrie.
Jaeger-LeCoultre
Panerai
> Luminor 1950 3 Days Chrono Flyback 44 mm
On devine dans ce souci d’épurer à l’extrême les fonctionnalités pour aller à
l’essentiel le lien qu’entretient Panerai avec son passé de fabricant d’instruments pour professionnels. Avec ce chronographe disposant pour la première
fois de son propre calibre automatique de manufacture avec roue à colonne,
les ingénieurs ont voulu saisir l’instant dans sa densité. Ainsi, le chrono affiche
les secondes chronométrées et les minutes écoulées par le truchement de
deux aiguilles partant du centre et de couleurs différentes; laissant à la petite
trotteuse à 9 heures le soin d’indiquer l’état de fonctionnement. Et parce que
cela peut s’avérer utile, ce garde-temps étanche jusqu’à 100 m est équipé
d’une fonction flyback permettant d’interrompre un chronométrage et d’en
reprendre un nouveau une fois relâché le poussoir placé, ici, à 7 heures. Disponible en acier.
Horlogerie
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Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
NOUVEAUTÉS
Complications
Harry Winston
> Histoire de Tourbillon 4
Les lois de la physique sont implacables: si une montre-bracelet
occupe, en fonction des gestes de son porteur, un espace tridimensionnel, la cage de tourbillon qu’elle emporte doit également
graviter dans un espace tridimensionnel pour être efficace et améliorer sensiblement la précision. Cette montre habillée d’or gris et
de Zalium® avec traitement DLC fait partie de ces rares instruments à présenter, sous son globe de saphir, un assemblage mécanique capable d’y parvenir. Complexe visuellement à déchiffrer, cet
organe comprend une cage intérieure qui, abritant l’oscillateur et
l’échappement, fait une rotation toutes les 45 secondes. La cage
intermédiaire effectue, quant à elle, une rotation toutes les 75 secondes. Et la troisième cage – externe – tourne à la vitesse d’une
révolution toutes les 300 secondes (5 mn). Fascinante et graphique, cette pièce de 47 mm de côté, animée par un calibre mécanique à remontage manuel comprenant 345 composants et éditée à
20 exemplaires, fera le bonheur de ceux qui savent qu’échapper
véritablement à la gravitation est un luxe rare.
Ulysse Nardin
> Stranger
Cette étonnante montre, animée par un calibre de
manufacture à remontage automatique UN-690 et
doté d’une ancre, d’une roue d’échappement mais
également d’un spiral de haute technologie en silicium, présente au regard un cadran peu ordinaire.
En effet, sans être au fait des savoir-faire traditionnels de cette manufacture, il est difficile à un béotien dans les arts mécaniques de deviner à quoi
peut servir le disque portant toute une série de petits picots vers lesquels convergent des ressorts lames, vissés au cadran. Cet instrument de 45 mm
de diamètre, réalisé en or rose, dispose d’un mécanisme de réglage de l’heure qui se fait non pas en
tirant sur la couronne de remontoir, mais en poussant sur le bouton qui lui est intégré. Il embarque
également un mécanisme original inspiré d’une
boîte à musique avec un plateau et 10 lames. Ce
dernier est conçu de façon à jouer une fois à chaque
heure échue (ou à la demande en pressant sur le
poussoir situé à 7 heures) le célèbre air Strangers in
the Night de Frank Sinatra. Incroyable, cette montre
innovante, dont les mélodies peuvent être déclinées à l’infini, ne sera proposée aux mélomanes
qu’en édition limitée à 99 exemplaires.
Hautlence
> HL2.3 Titane
Lancée dans sa version définitive en 2011, cette montre,
dont la philosophie est de proposer une lecture différente du temps, ose le titane traité noir. Impressionnante
et futuriste dans son design, cette pièce très légère et
architecturée autour des minutes rétrogrades présente
une heure sautante constituée d’une chaîne formée de
12 maillons et déclenchée par le fameux dispositif de
bielle manivelle devenue la signature de la maison. On
note que le mouvement de la chaîne s’accompagne,
chaque heure, de la rotation sur 60° du mouvement baguette, permettant à terme de compenser les effets de
la gravité sur l’organe réglant comme le fait un tourbillon. Mais ce garde-temps est un jeu d’astuces mécaniques voulues par le fondateur de la marque, Guillaume
Tétu. Ainsi, ce calibre doté d’un mécanisme automatique réarme le barillet principal qui, lui, en arme un second dont le rôle est de dispenser la force nécessaire au
bon entraînement de la chaîne de la complication. Edité
à 28 exemplaires, ce modèle viril et abouti devrait plaire.
