sécurité - Muséum d`histoire naturelle du Havre

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sécurité - Muséum d`histoire naturelle du Havre
• 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9727
LUNDI 20 AOÛT 2012
WWW.LIBERATION.FR
SÉCURITÉ
A Amiens mardi, lors de la venue de Manuel Valls. PHOTO THOMAS HUMERY
DE QUOI
LA GAUCHE
A PEUR?
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MANUEL VALLS
Attaqué par la droite, le ministre de l’Intérieur défend
sa politique de sécurité, qu’il veut en lien avec la justice.
Somalie:
une paix
En chantier: sans repères
Paris enfin tout
Les députés doivent élire
aujourd’hui le président somalien,
ouïe pour la
dans un pays stabilisé après
vingt ans de guerre civile. Mais,
face à l’insécurité et à la pauvreté,
philharmonie
le renouveau reste fragile.
ET AUSSI NOS SÉRIES, BD, QUIZ… 8 PAGES
CAHIER CENTRAL
REPORTAGE, PAGES 6­7
La donation Lambert met
le haut de l’art à Avignon
Basquiat, Buren, Barceló… le fonds
du collectionneur confié à l’Etat
est présenté pour la première fois.
PAGES 18­19
IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €,
Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.
DOUGLAS GORDON. COLLECTION YVON LAMBERT
CAHIER
PAGES 2­5
2
•
EVENEMENT
ÉDITORIAL
Par SYLVAIN BOURMEAU
Défaite
La gauche a peur. Effrayée
de passer pour angélique
aux yeux des
téléspectateurs
du 20 heures de TF1, elle
apparaît comme tétanisée
dès lors qu’il s’agit de
sécurité. Roger Gicquel est
mort, mais cette phrase
– «la France a peur» –,
qu’il prononça un soir
de 1976 en ouverture du
journal télévisé à la faveur
d’un fait divers, agit
depuis comme un spectre.
Quelques mois plus tard, la
droite adoptait ce qui
apparaît aujourd’hui
encore comme le socle de
la plupart des politiques
conduites depuis en la
matière : le sinistre rapport
Peyrefitte, qu’une gauche
alors en meilleure forme
intellectuelle combattit
avec ardeur. Vingt ans plus
tard pourtant, en 1997, lors
d’un colloque à Villepinte,
elle rendit les armes par la
voix du très républicain
ministre de l’Intérieur
Jean-Pierre Chevènement,
qui n’hésita pas à décréter
la sécurité «concept de
gauche». A deux mois du
tristement célèbre premier
tour de l’élection
présidentielle de 2002, le
candidat honteusement
socialiste Lionel Jospin alla
même plus loin : en
qualifiant de «naïveté» la
croyance qu’il regrettait
avoir jusque-là entretenu
dans l’existence de causes
sociales de la délinquance,
il entérinait la défaite
absolue de la gauche dans
cette bataille des idées.
Pourtant, rien n’y fait, en
dépit (et surtout à cause)
de cette surenchère
sécuritaire, la gauche
apparaît toujours comme
laxiste. Revenue au
pouvoir après une
campagne qui sut
raisonnablement oublier
cette question, il est plus
que temps qu’elle
s’arrache du piège
idéologique tendu par la
droite. Qu’elle renoue avec
ses principes et la priorité
absolue au social. Qu’elle
démontre clairement que
le réalisme se situe du côté
de ceux qui jamais ne
cherchent à attiser les
peurs en confondant, par
exemple, insécurité et
sentiment d’insécurité.
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
Au terme d’une semaine éprouvante pour la gauche en matière
de sécurité, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, fait le point
sur ses objectifs et répond aux critiques de la droite:
«Un seul talisman,
la République, un seul
discours, la fermeté»
Par FABRICE TASSEL
et PATRICIA TOURANCHEAU
E
n pleine polémique estivale sur les
questions de sécurité, entre l’expulsion des Roms, l’explosion d’Amiens
et les batailles de chiffres, Manuel
Valls, ministre de l’Intérieur, répond pied à
pied aux critiques dans Libération et détaille
point par point sa politique.
Pouvez-vous expliquer votre doctrine en matière de sécurité, sachant que l’angélisme,
c’est fini, et que la gauche se veut décomplexée sur ces questions?
Justement. Je pense que les questions de sécurité se meurent des «doctrines» et des instrumentalisations en tout genre. En la matière, chacun a une
INTERVIEW responsabilité: les politiques, les associations, les
médias. Quand, à Amiens, les forces de l’ordre sont attaquées à la chevrotine, au mortier, au cocktail Molotov… quand une école,
un gymnase, des voitures sont incendiées…
quelle autre réponse faut-il apporter que
L’ESSENTIEL
LE CONTEXTE
Relativement absentes lors
de la campagne présidentielle,
les questions de sécurité ont resurgi
à la faveur de l’actualité estivale.
L’ENJEU
Manuel Valls défend une politique
très ferme, qu’il qualifie
de républicaine.
celle de la République et de l’ordre républicain? L’action que nous menons veut mettre
fin, précisément, à «l’endoctrinement» généralisé qui agite, depuis dix ans, les questions de sécurité et qui ne fait qu’attiser les
polémiques en ajoutant systématiquement
de l’huile sur le «feu insécuritaire». Un seul
idéal, un seul talisman pour le gouvernement: la République. Un seul esprit: l’apai-
REPÈRES
MANUEL VALLS
w 13 août 1962 Naissance à Barcelone.
w 1980 Adhésion au PS.
w 1997 Chargé de communication
de Lionel Jospin à Matignon.
w 2001 Elu maire d’Evry.
w 2002 Devient député de l’Essonne.
w 2011 Candidat à la primaire socialiste
(il recueillera 5,6% des voix).
w 2012 Ministre de l’Intérieur.
Cent jours après son élection, François
Hollande a consacré mardi son premier
déplacement dédié à la sécurité à Pierre­
feu­du­Var, où deux femmes gendarmes
avaient été abattues deux mois plus tôt
par un ancien condamné. Il y a tenu un
discours très ferme sur la récidive.
Mercredi, le ministre de l’Intérieur a
été dépêché par l’Elysée et Matignon
à Amiens, où de violents affrontements
ont opposé la veille des jeunes gens et
les forces de l’ordre. Hué à son arrivée,
Manuel Valls n’a eu de mots que pour
les 17 policiers blessés et n’a pas su
rassurer les habitants.
EXPULSIONS DE ROMS
Plusieurs démantèlements de camps
de Roms, notamment autour de Paris,
Lyon et Lille, suivis de l’expulsion des
occupants, ont relancé la polémique
sur le traitement de ces citoyens euro­
péens en provenance de Roumanie et
de Bulgarie. Une réunion interministé­
rielle se tient mercredi à Matignon.
sement. Un seul discours face aux troubles:
la fermeté.
Vous sentez-vous isolé dans le rôle du père
Fouettard et du premier flic de France au sein
du gouvernement?
Là encore, ne cédons pas aux images d’Epinal
sécuritaires, sinon on ne progresse pas. Celui
qui ne constate pas que la gauche a entamé
un profond virage sur la question passe à côté
du principal : la gauche au pouvoir, avec
François Hollande et Jean-Marc Ayrault, assume pleinement les prérogatives régaliennes
de l’Etat. Et j’irai même plus loin : nous entendons démontrer, dans la durée, notre capacité à faire mieux que la droite pour assurer
la sécurité des Français. Oui, je suis le premier flic de France, mais je suis aussi le ministre des grandes libertés publiques, le ministre de l’organisation de l’Etat sur
l’ensemble du territoire. J’ai la charge des
questions d’immigration, d’intégration et
d’asile. Je suis enfin le ministre des cultes, et
je veux donner toute sa force au principe de
la laïcité. Toutes ces missions impliquent
d’agir avec tempérance et fermeté.
