Questions Réponses

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Questions Réponses
Focus
Novembre 2009
L’articulation du risque
en rhumatologie
Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit,
sans autorisation de l’Éditeur. SCOR fait ses meilleurs efforts pour assurer l’exactitude de l’ensemble des informations
fournies et décline toutes responsabilités en cas d’imprécision, inexactitude ou omission.
Sommaire
Introduction
5
Préambule
6
L’arthrose aujourd’hui : Les nouveaux concepts
8
Rappel sur l’arthrose
e
L’arthrose du XXI siècle
8
8
Le traitement
14
Questions / Réponses
16
L’arthrose et la tarification du risque
17
L’évaluation du risque en Décès / IAD
17
L’incapacité et l’invalidité
17
La dépendance
18
Questions / Réponses
19
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
21
Définitions
21
Les différentes formes d’arthrite
21
Evolution de la polyarthrite rhumatoïde
23
Données démographiques
24
Diagnostic et prise en charge initiale
24
Les conséquences de la maladie
26
Stratégie thérapeutique
27
Conclusion
29
Questions / Réponses
30
Tarifer la polyarthrite rhumatoïde
Le diagnostic
34
34
Le pronostic
34
Classification
35
Etude de la mortalité
36
Tarification du risque décès
36
Questions / Réponses
38
La Spondylarthrite ankylosante : bilan et pronostic
41
Une affection polymorphe
41
Données épidémiologiques
42
Traitements
43
Les conséquences de la spondylarthropathie
43
Conclusion
45
Questions / Réponses
46
Sommaire
Tarifer la spondylarthrite ankylosante
Le pronostic
49
49
Tarification
49
Exemples pratiques de tarification
50
Conclusion
51
Questions / Réponses
52
Prise en charge de l’ostéoporose :
un choix pour trente à quarante ans
54
Rappels physiopathologiques
54
Les définitions de l’ostéoporose
54
Reconnaître l’ostéoporose
54
Epidémiologie de l’ostéoporose
55
Conséquences médico-socio-économiques des fractures
58
Prise en charge de l’ostéoporose
60
Questions / Réponses
62
Comment tarifer l’ostéoporose ?
65
L’ostéoporose dans le contexte de l’assurance
65
Comment repérer une ostéoporose ?
65
Sélection et tarification
66
Questions / Réponses
68
Conclusion
69
Introduction
La rhumatologie est un domaine peu connu
mais en pleine expansion. Les individus souffrent de plus en plus de rhumatismes – ou en
tout cas le déclarent –, qu’ils soient inflammatoires ou dégénératifs.
Avec cette nouvelle publication, nous souhaitons vous faire partager notre expérience des
pathologies rhumatologiques que nous rencontrons le plus dans notre activité quotidienne de tarification, et que nous avons
approfondie dans le cadre des Rencontres
Médicales de SCOR. Ces manifestations sont
pour nous l’occasion de partager avec vous
nos réflexions sur les avancées médicales et
leur impact sur le métier d’assureur vie.
Nous commencerons par vous proposer un
panorama rapide de la rhumatologie qui est,
en France, une spécialité médicale à part
entière. Ce n’est pas le cas dans tous les pays
d’Europe.
Il est important de bien distinguer les différentes pathologies les unes des autres, afin de
mieux apprécier le risque et de proposer les
conditions d’acceptation les plus adaptées.
Dans cette optique nous allons définir en profondeur les pathologies les plus fréquemment
rencontrées dans les dossiers de souscription
traités par les assureurs :
L’arthrose
La polyarthrite rhumatoïde
La spondylarthrite ankylosante
L’ostéoporose
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
5
Préambule
La rhumatologie traite les affections des os, mais pas
uniquement. Elle comprend :
• les pathologies des os et des articulations ;
• les pathologies péri et abarticulaires, qui touchent à
l’articulation et ce qui l’entoure : tendons, muscles, etc. ;
• les affections musculo-squelettiques ;
• les maladies de système (maladies proches de la Médecine Interne).
Dans le cas d’atteinte simultanée de plusieurs organes,
on parle de maladie systémique. Il peut s’agir par exemple d’une polyarthrite rhumatoïde compliquée d’une vascularite avec atteinte cutanée, ce qui peut entraîner d’importantes nécroses cutanées.
Traditionnellement, on classifie les rhumatismes en deux
catégories : les pathologies « mécaniques » et les pathologies inflammatoires.
R a p p e l
Une articulation est constituée de deux parties osseuses articulées
entre elles qui se terminent par un cartilage articulaire, le tout dans
une cavité : la cavité synoviale. La membrane ou tissu synovial est
ce qui tapisse l’intérieur de l’articulation et sécrète le liquide synovial,
sorte « d’huile moteur » de l’articulation. On observe également
une capsule articulaire qui donne la congruence de l’articulation et
le tout est animé par des muscles et des tendons. Le muscle est la
partie qui se contracte pour faire bouger les os, le tendon étant la
partie terminale du muscle qui s’insère sur l’os.
2
Il s’agit de pathologies sans inflammation systémique.
La première de ces pathologies est l’arthrose. Dans cette
catégorie se trouvent également différentes atteintes
osseuses. On pourra ainsi rencontrer des ostéoporoses,
des algodystrophies (déminéralisation particulière de
l’os), des ostéonécroses (enfoncements osseux), des tendinopathies, des rhumatismes abarticulaires, etc.
3
1
Les principaux rhumatismes
Leur classification présentée ci-dessous est générale et
schématique et peut être remise en cause en raison de
certains phénomènes interactifs et intriqués.
De manière générale, on parle d’arthrose lorsque le cartilage est atteint.
Quand la membrane synoviale, tissu qui tapisse l’articulation par l’intérieur, est atteinte ou inflammée, on parle
d’arthrite. Le tissu synovial sécrète du liquide, ce qui fait
gonfler l’articulation. Une prolifération intervient alors,
avec un tissu hypertrophique, l’inflammation « mangeant » le cartilage et l’os, ce qui détruit l’articulation.
Le phénomène est donc différent de celui de l’arthrose.
Lorsque le tendon est atteint, on parle de tendinite.
Si l’os est atteint, cela peut entraîner une ostéoporose. L’os
est un organisme vivant, comportant des travées protéiques
formant une trame. Lorsque ces travées sont atteintes, l’os
devient plus fragile. Il existe plusieurs autres types d’atteintes osseuses mais l’ostéoporose est la plus connue.
Lorsque le muscle est atteint, on parle de myopathie, de
myosite, etc.
6
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Les pathologies « mécaniques »
Les pathologies inflammatoires
On distingue quatre catégories principales de pathologies
inflammatoires :
• Les maladies systémiques et les connectivites
C’est dans cette première catégorie que l’on retrouve
toutes les pathologies rhumatologiques importantes, en
premier lieu la polyarthrite rhumatoïde. Elle est très fréquente et se caractérise par son importance en termes
de handicap, de pronostic et de prise en charge. La
connectivite correspond quant à elle, à une atteinte du
tissu conjonctif.
Les spondylarthropathies représentent le deuxième grand
type de pathologies. C’est un terme général qui englobe
la spondylarthrite ankylosante ou pelvispondylite rhumatismale, les entéro-colopathies etc.
Nous ajouterons aussi dans cette liste le lupus, une
pathologie complexe et donc très difficile à apprécier en
risque aggravé.
On rencontre également d’autres pathologies telles que
la fibromyalgie. Même s’il n’est pas prouvé que cette
maladie fasse partie des pathologies inflammatoires,
SCOR Global Life traite de plus en plus de dossiers concer-
nant des cas de fibromyalgie, également délicats en
termes d’évaluation. En effet, cette pathologie entraîne
une invalidité et une incapacité majeures sans nécessairement engager le pronostic vital.
des hémopathies qui peuvent atteindre les os. Les
tumeurs osseuses primitives, elles, partent des cellules
osseuses. Elles peuvent être bénignes ou malignes. Les
métastases osseuses sont des tumeurs secondaires.
• Les rhumatismes métaboliques ou micro-cristallins
Les syndromes paranéoplasiques sont des cancers qui
créent des manifestations osseuses ou articulaires sans présence de cellule cancéreuse au niveau des os ou des articulations. Ce sont des manifestations annexes au cancer.
Il s’agit de rhumatismes qui sont en rapport avec des
dépôts de cristaux dans les articulations. On pense classiquement à la goutte, la plus connue du public étant la
goutte du gros orteil.
La chondrocalcinose articulaire consiste en des dépôts
de cristaux de pyrophosphate de calcium dans l’articulation et qui peuvent donner des douleurs articulaires, des
arthrites.
L’hémochromatose correspond à une surcharge en fer
dans l’articulation.
• Les pathologies infectieuses
Les microbes peuvent atteindre toutes les parties de l’organisme, y compris les os et les articulations. Lorsqu’un
microbe ou un germe atteint une articulation, de façon
iatrogène, suite à un geste intempestif ou en raison d’un
terrain particulier, cela peut se traduire par des arthrites
septiques.
Au niveau de la colonne vertébrale, les germes peuvent
atteindre les disques intervertébraux et les vertèbres sus
et sous-jacentes. On parle alors de spondylodiscites.
Le germe peut atteindre les os en eux-mêmes, ce sont
les ostéites infectieuses.
La maladie d’Osler est une maladie particulière, à laquelle
les cardiologues sont régulièrement confrontés. Avec
cette maladie, les germes se localisent au niveau des
valves cardiaques. Des manifestations rhumatologiques
peuvent alors se produire, par des emboles septiques ou
d’autres phénomènes.
• Les pathologies tumorales
Les tumeurs et les cancers peuvent également atteindre
les os. Le myélome est une hémopathie particulière provoquant la sécrétion anormale d’une immunoglobuline
(protéine sanguine) qui attaque l’os. Les leucémies sont
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
7
L’arthrose aujourd’hui :
les nouveaux concepts
Pr Francis Berenbaum • Hôpital Saint-Antoine, Paris
L’arthrosique typique est une personne âgée qui se
plaint de douleurs auprès de son médecin. Ce dernier lui
explique généralement que « c’est l’âge », que ses articulations sont usées, puis il lui prescrit un anti-inflammatoire. Imaginez-vous à la place du patient : vous apprenez
que c’est la fin, que vous êtes victime de la vieillesse, que
la médecine ne peut pas grand-chose pour vous et vous
vous résignez à prendre un anti-inflammatoire. Tout ceci
ne contribue pas beaucoup à vous remonter le moral.
C’était pourtant la façon dont on voyait les choses il y a
une dizaine d’années, mais cette vision traditionnelle est
en plein bouleversement. Cette maladie, auparavant laissée de côté dans l’enseignement parce que l’on n’avait
pas beaucoup à dire à son sujet par rapport à d’autres
pathologies comme la polyarthrite rhumatoïde ou les
connectivites, est aujourd’hui reconsidérée suite à de
nombreuses avancées.
des formations nodulaires déformant les articulations,
avec des conséquences inesthétiques et douloureuses. En
cas de déformation trop prononcée, cela peut aller
jusqu’au handicap avec une difficulté pour tenir les objets.
Dans ce cas, il n’y a plus de pincement : le cartilage est
détruit, et on voit apparaître des ostéophytes ou des
géodes, des « trous », dans l’os.
L’autre localisation constante de l’arthrose est la colonne
vertébrale : à partir de trente-cinq ans, 100 % des patients
sont concernés par l’arthrose au niveau de la colonne
vertébrale. Le rachis cervical est touché dans tous les cas,
alors que pour certains le segment lombaire est indemne.
L’arthrose se caractérise par des ostéophytes, des becs
de perroquet et une condensation de l’os.
2
1
L’arthrose du XXIe siècle
Rappel sur l’arthrose
L’arthrose est un pincement de l’articulation. Sur la
radiographie ci-après, on constate qu’il n’y a plus d’interligne articulaire [ 1 ]. De plus l’os se condense et l’on voit
apparaître des constructions osseuses, les ostéophytes. Si
on ouvre l’articulation, le genou par exemple, on peut
trouver un reste de cartilage sain mais l’arthrose se caractérise essentiellement par la destruction cartilagineuse.
L’arthrose atteint plus particulièrement les membres inférieurs, le genou et la hanche, et la main pour ce qui est
des membres supérieurs. Une forme particulière d’arthrose
est celle des inter-phalangiennes distales, qui aboutit à
1
8
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Deux dogmes relatifs à l’arthrose sont en train de s’écrouler.
A
Premier dogme : l’arthrose est « la maladie
du vieux »
En 1933, on pouvait dire que l’arthrose était aux articulations ce que les rides sont à la peau, ou encore les cheveux blancs au scalp. Ce n’est plus vrai parce que la
population vieillit [ 2 ] et l’arthrose commence toujours au
même âge. Cependant, la notion de vieillesse est une
donnée sociologique. Etre âgé de soixante-cinq ans en
1930 signifiait peut-être être vieux, mais ce n’est plus le
2
Vieillissement de la population
22%
20%
2,4%
18%
2,1%
16%
2,0%
14%
12%
10%
2,0%
1,4%
4,3%
8%
1,7%
1,9%
4,5%
4,5%
4,3%
6,6%
6,4%
7,0%
2000
2005
2010
1,5%
7,1%
6,8%
4,8%
4,2%
6%
4%
5,8%
8,5%
9,7%
10,6%
10,8%
2020
2025
2030
2%
0%
1996
65 à 74 ans
2015
75 à 84 ans
85 ans et plus
% de la population au dessus de 65 ans et prévision jusqu’en 2030
cas à notre époque. Aujourd’hui à soixante ans on profite
de ses petits-enfants, on voyage etc. Or l’arthrose commence à la soixantaine et culmine à soixante-dix ans. Il
n’est donc plus possible de dire que l’arthrose est une
« maladie de vieux » et expliquer à ces patients que c’est
parce qu’ils sont vieux qu’ils souffrent. Certes il s’agit
d’une maladie liée à l’âge mais on ne peut plus se contenter de cette vision fataliste, tant pour le patient en termes
de ressenti que pour le médecin dans sa façon d’aborder
le problème.
Le pic de prévalence de l’arthrose se situe à soixante-cinq
ans. Les Anglo-saxons, qui observent de façon pragmatique que des articulations peuvent parfois être inflammatoires et douloureuses et que l’os peut être touché,
ne parlent pas d’arthrose mais « d’ostéo-arthrite ». Si l’on
se projette jusque dans les années 2030 aux Etats-Unis,
les individus âgés de 65 à 74 ans représenteront 11 % de
la population en 2030, contre 6,6 % aujourd’hui. Nous
savons que nous dirigeons vers un véritable vieillissement
de la population. Nous n’avons pas de données aussi
précises pour les autres pays développés mais on peut
penser que le phénomène sera identique.
B
Deuxième dogme : l’arthrose est due à l’usure
du cartilage
Lorsque l’on parle d’usure, on parle d’une altération qui
paraît extrêmement passive. L’usure naît naturellement
du frottement répété sur n’importe quelle matière,
vivante ou non. Ainsi présentée, elle est inévitable et
l’on ne peut rien contre ce phénomène dégénératif. Ce
dogme est totalement remis en cause.
En 1920, on considérait que l’arthrose était une maladie
d’usure du cartilage. Francis Broussais a dit que « tout
tissu qui ne répond pas par l’inflammation aux causes
d’irritation ou de destruction qui agissent sur lui peut
être considéré comme n’étant pas doué de vie ». On dit
d’un tissu qu’il est inflammatoire lorsqu’il est capable
d’exprimer un certain degré d’inflammation. Le cartilage
est un tissu qui n’est pas vascularisé et qui, par conséquent, ne peut pas manifester son inflammation. Cepen-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
9
L’arthrose aujourd’hui : les nouveaux concepts
dant, le cartilage est bien capable d’exprimer un certain
degré d’inflammation telle qu’on la définit aujourd’hui.
Pour désigner l’arthrose, on a également parlé de « rhumatisme chronique sénile » ou de « rhumatisme chronique dégénératif ».
C
ration d’os) se créent ainsi que des géodes (des trous),
sous le cartilage, dans l’os sous-chondral. Il s’agit de fissures qui atteignent d’abord le cartilage puis l’os, faisant
office de clapet : le liquide synovial rentre, remplit une
petite cavité mais ne peut pas sortir, ce qui finit par creuser un trou. C’est ainsi que l’on explique aujourd’hui les
géodes que l’on peut observer.
Définition de l’arthrose
L’arthrose est une perte de cartilage, mais pas uniquement. Les chercheurs s’intéressent maintenant au tissu
synovial car l’arthrose se caractérise également par un
certain degré d’inflammation synoviale, qui n’a rien à
voir avec la polyarthrite rhumatoïde. Ils étudient également de plus en plus l’os.
Le cartilage est normalement une surface lisse, qui peut
se fissurer dans sa partie superficielle. Ce tissu est constitué de cellules, les chondrocytes, ce qui lui confère un
caractère de tissu vivant. Les chondrocytes, qui sont enchâssés dans la matrice cartilagineuse, ont tendance à se
regrouper en amas au bord des fissures ; on a même
l’impression qu’ils se multiplient, ce qui semble traduire
une sorte de réaction. Malheureusement, cette réaction
ne paraît pas suffisante. En effet, le cartilage se détache
et des fragments tombent dans la cavité articulaire. L’inflammation apparaît au microscope lorsque l’on examine
le tissu synovial, sous la forme de foyers bleus qui correspondent à des cellules inflammatoires. Il s’agit de lésions
focales avec un certain degré d’inflammation.
Un autre élément caractéristique de l’arthrose concerne
les modifications osseuses [ 3 ]. Des ostéophytes (prolifé-
Le cartilage est un tissu très sucré, en raison des nombreuses glycoprotéines qui le composent et qui accroissent sa capacité à conserver les molécules d’eau. Le cartilage plein d’eau est doté de bonnes propriétés
mécaniques. En effet, il a besoin d’être extrêmement
efficace du point de vue biomécanique afin d’effectuer
plusieurs milliers de mouvements par jour. Avec l’arthrose, le cartilage perd des protéines riches en sucre et
le collagène de type 2, qui constitue la trame du cartilage,
se modifie pour devenir un collagène d’un type autre et
d’une qualité moindre. Ces phénomènes génèrent une
matrice de mauvaise qualité qui rend l’ensemble plus
fragile face à une agression mécanique.
Le deuxième élément important à observer est la dégradation de la matrice qui diminue en raison d’un processus
de destruction très actif : la synthèse d’enzymes par les
chondrocytes. Ces cellules se mettent à synthétiser des
enzymes qui affaiblissent la matrice. On passe ainsi d’un
système extrêmement passif à un système très actif ; la
dégradation de la matrice n’est pas la conséquence d’une
usure mais d’une activité accrue des chondrocytes. On
peut alors parler d’inflammation, si l’on définit celle-ci
comme l’augmentation d’activité d’un tissu.
3
Os et arthrose
Sclérose de l’os sous-chondral - Ostéophytes
10
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Géodes sous-chondrales
4
Dégradation du cartilage
Cytokines
ROS
Composants matrice
Stress mécanique…
Médiateurs
pro-dégradatifs
Voies de signalisation
inductibles
Chondrocyte
Régulations transcriptionnelles
et post-transcriptionnelles
MMPs
Prostaglandines
Cytokines
NO
ATP…
(MB. Goldring & F. Berenbaum, Clin Orthop Relat Res)
On a découvert qu’il existe un déséquilibre de synthèse
à l’origine de l’arthrose. Dans un cartilage sain, on observe un équilibre entre les facteurs anaboliques pour la
fabrication de matrice et les facteurs cataboliques pour
la destruction de celle-ci. L’arthrose provoque un déséquilibre en faveur des facteurs cataboliques. Il y a alors
davantage d’enzymes destructeurs de matrice que de
facteurs anaboliques capables d’en fabriquer à nouveau.
Les chercheurs se sont demandé pour quelle raison les
chondrocytes se mettaient à synthétiser plus de ces
enzymes, appelées métalloprotéases (MLP). Si le chondrocyte se met à fabriquer plus de MLP, c’est parce qu’il
reçoit une information au niveau de sa membrane cellulaire. Ensuite, en appuyant sur un bouton -le récepteur-,
toute une cascade de signalisation se met en marche depuis la membrane jusqu’au noyau, où se situe la bibliothèque de tous nos gènes [ 4 ]. Pour qu’une synthèse de
protéine puisse avoir lieu, il faut que le livre soit pris
dans la bibliothèque puis lu. La pression sur le bouton
enclenche un processus qui aboutit à sortir le livre de la
bibliothèque afin qu’il soit lu. C’est ce livre qui permet
la synthèse. Cette signalisation intracellulaire aboutit à
une augmentation de synthèse de MLP. Nous savons
aujourd’hui ce qui appuie sur le bouton : il s’agit notamment des cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL1
(interleukine 1) ou le TNF (tumor necrosis factor). D’autres
éléments interviennent également, qui constituent différents types de boutons-poussoirs. Ces aspects sont
importants sur le plan thérapeutique, car si l’on empêche
les molécules de communiquer entre elles, on peut éviter
la synthétisation des MLP ; si l’on inhibe les enzymes, on
peut empêcher la dégradation du cartilage ; si l’on
empêche d’appuyer sur le bouton, la signalisation intracellulaire ne se fait pas, etc. Nous entrevoyons ici les
différentes cibles thérapeutiques de l’avenir.
D
Initiation du processus arthrosique
Il existe deux hypothèses à ce sujet. Une première approche concerne le stress mécanique, une surcharge sur
un cartilage normal qui finit par se dégrader. L’obésité
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
11
L’arthrose aujourd’hui : les nouveaux concepts
– facteur de risque majeur de la gonarthrose – est clairement l’exemple d’un stress mécanique avec un surpoids
constant appuyant sur le cartilage du genou. Le genu
varum ou le genu valgum, déformations au niveau des
genoux, sont d’autres cas de stress mécanique exercé
sur le compartiment externe ou interne selon le cas.
Pour passer d’une arthrose asymptomatique à une arthrose symptomatique, un élément déclencheur intervient nécessairement. 50 % des patients souffrant par
exemple de gonarthrose vont ressentir une douleur et
seuls 10 ou 15 % finiront peut-être par consulter un médecin.
Bien que l’on évoque un stress mécanique et une surcharge, on ne peut pas pour autant parler d’usure. Le
stress mécanique joue effectivement un rôle dans l’activation des chondrocytes. Certains récepteurs situés à la
membrane du chondrocyte sont capables de répondre
au stress mécanique. En cas de surcharge, ces récepteurs,
les intégrines, viennent provoquer la cascade de signalisation dans la cellule qui se met ensuite à synthétiser
plus d’enzymes. C’est la surcharge qui donne un signal à
la cellule pour qu’elle se mette à fabriquer les enzymes
qui dégradent la matrice. Ce phénomène peut s’étudier
en laboratoire en prélevant des morceaux de cartilage
que l’on comprime afin de voir de quelle façon s’activent
les cellules.
Une étude de Michel Lequesne, réputé pour ses travaux
sur l’arthrose de hanche, a observé que sur 100 % de la
population, 60 % souffriront d’une arthrose anatomique,
30 % d’une arthrose radiologique, 15 % d’une arthrose
symptomatique et 5 % seulement consulteront.
La deuxième hypothèse de l’initiation du processus arthrosique est celle d’un cartilage anormal. Il s’agit à la
base d’un cartilage qui n’est pas de bonne qualité. On
évoque alors une cause génétique. Dans le cas de l’arthrose des mains, la surcharge est rare et ne concerne
que quelques professions (couturières) ou certains peuples (les Chinois, qui utilisent des baguettes pour manger). Pour expliquer l’arthrose digitale, l’élément génétique n’est pas connu mais une susceptibilité génétique
existe. On a également remarqué que les patients atteints
d’arthrose digitale souffraient également d’arthrose de
hanche ou de genou.
L’arthrose symptomatique est l’association d’une arthrose
anatomique, d’une douleur et éventuellement d’un handicap lié à la destruction articulaire. Cette notion de handicap est importante. Aux Etats-Unis, l’arthrite ou le rhumatisme représentent 17 % des causes de handicap et
13,5 % des lombalgies, ce qui est très nettement supérieur
aux autres causes de handicap. Le handicap locomoteur
est un handicap majeur comparativement à d’autres handicaps possibles. En outre, plus les patients avancent en
âge et plus les handicaps s’accumulent. Si l’on distingue
les handicaps les uns des autres, on constate que nous
sommes, avec l’arthrose, face à un véritable problème
de santé publique.
Les conséquences de l’arthrose sont considérables en
termes de nombre de jours d’alitement ou de jours d’arrêt de travail engendrés.
5
Biomécanique
[5]
Pour schématiser , l’activation du chondrocyte aboutit
à une matrice altérée par la synthèse de MLP. On peut
parler de pathologie mécanique, mais pour autant, ce
facteur mécanique n’aboutit pas à une maladie dégénérative mais une maladie réellement active. Certaines molécules sont capables d’activer le chondrocyte : les cytokines, en particulier l’IL1 pour le cartilage. Le facteur
génétique intervient également sur la fragilisation du
cartilage.
La génétique de l’arthrose est encore un domaine peu
connu mais de nombreuses équipes explorent ce sujet à
travers le monde.