Jaeger-LeCoultre
> Master Grande Tradition Gyrotourbillon 3 Jubilee
Pour son 180e anniversaire, la manufacture du Sentier a
présenté son dixième opus de la série des Hybris Mechanica réservée aux grandes complications de la manufacture. Produit de haute volée, ce chronographe monopoussoir de 43,5 mm de diamètre proposé en platine
extra-blanc a fait de la sphère son emblème pour permettre au groupe de régulation, ici composé d’un balancier en or 14 carats bleui associé à un spiral sphérique,
d’échapper à la loi universelle de la gravitation. Tout l’exploit a été de placer le tourbillon sphérique volant effectuant une rotation par minute et dans lequel une seconde cage tourne au rythme de 2,5 tours par minute,
au cœur d’un boîtier dont l’épaisseur n’excède pas 15,5
mm, glaces comprises. Cet instrument original présentant trois cadrans différents affectés chacun à une fonction spécifique (heures, chronographe et affichage jour/
nuit) est animé par le calibre mécanique à remontage
manuel référence 176. Objet d’art majestueux, ses 592
composants patiemment assemblés un à un sont terminés à la main et réglés finement par les maîtres de la
manufacture.
H. Moser & Cie
PHOTOS: DR
> Perpetual Golden Edition
Hublot
> Classic Fusion Tourbillon Squelette Black
Ceramic
Ce modèle parvient à associer des codes graphiques à la fois classiques et
contemporains pour donner à la mécanique du tourbillon une élégance intemporelle. Son fin boîtier en céramique, aux rondeurs suggestives, magnifie
le travail d’ajourage du mouvement mécanique à remontage manuel réalisé
par les artisans de la jeune manufacture. Le traitement contemporain du
dessin, composé de lignes droites travaillées selon la tradition du squelettage au sein des ateliers de la marque, permet de faire en sorte que les
aiguilles «glaives facettées» se confondent dans ce décor aérien. Pour la petite histoire, et rappeler que les éléments anciens peuvent parfaitement cohabiter avec d’autres plus modernes, les aiguilles sont empruntées aux premières montres Hublot. Editée en une série limitée à 99 exemplaires
numérotés.
Depuis la création de la Perpetual 1, première montre au
monde avec calendrier Flash, cinq ans se sont écoulés.
La maison H. Moser & Cie a profité de cette sorte d’anniversaire pour proposer aux amateurs une édition spéciale tirée à 100 exemplaires sous le nom Perpetual Golden Edition. Il n’est pas usurpé, car l’or est partout. Le
boîtier est façonné dans ce métal tout comme l’ancre et
la roue d’ancre de son échappement interchangeable.
Les vis du balancier en Glucydur le sont aussi, en or
blanc, cette fois. Mais ce n’est pas tout. Cette référence
à complication méritait un traitement d’exception. Voilà
pourquoi – luxe ultime – la platine et les ponts sont réalisés en or massif 18 carats. Finie et décorée à la main
avec angles polis dans la masse, cette montre élégante
et sobre, dotée de son étonnant calendrier perpétuel
pouvant être corrigé à tout instant en avant et en arrière,
arbore au contre-pivot de balancier un diamant. Cela
peut sembler anodin, mais c’est la seule montre manuelle, dotée de 7 jours de réserve de marche magnifiée
par son écrin d’un luxe saisissant, à posséder pareil détail horloger que l’on retrouve seulement sur certains
chronomètres de marine particulièrement précis. Un petit clin d’œil pour un garde-temps dont le double spiral
lui garantit la précision d’un tourbillon.
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
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A. Lange & Söhne
> Grande Complication
De toute évidence, cette pièce proposée en or rose en impose car, avec 50
mm de diamètre et 20,3 mm d’épaisseur, elle sort de l’ordinaire, la collection
de cette manufacture étant plutôt réputée pour ses tailles raisonnables.