Comment sortir de l’antisarkozysme, se
démarquer de la politique sécuritaire de droite
alors même que celle-ci dit que la vôtre n’en
est qu’une copie?
Mais ça n’est pas mon combat. Je ne fais pas
du sarkozysme l’alpha et l’oméga du débat
politique. La droite, pour continuer à exister,
veut nous y rabattre systématiquement. C’est
à elle de faire son bilan si elle veut se renouveler. C’est son problème, son urgence.
Quant à nous, aux responsabilités, il nous revient de tracer notre chemin avec sérénité.
Où placez-vous le curseur entre prévention
et répression?
Qui dit curseur dit séparation, et donc logique manichéenne. La droite ne cesse de
vouloir dissocier les deux… Vous parlez de
curseur, mais une politique de sécurité réfléchie et cohérente ne dissocie pas prévention
et répression. Ce sont deux leviers complémentaires et indissociables.
Sur des questions qui touchent aux libertés et
aux droits de l’homme, vous paraissez en recul par rapport à certaines Suite page 4
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LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
3
Manuel Valls à Amiens,
le 14 août, au lendemain
de la nuit d’émeutes qui a agité
la ville. PHOTO THOMAS HUMERY
Zones prioritaires, lutte antidrogue… après avoir donné des gages aux policiers, le ministre lance ses chantiers.
Valls, l’atout sécurité du PS abat ses cartes
A
rrivé en terrain miné Place
Beauvau, face à des manifs
de policiers en colère, des
gendarmes laissés pour compte et
des commissariats exsangues ayant
perdu plus de 10000 postes en cinq
ans, Manuel Valls a d’abord voulu
«gagner la confiance» de ses troupes pour rétablir «l’ordre républicain», mais aussi rapprocher la police de la population. Ainsi, face à la
résistance des syndicats de police
pour délivrer un récépissé lors des
contrôles d’identité, le ministre de
l’Intérieur a-t-il renoncé à ce projet
de la gauche:«Je ne veux pas imposer un dispositif qui tournerait au ridicule et serait inopérant.» Mais,
dans sa feuille de route aux commissaires de police et aux officiers
de gendarmerie, Valls a bien préconisé de «veiller à proscrire les contrôles d’identité abusivement répétés ou
réalisés sans discernement» et a de-
mandé à ses services de plancher
sur l’idée d’un simple «reçu» à remettre aux intéressés. Tout en se
montrant inflexible sur la déontologie –«sanctionnez toute forme de familiarité et de tutoiement, qui dégradent les relations entre les forces de
l’ordre et les citoyens»–, le premier
flic de France a promis de les soutenir face à l’adversité et multiplie,
depuis, les déplacements au chevet
de policiers blessés ou de familles
de gendarmes décédés.
«Audace». Attendu par ses hommes sur la brûlante question de la
«protection juridique» des fonctionnaires mis en examen (celle d’un
policier de Noisy-le-Sec pour le
meurtre d’un récidiviste avait fait
descendre les flics dans la rue), Manuel Valls a dû leur donner des gages: maintien du salaire ou réaffectation jusqu’à leur relaxe ou leur
condamnation. Ainsi, le patron de
l’antenne police judiciaire de Grenoble et le chef de l’antigang de
Lyon, mis en examen dans l’affaire
Neyret – ex-numéro 2 de la PJ de
Lyon tombé pour corruption et trafic de stup –, vont être réintégrés,
l’un en Guyane, l’autre dans les
Yvelines. Le ministre a également
«arrêté la saignée» des effectifs en
préservant 1 800 postes voués par
la droite à la disparition en 2013,
mais ne cache pas en aparté que
l’apport des 500 nouveaux flics
reste «modeste».
En parallèle, plusieurs chantiers
ont été lancés. Le principal étant la
création en septembre de 50
à 60 zones de sécurité prioritaires,
adaptées à des territoires ciblés,
dont 15 ont déjà été définis, pour
«mettre le paquet là où il faut et pour
ce qu’il faut», puis instaurer une
nouvelle forme de police de proximité dans ces quartiers. Reste à
trouver «les jeunes commissaires
qu’il faut pour porter cette politique»
dans les directions départementales de sécurité publique. Valls a déjà
enjoint les futurs chefs de service à
nouer des «relations apaisées et
constructives» avec les magistrats
en organisant des «conférences Intérieur-Justice» dans les régions, à
faire «preuve de créativité» et
«d’audace», «notamment en communication» pour «expliquer l’action de la police à nos concitoyens,
aux acteurs locaux et aux maires»,
car «le capital image de l’institution
se construit surtout en local».
Pare­chocs. Aux yeux du ministre, la lutte contre le trafic international de stupéfiants constitue un
«objectif majeur». Il se voit déjà,
non sans vantardise, «couper toutes
les routes de la drogue, avec les Espagnols». Excusez du peu. «Personnalité capable de prendre les chocs»
comme tout bon ministre de l’Intérieur selon les mots d’Alain Bergounioux, historien du PS, Valls
incarnerait en quelque sorte le pare-chocs de la gauche contre les reproches d’angélisme.
Rompu à encaisser les coups et à les
rendre, il revendique son rôle de
père Fouettard sans pour autant
jouer les va-t-en-guerre. Décidé à
«rester très ferme sur les interdits»,
notamment le cannabis, qu’il n’est
pas question à ses yeux de dépénaliser, et les camps illicites de Roms,
qu’il fait démanteler, il souhaiterait
voir abrogé le délit de solidarité
avec les étrangers en situation irrégulière dans le futur texte de loi.
Son ambition : «Je veux faire la démonstration qu’un ministre de l’Intérieur peut à la fois affirmer l’autorité
de l’Etat républicain et préserver les
libertés publiques.»
PATRICIA TOURANCHEAU
4
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LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
EVENEMENT
promesses de campagne,
tel le fameux récépissé délivré lors des contrôles d’identité…
Il ne faut pas confondre l’objectif et les
moyens. L’engagement de campagne du président de la République est de lutter contre
les contrôles au faciès. Le récépissé est un
moyen, possible parmi d’autres – la fin du
tutoiement, l’usage du matricule, l’utilisation de caméras – pour aborder cette question qu’il ne s’agit en aucun cas d’ignorer. Le
code de déontologie sera en outre prochainement révisé, précisé. Il y va de l’autorité des
forces de l’ordre: mieux respectées et ellesmêmes toujours respectueuses des citoyens,
elles seront plus efficaces.
Le recul sur le récépissé reflète-t-il votre
crainte de mécontenter les policiers et leurs
syndicats, devenus tout-puissants sous
Sarkozy?
Je me dois d’être à l’écoute des partenaires
sociaux, pluralistes et plus représentatifs
qu’ailleurs. Pourquoi s’en plaindre ? Mais,
sur ce sujet, il faut avant tout faire preuve de
pragmatisme, d’efficacité et de respect des
libertés. La question des fichiers, qui appelle
des réserves de la Cnil [Commission nationale
de l’informatique et des libertés, ndlr] à propos
du récépissé, devrait aussi interpeller, non?
Sur les Roms, se dirige-t-on vers une levée des
mesures transitoires qui leur permettraient
d’accéder à un emploi?
Cette piste est, par nature, un dossier interministériel : attendez donc que la réunion
conduite par Jean-Marc Ayrault mercredi ait
eu lieu.
