Le droit des animaux - Ecole de Droit et Science Politique de

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Le droit des animaux - Ecole de Droit et Science Politique de
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Sommaire
LES ANIMAUX ONT-ILS DES DROITS ?
L'ANIMAL, ETERNEL ATOPOS ?
Anne-Blandine CAIRE,
Professeur de droit privé et de sciences criminelles, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
LA PECHE ET LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES
Philippe BOUCHEIX,
Maître de conférences de droit public, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
REMARQUES SUR LA REFORME DU STATUT CIVIL DE L’ANIMAL
AU REGARD DE L’ARTICLE R1334-31 DU CODE DE LA SANTE PUBLIQUE
David CHAUVET,
doctorant en droit privé à l’Université de Limoges
SYNTHESE
Charles-André DUBREUIL,
Professeur de droit public, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
Table des matières
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LES ANIMAUX ONT-ILS DES DROITS ?
L'ANIMAL, ETERNEL ATOPOS ?
Anne-Blandine CAIRE,
Professeur de droit privé et de sciences criminelles,
Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
I - UN CONSTAT DE CARENCE : LE REJET DE L'ANIMAL PAR LA TOPOLOGIE JURIDIQUE HABITUELLE
A - L’absence de reconnaissance effective de droits aux animaux
B - L’absence d’un statut juridique clair des animaux
II - DES PERSPECTIVES DIVERGENTES : DE L'UTOPIE A L'ATOPIE
A - L’octroi envisageable de la personnalité juridique aux animaux, une utopie
B - La création d’une tierce catégorie entre les personnes et les choses, une atopie
« Quand je me joue à ma chatte,
qui sait si elle passe son temps de moi, plus que je ne fais d'elle ? »
Montaigne, Essais, II, 12.
« On nous apprend très tôt dans nos bonnes écoles libres
Qu'il serait honte de vivre comme vivent les animaux »
Pierre Perret, Nos amis les bêtes
I
l y a sans doute une géographie du droit. Si le droit a une force constructive, s'il a une fonction
instituante, c'est notamment parce qu'il est situé. L'espace juridique se trouve à la croisée des
chemins des sciences cognitives et des sciences humaines et sociales. Le droit se présente dès
lors comme un lieu : celui d'une convergence entre l'éthique et le normatif, d'une rencontre entre la
morale et le prescriptif, d'une confrontation entre l'être et le devoir-être. Ce lieu engendre lui-même
d'autres lieux, des horizons de signifiance normative et argumentative qu'on pourrait qualifier de topoï à
l'instar des topoï aristotéliciens1 ou encore des topoï littéraires. Deux d'entre eux, véritables lieux
communs juridiques, se font immédiatement jour car ils irriguent l'ensemble du droit. Il s'agit des
personnes et des choses.
1
Aristote, Organon V, Les Topiques, Vrin, 1997. Voir aussi: P. Aubenque, « ARISTOTE », Encyclopædia Universalis
[ http://www.universalis-edu.com.sicd.clermont-universite.fr/encyclopedie/aristote/ ], (2013-11-27). L'auteur rappelle que,
selon Aristote, « l'une des tâches de l'art rhétorique est de dresser un catalogue des lieux (topoï), c'est-à-dire des points de vue
les plus généraux sous lesquels un sujet peut et doit être abordé : prendre en considération la totalité des lieux est le seul moyen
de traiter un sujet de façon exhaustive, en même temps que de prévenir les objections ou simplement les doutes ou les
résistances de l'auditoire, qu'il s'agisse d'un panégyrique, d'une plaidoirie ou d'un discours devant l'Assemblée. Il y a des lieux
propres à chaque genre et des lieux communs à tous. Parmi ceux-ci, Aristote nomme : le possible et l'impossible, l'existence et
l'inexistence, le grand et le petit ou encore le plus et le moins ».
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Nous partirons donc du postulat suivant : il y a des topoï juridiques qui forment une sorte de
cartographie du raisonnement juridique. Moins centrés sur eux-mêmes que les concepts, plus ouverts et
moins strictement définis que les catégories, moins flous que les standards, les topoï ne seraient
incompatibles avec aucun d'entre eux mais seraient à ce point fondamentaux qu'ils constitueraient des
balises signalant les points d'ancrage de la pensée juridique.
Dans ces conditions, avant de répondre à la question de savoir si les animaux ont des droits, il convient
de s’interroger, de manière plus générale sur la place l’animal au sein du droit. L'animal est-il lui aussi un
topos ? D'emblée, certains indices laissent pressentir le contraire : il serait plutôt atopos, présent tout en
étant absent, là sans être vraiment là, c'est-à-dire laissé pour compte.
Autrement dit, la question fondamentale est celle de savoir si l'animal est un lieu commun du discours
juridique ou s'il se trouve à côté des topiques les plus courants. En somme, déterminer si les animaux
ont des droits suppose, au préalable, de connaître les rapports entre les animaux et le droit : comment
ceux-là pourraient-ils détenir des droits si celui-ci est un lieu dont ils sont exclus, un lieu qui ne leur
consacre pas de règles spécifiques ?
Jusqu’à une période relativement récente, la réponse à cette question était négative: il n’existait pas à
proprement parler un véritable droit des animaux. Ces derniers étaient certes concernés par certaines
règles juridiques, mais indirectement et incidemment, à propos de litiges dont ils pouvaient être soit
l’objet, en tant que res propriae par exemple, soit la cause, notamment en matière de responsabilité
civile. Malgré leur rareté, ces inévitables points de contact entre le droit et l’animal révélaient déjà que
ce dernier est, à défaut d’autre chose, au moins un fait social, lequel, comme tout fait social, mérite
d’être pris en compte par le système juridique. Le Professeur Marguénaud2 rappelle ces mots du
Professeur Vialard3 : « à partir du moment où le fait animal devient un fait social d’une densité
suffisante, il n’est pas normal que le droit, même si le droit n’est pas le simple reflet des faits, il n’est pas
normal que le droit se désintéresse de ce fait social animal ».
Dès lors, durant la seconde moitié du XIXème siècle et, par la suite tout au long du XXème siècle,
la situation a nettement évolué pour des raisons juridiques, elles-mêmes liées à des facteurs
sociologiques. Sortant de la logique essentiellement patrimoniale qui prévalait jusqu’alors, diverses lois
relatives aux animaux ont été adoptées pour tenter de les protéger et d’assurer leur bien-être. « Dans
une société industrialisée où s’est développé l’habitat urbain, l’animal a été perçu d’une manière
nouvelle, explique Suzanne Antoine : l’homme coupé de la nature a redécouvert l’aspect psycho-affectif
de l’animal de compagnie »4.
2
J.-P. Marguénaud, L’animal en droit privé, PUF, 1992, p. 12.
A. Vialard, Intervention (publiée au Bulletin juridique international de la protection des animaux, n° 104, p. 126) lors des
Premières Journées internationales de défense juridique des animaux organisées à Bordeaux les 26, 27 et 28 novembre 1982.
4 S. Antoine, « Le droit de l’animal : évolution et perpectives », D. 1996, p. 126.
3
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Désormais, à quelques exceptions près5, la doctrine s’accorde donc à reconnaître l’existence d’un droit
des animaux, qu’on peut définir comme la branche du droit ayant pour objet les animaux ou encore
comme celle qui regroupe les règles juridiques relatives aux animaux6.
Une fois l’existence d’un droit de l’animal établie, des interrogations relatives à son contenu peuvent
légitimement se poser, singulièrement celle de savoir si les animaux sont titulaires de droits.
Déjà soulevée de nombreuses fois tant par des philosophes que par des juristes7, cette question n’a pas
trouvé de réponse valable en droit positif. Les seules pistes envisagées appartiennent encore au droit
prospectif. Indissociable d’un autre problème qu’elle engendre et qu’elle prolonge à la fois, celui du
statut juridique des animaux, la question de l'attribution de droits aux animaux s'apparente en effet à
un cycle infernal.
Pour résumer les termes du débat, il faut revenir aux deux topiques précédemment mentionnés et se
souvenir du fait que le droit positif repose sur une summa divisio, réputée indépassable, opposant les
personnes et les choses. Les premières qui peuvent être physiques ou morales ont vocation à être
titulaires de droits et d’obligations. Leur personnalité juridique fait d’elles des sujets de droit et, mieux
encore, les seuls sujets de droit qui soient. Les secondes, parmi lesquelles figurent pour l’heure les
animaux, sont seulement des objets de droit, faute de pouvoir acquérir la personnalité juridique.
Entre les deux, il n’existe officiellement aucune catégorie intermédiaire ce qui permet d'ores et déjà de
présumer que les animaux sont atopos.
En vérité, des failles apparaissent très vite, fissurant la frontière apparemment si nette entre les
personnes et les choses. Ainsi la volonté de protéger les animaux placés sous la main de l'homme
engendre-t-elle des devoirs pénalement sanctionnés dans le chef de ceux à la merci desquels se
trouvent les bêtes concernées8. Dans ces circonstances, s’il y a un devoir pour les uns, n’y a-t-il pas un
droit pour les autres, en l’occurrence les animaux ? De prime abord, on est logiquement tenté de
répondre positivement, tout devoir n'étant que le reflet d'un droit. Mais le problème de la personnalité
juridique ressurgit empêchant le raisonnement de s'épanouir.
5
Ainsi, à la suite d'une communication relative aux droits des animaux prononcée par Renaud Denoix de Saint Marc le 23 mai
2011, le géographe Jean-Robert Pitte, membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, a-t-il pu faire des observations
aussi caricaturales qu'affligeantes, au risque de déformer la pensée du philosophe qu'il prétend citer : « L’idée d’un droit des
animaux ne devrait plus traverser l’esprit de quiconque depuis que les nazis en ont inventé un, comme l’a rappelé Luc Ferry dans
Le nouvel ordre écologique (1991). Qu’aujourd’hui un certain nombre de personnes aient pour volonté affichée de faire établir et
reconnaître un droit des animaux, dépasse proprement l’entendement ».
[ http://www.asmp.fr/travaux/debat/D11_05_23_denoixsaintmarc.pdf ], (2013-11-24).
6 Ibid.. L’auteur propose de considérer le droit de l’animal soit comme « l’ensemble des règles juridiques destinées à assurer la
protection de ses intérêts propres », soit, dans un sens plus large, comme « l’ensemble des textes traitant de l’animal et
notamment (…) ceux relatifs à la protection de la nature ».
7 Voir notamment : F. Burgat, « Les animaux ont-ils des droits ? », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, mars, avril, mai
2006, (n°2) ; F. Burgat et J.-P. Marguénaud, « Les animaux ont-ils des droits ? », Le Monde.fr, 15/07/2010.
Voir aussi : R. Denoix de Saint Marc, « Les animaux ont-ils des droits ? », communication prononcée le 23 mai 2011 à
l'Académie des Sciences Morales et Politiques.
[ http://www.asmp.fr/travaux/communications/2011_05_23_denoixsaintmarc.htm ], (2013-11-24).
8 Voir l'article R 654-1 du Code pénal qui sanctionne les mauvais traitements, l'article 521-1 du même Code qui sanctionne les
sévices graves ou de nature sexuelle et les actes de cruauté et l'article R 655-1 du même Code qui sanctionne la mise à mort
sans nécessité.
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Pour essayer de sortir de l'impasse et tenter de répondre à la question apparemment insoluble que
nous nous posons, il convient dans un premier temps de revenir aux racines du problème et de noter
la grande carence théorique qui grève le droit positif de toute cohérence, malgré des propositions
doctrinales nombreuses et denses. Quelle que soit la manière dont on aborde le problème, l'animal
échappe pour l'heure à la topologie juridique habituelle (I-). Dans un second temps, les diverses
perspectives envisageables pour faire sortir l'animal du relatif vide juridique dans lequel il se trouve,
seront présentées et, dans la mesure du possible, renouvelées. Elles vont de l'utopie, solution idéale
mais difficilement réalisable qui consisterait à doter l'animal d'une personnalité juridique, à l'atopie,
solution plus pragmatique prenant en compte le caractère atypique de l'animal pour créer une nouvelle
catégorie juridique (II-).
I - UN CONSTAT DE CARENCE :
LE REJET DE L'ANIMAL PAR LA TOPOLOGIE JURIDIQUE HABITUELLE
Lorsque l’on tente de déterminer si les animaux ont des droits, on se heurte à un double constat de
carence, lié au fait que l'animal est exclu de la topologie juridique habituelle. Le droit l'évoque,
lui consacre même certaines règles, mais il échoue à le définir. En somme, l'animal n'est ni tout à fait
inconnu ni tout à fait connu du droit. Atopos, au sens étymologique du terme, l'animal est sans lieu,
hors lieu, à côté des lieux communs juridiques. Deux manifestations de ce phénomène peuvent être
recensées. D’une part, malgré certaines tentatives pour leur en reconnaître, les animaux demeurent
effectivement dépourvus de droits (A-). D’autre part, le statut juridique de l'animal n'est qu'un tissu
d'incertitudes (B-).
A - L’absence de reconnaissance effective de droits aux animaux
Malgré le nombre croissant de mouvements favorables à la protection de l'animal, malgré le nombre de
voix qui prônent l'octroi de droits aux animaux, la consécration de tels droits n'a pas eu lieu de manière
effective, mais tout au plus d'une façon indirecte ou seulement solennelle.
Indirecte tout d'abord, une reconnaissance de droits aux animaux peut être décelée par les
observateurs les plus attentifs et les plus volontaires dans les textes visant à protéger les animaux.
Le droit positif recèle en effet une protection dispersée des animaux qui n'équivaut pas tout à fait à une
authentique consécration de droits à leur profit, mais évite de plonger dans un pessimisme fataliste.