12
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Génétique
Cytokines
Activation
chondrocyte
Matrice altérée
Arthrose anatomique
Prothèse totale de genou, par année : projection sur la population
féminine américaine jusqu’en 2030
6
300 000
274.000
Effet du veillissement
de la population
250 000
204.000
Effet de l'augmentation
de la population
200 000
150 000
100 000
basé sur une répartition âge et sexe constante (1996)
basé sur les prévisions d'âge et sexe du Census Bureau
50 000
0
1996
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
On peut mesurer l’importance du handicap par la fré-
Si une radio fait apparaître une arthrose asymptoma-
quence de la mise en place d’une prothèse totale. L’ac-
tique, cela signifie-t-il que le patient risque davantage
ceptation de la pose d’une telle prothèse suppose en ef-
d’évoluer vers une arthrose grave aboutissant à la pro-
fet que le patient souffre d’un handicap majeur. Or on
thèse ou à la dépendance, qu’une personne présentant
constate une augmentation de la mise en place de pro-
une arthrose symptomatique avec le même degré ana-
thèses totales de genou chez les plus de soixante-cinq
tomique de destruction ? Certains travaux apportent des
ans [ 6 ]. C’est une bonne et une mauvaise nouvelle : les
éléments de réponse.
chirurgiens n’hésitent plus à mettre en place de telles
prothèses, mais la fréquence augmente en raison du
Une étude de 1999 sur la pose d’une prothèse totale à
vieillissement de la population. Les projections pour 2030
trois ans a révélé que le fait d’avoir mal (plus de cin-
sur la population américaine prouvent cette tendance.
quante sur une échelle de cent d’évaluation visuelle analogique de la douleur) multiplie par près de deux le
[7]
. Le
risque de mise en place d’une prothèse totale de hanche
nombre de mises en place de ces prothèses aux Etats-Unis
ou de genou. Une étude récente va exactement dans le
va pratiquement doubler d’ici 2030. On peut imaginer que
même sens pour la coxarthrose et c’est également vérifié
les autres pays développés suivront à peu près le même
pour la gonarthrose. Un patient qui a mal au genou et
schéma.
dont la radio révèle une arthrose, a effectivement plus
Il en va de même pour la prothèse totale de hanche
de risque de se voir poser une prothèse dans les trois
Comment faire la corrélation entre ce qui est anatomique
ans. Une arthrose radiologique découverte lors d’un bilan
et ce qui est symptomatique ?
de santé peut évoluer vers une arthrose plus grave mais
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
13
L’arthrose aujourd’hui : les nouveaux concepts
Prothèse totale de hanche, par année : projection sur la population
féminine américaine jusqu’en 2030
7
160 000
143.000
140 000
120 000
105.000
100 000
Effet du veillissement
de la population
Effet de l'augmentation
de la population
80 000
60 000
basé sur une répartition âge et sexe constante (1996)
basé sur les prévisions d'âge et sexe du Census Bureau
40 000
20 000
0
1996
2000
2005
2010
2015
le risque est moindre que dans le cas où l’arthrose est
découverte suite à l’apparition de douleurs.
Il est difficile d’expliquer ce phénomène. Une première
méthode consiste à comparer les patients souffrant d’arthrose symptomatique aux autres à l’aide de l’IRM, afin
de détecter des signes pouvant permettre de comprendre
pourquoi les patients ont mal. Une étude a été menée
en ce sens pour comparer deux populations souffrant
d’arthrose, l’une avec douleur et l’autre sans. On a ainsi
pu déceler des anomalies dans l’os sous-chondral
(œdème) plus fréquentes chez les patients qui souffrent.
Il ne s’agit cependant que d’une étude, une IRM n’étant
pas prescrite habituellement pour une arthrose. Il est
donc nécessaire de comprendre pourquoi les patients
souffrent, et cela a permis de réaffirmer qu’il faut s’intéresser à l’os pour une bonne compréhension des phénomènes douloureux de l’arthrose.
14
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
2020
2025
2030
3
Le traitement
Le traitement d’aujourd’hui est différent de ce qu’il sera
en 2020. Une véritable révolution, semblable à celle qu’a
connue la polyarthrite rhumatoïde entre 1990 et 2000,
est actuellement en cours.
Aujourd’hui, il existe deux types de traitements : le traitement non médicamenteux et le traitement médicamenteux.
• Le traitement non médicamenteux
Il consiste à faire en sorte que les patients conservent
une activité physique correcte. Une activité régulière
aide à lutter contre les autres handicaps éventuellement
associés auxquels il faut prêter attention. Les exercices
physiques ont un intérêt majeur pour conserver une certaine qualité de l’articulation. Cet intérêt a été démontré
essentiellement en termes de qualité de vie, plus qu’en
termes de douleur. Comme pour la polyarthrite rhumatoïde, il existe des traitements de fond et des traitements
symptomatiques. Il n’existe pas d’autre traitement de
fond de l’arthrose que l’exercice physique.
• Le traitement médicamenteux
Il existe plusieurs types de traitements symptomatiques
médicamenteux : les antalgiques, les anti-inflammatoires,
les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente
(Chondrosulf®, glucosamine sulfate, etc.) qui sont pratiquement aussi peu anti-arthrosiques que le paracétamol.
Aujourd’hui, leur prescription est liée à la présence de la
douleur. On ne peut pas parler de traitement antiarthrosique.
Le traitement médicamenteux est d’action lente et
quelques semaines sont nécessaires avant qu’il ne se
mette à agir. Il possède en outre un effet rémanent pendant quelques semaines en cas d’arrêt. Quoiqu’en dise
le marketing aujourd’hui, il s’agit d’un traitement symptomatique. Des études très intéressantes sont menées
qui pourraient montrer un léger effet sur la dégradation
du cartilage, mais leurs résultats sont pour l’instant
controversés.
l’amaigrissement est efficace, mais certains sports doivent
être évités. Ainsi, un patient atteint de coxarthrose ou de
gonarthrose devra éviter les sports de piste (basket, volley,
athlétisme) à un trop haut niveau, alors que le vélo et la
natation ne posent pas de problème. Il existe en outre
une liste de maladies professionnelles associées à l’arthrose : le carreleur souffre d’arthrose fémoro-patellaire,
les outils vibrants provoquent l’arthrose du coude.
Nous sommes déjà passés de l’ère de la maladie dégénérative liée à l’usure et traitée par des analgésiques à des
traitements pluridisciplinaires de l’arthrose, comme il en
existe pour la polyarthrite rhumatoïde par exemple. Le
traitement de l’arthrose doit être appréhendé de différentes façons.
Les laboratoires pharmaceutiques tentent aujourd’hui
de découvrir des molécules capables d’arrêter la cascade
vicieuse qui aboutit à la dégradation du cartilage, par
différents biais comme les anti-cytokines. On commence
à s’approcher des médicaments utilisés par la polyarthrite
rhumatoïde. Les traitements anti-TNF font fureur dans
la polyarthrite rhumatoïde en ce moment, à juste titre.
Pour l’arthrose, un essai est en cours qui consiste à injecter de l’anti-IL1 dans l’articulation, ce que personne n’aurait cru possible il y a vingt ans.
Il existe d’autres traitements symptomatiques :
• les traitements locaux, sous forme d’injections intraarticulaires de corticoïdes, efficaces dans les arthroses
inflammatoires avec épanchement articulaire, réveils
nocturnes ou raideur matinale, ou sous forme d’injection
d’acide hyaluronique, traitement symptomatique considéré comme efficace par les rhumatologues et qui constitue une alternative qui peut parfois être intéressante si
les traitements précédents ne sont pas suffisants ;
• la physiothérapie (massages) peut également rendre
service, avec par exemple la rééducation du muscle
vaste interne de la cuisse pour l’arthrose fémoropatellaire ;
En 1973, Stanislas de Sèze, l’un des grands noms de la rhumatologie française, s’interrogeait en ces termes : « toutes ces
hypothèses encore fragiles vont-elles un jour déboucher sur un
progrès dans la thérapeutique anti-arthrosique qui, reconnaissons-le, en aurait bien besoin ? Il faut convenir en effet que
depuis un demi-siècle, la thérapeutique médicale de l’arthrose
est demeurée misérable. Pourquoi le rêve de régénérer le cartilage
arthrosique ne deviendrait-il pas un jour réalité, à l’heure où,
des deux côtés de l’Atlantique, la biochimie enzymatique occupe
l’activité des chercheurs les plus avisés ? L’espoir de voir sortir
du cerveau et des alambics des alchimistes modernes une thérapeutique capable de régénérer le cartilage arthrosique n’apparaît
pas plus déraisonnable que ne l’était il y a vingt ans l’espoir de
voir un homme marcher sur la lune ». Stanislas de Sèze s’est
montré très clairvoyant. Il aura certainement fallu plus de temps
qu’il ne l’espérait, mais la recherche avance.
• le dernier des divers moyens utilisés est la prothèse
totale.
Il ne faut pas oublier les traitements de la cause, en particulier l’obésité. Une très bonne étude a montré que
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
15
L’arthrose aujourd’hui : les nouveaux concepts
Questions
Réponses
neau et les données sont devenues difficiles à obtenir. Il est possible aujourd’hui d’envoyer des fragments de cartilage à cette société qui se charge de
multiplier les chondrocytes des demandeurs puis
de leur renvoyer pour utilisation, bien que cette
technique soit encore très « acrobatique ».
« Où en est la recherche sur la greffe de cartilage
comme traitement de l’arthrose ? »
Pr Francis Berenbaum
L’idée est simple puisqu’il s’agit de « boucher les
trous » qui affectent le cartilage. Une équipe suédoise a réalisé une étude sur ce thème. Ayant prélevé du cartilage dans une zone non portante, elle
en a extrait les chondrocytes puis les a cultivés. Ensuite, elle a récupéré un culot de cellules chondrocytaires, capables de fabriquer de la matrice cartilagineuse, et les a positionnées dans le trou
cartilagineux. Puis elle a utilisé de l’os pour boucher
le trou sur le cartilage afin d’éviter que les cellules
s’échappent. A terme, l’os finit par disparaître et
les cellules ont eu le temps de fabriquer de la matrice pour combler le trou. L’idée est intéressante,
intelligente et a abouti à une belle publication
montrant le bouchement du trou. Mais les patients
choisis ne souffraient pas du tout d’arthrose. Il
s’agissait de jeunes patients ayant subi un traumatisme et dont tout le cartilage était sain, à l’exception de l’endroit où se situait le trou, à cause du
traumatisme. Pour plusieurs patients, cela a donné
des résultats positifs mais sans groupe contrôle.
On ignore ce qu’il serait advenu si le trou n’avait
pas été bouché. En outre, l’étude remonte à plusieurs années et il est difficile de savoir ce que sont
devenus les patients ou ce que deviennent les nouveaux patients traités de cette manière. Une entreprise de biotechnologie s’est lancée sur ce cré-
16
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Dans l’arthrose, le reste du cartilage n’est pas sain.
Les recherches en matière de greffe sont nombreuses. Mais aujourd’hui, il est difficile de contourner le problème qui réside dans le fait que le cartilage périphérique n’est pas sain. On tente de mieux
comprendre le chondrocyte pour voir s’il est possible de le modifier lorsqu’il est malade et ne peut
plus fabriquer suffisamment de matrice. La thérapie cellulaire permet de mieux comprendre comment cette cellule se différencie. Il existe des pistes
mais on ne peut pas encore parler de greffes de
cartilage efficaces dans l’arthrose.
« Les diabétiques ont-ils moins d’arthrose que les
autres ? Peut-on imaginer d’injecter du sucre dans
le cartilage ? »
Pr Francis Berenbaum
C’est une question que l’on commence à se poser
mais pour d’autres raisons. Les diabétiques, comme
le cartilage arthrosique, fabriquent des produits
finaux de glycation, sucrés, qui s’accumulent à certains endroits et qui ont la capacité d’activer le
chondrocyte. Une étude épidémiologique sur la
fréquence de l’arthrose chez les diabétiques comparativement aux non diabétiques est en cours.
L’arthrose et la
tarification du risque
Dr Dominique Lannes • Médecin-conseil - SCOR Global Life
Nous allons aborder l’évaluation du risque de l’arthrose en assurance, avec tout d’abord le cas d’un jeune
proposant souffrant d’une arthrose unique, localisée uniquement à l’articulation métatarso-phalangienne. L’assureur et le réassureur ont dû faire face à un sinistre de
plusieurs millions d’euros. De quel type de dossier étaitil question ? Il s’agissait d’un footballeur professionnel
appartenant à une grande équipe, qui avait dû trop stimuler ses chondrocytes à force de taper dans le ballon.
Ce stress mécanique répété a eu pour conséquences des
difficultés pour courir et donc pour jouer au football.
Cet exemple montre que l’arthrose peut entraîner des
incapacités.
Nous aborderons les grandes règles de tarification. Cependant, il existe des cas particuliers pour lesquels il est
nécessaire de faire du sur-mesure, en faisant appel à l’expérience, notamment dans les cas d’arthrose inhabituelle
par leur localisation, leur intensité, et qui sont à relier à
l’activité et/ou à la profession.
Précisons que les douleurs dorsolombaires (atteinte de
la colonne vertébrale pouvant être d’origine arthrosique)
sont la deuxième principale cause d’arrêt de travail.
1
ne figure pas sur la liste des maladies devant être prises
en charge à 100 %*. Si le médecin ou le proposant indique
que l’arthrose est couverte à 100 %, c’est qu’il s’agit d’une
arthrose grave ou invalidante. Si la personne est en invalidité pour arthrose, cette arthrose est probablement déjà
sévère, de même si elle entraîne la prise continue et majeure d’antalgiques ou d’AINS, ou si une prothèse articulaire est déjà en place ou prévue. Dans ces différents cas,
nous tarifons un léger sur-risque de 25 %.
Deux exemples pour mieux comprendre la raison de ce
sur-risque.
Le premier concerne un individu qui déclarait une arthrose couverte à 100 %. Il s’agissait d’une arthrose rachidienne, avec un canal lombaire étroit, qui comprimait
lentement la moelle épinière, entraînant une paraplégie
progressive.
Au niveau IAD, le risque était certain et son arthrose
était prise en charge à 100 %.
Le second exemple concerne un individu déclarant souffrir d’une coxarthrose opérée par prothèse de hanche.
Son opération a donné lieu à une infection nosocomiale
et a nécessité une nouvelle intervention.
En conclusion, on peut qualifier le plus souvent le risque
de normal.
L’évaluation du risque en Décès / IAD
Nous nous sommes posé une question simple : le fait de
souffrir d’arthrose constitue-t-il un sur-risque en termes
de mortalité ? Avoir des cartilages usés, ou avoir subi de
très nombreux stress mécaniques qui ont stimulé les chondrocytes au niveau des cartilages peut-il être corrélé à
une usure plus générale de l’organisme et donc à une
surmortalité accrue ? Apparemment, aucune étude n’a
montré que les arthrosiques, à âge égal, avaient une mortalité supérieure aux non arthrosiques. Cela étant, l’arthrose augmente avec l’âge, tout comme la mortalité.
A priori, dans le cas d’un proposant souffrant d’arthrose
(coxarthrose ou gonarthrose), le risque est normal dans
la majorité des cas. On peut parfois noter une surmortalité, notamment si le proposant déclare une arthrose couverte à 100 % par la sécurité sociale, car cette pathologie
2
L’incapacité et l’invalidité
Les douleurs dorsolombaires sont à l’origine d’un grand
nombre d’arrêts de travail en France. Dans la plupart des
cas, l’exclusion est de mise. Cela n’est pas satisfaisant
mais nous n’avons pas trouvé mieux pour l’instant. Nous
faisons tout pour accepter les proposants en incapacité
à des tarifs raisonnables. Nous connaissons les limites de
l’exclusion mais il faut bien admettre qu’elle doit intervenir assez souvent dans le cas de l’arthrose.
* Le système d’assurance maladie français prend totalement en charge les frais de santé liés à certaines
maladies nécessitant un traitement prolongé et coûteux. Ces maladies appelées « affections longue
durée » sont répertoriées sur une liste précise, mais des patients peuvent obtenir des prises en charge
à 100 % pour des maladies hors liste particulièrement graves.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
17
L’arthrose et la tarification du risque
Si l’arthrose est prise en charge à 100 % par la Sécurité
Sociale française, si la personne est déjà en invalidité pour
arthrose, et s’il y a prise continue d’antalgiques majeurs
ou d’AINS pour l’arthrose, la prudence veut que nous refusions ces proposants pour l’incapacité et l’invalidité.
L’exclusion (le cas le plus fréquent) doit être claire, non
ambiguë, compréhensible par le proposant, limitée et
formelle. Elle doit véritablement « sauter aux yeux » du
proposant qui doit la comprendre. En cas de sinistre, il
faut éviter les litiges et les conflits d’experts, ce qui n’est
pas toujours facile.
A titre d’exemple, si un proposant déclarait une arthrose
rachidienne, nous proposerions l’exclusion de « toute atteinte dégénérative disco-vertébrale, lombo-sacrée, cervicale, ou dorsale selon la localisation, ses suites et conséquences ». Cette exclusion a le mérite de prendre en
compte les disques inter-vertébraux et les vertèbres. Cependant le terme « dégénérative » est susceptible de ne
pas être compris par un proposant, de même que « discovertébrale » aussi nous préférons l’exclusion suivante :
« A l’exclusion de toute atteinte de la colonne vertébrale
ou de toute atteinte para-vertébrale qui n’est pas due à
une infection, une tumeur ou une fracture, ses suites et
conséquences ». Dans ce cas, nous expliquons ce que
nous allons prendre en charge et nous excluons tout le
reste. Cette exclusion a le mérite d’être simple et compréhensible mais elle n’est pas applicable dans tous les
cas et ne peut éviter tous les litiges.
En cas d’arthrose du genou, l’exclusion peut concerner
« toute atteinte dégénérative du genou » ou « toute atteinte du genou qui n’est pas due à une infection, une
tumeur ou une fracture ». Cela a le mérite d’être simple,
limité et précis même si aucune exclusion n’est parfaite.
L’avenir et la jurisprudence nous diront si ces exclusions
sont correctes.
Le plus souvent donc, nous avons recours à une exclusion
et de temps en temps, au refus.
Avant d’aborder la tarification, prenons un autre cas : une
femme de trente-cinq ans déclare une polyarthrose diffuse
et est sur le point de se trouver en invalidité alors que ses
radios sont normales. De quelle pathologie s’agit-il ? Elle
est atteinte d’une fibromyalgie. La fibromyalgie n’a rien
à voir avec l’arthrose mais, de temps en temps, elle peut
18
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
apparaître sous le terme de polyalgie diffuse ou de polyarthrose, etc. Il s’agit généralement de femmes jeunes,
avec un environnement de fibromyalgie (traitements nombreux, hospitalisations, bilans et douleurs multiples…). Il
convient de se méfier de la fibromyalgie qui peut se cacher
derrière une polyarthrose.
La tarification demeure possible dans le cas d’arthrose plutôt diffuse, peu sévère, non invalidante, ne nécessitant pas
de prise en charge thérapeutique particulière. Le sur-risque
peut être de 25, 50, 75 %, etc. selon le type d’arthrose et
selon la profession exercée pour certains types d’arthrose
particulière. L’évaluation se fera au cas par cas.
3
La dépendance
En France, l’arthrose est présente dans de très nombreux
dossiers de contrats dépendance. Cela semble normal
dans la mesure où ces dossiers concernent des personnes
plutôt âgées. Pour la sélection du risque, tout commence
par un questionnaire médical simplifié rempli par le proposant. Si ce dernier déclare un traitement, une invalidité
ou une prise en charge à 100 %, il est alors nécessaire
d’obtenir un questionnaire médical rempli par le médecin. L’arthrose traitée est également concernée. Pour la
tarification dépendance de l’arthrose, on demandera au
médecin dans ce questionnaire si le patient est capable
d’accomplir les actes de la vie quotidienne (marcher, faire
les courses, etc.). Dès que l’on constate un trouble moteur,
surtout sur les membres inférieurs, le dossier est refusé.
Un individu qui déclare une arthrose et qui utilise déjà
une canne ne pourra donc être assuré en dépendance.
En fonction de la localisation de l’arthrose, du nombre
d’articulations touchées (mono, oligo, poly articulaire),
de l’existence d’une invalidité, d’une prise en charge totale des frais de santé par le système public d’assurance
maladie, d’une prothèse de hanche ou de genou prévue,
le risque ira d’un risque normal au refus, voire à l’ajournement si certaines informations sont manquantes. La
dépendance totale ou partielle pourra être accordée
pour les cas les moins graves. Dans les cas les plus graves,
la dépendance partielle ne sera pas accordée. Seule la
dépendance totale le sera.
Questions
Réponses
Dr John Evans
Nous assurons de nombreux footballeurs professionnels. Nous avons tendance à exclure l’articulation lorsque le ligament croisé antérieur, par
exemple, a été opéré. Pourtant, souvent, le joueur
reprend ensuite son activité professionnelle et
peut poursuivre sa carrière sans le moindre arrêt
de travail. Estimez-vous que l’exclusion puisse être
levée durant la durée de la carrière professionnelle
d’un footballeur ? Ou bien, une fois qu’il y a eu
une intervention sur un genou, considérez-vous
qu’il convient de conserver une réserve par rapport
à cette articulation ?
Dans le cas d’une arthrose du genou ayant abouti
à une exclusion, si l’individu se luxe le genou, estil pris en charge ou pas, sachant que vous ne parlez
dans l’exclusion proposée que de fracture, de tumeur ou d’infection ?
Dr Dominique Lannes
Le sinistre devrait en effet être pris en charge car il
n’est pas lié à l’arthrose, mais étant donné que la
luxation est un traumatisme et non une fracture,
il ne le sera pas. Lors de la rédaction de l’exclusion,
nous avons hésité entre les termes « fracture » et
« traumatisme ». C’est un sujet sensible puisque
nous voyons bien dans ce cas, qu’un assuré qui
subit un tel traumatisme ne serait pas pris en
charge alors qu’il le mériterait puisque celui-ci n’est
pas lié à l’arthrose. C’est la limite de l’exclusion
qui peut s’avérer injuste parfois. Nous continuons
de réfléchir pour intégrer le traumatisme.
Pr Francis Berenbaum
La question est très difficile. Tout dépend de la
qualité de l’intervention et de la possibilité ensuite
de conserver une articulation bien stable après
l’opération. Si le genou reste instable après l’opération, le risque d’arthrose persiste. En cas de méniscectomie, même partielle, le risque d’arthrose
augmente. En cas de rupture du ligament croisé
isolée, lorsque l’intervention répare les ligaments
et que l’articulation est stable, sans traumatisme
méniscal associé, on peut très bien imaginer alors
qu’il n’y aura pas d’évolution vers une arthrose.
Tout dépend de la possibilité ou non de conserver
une articulation très stable. Dès lors qu’un sportif
est professionnel, il y a hyper-utilisation de l’articulation par rapport à un sportif non professionnel,
ce qui complique les choses. A la base, le professionnel est déjà à risque. Après un traumatisme
sur un genou, tout dépend des séquelles et du
geste opératoire. Il est difficile de généraliser, il
faut s’en tenir au cas par cas.
Michel Dufour
L’objectif était d’être plus restrictif au niveau du
libellé de l’exclusion et d’être plus large au moment
de l’étude du sinistre.
Dr Dominique Lannes
Certes, mais si on prend l’exclusion au pied de la
lettre, en l’absence de fracture, il ne peut y avoir
de prise en charge.
Le raisonnement est-il le même pour un footballeur qui a été victime d’une rupture du ligament
croisé mais qui ne s’est pas fait opérer ? Des
études comparatives ont-elles été menées entre
genou opéré et non opéré ?
Pr Francis Berenbaum
Je n’ai pas eu connaissance d’études de ce type. En
revanche, j’ai lu beaucoup d’études sur les ménis-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
19
L’arthrose et la tarification du risque
cectomies. Il faut véritablement s’appuyer sur l’expertise de l’orthopédiste, seul à même d’évaluer si
l’articulation est stable ou pas du point de vue clinique. Pour un professionnel, il peut être nécessaire
d’aller plus loin dans l’évaluation de la stabilité. La
clé de l’arthrose du genou chez le sportif est la
stabilité.
Pourquoi utiliser l’expression « colonne vertébrale » dans l’exclusion plutôt que « colonne discovertébrale » ?
Dr Dominique Lannes
L’avantage d’utiliser les termes « colonne vertébrale » est que le proposant comprend ce que cela
signifie. Le Professeur Berenbaum nous a, lui aussi,
parlé de colonne vertébrale et il sait également ce
que cela signifie. Les disques font bien partie de la
colonne vertébrale… Nous avons réfléchi, sur la
base de la jurisprudence, à un concept compréhensible par le proposant et qui entraîne le moins
de litiges possibles. Nous sommes arrivés à la
conclusion qu’il fallait utiliser des termes très simples. La colonne vertébrale englobe selon nous
tout le rachis et les disques. On parle également
de « région paravertébrale ». Nous avons connu
un très grand nombre de sinistres dans lesquels
des douleurs lombaires se sont transformées en
douleurs paralombaires ou paravertébrales. Le
terme « région paravertébrale » permet de verrouiller ce point.
Pourquoi ne pas avoir envisagé une surprime plutôt qu’une exclusion ?