Aviez-vous pris la mesure de l’ampleur des
dégâts, du fossé entre la population et la police
avant votre déplacement à Amiens? Comment
allez-vous vous y prendre pour retisser du lien
entre les jeunes et la police?
Nous payons, à Amiens comme ailleurs, le
refus dogmatique de toute police de proximité, la politique systématique du chiffre, la
baisse des effectifs, qui ont conduit à établir
une distance de plus en plus grande entre la
police et les citoyens, particulièrement dans
les quartiers populaires. Ecoutez le maire
d’Amiens expliquant que quelques jeunes
caïds, âgés de 12 à 30 ans, veulent faire la loi
dans certains quartiers, et que le droit à la sécurité n’y est plus assuré ! En m’y rendant,
j’ai entendu des critiques, auxquelles je dois
répondre –une enquête administrative est en
cours. Mais j’ai aussi écouté des riverains,
pour beaucoup déjà frappés par le chômage
et parfois la désespérance sociale, qui voient
leur tranquillité quotidienne sapée par des
comportements inadmissibles et qui condamnent fermement les violences dont ils
ont été les témoins. Patiemment, méthodiquement, j’entends travailler avec policiers
et gendarmes sur la relation au public en inSuite de la page 2
ROMS : AUBRY FÂCHÉE ?
Manuel Valls a démenti samedi, lors d’un
déplacement à Pignans (Var), tout conflit
avec Martine Aubry au sujet des Roms.
Un article du Parisien, publié le même
jour, évoquait la colère de la première
secrétaire du Parti socialiste, qui n’aurait
«pas du tout apprécié d’être mise devant
le fait accompli avec le démantèlement
d’un camp de Roms» à Lille au début du
mois. Le ministre précise: «Nous avons,
avec les élus de la communauté urbaine
de Lille, fait évacuer deux campements
illicites. La préfecture a été en contact
permanent avec le cabinet de Martine
Aubry.» Cette dernière s’exprimera sur
les Roms dans la semaine, alors que
mercredi se tient à Matignon une réunion
interministérielle sur le sujet.
tervention. Mais je veux aussi sortir des clichés et des idées reçues. Tous les jeunes ne
sont pas hostiles à la police et, inversement,
le recrutement de la police a beaucoup évolué. Je veux m’attaquer à la délinquance car
elle est une injustice supplémentaire pour les
plus modestes, mais je sais que la seule réponse de sécurité n’est pas suffisante : c’est
pour cela que la jeunesse, la formation et
l’emploi sont les grandes priorités de ce
quinquennat.
Concrètement, comment les zones de sécurité
prioritaires (ZSP) vont-elles fonctionner?
Elles sont faites, avec une sélectivité assumée, pour s’investir encore davantage dans
les territoires les plus gravement perturbés
par la délinquance. D’une part, en y conjuguant tous les savoir-faire professionnels
–présence, sécurisation, investigation, renseignement, prévention – afin de répondre
efficacement aux actes identifiés, notamment ceux dont se plaignent le plus les habitants. D’autre part, en complétant l’action
policière par un partenariat local resserré
(justice, polices municipales, élus, bailleurs
sociaux, établissements scolaires, services
publics locaux…). Sur ce dossier, Christiane
Taubira et moi travaillerons main dans la
main. En outre, je souhaite que les ZSP soient
des dispositifs conçus et pilotés à l’échelon
local. Un cadre monolithique et rigide décrété depuis Paris serait inefficace.
Le choix des quinze premières ZSP n’a-t-il pas
aussi obéi à une volonté de faire plaisir aux
gendarmes et à des élus de gauche?
Etrange question ! Les premières ZSP permettront d’amorcer le dispositif. Elles concernent aussi bien des villes de droite que de
gauche. D’autres s’ajouteront dans les prochains mois. Tout le monde sait aussi que la
délinquance périurbaine est différente de
celle des grands ensembles. Des «ZSP gendarmerie» ont donc été définies sur des secteurs prioritaires relativement aux autres territoires de la gendarmerie, par exemple là où
les cambriolages ont explosé.
Comment motiver des policiers parmi «les
plus aguerris» pour aller travailler dans ces
zones de sécurité prioritaires?
Les policiers et les gendarmes que je croise
quotidiennement ont le sens du service public. Leur engagement et leur courage forcent
souvent le respect. Effectivement, il faut des
fonctionnaires d’expérience et mieux encadrés au sein des équipes intervenant dans les
secteurs difficiles. Les choix de recrutement
en tiendront compte. Pour la reconnaissance,
il existe toute une palette de leviers possibles,
des systèmes de promotions à l’indemnité
exceptionnelle. Mais, de tout cela, je discuterai d’abord avec les représentants des policiers et des gendarmes.
Avez-vous les moyens budgétaires de votre
politique?
M. Hortefeux vient lui-même de l’avouer: si
ses amis étaient restés au pouvoir, 4000 postes de policiers et de gendarmes auraient été
supprimés en 2013, en plus des 10 700 déjà
détruits en cinq ans. Ces 4000 emplois seront
non seulement préservés, mais 500 postes
par an seront créés, réservés au terrain.
Ferez-vous des économies en fermant
des sous-préfectures pour les basculer vers
les ZSP?
Ne mélangeons pas tout ! L’avenir du réseau
territorial des sous-préfectures n’a strictement rien à voir avec la répartition des forces
de sécurité.
Quelle méthode allez-vous appliquer pour
démanteler les trafics dans les cités et l’économie souterraine? Allez-vous vous démarquer
de celle de Guéant-Sarkozy?
La ténacité et la fermeté vis-à-vis des trafiquants, en refusant absolument la stigmatisation des quartiers et de leurs habitants.
Nombre des personnes soulignent que ces
trafics nuisent gravement à leur existence.
Les ZSP, c’est aussi cela: amener la police judiciaire, les GIR [groupes d’intervention régionaux, ndlr] et le renseignement à travailler
avec les commissariats de sécurité publique
sur des objectifs territoriaux concrets. La
lutte contre les trafics d’héroïne, de cocaïne
et de cannabis, dont les réseaux de distribution font des habitants des quartiers populaires les premières victimes, se joue aussi au
niveau européen.
Allez-vous appliquer le plan d’équipement en
vidéosurveillance lancé par la droite?
Une caméra n’est ni de droite ni de gauche!
La vidéo est un simple outil qui ne fonctionne bien que couplé avec une présence
humaine. Il faut se donner les moyens à la
fois d’exploiter les images en temps réel et
d’orienter l’action des équipes sur le terrain.
Protéger l’espace public est une grande ambition de la gauche, car il est le lieu où se rencontrent les citoyens. Assurer la sécurité des
transports publics, c’est garantir la libre circulation de ceux qui n’ont pas les moyens de
se déplacer autrement, comme de ceux qui
choisissent les modes de déplacement doux
et écologiques. •
«Nous payons le refus
dogmatique de toute police
de proximité, la politique
systématique du chiffre,
la baisse des effectifs.»
Le 14 août à Amiens, après les heurts entre jeunes et policiers. PHOTO PHILIPPE HUGUEN. AFP
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
EVENEMENT
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5
D’Amiens à Sevran, les édiles exposent leur convictions pour éviter une logique sécuritaire.
Les maires français contre le «tout-répressif»
L
es maires sont en première ligne en matière de sécurité, notamment depuis la
loi de mars 2007, qui les a placés au
centre des politiques de prévention. Cinq
d’entre eux font part de leurs attentes.