Mais cette montre produite à seulement six exemplaires a des arguments
pour faire valoir son embonpoint. Son calibre manuel référencé L1902 n’affiche pas seulement les heures, le nombre important d’informations apposées
sur le cadran en émail ainsi que la présence sur les flancs de carrure de
poussoirs et autres tirettes sont là pour l’attester. Véritable florilège des
complications essentielles, cette merveille emporte donc un calendrier perpétuel à aiguilles avec affichage des jours, de la date, du mois et des phases
de lune. Elle dispose également d’un chronographe simple avec fonction
foudroyante (à 6 heures) et fonction rattrapante (seconde aiguille de chrono
superposée). Elle possède encore une complication de grande sonnerie au
passage avec fonction petite sonnerie et silence (un barillet dédié). Et parce
qu’il n’y suffisait pas, les horlogers ont associé à cet ensemble comprenant
deux timbres la complication de répétition minutes actionnable à la demande via la tirette placée à 7 heures.
Richard Mille
> Tourbillon RM 27-01
Rafael Nadal
Tout le monde s’accorde à dire que la contribution de
Richard Mille au secteur horloger, en tout juste douze
ans d’existence, est importante. Les instruments de
sa fabrication apportent tous quelque chose au métier à travers l’utilisation de matériaux originaux ou
l’exploitation de solutions mécaniques horlogères innovantes. Un peu comme du temps du grand Breguet, chacun de ses modèles peut s’envisager
comme une sorte de «concept watch». Parmi les folies proposées cette année, la RM 27-01 créée en collaboration avec Rafael Nadal – le tennisman sept fois
vainqueur de Roland Garros – a marqué les esprits. Il
faut dire que cette montre au boîtier usiné en carbone ne pèse que 19 g et embarque un mouvement
manuel régulé par un tourbillon de seulement 3,5 g,
en alliage de lithium contenant de l’aluminium, suspendu au centre du boîtier par quatre câbles en acier
de 0,35 mm de diamètre. Ces derniers, précisément
tendus par l’horloger, doivent agir comme des amortisseurs et permettre au calibre de supporter les
chocs et accélérations de plus de 5000 G, subis lors
des matchs, car cette montre de luxe est faite pour
être portée dans l’action.
Roger Dubuis
Ce modèle est le premier de l’histoire de l’horlogerie à être intégralement réalisé en silicium. Ce matériau est deux fois plus léger que le
titane et donc quatre fois plus léger
que l’acier, tout en étant quatre fois
plus dur. D’un gris intense, cette carrure, dont la matière est qualifiée de
cristal métallique, abrite un mouvement mécanique lui aussi particulièrement innovant. Pour améliorer la
précision de ce cœur à remontage
manuel baptisé RD101, les ingénieurs de la manufacture n’ont pas
placé un seul organe réglant formé
d’un balancier, d’un spiral d’une ancre et d’une roue d’ancre, mais quatre. Ce chiffre, récurrent pour cette
création, lui a donné son nom. Fonctionnant par paires, ces balanciers,
positionnés de manière spécifique,
compensent instantanément les
écarts de marche dus aux changements de position. Pour parvenir à
ce résultat et cette dynamique dans
les ajustements, cet instrument emporte non pas deux, mais cinq microscopiques différentiels. Trois
couplent les balanciers au train de
rouage de la montre, le quatrième
est associé à l’original indicateur de
réserve de marche et le cinquième
relie la tige de remontage avec les
deux barillets montés en parallèle.
Au final, cette pièce vibre non pas à
4 Hertz comme cela serait le cas
avec un seul balancier (28 800 alternances par heure), mais grâce
aux différentiels, les fréquences
s’additionnent pour offrir à ce calibre de vibrer à 16 Hertz, soit à un régime garantissant, de facto, une précision horaire supérieure à celle
d’une montre traditionnelle.