Dr Dominique Lannes
Il nous arrive de proposer des surprimes, plutôt
lorsqu’il s’agit d’arthrose diffuse et non grave. Dans
le cas d’une arthrose plutôt localisée, au genou ou
à la hanche, « l’idéal » est plutôt l’exclusion.
Michel Dufour
Il est vrai que ce type de demandes existe. On peut
toutefois se demander pour quelle raison l’assuré
préfère absolument payer une surprime plutôt que
d’accepter une exclusion. Il y a là matière à bien
étudier le dossier et à rapprocher tous les paramètres
(contexte professionnel, âge, environnement…).
20
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Cela soulève des interrogations. On peut donner
suite à cette demande dans quelques cas d’arthrose
très légère mais de notre point de vue de réassureur nous faisons preuve d’une méfiance indéniable vis-à-vis de ce type de demandes.
Dr John Evans
Il est possible de se protéger dans certains cas en
jouant sur la franchise. Plus la franchise est longue
avant le paiement des indemnités d’incapacité professionnelle, plus nous sommes prêts à examiner
la demande. Lorsque la franchise est très courte,
surtout lorsqu’il s’agit de professions manuelles ou
exposées, nous préférons l’exclusion.
Panoramique de la
polyarthrite rhumatoïde
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec • Service de Rhumatologie du Professeur Kahan - Hôpital Cochin, Paris
La polyarthrite est un rhumatisme inflammatoire
chronique, souvent grave et sévère, qui peut conduire à
l’invalidité s’il est négligé [ 8 ]. L’objectif est de diagnostiquer précocement la polyarthrite rhumatoïde pour proposer des traitements adaptés et éviter les destructions
ostéo-cartilagineuses et les déformations.
la membrane synoviale très vascularisée devient très
inflammatoire et sécrète un liquide synovial extrêmement inflammatoire. C’est une maladie inflammatoire
potentiellement très agressive [ 9 ].
2
1
Les différentes formes d’arthrite
Définitions
Les rhumatologues sont les spécialistes des maladies de
l’appareil locomoteur : os, articulations, muscles et tendons, et colonne vertébrale (les disques étant fréquemment atteints).
L’articulation est le point de rencontre de deux surfaces
osseuses recouvertes de cartilage. La cavité articulaire
est fermée par la membrane synoviale qui est très vascularisée. Elle sécrète le liquide synovial qui est très important puisqu’il lubrifie l’articulation. Autour, on trouve
les ligaments, les muscles et les tendons. Il existe deux
maladies de l’articulation : l’arthrose et l’arthrite.
Le suffixe « ite » indiquant une inflammation, l’arthrite
est donc une inflammation de l’articulation. L’arthrose
désigne la disparition du cartilage et l’arthrite une
inflammation de la synoviale (synovite). En cas d’arthrite,
8
Derrière l’arthrite se cachent de nombreuses maladies.
A
L’arthrite infectieuse ou septique
On distingue tout d’abord ce qui constitue la hantise du
rhumatologue, l’arthrite infectieuse. Il convient de toujours chercher à éliminer cette cause avant de parler d’arthrite d’autre nature. Lorsqu’un germe atteint une articulation, il va la détruire. Lorsqu’une articulation gonfle,
il faut systématiquement suspecter une arthrite infectieuse, et la faire ponctionner par un rhumatologue afin
d’éliminer la possibilité d’une infection. Parmi les arthrites
infectieuses, on peut citer la tuberculose, les sepsis à staphylocoques, à streptocoques, etc.
B
L’arthrite micro-cristalline
La deuxième cause d’arthrite se rencontre surtout chez
la personne très âgée. L’arthrite micro-cristalline prend
9
Os
Cartilage
Liquide
synovial
Membrane
synoviale
Lésion
du cartilage
Lésion
osseuse
Articulation normale
Articulation arthritique
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
21
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
naissance lorsqu’un corps étranger tel qu’un cristal de
calcium ou un cristal d’acide urique (goutte) s’introduit
dans une articulation.
Parmi les arthrites non infectieuses et non micro-cristallines, on trouve d’autres maladies telles que la polyarthrite rhumatoïde.
C
Le tabagisme est l’un des facteurs les plus intéressants :
on peut expliquer au patient que l’un des premiers trai11
La polyarthrite rhumatoïde
L’arthrite rhumatoïde n’est pas seulement une synovite.
Généralement, elle est associée à un épaississement et
une multiplication de la membrane synoviale qui envahit
la cavité articulaire : le pannus synovial [ 10 ]. L’arthrite est
une maladie polymorphe, qui peut se manifester par l’atteinte d’une seule articulation (monoarthrite rhumatoïde), de moins de cinq articulations (oligoarthrite rhumatoïde), ou de plus de cinq articulations (polyarthrite
rhumatoïde).
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie multifactorielle -déclenchée par plusieurs facteurs [ 11 ]. Elle survient
sur un terrain génétique particulier mais pour qu’elle se
manifeste, il faut des facteurs d’environnement qui ont
probablement un rôle beaucoup plus important que les
facteurs génétiques. On connaît peu le terrain génétique.
Nous progressons chaque jour dans ce domaine grâce
aux études génétiques qui sont menées. Il semble que le
système HLA (Human Leucocyte Antigen) porté par les
globules blancs, qui permet de faire des greffes en assurant la compatibilité entre donneur et receveur, soit très
particulier en cas de polyarthrite. La plupart du temps,
on peut retrouver un système HLA spécifique de la polyarthrite. On trouve le DR4, ou DRB1O4 selon la nouvelle
nomenclature, dans 40 à 60 % des cas, et le DRB101, ou
DR1, dans 20 à 30 % des cas. Il existe donc bien un terrain
génétique particulier. De nombreux facteurs environne10
Hypertrophie de la synoviale,
amincissement du cartilage,
épanchement de liquide synovial
22
mentaux sont à prendre en compte et tous ne sont pas
connus.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Pathogénie
Terrain génétique / facteurs environnementaux
Dérèglement immunitaire
(cytokines pro-inflammatoires, auto anticorps…)
Réaction inflammatoire auto-entretenue
Synovite chronique
Prolifération synoviale
Pannus
Destruction ostéo-cartilagineuse
tements consiste évidemment à arrêter de fumer. De
plus, les polyarthrites sont souvent plus graves avec le
tabagisme.
L’alimentation intervient peut-être aussi, sans que l’on
en ait toutefois la certitude.
Les facteurs hormonaux, quant à eux, jouent probablement un rôle dans la mesure où la polyarthrite rhumatoïde touche plutôt les femmes à la ménopause, ce qui
semble indiquer qu’il existe un terrain hormonal particulier. Mais le facteur hormonal n’est sûrement pas seul
en cause, puisque la polyarthrite rhumatoïde touche également les enfants et les personnes âgées.
Le stress psycho-affectif est susceptible de déclencher la
maladie, qu’il soit dû à un deuil, un divorce, un problème
d’arrêt de travail prolongé etc. Les malades ont d’ailleurs
besoin de comprendre ces phénomènes pour mieux se
traiter.
Enfin, les facteurs infectieux, bactéries ou virus, jouent
aussi certainement un rôle.
En tous les cas, il n’y a pas de facteur unique, même si
l’un d’eux est parfois prédominant. Il faut essayer de
trouver, avec l’aide des malades, le facteur déclenchant.
Ainsi, ils peuvent un peu mieux accepter leur maladie.
La polyarthrite rhumatoïde est une anomalie du système
immunitaire qui attaque l’articulation au lieu de la protéger. Il s’agit d’une maladie auto-immune : les patients
fabriquent des auto-anticorps contre eux-mêmes. Pour
expliquer le déclenchement de cette maladie, on peut
évoquer un terrain génétique particulier associé à un ou
plusieurs facteurs environnementaux, entraînant un
dérèglement du système immunitaire. Souvent, après stimulation antigénique, la collaboration macrophagelymphocyte déclenche une activation du lymphocyte T
stimulant la sécrétion de cytokines qui aggrave le pannus
et les destructions cartilagineuses. Il s’ensuit une réaction
inflammatoire chronique auto-entretenue : la synovite
chronique et la prolifération synoviale responsables de
la destruction cartilagineuse et des déformations. Il faut
bien expliquer tout ceci aux patients pour qu’ils puissent
comprendre pourquoi on leur propose des traitements
agressifs potentiellement toxiques.
3
Evolution de la polyarthrite
rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie très capricieuse et sournoise. Les poussées sont totalement imprévisibles et les rémissions plus ou moins longues et complètes. Or la première question que pose un malade
atteint d’une polyarthrite rhumatoïde concerne son évolution. Le problème est que nous ne savons pas exactement comment cette pathologie évolue. Cette inconnue
en terme d’évolution, propre aux maladies chroniques
comme le diabète ou la sclérose en plaques, place le malade en situation d’incertitude quant à son avenir et peut
perturber fortement la relation médecin/malade ou médecin/soignants, avec à la clef des problèmes thérapeutiques importants.
Avec une polyarthrite rhumatoïde, la vie du patient est
totalement bouleversée en raison du retentissement psychique et socioprofessionnel. On ne prend pas toujours
bien conscience de la souffrance engendrée par la polyarthrite rhumatoïde. La situation doit être expliquée aux
patients pour éviter qu’ils négligent leur maladie ou se
tournent uniquement vers des médecines non-traditionnelles.
Le retentissement physique est évident : le patient souffre, de manière incessante. Il ne dort pas la nuit, il est
raide au réveil – on parle de raideur matinale – et il est
fatigué. Il ne peut se rendre au travail, car il éprouve des
difficultés pour sortir de son lit, ouvrir un pot de confiture, ou encore prendre une douche. Sa vie est bouleversée. Lorsque les articulations gonflent, la maladie devient visible. Mais la douleur est éminemment subjective
et le patient est souvent considéré comme un « tire-auflanc » s’il ne se rend pas au travail ou s’il ne sort pas de
son lit. Dans les groupes de discussion que nous animons,
les patients nous confient qu’ils se sentent très isolés et
incompris, à la fois par les médecins et par leur propre
entourage. Leur maladie est silencieuse et souvent invisible. La fatigue et la douleur aidant, le patient risque
de se laisser aller et de se sédentariser puis finir par perdre son autonomie et une certaine qualité de vie (sociale
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
23
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
et quotidienne) avec comme perspective le handicap et
l’invalidité. C’est donc un problème majeur.
Nous disposons de l’échelle HAQ, une échelle de capacité
fonctionnelle [ 12 ] pour mesurer la capacité des malades
à s’habiller, se préparer, se lever, se nourrir, marcher ou
attraper un objet. Elle n’est pas satisfaisante mais c’est
la seule à être reconnue en France et en Europe.
Le retentissement psychique est aussi très important. Les
patients sont stressés et anxieux face à une maladie
imprévisible qui les contraint à faire le deuil de leur vie
antérieure. Ils risquent de se replier sur eux-mêmes et se
retrouvent souvent isolés. Ils se voient contraints de changer leurs habitudes de vie, comme se soumettre à de
nombreuses prises de sang, suivre des régimes particuliers, prendre des médicaments souvent toxiques. Certains
doivent porter des attelles la nuit. C’est une maladie qui
a des conséquences sur la vie relationnelle, affective et
sexuelle. Ces aspects préoccupent fortement les malades
et il est aussi important de les prendre en charge que de
leur prescrire des médicaments.
Sur le plan socio-économique, la polyarthrite rhumatoïde
entraîne des arrêts de travail répétés, des arrêts en
longue maladie, des mi-temps thérapeutiques, des
reclassements professionnels. De nombreux malades sont
obligés d’arrêter de travailler alors qu’ils préfèreraient
continuer. Travailler permet en effet souvent d’oublier
12
Capacité fonctionnelle
Echelle HAQ
(Health Assessment Questionnaire)
sa maladie. Il s’ensuit de plus une baisse des revenus qui
provoque une insécurité économique. A cela s’ajoutent
les consultations répétées, les hospitalisations, les gestes
chirurgicaux et des traitements très coûteux. Le fait de
parler davantage de cette maladie contribuera peut-être
à en améliorer la prise en charge.
4
Données démographiques
La polyarthrite rhumatoïde touche 0,5 à 1 % de la population selon les pays. Elle est trois fois plus fréquente
chez la femme. L’âge moyen de survenue est de quarante-cinq ans environ, soit un âge où l’activité professionnelle est encore importante. Selon une enquête de
la Société Française de Rhumatologie, la prévalence
(nombre de malades à un moment donné dans une
population) en France est de 0,31 %, ce qui équivaut au
nombre de malades souffrant de spondylarthrite. L’incidence annuelle (nombre de nouveaux cas en France
chaque année) est d’environ 8,8/100 000. Environ 300 000
personnes sont touchées chaque année en France. Les
associations donnent des chiffres plus importants mais
difficiles à vérifier. Selon des données émanant de la
Sécurité Sociale française, le nombre de déclarations
annuelles de polyarthrites était stable entre 1989 et 1996.
La moyenne annuelle serait de 8 500 cas signalés, avec
une incidence approximative de 20/100 000 pour la
population considérée et une prévalence globale de
0,4 % pour l’ensemble de la population. Cette estimation
équivaut à 150 000 cas pour la France.
8 domaines d’activités de la vie quotidienne :
(dimensions) : 2-3 questions pour chacun
• s’habiller et se préparer
• se lever
• se nourrir
• marcher
• faire sa toilette
• atteindre et attraper
• prendre
• autres activités (faire les courses…).
24
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
5
Diagnostic et prise en charge initiale
A
Diagnostic précoce
La polyarthrite rhumatoïde doit faire l’objet d’un diagnostic très précoce. C’est la raison pour laquelle nous devons faire évoluer la situation et parler de cette maladie.
Souvent les patients consultent après deux ou trois ans
d’évolution, lorsqu’il est déjà un peu tard. Pourtant, il
est très facile de poser le diagnostic précocement chez
une femme d’âge moyen souffrant de douleurs polyarticulaires qui touchent en particulier les mains (interphalangiennes proximales et métacarpo-phalangiennes), surtout en cas d’atteinte bilatérale et symétrique avec
gonflement des articulations. Toutefois, il existe des
modes de présentation trompeurs pour lesquels la phase
précoce est plus difficile à déceler : il peut s’agir par
exemple d’un homme souffrant d’une monoarthrite au
genou. Dans ce cas, il convient de ne pas penser à l’arthrose mais bien à l’arthrite. Les atteintes du pied peuvent également être spécifiques de la polyarthrite mais
on ne pense pas souvent à cette pathologie. La raideur
matinale qui entraîne des difficultés à sortir du lit peut
aussi être un symptôme. Il ne faut pas hésiter à demander
l’avis d’un rhumatologue lorsqu’au moins trois articulations sont gonflées, en cas d’atteinte du pied ou de la
main, et en cas de raideur de plus de trente minutes.
Le diagnostic peut être confirmé par quelques examens
complémentaires. La vitesse de sédimentation et la
C-reactive-protein (CRP), qui sont des marqueurs de l’inflammation, ne sont pas très intéressants car une sinusite
suffit à les faire augmenter. Si l’on y associe d’autres
marqueurs plus spécifiques et des radiographies, ils prennent tout leur intérêt bien que les radiographies soient
souvent normales au début.
Souvent, les patients viennent avec une sérologie Latex
Waaler-Rose très positive. Mais il faut savoir que 5 %
des sujets âgés sont porteurs sains et ne souffrent pas de
polyarthrite. Ce marqueur n’est donc pas du tout spécifique mais est intéressant s’il montre, dès le début, un
taux élevé. C’est alors un facteur pronostique défavorable. 30 % des polyarthrites sont séropositives pour les
facteurs rhumatoïdes dans les six premiers mois. 70 %
des polyarthrites deviennent séropositives après trois ans
d’évolution : il ne faut donc pas attendre la séropositivité
(ce terme devant être utilisé avec prudence devant les
malades qui y associent d’autres pathologies).
Les anti-CCP (anti-citrullines) sont des anticorps intéressants. Il s’agit d’un nouveau marqueur encore peu répandu mais spécifique et sensible. C’est un bon marqueur
pour le diagnostic : s’il est positif, on peut penser que
l’on est en présence d’une polyarthrite rhumatoïde
débutante, le diagnostic n’étant cependant jamais certain
à 100 %.
B
Mesure de l’activité de la maladie
Il existe plusieurs façons de mesurer l’activité de la maladie.
L’indice DAS 28 est un indice européen à quatre variables
qui mesure le nombre d’articulations douloureuses, gonflées, l’activité de la maladie appréciée par le patient sur
une échelle de 0 à 10 et la vitesse de sédimentation. La
maladie est active si le DAS 28 est supérieur à 3,2 [ 13 ].
Un autre indice, l’indice SDAI, est la somme de cinq
paramètres. Il mesure notamment le nombre d’articulations douloureuses gonflées et l’évaluation globale de
la maladie par le patient et par le médecin. Cet indice
peut remplacer le DAS.
C
Analyse des radiographies
Une fois que l’on a mesuré l’activité de la maladie, il
convient de chercher les lésions radiologiques. Il arrive
cependant que les radiographies soient normales et donc
d’aucune aide. Une échographie (voire une IRM) peut
être demandée pour confirmer le pannus. Les radiographies montrent les lésions lorsqu’il y a des « géodes »
dans l’os. Les lésions radiologiques progressent souvent
rapidement et dans les deux ou trois premières années
de la maladie. Une lésion radiologique signifie une destruction de l’os et du cartilage ; elle est définitive et irré13
Indice DAS 28
Indice composite à 4 variables :
• nombre d’articulations douloureuses,
• nombre d’articulations gonflées (synovites),
• appréciation globale du patient,
• vitesse de sédimentation (VS).
Maladie active : DAS
28 > 3,2
Rémission : DAS 28 < 2,6
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
25
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
versible. 10 à 26 % des patients sont victimes d’érosion
dans les trois premiers mois, 60 % la première année et
75 % dans les deux ans. Cela renforce la nécessité de
mettre en place rapidement des traitements de fond. La
polyarthrite est véritablement une urgence diagnostique
et thérapeutique.
D
des traitements beaucoup plus agressifs parce que la polyarthrite rhumatoïde est en train de causer des dégâts
radiologiques [ 14 ].
6
Les facteurs de mauvais pronostic
On peut déterminer des facteurs de mauvais pronostic
en voyant les malades dès le début de la maladie. La
polyarthrite risque d’être potentiellement érosive :
• si l’évolution de la maladie est longue,
• si le dérouillage matinal dure plus d’une heure,
• si plus de trois articulations sont atteintes,
• en cas de douleur à la pression des métacarpo-phalangiennes,
• en cas de facteurs rhumatoïdes positifs,
• et si des érosions sont déjà apparues.
Le pronostic peut aussi être mauvais avec un début aigü
et un nombre élevé d’articulations atteintes, un important handicap fonctionnel initial, un niveau économique
défavorisé et un niveau d’études faible. L’apparition de
nodules sous-cutanés est également, semble-t-il, un facteur de mauvais pronostic, de même qu’une vitesse de
sédimentation et une protéine C-réactive élevées.
Il existe souvent une dissociation entre les lésions inflammatoires et les lésions de destruction. Certains patients
sont très satisfaits de leur traitement et de leur état général. Leur bilan est tout à fait satisfaisant mais sur les
radiographies, on constate que les lésions progressent
rapidement avec des destructions osseuses importantes.
Il est très difficile d’expliquer au malade qu’il va passer à
Les conséquences de la maladie
La polyarthrite rhumatoïde est un problème de santé
publique qui a des conséquences sur la vie quotidienne
des patients. Dans la moitié des cas, les patients cessent
toute activité professionnelle en moins de cinq ans. Il est
possible que la situation s’améliore grâce aux nouveaux
traitements, mais les chiffres restent préoccupants. Actuellement, on estime que 25 % des patients auront au
moins une prothèse. Là encore, on peut penser que la
chirurgie sera moins fréquemment proposée si l’on donne
des traitements plus précoces et plus incisifs. En outre,
10 % des patients présenteront une invalidité grave en
moins de deux ans, ce qui est considérable. L’espérance
de vie est diminuée de cinq à dix ans et la mortalité est
multipliée par 2,26 par rapport à la population témoin
du même âge. Cette mortalité est liée à la maladie ellemême ou peut être d’origine iatrogène. Il faut garder
ceci en mémoire car la polyarthrite rhumatoïde est une
maladie potentiellement grave. Il semble cependant
qu’avec les traitements de fond, notamment le Methotrexate®, la situation s’améliore notamment sur le plan
cardio-vasculaire, source de mortalité importante.
Les complications de la polyarthrite rhumatoïde sont
avant tout infectieuses. Avec les nouveaux traitements,
14
Déformations des mains
26
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
nous avons vu apparaître des tuberculoses, d’autant que
cette maladie connaît actuellement une recrudescence
en France. L’ostéoporose peut également apparaître
parce qu’il s’agit d’une conséquence de la polyarthrite
rhumatoïde, mais aussi parce que les traitements la favorisent, ou encore parce que nous avons affaire à des
femmes en pré-ménopause. On constate également des
complications cardio-vasculaires et un nombre supérieur
de lymphomes chez les malades atteints de polyarthrite
rhumatoïde.
7
Stratégie thérapeutique
Face à la polyarthrite rhumatoïde, il faut agir énergiquement. L’idéal est d’induire une rémission. Il faut commencer par soulager la douleur et l’inflammation, puis
diminuer la raideur, et essayer de soulager la fatigue,
qui peut être induite par la maladie elle-même, par les
troubles du sommeil qu’elle provoque ou par les médicaments. Il faut maintenir la fonction des articulations,
éviter les déformations, conserver l’autonomie et ne pas
négliger le traitement physique grâce à des exercices
spécifiques. Il est nécessaire d’essayer d’améliorer la qualité de vie, et de maintenir l’insertion professionnelle. Il
faut également essayer de stopper l’évolution de la maladie, freiner et réparer les lésions ostéo-cartilagineuses.
Il est impératif de se lancer dans une lutte de tous les
instants car la prise en charge est extrêmement compliquée. On doit commencer par informer les patients de
façon très précoce. Il faut leur expliquer leur maladie ; le
traitement, ses raisons et comment le respecter, comment
se surveiller, faire des exercices physiques, se nourrir. Il
faut aussi leur indiquer qu’on peut les aider sur le plan
psychologique s’ils en ont besoin [ 15 ].
Aux médicaments qui soulagent la douleur et l’inflammation (antalgiques, anti-inflammatoires), il faut associer
des traitements de fond car ils sont très importants pour
lutter contre le pannus et éviter les destructions ostéocartilagineuses. Il est possible d’y associer des interventions locales. Si une personne répond bien au traitement
symptomatique et au traitement de fond mais garde une
synovite du genou, il ne faut pas hésiter à proposer une
infiltration d’un dérivé cortisonique. On peut également
proposer un geste chirurgical si un patient a un poignet
gonflé, pour éviter les ruptures tendineuses.
Une prise en charge multidisciplinaire est nécessaire.
Ainsi, il est utile de proposer des règles diététiques aux
patients car on ne peut pas manger n’importe quoi
lorsque l’on souffre d’une polyarthrite rhumatoïde. Il
faut aussi leur expliquer la nécessité de faire de la gymnastique, de porter des attelles, de faire de l’ergothérapie
et d’aménager l’habitat. Au besoin, proposer de rencontrer un psychologue ou de faire appel aux associations
de malades est utile, si les patients pensent que leur entourage n’est pas à la hauteur.
Jadis, le traitement de fond était administré de façon
progressive, par étapes successives, du moins dangereux
au plus agressif. Aujourd’hui, l’attitude est inverse. On
attaque très fort et très vite, quitte à alléger ensuite le
traitement si nécessaire. C’est une véritable révolution.
Il faut traiter vite, idéalement dans les trois premiers
mois car les lésions progressent rapidement au cours des
deux ou trois premières années [ 16 ] . Il est véritablement
nécessaire de faire appel à un spécialiste pour débuter
un traitement de fond car choisir le bon n’est pas simple.
Le choix se fait en fonction de chaque cas, selon l’activité
de la maladie, les traitements et les maladies associées.
15
INFORMATION
EDUCATION
GESTES LOCAUX
CHIRURGIE
MEDICAMENTS
• symptomatiques
• de fond
PR
REGLES
DIETETIQUES
APPROCHE
PSYCHO-SOCIALE
TRAITEMENTS
PHYSIQUES
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
27
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
16
Traiter vite et fort
Moyenne géométrique du Score de Sharp
12
Traitement tardif
Traitement précoce
10
8
6
4
2
0
0
12
24
36
48
Temps (mois)
Van Aken - Ann Rheum Dis 2004
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie agressive
qui nécessite un traitement agressif avec des médicaments dangereux. Il est très important d’expliquer ceci
au patient pour qu’il ne néglige pas les traitements prescrits. Il n’existe pas de consensus précis à ce niveau. On
choisit souvent en première ligne des traitements comme
le Methrotrexate® ou le Leflunomide®, qui sont des traitements d’ancrage. On peut également utiliser d’autres
médicaments plus anciens comme le Plaquénil®, la Salazopyrine® ou l’Allochrysine®. Tous ces traitements sont
potentiellement dangereux et nécessitent une surveillance régulière avec examens sanguins afin de détecter
d’éventuels effets indésirables.