«Remettre du bleu
sur le terrain»
MICHEL DESTOT (PS, GRENOBLE)
«La demande des maires de grandes villes,
de gauche ou de droite, est double [Michel
Destot est président de l’Association des maires
de grandes villes de France, ndlr]. D’abord, il
y a besoin de remettre sur le terrain du bleu,
et du bleu visible. Aujourd’hui, la police que
voit la population est une police d’intervention, la BAC, qui est en civil. Il faut que la police soit visible, et qu’elle soit plus à l’écoute
de la population, qu’elle ait les moyens de répondre en temps réel. Cela peut paraître sim-
pliste, mais les citoyens, nous l’entendons
tous les jours, se plaignent de ne pas avoir de
réponse rapide lorsqu’ils composent le 17. La
deuxième priorité devrait être la lutte contre
le sentiment d’impunité. Il y a trop de temps
entre l’acte et la sanction, ce qui crée un sentiment d’incompréhension et de défiance.
Cela passe par des moyens pour la justice, ne
serait-ce que, déjà, des greffiers pour désembouteiller les tribunaux.»
«Ne pas stigmatiser
les quartiers»
GILLES DEMAILLY (PS, AMIENS)
«Une partie de la population ne fait pas
confiance à la police. C’est pour ça qu’il faut
des policiers en contact avec la population.
On connaît les personnes qui posent des problèmes, les multirécidivistes. C’est sur eux
qu’il faut concentrer les efforts et les moyens.
La confiance, il faudra du temps pour la restaurer. Le combat pour la sécurité est un
combat difficile. J’habite à 500 m des quartiers Nord d’Amiens, je vois les guetteurs, les
voitures qui tournent au ralenti. La pression
sur les habitants est constante. Ils subissent.
Mardi, pendant que le ministre était là, j’ai
appris qu’un gardien d’immeuble de l’Opac
avait été menacé pour qu’il donne les clés
d’une cave. On a dépassé les limites depuis
longtemps. Je ne suis pas pour le tout-répressif. Et je crois qu’il faut faire attention à ne
pas stigmatiser ces quartiers. Mais, sans le
retour de l’ordre et de la sécurité, tous les efforts financiers que nous avons faits pour la
rénovation urbaine seront réduits à néant.»
«Adapter le suivi
policier et judiciaire»
GÉRARD COLLOMB (PS, LYON)
«Ce que j’attends du ministre de l’Intérieur,
c’est une réponse sur un double plan.
D’abord, il ne faut rien laisser passer grâce à
un suivi policier et judiciaire adapté. La fermeté est nécessaire. Mais il faut aussi que la
politique se donne des perspectives, et en offre aux citoyens. On ne peut pas être que dans
la répression. Offrir de l’espérance, pas forcément dans l’instant mais pour les trois ou
quatre ans à venir, est crucial. Cela passe par
de la rénovation urbaine, une politique de
transport hyperactive, la réinsertion des
quartiers dans une dynamique globale,
comme nous l’avons fait à Vaulx-en-Velin.
Manuel Valls ne doit pas être seul, ou il risque
de se retrouver dans une logique sécuritaire.»
«Mutualiser les polices»
STÉPHANE GATIGNON (EE­LV, SEVRAN)
«Contrairement à une idée beaucoup véhiculée, on met aujourd’hui beaucoup d’argent
dans la sécurité. En plus de la police nationale, avec la municipalisation des tâches de
sécurité, les collectivités locales investissent
énormément. Mais en fonction de leurs
moyens. Et l’on assiste à une rupture dramatique de l’égalité des citoyens face à la sécurité. Certaines communes disposent d’une
police municipale dotée de moyens considérables alors qu’elles n’en ont pas forcément
besoin quand d’autres, comme Sevran, n’ont
rien. Cela ne peut pas durer. Je crois qu’il faut
penser à la territorialisation de la police, avec
une mutualisation police nationale-polices
municipales, à l’échelle de grandes régions.
On gagnerait sur la question fondamentale
des effectifs et de leur déploiement sur le territoire. Cela passe par une réforme institutionnelle. Les zones de sécurité prioritaires?
C’est du déjà-vu. Il faut être plus radical.»
«Mettre fin aux
quartiers-ghettos»
THIERRY MANDON (PS, RIS­ORANGIS)
«J’attends d’abord une nouvelle conception
de notre politique en matière de logement social, afin de mettre fin aux quartiers-ghettos
et de créer de la diversité. C’est le préalable
si nous voulons reprendre la main dans certains quartiers en matière de sécurité. Ensuite, et cela concerne la police et la justice,
il faut que les premières condamnations, pour
des actes de délinquance légère, soient rapides et effectives. Un mois avec sursis, cela ne
veut rien dire pour les jeunes de certains
quartiers. Enfin, il faut une meilleure articulation entre la police municipale et la police
nationale. Les deux ont des infos de qualité
qui peuvent être utiles pour leurs homologues, mais qui ne sont pas assez partagées.»
Recueilli par ALICE GERAUD
et FABRICE TASSEL
Pour le think tank, le PS doit mieux communiquer.
Terra Nova contre les complexes
t si, dans les ambigus
rapports entre la
gauche et la sécurité,
tout n’était qu’affaire de
confiance ? Et si la gauche
n’était pas aussi laxiste que
la droite (et une partie de la
gauche) le dit? C’est la thèse
d’un rapport écrit en février
par Jean-Jacques Urvoas,
député PS du Finistère et
président de la Commission
des lois à l’Assemblée, pour
le compte de Terra Nova.
Censé incarner la feuille de
route du candidat Hollande
en matière de sécurité, le
document est intéressant à
réexaminer alors que l’excandidat est désormais en
mesure d’appliquer ses préconisations.
Urvoas rappelle que la gauche a, depuis trente ans, bâti
un corpus idéologique et des
outils pour lutter contre l’insécurité, mais a toujours
peiné à les assumer ou les
E
La loi de sécurité de mars 2007 a accru le rôle des maires. PHOTO MARC CHAUMEIL.
appliquer : «Si échec il y a, il
se situe moins sur le plan de la
doctrine ou des pratiques que
sur celui de la communication
politique. Par essence, les socialistes ne vouent de culte exclusif ni à la prévention ni à la
répression. Mais ils considèrent
qu’une politique qui, au nom
d’arrière-pensées idéologiques, s’affranchirait de l’un ou
de l’autre serait inéluctablement vouée à l’échec.»
On devine qu’en matière de
communication le vainqueur
a été Sarkozy, qui a su exploiter des axes développés à
gauche (sous Jospin par
exemple, avec Chevènement
et Vaillant) et les habiller
dans un tourbillon législatif
et une politique frénétique
de «coups de menton médiatiques». Mais, maintient
Urvoas, le triptyque de la
gauche «prévention-dissuasion-punition» était posé
dès 1981. Pourtant, do-
mine ce sentiment d’échec
–confessé par Jospin en 2002
(«J’ai pêché un peu par naïveté»)–, et ce procès en «négation du réel» qui colle à la
gauche, entretenu par la
droite. Justement, écrit Urvoas, «l’écueil serait d’accepter l’affrontement avec la droite
sur son terrain, en reprenant
ses concepts, ses idées, ses
mots. L’atout de la gauche,
c’est son indéniable savoirfaire en matière de sécurité».
Mais l’échec est aussi en partie dû au manque de clarté
du discours du PS, qui a accrédité la thèse d’une division à gauche. Les bases
existent, écrit Urvoas: police
de proximité, intégration de
la sécurité dans une politique
sociale plus large, territorialisation, évaluation du travail
d’une police au service des
citoyens et non de l’Etat… Il
ne reste qu’à les appliquer.
F.Ta.
6
•
MONDE
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
A Mogadiscio,
lendemains
de paix difficiles
Après vingt ans de conflits et alors que les députés
doivent élire aujourd’hui le président somalien,
la ville renaît, malgré l’insécurité et la pauvreté.