Montblanc
> Nicolas Rieussec Rising Hours
Lancée en 2008, la collection Rieussec s’enrichit, cette
année, d’un modèle particulièrement saisissant. Au premier regard pourtant, rien ne dit en quoi ce garde-temps,
inspiré du chronographe mis au point par Nicolas Rieussec en 1821, sort de l’ordinaire. Cet instrument de 43
mm de diamètre, habillé d’or rouge (disponible également en platine ou en acier), dispose en plus de la lecture du jour, de la date et des temps chronométrés sur
disques présents dans la partie basse du cadran, d’un
affichage de l’heure courante particulier. Celle-ci se lit
également sur un disque rotatif qui, associé à une fonctionnalité mécanique originale, donne la possibilité de
voir changer la couleur des chiffres du disque des heures
selon l’avancée de la journée. Ainsi, les douze chiffres,
en fonction de leur couleur, permettent de déterminer
d’un coup d’œil si la valeur affichée s’applique aux heures diurnes ou nocturnes.
> Royal Oak Offshore
Grande Complication
Jusqu’à cette année, cette collection
sportive incroyablement charismatique, lancée en 1993, ne disposait
pas d’une montre à grande complication, autrement dit d’une pièce
dont le mouvement emporte au
moins trois fonctionnalités avancées. Avec la présentation de cet
instrument de 44 mm de diamètre
réalisé en titane pour la carrure et en
céramique pour la lunette et les
poussoirs, la manufacture n’a pas
fait les choses à moitié. En effet, au
sein de ce boîtier au dessin viril
prend place un calibre mécanique à
remontage automatique, associant
les complications traditionnelles de
chronographe à rattrapante, de calendrier perpétuel et, summum du
plaisir des vrais amateurs, celle de
répétition minutes. Visible par le
fond transparent, mais également
par le côté cadran – ce dernier ayant
été remplacé par une glace saphir
sur laquelle sont rapportés certains
éléments de lecture – ce cœur,
ouvragé de façon traditionnelle selon les plus hauts standards, laisse
voir une partie des composants,
tous retravaillés à la main par un
maître horloger avec des polis différents et des anglages délicats pour
faire se détacher ces éléments les
uns des autres. Disponible également en or rose et à seulement trois
exemplaires par type de métal, cet
instrument de tous les superlatifs
fera le bonheur d’amateurs désireux
de disposer au poignet un gardetemps réalisé dans le plus pur respect de la tradition horlogère suisse,
mais paré d’atours contemporains.
Piaget
> Emperador Coussin Répétition
Minutes Extra-Plate
Cette montre de forme coussin en or rose 18 carats de 48 mm de diamètre emporte la
quatrième complication majeure développée par la manufacture Piaget. Ce nouveau
mouvement de répétition minutes à remontage automatique avec micro-rotor référencé 1290P est également le calibre le plus plat du monde dans sa catégorie (4,8 mm).
Travaillé avec soin, ce cœur comprend 407 composants dont une bonne partie est
visible par le fond transparent, mais également par le cadran lui aussi réalisé en saphir
pour permettre à son propriétaire de profiter de l’exceptionnelle mécanique embarquée. Chaque détail est travaillé à la main. Les ponts sont anglés à la lime, les aplats
étirés au cabron, les roues satinées – soleillées ou circulaires. A elles seules, les finitions
demandent plus de 70 heures d’un patient ouvrage. Protégé dans son boîtier de 9,4 mm
d’épaisseur, ce mouvement, une fois la tirette armée, a quelque chose de lyrique et fait
retentir ses notes graves et aiguës avec une rare intensité puisqu’elles atteignent le
seuil de 64 décibels, ce qui est fort acceptable, car la pièce est étanche jusqu’à deux
atmosphères.
PHOTOS: DR
> Excalibur Quatuor
Silicium
Audemars Piguet
Horlogerie
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Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
NOUVEAUTÉS
BlackTie
de Grisogono
> SuGar
Sensuelle comme une femme croquant un carré de sucre, selon les propres termes de Fawaz Gruosi, le créateur de la marque, cette nouvelle pièce horlogère indiquera autant l’heure, grâce à son mouvement à quartz,
que l’espièglerie de sa propriétaire. Son boîtier en or rose
ou en or blanc pavé de gemmes précieuses en serti
neige – ici des émeraudes – se termine en une cascade
mobile de chatons articulés qui se meuvent au gré des
gestes du poignet. Disponible également en version diamants, saphirs bleus ou orange.