En l’absence de réponse au traitement, on peut soit augmenter les doses, soit pratiquer des associations thérapeutiques. Si la maladie est vraiment agressive ou s’il y a
des marqueurs de mauvais pronostic, des traitements
plus récents sont disponibles, à base de biothérapie ou
d’agents thérapeutiques type anti-TNF Alpha : Remicade®, Humira® ou Enbrel®.
28
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Remicade® fut le premier disponible. Ce médicament
reste à usage hospitalier, sous forme de perfusion tous
les deux mois. Il nécessite de bien vérifier les contre-indications ainsi que l’absence d’infection, de tuberculose,
de terrain allergique particulier, de sclérose en plaques
ou d’insuffisance cardiaque. Cela suppose un bilan assez
lourd. Ce médicament peut provoquer des allergies et
c’est la raison pour laquelle il est administré en milieu
hospitalier avec une surveillance rigoureuse. En outre, il
est très coûteux.
Humira® est un médicament plus récent. Si le Remicade® est un anticorps monoclonal anti-TNF chimérique
(mélange homme-souris), l’Humira® est un anticorps
monoclonal anti-TNF purement humanisé, donc moins
allergisant. Il est également très coûteux et s’administre
par injection sous-cutanée à raison de deux injections par
mois. Il est important de respecter les contre-indications
et les précautions d’emploi et de mettre en place une
surveillance régulière. On convient d’arrêter ce médicament quinze jours avant une chirurgie et d’attendre
également quinze jours après la cicatrisation de la plaie
avant de reprendre le traitement.
Enbrel® est un anti-TNF mais pas un anticorps monoclonal. C’est un récepteur soluble. Il s’administre sous
forme de deux injections sous-cutanées par semaine. Le
patient doit revenir tous les six mois à l’hôpital pour
faire un bilan et vérifier l’absence de complications.
Ces médicaments sont intéressants car ils agissent très
vite. Avec le Plaquénil®, il fallait attendre quatre à six
mois avant que le médicament agisse. Avec le Methotrexate® ou le Leflunomide®, il faut attendre un à deux
mois. Avec les agents anti-TNF, on constate souvent une
réponse dès la première injection ou perfusion : c’est en
cela qu’ils sont révolutionnaires. L’efficacité de chacun
de ces médicaments est équivalente et il est possible de
passer de l’un à l’autre en cas d’échec.
Ces médicaments font l’objet d’un suivi attentif par
l’Observatoire mis en place par la Société Française de
Rhumatologie. Celui-ci vérifie notamment l’absence de
complication infectieuse, de lymphome ou de cancer. Pour
l’heure, les données concernant la survenue de lymphome
suite à la prise de ce médicament sont plutôt rassurantes
mais il convient d’attendre d’avoir davantage de recul.
L’importance de la prise en charge
Il faut que le médecin généraliste soit associé au traitement et
que les malades puissent tout de suite le consulter en cas de problème. En effet, nous prescrivons des traitements compliqués,
agressifs et difficiles à suivre. Sans ce soutien, le malade est livré
à lui-même. Il existe en outre des associations de malades qui
peuvent transmettre de l’information et donner des conseils. La
prise en charge globale doit être physique, psychique, sociale et
nutritionnelle, centrée sur le malade et son entourage, avec le
réseau ville-hôpital et l’aide des associations de malades.
Il existe par ailleurs des programmes d’éducation collective des
patients. A l’hôpital Cochin, nous parlons aux malades de leur
maladie, des traitements, de la gestion de la douleur et du stress,
de la vie sociale et de la nutrition. Ce programme est animé par
une équipe multidisciplinaire et comprend une infirmière, une diététicienne et une assistante sociale. Le programme s’étend sur
deux jours pendant lesquels nous expliquons aux malades ce qui
se passe et nous les laissons parler entre eux afin qu’ils se sentent
moins isolés. Francis Berenbaum pratique également l’éducation
du patient à l’hôpital Saint-Antoine, mais en hospitalisation pendant une journée et de façon individuelle. En province, d’autres
équipes assurent l’éducation des patients atteints de polyarthrite
rhumatoïde.
En ce qui concerne l’éducation physique, un médecin rééducateur
explique quelle activité il convient de pratiquer. Il montre l’intérêt
de porter des attelles ou des semelles pour soulager les pieds et
comment vivre mieux cette maladie. Il explique aux patients les
bienfaits de la relaxation : certains exercices respiratoires simples
peuvent permettre d’éviter la prise de médicaments complémentaires pour lutter contre la douleur.
8
Conclusion
La polyarthrite rhumatoïde nécessite une stratégie
rigoureuse, un diagnostic rapide, un traitement précoce,
une prise en charge spécialisée et une approche globale.
Il faut offrir au patient la possibilité de rencontrer les
médecins, le psychologue, l’assistance sociale, l’infirmière,
l’ergothérapeute, etc. Sans cette approche globale, la
prise en charge n’est pas satisfaisante. La polyarthrite
rhumatoïde nécessite également un suivi régulier.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
29
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
Questions
Réponses
Avec une polyarthrite rhumatoïde érosive en rémission depuis plusieurs années, quel est le risque
de voir apparaître une nouvelle poussée ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Cela dépend, car j’estime que chaque cas est particulier.
Pr Francis Berenbaum
Le fait qu’il y ait des érosions n’est pas bon signe.
Avec une polyarthrite rhumatoïde érosive, le risque
de nouvelle poussée est plus important que dans
le cas d’une polyarthrite rhumatoïde non érosive.
Toutefois, il est très difficile de se prononcer sur ce
risque au cas par cas.
Quel régime alimentaire préconisez-vous ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Il n’existe pas de régime type. Nous expliquons aux
malades que, certaines manipulations diététiques
peuvent agir sur certains facteurs de l’inflammation, tels que l’acide arachidonique en jouant sur
certaines graisses par exemple. Nous leur expliquons qu’en dépit de la fatigue et de la sédentarisation, il faut essayer d’avoir une alimentation variée et équilibrée. Il est inutile de recourir aux
compléments alimentaires si l’on mange de tout
en faible quantité. Avec la cortisone, il ne faut pas
manger trop salé mais davantage de protéines.
Nous expliquons également que la polyarthrite
rhumatoïde et ses traitements favorisent l’ostéoporose et qu’il faut par conséquent préférer les
régimes riches en calcium. Nous donnons aux patients des explications pour leur permettre de
mieux lire les étiquettes. Nous leur conseillons par
ailleurs la prise de vitamine D pour favoriser la
fixation du calcium. Il y a beaucoup à dire et nous
y consacrons une après-midi entière. Souvent les
malades sont très satisfaits de ces informations en
matière de nutrition. Il n’y a pas d’aliment à éviter,
nous montrons simplement ce qui est recommandé
et ce qui ne l’est pas. Nous avons préparé cette information avec une diététicienne, en privilégiant
à la fois l’aspect médical et l’aspect diététique pratique.
30
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Si le patient est en rémission sous traitement, essayez-vous d’alléger le traitement ? Quelle est votre stratégie en la matière ?
Pr Francis Berenbaum
A ma connaissance, une seule étude a abordé la
question. Elle incluait deux cents patients atteints
de polyarthrite rhumatoïde et qui étaient en rémission sous traitement de fond. Le traitement de
fond a été arrêté chez cent patients et poursuivi
pour les cent autres. Au bout d’un an, 40 % des
patients qui n’avaient plus de traitement de fond
ont fait une poussée, alors qu’ils n’étaient que
20 % à avoir fait une poussée dans le groupe ayant
poursuivi le traitement de fond. Si l’on est optimiste, on peut estimer que 60 % des patients qui
ont interrompu le traitement n’ont pas connu de
nouvelle poussée. Si l’on est pessimiste, on peut
considérer que les patients qui ont cessé le traitement de fond ont connu deux fois plus de poussées
que ceux qui l’ont poursuivi.
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Nous essayons toujours, dans la mesure du possible,
de limiter ou de réduire les corticoïdes. Nous expliquons aux patients « corticophobes » qui ont
du mal à comprendre la prescription des corticoïdes, que des études ont démontré qu’il existe
un effet sur les érosions osseuses.
Pr Francis Berenbaum
Pr Francis Berenbaum
Il y a deux écoles. Les Français aiment beaucoup
les corticoïdes. D’après des études françaises, 70 %
des patients atteints de polyarthrites rhumatoïdes
sont sous corticoïdes contre 30 % seulement chez
les Américains. Il n’y a pas consensus sur la question.
A chaque fois que de nouvelles études paraissent,
la surmortalité baisse. Cela signifie qu’en agissant
vite et tôt, on peut agir sur la mortalité. Les toutes
dernières études n’arrivent plus vraiment à mettre
en évidence une surmortalité pour un groupe de
malades suivi précisément avec un traitement de
fond efficace. Il s’agit d’une évolution sensible.
Compte tenu du vieillissement de la population,
dans quel état se trouvent les personnes très âgées
qui viennent consulter pour une polyarthrite rhumatoïde ? La maladie s’éteint-elle avec l’âge ?
C’est un espoir qui nous renforce dans la nécessité
d’agir vite.
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Dr John Evans
Chez les sujets âgés, nous avons parfois des difficultés à faire le diagnostic. Il est difficile de faire la
distinction entre une maladie de Horton avec une
pseudopolyarthrite rhizomélique, qui est une atteinte des ceintures se caractérisant par des difficultés à marcher, de la fatigue et une vitesse de sédimentation très élevée, et une véritable
polyarthrite. Il existe en outre des formes de passage. On peut rencontrer une polyarthrite à tout
âge de la vie. Il faut aussi y penser chez la personne
très âgée.
Il existe plusieurs marqueurs de l’inflammation,
dont certains sont présents avant même l’atteinte
articulaire. La CRP en est un exemple très parlant.
Nous donnons maintenant des statines larga-manu
car elles semblent réduire la CRP et protéger le
malade contre les complications coronaires. Qu’en
est-il au niveau de la rhumatologie ?
Pr Francis Berenbaum
Si un patient présente une polyarthrite rhumatoïde
à quarante ou cinquante ans, sans traitement de
fond adéquat ou si le traitement de fond n’a pas
empêché l’évolution, cela peut déboucher sur de
l’arthrose secondaire vers quatre-vingts ans. Une
articulation qui a été le siège d’une polyarthrite
devient une articulation à fort risque d’arthrose.
Certains patients conservent un handicap majeur
parce qu’une arthrose s’est installée sur une articulation détruite par la polyarthrite. On parle alors
d’une arthrose secondaire à la polyarthrite.
A quoi est liée principalement la surmortalité de
la polyarthrite rhumatoïde ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Elle est d’origine cardio-vasculaire. Les études actuelles le démontrent.
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Les statines ont le vent en poupe en rhumatologie
comme étant des facteurs anti-inflammatoires. Elles
sont très discutées en ce qui concerne l’ostéoporose. Il se peut qu’elles fassent partie, demain, de
la panoplie des traitements proposés par le rhumatologue.
Pr Francis Berenbaum
Une étude publiée en mai 2007 a démontré que
les statines diminuent l’activité de la maladie.
Quelles sont les principales causes de décès liés à
la spondylarthrite ankylosante ? Les mêmes que
pour la polyarthrite rhumatoïde ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Cette question est difficile. Une étude est en train
de démontrer que la spondylarthrite provoque davantage de lymphomes.
Le terrain n’est pas le même puisque la spondylarthrite ankylosante survient chez le patient plus
jeune. En outre, le profil évolutif n’est pas iden-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
31
Panoramique de la polyarthrite rhumatoïde
tique. Il existe certainement des facteurs communs
mais aussi probablement des facteurs différents.
Le sex ratio est également très différent.
Dr Patrick Malamud
En ce qui concerne le traitement des polyarthrites
rhumatoïdes, vous rejoignez les cancérologues en
utilisant des médicaments de plus en plus dangereux. Qu’observez-vous comme effet iatrogène,
notamment en termes d’effets mortels des antiTNF ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Nous n’avons pas encore suffisamment de recul à
ce sujet. Il est trop tôt pour tirer des conclusions. Il
y a des risques infectieux qui peuvent être mortels.
Certaines infections opportunistes à germes exceptionnels peuvent être gravissimes et nous pouvons
rencontrer des problèmes, mais pour l’instant nous
surveillons et nous n’avons pas le recul suffisant
pour déterminer s’il existe un risque de cancer ou
de lymphome induit par ce médicament.
Michel Dufour
La comparaison avec les affections tumorales est
frappante. Notre obsession est l’évaluation du
risque. Or on constate que l’aspect iatrogénique
est fondamental avec les produits que vous utilisez,
en plus de l’impact de la maladie et de ses conséquences. L’impact sur le pronostic vital et les complications éventuelles que peuvent engendrer les
molécules sont impressionnants.
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Depuis que l’on traite les polyarthrites rhumatoïdes
plus précocement et de façon plus incisive, nous
avons moins de problèmes. C’est parce qu’il existe
des risques qu’un suivi spécialisé du patient est nécessaire. On connaît ces risques et on peut les maîtriser en surveillant les patients, même si on ne
peut éviter certaines complications gravissimes et
rares. Si les transaminases augmentent, vous pouvez diminuer les doses ou arrêter le médicament.
On connaît bien les effets indésirables des médicaments à court et moyen terme. On connaît même
les effets à long terme de molécules telles que le
Méthotrexate®, utilisé dès les années 80, pour le-
32
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
quel nous avons un recul tout à fait suffisant. Sur
le plan de la mortalité cardio-vasculaire, les résultats sont meilleurs depuis qu’on utilise ce médicament. On peut se demander s’il existe une interaction avec l’acide folique qui diminuerait le risque
d’une hyper homocystéinémie.
Michel Dufour
Il semble que l’on parle moins de l’utilisation des
sels d’or…
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
On en parle un peu moins. Il n’est plus possible
aujourd’hui d’attendre six mois pour qu’un traitement donne des résultats. L’Arava® ou le Méthotrexate® agissent sur la même cellule, avec un délai
d’action de quatre semaines, voire un peu plus
dans certains cas. Nous n’hésitons donc pas à donner une chance d’amélioration beaucoup plus rapide au malade.
Pr Francis Berenbaum
On commence par le Méthotrexate®, on attend
trois mois et en l’absence de réponse suffisante à
dose maximale efficace, on ajoute un anti-TNF.
C’est la meilleure attitude à adopter en termes de
bénéfice/risque. Notre attitude thérapeutique est
aujourd’hui plus simple qu’avant. Si le Methotrexate® dont on peut augmenter les doses progressivement, est finalement inefficace, on ajoute
un anti-TNF. Cette attitude est aujourd’hui pratiquement consensuelle à quelques réticences près.
Aux Etats-Unis, les médecins expérimentent même
les anti-TNF en première intention. Une étude va
démarrer pour tenter de valider un traitement à
base de Méthotrexate® + anti-TNF d’emblée pendant trois mois. Il s’agit de commencer par frapper
très fort avant d’envisager d’arrêter les anti-TNF si
nécessaire. Du point de vue des médecins, c’est la
meilleure attitude en termes de bénéfices/risques.
Certes il existe des risques infectieux, mais ils sont
de mieux en mieux maîtrisés. On sait bien contrôler
la tuberculose : on peut la rechercher et la traiter
avant d’administrer les anti-TNF. Pour les autres
infections, si le patient suit déjà des traitements
immunosuppresseurs, le risque est augmenté. Dans
les études, il s’agit le plus souvent d’infections ORL,
même s‘il y a des exemples d’infections graves.
Reste le problème tumoral, pour lequel nous avons
un recul de sept ans sur des dizaines de milliers de
patients : les Américains ne parviennent pas à mettre en évidence de différence de risque de lymphome ou de cancer parmi les patients qui sont
sous anti-TNF comparativement à ceux qui ne le
sont pas, mais avec la réserve que le recul ne soit
pas encore suffisant pour que l’on puisse affirmer
que le risque est anodin. L’infection est connue et
le risque peut être évalué facilement. En ce qui
concerne le cancer et le lymphome, malgré les
dizaines de milliers de patients traités depuis
plusieurs années et l’absence de différence significative constatée, nous n’avons pas encore le recul
suffisant pour affirmer qu’il n’y a absolument
aucun risque. Sur le court et le moyen terme, nous
sommes sûrs de notre fait et nous ne surveillons
pas les patients sous anti-TNF, alors que même
avec le Méthotrexate®, nous mettons en place une
surveillance tous les deux mois pour faire un bilan
hépatique, une numération, etc.
polyarthrite rhumatoïde ou le lupus, mais il justifie
un risque supplémentaire.
Pr Francis Berenbaum
Si une surveillance particulière est préconisée, c’est
parce que le TNF est également une molécule qui
intervient dans la défense contre les tumeurs.
On peut donc craindre en prescrivant un « antidéfenseur » d’altérer la barrière. Cependant, pour
le moment, on ne note statistiquement aucune
différence significative chez les patients traités par
anti-TNF. En revanche, nous avons tous connu des
exemples de lymphome ou de leucémie apparus
chez un patient sous anti-TNF, comme chez les
patients qui ne le sont pas d’ailleurs.
Dr Patrick Malamud
L’idée selon laquelle la polyarthrite rhumatoïde
constitue un risque supplémentaire d’apparition
de lymphomes, est-elle vérifiée ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Tout à fait, selon les dernières études, le risque est
multiplié par deux. On a deux fois plus de risques
d’avoir un lymphome lorsque l’on est atteint de
polyarthrite rhumatoïde. C’est également valable
pour la spondylarthrite ankylosante.
Dr Dominique Lannes
Dès lors que le malade souffre d’une pathologie
auto-immune, qu’il s’agisse du lupus ou de la polyarthrite rhumatoïde, le risque de lymphome est
nécessairement plus élevé. La maladie lymphomateuse survient sur une anomalie. A force d’exciter
une partie bien précise du génome des lymphocytes, avec un mauvais terrain, le risque de lymphome est accru. C’est le même type de stimulation
que celle qui est à l’origine du lymphome de Burkitt
avec l’EBV. Le phénomène est moins criant pour la
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
33
Tarifer la polyarthrite
rhumatoïde
Dr Patrick Malamud • Médecin-Conseil - SCOR Global Life
Pour tarifer la polyarthrite rhumatoïde, il faut d’abord
une certitude diagnostique, ce qui n’est pas toujours évident dans un dossier d’assurance puisque l’on n’examine
pas le patient. Une bonne connaissance des complications
est aussi primordiale, puisque la pathologie est potentiellement mortelle. La bonne appréciation des facteurs
pronostiques nous permettra également d’évaluer la surmortalité liée à un cas de polyarthrite rhumatoïde. Enfin,
nous avons besoin d’un dossier de sélection complet.
1
Le diagnostic
Lorsqu’un patient se présente chez un praticien, celui-ci
peut l’examiner, et disposer ensuite de tous les examens
radiologiques ou biologiques que la personne a en sa
possession, voire demander des examens complémentaires. La difficulté pour le médecin-conseil ou le tarificateur est qu’il ne peut avoir accès à toute cette information mais qu’il lui faut néanmoins des éléments précis
pour ne pas risquer de mal apprécier le dossier, en sousou sur-tarifant la polyarthrite rhumatoïde.
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie très polymorphe et peut conduire à des difficultés diagnostiques.
Les présentations de la polyarthrite rhumatoïde peuvent
être extrêmement trompeuses et peuvent induire les médecins en erreur. Pour être certain du diagnostic, il faut
avoir communication d’un certificat émanant d’un rhumatologue certifié, qui pourra donner toutes les informations permettant une tarification correcte :
• le diagnostic
• la date à laquelle le diagnostic a été posé
• l’historique (début retrouvé de la maladie, temps d’évolution de la polyarthrite rhumatoïde avant traitement)
• les traitements suivis par le patient
• les complications éventuelles
2
Le pronostic
Une fois le diagnostic connu, il faut chercher à connaître
tous les facteurs pronostiques. Ils sont loin de figurer
34
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
dans les dossiers portant la mention de polyarthrite…
Tout d’abord, la polyarthrite n’est pas forcément une
polyarthrite rhumatoïde. Des précisions supplémentaires
sont nécessaires afin de chercher à connaître les facteurs
pronostiques. Il est possible au minimum d’exiger un certificat précisant certains éléments :
• le nombre d’articulations atteintes gonflées et douloureuses ;
• la durée du dérouillage matinal s’il existe ;
• l’existence de réveils nocturnes dus aux douleurs articulaires ;
• les mesures sur les échelles de handicap fonctionnel, à
condition que ces mesures soient fiables et reproductibles.
La connaissance des facteurs pronostiques biologiques
est très appréciable. La vitesse de sédimentation en rhumatologie a une grande importance. Elle serait même
un peu plus fiable pour montrer l’existence d’une poussée
de polyarthrite rhumatoïde. Le taux de CRP est au moins
aussi important. Les facteurs sériques d’auto-immunité,
lorsqu’ils existent, sont des facteurs biologiques essentiels
(facteurs rhumatoïdes par les tests Latex ou Waaler-Rose).
Les anti-citrullines commencent également à être de pratique courante. On peut aussi s’intéresser aux facteurs
génétiques HLA DR1 et DR4. Mais il ne s’agit pas de facteurs pronostiques importants pour nous. Il est préférable
de s’en tenir à la VS, au CRP et aux facteurs sériques
d’auto-immunité Latex et Waaler-Rose (facteurs rhumatoïdes).
A cela s’ajoutent les facteurs pronostiques radiologiques
que sont le pincement articulaire, les érosions et le nombre de prothèses articulaires que la polyarthrite rhumatoïde a nécessité. Ce dernier facteur est réellement très
important.
Le traitement est-il un facteur pronostique ? On a coutume de considérer que si la corticothérapie est inférieure
à 7,5 mg, la polyarthrite rhumatoïde est « contrôlée ».
Tout le monde sait que Méthotrexate® et anti-TNF ne
sont pas des médicaments anodins. Mais sans ces traitements, agressifs, la survie des patients n’augmentera pas.
Nous nous garderons de prendre en compte ces traitements comme facteur pronostique, sauf en cas de complications qui leurs seraient imputables, bien que pour
l’instant nous n’ayons pas connaissance d’effet iatrogène
à long terme.
Le pronostic vital est essentiellement lié à la présence ou
non de complications viscérales (vascularites) ou des localisations extra-articulaires en général. Un dossier dans
lequel il est question de vascularites ne doit pas être assuré en raison du risque vital qui n’est pas acceptable
dans un dossier d’assurance.
3
Classification
Pour simplifier le travail des assureurs, nous proposons
• Précisions
Pr Francis Berenbaum
Ceci concerne-t-il les vascularites cutanées pures ? [ 17/18 ]
de schématiser quatre formes de polyarthrite rhumatoïde.
A
Dr Patrick Malamud
Je pensais plus particulièrement à des vascularites systémiques. En cas de complication cérébrale ou cardiaque,
il est clair qu’un dossier doit être refusé.
Une question : un nodule n’est-il pas le signe d’une vascularite systémique ?
Forme légère
Cette forme se caractérise par des poussées occasionnelles
sur un mode oligo-articulaire, de longues périodes de
rémission, des traitements de fond dits « légers ». En
fait, on ne peut parler de traitement léger puisque les
meilleurs pronostics concernent les patients pour lesquels
les traitements sont les plus agressifs au départ. Dans
Pr Francis Berenbaum
Non. La vascularite cutanée pure et les nodules ne sont
pas des facteurs aggravant le risque vital.
cette forme légère, il n’y a pas de syndrome inflammatoire ni d’érosions.
B
Dr Patrick Malamud
Donc, en dehors des nodules et des vascularites cutanées
pures, toutes les autres localisations viscérales sont à refuser.
Forme modérée
Les signes sont plus importants que pour la forme légère
mais l’on reste sur une polyarthrite rhumatoïde qui n’est
pas incontrôlable.
17/18
Vascularite cutanée
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
35
Tarifer la polyarthrite rhumatoïde
C
Forme sévère
On retrouve dans cette forme des signes tels que la
synovite, le dérouillage matinal, les réveils nocturnes, la
résistance aux traitements de fond, le syndrome inflammatoire et la destruction rapide des articulations.
D
Forme grave
La forme grave se caractérise surtout par des complications vasculaires, liées essentiellement à des vascularites
(exception faite des vascularites cutanées pures et des
nodules).
4
Etude de la mortalité
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie grave. Une
étude de Minaur et Coll. parue en 2004, fait état du
suivi sur quarante ans de cent malades atteints de polyarthrite rhumatoïde. Le but de l’étude était le devenir
fonctionnel mais aussi l’analyse des causes de décès. Ce
sont des polyarthrites diagnostiquées il y a plus de quarante ans. Il ne faut pas croire qu’il s’agit du reflet de la
façon dont la maladie est traitée aujourd’hui mais de ce
que l’on constate sur des patients alors soignés depuis
quarante ans.
Après 39,7 années, seize patients étaient en vie. Treize
décès sont directement liés à la polyarthrite rhumatoïde.
Les soixante décès restants sont majoritairement liés
à des causes cardiovasculaires. On observe cependant
davantage de tumeurs et de lymphomes que dans la
population générale. Onze décès sont liés à la polyarthrite
rhumatoïde et/ou à son traitement. Dans ces cas, il n’a
pas été possible de faire la preuve de l’origine du décès.