Tout commence en 1850 avec la loi Grammont9, d'une façon étrangement contournée. Punissant ceux
qui exercent abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques, cette loi s'applique
uniquement si l'administration en a été publique. Il s'agit alors davantage de protéger la moralité
publique que l'animal lui-même. La consécration d'un droit pour l'animal est encore loin.
Plus d'un siècle après, un décret du 7 septembre 195910 inverse les perspectives : il supprime la
condition de publicité et l'animal devient pleinement l'objet de la protection juridique. Un droit de
l'animal à ne pas subir de mauvais traitements se laisse alors entrevoir. Par la suite, la sensibilité de
9
Loi du 2 juillet 1850 dite Grammont sur les mauvais traitements envers les animaux domestiques.
Décret n° 59-1051 du 7 septembre 1959 réprimant les mauvais traitements exercés envers les animaux.
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l'animal est davantage prise en compte et, par là-même, la nécessité de le protéger contre la tentation
humaine de le faire souffrir. Une loi du 19 novembre 196311 crée le délit d'acte de cruauté, commis
publiquement ou non, envers des animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité. Dans le
même ordre d'idées, l’article L214-1 du Code rural qui résulte de la loi du 10 juillet 1976 relative à la
protection de la nature12 est assez explicite : « tout animal étant un être sensible doit être placé par son
propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».
Cette amélioration du sort des animaux s'achève avec la réforme du Code pénal de 1994 : de nouvelles
incriminations sont introduites pour réprimer les atteintes à l'intégrité ou la vie des animaux, mais
il n'est pas expressément fait état de droits reconnus aux animaux.
Parallèlement à ces évolutions juridiques françaises, un mouvement similaire s'est manifesté à un
niveau international et s'est répercuté en droit interne. Ainsi la France a-t-elle ratifié, le 29 juillet 1974,
la Convention européenne sur la protection des animaux en transport international13, laquelle souligne
la nécessité d'assurer le bien-être animal. De même, la Convention européenne pour la protection des
animaux de compagnie14 qui définit les principes fondamentaux en la matière et proclame dans son
préambule « l'importance des animaux de compagnie en raison de leur contribution à la qualité de la vie
et leur valeur pour la société » est entrée en vigueur le 1er mai 1992 et a été signée par la France le
18 décembre 1996. En outre, la protection de l'animal dans son environnement naturel repose elle-aussi
pour une bonne part sur des conventions internationales15.
Néanmoins, la portée de la protection reconnue à l'animal doit être relativisée quant à la question qui
nous préoccupe, à savoir l'attribution de droits aux animaux : elle ne permet pas de faire passer l'animal
du statut d'objet à celui de sujet de droit. Dès lors, celui-ci ne peut être le bénéficiaire direct d'une
libéralité, comme l'a souligné un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 20 octobre 195816. L'animal est
dépourvu de la capacité juridique exigée par l'article 902 du Code civil17. En revanche, il peut bénéficier
d'une charge de soins imposée à une personne dans le cadre d'une libéralité : un bien ou une somme
d'argent fait l'objet d'une donation ou d'un legs, à charge pour le gratifié d'entretenir l'animal.
Solennelle ensuite, la reconnaissance de droits aux animaux évoque une Déclaration dépourvue de
portée juridique réelle proclamée le 15 octobre 1978 à Paris au siège de l'UNESCO, mais non reconnue
par cette organisation. Il s'agit de la Déclaration universelle des droits de l'animal adoptée par la
Ligue internationale des droits de l'animal18. Elle puise son inspiration dans la Déclaration universelle des
droits de l'homme de 1948 : égalité devant la vie, protection contre les mauvais traitements et les actes
cruels, droit à l'existence, droit au respect, droit à l'attention, droit aux soins et à la protection sont ainsi
11 Loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux. Cf. G. Humbrecht, « Quelques réflexions sur la loi
du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux », Gaz. Pal., 1964, 1er sem., doctrine, p. 4.
12 Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature. Cf. E. Alauze, « La loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la
nature », Gaz. Pal., 1976, 2ème sem., doctrine, p. 686.
13 Convention européenne sur la protection des animaux en transport international (révisée), Chişinau, 6 novembre 2003.
14 Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, Strasbourg, 13 novembre 1987.
15 Convention de Washington du 3 mars 1973 (Loi n° 77-1423 du 27 décembre 1977 et décret n° 78-959 du 30 août 1978) ;
Convention de Bonn du 22 juin 1979 (Loi n° 89-1005 du 31 décembre 1989 ; Décret n° 90-962 du 23 octobre 1990) ; Convention
de Berne du 19 septembre 1979 ( Loi n° 89-1004 ; Décret n° 90-756 du 22 août 1990.
16 CA Lyon, 20 octobre 1958, D. 1959, p. 111, note R. Nerson.
17 Sur cette question, voir : L. Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l'animal, PULIM, 2013, pp. 180 sq. ; M.-J. Garnot,
Les animaux bénéficiaires de libéralités, thèse Rennes, 1934.
18 Le texte de cette déclaration a été révisé en 1989.
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recensés. De manière générale, elle précise que « tout être vivant possède des droits naturels et que tout
animal doté d'un système nerveux possède des droits particuliers ». Cette déclaration, malgré son
caractère explicite, n'a aucune valeur juridique et reste donc inefficiente. Autrement dit, les droits
qu'elle énonce sont ineffectifs. Suivant une démarche comparable, certains militent pour l'octroi de
droits fondamentaux aux animaux. Il y aurait à cet égard deux propositions différentes. « La première,
qui s'appuie sur la proximité entre l'homme et les grand singes, vise à reconnaître aux seuls grands
singes le bénéfice de droits fondamentaux, explique le Professeur Le Bot19. La seconde, qui repose sur le
caractère « sentient »20 des animaux, tend à conférer à l'ensemble de ces derniers les droits
fondamentaux concernés ». Ces deux propositions n'ont pour l'heure qu'une valeur théorique.
Le principal obstacle à tout impact concret de leur part demeure l'absence d'un statut juridique clair des
animaux.
B - L’absence d’un statut juridique clair des animaux
Dans la mesure où cette difficulté est rarement évoquée21, il ne paraît pas superflu de souligner l'aspect
très contestable de l'emploi du terme « animal » pour désigner les seules bêtes. Certes, les deux
substantifs en question sont couramment utilisés à titre de synonymes, au détriment du mot « bête »
qui tombe, semble-t-il, peu à peu en désuétude. Néanmoins, leur signification est différente, les bêtes
n'étant qu'une partie des animaux : la partie non-humaine22. Autrement dit, si la définition classique de
l'animal le distingue des règnes végétal et minéral, elle le rapproche si bien de l'homme qu'elle est
susceptible de s'appliquer tant à celui-là qu'à celui-ci. Après tout, l'homme n'est rien d'autre qu'un être
vivant, organisé, doué de sensibilité et de mobilité23, c'est-à-dire un animal. En définitive, la définition
véritable de l'animal a une orientation biologique, l'homme n'étant alors qu'un animal parmi d'autres.
Que le langage courant oublie l'animal qui est dans l'homme, qu'il tronque le premier de ces termes
d'une partie de sa signification en l'assimilant à celui de bête, c'est une chose. Que le langage juridique,
prétendu parangon de rigueur et de subtilité, suive le même chemin, c'est autre chose. Pourtant, c'est
ce qu'il fait. Il dissocie totalement l'homme de l'animal, comme si sa force normative lui permettait de
nier les réalités biologiques les plus évidentes, comme si elle l'autorisait à réaliser ce que la nature n'a
pas permis : défaire l'homme de son inéluctable part de bestialité.
Voici un paradoxe : le droit qui, dans son volet pénal, incrimine et punit les comportements les plus
inhumains, se montre réticent quand il s'agit d'admettre que l'humain fait partie du règne animal.
19
O. Le Bot, « Des droits fondamentaux pour les animaux : une idée saugrenue ? », Revue Semestrielle de Droit Animalier,
1/2010, pp. 11 sq., spéc. p. 13.
20 L'auteur explique que « le terme anglo-saxon « sentient » n'a pas d'équivalent dans la langue française ». Il ajoute
qu'« il permet d'exprimer, sous un terme générique, les notions de sensibilité, de conscience et de vie mentale dont disposent les
animaux » (Ibid., p. 15).
21 Voir cependant, L. Boisseau-Sowinski, op. cit., p. 27, spéc. note 63.
22 Selon le CNRTL, la bête est l' « être appartenant au règne animal autre que l'homme ».
[ http://www.cnrtl.fr/definition/bête ], (2013-11-26).
23 Voir la définition du Robert et celle du CNRTL.
[ http://www.cnrtl.fr/definition/animal ], (2013-11-25).
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On sait le droit aveugle à certains faits qu'il ne veut pas voir et entend même cacher. Ainsi la filiation
complète de l'enfant incestueux ne peut-elle jamais être établie civilement24. On connaît le procédé de
la fiction juridique qui permet d'ériger des mensonges en vérités. Ici, c'est une manipulation
linguistique, une déformation langagière qui opère d'une façon similaire. Juridiquement, le vocable
« animal » ne renvoie jamais à l'être humain. On assiste donc à une déviance sémantique profonde qui,
loin d'être étrangère aux difficultés de détermination du statut juridique animal, constitue plutôt leur
origine. Encore les effets pervers de cette déformation pourraient-ils être corrigés si le droit dotait le
terme concerné d'une définition propre, exclusivement juridique. Pourquoi ne pas faire de l'animal une
notion autonome à l'instar de la personne, qui, devenue juridique, est bien plus qu'une personne dans la
langue ordinaire ? Hélas, s'il y a des personnes juridiques, aucun raisonnement par analogie n'a su forger
un animal juridique.
Puisqu'il repose sur une négation fondamentale des liens entre l'homme et l'animal, il n'y a rien
d'étonnant à ce que le droit n'intègre pas ce dernier dans la catégorie des personnes juridiques et le
place, par défaut, parmi les choses. Le seul élément dont le droit est sûr s'agissant des animaux, c'est
qu'ils n'ont rien à voir avec les personnes. Sur ce fondement partiellement faux, il serait bien difficile
d'établir un régime juridique clair et satisfaisant. L'incertitude plane donc et une vague gêne entoure les
dispositions les plus réificatrices de l’animal.
En droit civil, présenter l'animal comme un meuble relève du lieu commun. Si tant est qu'il soit un
minimum révérencieux à l'égard de la noble construction intellectuelle qu'il étudie, l'apprenti juriste
saura bien vite qu'en principe, les animaux « sont meubles par leur nature »25 et que, par exception,
certains d'entre eux parmi les plus mobiles, tels les lapins des garennes, les pigeons des colombiers ou
encore les abeilles, « sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le
service et l'exploitation du fonds »26. Chose mobilière en général, chose immobilière dans des cas
particuliers, res propriae en cas d'appropriation, res nullius en l'absence d'appropriation, tels sont les
animaux : la fiction connaît des degrés variables mais reste tenace. Ainsi le droit civil traite-t-il d'un
animal fictif, désinvesti de son essence véritable.
Malgré tout, la légère reformulation subie par les articles 524 et 528 à la suite de l'adoption de la loi du
6 janvier 199927 instille un doute. Jusqu'à cette modification législative, l'animal n'était pas distingué des
autres objets ; il était l'un d'entre eux malgré sa faculté de se mouvoir par lui-même. Depuis lors, il est
différencié des objets inertes, même s'il reste une chose. C'est dire qu'il n'est plus tout à fait une chose
comme les autres.
En droit pénal, le doute se fait encore plus prégnant et une réelle impression de malaise domine quant à
la nature de l'animal. Depuis la réforme de 1994, le Code pénal distingue les infractions contre les
animaux des infractions contre les biens auxquelles elles auraient en principe dû être rattachées compte
24 Selon l'article 310-2 du Code civil, « S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par
les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à
l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit ».
25 Voir l'article 528 du Code civil.
26 Voir l'article 524 du Code civil. Voir aussi l'article 522, selon l'alinéa premier duquel « Les animaux que le propriétaire du
fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au
fonds par l'effet de la convention ».
27 Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
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tenu de la qualification civile de l'animal28. Ce dernier n'est présent ni dans le Livre II du Code qui traite
des crimes et délits contre les personnes, ni dans le Livre III relatif aux crimes et délits contre les biens,
ni dans le livre IV consacré aux crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique, ni dans le
livre IV bis sur les crimes et des délits de guerre. C'est dans un Livre V intitulé « Des autres crimes et
délits » qu'on trouve un chapitre prenant en compte les sévices graves et les actes de cruauté envers les
animaux. « Puisque ces infractions figurent dans une catégorie délibérément distinguée de la catégorie
des infractions contre les biens, observe le Professeur Marguénaud, on ne peut faire autrement que de
conclure : au moins en droit pénal les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité ne sont
plus des biens »29.
Miroir de la gêne qui traverse la législation, la position de certains auteurs témoigne de la profonde
ambiguïté que notre civilisation juridique fait peser sur l'animal, cet être libre qu'on veut s'approprier
pour maîtriser la promesse d'ensauvagement dont il demeure à jamais porteur. Dans cette optique,
le rapport sur le régime juridique de l'animal de Suzanne Antoine30 envisage deux solutions de réforme
du Code civil qui n'éclaircissent pas réellement le statut juridique de l'animal.