Par STÉPHANIE
BRAQUEHAIS,
Envoyée spéciale
à Mogadiscio
D
e la cuisine s’échappe une droit peut varier selon son apparteodeur de poulet grillé. Les nance clanique et familiale. Mogadiscio,
clients commencent à affluer ville martyrisée par vingt ans de guerre
dans le restaurant et s’atta- civile, renaît peu à peu au milieu des
blent dans la cour en attendant l’iftar ruines. Dans les rues fréquentées par de
(repas du soir pendant le ramadan). nombreux piétons, les bâtiments effonDans le quartier Hodan, à Mogadiscio, drés, criblés d’impacts de balles,
et alors que la nouvelle Asjouxtent des façades de masemblée doit élire son présiREPORTAGE gasins fraîchement peintes.
dent aujourd’hui (lire ci-conSur l’axe Maqa al-Muqaratre), le «village» est devenu un mah, un immeuble en construction de
rendez-vous d’habitués. Le proprié- plus de quatre étages est censé devenir
taire, Ahmed Jama Mohamed, a vécu de un centre commercial.
nombreuses années à Londres où il gé- A chaque période d’accalmie, la capitale
rait plusieurs restaurants. Il y a quelques somalienne a toujours connu de brefs
mois, il a décidé de revenir sur sa terre renouveaux. Mais, pour une fois, il n’y
A Mogadiscio, le 15 juillet.
natale. Sourire aux lèvres, il se concen- a plus de combats du tout. Le seul préLes habitants n’ont ni
tre sur la préparation de mashmash, bei- cédent date de 2006 pendant le court
électricité ni eau.
gnets de farine, d’eau et de sirop, frits règne des tribunaux islamiques qui
PHOTO FARAH ABDI. AP
à la poêle. «Quand j’ai vu que la paix était avaient rétabli la sécurité, encourageant
revenue, j’ai décidé de tenter ma chance.» les investissements. Cependant, MogaIl pense vendre ce qui lui reste en Gran- discio reste une ville dangereuse, et Ahde-Bretagne, car il a déjà investi dans med Jama le sait. Malgré un optimisme dangereuse qu’avant, estime un journacinq établissements de la capitale soma- affiché, il a vécu un épisode qui en aurait liste somalien sous couvert d’anonymat.
lienne. «Il y a plus d’opportunités com- fait renoncer plus d’un. Il se trouvait au On ne sait pas qui est qui. J’ai peur dès que
merciales ici que dans une Europe en théâtre national, début avril, lorsqu’une je sors de chez moi.»
crise», ajoute-t-il avec humour.
kamikaze s’est fait exploser, faisant une L’incurie des forces de sécurité est poinLes insurgés islamistes shebab ont été dizaine de morts. Sur le front, il porte tée du doigt. Mais l’armée, tout comme
repoussés à plus de 50 kilomètres de une légère cicatrice qui lui rappelle cha- la police, est sous-équipée et rémunérée
Mogadiscio par les forces de l’Union
irrégulièrement. Au poste
africaine (17 000 soldats) et, pour la «C’est encore plus dangereux
de police du quartier, le
première fois depuis des années, la ca- qu’avant. On ne sait pas qui est qui.
major Ali Mohamed Salal
pitale n’est plus divisée par une ligne de
raconte avoir attendu son
J’ai
peur
dès
que
je
sors
de
chez
moi.»
front. Sharmarke Shirwa, âgé d’une
salaire pendant plus de
trentaine d’années, lunettes de soleil de Un journaliste somalien
huit mois avant finalement
marque, est venu commander un plat
d’en toucher une partie il y
à emporter. «Je suis parti de Mogadiscio que jour à quel point les shebab, même a quelques semaines. Dans un des buquand j’étais tout petit et je n’en ai prati- sur la voie de la défaite militaire, restent reaux, il montre, d’un air goguenard,
quement pas de souvenir, dit-il avec un capables de mener des attaques une machine à écrire rouillée qui sert de
accent américain très prononcé. Je terroristes.
pièces de rechange pour les deux qui
suis revenu pour rénover les anciennes Des habitants du quartier de Bakara, ex- fonctionnent encore. Dans le parking
propriétés de mes parents… Je voudrais bastion et poumon économique des est garé le seul véhicule disponible. Un
lancer un hôtel.»
insurgés islamistes, racontent que de énorme impact de balle a fait en partie
nombreux combattants sont encore voler le pare-brise en éclats. «Nous
SUSPICION. De nombreux Somaliens de présents, dissimulés dans la population. manquons de tout. Quand il y a un incident
la diaspora reviennent à Mogadiscio Depuis le début de l’année, les assassi- quelque part, nous y allons à pied car nous
pour récupérer des maisons qui appar- nats se sont multipliés – politiques, n’avons pas de voitures. On ne fait
tenaient à leur famille. En l’absence commerçants, journalistes– et les res- qu’éteindre le feu quand on peut, comme
d’Etat depuis plus de vingt ans, les titres ponsables ne sont jamais inquiétés. Pour des pompiers», admet-il. Deux pièces
de propriété, dont beaucoup ont dis- certains observateurs, ces crimes sont obscures font office de cellules et sont
paru, ont moins de valeur que le droit loin d’être tous imputables aux insur- occupées par quatre prisonniers. «Ces
coutumier. En théorie, chacun sait qui gés. Du coup, l’impunité crée un climat deux-là sont des voleurs, et les deux autres
possède quoi. Mais l’application de ce de suspicion. «Mogadiscio est encore plus des soldats du gouvernement arrêtés pour
indiscipline. Nous ne prolongeons pas les
gardes à vue au-delà de quarante-huit
heures», affirme le major avec aplomb.
Quelques minutes après cette déclaration, les prisonniers s’empressent d’exprimer leurs doléances: «Nous sommes
là depuis dix jours, nous n’avons rien fait,
et personne ne nous apporte à manger.»
En l’absence de système judiciaire digne
de ce nom, les personnes arrêtées croupissent dans leur cellule.
SQUATTEURS. Le gouvernement de
transition, dont le mandat s’achève
aujourd’hui, affiche un bilan catastrophique. La population n’a pas accès aux
services de base – électricité et eau potable– et la capitale abrite, selon l’ONU,
environ 200 000 déplacés dans des
camps où règnent insécurité, détournement des aides et viols. Ces populations
ont fui la famine de l’année dernière et
n’ont nulle part où aller. D’autres ont
investi des bâtiments publics, mais sont
sous la menace d’expulsion, sans compensation, par le gouvernement qui a
annoncé vouloir reprendre possession
des édifices qui appartenaient à l’Etat
avant la guerre civile.
Fatima fait sa lessive au pied de l’escalier d’un bâtiment de l’ancienne uni-
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
MONDE
•
7
Le nouveau Parlement,
à peine nommé, est déjà
soupçonné de corruption.
Un fragile
renouveau
A
KENYA
versité nationale. «Nous vivons au jour
REPÈRES
le jour, parfois on arrive à manger,
d’autres fois non.» Elle habite dans une
A
ARABIE
pièce avec, pour tout mobilier, une
SOMALIE
S
natte et un lit d’enfant. Son mari, solPopulation (2010)
Y
YÉMEN
dat, n’a pas été payé depuis sept mois et
9,1 millions hab.
s’est reconverti en chauffeur de taxi.