On sait que la corticothérapie peut tuer si elle est mal
surveillée. Il faut garder à l’esprit que cette étude s’étale
sur quarante ans. Dans les années 50, on prescrivait des
corticoïdes simplement pour la remise en forme. Avec
l’étude Minaur, on constate une aggravation progressive
de la mortalité. Le taux de mortalité standardisé (excès
de mortalité par rapport à une population de référence)
augmente constamment : il était de 1,15 après onze ans
36
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
d’étude, de 1,42 après vingt ans et de 2,13 après quarante
ans. La surmortalité est environ deux fois plus forte que
dans la population générale. La polyarthrite rhumatoïde
est donc bien une maladie grave qui tue, au moins indirectement.
Sur les courbes de survie des patients de l’étude Minaur
on constate une différence marquée entre les populations témoins et les populations atteintes de polyarthrite
rhumatoïde [ 19 ]. Puisque la surmortalité est deux fois celle
de la population générale, il faut s’attendre à une surtarification des dossiers.
5
Tarification du risque décès
Dr Patrick Malamud
Pour une forme légère, avec peu de poussées et de
longues périodes de rémission, une surmortalité de 50 à
75 % paraît tout à fait adaptée. Le patient paiera donc
1,5 ou 1,75 fois sa prime.
Il est évident que si nous avions la preuve que les antiTNF vont entraîner une surmortalité de 1,2 au bout de
vingt ans, nous réviserions immédiatement les tarifications : la surprime ne serait plus que de 20 à 25 %. Mais
les données ne sont pas encore disponibles. Nous sommes
alors obligés de nous référer aux études qui suivent les
patients sur le long terme.
Pr Francis Berenbaum
Tenez-vous compte de l’âge ?
Dr Patrick Malamud
Le tarif de base tient compte de l’âge par définition. Un
assuré de soixante ans paie une prime plus importante
qu’un assuré de vingt-cinq ans. En l’occurrence, nous parlons de sur-tarification par rapport à la tarification
moyenne.
Pour une polyarthrite rhumatoïde plus évoluée avec des
signes laissant penser à un contrôle imparfait, nous proposons une tarification de 100 à 150 %.
Pour les formes sévères, avec un traitement qui ne donne
pas de résultat, des érosions multiples, une prothèse de
19
1
0.9
0.8
0.7
0.6
0.5
0.4
PR hommes
0.3
PR femmes
0.2
Population masculine totale
0.1
Population féminine totale
0
0
10
20
30
40 ans
Courbe de survie de la population atteinte de polyarthrite rhumatoïde comparée à celle
de la population normale de Bath pendant la période de l’enquête, par sexe.
hanche et une prothèse de genou, de multiples signes
cliniques, les tarifications dépassent 200 % et nous pouvons aller jusqu’au refus en cas de forme viscérale, cardiaque ou autre.
Pour les formes graves, nous refusons les dossiers.
En matière de dépendance, d’assurance complémentaire,
il n’est pas possible de proposer une tarification pour les
malades atteints de polyarthrite rhumatoïde. On ne peut
pas accorder une assurance incapacité ou invalidité à ces
patients sous peine de devoir nécessairement payer un
sinistre. Ces personnes vont obligatoirement connaître
des arrêts de travail, qu’ils soient ou non bien soignés.
En outre, ils sont fatigués et ne peuvent pas toujours se
rendre au travail.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
37
Tarifer la polyarthrite rhumatoïde
Questions
Réponses
bénigne, sans destruction articulaire, avec un traitement simple et bien équilibré, le risque est faible
car ces patients, qui ont passé le cap des premières
années, ont un pronostic plutôt favorable.
Dr Dominique Lannes
Quant à l’incapacité, j’ai entendu Madame Le Quintrec indiquer que 50 % des patients atteints de
polyarthrite rhumatoïde ne travaillent plus après
cinq ans. Nous savons très bien que certains patients atteints d’une polyarthrite rhumatoïde continuent de travailler et ne seront pas en incapacité.
Mais si l’on raisonne en masse, sur la base des statistiques, on ne peut faire autrement que de refuser ces demandeurs.
Dr Dominique Lannes
Madame Le Quintrec a rappelé que la polyarthrite
rhumatoïde était une maladie imprévisible. Elle
peut passer d’une forme bénigne à une forme
moyenne. C’est une situation très difficile à évaluer
pour un assureur. En outre, les dossiers sur lesquels
nous nous prononçons ne sont pas toujours complets. Au moment de l’entrée dans l’assurance, le
proposant et son médecin traitant ont tendance à
minimiser la gravité de la maladie. Il faut comprendre que nous nous engageons sur vingt, trente ou
quarante ans sans retour en arrière possible.
Quels sont vos conseils ?
Dr Patrick Malamud
Plus le certificat médical de présentation sera précis, plus notre tarification sera en rapport avec ce
qui nous est présenté.
Pr Francis Berenbaum
Il est très difficile de pouvoir juger du pronostic
pour une polyarthrite rhumatoïde débutante,
même si des critères pronostiques de gravité voient
le jour actuellement. Mais s’il s’agit d’une polyarthrite rhumatoïde qui évolue déjà depuis dix ans
et qui se trouve dans le premier schéma, vous ne
prenez pas un gros risque à l’assurer. C’est dans les
premières années de la maladie que les lésions apparaissent. Si une fois ces premières années passées,
la polyarthrite rhumatoïde est toujours de forme
38
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Pr Francis Berenbaum
Si vous vous appuyez sur des chiffres, vous avez
certainement raison. En revanche, il faut absolument que vous les réévaluiez très régulièrement
parce que le contexte thérapeutique évolue rapidement et va être bouleversé.
Dr Patrick Malamud
C’est bien le sens de notre mission ! Pour la tarification, nous utilisons un logiciel et en vertu des
données de ce logiciel, les polyarthrites rhumatoïdes avec une rémission de plus de cinq ans sont
prises au tarif normal pour l’assurance décès.
Dr John Evans
Ne pensez-vous pas qu’il existe, avec la polyarthrite rhumatoïde, un sur-risque cardiovasculaire ?
Pr Francis Berenbaum
Le sur-risque cardiovasculaire est lié au fait qu’on
laissait jadis des inflammations persister alors
qu’avec les traitements de fond actuels, on supprime ces inflammations. Ce faisant, nous agissons
également sur le facteur cardiovasculaire. En outre,
les traitements de fond sont de plus en plus efficaces et nous permettent de diminuer la corticothérapie, qui est un facteur de risque supplémentaire, ainsi que la sédentarité. Cet ensemble
contribuera à ce que le sur-risque cardiovasculaire
chez les patients dont la maladie est bien contrôlée,
régresse voire disparaisse dans les années à venir.
Etes-vous souvent confrontés à des plaintes de
patients à l’encontre des assurances ?
Dr Janine-Sophie Giraudet-Le Quintrec
Les patients sont désespérés parce qu’ils ne parviennent pas à trouver une assurance qui les accepte. C’est du moins ce que nous entendons de
leur part. Ils ont déjà une maladie épouvantable
et n’ont pas la possibilité de pouvoir souscrire un
emprunt. C’est catastrophique pour eux.
Souvent, les malades se renseignent pour un emprunt. Leur banque, faute de garanties complémentaires, leur refuse le prêt. Les malades ne peuvent pas le vivre autrement que comme un refus.
C’est un problème récurrent.
Michel Dufour
Cette difficulté ne concerne pas la majorité des
contrats. Dans bon nombre de cas, des contrats
emprunteur peuvent être émis avec une couverture
en décès et une couverture en PTIA. La garantie
incapacité-invalidité ne représente pas la majorité
des contrats emprunteurs.
Certaines banques refusent d’accorder les prêts
faute de garanties. Vous pouvez prendre une assurance à titre individuel mais pas en tant qu’emprunteur collectif.
Michel Dufour
Effectivement, pour les contrats emprunteur collectif, qui sont les contrats de premier niveau, la
garantie de base décès toutes causes ne sera pas
accordée. Il y a une action à mener à ce niveau.
Nous ne demandons pas mieux, en tant qu’assureur
et réassureur, que de disposer de repères quitte à
donner des couvertures, même en incapacité, sur
de très courtes durées. Si vous nous donnez les paramètres idoines nous permettant de nous engager
sur une couverture de cinq ans, voire de dix ans,
nous sommes preneurs.
Dr Patrick Malamud
En matière de progrès thérapeutique, je pourrais
citer l’exemple du Glivec. Il s’agit d’une molécule
extraordinaire qui, à raison de quatre gélules par
jour, permet une rémission complète cytogénétique
et moléculaire des leucémies myéloïdes chroniques.
C’est plus facile à supporter qu’une greffe de
moelle. J’ai eu à me prononcer sur plusieurs dossiers présentant une rémission complète cytogénétique et moléculaire. Mais nous n’avons que quatre à cinq ans de recul par rapport à ce traitement
et il fallait que je m’engage sur un emprunt sur
vingt ans. Je n’ai pas pu le faire car je n’ai aucune
preuve que ce jeune homme de vingt-sept ans en
rémission sera encore en vie dans dix ans.
Tant que nous n’avons pas de références, nous ne
pouvons pas nous permettre de prendre ces décisions. Or les références en matière de thérapeutique anti-TNF sont encore succinctes.
Pourquoi ne pas recourir aux exclusions dans certaines circonstances ?
Dr Patrick Malamud
Je ne vois pas comment prévoir des exclusions sur
une maladie générale.
Dr Dominique Lannes
Il paraît difficile de recourir à l’exclusion en matière
d’incapacité pour la polyarthrite rhumatoïde, d’autant plus que Madame Le Quintrec nous a indiqué
que ses patients souffraient avant tout d’asthénie
et de fatigue. On ne peut pas inclure l’asthénie
dans la liste des exclusions des articulations. Il est
difficile de jouer l’exclusion dans cette pathologie,
à moins qu’il ne s’agisse que de couvrir l’incapacité
par accident.
Nous donnons l’impression d’être très restrictifs,
mais nous avons véritablement fait au mieux pour
abaisser les tarifications. Nous avons expliqué que
certaines polyarthrites rhumatoïdes étaient d’un
niveau de risque pratiquement normal, nous en
tenons compte. Mais en matière d’incapacité, nous
nous orientons vers le refus compte tenu des critères que nous avons étudiés.
L’expérience aidant, nous sommes cependant prêts
à revoir notre position lorsque les traitements
agressifs d’emblée porteront leurs fruits.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
39
Tarifer la polyarthrite rhumatoïde
Dr Patrick Malamud
Je ne vois pas comment nous pourrions faire des
exclusions saines, formelles et simples à comprendre sur des maladies générales sans nous exposer
à des sinistres. Comment prouver qu’un lymphome
trouve son origine dans la polyarthrite rhumatoïde ? Tous les experts nous riraient au nez !
Michel Dufour
Il faut en effet que les exclusions soient formelles
et limitées. Nous ne sommes absolument pas dans
ce cadre-là.
Dr Patrick Malamud
Pour une arthrose bien localisée, il est facile d’exclure. Il n’en va pas de même avec la polyarthrite
rhumatoïde.
Adoptez-vous la même attitude concernant la
spondylarthrite ankylosante pour les garanties arrêt de travail et invalidité ?
Dr Patrick Malamud
Tout dépend de la forme de la spondylarthrite ankylosante. Il faut analyser la forme (périphérique,
axiale) au cas par cas. Les spondylarthrites ankylosantes à forme périphérique peuvent se rapporter
à la polyarthrite rhumatoïde. La tarification est
tout de même globalement plus légère que pour
la polyarthrite. Nous ne prévoyons pas d’exclusion
pour les garanties arrêt de travail. En revanche,
nous acceptons cette garantie pour certains cas de
spondylarthrite ankylosante légère avec une surprime modérée. Ce sont des spondylarthrites sans
poussée, avec prises ponctuelles d’anti-inflammatoires. On peut prévoir dans ce cas une surprime
très modérée pour l’incapacité-invalidité.
40
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
La Spondylarthrite ankylosante :
bilan et pronostic
Dr Corinne Miceli-Richard • CHU Kremlin Bicêtre
Ce chapitre aborde la spondylarthrite ankylosante
(SPA) et les spondylarthropathies.
La spondylarthrite ankylosante est un sous-groupe des
spondylarthropathies. Ce rhumatisme inflammatoire, fréquent, qui touche l’adulte jeune, est une affection polymorphe dans sa présentation clinique et dans sa sévérité.
De ce point de vue, il est important d’obtenir un certain
nombre d’informations pour tarifer correctement les dossiers présentés.
Si les anti-TNF ont constitué une avancée majeure dans
le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, c’est encore
plus vrai dans la SPA. Les éléments ci-dessous, qui concernent les conséquences de ce rhumatisme en termes d’activité professionnelle ou de mortalité, sont à nuancer
dans la mesure où aucune étude sur la mortalité ou l’impact sur l’activité professionnelle n’intègre des données
pour les patients ayant été traités par anti-TNF.
1
Une affection polymorphe
Les spondylarthropathies sont des affections extrêmement polymorphes.
Elles ne se résument pas au rhumatisme se déclarant à
l’âge de vingt ans en moyenne et conduisant à une ankylose de la colonne vertébrale. Le terme « ankylosante »
est d’ailleurs inadapté car il tend à inquiéter le patient
et parce que, grâce aux nouvelles thérapies, ce type
d’évolution pourra être évité.
Les spondylarthropathies constituent un ensemble assez
vaste.
thies. Les arthrites réactionnelles, soit les rhumatismes
survenant dans le mois qui suit une infection génitale
ou digestive, ont pratiquement disparu. Le SAPHO est
une forme inflammatoire de rhumatisme ayant pour caractéristique une inflammation osseuse. Le rhumatisme
des entérocolopathies fait suite à une inflammation chronique du tube digestif, plus connue sous le nom de maladie de Crohn. Enfin, les spondylarthropathies peuvent
prendre la forme de spondylarthrite ankylosante indifférenciée. Elles sont l’association chez un même patient
(fréquemment chez la femme), d’une arthrite et de douleurs inflammatoires de la colonne, sans la forme ankylosante de la colonne vertébrale.
Par conséquent, on ne peut réduire les spondylarthropathies à la seule SPA.
Quelles sont les caractéristiques communes à ces différents rhumatismes ?
1 Ces rhumatismes sont associés à l’antigène HLA B27.
Cet antigène, naturel, est présent chez 7 % à 8 % de la
population en général. En revanche, il concerne entre
50 % et 90 % des patients touchés par ce rhumatisme et
est donc un facteur de prédisposition génétique, même
si cette prédisposition reste à ce jour inexpliquée. Le HLA
B27 sert, dans le système immunitaire, à présenter des
antigènes et à se défendre contre des microbes. Selon la
forme du rhumatisme, l’association au HLA B27 est évidente. En revanche, sur les formes de spondylarthropathies psoriasiques, la présence de HLA B27 ne concerne
que 18 % de la population.
2 Ces rhumatismes ont en commun de présenter une
atteinte de l’enthèse, soit une inflammation des zones
d’insertion des tendons sur l’os. Cette inflammation se
traduit souvent par des douleurs sur la partie postérieure
du talon [ 20 ].
20
La forme qui touche la colonne vertébrale est la spondylarthrite ankylosante. Un patient atteint de cette pathologie souffre du dos la nuit, ressent le besoin de se déplacer, de se lever vers cinq heures du matin, pour calmer
sa douleur. Outre cette forme axiale de la maladie, les
spondylarthropathies peuvent prendre la forme d’arthrite qui touche les articulations périphériques, souvent
des membres inférieurs (genou, cheville). Le rhumatisme
psoriasique est également associé aux spondylarthropa-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
41
La Spondylarthrite ankylosante : bilan et pronostic
3
Ils peuvent toucher la colonne vertébrale, la partie
haute, médiane ou basse du rachis, ainsi que la sacroiliaque (atteinte axiale). Une inflammation se déclare au
niveau de la colonne vertébrale ainsi que sur les ligaments entourant la colonne. Au fil du temps, cette
inflammation conduit à une « colonne bambou », avec
le développement de ponts osseux [ 21 ].
4
Ils peuvent prendre la forme d’arthrites périphériques,
sur un orteil par exemple.
5
Ces rhumatismes s’accompagnent de manifestations
extra-articulaires (psoriasis, uvéites -inflammations de
l’œil-, entérocolopathies inflammatoires). Le psoriasis
consiste en un épaississement de la peau qui prend un
aspect blanchâtre, et peut toucher le cuir chevelu, les
ongles, l’œil…
En résumé, ce rhumatisme peut prendre des formes très
variées et ne peut se réduire à son « chef de file », la
SPA. D’ailleurs, les dossiers sur lesquels il faut statuer ne
comprennent pas forcément le terme de « spondylarthrite ankylosante » mais bien celui de « spondylarthropathie ». Une description des manifestations du patient
doit être associée au dossier.
21
Colonne « bambou »
42
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
2
Données épidémiologiques
La spondylarthropathie est un rhumatisme inflammatoire
qui touche plutôt le jeune adulte. En moyenne, il se déclare autour de vingt-quatre ans. Toutefois, le diagnostic
n’est pas réalisé immédiatement. En effet, ce rhumatisme
se manifeste assez lentement, de façon parfois atypique,
conduisant à un retard du diagnostic.
La seule étude épidémiologique concernant les spondylarthropathies disponible en France a été réalisée en Bretagne par Alain Saraux, par le biais d’une enquête téléphonique. Il apparaît que la prévalence de la
spondylarthropathie (0,47 %) est très proche de celle de
la polyarthrite rhumatoïde (0,62 %). Ces deux rhumatismes inflammatoires sont les plus courants en Europe.
Par le passé, on disait de la SPA qu’elle était le « rhumatisme de l’homme », estimant qu’elle était dix fois plus
fréquente chez l’homme que chez la femme. En réalité,
elle serait trois fois plus fréquente chez l’homme que
chez la femme. En revanche, s’agissant de l’ensemble
des spondylarthropathies, on n’observe pas de différence
significative liée au sexe.
la nuit, douleur le matin, intensité de la douleur…),
notamment grâce à l’etanercept, molécule utilisée en
injection sous-cutanée une fois par semaine.
S’agissant de la fréquence des différents sous-groupes, il
apparaît que la forme axiale, ankylosante, est loin de
constituer la totalité de ce rhumatisme. Une étude réalisée en Allemagne par Braun a montré qu’elle n’en représentait que 45 %. Les formes indifférenciées représenteraient 35 %, contre 15 % pour les formes avec une
atteinte périphérique.
Les conséquences, au quotidien, de la spondylarthropathie sont multiples tant sur le plan de la santé physique
que mentale. Le traitement permet une amélioration de
40 % de la santé physique, notamment les fonctions physiques. L’amélioration s’apprécie également sur des paramètres rhumatologiques (nombre d’articulations gonflées, douleurs matinales…).
3
Traitements
Le recours aux anti-inflammatoires est fréquemment utilisé de par sa simplicité. Très souvent, les patients sont
sous anti-inflammatoires quotidiennement ou seulement
en fonction de leur douleur. Un autre traitement consiste
à utiliser des antalgiques, comme le Doliprane®.
Des traitements de fond peuvent être utilisés pour les
formes périphériques : Sulfasalazine, Salazopyrine et
Methotrexate.
Pour éviter l’enraidissement en position vicieuse, le recours entre autres à la rééducation à la physiothérapie
est nécessaire. Pour les traitements locaux, des infiltrations sont effectuées.
Les anti-TNF ont révolutionné le traitement des spondylarthropathies. Leur arrivée est relativement récente
puisque les premières publications sur le sujet datent de
2000. Les études contrôlées ayant permis d’autoriser l’utilisation de ces molécules dans l’indication « spondylarthropathie » ont été publiées en 2002. L’efficacité des
anti-TNF est considérable puisqu’ils permettent une amélioration de l’état des malades chez 50 % à 80 % de
ceux-ci.
Ces traitements sont efficaces lorsque les patients présentent des formes sévères de la maladie qui ne répondent pas aux traitements simples. 80 % des patients enregistrent, après quatre mois, une amélioration de leur
santé de 20 % sur un certain nombre de critères (réveil
Une étude allemande a montré que l’utilisation d’une
molécule, le Rémicade®, en perfusion, permet une amélioration de 50 % du BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis
Disease Activity Index). L’amélioration, sous placebo, n’est
que de 9 %. Il est d’ailleurs conseillé de se servir d’un
questionnaire BASDAI qui fournit une bonne idée de
l’état de santé du patient. Le BASDAI, qui prend en
compte des critères simples, est désormais utilisé systématiquement pour les patients reçus en consultation qui
présentent ce rhumatisme inflammatoire. Le BASDAI est
une échelle visuelle analogique que remplit le patient.
Elle vise le degré de fatigue, le niveau de douleur sur le
cou, les hanches, les articulations périphériques, l’intensité de la raideur… autant d’éléments qui doivent être
pris en compte dans l’évaluation de l’activité d’un rhumatisme.
L’amélioration de la santé des patients se mesure aussi à
travers leur consommation d’anti-inflammatoires. Dans
72 % des cas, les patients peuvent réduire de plus de la
moitié leur consommation d’anti-inflammatoires et
même la supprimer dans 60 % des cas. Dans cette dernière hypothèse, les conséquences fonctionnelles du rhumatisme du patient sont nulles.
4
Les conséquences de la
spondylarthropathie
Les conséquences de la spondylarthropathie sur l’activité
professionnelle et la mortalité sont rares. En outre, les
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
43
La Spondylarthrite ankylosante : bilan et pronostic
données disponibles ne tiennent pas compte de l’effet
des anti-TNF.
A
Sur l’activité professionnelle
La plupart des résultats en la matière sont issus des travaux de l’équipe Boonen.
Par rapport à la population générale, la spondylarthropathie augmente la mortalité de 50 %. En outre, le risque
de perte d’emploi est trois fois plus important. Cet aspect,
comme la mortalité, est corrélé à l’activité de la maladie
et au handicap fonctionnel.
L’un des freins à l’introduction sur le marché des antiTNF est leur coût élevé. Un traitement par anti-TNF coûte,
sur une année, environ de 13 000 euros. Par conséquent,
en dépit de son efficacité, il n’est pas possible d’administrer ce traitement à toutes les personnes souffrant de
rhumatisme inflammatoire. La diffusion de ce traitement
a donc posé la question du coût du traitement en général. Un patient qui prend des anti-TNF et dont l’état de
santé s’est considérablement amélioré, va diminuer sa
consommation d’anti-inflammatoires, ne sera pas hospitalisé, n’aura plus besoin de radiographie ni d’infiltration,
et ne s’absentera plus de son travail… Finalement, les
études ont permis de mettre en balance le coût des antiTNF et celui des autres traitements. En définitive, même
si ce médicament est coûteux, il permet de réaliser d’importantes économies par ailleurs.
A ce jour, entre 61 % et 89 % des patients souffrant
d’une spondylarthropathie exercent une activité professionnelle normale. L’inaptitude au travail est relativement marginale (de 3 % à 9 % des patients).
Des travaux ont été entrepris dans plusieurs pays autour
de l’interruption de l’activité professionnelle en raison
d’une spondylarthropathie. L’inaptitude permanente ne
serait que de 3 % au Mexique, sans doute en raison du
coût d’une telle interruption. En Europe, le taux d’interruption est de l’ordre de 36 % après une évolution de la
maladie pendant vingt ans. Aux Etats-Unis, 5 % des patients sont contraints d’interrompre totalement leur activité professionnelle, après cinq ans de maladie.
Ces études ont également essayé de mettre en évidence
les facteurs prédictifs de l’interruption de l’activité pro-
44
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
fessionnelle. Il en ressort que, lorsque le diagnostic est
effectué avant l’âge de trente-cinq ans, la personne a
deux fois plus de risques d’interrompre son activité. Le
travail manuel est un autre facteur aggravant de l’interruption d’activité. Les personnes qui, à cause de leur rhumatisme, essayent de limiter leurs activités (par une modification du poste de travail) ont 2,3 fois plus de risque
d’interrompre définitivement leur activité professionnelle. Pour les personnes contraintes de modifier complètement leur activité professionnelle à cause de leur
rhumatisme, le risque d’interruption totale est 6,9 fois
plus élevé.
Une étude américaine a identifié d’autres facteurs prédictifs de
l’interruption de l’activité professionnelle :
• âge auquel la maladie se déclare
• années d’études : les personnes ayant un niveau d’études plus
élevé sont en général moins handicapées, sans doute grâce à
une meilleure information
• activité physique
• sexe féminin : les femmes arrêtent plus facilement leur activité
professionnelle
• comorbidité : la présence d’une affection parallèle favorise l’interruption de l’activité.
Une étude hollandaise a également pointé les facteurs
suivants :
• difficultés d’accès au lieu de travail
• difficultés de mobilité sur le lieu de travail
• attitude négative des collègues
• attitude négative des supérieurs
• absence de soutien des collègues / supérieurs.
A défaut d’interrompre leur activité professionnelle, certains patients connaissent des périodes de chômage. Différentes études ont en effet souligné la prévalence non
négligeable du chômage chez les personnes atteintes de
rhumatisme inflammatoire (entre 14 % et 50 %).
Une étude américaine a tenté d’identifier des facteurs
prédictifs du chômage dans cette population : sexe, qualité de vie, douleur… Des études européennes ont souligné, pour leur part, le rôle de l’âge et du BASDAI. Lorsque
ce dernier enregistre des valeurs élevées, le risque de
chômage pour la population concernée peut augmenter
de 25 %.