La première solution consisterait à créer une catégorie juridique spécifique pour les animaux en tant
qu'objets de propriété. La nuance est subtile et l'ambiguïté totale. Les animaux ne seraient plus des
biens. Néanmoins, ils resteraient des objets patrimoniaux évoqués au côté des biens, dans le livre II du
Code civil qui serait alors intitulé « Des animaux, des biens et des différentes modifications de la
propriété ». Il comprendrait quatre titres, le premier portant exclusivement sur les animaux. Y figurerait
un article 515-9 selon lequel « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. En toutes
circonstances, ils doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et
assurant leur bien-être ». On y trouverait aussi un article 515-10, qui énoncerait que « l'appropriation
des animaux s'effectue conformément aux dispositions du Code civil sur la vente, et aux textes
spécifiques du Code rural ».
La seconde solution consisterait à faire d'eux des « biens protégés ». Ici, le livre II du Code civil resterait
dédié aux seuls biens. Le changement proviendrait du fait que les animaux seraient des biens à part,
objets exclusifs d'un premier chapitre. Au sein de ce livre II, un nouvel article 516 disposerait que « Les
biens comportent d'une part les animaux, qui sont des biens protégés en leur qualité d'êtres vivants et
sensibles, d'autre part les immeubles et les meubles ». Il serait complété par un article 516-1 aux termes
duquel, « Les animaux sont des biens qui font l'objet d'une législation protectrice particulière, édictée
dans leur intérêt propre. Leur mode d'appropriation est régi par les dispositions du code civil sur la vente
et par les textes spécifiques du code rural ».
En définitive, le droit positif ne tient les animaux pour des choses qu'au prix d'une déformation, d'une
manipulation. Le droit prospectif, lorsqu'il n'innove pas franchement, n'est guère plus satisfaisant.
Il semble difficile de combiner la sensibilité de l'animal avec sa patrimonialité, à tel point que la
désappropriation de l'animal a pu être envisagée par la doctrine31. En réalité, l'animal n'appartient à
28
Voir M. Danti-Juan, « La contribution du nouveau Code pénal au débat sur la nature juridique de l'animal », Droit rural, 1996,
n° 248, pp. 477 sq. ; J.-P. Marguénaud, « L'animal dans le nouveau Code pénal », D. 1995, pp. 187 sq.
29 J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », D. 1998, pp. 205 sq.
30 S. Antoine, Rapport sur le régime juridique de l'animal, Ministère de la Justice, 10 mai 2005.
31 L. Boisseau-Sowinski, op. cit..
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aucun des topiques habituels du droit. Atopos au sens que revêt cet adjectif dans Le Banquet de Platon32
pour qualifier Socrate, ils sont inclassables, étranges et décalés. Ils n’ont pas vraiment de droits tout en
étant protégés. Ni choses, ni personnes, ils sont définitivement en dehors de la topologie juridique
classique.
II - DES PERSPECTIVES DIVERGENTES : DE L'UTOPIE A L'ATOPIE
Tournée vers la recherche et la réalisation d'un idéal, l'utopie constitue un ailleurs ou, pour reprendre
une formule assez synthétique, un « ailleurs-nulle-part-à-venir »33. Par extension, elle se teinte parfois
d'une coloration péjorative et désigne un projet irréalisable qui ne tient pas compte de la réalité.
A l'opposé, l'atopie serait plutôt un « ici-maintenant »34 ancré dans la réalité, mais dans une réalité
marginale. Car l'atopie, lieu oublié, peu accessible, a précisément tout à voir avec les marges. Elle s'en
accommode d'ailleurs pour mieux les transfigurer35 et les valoriser. Or, c'est justement entre ces deux
tendances, l'une utopique et l'autre atopique, qu'oscillent les solutions envisageables pour doter les
animaux de droits et, concomitamment, d'un statut juridique défini.
La première solution consisterait à doter de la personnalité juridique les animaux, lesquels ne seraient
plus ces créatures atopos, à mi-chemin entre les personnes et les choses, auxquelles le droit n'assigne
jusqu'à présent aucun lieu. Prenant le contre-pied du droit positif qui va jusqu'à annihiler les liens
biologiques entre l'homme et la bête, cette solution exalterait en quelque sorte ces liens.
Elle transformerait la bête en une personne et la rattacherait donc à ce topique juridique qu'est la
personne. Projection idéaliste parfois tenue pour provocatrice, cette solution s'apparente à une utopie
(A-).
L'autre solution s'analyse comme une atopie. Par certains aspects plus radicale que la solution
précédente, elle relève pourtant d'une forme de subversion plus douce. Prenant appui sur les réalités
existantes, elle tenterait de faire avec ce qui est. Elle revendiquerait le particularisme animal et
déboucherait sur la création d'une nouvelle catégorie située entre les personnes et les choses (B-).
A - L’octroi envisageable de la personnalité juridique aux animaux, une utopie
D'après le dictionnaire Lalande, l'une des significations de l'utopie renvoie à un « idéal politique ou social
séduisant, mais irréalisable, dans lequel on ne tient pas compte des faits réels, de la nature de l'homme
et des conditions de la vie »36. Or, pour offrir une place digne de ce nom à l'animal au sein du système
juridique, certains ont entrevu des solutions relevant du domaine de l'utopie.
32
Platon, Le Banquet, présentation et traduction par Luc Brisson, Flammarion, « GF », 1998, rééd. 2007.
M. Duclos, « La langue de l'aurore et de l'origine », in Le Monde ouvert de Kenneth White, Essais et témoignages recueillis par
M.Duclos, Presses Universitaires de Bordeaux, 1995, pp. 56-57.
34 Ibid..
35 Selon Jérôme Ravenet, « Si l'utopie est un ailleurs et l'idéal un au-dessus, l'atopie reste imbibée de réel, elle est la poésie du
prosaïque, elle transfigure l'ordinaire ». J. Ravenet, « Nouveau phalanstère, atopie », Phalanstere.fr.
[ https://sites.google.com/a/volubilys.fr/phalanstere2/philosophie-et-sciences-humaines/nouveau-phalanstere ], (2013-11-28).
36 André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, Quadrige, 1926, vol. 2, « Utopie ».
33
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Les plus utopiques de ces projets consistent à faire des animaux des sujets de droit au même titre que
les individus et à les doter d'une personnalité juridique à peu près similaire à celle dont bénéficient les
êtres humains. Souvent tournée en ridicule, cette thèse peut certes sembler radicale et inadaptée,
mais elle ne mérite sans doute pas le déchaînement de critiques qu'elle suscite parfois. Un certain
nombre de juristes comme Edouard Engelhardt37, Louis Lespine38, Marc-Jean Garnot39, Pierre Giberne40,
Alain Couret41 ou encore Caroline Daigueperse42 ont d'ailleurs soutenu ce type d'idées. Le Professeur
Marguénaud rappelle en outre que, contrairement à ceux qui fondent la personnalité juridique sur la
volonté, ceux qui font prévaloir le critère de l'intérêt en viennent naturellement à accorder la
personnalité juridique aux animaux43. Du point de vue la théorie de la personnalité juridique, cette thèse
n'aurait donc rien d'aberrant. Comme l'avait démontré Demogue, si l'on admet que les droits sont des
intérêts juridiquement protégés, tout être vivant et sensible, aussi bien l'homme que l'animal, est apte à
être sujet de droit44.
Néanmoins, les dangers de cette assimilation des animaux aux hommes ont déjà été mis en avant par
des philosophes et des juristes. Ainsi Luc Ferry attire-t-il l'attention sur les dérives que rendrait possible
un anthropomorphisme exalté en évoquant la législation protectrice des animaux instaurée par le
régime nazi au début des années trente45. De manière plus concrète, le Professeur Marguénaud
explique que l'on risquerait soit d'élever l'animal au rang d'homme et de prohiber de manière absolue
toute atteinte aux animaux, soit d'abaisser l'homme au rang d'animal et ainsi d'admettre que l'homme
subisse des atteintes corporelles46. Dans ce second cas de figure, de nombreuses formes d'élimination,
comme la peine de mort ou l'eugénisme, pourraient alors être admises.
Par ailleurs, il ne semble pas utile de conférer aux animaux des droits équivalents à ceux des humains ou
une personnalité juridique identique à la leur47 car leur intelligence ne le permet pas. En effet, la plupart
des droits humains ne présentent aucune utilité pour l'animal. « Au plan civil, demande le Professeur
Chénédé, s'agit-il de lui reconnaître le droit de fonder une famille, d'être propriétaire d'un bien,
de devenir héritier, de conclure des contrats, etc. ? »48. Dans le même ordre d'idées, il serait illusoire de
vouloir mettre en œuvre la responsabilité civile et pénale des animaux49. S'agissant de la première,
on voit mal comment le patrimoine de l'animal, dans lequel ne devraient se trouver que des droits
alimentaires, pourrait assurer sa vocation indemnitaire. S'agissant de la deuxième, l'absence de
37
E. Engelhardt, De l'animalité et de son droit, Ed. Chevalier-Marescq, Paris, 1900.
L. Lespine, « Le droit des animaux », Bulletin juridique international de la protection des animaux, n° 1 er 2, 1929.
39 M.-J. Garnot, op. cit..
40 P. Giberne, La protection juridique des animaux, thèse, Montpellier, 1931.
41 A. Couret, note sous Cass., civ. 1, 8 octobre 1980, D. 1981, Jurisprudence, p. 361.
42 C. Daigueperse, « L'animal sujet de droit, réalité de demain », Gaz. Pal., 1981, 1, Doctrine, p. 160.
43 J.-P. Marguénaud, op. cit., pp. 365-366.
44 R. Demogue, « La notion de sujet de droit », RTD civ. 1909, p. 620.
45 L. Ferry, Le nouvel ordre écologique, Grasset, 1992, pp. 181 sq.
46 J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », préc..
47 Ibid. L'auteur explique notamment que cette solution « leur confèrerait des droits inutiles et les exposerait à des obligations
grotesques ».
48 F. Chénédé, « La personnification de l'animal : un débat inutile ? », AJ famille 2012, pp. 72 sq.
49 J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », préc.. L'auteur évoque les procès d'animaux médiévaux, à l'issu
desquels on habillait certaines bêtes avec des vêtements humains. « Même sans être aussi suggestif, constate-t-il, un tel
déguisement de l'animal, l'exposant aux sévères conséquences passives attachées à la personnalité juridique des êtres humains,
serait aussi grotesque aujourd'hui qu'au XVe et au XVIe siècle ».
38
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discernement de l'animal paraît être un obstacle insurmontable à son déclenchement. Une analogie
peut en effet être établie avec le premier alinéa de l'article 122-1 selon lequel « n'est pas pénalement
responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou
neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
A côté de ces propositions relevant clairement de l'utopie en ce qu'elles transforment le respect des
animaux en une véritable passion zoophile, une autre solution, plus raisonnable, se dessine. Elaborée
par le Professeur Marguénaud50, elle repose sur l'idée selon laquelle les animaux pourraient être revêtus
d'une personnalité juridique technique, taillée sur mesure, à l'instar de celle des personnes morales.
Utopique, cette solution l'est sans doute en partie car elle rompt totalement avec l'état du droit positif.
Aussi ardemment qu'on le souhaite, son avènement n'en heurterait pas moins la culture juridique
ambiante.
Séduisante, elle présente le mérite d'éclaircir et de revaloriser le statut des animaux tout en l'adaptant
aux données biologiques qui feront obligatoirement des animaux des personnes juridiques incapables
d'exercer leurs droits par elles-mêmes. En outre, elle est susceptible de s'appliquer immédiatement.
Aucun obstacle d'ordre théorique ou pratique ne s'y oppose.
Stimulante, elle conduit la théorie de la personnalité juridique, initiée par Demogue, vers son plein
épanouissement. Plus précisément, elle constitue l'aboutissement de la thèse de la réalité technique
forgée par Michoud51 et consacrée par la jurisprudence française en 195452 pour doter les groupements
d'une forme de personnalité juridique. Désormais, on admet en effet que la personnalité juridique soit
accordée, indépendamment de toute intervention législative, « à tout groupement pourvu d'une
possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement
reconnus et protégés »53. Mutatis mutandis, ce mécanisme pourrait être étendu à l'animal, lequel
« dispose d'un intérêt propre et par conséquent distinct de celui qui peut exercer sur lui des
prérogatives »54 et remplirait donc globalement les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la
théorie de la réalité technique.
Néanmoins, si la puissance de la construction intellectuelle éveille l'admiration, elle suscite aussi des
réserves : la fiction juridique qu'est la personnalité est ici totalement exploitée. Or, n'est-ce pas là
encore une façon de forcer la catégorie des personnes, une manière détournée d'intégrer les animaux
dans un univers auxquels ils sont par nature étrangers et, finalement, une sorte de négation de leur
aspect fondamentalement atopique ?
Quoi qu'il en soit, plus la tentation anthropomorphique est forte, plus le projet est utopique.
Au contraire, moins elle est forte, plus le projet s'approche de l'atopie.
50
J.-P. Marguénaud, op. cit..
L. Michoud, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, 1906, réed. LGDJ, 1998, 2 tomes.
52 Cass., civ. 2, 28 janvier 1954, Comité d'établissement de Saint-Chamond, GAJC, 12e éd., 2007, n° 18-19.
53 Ibid..
54 J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », préc..
51
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B - La création d’une tierce catégorie entre les personnes et les choses,
une atopie
L'atopie désigne un lieu hors des lieux communs. « Ce terme appartient au vocabulaire de la philosophie
platonicienne où il désigne ce qui n'a pas de lieu, ce qui échappe à la contingence de l'enfermement dans
les limites objectives. Est atopique celui qui brouille les repères et déstabilise la perception et le
jugement ». Telle est la définition de l'atopie offerte par l'écrivain et essayiste Claude Louis-Combet dans
le préambule de son ouvrage intitulé Grand Siècle d'atopie55. Dès lors, l'expérience qui consiste à
rechercher la place des animaux au sein du système juridique relève de l'atopie56. Souvent oubliés,
n'inspirant que de rares textes, situés aux confins du droit, les animaux sont bel et bien atopos. Mais ce
constat n'a rien d'une fatalité. Mieux encore, il ne s'épuise pas lui-même car, comme l'affirme Kenneth
White, « l'atopique est le potentiel du topique »57 tandis que « l'atopie est la sur-intensification d'une
topologie bien solide »58. Aussi en vient-on à se demander si l'atopie juridique des animaux, constatée,
assumée et revendiquée, ne pourrait pas conduire à la création d'un nouveau topos juridique, situé
entre les personnes et les choses. Paradoxalement, l'atopie animale deviendrait donc une atopie située.