La D de Dior
> Opale et Or Blanc
Animée par un calibre mécanique à remontage manuel en provenance de la manufacture Zenith, cette
montre arbore un cadran façonné dans une opale
blanche d’Australie dont les feux et la profondeur
sont d’une telle puissance qu’elle en est hypnotique.
Habillée d’or blanc au palladium et sertie de 113 diamants pour 1,16 carat, elle est éditée en pièce unique.
Girard-Perregaux
> 1966 Elegance 38 mm
Cette montre, avec son délicat et intemporel boîtier en
or rose 18 carats serti de 72 diamants sur la lunette, est
également magnifique de l’intérieur. Son cadran formé
d’arcs de cercle s’imbriquant les uns dans les autres associe des parties satinées à un liseré d’or gris serti de 47
diamants dont l’arrondi vient mordre sur un anneau de
nacre rose. Mêlant sophistication et originalité, cette
merveille de 38 mm de diamètre vit au gré d’un sublime
calibre mécanique à remontage automatique de manufacture référencé GP03300, fini avec soin et décoré selon les standards de la haute horlogerie. Visible par le
fond transparent, il sera un peu le joyau secret de sa propriétaire dont le plaisir sera de savoir sa montre, dotée
d’un cœur d’aussi belle facture que celle des amateurs
masculins les plus avertis.
Cartier
> Tank Américaine Petit Modèle Sertie
Avec son petit air inspiré par la période Art déco, cette montre de forme
rectangulaire allongée possède un charisme particulier qui la fait apprécier
des hommes comme des femmes. Proposée cette année en or rose 18 carats sertie de 49 brillants (0,97 carat), cette montre pilotée par un calibre à
quartz Cartier 157 se porte sur un étonnant bracelet formé d’une succession
d’écailles dont la forme rappellera à certains la pointe du Chrysler Building.
L’idée d’associer ce symbole architectural à cette montre a du sens car
l’Amérique est leur point commun, et leur esthétique intemporelle se
confond presque.
Piaget
> Limelight Gala
Avec ses 32 mm de diamètre et ses deux anses qui s’opposent, cette montre asymétrique en or gris sertie de 62
diamants animée par un calibre à quartz de manufacture
690P possède quelque chose de fondamentalement féminin. Ses courbes sensuelles entrent en résonance
avec la géométrie rectiligne du bracelet de satin et rebondissent sur les chiffres romains droits comme des
«I» du cadran pour révéler avec subtilité un poignet féminin.
Chanel
PHOTOS: DR
> Première: formes
originelles
Jaquet Droz
> Petite Heure Minute 35 mm
Objet à la mémoire de Pierre Jaquet-Droz, horloger émérite du
XVIIIe siècle, cette nouveauté appartenant à la ligne Elégance Paris
se distingue par son chic contemporain. Réalisée en acier, elle présente un boîtier de 35 mm de diamètre paré d’une lunette sertie de
160 diamants. Ornée d’un cadran en nacre bleue, gravée et parée
de huit étoiles argentées, cette montre délicate animée par un calibre à remontage automatique doté de 68 heures de réserve de
marche met en exergue le temps et fait de l’asymétrie un jeu. Un jeu
dont le bracelet aux maillons originalement assemblés et rehaussé
de deux diamants enchâssés profite pour enlacer le poignet.
Comme un retour aux sources, la
montre Première de Chanel retrouve
sa ligne originelle. Si le boîtier inspiré
par la forme octogonale de la place
Vendôme a connu assez peu de variations, le verre a été repensé avec un
biseau en moins qui la rend plus moderne. Le bracelet, proposé en un
grand nombre de déclinaisons, selon
le principe des cycles de la mode, retrouve la forme «chaîne» de ses débuts. Une chaîne qui souligne son allure féminine et dynamise. Cette
montre hyper-féminine,cette création
mythique pensée pour les filles
comme pour leurs mères, ici proposée
en or blanc intégralement pavé de diamants, se fait plurielle.