B
Sur la mortalité
Une étude menée aux Etats-Unis et parue en 1998 s’est
intéressée au risque de mortalité en cas de rhumatisme
psoriasique. Ce dernier évolue de façon pratiquement
similaire à la polyarthrite rhumatoïde.
Le SMR, ratio standardisé de mortalité prenant en
compte l’âge et le sexe des patients, souligne que le
risque de mortalité est plus élevé de 62 % pour les personnes atteintes de ce rhumatisme par rapport à la population générale. Les facteurs prédictifs de la mortalité
identifiés sont les suivants :
• la vitesse de sédimentation (inflammation)
• le traitement de fond à l’inclusion, soulignant une
forme plus sévère de rhumatisme
• la présence d’érosions, signifiant que le rhumatisme
n’est pas contrôlé.
Par conséquent, les patients qui ont un risque de mortalité plus important sont ceux qui présentent une inflammation chronique et un rhumatisme inflammatoire non
contrôlé.
S’agissant de la spondylarthrite ankylosante, sur sa forme
axiale, les études ont fourni des résultats pas toujours
fiables dans la mesure où autrefois, un des traitements
de cette pathologie consistait en une irradiation rachidienne. Or irradier un rachis peut entraîner le développement d’une hémopathie. Aussi, les chiffres montrant
un sur-risque de mortalité étaient biaisés par le risque
d’hémopathie ainsi que par le risque de cancer du colon.
En réalité, la moitié des études disponibles intègre des
données de radiothérapie sur la colonne vertébrale. Selon
les études, ces traitements entraînent une augmentation
des cancers de 50 % à 140 %.
polyarthrite rhumatoïde. L’inflammation chronique entraîne une modification de la paroi des artères et ainsi
un sur-risque de mortalité cardio-vasculaire. C’est pourquoi le diagnostic d’un rhumatisme doit s’accompagner
d’un bilan cardio-vasculaire. En présence d’autres facteurs
de risque que l’inflammation chronique, comme un cholestérol élevé ou une hypertension artérielle, les patients
sont immédiatement traités. Il est essentiel de bien prendre en compte la dimension cardio-vasculaire.
Une étude américaine portant sur une population de
50 000 patients identifie un sur-risque de mortalité de
50 % et souligne qu’une grande part du risque de mortalité peut être attribuée au risque cardio-vasculaire
5
Conclusion
Retenons que la spondylarthrite ankylosante ne constitue
qu’un petit groupe des spondylarthropathies. Ce groupe
est particulièrement polymorphe. Il existe une majorité
de formes bénignes de ce rhumatisme inflammatoire.
Les anti-TNF ont révolutionné la prise en charge des
spondylarthropathies. Les formes sévères sont candidates
au traitement anti-TNF mais sont aussi celles qui auront
un retentissement sur l’activité professionnelle et la mortalité. Par conséquent, elles méritent une attention particulière. Les études intégrant l’efficacité des anti-TNF
seront particulièrement intéressantes de ce point de vue.
Par conséquent, les résultats relatifs à la mortalité due à
la SPA sont largement biaisés par la mortalité due au
cancer, lequel est secondaire à l’irradiation.
Les valeurs les plus réalistes quant à la mortalité due à la
SPA ont été identifiées par des études anglaises et finlandaises. Elles présentent un SMR compris entre 1,66 et
1,50.
Un des éléments majeurs de la surmortalité tient aux
problèmes cardio-vasculaires. Il en est de même pour la
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
45
La Spondylarthrite ankylosante : bilan et pronostic
Questions
Réponses
Une deuxième interrogation porte sur les tumeurs
solides. Les études les plus récentes ont conclu à
un sur-risque minime de cancer cutané. Toutefois,
il convient d’observer un échantillon de patients
beaucoup plus large pour tirer des enseignements.
Qu’arrive-t-il en cas d’arrêt des anti-TNF ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Alors qu’il est très facile de déterminer le moment
auquel il convient d’administrer ces produits, il est
beaucoup plus compliqué d’envisager le moment
opportun pour arrêter le traitement.
L’arrivée des anti-TNF constitue en effet une révolution dans la rhumatologie. Nous savons que l’efficacité de ce traitement, en particulier dans la
spondylarthrite ankylosante, est impressionnante.
Il existe trois médicaments anti-TNF : Enbrel®,
Rémicade®, Humira®. Il convient de mesurer leur
effet sur la spondylarthrite ainsi que l’état cardiovasculaire du patient. Les effets secondaires des
anti-TNF ne sont pas encore clairement identifiés.
Nous en saurons davantage au cours des prochaines années.
Dr Corinne Miceli-Richard
Il existait autour de ces traitements quelques appréhensions sur la survenue éventuelle de tumeurs
ou de lymphomes. TNF signifie Tumor Necrosis Factor. Il s’agit d’une protéine servant dans la défense
anti-tumorale.
Dans la polyarthrite rhumatoïde, le traitement est
suspensif. Des perfusions sont effectuées toutes les
quatre ou six semaines. A chaque fois que le traitement s’arrête, les patients souffrent. Dans les
spondylarthropathies, il est plus facile d’espacer
les perfusions, de diminuer les doses voire pour
certains patients, d’interrompre le traitement. J’ai
en effet reçu des patients pour lesquels l’intervalle
entre les perfusions dépassait douze semaines et
pour lesquels le traitement a été arrêté, sans rechute de ces patients. Toutefois, ce traitement reste
suspensif, les patients en ont besoin sur le long
terme.
Le rhumatisme prend différentes formes. Dans certains cas, il évolue par poussée et dans ce cas, une
interruption du traitement est envisageable. Dans
d’autres cas, il évolue d’un seul tenant et il est difficile d’interrompre le traitement.
Qu’en est-il du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Les premières études sur la polyarthrite rhumatoïde, montraient un léger sur-risque de lymphome. Toutefois, il était très difficile de confirmer
ce lien dans la mesure où une inflammation chronique entraîne elle-même un sur-risque de lymphome de 100 %. Ce sur-risque sous anti-TNF étaitil réellement lié à la molécule ou bien à l’activité
de la maladie ? Les dernières études sont tout à
fait rassurantes sur ce point et établissent une corrélation directe avec l’activité de la maladie : la
molécule elle-même n’est pas en cause dans les
lymphomes.
46
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
En France, on aime donner le nom des médecins
ayant décrit les rhumatismes. On parle désormais
d’« arthrite réactionnelle ». Ce syndrome est marginal. Il touche moins de 2 % des patients.
Que se passe-t-il lorsque vous demandez à vos patients de remplir un questionnaire relatif à la qualité
de vie ? Quelle est votre expérience en la matière ?
Lorsque, en tant qu’assureurs, nous proposons à
nos assurés de donner ce type de renseignements,
ils tendent à surestimer leurs capacités…
Dr Corinne Miceli-Richard
Tous ces questionnaires, dont le BASDAI, sont des
éléments essentiels du suivi d’un patient. Ce dernier
va toujours répondre de la même façon. Ses réponses vont s’appuyer sur les mêmes éléments,
qu’il s’agisse de la douleur ou de son handicap.
Par conséquent, ce n’est pas la valeur absolue mais
la valeur relative, c’est-à-dire l’évolution des appréciations, dont il faut tenir compte. Il est ainsi
possible de suivre un patient donné sur le long
terme. Par contre, comparer les résultats d’un questionnaire d’un individu à un autre est peu pertinent
dans la mesure où chaque patient à son propre
vécu et sa propre appréciation de la douleur. En
revanche, qu’il s’agisse de polyarthrite rhumatoïde
ou de SPA, nous savons que la tolérance des patients à la douleur est excellente : malgré leur douleur, les patients agissent presque normalement.
Leur « coping » à la maladie est élevé. A l’inverse,
les patients souffrant de fibromyalgie réagissent
mal à la douleur alors que leur handicap au quotidien, est relativement peu important.
Il n’existe donc pas d’étude mesurant la qualité de
vie et la reliant au risque d’incapacité du travail…
Dr Corinne Miceli-Richard
Les questionnaires dont je parlais sont assez génériques. Ils sont utilisés dans toute la rhumatologie
et intègrent la douleur, la santé mentale, la santé
physique…
Pourriez-vous évoquer l’antigène HLA B27 et les
maladies inflammatoires présentant un risque cardio-vasculaire ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Il n’y a pas de lien direct entre cet antigène et les
pathologies cardiaques. Ce lien, s’il existe, est très
lointain. Certaines pathologies, de type insuffisance
aortique, ne sont pas nécessairement liées au HLA
B27 dans la mesure où ces pathologies sont observées pour beaucoup de rhumatismes inflammatoires.
Il n’y a pas non plus de lien direct entre cet antigène et les pathologies cardio-vasculaires.
On a mis en évidence le lien direct entre le HLA
B27 et le rhumatisme grâce à des rats transgéniques. On a ainsi fait en sorte que le rat exprime
sur ses cellules le HLA B27. Ainsi, le rat présente
une atteinte inflammatoire de la colonne, des arthrites, une inflammation de l’œil. En revanche, il
ne présente pas d’atteinte du cœur ni de pathologies cardio-vasculaires. Par conséquent, sur la base
de ce moyen quelque peu artificiel, nous n’avons
pas de raison de penser que le HLA B27 intervient
dans les manifestations cardio-vasculaires mais plutôt dans les manifestations inflammatoires de l’œil,
des articulations ou de la colonne vertébrale voire
dans les manifestations inflammatoires digestives.
Si l’inflammation favorise les pathologies cardiovasculaires, le lien entre ces dernières et le HLA
B27 n’est pas direct.
Le sexe intervient-il dans l’évolution de la maladie ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Nous avons vu que le fait d’être une femme a plus
de retentissement sur l’activité professionnelle.
J’ignore le contenu des analyses menées. Le résultat
tient peut-être au fait qu’au sein de certaines cellules familiales, la femme peut interrompre plus
facilement son activité professionnelle que son
mari. En réalité, les raisons de ce sur-risque n’ont
pas été analysées.
En revanche, nous savons que les formes de ce rhumatisme chez les femmes sont souvent bien plus
bénignes. L’atteinte ankylosante de la colonne
touche davantage l’homme. A l’échelle de la population, l’homme est également plus exposé aux
travaux manuels. Dès lors, le facteur sexuel est plutôt défavorable à l’homme.
Je pensais que les formes périphériques étaient
plus graves que les formes axiales. Ainsi, l’atteinte
de hanche était considérée comme un facteur de
mauvais pronostic.
Dr Corinne Miceli-Richard
Ces facteurs de mauvais pronostic ont été étudiés
par Bernard Amor. La hanche, curieusement, est
une articulation périphérique. Pour la spondylar-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
47
La Spondylarthrite ankylosante : bilan et pronostic
thrite, on considère que la forme axiale est plus
sévère.
Le rhumatisme psoriasique est fréquent chez les
personnes atteintes de spondylarthropathie. L’inverse est-il vrai ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Le rhumatisme psoriasique ne touche que 2 % à
3 % de la population générale et 20 % à 30 %
dans le groupe des spondylarthropathies. Il y a
bien un sur-risque. Toutefois, cela n’est valable que
sur des échelles de la population générale très faibles. Le risque passe peut-être de 3 % à 4,5 % en
cas d’une atteinte cutanée de type psoriasique.
Quel est le risque infectieux des traitements antiTNF ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Ce risque est réel. Il y a notamment un risque de
résurgence de tuberculose. Un dépistage de la
tuberculose est désormais opéré. En outre, on
observe un risque relatif de 100 % à 200 % de
développer une infection sévère et bactérienne
chez la population qui a reçu le traitement par
rapport à la population placebo. Ces risques ont
été démontrés.
Par ailleurs, s’agissant de la SPA, les études ont été
publiées en 2002. En réalité, les études ont été
publiées sur des analyses commencées en 2000.
Nous disposons donc d’un certain recul. Les premières applications dans la polyarthrite rhumatoïde
datent d’une dizaine d’années. Sur ce sujet, il n’y a
pas de raison de voir apparaître des infections particulières. En revanche, s’agissant du risque tumoral, dans la mesure où l’échantillon de patients
doit être important, quelques interrogations demeurent.
L’activité des anti-TNF Alpha se maintient-elle avec
le temps ?
Dr Corinne Miceli-Richard
Dans la polyarthrite rhumatoïde, on observe des
échappements au traitement au point que l’on est
contraint de changer un anti-TNF pour un autre.
48
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Dans la polyarthrite rhumatoïde, la plupart des
patients qui prennent du Rémicade® sont sous
Methotrexate®. Des anticorps favorisant cet échappement se développent. Dans la SPA, les échappements sont moins importants. Une étude préliminaire réalisée à l’Hôpital Ambroise-Paré indique que
l’association du Methotrexate® et du Rémicade®
n’est pas nécessaire. Les anticorps qui se développent contre la molécule ne nuisent pas à l’efficacité
du traitement.
La maintenance du traitement dans la spondylarthrite ankylosante est bien meilleure que dans la
polyarthrite rhumatoïde. En outre, un espacement
des traitements n’est pas envisageable avec la
polyarthrite rhumatoïde, alors qu’il l’est dans la
spondylarthrite ankylosante. De la même façon, il
est beaucoup moins nécessaire de recourir au changement d’anti-TNF dans la spondylarthrite que
dans la polyarthrite rhumatoïde, même si l’on n’en
connaît pas parfaitement les raisons.
Tarifer la spondylarthrite
ankylosante
Dr Gabriela Mendoza Sassi • Médecin-conseil SCOR Global Life
Pour tarifer la spondylarthrite, il faut être sûr du
2
diagnostic, connaître les complications et apprécier les
facteurs pronostiques.
Afin d’être certain du diagnostic, il nous faut un certificat
rhumatologique spécialisé qui doit mentionner :
Tarification
A
• la date du diagnostic, afin de nous permettre de calculer le temps d’évolution de la maladie ;
• l’historique de la maladie, pour déterminer les lésions
présentées par le patient, les marqueurs biologiques ;
• les traitements passés ou actuellement suivis par le
patient ;
• les complications.
1
Le pronostic
Lorsque l’on examine le dossier d’un proposant atteint
de spondylarthrite, on ignore la façon dont sa maladie
va évoluer. Pour envisager cette évolution, nous pouvons
nous appuyer sur sept facteurs prédictifs, décrits par le
professeur Amor. Ces facteurs, lorsqu’ils sont observés
pendant les deux premières années d’évolution de la
maladie, vont permettre de prévoir l’évolution de la
spondylarthrite pour les quinze années suivantes.
Les critères pronostiques du professeur Amor sont les suivants :
• l’inflammation de l’articulation coxo-fémorale : 4 points
• la vitesse de sédimentation (>30) : 3 points
• la mauvaise réponse aux AINS : 3 points
• la raideur du rachis constatée par le patient : 3 points
• la présence d’un doigt ou orteil « en saucisse » : 2 points
• la présence d’oligoarthrite : 1 point
• le début de la maladie avant l’âge de seize ans : 1 point.
Si le total des points est égal ou inférieur à trois, alors la maladie
sera bénigne (sensibilité : 92,5 %, spécificité : 78 %).
Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques en termes de mortalité
servent à établir la tarification. Une étude de K. Lehtinen,
en 1993, sur une cohorte de 398 patients atteints de
spondylarthrite ankylosante, suivis pendant vingt-cinq
ans, a déterminé une mortalité 1,5 fois supérieure à la
population générale. La tarification doit également s’appuyer sur des données relatives à l’incapacité et à l’invalidité. Après quinze ans, 50 % des patients atteints d’une
spondylarthrite sévère ne travaillent plus.
B
Données cliniques, signes d’évolutivité et
complications
La tarification se base par ailleurs sur les signes d’évolutivité : présence de douleur, de synovite, de raideur matinale, vitesse de sédimentation et CRP élevées. Ces
signes sont des facteurs négatifs pour l’évolution de la
maladie.
Nous retenons comme complications les éléments suivants :
• atteinte viscérale
• atteinte de hanche
• orteils en griffe
• prothèse articulaire
• cyphose dorsale évoluée
• insuffisance respiratoire.
C
Présence et type de traitement
La tarification s’appuie aussi sur la nécessité ou non pour
le patient de suivre un traitement et sur le type de traitement (anti-inflammatoire ou traitement de fond). Pour
le traitement de fond, on distingue les immunosuppresseurs des anti-TNF.
Si ce total est égal ou supérieur à sept, la maladie pourra être sévère
mais la sensibilité est seulement de 50 % (spécificité : 97 %).
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
49
Tarifer la spondylarthrite ankylosante
3
Exemples pratiques de tarification
A
Exemple I
Un homme de trente-huit ans demande une couverture
de prêt immobilier, pour un capital de 85 000 euros pendant vingt ans. Ce proposant a bénéficié d’un diagnostic
de spondylarthrite en 2003. Son rapport médical fait état
d’un traitement par AINS, d’une VS et d’une CRP normales, de l’absence de douleur et de complication.
On peut considérer qu’il s’agit d’une spondylarthrite « légère », présentant des points positifs :
• absence actuellement d’évolution clinique
• VS et CRP normales
• absence de traitement de fond
• absence de complication.
Pour une spondylarthrite « légère », nous retenons les
principes suivants :
• décès : pas de surmortalité
• IAD : acceptée
• incapacité / invalidité : surprime de 50 %.
Toutefois, selon les lésions radiologiques présentées par
le proposant, les garanties complémentaires pourront
être refusées.
B
Exemple II
Un homme de cinquante-deux ans demande une couverture de prêt immobilier pour un capital de 85 000 euros pendant dix ans. Ce proposant souffre d’une spondylarthrite ankylosante depuis 1982, confirmée par le
rapport médical, traitée par AINS et sulfasalazine, et qui
est non évolutive. Une cyphose dorsale et une insuffisance respiratoire modérée ont été identifiées ainsi que
l’absence d’atteinte viscérale, d’atteinte de la hanche,
d’orteils en « griffe » et de prothèse articulaire. La vitesse
de segmentation est de 30 tandis que la CRP s’établit à
15. Les épreuves fonctionnelles respiratoires ne sont pas
disponibles.
Il s’agit ici d’une spondylarthrite « modérée », qui évolue
depuis plus de vingt ans mais qui, actuellement, ne présente pas d’évolution clinique. Il y a là un point positif
pour la tarification. En revanche, plusieurs points négatifs
sont à relever :
50
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
• la persistance d’un « traitement de fond »
• des VS et CRP élevées
• la présence de cyphose dorsale
• une insuffisance respiratoire modérée.
Dans ce cas, la tarification serait la suivante :
• décès : surprime de 50-75 %
• IAD : acceptée
• incapacité / invalidité : refus.
C
Exemple III
L’exemple III concerne un homme de trente-deux ans
qui demande une couverture de prêt immobilier pour
un capital de 145 000 euros pendant vingt ans.
Dans le questionnaire médical, le proposant fait état
d’une spondylarthrite ankylosante, débutée en 2000,
traitée par Rémicade®, stabilisée, ainsi que de la persistance d’une raideur matinale de quarante-cinq minutes,
avec atteinte de la hanche, orteils en « griffe », sans
cyphose dorsale ni insuffisance respiratoire, ni prothèse
articulaire. Par ailleurs, la vitesse de sédimentation est
de 35 tandis que la CRP s’élève à 12.
Cela correspond à une spondylarthrite « sévère ». Le
point positif est que la maladie a été cliniquement stabilisée par Rémicade®. En revanche, plusieurs points
négatifs sont à souligner :
• raideur matinale
• VS et CRP élevées
• atteinte de la hanche
• orteils « en griffe ».
Dans ce cas, la tarification serait la suivante :
• décès : surprime de 75 % à 100 %
• IAD : refus
• incapacité / invalidité : refus
4
Conclusion
Le nombre de proposants atteints de spondylarthrite ankylosante est en augmentation depuis 2000. La tarification tient compte des facteurs pronostiques, des facteurs
positifs comme des facteurs négatifs.
Les anti-TNF sont en train de changer l’histoire naturelle
de la maladie. Toutefois, le recul reste insuffisant pour
se prononcer sur la façon dont ils vont influencer la mortalité et l’incapacité/invalidité.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
51
Tarifer la spondylarthrite ankylosante
Questions
Réponses
nement de la personne. Cette démarche n’est pas
simple pour l’assureur, en France, dans la mesure
où il a les plus grandes difficultés à obtenir des informations sur ce volet. De tels renseignements
sont parfois considérés comme étant contraires à
la liberté individuelle. Nous devons en effet être
très attentifs au respect de l’individu.
Nous menons une réflexion sur la façon d’appréhender le risque de l’incapacité du travail. Par le
passé, la réponse était simple : un refus de l’assurance voire une exclusion. Aujourd’hui, on cherche
à tarifer dans la mesure où l’on souhaite assurer
nos clients sur le plus grand nombre de points.
Malheureusement, les données font défaut.
Dr Dominique Lannes
Dr Corinne Miceli-Richard
L’exercice de votre métier est difficile. Procéder à
des évaluations à partir de dossiers médicaux n’est
pas simple.
Je m’étonne un peu que vous n’intégriez pas, dans
votre schéma, le type de travail du patient, ni la
durée des arrêts de travail occasionnés par le rhumatisme. Cela vaut tout particulièrement pour l’incapacité. En tant que médecin, au regard des trois
exemples présentés, je suis beaucoup plus inquiète
pour le patient II, dont le traitement de fond semble peu efficace, que pour le patient III, sous Rémicade®. Il est délicat d’évaluer ces situations.
Parmi les critères d’Amor, l’atteinte périphérique
a peu de poids. Les éléments importants sont plutôt
l’atteinte axiale et l’atteinte de la hanche. Pour les
médecins, une spondylarthropathie grave est celle
qui donne lieu à un traitement par anti-TNF. Pour
administrer ce dernier, on identifie avant tout l’atteinte de la hanche, un syndrome inflammatoire,
une vitesse de sédimentation élevée, la mauvaise
réponse aux AINS, la raideur du rachis. Vous avez
raison de reprendre ces critères. Cependant, l’activité professionnelle du proposant fait défaut.
L’inconvénient des exclusions, qui peuvent pourtant être assez pratiques dans l’étude d’un dossier,
est de vider en partie le contrat de sa substance.
L’évaluation est certes difficile mais elle représente
une avancée par rapport à une exclusion systématique.
Michel Dufour
Nous tenons compte de la profession de l’individu,
sans parfois en être réellement conscients. Dans
tout dossier d’assurance, la profession du proposant est mentionnée. Tout tarificateur qui étudie
un dossier prend connaissance de la pathologie,
de la profession. Ces éléments sont pris en compte
pour majorer ou minorer le tarif de la police.
Lorsque l’assurance incapacité est refusée, il n’est
pas rare qu’il soit demandé au tarificateur de se
justifier. Toutefois, ces démarches restent informelles, elles s’appuient sur l’expérience. Il est difficile d’intégrer ces éléments dans un logiciel de
tarification.
Dr Corinne Miceli-Richard
Il convient également de tenir compte de la durée
de l’arrêt de travail.
Michel Dufour
Nos réflexions, par le passé, étaient basées sur un
modèle biomédical. Or, comme cela a été indiqué
précédemment, nous devons prendre en compte
le volet « bio-psycho-social », c’est-à-dire l’environ-
52
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Michel Dufour
Nous en tenons bien compte. Les tarificateurs ont
connaissance des arrêts de travail et agissent en
conséquence.
Certains dossiers donnent-ils lieu à une exclusion ?
Dr Dominique Lannes
En général, les rhumatismes inflammatoires ne
donnent pas lieu à une exclusion dans la mesure
où il est très difficile d’exclure une maladie générale. En revanche, les refus sont possibles.
Toute la problématique est que, en cas de sinistre,
il est difficile de conclure que l’arrêt de travail est
dû à la polyarthrite et d’invoquer l’exclusion.
Lorsque l’on pose une exclusion sur une maladie
et que le patient est en arrêt de travail en raison
de cette maladie, ce patient ne va pas réclamer de
bénéfice… Le problème se pose uniquement en
cas d’invalidité. Il a été prouvé qu’un certain nombre de demandes de prestations sont évitées
lorsque l’exclusion est posée.
Dr Gabriela Mendoza
L’exclusion concerne souvent la colonne vertébrale.
Il arrive, en cas de SPA, d’exclure toute affection
qui n’est pas tumorale ou infectieuse. Ainsi, si la
personne souffre d’une tumeur vertébrale ou d’une
infection, nous prenons en compte cet élément.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
53
Prise en charge de l’ostéoporose :
un choix pour trente à quarante ans
Dr Mickaël Rousière • CHU Saint-Antoine, Paris
1
Rappels physiopathologiques
Le tissu osseux est un tissu de l’organisme qui joue différents rôles essentiels :
• soutien de l’ensemble de la charpente du corps,
• protection (les côtes par rapport aux poumons et au
cœur, la boîte crânienne par rapport au cerveau),
• mouvement,
• stockage des minéraux,
• formation des globules rouges (par la moelle osseuse).
On distingue l’os compact (80 % de la masse du squelette,
20 % du remodelage osseux) de l’os trabéculaire (20 %
de la masse du squelette, 80 % du remodelage osseux).
Les os sont composés ainsi :
• une charpente, la matrice
• des cellules ayant un rôle dans la destruction et la recomposition de l’os
• des cristaux chargés en calcium, lequel assure la solidité
à l’os.