La proposition n'est d'ailleurs pas entièrement nouvelle. A cet égard, les travaux respectifs des
Professeurs Farjat59 et Libchaber60 retiennent l'attention.
Selon le premier, il serait possible de prendre en compte, aux côtés des choses et des personnes,
les centres d'intérêt. L'auteur ne s'intéresse pas alors aux seules bêtes. Il se penche aussi sur la famille,
les groupes de sociétés, l'embryon et même la nature, qui sont des entités familières mais dépourvues
de personnalité juridique. « Ce sont pourtant des points d'imputation du droit, des ordres juridiques
partiels, avec des effets variables, note l'auteur. On peut les qualifier de « centres d'intérêts ».
La conscience de leur existence et du jeu flexible et cohérent du droit qu'ils légitiment, peut permettre un
meilleur fonctionnement du système juridique »61.
Selon le second, c'est plutôt le vivant dans son ensemble qui devrait être pris en compte et faire l'objet
d'une catégorisation, par opposition à l'inerte. Le Professeur Libchaber évoque d'abord « le sentiment
que la protection de l'homme ne doit pas s'édifier aux limites de l'humanité mais aux frontières du
vivant » et, ensuite, « la tentation corrélative d'élever l'ensemble du vivant en catégorie juridique
nouvelle, de la faire bénéficier d'une protection forte comparable à celle qu'assurent les droits de
l'homme aujourd'hui »62.
55
C. Louis-Combet, Grand siècle d'atopie, Galilée, paris, 2009, p. 17.
Sur la notion d'atopie, voir : A. Gillet, « Les champs de l'atopie », Articles d'un cahier Figura, coll. «Figura», Volume 13,
Montréal, p.143 (2005), Département d'études littéraires, Université du Québec à Montréal, Figura, Centre de recherche sur
le texte et l'imaginaire.
57 Kenneth White, Le poète cosmographe, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1987, p. 72.
58 Ibid., p. 72.
59 G. Farjat, « Entre les personnes et les choses, les centres d'intérêts. Prolégomènes pour une recherche », RTD civ. 2002,
pp. 221 sq.
60 R. Libchaber, « Perspectives sur la situation juridique de l'animal », RTD civ. 2001, pp. 239 sq.
61 G. Farjat, loc. cit..
62 R. Libchaber, loc. cit..
56
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Deux constats importants peuvent être dressés à partir de ces travaux. Le premier, c'est qu'entre les
personnes et les choses, il existe des entités diverses qui méritent protection63. Le second constat qui
découle du précédent, c'est que l'animal n'est sans doute pas, en droit, le seul atopos. Ainsi présente-t-il
de nombreux points communs avec l'embryon64. Comme l'animal, l'embryon est un être vivant qui
mérite un certain respect et pourrait donc avoir certains droits. Comme l'animal, l'embryon est un être
vivant assujetti. Assujetti au choix de sa mère lorsqu'il est in utero, assujetti aux choix de ses parents et
aux exigences biomédicales, lorsqu'il est in vitro, il peut subir des atteintes liées à l'avortement et à la
recherche.
S'inspirant de ces propositions, on pourrait envisager la création d'un nouveau topos, celui du vivant, ou
encore celui des êtres, le terme « être » désignant en l'occurrence ce qui est vivant. Ce nouveau topos se
situerait précisément entre les deux topoï préexistants.
Indiquant « une ascension graduelle et une voie de communication à double sens, entre différents
niveaux »65, le symbole de l’échelle permet de décrire la communication entre les trois topiques ainsi
mis à jour. Il y a en effet un processus ascensionnel progressif qui traduit à la fois le passage du premier
topos, celui des choses, au deuxième topos, celui des êtres, et la transition de ce deuxième topos au
troisième topos, celui des personnes. Autrement dit, tout en bas de l'échelle, on trouverait toujours les
choses, condamnées du fait de leur inertie, à n'être que des objets de droit. Tout en haut de cette même
échelle, il y aurait les personnes, sujets de droit en raison de leur capacité à discerner et à vouloir.
Entre les deux, au milieu, se tiendraient le vivant, les autres êtres (les bêtes, les embryons, etc.)
qui pourraient à la fois être objets et sujets de droit.
Les tenants de la thèse selon laquelle la summa divisio classique (personnes et choses) est indépassable
ne manqueront pas de souligner le caractère aberrant d'une telle proposition. Ils soutiennent en effet
que nul ne peut être à la fois sujet et objet de droit. « En droit civil, souligne ainsi le Professeur
Libchaber, il n'y a pas de place pour trois catégories d'intervenants, car la distinction des personnes et
des choses en structure tout l'espace : les premières sont des sujets de droit, c'est-à-dire que la volonté
autonome dont elles sont animées en fait de parfaits supports de droits et d'obligations, tandis que les
secondes ne sont rien d'autre que l'objet des désirs des premières »66. Néanmoins, l'observation concrète
du droit révèle que l'hypothèse critiquée, si elle n'est pas reconnue officiellement, n'en est pas moins
déjà advenue. A titre d'exemple, une protection est accordée aux animaux ou aux embryons qui sont
pourtant considérés tous deux comme des choses mobilières. Refuser de l'admettre avoisine le déni et
relève d'une vision anthropocentrée, totalement artificielle.
Dès lors, si l'on pousse le raisonnement à son terme, la création de ce nouveau topos impliquerait celle
de nouveaux droits, adaptés aux êtres et qui pourraient être qualifiés d'immanents. Ils découleraient de
la nature même de ceux auxquels ils appartiennent et seraient donc indexés sur leurs besoins de
protection. Il s'agirait, pour le dire autrement, de droits intrinsèques.
63 Ainsi, le Professeur Farjat observe que « la notion de centre d'intérêts, « succédané » de la personnalité juridique, si elle n'a
pas à être la « poubelle » de la notion de personne juridique, peut honnêtement faire face à de nombreux et variés besoins
sociaux des sociétés modernes et de celles qui accèdent à la modernité ».
64 Ainsi le TA Amiens, le 9 mars 2004 (D. 2004, Jurisprudence p. 1051) a estimé que l’embryon congelé est une chose mobilière.
65 Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRANT, Dictionnaire des symboles - Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures,
couleurs, nombres, éd. revue et corrigée, Paris, éd. Robert LAFFONT, coll. Bouquins, 1982, V. « Echelle ».
66 R. Libchaber, loc. cit..
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A l'objection selon laquelle ceux qui seraient pourvus de tels droits n'auraient pas la possibilité de
les faire valoir directement, on peut répondre que ces droits se distingueraient précisément des droits
accordés aux personnes en ce qu'ils traduiraient le devoir général de justice que le juriste a tendance à
oublier et qui, pourtant, devrait être la fin du droit. S'agissant des animaux, ces droits immanents
résideraient dans l’animalité même : en tant que composantes de la nature, les animaux doivent être
respectés dans leur globalité, en tant qu’être sensibles, ils doivent être respectés individuellement.
Point ne serait alors besoin de faire appel à des concepts juridiques propres à l’être humain, comme
la dignité, pour protéger les animaux. D'une certaine manière, de tels droits seraient des droits naturels.
A l'objection selon laquelle aucun droit n'existe sans devoir corrélatif, la réponse a déjà été fournie par
le philosophe André Comte-Sponville dont les observations ont d'ailleurs servi d'argument à la doctrine
animalière la plus autorisée67 : « Retenons seulement que droits et devoirs sont indissociables, et que les
droits de l'homme, spécialement, ne sont définis que par les devoirs que tout homme doit respecter vis-àvis de tout homme. Pourquoi dès lors, si nous acceptons de parler de nos droits (parce que les autres ont
des devoirs envers nous), refuserions-nous de parler, puisque nous avons des devoirs envers eux, de
droits des animaux ? Si nos devoirs font nos droits, pourquoi ne feraient-ils pas aussi les leurs ? »68.
En vérité, de tels droits immanents n'exigent pas la création d'une catégorie juridique précise,
nettement définie, mais bien plus d'un topique ouvert et renouvelable, s'inscrivant dans l'évolution
contemporaine du droit qui fait la part belle au flexible69 et au flou70. Dans ce topos, on pourrait
imaginer l'intégration du vivant en général : les animaux, les embryons, la nature, l'environnement,
et même, au titre du vivant potentiel, les générations futures.
Quoi qu'il en soit, pour que le concept d'immanence, ici appliqué à de nouveaux droits, prenne tout son
sens, il faudrait songer à requalifier voire à reclassifier l'intégralité des droits. C'est donc
un renversement complet des perspectives traditionnelles qui serait en jeu. Dans cet ordre d'idées,
se distingueraient avant tout les droits transcendants qui remplaceraient la catégorie des droits
subjectifs. Par essence inépuisables et en perpétuelle évolution, ils auraient pour caractéristique
principale d'être l'apogée de la construction intellectuelle qu'est le droit. Transcendants, ils seraient en
outre au sommet de la pyramide des droits en cas de conflit entre deux droits. Transcendants, il seraient
appelés à se dépasser eux-mêmes pour engendrer des obligations. Parmi eux, on trouverait une souscatégorie, celle des droits éminents, appellation qui prendrait la place des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Arriveraient alors les droits immanents qu'on accorderait aux êtres vivants en
fonction de leurs caractéristiques naturelles. Ces droits immanents, à la différence des droits
transcendants n'iraient pas de pair avec de quelconques devoirs. Il appartiendrait aux titulaires de droits
transcendants de respecter les droits immanents qui seraient en quelque sorte les droits des plus
faibles. Enfin, il existerait sans doute une dernière catégorie de droits, celle des droits rémanents. Il
s'agirait de prendre en compte la persistance de certains droits à l'égard des personnes défuntes et de
leurs cadavres.
67
J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », préc..
A. Comte-Sponville, Revue Esprit, décembre 1995, p. 142.
69 J. Carbonnier, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10ème éd., paris, 2001.
70 M. Delmas-Marty, Le flou du droit, Quadrige, PUF, Paris, 2004.
68
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En définitive, la question de l'octroi de droits aux animaux débouche sur un chantier beaucoup plus
vaste, qui dépasse les seuls animaux. Ne sont donc ici exposées que les prémisses d'une déconstruction
de plus grande ampleur, que nous détaillerons plus tard et dont la finalité serait d'harmoniser les topoï
juridiques autour de catégories de droits entièrement redessinées.
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LA PECHE ET LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES
Philippe BOUCHEIX,
Maître de conférences de droit public,
Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
I - LE HANDICAP JURIDICO-GENETIQUE DU STATUT INITIAL DES ANIMAUX AQUATIQUES
A - Le point de vue du droit civil et rural
B - L’inefficacité de la protection pénale des animaux à l’égard des espèces aquatiques
II - LE DROIT MODERNE DE L’EAU, LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET LE DROIT DE L’URBANISME
CONTRIBUENT A LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES
A - Le droit modernisé ou à moderniser de la pêche :
articles R 435-65 et suivants du Code de l’environnement
B - Le droit moderne de l’eau : une protection à fort potentiel d’efficacité
A
utant la littérature juridique relative aux animaux est ancienne et variée, autant à l’inverse
celle relative aux poissons et autres espèces aquatiques, est rare et faible. Plusieurs raisons
peuvent expliquer cela. D’abord le droit de l’environnement, branche juridique à laquelle est
rattachée la question, est lui-même récent (1972), le droit des animaux en est une spécialisation,
celui des poissons une spécialisation particulière, le bout du chemin pour ne pas dire la fin de l’histoire.
La charte constitutionnelle de l’environnement du 1er mars 2005 ne vise que les êtres humains et pas les
animaux : « L’environnement est le patrimoine commun des êtres humains » (considérant 3) et non
celui des êtres vivants.
Ainsi définir le statut juridique des espèces piscicoles n’est-il pas chose facile. Parce que si certaines
espèces sont sédentaires, d’autres sont de grands voyageurs comme le saumon ou l’anguille,
ils parcourent les océans, les mers, les fleuves et les rivières grandes ou petites. Ainsi sont-ils sensibles
à tous les systèmes juridiques de la planète.
Je m’en tiendrai essentiellement à la pêche en eau douce continentale. L’article L 430-1 du Code de
l’environnement dispose : « La préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine
piscicole sont d’intérêt général. La protection du patrimoine piscicole implique une gestion équilibrée des
ressources piscicoles dont la pêche, activité à caractère social et économique, constitue le principal
élément. »
En France, les premiers éléments statutaires ont été développés par le droit civil, mais surtout par
le droit de la pêche. I) Le statut juridique actuel des animaux aquatiques puise ses fondements dans
le droit moderne de l’eau, dans certains aspects particuliers du droit de la pêche et dans les évolutions
récentes du droit de la protection du patrimoine. II)
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I - LE HANDICAP JURIDICO-GENETIQUE DU STATUT INITIAL DES ANIMAUX
AQUATIQUES
A - Le point de vue du droit civil et rural
Les romains s’étaient intéressés de manière approfondie au droit des biens. Ils y classèrent les animaux
dans la catégorie des choses en fonction de la « summa divisio » : les meubles et les immeubles.