Superficie
Golfe d’Aden
Dans le couloir aux murs troués par les
627 340 km2
Somaliland
obus, Asha Jama, malade, est assise,
PIB par hab. (2010)
immobile, sur une chaise. «Je suis une
452 euros
ÉTHIOPIE
cible, on peut me tuer car j’étais militaire
Croissance
dans l’armée. Le gouvernement doit nous
SOMALIE du PIB (2010)
reloger dans un lieu protégé.» De nom+ 2,6 %
breux bâtiments publics ont déjà été
Espérance de vie
Mogadiscio
50,4 ans
nettoyés de leurs squatteurs. Asha n’a
qu’une peur, devoir rejoindre un camp
Illerisme
Océan Indien
62,2 %
de déplacés et qu’un jour les shebab
500 km
Sources
:
Banque
mondiale, CIA,
GT AmeriqueLatine:Mise
en page 1 17/08/12 15:42 Page
1 Pnud 2010
laFCretrouvent
pour la tuer. •
275
C’est le nombre de députés qui ont
été désignés pour former la nouvelle
Assemblée somalienne.
Indépendante depuis 1991, la Soma­
lie a adopté le 1er août une nouvelle
Constitution. L’élection du président
parachève un processus parrainé par
l’ONU et la communuté internatio­
nale destiné à remplacer les institu­
tions de transition datant de 2004.
vec l’élection, prévue aujourd’hui, du président somalien par la nouvelle Assemblée
s’achève le mandat du gouvernement de
transition, créé en 2004 à l’issue de la conférence
de Mbagathi, au Kenya. En dépit d’une avancée
incontestable sur le plan militaire contre les shebab (insurgés islamistes affiliés à Al-Qaeda), due
aux soldats de l’Amisom, la force de l’Union
africaine, le gouvernement est marqué par une
corruption endémique.
Un rapport du panel d’experts de l’ONU estime
ainsi que 70% des revenus de l’Etat ont été détournés ces dernières années. Une feuille de route a été
établie en 2011 pour créer de nouvelles institutions
pour la Somalie (excluant le Somaliland, région du
Nord qui s’est proclamée indépendante en 1993
mais n’est pas reconnue par la communauté internationale). Une conférence a été organisée à Londres en février dernier pour répéter le message :
en août, le gouvernement doit partir.
Dans un premier temps, 135 elders (chefs coutumiers) ont été choisis pour mettre en place une
Assemblée constituante ainsi qu’un Parlement.
Début août, une Constitution, en rédaction depuis
sept ans et qui a coûté des millions de dollars, a
donc été adoptée. Les chefs coutumiers ont ensuite désigné 275 députés suivant un principe
complexe où la quasi-totalité des postes étaient
réservés à parts égales aux quatre principales familles claniques (Darod, Hawiye, Rahanweyn et
Dir) et le reste à une coalition de clans minoritaires. Les candidatures de députés ont été examinées pendant plusieurs jours par un comité technique marqué par des soupçons de corruption
(plusieurs sources estiment que l’achat d’un siège
a pu atteindre 40 000 euros), mais aussi des intimidations et des interférences des officiels
du gouvernement.
Malgré ces dérapages, la communauté internationale a continué de marteler que la date du 20 août
était non négociable. Cependant, de nombreux experts sur la Somalie sont de plus en plus pessimistes sur l’éventualité d’un changement. Un analyste
estime qu’il s’agit d’un «processus fictif», car les
principaux candidats sont ceux qui étaient déjà au
pouvoir, tandis qu’un autre juge que cette tentative
ne vaut pas mieux que les précédentes.
Depuis la chute de Siyad Barré, en 1991, 15 conférences nationales ont eu lieu pour tenter de mettre
en place un gouvernement central. Hier, un communiqué conjoint incluant notamment l’ONU,
l’Union africaine, l’Union européenne, les EtatsUnis ou encore la Turquie a rappelé qu’il était «essentiel que le nouveau Parlement, sélectionné et non
élu, coupe les relations avec les chefs de guerre», mais
aussi avec les personnalités corrompues, et respecte le quota d’un tiers de femmes.
VOYAGES ATLANTIQUES : REGARDS CROISES
Grande traversée Amérique du Sud
Archives, débats, documentaires par Xavier d'Arthuys
9h-12h / du lundi 20 au vendredi 24 août
franceculture.fr
en partenariat avec
S.B. (à Mogadiscio)
8
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LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
MONDEXPRESSO
10000
VU DE BERLIN
Par EMMANUELLE CHAZE
personnes ont manifesté
samedi à Prague (Républi­
que tchèque) pour la
deuxième édition du festi­
val gay et lesbien Prague
Pride. Venus défendre les
droits des homos, trans,
bi et appeler à la tolérance,
les participants, munis
de sifflets, se sont rassem­
blés place Venceslas,
au cœur de la capitale.
Le nouvel aéroport
de la capitale allemande
en pleine «débâcle»
l faut se méfier des idées
reçues. Ainsi, quand on
pense à l’Allemagne, il est
d’usage d’imaginer ponctualité et rigueur. Las, les
Berlinois s’acharnent à faire
mentir le cliché en ce qui
concerne l’un des plus
grands projets architecturaux
de l’Allemagne réunifiée : la
construction de l’aéroport
international de BerlinBrandebourg (BBI). Ce projet
ambitieux, né peu après la
chute du Mur, n’en finit pas
d’être sujet à controverse.
Entre polémiques liées aux
nuisances sonores occasionnées par les nouveaux couloirs aériens et divers retards
de mise en fonction, tantôt
dus à un défaut de sécurité,
tantôt à un trou imprévu
d’un milliard d’euros grevant
un budget initial de 4,7 milliards, la date de mise en
fonction, initialement prévue
cet été, est constamment repoussée depuis fin 2011. A tel
point que ce projet d’«aéroport du futur» – selon le site
officiel – est épinglé comme
une véritable «débâcle» par
le magazine Spiegel.
I
Le nouvel aéroport n’a pas
encore ouvert mais pèse déjà
bien lourd dans le portefeuille des autorités locales
et du contribuable brandebourgeois. Cela sans que la
construction pharaonique de
telles infrastructures ne soit
vraiment comprise par les
riverains. Afin de justifier un
LIBYE Deux attentats à la
voiture piégée ont eu lieu
hier dans le centre de Tripoli,
faisant 2 morts et 4 blessés.
Le ministère de l’Intérieur a
attribué ces violences aux
partisans de l’ancien régime
de Muammar al-Kadhafi.
SYRIE Le nouveau médiateur
international, Lakhdar Brahimi, doit s’excuser auprès
du peuple syrien pour avoir
affirmé qu’il ne savait pas si
le moment était venu pour
demander le départ du président Bachar al-Assad, a déclaré hier l’opposition.
AFGHANISTAN Un Afghan en
uniforme de la police a tué
un soldat de l’Otan hier dans
le sud du pays, a annoncé
l’Isaf, ce qui porte à 40 morts
le bilan de telles attaques dites «fratricides» pour 2012.
projet aussi ambitieux, il a
fallu prévoir de fermer les
deux aéroports intra-muros
de Berlin, Tempelhof, déjà
hors service depuis 2008,
dans le sud de la ville, et
Tegel, dans le nord. Ce dernier, tout à fait fonctionnel,
est donc en sursis et ne
fermera ses portes que lorsque le BBI ouvrira enfin les
siennes, «en 2013», est-il
précisé sur le site du projet.
Dans un contexte économique morose, le projet nécessite de constantes rallonges
budgétaires. L’aéroport de
Tempelhof a, quant à lui, été
recyclé en immense terrain
de jeu, réserve naturelle, lieu
de mémoire (avant de servir
de base de ravitaillement
pour Berlin-Ouest, il a également abrité un camp de
travail nazi pendant la Seconde Guerre mondiale) et
autre salle d’exposition ou
de concert.