L’os est un tissu vivant qui se renouvelle en permanence.
Dans un premier temps, l’os est détruit par les cellules ostéoclastes. Ensuite, d’autres cellules ostéoblastes vont être
chargées de reconstruire l’os afin de réparer les éventuelles
lésions. Ce processus de destruction / reconstruction de l’os
qui est équilibré quantitativement, s’appelle le remodelage
osseux. L’intégrité du squelette est préservée.
En cas d’ostéoporose, les cellules chargées de la reconstruction de l’os sont peu efficaces alors que les cellules
chargées de la destruction osseuse sont hyperactives, ce
qui conduit à une perte osseuse, entraînant une fragilité
de l’os. Cette perte osseuse va s’aggraver au fil du temps.
2
Les définitions de l’ostéoporose
La définition de l’ostéoporose a beaucoup évolué à travers les siècles. Au sens étymologique, l’ostéoporose est
54
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
un os poreux, comprenant des petits trous. Au début du
XXe siècle, on estime que la gravité de l’ostéoporose se
mesure à la fracture, notamment la fracture du col du
fémur. Ensuite, des études histologiques ont été menées
avec des biopsies osseuses. La véritable définition de l’ostéoporose date de 1993, suite à une conférence de
consensus. Toutefois, cette définition très littéraire est
peu utilisable dans la pratique : « Maladie diffuse du
squelette caractérisée par une diminution de la masse
osseuse et des altérations micro-architecturales du tissu
osseux, ayant pour conséquence une augmentation de
la fragilité osseuse et du risque fracturaire ».
Un os ostéoporotique présente des travées osseuses plus
fines, perforées et mal connectées entre elles.
La définition « pratique » a été donnée par l’OMS en
1994 et porte sur la densitométrie osseuse. Elle s’appuie
sur la distinction entre « ostéopénie », « ostéoporose »
et « ostéoporose confirmée ».
3
Reconnaître l’ostéoporose
L’ostéoporose est donc une maladie diffuse du squelette
caractérisée par une diminution de la masse osseuse et
des perturbations de la micro-architecture ayant pour
conséquences :
• une augmentation de la fragilité osseuse ;
• une augmentation du risque de fracture.
La reconnaissance de l’ostéoporose ne peut se limiter à
un examen médical permettant de mesurer la taille des
patients. En effet, ce critère est très tardif puisque l’on
admet qu’une fracture des vertèbres entraîne une perte
de taille de deux à trois centimètres. D’autres causes,
comme les scolioses, peuvent également entraîner une
perte de taille, aussi ce signe est peu spécifique.
La radiographie de la colonne vertébrale n’est pas non
plus satisfaisante dans la mesure où elle ne permet pas
de reconnaître que la fracture.
S’agissant des examens biologiques, aucun test sanguin
ne permet à ce jour, de diagnostiquer une ostéoporose.
Il convient donc de s’appuyer sur l’ostéodensitométrie
qui est l’examen de référence pour le diagnostic de l’ostéoporose aujourd’hui. Cet examen est fiable et anodin
dans la mesure où l’irradiation est faible. L’ostéodensitométrie permet de mesurer la densité minérale osseuse
au rachis lombaire et au col du fémur. Les rayons X traversent le corps humain. Plus l’os est dense, plus les
rayons X sont arrêtés et moins ils sont récupérés sur le
détecteur. La durée de cet examen, totalement indolore,
est de dix minutes.
L’examen permet de mesurer la quantité de calcium présente dans les os, que l’on rapporte à une surface d’os
pour déterminer une densité minérale osseuse. Cette
densité minérale osseuse fournit des chiffres assez peu
compréhensibles en tant que tels. Toutefois, sachant que
la masse osseuse est maximale entre l’âge de vingt ans
et trente ans, il est possible de comparer la densité minérale osseuse d’un patient à une population de référence, considérée comme normale. On étudie ainsi la valeur de la densité osseuse du patient par rapport à la
valeur d’un individu de même âge (Z score) ainsi que la
variation de cette valeur par rapport à un sujet jeune
(T score). Par exemple, la densitométrie osseuse d’une
femme de soixante ans est comparée à celle d’une femme
jeune afin de déterminer la quantité d’os perdue au fil
des années.
La mesure de la densité minérale osseuse va refléter le
risque d’une éventuelle fracture ultérieure. A chaque
fois que l’on diminue d’une unité le T score, le risque de
fracture du col fémoral est multiplié par deux. Plus la
densitométrie osseuse est basse, plus le risque de fracture
est élevé. Cet examen permet donc de prédire un éventuel risque fracturaire pour une personne donnée.
La conférence de consensus a permis de donner une valeur seuil à partir de laquelle on définit l’ostéoporose.
Ainsi, lorsque l’écart-type du T score est compris entre - 1
et + 1, la densité est normale. S’il est compris entre - 2,5
et - 1, on parle d’ostéopénie. S’il est inférieur à - 2,5, on
parle d’ostéoporose. A partir de cette valeur, on considère
en effet que le risque de fracture est très élevé (+ 400 %).
L’ostéopénie n’est pas une maladie mais un état transitionnel. Une étude américaine a démontré sur plusieurs
dizaines de milliers de patients qu’une diminution d’un
point de l’écart-type doublait le risque de fracture.
4
Epidémiologie de l’ostéoporose
On estime à environ quatre millions le nombre de
femmes ostéoporotiques en France. La plupart d’entre
elles l’ignorent.
Des estimations plus précises faisaient état de 3,7 millions
de femmes ostéoporotiques. Près de la moitié d’entre
elles présentent déjà des fractures. Toutefois, seules
802 000 patientes ont été diagnostiquées et traitées.
La prévalence de l’ostéoporose est la suivante :
• femmes de plus de 50 ans : 30 %
• femmes de plus de 65 ans : 50 %
• femmes de plus de 80 ans : 70 %
Une étude de Ribot menée en 1995 montre que, sur un
échantillon de femmes âgées de plus de quarante-cinq
ans qui se rendent à une consultation de ménopause,
40 % d’entre elles sont atteintes d’ostéoporose, au moins
au rachis lombaire. Cette pathologie est donc particulièrement fréquente.
L’ostéoporose est une épidémie silencieuse compte tenu
de l’absence de douleur, de symptôme… jusqu’à la fracture. Cette caractéristique pose des difficultés en termes
de diagnostic et de traitement.
L’épidémiologie de l’ostéoporose est de mieux en mieux
connue. Celle des fractures est connue depuis longtemps
déjà. La fracture est un événement douloureux qui
amène les gens à consulter, ce qui permet de disposer de
bases de données plus complètes. C’est particulièrement
vrai pour les fractures du col fémoral dans la mesure où
les individus sont systématiquement hospitalisés.
Outre la douleur, ces fractures (poignet, vertèbres, col
du fémur) ont des conséquences majeures en termes de
morbidité, de mortalité et de coût socioéconomique. Elles
sont d’autant plus fréquentes que la population vieillit.
A partir de l’âge de soixante-dix ans, l’augmentation de
la prévalence des fractures du col du fémur est exponentielle. On prévoit qu’en 2040, le soin de ces fractures
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
55
Prise en charge de l’ostéoporose : un choix pour trente à quarante ans
constituera l’essentiel de l’activité professionnelle des
chirurgiens orthopédistes. Toutefois, la fracture du poignet est souvent la première fracture qui survient chez
la femme ménopausée. Les fractures liées à l’ostéoporose
concernent des traumatismes minimes.
Dans les mois ou années qui suivent cette fracture du
poignet, de nombreuses femmes vont présenter une algodystrophie, qui est une réaction locale, vasculaire et
nerveuse, conduisant à une raideur du poignet et à des
douleurs la nuit. Cette algodystrophie, très gênante, met
beaucoup de temps à guérir, entre quelques mois et deux
ou trois ans.
En outre, ces fractures du poignet peuvent être annonciatrices d’autres fractures. En France, une femme dont
le poignet a été fracturé a cinq fois plus de risque de
connaître, au cours des années suivantes, une fracture
des vertèbres et deux à trois fois plus de risque de subir
une fracture de la hanche. Cette population doit donc
être prise en charge dès la première fracture. D’ailleurs,
cette exigence est parfois juridique. Ainsi, aux Etats-Unis,
des femmes ont intenté vingt ans plus tard, un procès à
leur chirurgien qui ne les avait pas prévenues du risque
d’ostéoporose lorsqu’elles avaient présenté une fracture
du poignet. Les données américaines concernant le risque
de fracture sont conformes aux données françaises.
La fracture vertébrale est très fréquente. Elle touche une
femme sur trois âgée de plus de soixante-cinq ans. Ces
fractures sont également annonciatrices d’autres fractures ou de « tassements ».
Chaque fracture annonce la suivante. Une patiente qui
subit une fracture du poignet risque une fracture vertébrale et si rien n’est fait, une fracture du col du fémur.
La fracture vertébrale est une pathologie fréquente. Mais
une fois sur deux, elle n’est pas reconnue comme une
véritable fracture. En effet, à la différence de la fracture
du poignet ou du col du fémur, la fracture des vertèbres
n’est pas toujours apparente. Elle peut ne donner lieu
qu’à de petites douleurs. Une femme de soixante-cinq
ans qui a mal au dos pense immédiatement qu’elle souffre d’arthrose. Elle considère alors inutile de consulter
un médecin, or il est possible qu’elle souffre d’une fracture vertébrale. Le problème est qu’une fracture vertébrale a le même impact fonctionnel qu’une fracture du
col du fémur, en termes par exemple, de risque de nouvelle fracture. Ainsi, même si la fracture vertébrale n’occasionne pas de grandes douleurs, elle présente un risque
important de fracture du col du fémur.
Le risque de fracture vertébrale augmente de façon
exponentielle avec l’âge. Une étude française, menée
auprès de femmes de la région Picardie, montre également qu’une femme de plus de quatre-vingt-cinq ans
sur deux souffre au moins d’une fracture vertébrale.
Lorsque l’on compare un os normal avec un os souffrant
d’une fracture vertébrale, on observe que le dessus de
l’os est totalement effondré. La charpente ne soutient
plus du tout le tour de l’os [ 22 ].
Les fractures vertébrales provoquent des douleurs chroniques aiguës. Elles ont également pour conséquence
22
Ostéoporose micro-architecture
Patiente saine
Patiente ostéoporotique
R. Rizzoli - Atlas of postmenopausal osteoporosis - 2004
56
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
une perte de taille, qui a d’ailleurs un grave retentissement psychique sur les patientes. De plus, les femmes
qui multiplient les fractures vertébrales peuvent souffrir
de problèmes respiratoires, voire de problèmes de digestion et dans des cas très rares, de problèmes d’incontinence. Cela étant, les risques essentiels sont la perte de
taille et les douleurs chroniques. La femme souffrant de
fractures vertébrales peut également souffrir d’une dépression liée aux symptômes précédemment évoqués
(perte de taille, douleurs chroniques).
Les fractures vertébrales annoncent les autres fractures.
A cet égard, une étude américaine a été menée auprès
de 9 600 femmes pendant huit ans. Elle montre qu’une
femme ayant subi une fracture des vertèbres voit multiplié par quatre le risque de refaire une fracture des vertèbres et multiplié par deux le risque de subir une fracture du col du fémur. Toutes les études sont concordantes
sur ce caractère prédictif des fractures du col du fémur
par rapport aux fractures vertébrales. D’ailleurs, plus une
femme ayant subi une fracture vertébrale avance dans
le temps, plus son risque de faire une fracture du col du
fémur augmente.
Parmi les femmes qui ont subi une première fracture
vertébrale, une sur cinq subira une deuxième fracture
vertébrale dans l’année qui suit. De plus, une femme
présente un risque de fracture plus élevé si elle a déjà
23
Les rhumatologues français s’intéressent depuis peu à
l’ostéoporose et des études françaises sont désormais
disponibles [ 24 ]. La moitié des fractures ostéoporotiques
ne sont pas vertébrales, mais environ 40 000 fractures
vertébrales sont enregistrées chaque année en France.
Plus de la moitié des fractures
ostéoporotiques sont non vertébrales
Facteur prédictif de fracture du col
4
Les fractures vertébrales sont, parmi les fractures ostéoporotiques, les conséquences les plus connues de la perte
osseuse post-ménopause. Toutefois, les fractures non vertébrales et notamment celles du col fémoral sont également fréquentes, mais aussi graves et coûteuses et responsables d’une grande partie de la mortalité, de la
morbidité et des dépenses liées à l’ostéoporose.
24
Fractures vertébrales
RR
5
connu des fractures dans le passé. Ainsi, en moyenne,
20 % des femmes connaissent une récidive de fractures
vertébrales. Ce taux atteint 25 % lorsque la patiente a
déjà connu deux fractures des vertèbres antérieures. En
définitive, plus on a subi de fractures, plus on a de risques
d’en connaître d’autres. Une patiente ayant subi une
fracture des vertèbres court un risque plus grand d’une
nouvelle fracture vertébrale ou non-vertébrale, du col
du fémur par exemple [ 23 ]. Dans le jargon médical, nous
utilisons le terme « cascade fracturaire » pour caractériser
cette succession de fractures. Nous rencontrons ainsi des
femmes qui se font hospitaliser tous les ans ou tous les
six mois pour une nouvelle fracture. Cela explique l’importance d’une prise en charge dès la première fracture.
Incidence
annuelle
Fracture clinique
Fracture radiologique
120 000
3
80 000
2
40 000
1
Fractures
vertébrales
symptomatiques
0
Melton 99 Gunnes 98
Black 99
Ismail 01
Melton et al. Osteoporos Int 1999 • Gunnes et al. Acta Orthop Scand 1999
Black et al. JBMR1999 • Ismail et al. Osteoporosis Int 2001
Vertébrale
Hanche
Poignet
autres
(Morphométrique)
Estimations d’après P. Fardellone
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
57
Prise en charge de l’ostéoporose : un choix pour trente à quarante ans
Toutefois, si toutes les fractures vertébrales issues des
données radiologiques sont prises en compte, le nombre
de fractures vertébrales atteint 120 000 par an. Enfin, on
enregistre chaque année en France 50 000 fractures du
col du fémur, 40 000 fractures du poignet et 40 000 autres
types de fractures (bassin, humérus, etc.). Ainsi au total,
200 000 fractures sont liées à l’ostéoporose chaque année.
L’incidence d’une fracture de la hanche [ 25 ] augmente de
manière exponentielle à partir de l’âge de soixante-dix
ans. Elle est multipliée par trois pour les femmes ayant
subi une fracture antérieure. De plus, une fracture de la
hanche peut avoir de graves conséquences. Ainsi, sur
quatre personnes ayant subi une fracture de la hanche,
une risque de décéder dans l’année suivante, le risque
de mortalité après une fracture étant donc de l’ordre de
25 %. Sur ces mêmes quatre personnes, une seulement
sera en mesure de revenir à une activité normale, et
deux connaîtront une diminution de leurs capacités fonctionnelles. Sur ces deux personnes, une entrera en institution (maison de retraite) et l’autre aura besoin d’une
aide à domicile. Globalement, après une telle fracture
5 % des personnes décèdent dans l’année qui suit, 25 %
des personnes se portent bien, 50 % des personnes auront besoin d’une aide totale (en institution) ou partielle
(aide à domicile).
La fracture de la hanche est donc grave puisqu’on peut
en mourir. Elle est également coûteuse puisque le patient
sera contraint de financer l’aide à domicile ou l’entrée
en institution.
5
Conséquences médico-socioéconomiques des fractures
Les fractures ostéoporotiques sont fréquentes et augmentent avec l’âge. Dès la tranche d’âge « 55-59 ans »,
le risque de fracture (notamment du poignet) augmente
déjà de manière significative.
Les fractures ostéoporotiques sont coûteuses. Une étude
américaine a estimé ce coût [ 26 ] mais elle ne tient compte
que du coût de la fracture lié à l’hospitalisation. On
constate ainsi qu’une fracture du col du fémur coûte
26
Les fractures ostéoporotiques sont coûteuses
Coût d’une fracture du col fémoral
• Élevé et relativement constant
• Coût moyen estimé par patient = 19 100 €
Coût d’une fracture vertébrale
• Moindre et variable.
• Coût moyen estimé par patient = 500 €
Dolan P & Torgerson DJ OI 1998 • Johnell O Am J Med 1997
Haetjens P et al. J Bone & Joint Surgey 2001 • Ankjaer-Jensen A et al. OI 1996
Kanis J et al. Health Technology Assessments 2002
25
Fracture du col fémoral
58
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
19 000 euros. Une fracture vertébrale ne coûte que
500 euros. Toutefois, il faut savoir que la majorité des
personnes n’est pas hospitalisée mais soignée à domicile,
or le coût de cette prestation est significatif. Une étude
anglaise a présenté des chiffres comparables à ceux de
l’étude américaine. Cette étude souligne que le coût
direct d’une fracture du col fémoral est très élevé. En
effet, la personne doit être hospitalisée ce qui représente
un coût supérieur à 1 000 euros. De plus, ce type de fracture implique également une rééducation, une opération
et la mise en place d’une prothèse (pour un coût de 1 500
euros). Enfin, une étude suédoise estime que le coût
d’une fracture du col du fémur, si l’on prend en compte
le coût direct dans la semaine qui suit et tous les comptes
qui seront engendrés dans l’année qui suit la fracture
(consultations, rééducation, médicaments, séances de
kinésithérapie, aide à domicile), s’élève à 14 000 euros
par malade. La fracture vertébrale représente un coût
direct moins élevé, mais si l’on prend en compte toutes
les dépenses – sachant que ce type de fracture occasionne
des douleurs chroniques –, on parvient à un coût total
de 12 000 euros par an et par malade.
Au final, ces fractures fémorales sont donc coûteuses,
tant pour la société que pour les personnes. Une évaluation de la qualité de vie chez les femmes atteintes d’ostéoporose et ayant subi des fractures a montré qu’après
une fracture de la hanche, la qualité de vie de cette patiente est diminuée de 80 % après un an. Dans le cas
d’une fracture des vertèbres, la diminution de la qualité
de vie est de 70 %.
Une fracture vertébrale sur dix donne lieu à une hospitalisation. Dans tous les autres cas, les fractures sont
gérées à domicile. Parfois, ces fractures ne donnent pas
lieu à une hospitalisation parce qu’elles ne sont pas
reconnues comme telles : les patients pensent qu’il s’agit
simplement d’une crise d’arthrose. Une personne qui
subit une fracture des vertèbres, voit le risque d’être hospitalisée dans l’année qui suit la fracture augmenter de
18 %. La fracture vertébrale, et les fractures en général,
témoignent probablement d’un état de santé précaire
des personnes. Quelle que soit la raison pour laquelle
une personne est hospitalisée, le fait qu’elle ait une fracture des vertèbres dans ses antécédents augmente en
moyenne la durée de séjour en hôpital de cinq jours, ce
qui représente un coût supplémentaire.
Les fractures vertébrales occasionnent également d’autres pathologies. On dit que ces fractures sont silencieuses
mais ce n’est pas exact. 41 % des femmes qui ont subi
une fracture vertébrale souffrent de douleurs chroniques.
De la même façon, 41 % des femmes qui ont subi une
fracture vertébrale souffrent par la suite d’impotence
fonctionnelle. De plus, qu’elles soient radiologiques ou
cliniques, les fractures occasionnent en moyenne près
d’un an de douleurs modérées. Souvent, il est dit aux
patients que les fractures des vertèbres guérissent en six
à huit semaines, or ce point doit être relativisé puisqu’ils
souffrent pendant près d’un an. De même, une fracture
clinique occasionne en moyenne cinquante jours de repos
complet au lit et près de cent jours d’activité limitée.
Fractures ostéoporotiques et mortalité
Toutes les fractures ostéoporotiques augmentent la mortalité.
La mortalité augmente pour les fractures du fémur, mais aussi
pour les fractures vertébrales. Des sociétés américaines ont même
réussi à évaluer le nombre d’années de vie perdues après une
fracture. En l’occurrence, si une personne subit une fracture des
vertèbres à l’âge de soixante ans, elle perd globalement deux années par rapport à une espérance de vie normale. Si une personne
subit une fracture du col du fémur à soixante ans, son espérance
de vie est réduite de onze ans. Mais en fait, plus la personne
vieillit, plus elle se rapproche de son espérance de vie normale. Or
le calcul porte bien sur le nombre d’années perdues par rapport à
l’espérance de vie théorique. Par conséquent, une personne de
quatre-vingts ans a certes presque atteint son espérance de vie
théorique, mais en cas de fracture du col du fémur, la probabilité
qu’elle décède dans l’année qui suit est de 25 %.
Nous avons ainsi pu calculer les courbes de mortalité. D’autres
chiffres, issus d’autres études permettent d’identifier certaines
tendances. Ainsi le graphique suivant [ 27 ] montre que les fractures de l’avant-bras augmentent peu la mortalité. En effet, la
courbe en vert est quasiment similaire à la courbe de mortalité
de la population générale. En revanche, lorsqu’une personne subit
une fracture du fémur ou d’une vertèbre, sa mortalité augmente
de plus de 50 % après cinq ans. Ces chiffres sont sévères, mais ils
montrent bien qu’après une fracture ostéoporotique fait augmenter, la mortalité augmente dans de fortes proportions. En fait,
dans le domaine de l’ostéoporose, on utilise souvent cet adage :
« plus c’est grave, plus c’est grave ». Si l’on prend le cas d’une
première fracture des vertèbres, le risque de mortalité est multiplié
par 2,3 à un horizon de dix ans.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
59
Prise en charge de l’ostéoporose : un choix pour trente à quarante ans
Pour conclure, on peut dire que les fractures ostéoporotiques sont douloureuses, fréquentes et coûteuses à la
fois en termes d’incapacité fonctionnelle, de maladies et
de mortalité. Ces fractures sont graves et occasionnent
une grande mortalité. Même si les chiffres sont un peu
discordants, on constate que de 20 à 25 % des patients
meurent dans l’année qui suit, et qu’un patient sur deux
verra une diminution de ses capacités de vie. Le graphique ci-après [ 28 ] illustre le taux de survie relative après
une fracture du col du fémur et une fracture vertébrale.
Vous pouvez constater qu’entre la mortalité attendue et
ce qu’on peut observer, il existe une nette différence.
On a très certainement une multiplication du taux de
mortalité par un facteur au moins égal à trois après ces
fractures.
6
Prise en charge de l’ostéoporose
Comment prévenir et améliorer la prise en charge de
l’ostéoporose ?
Il faut d’abord la détecter. Ce n’est pas toujours facile,
face à des personnes de soixante ans qui commencent à
avoir de l’arthrose, de la tension artérielle, du cholestérol
etc., donc qui doivent gérer un grand nombre de médicaments. Il faut alors chercher les facteurs de risques et
proposer systématiquement aux patients une mesure de
la densité minérale osseuse. Il convient également de
leur donner des traitements préventifs. Des médicaments
ont prouvé leur efficacité dans le traitement de l’ostéoporose. Le calcium et la vitamine D représentent le traitement minimum. Mais on doit aussi envisager d’autres
traitements plus efficaces.
La prise en charge est à la fois médicamenteuse et non
médicamenteuse. Le premier élément est l’hygiène de
vie. On incite ainsi les patients à faire du sport et à manger des produits riches en calcium. Le cardiologue
conseille souvent aux personnes âgées de prendre garde
au cholestérol. Il faut savoir que les produits allégés
contiennent moins de matières grasses, mais pas moins
de calcium. Ainsi, dans un yaourt normal ou un yaourt à
0 % de matières grasses, la quantité de calcium est la
60
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
même. Il en est de même pour le lait. On conseille également aux femmes de pratiquer des activités physiques
(au moins quarante-cinq minutes à une heure de marche
par jour) et aux fumeuses, d’arrêter le tabac.
Il existe différents traitements médicamenteux. L’industrie pharmaceutique a bien perçu que l’ostéoporose était
un sujet de plus en plus important et a lancé sur le marché tout un panel de molécules. Il est un peu difficile de
savoir dans quel ordre elles seront utilisées. Nous utilisons
de moins en moins le traitement hormonal de la ménopause, même si on peut assister actuellement à un renouveau de cette méthode.
L’Agence du Médicament a publié en 2004 et réactualisé
en 2006 un guide de prescription. Nous disposons ainsi
de modèles de traitement des patientes en fonction de
leurs antécédents de fracture, de leur âge et de leur densité minérale osseuse. Nous pouvons ainsi déterminer à
quel moment un traitement de l’ostéoporose peut être
commencé. Ils fonctionnent tous à peu près de la même
façon. Globalement, tous les médicaments préviennent
d’environ 50 % le risque de fracture des vertèbres. Autrement dit, lorsque l’on propose un traitement à une
femme ostéoporotique, on ne prévient qu’une fracture
vertébrale sur deux. En ce qui concerne les fractures non
vertébrales, notamment les fractures du col du fémur, le
risque est réduit de 30 à 50 % par certaines de ces molécules. Globalement, toutes les molécules n’ont pas démontré leur efficacité pour le col du fémur, sauf trois :
l’actonel TM, le fosamax TM et le protelos TM.
Le médecin doit penser au traitement médicamenteux.