Encore aujourd’hui, l’article 516 précise : « Tous les biens sont meubles ou immeubles ».
L’article 528 du code civil dispose : « Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent
se transporter d’un lieu à un autre. Soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent
changer de place que par l’effet d’une force étrangère. »
Rattachés à une exploitation commerciale, ils deviennent « immeubles par destination » comme la
truite ou le saumon dans une pisciculture. En milieu naturel, d’une manière générale, tous les poissons
des cours d’eaux appartiennent à la catégorie des choses « bas de gamme », les res nullius, ce qui
signifie que ce sont, au sens juridique, des choses sans maître. Le droit de se les approprier relève du
droit de propriété foncière (riverains), le droit de pêche et les conditions juridiques relatives à la capture
relèvent du droit de la pêche. S’agissant des plans d’eau, le statut des poissons, y compris les
salmonidés, est conditionné par le statut juridique du plan d’eau. En mer, c’est aussi la situation
traditionnelle de res nullius qui s’applique et qui traduit, plus que nulle part ailleurs, « le droit des
hommes sur les fruits de la mer » (Gwenaele Proutière-Maulon : « L’évolution de la nature juridique du
poisson de mer ; contribution à la notion juridique de bien », Dalloz 2000, n°43, p. 647). On peut
résumer les choses comme suit :
- Eaux libres : res nullius - application de la législation sur la pêche ;
- Eaux closes : res propriae - inapplication de la législation sur la pêche.
Les poissons grands migrateurs posent des problèmes plus conséquents encore.
Du fait de leurs longs périples migratoires, parfois plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, les grands
migrateurs que sont les saumons atlantiques traversent autant de milieux aquatiques que de statuts
juridiques différents et souvent contradictoires. Leur présence en mer les fait relever de la Convention
internationale sur le droit de la mer de Montégo Bay, notamment l’exclusivité de l’exploitation
économique de l’Etat côtier dans la Zone d’exploitation économique exclusive (200 miles nautiques, soit
370 400 km), au-delà « Patrimoine commun de l’humanité », pétrole, gaz, minerais, gestion des stocks
de certaines espèces halieutiques, et enfin le statut souverain de l’Etat côtier sur les eaux intérieures et
les estuaires.
B - L’inefficacité de la protection pénale des animaux à l’égard des espèces
aquatiques
La lutte contre les actes de cruauté, mauvais traitements, sévices graves : l’article 521-1
du Code pénal
Plusieurs situations appellent quelques remarques.
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Certains modes de pêche autorisés peuvent occasionner des blessures graves, souvent
létales.
- La pêche aux appâts naturels (vers, larves, petits poissons, etc…) a souvent pour conséquence
un engamage profond par les poissons pêchés (fond de gorge impactant les ouïes).
- La présence d’ardillons sur les hameçons réduit considérablement les chances de survie des poissons que
le pêcheur choisit de remettre à l’eau ou est dans l’obligation de remettre à l’eau. Les ardillons
empêchent les poissons de se libérer ou d’être libérés par le pêcheur, ils occasionnent des souffrances
et des saignements dont l’issue est presque systématiquement fatale du fait de l’état d’hémophilie qui
caractérise de nombreuses espèces, et en particulier les salmonidés.
- La pêche aux vifs (poissons vivants) est un mode de pêche parmi les plus utilisés pour la pêche des
carnassiers et la plupart des salmonidés. C’est ici la situation la plus critiquable du point de vue du droit
des animaux, puisque d’une part, l’appât est un animal vivant relié à la canne du pêcheur par un
hameçon double ou triple avec ardillons, et d’autre part le poisson qui a avalé cet appât vivant va lui
aussi s’empaler sur une impressionnante série d’hameçons (souvent six, répartis sur deux hameçons
triples). Certains Etats ont purement et simplement interdit ces modes de pêche (ex : Pays-Bas,
Luxembourg, Belgique, Royaume-Uni…). Désormais, seule l’utilisation de leurres artificiels est autorisée.
- L’utilisation des gaffes. Il s’agit d’un outil en bois ou métal muni d’un crochet de boucher permettant de
sortir un gros poisson de l’eau sans risque qu’il ne s’échappe. Cette pratique qui inflige inévitablement
des souffrances inacceptables aux animaux devrait être interdite.
- La pisciculture intensive expose les animaux à des phénomènes de concentration inacceptable.
Les bassins en béton provoquent des blessures permanentes et des nageoires déchiquetées, traitées en
permanences au moyen d’antibiotiques qui, au demeurant, ne sont pas sans incidences sur la santé des
consommateurs. La productivité peu durable s‘est accompagnée de techniques de manipulations
génétiques (poissons triploïdes : technique qui consiste à obtenir des animaux, le plus souvent des
salmonidés, dépourvus d’appareil de reproduction dont la conséquence est le grossissement plus rapide
et donc la commercialisation plus rentable. Les politiques de gestion piscicole, pendant trente ans,
ont fait disparaître bon nombre de poissons de souche sauvage de notre patrimoine piscicole au profit
de poissons domestiques pour augmenter les chances de capture des pêcheurs exigeant la
rentabilisation de leur carte de pêche. L’alimentation à partir de farines animales, les bassins
lourdement traités, finissent par poser de très sérieux problèmes sanitaires comme des pathologies
hémorragiques virales, des syndromes immunodépressifs, etc. (NHI : Nécrose Hématopoïétique
Infectieuse et SHV : Septicémie Hémorragique Virale) entraînant de fréquentes décisions administratives
de fermetures, accompagnées de traitements des sites à la chaux vive !
En dehors de la pratique de la pêche, certaines activités occasionnent de sérieuses difficultés,
au premier rang desquelles : la détention de poissons d’ornement. Les droits des animaux sont
clairement remis en cause du fait de lieux de vie trop exigus ou inadaptés (aquarium, bocal), de
l’isolement des espèces « sociales », de la qualité de l’eau, de l’alimentation, des chocs thermiques,
des abandons.
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II - LE DROIT MODERNE DE L’EAU, LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET LE DROIT
DE L’URBANISME CONTRIBUENT A LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES
A - Le droit modernisé ou à moderniser de la pêche :
les articles R 435-65 et suivants du Code de l’environnement
L’essentiel des espèces de poissons de nos eaux douces relève du régime de protection partielle, et
quelques-unes ont intégré les listes d’animaux sauvages relevant du régime de protection intégrale
comme le saumon atlantique (salmo salar atlanticus) sur l’axe Loire-Allier et tous ses affluents
depuis 1994.
La loi du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles a prévu
l’élaboration des schémas départementaux de vocation piscicole et des Plans de gestion piscicole dont
la mise en œuvre a été plus que déficiente. En revanche, ce texte a mis un terme définitif à la
commercialisation des poissons sauvages d’eau douce. Seuls les pêcheurs professionnels aux engins et
aux filets, sur le domaine public fluvial uniquement, peuvent se livrer à cette pratique en contrepartie
du paiement d’une redevance relativement élevée.
La loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) a porté, entre autres sujets
relatifs à l’eau, réforme du droit de la pêche et de ses structures de gestion. En revanche, le texte,
comme les précédents, ne contient aucune disposition relative au statut juridique des poissons et la
modernisation des modes de pêche autorisés (Ph. Boucheix, « Le cadre juridique de la pratique de la
pêche en eau douce », Juristourisme, mai 2010, n°120, p. 22).
Pour autant, certaines dispositions pénales peuvent participer, de manière directe ou indirecte,
à la protection du patrimoine piscicole.
Le délit de pollution de l’eau prévu par l’article L 432-2 du Code de l’environnement (police de la
pêche), qui est « le fait de jeter, déverser ou laisser écoulées dans les eaux mentionnées à l’article
L. 431-3, directement ou indirectement, des substances quelconques dont l’action ou les réactions ont
détruit le poisson ou nuit à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, est puni de deux
ans d’emprisonnement et de 18.000 € d’amende. » Il convient de rappeler pourtant que la mise en
œuvre de cette disposition répressive est difficile. Le nombre de classements sans suites par les
parquets de France reste très élevé (20 %) et la pratique, parfois contestable, des transactions pénales,
affaiblit clairement le résultat final. Lorsque le juge est saisi, le résultat n’est guère meilleur (jugement
de proximité « Pacaud » 17 novembre 2005 : un euro symbolique pour la capture illégale d’un saumon).
Pourtant, un certain nombre de pratiques de la pêche se positionnent de plus en plus dans le sens de la
prise en considération des conséquences sur les animaux. Elles sont toutes issues de la pêche à la
mouche et de la philosophie qu’elle véhicule depuis le 19ème siècle :
- No kill fishing (graciation)
- Hameçon unique
- Absence d’ardillon
- Limitation de la durée de combat (pointes, fils, bas de lignes adaptées)
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- Eviter le contact physique
- Se mouiller les mains avant tout contact
- Ré-oxygénation avant libération
Ces techniques sont obligatoirement mises en œuvre dans le cadre des compétitions (locales, nationales
et internationales). De nombreux concours de pêches sportives remplacent la capture des poissons par
des cibles disposées à certains endroits stratégiques de la rivière (« casting game fishing »). La pêche de
la carpe a très nettement évolué vers la recherche d’un certain « confort des animaux » (pêche au
« cheveu », très grandes épuisettes, tapis de réception gonflables, bandeau sur les yeux pour ralentir le
rythme cardiaque). Les « carpistes » ne conservent plus les poissons, ils sont systématiquement remis à
l’eau dans des conditions de plus en plus réfléchies et inspirées de l’esprit de la pêche à la mouche.
En revanche, le déversement intempestif d’amorces de type « bouillettes » peut être de nature à
accélérer le phénomène d’eutrophisation de l’eau.
Le développement actuel de pratiques comme le « street fisching » s’inscrit bien dans cet esprit.
En revanche, si le matériel de lancer a évolué (ultra léger), le matériel de capture n’est pas encore
adapté au « catch and release » : graciation du poisson.
Il apparaît enfin que les pêcheurs eux-mêmes manquent clairement de connaissances relatives aux
espèces piscicoles pour pouvoir développer une réflexion suivie d’un comportement adapté au choix
fondamental qui conduit à la remise à l’eau ou au prélèvement, ainsi qu’au maintien d’un certain
confort du poisson. En ce sens, le réseau fédéral des associations agréées pour la pêche et la protection
du milieu aquatique (AAPPMA), leurs structures départementales et nationales, ont depuis quelques
années développé des écoles de pêche et des milieux aquatiques permettant de pallier ces difficultés.
Il devrait être enfin instauré un permis de pêche assujetti au passage d’un examen permettant de
vérifier l’acquisition des connaissances indispensables.
Il conviendrait de bannir définitivement l’usage des gaffes dans toutes circonstances et toutes
pêches, y compris la pêche en mer.
B - Le droit moderne de l’eau : une protection à fort potentiel d’efficacité
Le point d’ancrage est sans doute la très réussie loi du 16 décembre 1964 relative au régime de l’eau et
à la lutte contre la pollution. Cette loi avait institué, pour la première fois, un cadre territorial adapté à la
gestion de l’eau (par bassins hydrographiques) et confirmé et développé le délit de pollution des eaux,
désormais fondé sur les conséquences des pollutions sur les milieux de vie, d’alimentation et de
reproduction des poissons. La loi du 3 janvier 1992 sur l’eau, en créant les schémas directeurs
d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux
(SAGE), a donné la possibilité de prendre en compte la pêche et les conséquences de sa pratique.
Enfin, la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de police de l’eau, calqué sur la nomenclature des
Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE), permet aussi de prendre en
considération les problématiques de la gestion piscicole et de la protection des espèces.
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La directive cadre européenne sur l’eau n°2000/60 du 23 octobre 2000 s’est fixée pour objectif principal
le bon état écologique des masses d’eau d’ici 2015 ; l’atteinte de cet objectif ambitieux passe
nécessairement par l’amélioration de la qualité de vie des animaux aquatiques.
Contribue aussi aux avancées dans ce domaine, le développement de toute une série de dispositifs de
protections spatiales ou d’espèces menacées ou en voie de disparition. Parmi les plus significatifs,
on peut citer :
1. Les dispositifs de protection spéciale d’espaces ou d’espèces menacées ou en voie de disparition
- Natura 2000 : de nombreuses espèces aquatiques sont concernées, les lamproies (planer, marine,
fluviatile), saumons, truites, ombres communs, omble chevalier, grande alose, loche, vandoise, blennie
fluviatile, etc. ;
- Arrêtés de protection de biotopes : grenouilles, écrevisses, moules perlières etc. ;
- Réserves de pêche (protection limitée mais intégrale) ;
- Réserves marines ;
- Contrats de rivières, de lac, de baies et d’estuaires qui peuvent contenir des dispositions relatives à la
pêche plus restrictives que celles initialement prévues par la loi ;
- Parcs marins.
2. Le principe de continuité écologique
Ce principe a été introduit par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l’environnement. Le principe de continuité écologique décrit aux articles L 214-17 et suivants L 432-6
(poissons migrateurs) du Code de l’environnement constitue un moyen particulièrement efficace
d’améliorer le bien-être de toutes les espèces aquatiques. Le classement des cours d’eau et la nouvelle
gestion de l’installation et du fonctionnement des ouvrages sur les cours d’eau et, en particulier, les
équipements hydroélectriques, constituent une avancée sensible du droit des animaux aquatiques en ce
sens que la libre circulation des espèces va s’améliorer, en particulier celle des espèces anadromes
(salmonidés) et des espèces catadromes comme les anguilles, aloses, etc… (cf les articles R 436-55 et
suivants du Code de l’environnement). La maîtrise des débits (réservés, biologiques, de crise) va
favoriser l’augmentation des quantités d’eau aux endroits les plus fragiles des cours d’eau ; il en va de
même pour les trames bleues.