Louis Vuitton
> Tambour Monogram 35
Dix ans après la création de la montre Tambour, Louis
Vuitton signe une nouvelle identité horlogère féminine avec le modèle Tambour Monogram. Cette pièce
automatique de 35 mm de diamètre, disponible en or
rose 18 carats ou en acier, affiche son caractère intemporel et horloger avec son boîtier inversé, mais
sait également souligner son orientation joaillière en
se parant d’une lunette sertie de diamants, associée à
son cadran opalin argenté guilloché soleil avec index
appliqués ou sertis.
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Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
NOUVEAUTÉ
Baume & Mercier
Urbietorbi
> Clifton GMT
Depuis sa fondation en 1830, la maison Baume & Mercier a toujours eu
pour ambition de conquérir de nouveaux marchés et fait, par conséquent,
du voyage un élément essentiel de son histoire. Voilà pourquoi il semblait
évident de disposer au sein de la toute nouvelle collection Clifton d’un
instrument de mesure du temps capable d’afficher simultanément au cadran deux heures différentes (Dual time). Efficace et sobre, cette montre
en acier de 43 mm de diamètre poli-satiné répondra aux attentes des
citadins qui, entraînés par leurs activités professionnelles ou privées à se
déplacer à travers le monde, souhaiteraient, en un clin d’œil, connaître
l’heure du lieu où ils se trouvent et celle de leur domicile. Proposée en
deux finitions (cadran blanc ou cadran ardoise), cette pièce mêlant élégance et fonctionnalité est animée par un calibre mécanique à remontage automatique (ETA 2893-2) précis et aisément réglable.
Louis Vuitton
> Tambour éVolution
Contemporaine, cette montre bi-matière au boîtier de 43 mm de diamètre en acier et lunette en Black MMC
(un composite à matrice métallique
utilisé dans l’industrie aéronautique
et Formule 1™) possède un caractère
résolument sportif, lié au sentiment
de puissance et de technicité qu’elle
dégage. Cette référence se révélera
également utile en voyage car elle
est équipée de la très utile fonction
GMT matérialisée par une aiguille
rouge vif et un affichage jour/nuit.
Cet indicateur permettra au porteur
de cette belle Tambour éVolution,
uniquement proposée sur bracelet
en acier à maille souple, de ne pas se
tromper dans la lecture du second
fuseau horaire et de savoir d’un coup
d’œil si l’heure affichée est diurne ou
nocturne.
Zenith
> Montre d’Aéronef
Type 20 «GMT»
> Freelancer Balancier
Visible
Jaeger-LeCoultre
> Master Ultra Thin Jubilee
Lancée en 2007, la collection Freelancer
fait référence à l’indépendance de l’entreprise familiale. Ce garde-temps élégant, inscrit dans la dynamique de son
époque, mesure 42 mm et arbore un
traitement bicolore (acier et PVD or
rose). Son cadran noir lui offrant un brin
de sportivité est ouvert pour donner à
voir le balancier rythmant la marche du
calibre automatique RW 4200. Si ce détail esthétique permet à un observateur
extérieur de savoir qu’il s’agit d’une
montre mécanique à remontage automatique, son propriétaire appréciera de
pouvoir, quant à lui, détailler ce cœur fini
avec soin, par le fond doté d’une glace
en saphir.
Cette année, la manufacture du Sentier fête ses 180 ans
d’histoire. Pour célébrer pareil événement, celle que l’on
appelle sur place la Grande Maison présente la Master
Ultra Thin Jubilee. Avec ses 4,05 mm d’épaisseur et ses
39 mm de diamètre, cette pièce en platine extra white
950, animée par un calibre mécanique à remontage manuel s’inscrit dans la tradition entamée avec la montre
de poche ultra-plate créée en 1907 et établit un nouveau
record en termes de finesse. Proposée en série limitée à
880 exemplaires avec la date de 1833 apposée sous le
logo de la maison. Tout un symbole, mais discret, que les
puristes retiendront comme le signe ultime de la rareté.