Mais il convient également d’éduquer les personnes afin
d’améliorer l’efficacité des traitements, ce qui représente
un vrai problème. Souvent l’on ne sait pas comment s’y
prendre. Nous savons que lorsque l’on diminue le nombre
de prises de médicaments, l’observance est meilleure.
Toutefois, avec les traitements modernes de l’ostéoporose
qui supposent la prise d’un comprimé par semaine, on
constate qu’à l’issue d’un an, l’observance n’est que de
60 %. En d’autres termes, seulement 60 % des personnes
continuent après un an de prendre le médicament prescrit, ce qui est regrettable.
L’ostéoporose n’est pas une fatalité. On peut la dépister
et la prévenir ; la diagnostiquer et la traiter.
27
Mortalité après fracture ostéoporotique
Mortalité (%)
80
Vertèbre
60
Extrémité supérieure
du fémur
40
Extrémité supérieure
de l’humérus
Avant-bras
20
0
0
1
2
3
4
5 Temps (années)
Johnell, Kanis et al. Osteoporosis Int 2004
28
Les fractures du col fémoral sont graves
Taux de survie relative après fracture ostéoporotique
%
Survivants
attendu
observé
100
100
80
80
60
60
40
FESF
40
Fracture vertébrale
20
20
0
0
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
Années après la fracture
Adapté de Cooper C. Am J Epidemiol. 1993
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
61
Prise en charge de l’ostéoporose : un choix pour trente à quarante ans
Questions
Réponses
envoyées chez le rhumatologue, afin de dépister
l’ostéoporose.
Dr Gabriela Mendoza
Le tabac peut aussi être un facteur commun.
Dr Mickaël Rousière
Les femmes que nous recevons aujourd’hui sont
celles qui fumaient peu avant. Maintenant, elles
fument toutes, alors qu’autrefois elles ne fumaient
pas.
On parle dans nos cercles de l’effet des statines
utilisées contre le cholestérol comme facteur protecteur pour l’ostéoporose. Avez-vous également
constaté ce phénomène ?
Une femme sur quatre meurt dans l’année suivant
une fracture du col du fémur. C’est un chiffre impressionnant.
Dr Mickaël Rousière
Même avec l’évolution de la médecine, si l’on compare les études réalisées il y a vingt ans et celles
réalisées actuellement, cette mortalité reste identique. Aujourd’hui, on meurt toujours autant d’une
fracture du col du fémur qu’on en mourait il y a
vingt ou trente ans.
Dr Gabriela Mendoza
Parce qu’on ne dépiste toujours pas assez l’ostéoporose.
Dr Mickaël Rousière
Le problème est d’identifier la cause réelle de la
mort. Il peut s’agir de complications postopératoires. Une opération chirurgicale peut provoquer
pour une personne âgée des infections pulmonaires. Il existe également une mortalité cardiovasculaire très importante. Il y a probablement une
association entre les facteurs de risque de l’ostéoporose et les facteurs de risque cardio-vasculaire.
Une femme ostéoporotique devrait même être envoyée de manière systématique chez un cardiologue, de façon à rechercher les facteurs de risque
cardio-vasculaire. A l’inverse, les femmes souffrant
de problèmes cardio-vasculaires devraient être
62
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Dr Mickaël Rousière
On a assisté à une sorte d’envolée sur les statines.
Nous y avons cru à un moment. Mais finalement,
l’effet s’il existe, est probablement marginal. On a
pu démontrer, par le biais de l’inflammation,
qu’elles augmentaient un petit peu la densité
minérale osseuse et diminuaient quelque peu
l’hyper-remodelage osseux. Mais en définitive, si
l’on reprend les grandes études cardiologiques qui
ont comporté un recueil de fractures, on s’aperçoit
qu’il n’y a pas de diminution du risque fracturaire.
Nous avons nourri les mêmes espoirs pour les
bétabloquants. Des hypothèses avaient été avancées sur le rôle des bétabloquants. Finalement, le
modèle physiopathologique est attrayant. Mais en
pratique, on n’a pas l’impression que cela diminue
réellement le risque fracturaire. Cela dit, ce n’est
pas mauvais en soi. Les bétabloquants et les statines
ne sont pas délétères pour l’os.
Pourquoi l’ostéoporose est-elle si fortement
féminine ? Dans la continuité de cette question,
est-ce que le pronostic et les complications sont
les mêmes ?
Dr Mickaël Rousière
Pour répondre à votre deuxième question, l’ostéoporose chez l’homme est grave. On meurt autant
d’une fracture du col du fémur chez l’homme que
chez la femme. Pourquoi parle-t-on moins de l’os-
téoporose masculine ? Elle est probablement un
peu moins fréquente que l’ostéoporose féminine,
pour une raison majeure qui est l’absence de ménopause chez l’homme. Les hommes ne souffrent
pas à cinquante ans de cette carence hormonale
qui est tout de même un véritable facteur déclenchant de l’ostéoporose chez la femme.
Pendant très longtemps, on s’est intéressé à l’ostéoporose féminine. Quelques données concernant
l’homme commencent aujourd’hui à apparaître.
L’industrie pharmaceutique a commencé à s’intéresser à cette pathologie qui se développe de plus
en plus. Finalement, on se rend compte que cette
pathologie ne se retrouve pas de manière anecdotique chez l’homme. Il est d’ailleurs probable que
la majorité des cas ne sont pas diagnostiqués. Je
pense que c’est possible d’autant plus que les
hommes ont de mauvaises habitudes de vie ; ils
boivent et fument. Si on réalisait des études de
densitométrie au sein de la population, on trouverait probablement des cas d’ostéoporose chez les
hommes. Il faut aussi prendre en compte la définition de l’ostéoporose. On peut affirmer que les
hommes peuvent souffrir d’ostéoporose mais il est
vrai également qu’ils subissent moins de fractures
que les femmes parce que l’architecture de l’os est
un peu différente. L’os cortical est plus épais. Les
mailles sont un peu plus épaisses et un peu mieux
connectées entre elles. A densité minérale osseuse
égale entre un homme et une femme, même si
elle est basse, il existe tout de même plus de fractures chez la femme que chez l’homme, au moins
jusqu’à l’âge de 80 ans. Au-delà de 80 ans, il est
relativement courant qu’un homme se casse le col
du fémur. Mais en fait, nous manquons de données
épidémiologiques. Actuellement, de grandes
études sont mises en œuvre aux Etats-Unis. Elles
consistent en un suivi de densitométrie chez des
hommes de plus de cinquante ans. L’objectif est
d’obtenir des données épidémiologiques sur l’ostéoporose de l’homme. On parle peu de ce sujet.
Pourtant, il faudra bien s’y intéresser puisque l’espérance de vie des hommes augmente également.
Parmi les patientes pré-ménopausées, observezvous un décalage dans le temps, c'est-à-dire une
survenue de l’ostéoporose avec le décalage cor-
respondant ? Le risque est-il le même ou est-il
aggravé du fait de la survenue plus précoce ?
Dr Mickaël Rousière
La question est difficile parce qu’il existe en fait
très peu d’études sur la femme pré-ménopausée.
L’ostéoporose de la femme avant la ménopause
est tout de même rare. Généralement, elle est liée
à un événement pathologique notable. Il peut
s’agir par exemple d’une femme souffrant d’un
cancer, d’une hémopathie ou d’une maladie qui
impose des traitements lourds.
Avant l’âge théorique de la ménopause, ces
femmes n’ont pas une densité minérale osseuse
basse. Elles ne subissent pas beaucoup de fractures.
Généralement, on ne leur propose pas de traitement pour l’ostéoporose en tant que telle. Souvent,
on demande au gynécologue un traitement hormonal, qui ne pose d’ailleurs pas de problème
mammaire ou cardio-vasculaire jusqu’à l’âge théorique de la ménopause. Par conséquent, jusqu’à
cinquante ans, l’ostéoporose ne pose pas de
problème. Par contre, après cinquante ans, l’évolution est la même que pour les autres femmes. Je
signale d’ailleurs que quasiment aucun laboratoire
n’a proposé un traitement pour les femmes préménopausées.
En l’absence de carence, les supplémentations
vitamino-calciques sont-elles utiles ? N’ont-elles
pas un effet délétère, notamment au point de vue
rénal ?
Dr Mickaël Rousière
Oui et non. Il faut s’y intéresser, c’est certain. Pour
autant, faut-il procéder à la supplémentation systématique ? Probablement pas. Les grandes études
américaines, qui sont sorties récemment, montrent
que la supplémentation en vitamine D et en calcium ne diminue pas le risque de fracture. D’un
point de vue statistique, ces études sont très bien
faites. Cependant, du point de vue de la pratique,
elles sont nulles puisqu’elles concernent des gens
qui ont déjà un apport en calcium et en vitamine
D satisfaisant. Il faut probablement supplémenter
les personnes qui en ont besoin. En ce qui concerne
le calcium, une démarche très simple peut être sui-
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
63
Prise en charge de l’ostéoporose : un choix pour trente à quarante ans
vie. Il s’agit d’un questionnaire alimentaire qui
prend cinq minutes au patient pour le remplir et
deux minutes au médecin pour l’analyser. Il permet
d’avoir une idée de l’apport quotidien. Chez une
femme ménopausée, on situe l’apport théorique
à 1,2 gramme de calcium par jour. Il est très facile
de savoir si une femme a un apport quotidien
supérieur ou inférieur à 1,2 gramme. Personnellement, je soumets ce questionnaire de manière systématique. Je ne supplémente que les femmes dont
l’apport quotidien en calcium est inférieur à
1 gramme. En ce qui concerne la vitamine D, une
méthode simple consiste à réaliser un dosage de
la vitamine D. Il faut savoir qu’en moyenne, la
carence en vitamine D concerne entre deux tiers
et trois quarts des femmes françaises ménopausées.
De plus, récemment, la normale inférieure du
dosage a été augmentée. Avant, la normale était
comprise entre 20 et 50. Aujourd’hui, on considère
qu’elle est comprise entre 30 et 50 nanogrammes
par millilitre. La limite est donc augmentée et par
conséquent, le nombre de personnes en dessous
de cette norme augmente. Avec cette norme, on
arrive à plus de trois quarts de femmes ménopausées présentant une carence en vitamine D. On
pourrait presque proposer une supplémentation
systématique. Je précise d’ailleurs que cela ne
concerne pas uniquement la femme ménopausée.
Une étude américaine a ainsi montré qu’un étudiant en médecine de vingt-cinq ans sur deux était
carencé en vitamine D.
Dr Gabriela Mendoza
Le seuil a été relevé, mais sur des bases scientifiques. On a considéré ce nouveau seuil sur la réaction d’hyperparathyroïdie secondaire. Jusqu’à présent, le seuil était beaucoup trop bas. Aujourd’hui,
nous avons un seuil plus haut qui correspond à la
réalité physiologique. Il faut donc supplémenter
80 % des patientes en vitamine D.
Dr Mickaël Rousière
Dans la zone comprise entre 20 et 30 nanogrammes, il y avait encore un hyper-remodelage
de l’os. On ne parvenait pas à remettre le remodelage osseux normal.
64
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Je le constate dans la pratique. Le dosage de la vitamine D est pertinent. Cinq fois sur six, il conduit
à une démarche thérapeutique. De plus, les médicaments utilisés pour le traitement des personnes,
qui sont très chers, fonctionnent d’autant mieux
chez les personnes qui ne sont pas carencées en
calcium et en vitamine D. Les médicaments de traitement de l’ostéoporose fonctionnent moins bien
chez les personnes carencées en vitamine D. Il existe
même un risque théorique qu’une carence sévère
en vitamine D facilite les fractures.
Pour le calcium, il existe donc un questionnaire
français très simple à remplir. Il estime très bien les
apports alimentaires en calcium. En ce qui concerne
la vitamine D, je choisis personnellement de supplémenter près de 95 % de mes patientes.
Comment tarifer
l’ostéoporose ?
Dr Dominique Lannes • Médecin-conseil SCOR Global Life
1
L’ostéoporose dans le contexte
de l’assurance
Aujourd’hui, l’ostéoporose touche la femme de plus de
cinquante ans, après la ménopause. Imaginons le portefeuille d’un assureur dont c’est la population cible. Le
risque craint par l’assureur est la fracture, et il augmente
avec l’âge.
La durée des contrats d’assurance, des prêts bancaires
s’allonge de plus en plus. Beaucoup de femmes s’assurent
à l’âge de trente, quarante, cinquante ans. Elles rejoindront à terme cette population à risque d’ostéoporose.
Par ailleurs, en France de nouveaux contrats « seniors »
ont été mis en place. L’âge limite pour y souscrire est de
soixante-quinze ans. La personne peut s’assurer jusqu’à
quatre-vingt-cinq ans. Nous sommes donc précisément
dans la zone de risque majeur d’ostéoporose. Enfin, des
contrats « dépendance » apparaissent de plus en plus.
L’âge moyen de souscription de ces contrats est de
soixante-deux ans, précisément dans cette population
menacée par l’ostéoporose. Pour ces contrats qui s’allongent, une nouvelle approche du risque apparaît. Une
nouvelle segmentation dans l’assurance est sans doute à
réinventer.
2
Comment repérer une ostéoporose ?
A
Contexte
L’ostéoporose concerne donc la femme de plus de cinquante ans. Il peut arriver qu’aucune ostéoporose ne
soit détectée dans une déclaration d’assurance. Mais certaines femmes sont ostéoporotiques sans le savoir. D’autres femmes ne le sont pas et sont traitées préventivement. A priori, elles ne risquent rien. Il existe également
des femmes qui ont une ostéoporose avérée, qu’elle soit
traitée ou non, et qui présentent un risque fracturaire
ou qui ont déjà subi des fractures. Finalement, c’est cette
population a priori qui nous intéresse dans l’évaluation
du risque, en sachant que le problème des femmes qui
n’ont rien déclaré et qui sont pourtant ostéoporotiques
demeure.
Il s’agit donc d’essayer de repérer les femmes qui ont
une ostéoporose avérée et qui présentent un grand
risque de fracture ou qui en ont déjà subi. On peut penser
que le risque le plus important lié à une fracture concerne
la dépendance. L’Incapacité Temporaire de Travail (ITT)
et l’Invalidité sont également des risques importants,
mais à un degré moindre. Dans cette tranche de population, on peut se demander s’il ne faudra pas revoir notre
approche pour ces personnes qui souscrivent des assurances décès à des âges très avancés, compte tenu des
statistiques évoquées par le Docteur Rousière.
B
Comment repérer une ostéoporose sur le
questionnaire médical ?
En examinant les dossiers, on identifie la façon dont répondent les personnes ainsi que leurs traitements. Assez
souvent, les femmes connaissent le mot « ostéoporose »,
mais elles peuvent aussi utiliser les termes « déminéralisation osseuse », « décalcification » ou « fragilité osseuse ». Ce sont les quatre dénominations les plus souvent
employées.
Bien sûr, elles peuvent déclarer des fractures. Il n’est pas
question de dire qu’un polytraumatisme après un accident de voiture chez une femme de trente-cinq ans est
un cas d’ostéoporose. Nous restons bien dans le cas d’une
femme de plus de cinquante ans qui déclarerait des fractures consécutives à une chute de sa hauteur. Il s’agit
donc plutôt de fractures du col du fémur, du poignet, et
les fameuses fractures vertébrales. A cet égard, le terme
« tassement vertébral » est encore consacré par l’usage.
On parle encore beaucoup de tassements vertébraux
dans nos questionnaires médicaux. Il faut être attentif à
ces fractures qui touchent les femmes de plus de cinquante ans.
La question des traitements est plus compliquée. Il est
difficile de tous les décrypter. En relevant dans un dictionnaire des médicaments la liste des traitements déclarés, on distingue le traitement d’appoint, le traitement
adjuvant, le traitement préventif de première intention,
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
65
Comment tarifer l’ostéoporose ?
le traitement préventif de deuxième intention, le traitement préventif de fractures, etc. Le plus simple est de
chercher le nom du médicament dans le dictionnaire de
référence et déterminer à quelle classe d’ostéoporose il
correspond.
C
Comment repérer une ostéoporose sur le
certificat médical ?
Dans les certificats médicaux, les médecins parlent d’ostéoporose plus ou moins fracturaire. Certains médecins
parlent aussi d’ostéopénie.
D
Comment repérer une ostéoporose sur les
examens complémentaires ?
L’ostéodensitométrie est la solution la plus évidente. Le
problème est que cet examen n’est demandé que de
temps en temps, d’ailleurs nous ne le demandons pas.
En France, la Sécurité Sociale rembourse cet examen qui
est le plus fiable et le plus objectif. Nous pensons qu’à
terme, toute femme à la ménopause pratiquera cet examen. Nous pourrons alors demander à la personne sa
dernière ostéodensitométrie osseuse. Nous demanderons
de plus en plus ce test, notamment dans le cadre de l’assurance dépendance.
3
Sélection et tarification
A
Sélection médicale
Lorsqu’on identifie une ostéoporose, un certificat médical
doit être rempli (causes, traitements, fractures, tassements vertébraux).
En ce qui concerne la dernière ostéodensitométrie osseuse réalisée, comme nous venons de le voir, le sujet est
encore en débat. En effet cet examen prédit les fractures,
mais aussi éventuellement la mortalité ou la dépendance,
de façon non négligeable. Actuellement nous ne le demandons pas systématiquement mais dans les années
qui viennent, nous la demanderons certainement pour
certaines assurances.
66
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
B
Tarification Décès/IAD
Aujourd’hui, nous estimons que l’ostéoporose n’a pas
beaucoup d’impact en termes de tarification Décès. C’est
notamment le cas parce que l’ostéoporose n’apparaît jamais comme cause de décès dans les certificats médicaux.
Pour l’instant, une ostéoporose traitée sans fracture représente un risque normal en Décès. Une ostéoporose
sans traitement représente un risque tarifé de « normal
à 25 % ». Une ostéoporose avec fracture représente également un risque à 25 %. Il faudra peut-être revoir cette
approche avec les données fournies par le Docteur Rousière sur le risque de mortalité. Nous avons désormais
l’ostéoporose sous notre microscope et nous allons suivre
ce sujet de façon attentive.
C
Tarification ITT/Invalidité
On peut considérer que le risque est plus important, bien
qu’il n’y ait pas beaucoup d’études reliant l’ostéoporose
à l’ITT. Il faut savoir que les fractures sont la première
cause d’arrêt de travail en France. Pour l’instant, une ostéoporose traitée sans fracture représente un risque de
« normal à 25 % ». Une ostéoporose avérée avec fracture
induit une tarification à 50 %, avec une exclusion de la
fracture vertébrale. Une ostéoporose avérée avec fracture
et sans traitement induit une exclusion.
Nous ne sommes pas favorables à l’exclusion de l’ostéoporose en ITT. Par contre, pour une personne qui déclare
une fracture vertébrale, il serait légitime d’exclure toute
atteinte à la colonne vertébrale. Nous préférons cette
exclusion qui est simple, non ambiguë, claire, et que tout
le monde peut comprendre. Il s’agirait donc « d’une exclusion de toute atteinte de la colonne vertébrale qui
n’est pas due à une infection ou à une tumeur, ses suites
et ses conséquences ».
D
Tarification Dépendance
Apparemment l’ostéoporose, par le biais de la fracture,
est une porte d’entrée dans la dépendance. Pour l’instant,
l’ostéoporose sans fracture représente une tarification à
25 %. Une personne qui déclare être traitée préventivement pour l’ostéoporose et qui se porte bien, se voit attribuer une tarification normale. Cela passera certainement un jour par l’ostéodensitométrie osseuse, qui sera
le reflet objectif de la situation de la personne vis-à-vis
du risque de fracture.
Dans le cas d’une ostéoporose avec fracture, nous ajournons systématiquement trois mois pour la dépendance.
Après cette période de trois mois, les séquelles de la fracture sont appréciées. Par exemple, s’il s’agit d’une fracture du col du fémur et si la personne ne peut plus marcher, il y aura une décision de refus. S’il existe une preuve
de l’efficacité d’un traitement, le dossier est accepté
moyennant une tarification à 25 %. Si la fracture n’est
pas traitée et si nous avons l’impression qu’il s’agit d’une
fracture ostéoporotique, la tarification est à 50 % et la
dépendance partielle est refusée. Nous sommes un peu
plus sévères dans ce cas.
Dans le cas d’une ostéoporose avec plusieurs fractures,
nous suivons la même démarche. Nous pouvons alors
aller jusqu’au refus ou à une tarification à 50 % s’il existe
un traitement efficace.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
67
Comment tarifer l’ostéoporose ?
Questions
Réponses
Dr Mickaël Rousière
L’examen est fiable à la condition qu’il soit bien
réalisé techniquement. Parfois, il est fait n’importe
comment et le résultat est inexploitable. Dans ce
cas, je suis obligé de demander un nouvel examen
et les résultats sont parfois complètement différents. Il faut donc avoir le bon appareil, les bonnes
courbes de référence. Surtout, c’est un examen qui
est très sensible à la position de la patiente. Notamment, si vous réalisez deux examens, vous devez respecter les mêmes conditions de mesure.
C’est un examen facile à condition qu’on prenne
un peu de temps pour installer correctement le
patient.
Dr John Evans
Le discours concernant l’ostéodensitométrie est à
peu près le même que celui qu’on tenait pour l’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) il y a
quinze ans. On disait qu’on n’obtiendrait jamais
d’EFR, que c’était trop cher. Aujourd’hui, elle est
quasi-systématique. Toute affection des bronches
donne presque toujours lieu à une EFR. Cela ne
choque plus aucun assureur. Ce sera la même chose
pour l’ostéodensitométrie d’ici une dizaine d’années. C’est un instrument objectif, il est difficile de
s’en passer.
Ne pensez-vous pas qu’une femme à la ménopause, qui lit la presse féminine abondant d’articles sur le sujet, allant voir son gynécologue ou
éventuellement son rhumatologue, ne demande
pas cet examen, qui de surcroît est indolore ?
Dr Patrick Malamud
C’est effectivement un point très favorable. Cet
examen ne suppose pas la moindre injection. Il est
relativement rapide. Il dure environ dix minutes
ou un quart d’heure. C’est certain qu’il y a là une
piste pour un avenir assez proche. Je pense au
parallèle avec les échographies cardiaques. Quand
nous avons commencé à faire de la tarification,
nous n’avions pas toujours des résultats d’échographies dans les dossiers. Aujourd’hui, c’est
devenu monnaie courante.
68
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
Comment reconnaît-on la qualité d’une ostéodensitométrie ?
Dr Mickaël Rousière
C’est le problème de la spécialité dans la rhumatologie. Par exemple, pour le col du fémur, il faut
que le rachis soit droit à l’examen. Parfois, les patients sont installés de travers sur la table… Il faut
que dans le cadre d’une fenêtre de mesure, l’os
soit au milieu et relativement rectiligne. De plus,
certains appareils ont une courbe de mesure américaine adaptable à la population française. Or les
vieilles courbes de 91 et 92 sont fausses. Si l’appareil
comporte une référence 91 ou 92, on peut craindre
que l’examen ne soit pas fiable. Il peut aussi arriver
que le technicien ne pense pas à changer la courbe
de référence. En outre, on doit également prendre
en compte la couleur de peau. Il existe en effet
des différences génétiques entre les peaux blanche,
noire et asiatique. Il est nécessaire que le praticien
ait l’habitude de réaliser cet examen, mais je
constate que pour au moins une ostéodensitométrie sur deux, on peut formuler des critiques importantes. Il reste encore beaucoup à accomplir
dans ce domaine.
Conclusion
Nous avons présenté dans ce Focus les pathologies rhumatismales les plus fréquemment
rencontrées dans notre activité des risques
aggravés. Certes il en existe d’autres mais nous
avons préféré aborder les plus représentatives
de notre activité afin de vous faire profiter de
notre expérience.
Nous pouvons conclure que ces dernières
années, les progrès de la médecine et leurs
conséquences pour la rhumatologie ont été
considérables en ce qui concerne :
• l’apparition des nouveaux traitements,
• leur place dans les stratégies thérapeutiques,
• l’amélioration de la prise en charge et de la
qualité de vie des personnes,
• l’augmentation de la survie dans certaines
pathologies rhumatismales.
Ces avancées, notamment l’amélioration de la
qualité de vie et de la survie, ont des retentissements importants sur la façon d’analyser et
d’évaluer les dossiers des personnes atteintes
par ces affections en médecine d’assurance.
Chez SCOR Global Life nous essayons constamment d’adapter nos pratiques de tarification
aux avancées réalisées dans les domaines du
diagnostic et du traitement. Nous devons
prendre en compte ces avancées médicales en
les intégrant à nos politiques de sélection et
de tarification des risques afin de réussir à
proposer des solutions d’assurabilité à la plus
grande majorité des personnes malades. Ainsi,
chaque fois que cela sera possible et en fonction des informations recueillies permettant
une appréciation objective du risque, nous
chercherons à offrir les conditions d’assurance
les plus adaptées.
Novembre 2009 L’articulation du risque en rhumatologie
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DEJAJLMC Imprimeur
L’articulation du risque
en rhumatologie
Auteurs
Dr Maria Gabriela Mendoza
Stéphanie Kermeur
Responsable de Rédaction
Bérangère Mainguy
Tél. : +33 (0)1 46 98 70 00
Responsable de Publication
Gilles Meyer
life@scor.com
© 2009 – ISSN : 1959-7711
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