Les nouveaux schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) ont pour vocation de
constituer un véritable maillage écologique et une politique de préservation durable de la biodiversité
dont les espèces piscicoles ont grand besoin. Ils tiendront compte des orientations des plans de gestion
des poissons migrateurs (décret 22 septembre 2010), ils devront être pris en compte dans un rapport de
compatibilité par les documents d’urbanisme, les plans, les projets de l’Etat et des collectivités locales.
En revanche, le droit relatif à la protection du patrimoine biologique, affirmé dans de nombreuses
dispositions internationales européennes et dans la Charte constitutionnelle, ne trouve pas grâce aux
yeux du juge (CAA Bordeaux 10 juin 2008, Fédération de pêche des Deux-Sèvres : la perte de richesse
biologique consécutive à une pollution industrielle d’un cours d’eau n’est pas réparable, n° 06BX00747,
Jurisclasseur environnement 08/08/2008, note J.M. Février).
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Le droit de l’urbanisme, enfin, peut et doit jouer un rôle déterminant dans la protection et
le bien-être des animaux aquatiques. Le projet d’aménagement et de développement durable (PADD)
annexé au schéma de cohérence territoriale (SCOT) développe une vision politique à quinze ans et vise
en particulier les changements de comportements et de pratiques, en rendant compatible
le développement urbain avec la préservation de l’environnement et du patrimoine naturel.
C’est notamment le cas de l’actuel PADD du Grand Clermont à l’égard des rivières urbaines et
péri-urbaines que sont la « Tiretaine » et « l’Artière ».
Pour conclure, et à défaut d’avancée concernant le statut général des animaux, il est impératif
d’infléchir le principe d’indépendance des législations et provoquer la jonction définitive du droit de la
protection des espaces et du droit de l’eau et de la pêche pour faire progresser celui du peuple de l’eau.
Comme le dit ce vieux proverbe auvergnat : « C’est parce qu’il est dans l’eau qu’on ne voit pas que le
saumon pleure. »
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REMARQUES SUR LA REFORME DU STATUT CIVIL DE L’ANIMAL
AU REGARD DE L’ARTICLE R1334-31 DU CODE DE LA SANTE PUBLIQUE
David CHAUVET,
doctorant en droit privé à l’université de Limoges
I – LE SENS COMMUN DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A – L’ambiguïté de l’article 528 du Code civil
B – La clarté de l’article R1334-31 du Code de la santé publique
II – LE SENS JURIDIQUE DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A – Chose ou personne
B – Chose et personne
C
omme la marée, inlassablement, rejette au rivage les ordures jetées à la mer, les époques
successives remettent à l’ordre du jour du débat public les souffrances que nos sociétés infligent
aux animaux. La question du statut de l’animal dans le Code civil a récemment été l’occasion
d’une nouvelle irruption de la condition animale dans un débat médiatique autour de la réforme de
l’article 528, qui assimile les animaux à des « meubles ».
Il est vrai que ce terme peut choquer nos contemporains, dès lors que, par « meuble », on désigne
généralement, l’« objet mobile qui concourt à l’aménagement ou à la décoration des locaux
d’habitation » (Larousse), ainsi une chaise, une armoire ou un lit. La sensibilité des animaux, qui vient
davantage à l’esprit lorsqu’il s’agit de les définir, est d’ailleurs reconnue tant sur le plan national, l’article
L214-1 du Code rural disposant depuis 1976 que « Tout animal étant un être sensible doit être placé par
son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce »,
que sur le plan européen, avec le Traité d’Amsterdam de 1997 (Protocole additionnel no 10 sur le
bien-être des animaux) et celui de Lisbonne de 2007 (article 13 du Traité sur le fonctionnement
de l’Union Européenne).
Mais il est tout aussi vrai que le terme « meuble » du chapitre II du livre deuxième du Code civil,
qui qualifie tant les animaux que les choses inanimées, n’est pas inadapté dès lors que, effectivement,
les animaux peuvent « se transporter d’un lieu à un autre ». Or, que l’animal soit un meuble selon
ce second sens, celui de la mobilité, n’est en rien incompatible avec le caractère sensible de l’animal,
qui fait à ce titre l’objet d’une protection sur le plan pénal. Faut-il en conclure à l’inutilité du projet de
réforme du statut civil de l’animal ? Ce serait aller bien vite en besogne et perdre de vue l’essentiel non
seulement pour le profane, à juste titre préoccupé par l’usage de cette terminologie, mais aussi selon le
point de vue du juriste.
Si l’animal du Code civil est bien un meuble, selon le critère de la mobilité, sans que cela signifie qu’il
soit une chose, au sens commun du terme, il n’en est pas moins un bien, les meubles étant
une sous-classification des biens (article 516 du Code civil). Quiconque s’interroge sur la place que les
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animaux occupent parmi les biens n’a donc plus seulement affaire avec l’ambiguïté terminologique
entretenue par le mot « meuble », par laquelle les animaux peuvent être assimilés ontologiquement aux
choses inanimées ; il lui faut aussi se demander si l’animal est ou n’est pas juridiquement une chose.
Ce dernier débat est strictement réservé au législateur et au juriste. Toutefois, si le premier à vocation
à modifier l’ordre juridique, le second ne s’occupe que de sa cohérence. La seule question qui puisse
l’intéresser est de savoir si l’animal qu’on soumet au régime des biens, mais qui bénéficie aussi d’une
protection, reste un bien, une chose juridique.
Les questions ontologiques que suscite le débat sur le statut civil de l’animal diffèrent donc de façon
essentielle des questions proprement juridiques, même si les premières ne sont évidemment pas sans
incidence sur les secondes. Au vu de ces approches distinctes, il convient de faire le départ entre les
deux sens que peut recouvrir le mot « chose », l’un relevant de l’acception populaire et d’une
préoccupation d’ordre ontologique, l’autre de l’acception et de la technique juridiques, afin de mesurer
les implications de la réforme envisagée dans ces deux domaines.
I - LE SENS COMMUN DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A - L’ambiguïté de l’article 528 du Code civil
Si la demande de modification du statut civil des animaux portait uniquement sur la reconnaissance par
le Code civil du fait qu’ils ne sont pas des choses au sens commun du terme, on serait tenté d’y voir
d’emblée un combat d’arrière-garde, puisque les animaux étaient déjà distingués des « choses
inanimées » par l’article 528 du Code civil dans sa rédaction antérieure à 1999 : « Sont meubles par leur
nature, les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes,
comme les animaux, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère,
comme les choses inanimées. » Il demeurait toutefois une ambiguïté dans ce texte qui, interprété
a contrario, suggérait aussi que les animaux sont des choses d’un certain genre, à savoir des choses
animées, car le contraire de « choses inanimées » peut aussi bien être « non-choses » que « choses
animées ». Il n’est pas contestable que qualifier les animaux de choses animées revient à les qualifier de
choses, au sens que nous discutons ici. La modification apportée par la Loi n°99-5 du 6 janvier 1999
(art. 25, JORF du 7 janvier 1999) peut sembler, à cet égard, constituer un progrès, en supprimant
la référence aux « choses inanimées » : « Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui
peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne
puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère. » Mais l’ambiguïté persiste.
En opposant les animaux aux « corps », peut-on signifier qu’ils ne sont pas des objets, des choses au
sens ordinaire ? Non, car en réalité, les animaux (y compris les humains) sont bien des corps – soumis
notamment, comme tels, à « la loi de la chute des corps ». La nouvelle rédaction ne les distingue donc
pas davantage des objets (si ce n’est certains, expressément prévus, ainsi les « meubles meublants » de
l’art. 534) que ne le faisait la précédente : lorsqu’elle évoque les meubles, elle se contente de dire qu’il
y a des corps qui sont des animaux et des corps qui n’en sont pas, ce qu’elle pouvait dire pour bon
nombre d’objets. Sans doute ne dit-on pas en 1999 que l’animal est un objet, mais on ne dit pas qu’il
n’en est pas un. Or, cette dernière affirmation est rendue nécessaire par le fait que le caractère sensible
des animaux est souligné, tant dans la législation européenne que nationale, pour les distinguer des
objets quoiqu’ils soient comme eux soumis au régime des biens. Par contraste, ne pas affirmer
ce caractère sensible revient à le nier.
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B - La clarté de l’article R1334-31 du Code de la santé publique
L’ambiguïté de l’article 528 du Code civil ne semble pas affecter l’article R1334-31 du Code de la santé
publique qui dispose :
« Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à
la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en
soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a
la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. »
Ici, la distinction des termes « animal » et « chose » interdit que l’animal puisse être vu comme
une chose, au moins au sens commun. Cet article du Code de la santé publique peut donc être invoqué,
à des fins d’harmonisation, pour une modification de l’article 528 du Code civil qui pourrait affirmer
explicitement que les animaux ne sont pas des choses (comme le fait le Code civil allemand, § 90a BGB),
ou qu’ils sont des êtres sensibles à distinguer, en tant que tels, des choses.
Mais l’article R1334-31 du Code de la santé publique pourrait aussi avoir une incidence sur le débat sur
la chosification de l’animal, dans un sens juridique cette fois, parce qu’affirmer que l’animal n’est pas
une chose, comme le fait cet article, peut être compris aussi bien dans le premier sens que nous venons
de discuter, celui du sens commun, que dans le second, celui des juristes, qu’il nous faut à présent
examiner.
II - LE SENS JURIDIQUE DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A - Chose ou personne
Pour les juristes, les êtres peuvent être classés en deux catégories : les personnes et les choses.
C’est évidemment du droit romain que nous avons hérité cette partition, qu’exprimait le jurisconsulte
Gaius dans ses célèbres Institutes71. Il n’existe pas de catégorie intermédiaire puisque les choses sont les
êtres sur lesquels les personnes ont un empire juridique se manifestant soit par un droit de propriété
soit par un usage. Dans le premier cas, les choses sont des biens, le second est celui des res communes
qui ne peuvent appartenir à une personne en particulier, mais uniquement parce que cela s’oppose à
l’intérêt de l’ensemble des personnes – non pour la chose elle-même, qui reste un moyen au service de
leurs fins, quelque chose, comme le disait Hegel, « qui est privé de droits72 ». Quant aux res nullius,
qu’on dit sans maîtres, elles sont appropriables, autrement dit, destinées à être appropriées, ce qui
signifie qu’elles sont des biens, en puissance sinon en fait, mais tout de même des biens. Rien ne semble
pouvoir échapper à l’empire des personnes sur les choses.
Ce partage avait rapidement atteint ses limites avec la situation des esclaves, à l’époque antique et, plus
tard, avec le Code noir73. D’une part, ils étaient les biens d’une personne, leur maître, tandis que, d’autre
part, on leur reconnaissait des intérêts sur lesquels leurs maîtres ne pouvaient empiéter. La philosophe
71
I, 9 ; 48.
Principes de la philosophie du droit, § 42, trad. J.-L. VIEILLARD-BARRON, GF Flammarion, 1999, p. 120.
73 Le Code noir touchant la police des îles de l’Amérique, en mars 1685, déclare « meubles » les esclaves en son article 44, sans
capacité patrimoniale (art. 28), mais leur reconnaît la capacité religieuse et matrimoniale, puisqu’ils peuvent se marier (art. 12).
72
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Florence Burgat note que cette situation est sans doute également celle des animaux aujourd’hui74.
De deux choses, l’une : soit les esclaves – ou les animaux – sont des personnes, soit ils n’en sont pas, et,
en ce cas, ils ne peuvent bénéficier d’une protection pour eux-mêmes mais seulement pour d’autres
personnes, car on protège un bien non directement, pour lui-même, mais indirectement, pour son
propriétaire. Or, c’est justement contre leurs propriétaires que les esclaves et les animaux se sont vu
reconnaître une protection. Si le nadir de la situation de l’esclave c’est Rome, sous l’Empire des rescrits
impériaux d’Antonin le Pieux (138-161) vont aller dans le sens d’une protection de l’esclave contre
la cruauté de son maître (le fait de punir trop sévèrement l’esclave ou le laisser mourir de faim) ou
l’infamie (la prostitution forcée), comme le mentionne Ulpien au livre huitième de son traité sur
la fonction du proconsul. Ils figurent au Digeste75, et aussi dans les Institutes76, comme des événements
devant faire date. De la même façon, les animaux sont protégés par le Code pénal des sévices graves ou
actes de cruauté (article 521-1 du Code pénal) ou des mauvais traitements (article R654-1 du même
code) dont peuvent se rendre coupable notamment leur propriétaire.
Pour continuer d’interpréter la protection des animaux d’une manière qui soit compatible avec leur
statut de choses, il faut que ce ne soit pas pour eux-mêmes – puisqu’ils ne sont pas des personnes –
ni pour leurs propriétaires mais pour d’autres personnes que cette protection ait lieu, ce qui revient
à dire que les dispositions protectrices des animaux ne les visent pas directement mais, indirectement,
visent la personne humaine. Par exemple, parce que la vue de la violence est insupportable, ou bien
parce l’accoutumance à la violence sur les animaux pourrait en favoriser une à l’égard des humains.
C’est une thèse que de nombreux philosophes ont soutenue, qu’ils soient favorables ou, comme c’était
plus souvent le cas, hostiles à une prise en considération des animaux pour eux-mêmes, comme Kant,
dès ses Leçons d’éthique, précédé par Pufendorf77, ou, bien avant encore, par Philon d’Alexandrie78 et
Thomas d’Aquin79. Seulement, cette interprétation exclusive d’une protection directe des animaux
suppose une absence de prise en compte de l’intérêt des animaux, source de contradictions.