PHOTOS: DR
Digne héritière des montres créées aux
temps héroïques pour les pilotes, alors
considérés comme des chevaliers du ciel,
la montre d’Aéronef Type 20 «GMT» baptisée Baron Rouge – toute de noir vêtue –
est sans doute la plus graphique de la collection. Réalisée en titane sablé et traité
noir DLC (Diamond Like Carbon), elle arbore un cadran épuré doté de gros chiffres peints avec une matière luminescente comme l’étaient les compteurs des
avions d’antan. Charismatique, cette
pièce éditée en série limitée est animée
par le calibre automatique de manufacture Elite 693 et dispose d’un second fuseau horaire paramétrable grâce au poussoir situé à 10 heures. Dotée d’une
couronne de remontoir à l’ancienne et
d’un fond plein gravé, elle se porte sur un
bracelet en cuir doublé caoutchouc pour
un confort optimisé.
Raymond Weil
JeanRichard
Boucheron
> Neo Vintage 1681
> Epure
Pour offrir à son calibre mécanique à
remontage automatique JR1000
lancé en 2004 un écrin propre à le
mettre en valeur, la maison JeanRichard a créé la collection 1681. Le
généreux boîtier de 46 mm de côté,
aujourd’hui décliné en or rose, associe le carré à une lunette ronde pour
symboliser la quadrature du cercle.
Ce garde-temps que l’on devine inspiré des pièces d’antan se pare d’un
cadran rhodié d’une rare sobriété et
dispose de finitions aux standards
de l’horlogerie d’aujourd’hui. Ainsi, il
affiche une étanchéité garantie à
100 m et voit son fond muni d’un
verre saphir pour laisser admirer le
calibre «maison» et la masse oscillante arborant la nouvelle signature de la marque.
Créer une montre simple, sobre et intemporelle est en soi un vrai défi, car
chaque détail a son importance et sa
raison d’être. Cette pièce, dans son traitement minimaliste, traduit le désir de
la marque de revenir à l’essentiel et incarne la vision du temps telle que l’imaginait Frédéric Boucheron. Une vision
que l’on retrouve dans sa maxime gravée sur le fond: «Je ne sonne que les
heures heureuses.» L’heure, dans cette
configuration, profite de la délicatesse
du vide et dépasse le simple décompte
mathématique du temps pour intégrer
la symbolique joaillière de la vie. Voilà
qui est dit! Et pour parachever cette
œuvre d’équilibre, son délicat boîtier de
38 mm en or blanc 18 carats, poli avec
double godron sur le flanc et cornes biseautées, abrite un calibre de manufacture Girard-Perregaux référencé GP
4000, visible par le fond ouvert.
Carl F. Bucherer
> Manero PowerReserve
Cette pièce traditionnelle proposée en
acier reçoit pour la première fois le calibre
mis au point par la manufacture Carl F. Bucherer, implantée à Sainte Croix. Référencé
CFB A1011, ce cœur à l’originale masse oscillante périphérique bidirectionnelle affiche au cadran l’heure avec minutes et petite trotteuse, mais présente également la
date dans un grand double guichet, et affiche le jour dans un autre ouvert à 9 heures.
D’une grande sobriété, mais également
d’une belle sophistication horlogère, cette
référence est d’une intense lisibilité et
d’une incroyable efficacité. En effet, la manufacture, consciente du soin qu’ont les
cadres urbains à savoir s’ils ont suffisamment et consciencieusement remonté leur
montre, propose au cadran un indicateur
de réserve de marche par aiguille. En plus
de l’équilibrer et de le dynamiser, il permettra de savoir à quel niveau de remontage se trouve ce garde-temps. Permettant
d’anticiper, le cas échéant, un arrêt intempestif faute de n’avoir pas assez bougé.
Horlogerie
Le Temps l Mercredi 24 avril 2013
Patek Philippe
> Calatrava Référence 5227
Cette montre très raffinée, au délicat boîtier rond et classique de 39 mm, en or 18 carats, jaune,
rose ou gris de tout juste 9,24 mm d’épaisseur, possède un secret. Au premier regard, cette
pièce inscrite au sein de la collection Calatrava lancée en 1932 semble ne pas laisser voir le
mouvement automatique de manufacture référence 324 SC par le fond. En réalité, son cœur est
parfaitement visible, mais à la seule condition d’ouvrir le couvercle monté sur une charnière
invisible. Derrière, se trouve une glace saphir à travers laquelle se découvrent les composants du
calibre. Il sera ainsi possible d’en apprécier les finitions haut de gamme. Tout aussi intemporelle
que la première Calatrava, cette version se porte sur un bracelet en alligator fermé par une
boucle ardillon, façonnée dans le même or que le boîtier.