Ironie du sort, alors que la
date de mise en service est
passée de 2012 à un très flou
«en 2013», les touristes empruntant actuellement les
moyens de transports berlinois sont informés par une
voix optimiste sortant d’un
haut-parleur des lignes à
prendre «pour se rendre à
l’aéroport de Brandebourg».
Les riverains opposés au
projet peuvent, quant à
eux, dormir tranquille ;
le calme ne leur sera pas ôté
de sitôt. •
CÔTE­D’IVOIRE Des inconnus ont attaqué samedi à
Abidjan le siège du parti de
l’ex-président Laurent
Gbagbo, le Front populaire
ivoirien, faisant trois blessés.
Des assaillants s’en sont
aussi pris aux locaux du
groupe éditant le journal le
Temps, également proche de
Gbagbo.
SOUDAN Trente-deux personnalités officielles, dont
un ministre, ont été tuées
hier dans le crash de leur
avion au Kordofan du Sud.
BELGIQUE Des milliers de
personnes ont manifesté,
hier à Bruxelles, contre une
possible libération conditionnelle de Michelle Martin,
l’ex-femme du meurtrier pédophile Marc Dutroux, après
seize ans de prison.
Julian Assange, hier à l’ambassade d’Equateur de Londres. PHOTO CARL COURT. AFP
A Londres, Assange
s’épanche au balcon
WIKILEAKS Le cyberactiviste est apparu, hier, à la
«Les Grecs doivent
se tenir à ce qu’ils
ont promis. Il n’y a
pas de marge de
manœuvre, ni en
termes de temps
ni en substance.»
Volker Kauder chef du bloc
parlementaire conservateur
d’Angela Merkel au
Bundestag, hier au magazine
Der Spiegel
L’HISTOIRE
fenêtre de l’ambassade d’Equateur, où il est réfugié. UNE LOI FAIT
u balcon de l’ambassade équatorienne de
la capitale britannique
où des centaines de personnes l’attendent depuis des
heures, il apparaît confiant,
décontracté, élégant, les
cheveux courts et vêtu d’un
pantalon noir, d’une chemise bleue et une cravate
aubergine. Une clameur de
joie dans la foule, des applaudissements, des cris de
soutien et les flashs des appareils photos : le «Julian
show» peut commencer.
Pour sa première apparition
publique depuis le mois de
mars, le fondateur de WikiLeaks –retranché dans l’ambassade du pays sud-américain depuis soixante et un
jours – n’a pas manqué de
remercier hier la foule venue
le soutenir depuis que
l’Equateur lui a accordé
l’asile politique, jeudi. «Je
suis ici car je ne peux pas être
plus près de vous. Merci d’être
D
là», lance-t-il de son balcon.
Nouveaux applaudissements
dans la foule des supporteurs
de Julian Assange – un mélange éclectique de membres
du mouvement Occupy, de
mouvements proliberté
d’expression, de manifestants contre la guerre en Irak
et en Afghanistan et autres
activistes de tout poil– augmentée d’une cinquantaine
de policiers, de touristes, de
centaines de médias du
monde entier et de SudAméricains très remontés.
Car l’Equateur, comme toute
l’Amérique latine, a très peu
apprécié que les autorités
britanniques menacent de
rentrer de force dans l’ambassade afin d’y arrêter
l’Australien.
Le Royaume-Uni explique
être dans l’obligation d’extrader Assange vers la Suède
pour qu’il y répondre aux
questions des juges liées à des
agressions sexuelles sur deux
ex-collaboratrices de WikiLeaks –des faits qu’il nie vigoureusement. Au final, le
Royaume-Uni s’est mis à dos
l’Equateur et une dizaine de
pays latinos qui le soutiennent. En dix minutes de discours, le cyberactiviste a dénoncé ceux qu’il accuse
d’étouffer la liberté d’expression : «Les Etats-Unis
doivent renoncer à leur chasse
aux sorcières contre WikiLeaks.» Message à l’encontre
de ceux qui, finalement, sont
tenus responsable de toute
cette affaire: les tribulations
d’Assange visent en effet à
éviter une hypothétique extradition vers les Etats-Unis,
où il pourrait être condamné
pour espionnage – passible
de la peine de mort – après
avoir publié sur le site WikiLeaks des centaines de millier de câbles diplomatiques
ultra-confidentiels.
Correspondance à Londres
CHARLOTTE KAN
FUMER LES
COFFEE­SHOPS
NÉERLENDAIS
Des adversaires d’une nou­
velle loi restreignant la
vente au Pays­Bas de has­
chisch à des étrangers ont
lancé samedi une «campa­
gne cannabis» en vue des
prochaines élections légis­
latives. Ils demandent aux
électeurs de voter pour les
partis favorables à la vente
libre de cette substance.
Leurs promoteurs, parmi
lesquels des propriétaires
de coffee­shops, s’oppo­
sent à la loi sur la «carte
cannabis» entrée en
vigueur le 1er mai dans le
sud du pays et devant être
étendue au reste des Pays­
Bas début 2013. Cette loi
prévoit de faire des coffee­
shops des «clubs fermés»
comptant au maximum
2000 membres domiciliés
au Pays­Bas et âgés de plus
de 18 ans.
RETOUR SUR LES VIOLENCES RELIGIEUSES EN INGOUCHIE ET AU DAGUESTAN
A Ramadan sanglant dans le Caucase russe
La fin du ramadan, ou Ouraza baïram,
a donné lieu ce week-end à une flambée de violences dans le Caucase
russe, dont la population est majoritairement de culte musulman. Hier
matin, un kamikaze a commis un attentat-suicide pendant les funérailles
d’un policier, tué la veille par balle,
dans une maison située dans le district de Malgobek, dans le nord de
l’Ingouchie. Sept policiers, collègues
du défunt, ont été tués. Quinze autres
personnes, dont on ignore encore s’il
s’agit de policiers, ont été blessées. Le
président d’Ingouchie, Iounous-bek
Evkourov, a dénoncé les incroyants
qui «se protègent derrière le nom de
Dieu» et ignorent les fêtes religieuses.
La veille au soir, deux hommes masqués avaient ouvert le feu dans une
mosquée chiite au Daguestan voisin,
faisant un mort et sept blessés. Juste
avant le début du ramadan, le
mufti modéré du Tatarstan, en Russie
centrale, avait été blessé dans un
attentat et son adjoint tué. Pour le
politologue Alexeï Makarkine, les
attaques perpétrées lors des fêtes
religieuses sont le fait d’islamistes
radicaux.
FRANCE
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
•
9
Par QUENTIN LAURENT
Envoyé spécial à Frangy­en­Bresse
(Saône­et­Loire)
Frangy-en-Bresse, «Arnaud» défend le redressement, et le ministre Montebourg ressasse l’antienne du
changement. Hier, le ministre du
Redressement productif était de retour dans son fief de Saône-etLoire dont il a été l’élu durant plus
de quinze ans. L’occasion pour lui
de revenir sur la mission de rétablissement économique du pays
que se sont donnée les socialistes,
tout en taclant une fois de plus Nicolas Sarkozy et «le piteux état»
dans lequel il a laissé l’économie.
«Ah ! m’sieur l’ministre» «Ah non,
moi c’est Arnaud!» rétorque d’emblée l’ancien député. Arrivé tout
sourire, il donne du «salut» à gauche à droite, serre les
RÉCIT mains et signe des
autographes. Pour
l’accueillir, un parterre de têtes
grisonnantes, une envahissante
odeur de merguez et un soleil de
plomb. Plus d’un millier de personnes sont réunies sur le terrain de
football pour célébrer la 40e fête de
la rose. Créée par Pierre Joxe
en 1973, elle marque une sorte de
prérentrée socialiste, à moins d’une
semaine de l’université d’été de
La Rochelle.