B - Chose et personne
L’interprétation selon laquelle la finalité de la protection des animaux est finalement la protection
des hommes se heurte à des obstacles de taille. D’une part, comme l’a relevé avec justesse Luc Ferry,
« s’il n’y avait, dans l’animal même et non seulement en nous, quelque chose qui suscite la compassion,
en quoi la cruauté pourrait-elle même apparaître comme un manque de respect envers soi80 ? »
La violence sur les animaux n’a de sens que dans la mesure où on voit le mal qui peut leur être fait, à eux
et pas seulement aux hommes témoins de ce spectacle, car si ces derniers y voient un mal, c’est bien
parce que c’est un mal pour les animaux – autrement il eût fallu déclarer les choses inanimées protégées
au même titre que les animaux : non pas seulement en tant qu’objets de propriété, mais pour éviter
que cette violence ne soit infligée aux hommes après avoir été infligée aux choses.
74
« Être le bien d’un autre », Archives de philosophie du droit, no 51, 2008, p. 385-402.
D. 1, 6, 2 : ULPIANUS, libro octavo de officio proconsulis.
76 Inst. 1, 8, 1 et 2.
77 De jure naturae et gentium, I, 4, 3, § 4.
78 De virtutibus, § 140.
79 Summa contra gentiles, III, 112.
80 « Le IIIe Reich et les animaux », Le Point, 25 mai 2001, p. 116.
75
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La protection des animaux peut donc être interprétée de trois façons : soit elle existe pour les humains
exclusivement, soit uniquement pour les animaux, soit pour les humains et les animaux. Dans le premier
cas, les humains sont indirectement l’objet de la protection des animaux ; dans le second cas,
les animaux sont directement protégés, parce que c’est à eux-mêmes qu’on destine cette protection, et
non pas aux humains – ou pas seulement, c’est la troisième possibilité. Il est évident aujourd’hui
que cette protection ne peut être interprétée que de la deuxième ou la troisième façon. Celui qui
prétendrait le contraire serait difficilement compris. Lors de la Question prioritaire de constitutionnalité
posée au sujet de la conformité de l’exception instituée par l’antépénultième alinéa de l’article 521-1
du Code pénal en faveur de la corrida81, sous la forme d’une immunité pénale des auteurs de sévices
graves ou actes de cruauté envers les animaux, le Secrétaire général du gouvernement n’a-t-il pas dit,
pour justifier cette exception, que « l’animal (...) ne bénéficie pas d’une protection absolue » ?
Mais si les animaux ne sont pas tout à fait des choses, peut-on soutenir qu’ils sont, de fait, devenus des
personnes juridiques, à l’instar des sociétés dont la personnalité juridique morale82 a été reconnue
tardivement83 ? Cette thèse, soutenue par Jean-Pierre Marguénaud84, Professeur de droit privé
(universités de Limoges et Montpellier I), exigerait que l’on reconnaisse la personnalité juridique des
animaux, et cela du seul point de vue de la technique juridique – sans même aborder la question
animale sous un angle social et éthique. Ce serait l’occasion de mettre fin aux incohérences des normes
juridiques qui concernent les animaux, ou droit animalier, relevées par Florence Burgat85. Il faut alors
se demander si le fait que les animaux n’aient pas droit à une protection aussi importante que la
personne humaine constitue un obstacle à la reconnaissance de leur personnalité juridique. Autrement
dit, la partition entre personnes et choses résulte-t-elle d’une différence de nature ou de degré ? S’il est
vrai qu’être une personne signifie ne pas être une chose, et réciproquement, cette tautologie ne résout
pas grand-chose dès lors qu’il est également vrai, premièrement, qu’être une personne, c’est avoir des
droits : des droits sur les choses, mais aussi des droits à ne pas être traité comme une chose ;
deuxièmement, que ces derniers sont multiples comme sont multiples les manières de traiter une chose.
De sorte que si l’un de ces droits vient à manquer à une personne, la logique du tout ou rien conduit à
considérer qu’elle est traitée comme une chose là où son droit a disparu, et n’est donc plus
une personne. Cette logique interdirait toute privation de liberté par exemple, ou conduirait
81
Décision no 2012-271 QPC du 21 septembre 2012.
Les expressions « personne juridique » et « personne morale » font aujourd’hui figure de synonymes, et c’est là une source
de confusion. Il nous semble préférable de marquer l’opposition entre personnes naturelles et personnes juridiques (voir
M. KASER, Roman Private Law, trad. R. DANNENBRING, 3e éd., Afrique du Sud, University of South Africa, 1980, p. 78) et de
clairement distinguer les expressions « personne juridique » et « personne morale », la seconde catégorie constituant un sousgroupe de la première, de même que les « personnes physiques ». On peut être ontologiquement considéré comme une
personne sans être pour autant sujet de droit, comme le montre la situation des esclaves à Rome. Si l’homme sujet de droit est
une personne juridique par opposition aux personnes naturelles, il est aussi une « personne physique » par opposition aux
« personnes morales », entités abstraites. La personnalité des animaux, si elle devait trouver une reconnaissance positive
explicite, serait de nature également physique, les intérêts des animaux doués de conscience (mammifères, oiseaux, etc.)
n’étant pas des créations de l’esprit humain. Étant animés par leur propre dynamique subjective, les animaux sont des
personnes naturelles.
83 Voir É. RICHARD, « “Mon nom est Personne” : La construction de la personnalité morale ou les vertus de la patience »,
Entreprises et Histoire, no 57, 2009, p. 14-44.
84 « La personnification juridique des animaux », Recueil Dalloz, no 20, 1998, p. 205-211.
85 « La cohérence substantielle du droit animalier est-elle en péril ? Pistes de recherche sur l’épistémologie sous-jacente du
droit animalier », Archives de philosophie du droit, no 55, 2012, p. 247-268.
82
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inversement à priver de tout droit celui qu’on enferme en prison. Mais si l’incarcéré perd son droit à la
liberté, qui plus est lorsque l’enfermement est définitif, il est évident qu’il demeure une personne –
sinon, pourquoi conserverait-il d’autres droits ? Il faut donc admettre qu’une personne juridique n’a pas
besoin, pour être considérée comme telle, de se voir reconnaitre tous les droits subjectifs,
mais seulement certains. La différence est bien quantitative.
Nous sommes alors en face de trois possibilités : admettre que les animaux sont des choses, quoiqu’elles
aient certains attributs qui sont ceux des personnes, ou, à l’inverse, admettre que les animaux sont
des personnes, quoiqu’elles aient certains attributs qui sont ceux des choses, ou, enfin, envisager
une catégorie intermédiaire en les voyant, pour reprendre les termes d’Anne-Blandine Caire, Professeur
de droit privé à l’université d’Auvergne, comme des « Atopos (...) inclassables, étranges et décalés (...)
ni choses, ni personnes, définitivement en dehors de la topologie juridique classique86 ». Cette dernière
option est celle que soutient actuellement Jean-Pierre Marguénaud87, qui y voit l’occasion de prendre
enfin en sérieux le débat juridique actuellement verrouillé par l’aspect réificateur du statut civil de
l’animal. Ainsi cette discussion pourrait-elle s’ouvrir et déboucher, in fine, sur une évolution du statut
juridique de l’animal : « Ne pas tout changer du jour au lendemain, mais permettre que, du jour
au lendemain, tout puisse changer », pour reprendre cette remarque élégante que ce pionnier du droit
animalier en France a faite lors d’un récent colloque international qui s’est tenu au Palais
du Luxembourg88.
À cet égard, l’article R1334-31 du Code de la santé publique pourrait être considéré comme marquant
une avance sur le Code civil. L’hypothèse n’est pas fantaisiste, d’un point de vue anthropologique,
parce que le législateur ou le juriste aussi bien que le profane ont tendance à établir un lien entre ce qui
relève de l’ontologie et ce qui relève du droit, de sorte que, dans l’esprit de tous aujourd’hui, si l’animal
n’est pas une chose naturellement, il ne l’est pas non plus juridiquement, c’est-à-dire qu’il possède
certains droits, comme celui de ne pas subir des actes lui occasionnant de la souffrance. C’est bien
ce que tend à exprimer le rappel du caractère sensible de l’animal dans divers textes89. Ainsi en va-t-il
très clairement avec l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sus-cité,
disposant que « l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être
des animaux en tant qu’êtres sensibles ». Répétons-le, la thèse inverse ne saurait être reçue
sans quelque difficulté. Qui pourrait avancer sans craindre le ridicule que, pour la mentalité commune
aujourd’hui, les animaux n’ont positivement aucun droit, ne sont pas protégés pour eux-mêmes ? Si les
animaux ont des droits, force est d’admettre qu’ils ne sont pas des choses, à moins de considérer que les
humains privés de certains droits sont eux aussi des choses. Sinon, il faut nier que la protection des
animaux les concerne directement et revenir ainsi aux artifices d’une thèse philosophique plutôt
dépassée. Aussi, ce n’est pas faire montre d’avant-gardisme que d’être en avance sur le Code civil,
puisqu’il semblerait plutôt que ce soit ce dernier qui accuse un retard prenant la figure d’un archaïsme.
86 « Les animaux ont-ils des droits ? L’animal, éternel atopos ? », dans Collectif, Les droits des animaux, colloque du barreau de
Clermont-Ferrand, 29 novembre 2013.
87 « Retour sur la proposition de réforme du statut de l’animal », Revue semestrielle de droit animalier, 1er semestre 2013,
p. 179-182.
88 Condition animal et politique : quelles stratégies ?, 25 octobre 2013, publié à la Revue semestrielle de droit animalier, 2nd
semestre 2013.
89 J. LEROY, « Brèves réflexions sur l’usage de l’expression “être sensible” appliqué à l’animal », Revue semestrielle de droit
animalier, 2nd semestre 2011, p. 11-16.
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SYNTHESE
1.
L
orsque Monsieur le bâtonnier m’a chargé de clore cette journée d’étude, moi qui ne suis pas un
spécialiste des questions qui ont été abordées tout au long de cet après-midi, je me suis d’abord
interrogé sur la manière dont a été rédigé l’intitulé du colloque.
Celui-ci est en effet consacré au droit (au singulier) des animaux. Le choix de cette formulation n’est
certainement pas neutre. Elle a d’ailleurs peut-être été retenue à dessein au détriment d’une
formulation faisant référence aux droits des animaux (au pluriel).
Car il est indéniable, on nous en a convaincu, qu’il existe un droit des animaux, entendu comme un
ensemble normatif, d’ailleurs assez disparate et dispersé, qui a pour objet l’animal. Ainsi, l’animal est-il
objet de droit, sa condition est appréhendée par un ensemble de règles de droit. Ils ont une place dans
le droit comme il nous l’a été dit. En effet, un grand nombre de règles juridiques vient régir l’élevage,
la vente, le traitement accordé aux animaux.
Les interventions de cet après-midi ont permis de s’en rendre particulièrement compte, même si,
comme il a été indiqué dès l’introduction, tous les aspects de ce droit n’ont pu être évoqués.
2. Ainsi, existe-t-il une législation relative aux animaux de compagnies que sont les chiens et les chats
(réglementation sur les conditions dans lesquelles les chiens et chats doivent être gardés, la façon dont
ils doivent être identifiés, la manière dont ils peuvent être mis en fourrière, les conditions auxquelles ils
peuvent être vendus). Le publiciste que je suis ne peut pas ne pas alors se référer au célèbre arrêt
Terrier90, par lequel le Conseil a jugé que la capture et la mise en fourrière des chiens errants et de
l'enlèvement des bêtes mortes à Montpellier constituent une mission de service public que doit
organiser le maire de la commune. On a d’ailleurs vu qu’une telle mission de service public peut être
déléguée contractuellement.
De même, existe-t-il des normes visant à proscrire ou à réglementer certains traitements infligés aux
animaux, qu’il s’agisse des animaux de compagnie, des animaux d’élevage ou des animaux sauvages. Les
polices administratives spéciales se sont d’ailleurs multipliées, contenues dans le Code rural, dans le
Code général des collectivités territoriales ou dans le Code de l’environnement, qui visent, par exemple,
à prévenir les épizooties.
Les exemples pourraient être multipliés non seulement en droit interne, mais également en droit
international ou en droit comparé (on apprend ainsi que si la pensée occidentale a fait de l’homme un
loup pour l’homme, le droit camerounais permet à celui-ci d’être juridiquement un lion).
3. Le droit international, tout particulièrement ici est intéressant, dans la mesure où il permet de mettre
en lumière ce que l’intitulé du colloque ne permet pas d’aborder : non plus LE droit des animaux, mais
LES droits des animaux.
Un exemple topique permettra d’illustrer ce propos, qui a été évoqué tout à l’heure.
La Déclaration Universelle des Droits de l'animal a été proclamée solennellement le 15 octobre 1978 à la
Maison de l'UNESCO à Paris. « Elle constitue une prise de position philosophique sur les rapports qui
90
C.E., 6 février 1903, Terrier
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doivent désormais s'instaurer entre l'espèce humaine et les autres espèces animales ». Son texte révisé
par la Ligue Internationale des Droits de l'Animal en 1989, a été rendu public en 1990.