PHOTOS: DR
Bell & Ross
> BR01-97 Climb
Marvin
> Malton Ronde Reserve
de Marche
Simple en apparence, son boîtier rond de 42 mm
pourrait passer inaperçu au poignet. Seulement,
la présence de son large cadran blanc mat, velouté et structuré, rehaussé de chiffres romains
aussi bleus que le sont les fines aiguilles, vient
donner du corps à cet instrument animé par un
calibre mécanique à remontage automatique
dont la réserve de marche de 42 heures s’affiche
sur un secteur semi-circulaire. Cette pièce se
porte sur un bracelet en cuir lisse pour conserver
ce petit quelque chose de sportif chic qui séduira
les amateurs.
Cette pièce, au graphisme inspiré du Variomètre – ou
Climb – est inscrite au sein de la collection Aviation
BR01 qui, avec les deux autres nouveaux modèles proposés cette année, en compte en tout et pour tout six
(trois modèles présentés en 2012). Chacune reprend
l’aspect de l’un des multiples indicateurs se trouvant
dans un cockpit. Cet instrument, paré d’un boîtier
carré en acier traité PVD noir et animé par un calibre à
remontage automatique, se porte sur caoutchouc. Editée en série limitée à 999 exemplaires, cette montre
peut être acquise par les collectionneurs avec les différentes références proposées par la marque – pour les
numéros de série compris entre 1 et 99 –, et rassemblées dans un coffret en bois dont le couvercle ajouré
permet d’apercevoir les différents cadrans d’un seul
coup d’œil, comme sur un tableau de bord.
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Speake-Marin
> Triad
Cette pièce de haute horlogerie proposée avec son maintenant fameux boîtier Piccadilly en acier de 42 mm de diamètre
et lunette en or rouge célèbre le chiffre 3 avec l’affichage au
cadran d’une triple indication des heures et des minutes. Ludique, cette construction est délibérément voulue comme
ésotérique et s’inspire de la musique pour son nom de baptême. En effet, une triade est un ensemble de trois notes qui,
jouées ensemble, n’en forment plus qu’une seule audible par
l’oreille. Là encore, le chiffre 3. Mais il est pratiquement omniprésent et l’œil se plaira à chercher dans cette mécanique
toutes les allusions à ce nombre. On note ainsi que cette mécanique présente, côté cadran, trois roues noires et trois
roues dorées identiques et, au centre, une quatrième ornée
de trois bras. En revanche sont présents quatre chiffres romains en relief… Qu’importe, la somme des chiffres 3 et de 4
forme le nombre 7, lui aussi particulièrement apprécié. Et
parce qu’il ne fallait pas manquer un chiffre propitiatoire, le 8
s’impose au cœur de cette référence animée par un mouvement mécanique à remontage automatique en maillechort
rhodié réalisé par le maître, en étant éditée en série limitée à
88 exemplaires.
Corum
> Ti-Bridge Automatic Dual Winder
Ils en rêvaient, ils l’ont réalisée. La célèbre Ti-Bridge avec son mouvement baguette est aujourd’hui équipée d’un mécanisme de remontage automatique. Non pas, comme cela avait été fait précédemment avec une masse tangentielle, mais avec deux microrotors associés par une bielle, qui semble tout droit avoir été
inspirée par le train de roue d’une locomotive à vapeur. Travaillant
en symétrie, ils sont plus efficaces et remontent rapidement le barillet, garantissant 72 heures de réserve de marche. Fidèle à l’esthétique de la ligne Ti-Bridge, le nouveau mouvement CO 207
prend place dans le boîtier de 42 x 52 mm qui, réalisé en titane est
plus fin que ses prédécesseurs, et largement ouvert afin de permettre de découvrir le calibre, mais également, côté fond, les deux
masses oscillantes en ligne.
Quels que soient les formes, les matières ou les mécanismes d’ouverture,
nous réalisons sur mesure tous vos écrins pour l’horlogerie, la joaillerie,
les spiritueux, la lunetterie, les instruments d’écriture et pour tout autre
accessoire de luxe.
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