Le changement d’approche est ici manifeste pour le lecteur qui n’appréhende plus ce texte en tant que
règle d’origine internationale, c’est-à-dire comme une hypothétique règle DE droit des animaux (ce qui
n’est de toute manière pas le cas en France, cette déclaration n’ayant pas la moindre force normative),
mais comme un texte proclamant LES droits des animaux. Parmi ceux-ci, on notera le droit à l’existence
dans le cadre des équilibres biologiques, le droit au respect de la vie animale, l’interdiction des mauvais
traitements ou traitements cruels, le droit des animaux sauvages de vivre libres dans leur
environnement naturel, etc.
4. Dès lors que l’on considère que les animaux peuvent être titulaires de droits, sous certaines
conditions (notamment disposer d’un système nerveux permettant de ressentir le plaisir et la douleur
notamment), se pose alors la question de leur statut.
Cette question n’est d’ailleurs pas propre aux sciences juridiques : l’histoire, la science politique,
la théologie ou la littérature se sont déjà penchées sur une telle problématique.
5. Le statut politique des animaux est-il ainsi étudié par les historiens, notamment médiévistes,
qui expliquent comment le lion, roi des animaux, après un coup d’état, a renversé l’ours de son trône
sous l’influence de la religion catholique déterminée à lutter contre l’image par trop païenne que
véhiculait ce dernier. Ours qui, comble du paradoxe, fut réintroduit par le pape Benoît XVI et figurait sur
son blason.
Blasons et drapeaux qui, également, font apparaître nombre d’animaux faisant figure de véritables
symboles nationaux. Puisque nous sommes à Clermont-Ferrand, terre de rugby, citons les Wallabies,
les Springboks, le Coq, le Puma, etc.
6. Le statut littéraire des animaux fait par ailleurs l’objet d’études innombrables qui portent sur
la littérature classique, fantastique, religieuse ainsi que sur la bande dessinée.
La littérature classique nous parle du Grand Méchant Loup, les Fables de La Fontaine met en scène
un véritable bestiaire. La Bande-dessinée a fait parler nombre de chiens (Milou, Bill, Idéfix), d’écureuils
(Spip), de chats (Garfield, le chat du Rabbin). Les textes religieux nous parlent du Serpent, des animaux
présents sur l’Arche, de la Colombe, du Chameau, etc.
La littérature fantastique également peut être citée. Le temps ne nous permet pas de développer
le bestiaire des animaux magiques et fantastiques : de la licorne au phœnix, en passant par les animaux
mythologiques, innombrables sont les animaux créés par l’imagination humaine.
Tout n’est pourtant pas clair dans le monde fantastique. Certaines classifications restent à élaborer ou
à préciser: où classer les elfes, les trolls, les orques, les hobbits, les lutins, etc. : humains ou animaux ?
Sans parler des espèces mi animales mi végétales[AC1].
Et on ne saurait bien entendu conclure sur la question du statut tant littéraire que politique des animaux
sans évoquer la satire de Georges Orwel qui fit faire la révolution à ses animaux.
7. Mais tous ces animaux ont-ils un statut juridique ? D’ailleurs tous les animaux ont-ils les mêmes droits
(vertébrés ou non, marins ou terrestres, sédentaires ou non). On nous a bien expliqué, par exemple,
que les poissons ont un statut juridique, mais que leur diversité constitue aujourd’hui une raison
de l’insuffisance des règles protectrices applicables.
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Cette question a récemment fait l’objet d’une initiative de 24 intellectuels soutenue par la fondation
30 millions d’amis qui demande à ce que le statut juridique des animaux soit modifié afin « qu’ils
bénéficient d’un régime juridique conforme à leur nature d’être vivants et sensibles ».
D’emblée cela pose un réel problème de définition dès lors que la notion de statut est polysémique en
droit : on parle du statut des fonctionnaires, du statut des associations, des sociétés, du statut des élus,
etc. Entendu au sens juridique le statut peut d’abord désigner l’ensemble des règles applicables à un
objet juridique donné. C’est ainsi que l’on parle du statut juridique des biens qui est étudié et
appréhendé par une branche du droit qui est le droit des biens. En ce sens, le statut des animaux serait
constitué de l’ensemble des règles ayant pour objet les animaux. On l’a dit il y a quelques instants,
les animaux sont des objets de droit au sens où ils sont appréhendés par le droit (mais qu’est ce qui ne
l’est pas !) qui repose sur un certain nombre de catégories soumises à des régimes spécifiques relatifs,
notamment, aux conditions de possession, aux conditions d’élevage, aux conditions de capture.
Ensuite, le statut peut désigner un ensemble de droits et d’obligations dont sont titulaires des sujets de
droit. Il faut alors se poser La question qui préoccupe toute personne intéressée par la cause animale.
Les animaux sont-ils des sujets de droit ?
8. De prime abord, on serait tenté d’affirmer qu’ils ne le sont pas. Pourquoi ? Parce que le Code civil
nous le dit. Cela a été répété constamment au cours de cet après-midi.
Les animaux sont en effet aujourd’hui, au sens du droit civil, des biens, des objets, meubles ou
immeubles par destination. Mais, on nous a bien montré que l’insertion des animaux dans la catégorie
des biens n’est pas en soi source de simplicité, puisque la diversité des espèces animales, la diversité
des écosystèmes, peuvent faire d’eux des res nullius ou des res propriae, le passage de l’un à l’autre
étant fréquente.
Ils sont objets d’appropriation par des êtres humains, peuvent être cédés, mais ne peuvent pas être
bénéficiaires de libéralités. Ils ne font partie d’aucun des deux topiques du droit que sont les choses et
les personnes et pourtant, paradoxalement, le droit positif les y place en tant qu’objet.
Citons, s’il est besoin, l’article 528 du code civil selon lequel : « Sont meubles par leur nature les animaux
et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit
qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère ». Plus tôt, le Code précise à
l’article 524 : « Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et
l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination ».
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et
l'exploitation du fonds : les animaux attachés à la culture ; les pigeons des colombiers ; les lapins des
garennes ; les ruches à miel ; les poissons des eaux non visées à l'article 402 du code rural et des plans
d'eau visés aux articles 432 et 433 du même code.
9. C’est en considération de ces articles que la pétition évoquée plus haut a demandé à ce que soit
aménagée dans le Code civil une catégorie propre aux animaux, entre les personnes et les biens.
Plusieurs propositions sont faites : un statut particulier au sein des biens, un statut intermédiaire entre
les biens et les personnes qui permettraient peut être de passer de l’utopie à l’atopie en considérant en
priorité, chez l’animal, le vivant. Ce qui conduira peut être à une reclassification totale de l’ensemble des
droits faisant fi de l’anthropocentrisme ambiant.
La demande n’était d’ailleurs pas aberrante puisque l’architecture du Code pénal leur accorde déjà une
telle place. En effet, le Code pénal ne traite pas les animaux comme des objets, le Chapitre consacré aux
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sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux est bien distinct du chapitre consacré aux
atteintes aux objets.
Ainsi peut-on lire à l’article 521-1 du Code pénal : « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices
graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou
apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros
d'amende. ».
C’est d’ailleurs en considération de cet élément que les députés ont adopté un amendement en ce sens
au mois d’avril 2014 afin que soit révisé le Code civil. Les députés souhaitaient qu’il soit inscrit dans la loi
que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les
animaux sont soumis au régime des biens corporels ».
10. Reconnaître en droit positif la titularité de droits aux animaux poserait au moins deux séries de
questions : quels droits peuvent leur être reconnus, quelle en serait l’effectivité ?
Le juriste que je suis reconnaît ici les limites de sa compétence tant cette question se situe aux confins
de l’éthique, de la philosophie et du droit.
Sans prétendre développer une vision qui me serait propre de cette question, plusieurs questions me
viennent néanmoins à l’esprit, que tous les participants ont évoquées plus ou moins directement dans le
cadre de leur intervention.
Quels fondements pour ces droits ; qui en sont les titulaires ; qui peut en réclamer le respect ; qui peut
obtenir réparation ?
Et chacune de ces questions de se démultiplier : leurs droits seraient-ils naturels, préexistants à toute
proclamation humaine, liés à la Vie elle-même, voire d’essence divine. ? Supposent-ils de reconnaître
aux animaux une personnalité juridique (mais dans quelle mesure ? la même que celle des personnes
humaines ou, de manière technique, une personnalité juridique comparable à celle des personnes
morales).
Jusqu’où alors pousser l’anthropomorphisme, le mimétisme avec l’espèce humaine ? Tout dépend
sûrement des valeurs fondatrices d’une société donnée, de la place symbolique qu’elle octroie aux
animaux. Doit-on aller, comme le propose l’article 8 de la Déclaration universelle, jusqu’à affirmer que
« tout acte compromettant la survie d’une espèce sauvage, et toute décision conduisant à un tel acte
constituent un génocide » ?
11. Quelle place faut-il également accorder à l’anthropocentrisme dans la défense des droits des
animaux (la question se pose avec acuité aujourd’hui en droit de l’environnement alors que l’on tente
de reconnaître un préjudice écologique pur). Il a été dit que les hommes ont des devoirs à l’égard des
animaux, ce qui devrait pouvoir être transposé en droit positif en des droits au profit des animaux.
Mais comment et par qui ceux-ci peuvent-ils alors être défendus ? Et à quels animaux (les grands singes,
les animaux dotés d’un système nerveux ?)
Il n’est en effet pas besoin de rappeler qu’ils ne sauraient ester en justice pour défendre leurs droits.
Ce qui n’est bien entendu pas un obstacle à la reconnaissance de droits mais qui suppose de déterminer
qui devrait alors pouvoir le faire ? Qui devrait pouvoir obtenir réparation ou réclamer une sanction
pénale? Les propriétaires ? Les associations de défense des animaux ? La société, par le biais d’un fonds
destiné à récolter les indemnités versées par les auteurs d’atteinte aux droits des animaux, qui
serviraient ensuite à financer les politiques publiques en faveur de la défense des animaux ? Mais quel
préjudice indemniser ? Comment évaluer les souffrances animales ? Comment établir la preuve que des
préjudices ont été portés aux animaux terrestres ou aquatiques ?
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De la même manière, aucune responsabilité de l’animal ne peut être engagée, ce que nous rappelle
l’article 1385 du Code civil qui fait reposer cette responsabilité sur le propriétaire, tout comme il a été
vu que c’est le propriétaire qui est visé par les incriminations contenues dans le Code pénal.
Quelle que soit la solution retenue, elle devrait nécessairement reposer sur l’idée selon laquelle, comme
l’affirme la Charte de l’environnement, « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables
de son milieu naturel », et que le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des
hommes entre eux.
12. Afin de conclure ces quelques propos synthétiques, on pourra se référer aux grands auteurs qui nous
font réfléchir à ces questions. Claude Levi-Strauss écrivait-il ainsi :
« Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus
vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces
vivantes… Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas
particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie… ».
Charles-André DUBREUIL,
Professeur de droit public, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
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Table des matières
LES ANIMAUX ONT-ILS DES DROITS ?
L'ANIMAL, ETERNEL ATOPOS ? ........................................................................ p. 3
Anne-Blandine CAIRE,
Professeur de droit privé et de sciences criminelles, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
I - UN CONSTAT DE CARENCE : LE REJET DE L'ANIMAL PAR LA TOPOLOGIE JURIDIQUE HABITUELLE
A - L’absence de reconnaissance effective de droits aux animaux
B - L’absence d’un statut juridique clair des animaux
II - DES PERSPECTIVES DIVERGENTES : DE L'UTOPIE A L'ATOPIE
A - L’octroi envisageable de la personnalité juridique aux animaux, une utopie
B - La création d’une tierce catégorie entre les personnes et les choses, une atopie
LA PECHE ET LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES .............. p. 18
Philippe BOUCHEIX,
Maître de conférences de droit public, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
I - LE HANDICAP JURIDICO-GENETIQUE DU STATUT INITIAL DES ANIMAUX AQUATIQUES
A - Le point de vue du droit civil et rural
B - L’inefficacité de la protection pénale des animaux à l’égard des espèces aquatiques
II - LE DROIT MODERNE DE L’EAU, LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ET LE DROIT DE L’URBANISME
CONTRIBUENT A LA PROTECTION DES ANIMAUX AQUATIQUES
A - Le droit modernisé ou à moderniser de la pêche :
articles R 435-65 et suivants du Code de l’environnement
B - Le droit moderne de l’eau : une protection à fort potentiel d’efficacité
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REMARQUES SUR LA REFORME DU STATUT CIVIL DE
L’ANIMAL AU REGARD DE L’ARTICLE R1334-31 DU CODE DE
LA SANTE PUBLIQUE ......................................................................................... p. 25
David CHAUVET,
doctorant en droit privé à l’université de Limoges
I - LE SENS COMMUN DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A - L’ambiguïté de l’article 528 du Code civil
B - La clarté de l’article R1334-31 du Code de la santé publique
II - LE SENS JURIDIQUE DE LA NOTION D’ANIMAL-CHOSE
A - Chose ou personne
B - Chose et personne
SYNTHESE ............................................................................................................ p. 31
Charles-André DUBREUIL,
Professeur de droit public, Ecole de droit-Université d'Auvergne, CMH EA 4232
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MENTIONS LEGALES
La Revue (Centre Michel de l'Hospital)
ISSN 2273-872X
éditeur
Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232
Ecole de Droit-Univ. d'Auvergne
41 boulevard F. Mitterrand
CS 20054
63002 CLERMONT-FERRAND Cedex 1
recherche.cmh@udamail.fr
directeur de la publication
Charles-André DUBREUIL, Professeur de droit public, Directeur du Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232
rédacteurs
Charles-André DUBREUIL, Professeur de droit public, Directeur du Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232
Anne-Blandine CAIRE, Professeur de droit privé et de sciences criminelles, Centre Michel de l'Hospital CMH EA 4232
parution
n°6, décembre 2014
Page 38 sur 38