A
La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, avec Arnaud Montebourg, hier à Frangy­en­Bresse. PHOTO JEFF PACHOUD. AFP
«DU TEMPS». Traditionnel organisateur de cette fête, Arnaud Montebourg avait cette année cédé les
rennes à Cécile Untermaier, nouvelle députée qui a hérité – et gagné– l’ancienne circonscription de
Montebourg. Ce dernier avait décidé de ne pas se représenter aux
législatives après l’élection de
François Hollande. Trois mois après
la victoire de la gauche à la présidentielle, c’est encore «le changement» que Montebourg a décidé
d’ériger en étendard. «La France ne
peut pas se redresser sans passer par
la case changement», a-t-il ressassé. Il s’est évertué à défendre
l’action du gouvernement, balayant
d’un revers de manche de polo imprimé de sueur les critiques sur les
A Frangy, Montebourg,
cent jours et sans reproche
Le ministre du Redressement productif recevait, hier dans son fief, sa
collègue Marisol Touraine. L’occasion d’évoquer le thème du changement.
las Sarkozy dans le dossier syrien.
«Il veut nous proposer une guerre,
mais il a, lui, oublié de mener la
guerre à la réduction des
«Ce n’est pas en cent jours qu’on plans sociaux», a dénoncé Montebourg. Il a
change les choses. Il faut cinq
son réquisiannées pleines pour reconstruire poursuivi
toire, sorte de service
[…] notre industrie.»
après-vente de l’action
ministérielle, exigeant
Arnaud Montebourg hier à la Fête de la rose
notamment «la fin du
cent premiers jours du quinquen- laisser-faire» en matière économinat. «Ce n’est pas en cent jours que. Et s’est lancé dans un plaiqu’on change les choses. Il faut cinq doyer contre «les excès financiers»,
années pleines pour reconstruire
pierre par pierre notre industrie.»
REPÈRES
Une manière de faire passer l’idée,
comme le disait François Mitterrand, qu’«il faut donner du temps
CÔTE-D'OR
au temps». Un refrain largement
JURA
repris par Marisol Touraine. La miSAÔNEET-LOIRE
nistre de la Santé et ex-strauss-kahnienne était cette année l’invitée
Frangy-en-Bresse
d’honneur de la fête.
ALLIER
Les deux membres du gouverneMâcon
AIN
ment ont profité de cette tribune
25 km
RH.
LOIRE
pour fustiger l’immixtion de Nico-
faisant part de la volonté du gouvernement de «conduire la France
sur la route de la troisième révolution
industrielle». «Le ministère du Redressement productif, c’est le ministère du patriotisme économique», a
lancé le chantre de «la démondialisation». Et d’en appeler à la «responsabilité industrielle des actionnaires financiers de l’entreprise»,
pour qu’ils se comportent «en capitaines d’industrie plutôt qu’en rentiers actionnariaux». Un enchaînement de formules qui lui avait valu
des critiques, à droite mais également au sein des rangs de la gauche. Le sénateur écologiste JeanVincent Placé a récemment déclaré
qu’il n’était «pas convaincu par le
style» de Montebourg, arguant qu’il
laissait penser qu’il allait «résoudre
les problèmes par la parole».
Egalement interrogé sur les déclarations virulentes de Jean-Luc Mélenchon sur le début du quinquennat (lire page suivante), Montebourg
a préféré botter en touche pour ne
pas attiser la polémique. «Tout le
ARNAUD MONTEBOURG MARISOL TOURAINE
w 30 octobre 1962 Naissance.
w 1990 Avocat au cabinet
w 7 mars 1959 Naissance.
w 1988­1991 Conseillère de
de Georges Kiejman.
w 1997 Député de Saône­et­Loire.
w 2008 Président du conseil
général de Saône­et­Loire.
w 2012 Ministre.
Michel Rocard à Matignon.
w 1997 Elue députée.
w 2011 Présidente du conseil
général d’Indre­et­Loire.
w 2012 Ministre.
monde doit participer au changement, apporter sa pierre à l’édifice»,
a-t-il simplement esquivé.
ROMS. D’aucuns accusent Montebourg d’avoir mis de l’eau dans son
rosé depuis l’an dernier. «Il a maigri, blague Paul, 79 ans. Mais c’est
normal, ils lui ont pas donné le boulot
le plus facile, hein!» «Je ne pense pas
tant que ça qu’il a mangé son chapeau en rentrant au gouvernement»,
explique Mehdi, jeune sympathisant socialiste venu de Paris. «Enfin, c’est surtout qu’il est rentré dans
sa fonction de ministre et, à partir de
ce moment-là, c’est normal qu’il
suive la feuille de route de François
Hollande», reconnaît-il. «Mais c’est
vraiment sur les cinq ans qu’on
pourra voir le changement», tempère
son ami Florian, plus critique envers le gouvernement sur le récent
démantèlement d’un camp de
Roms à Lille (lire aussi page 4). Et de
déplorer : «On pensait que ce serait
différent de Sarkozy.» •
10
Passez l’été
avec Libé…
•
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
FRANCEXPRESSO
L’HISTOIRE
L’AMOUR UN
PEU RAPIDE DE
LIONNEL LUCA
Valérie Pécresse, Eric Ciotti et Laurent Wauquiez, hier, en Haute­Loire. PHOTO T. ZOCCOLAN. AFP
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LES GENS
DROITE Les soutiens du candidat déclaré à la tête de
l’UMP ont gravi hier le mont Mézenc, en Haute-Loire.
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LesamisdeFillonn’ont
paspeurdel’escalade
A trop tweeter… Le député
(UMP) des Alpes­Mariti­
mes Lionnel Luca s’est
mélangé les pinceaux
samedi soir en envoyant
sur Twitter un message
privé qu’il croyait adresser
à sa compagne, une gaffe
dont il s’est excusé hier. «Je
te laisse rentrer et te pré­
parer. Je t’aime», a écrit
Luca. Quelques heures
plus tard, un second mes­
sage du vice­président du
conseil général des Alpes­
Maritimes venait dissiper
ce malentendu: «Leçon
d’humilité: ne jamais
envoyer un SMS perso à
son conjoint pendant que
l’on tweete… un peu
d’amour dans un monde de
brutes, après tout?»
AETE12
*Cette offre est valable jusqu’au 31 décembre 2012 exclusivement pour un nouvel
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porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie
postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et,
le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir
de propositions de ces publications cochez cette case
a canicule et la période
estivale n’y changeront
rien: les candidats, déclarés ou putatifs, à la présidence de l’UMP ou leurs
amis ne cessent de s’agiter.
Ce matin, Bruno Le Maire,
ex-ministre de l’Agriculture,
confirme sa candidature
dans le Figaro. Et, hier, les
supporteurs de François
Fillon, officiellement candidat à la succession de Nicolas
Sarkozy, ont tenu à dire tout
le bien qu’ils pensent de leur
champion.
Réunis par l’ex-ministre
Laurent Wauquiez dans son
département de la HauteLoire pour une ascension du
mont Mézenc, ils ont fait assaut de flatterie : Fillon,
«c’est l’homme d’Etat qui,
demain, peut nous redonner le
goût de la victoire», a lancé le
député des Alpes-Maritimes
Eric Ciotti. Avant de renchérir à propos des qualités de
l’ancien Premier ministre
face à son rival, le secrétaire
général du parti, Jean-François Copé. Ce dernier a fait
savoir, samedi en Corse,
qu’il officialisera dimanche
prochain, dans les Bouchesdu-Rhône, sa candidature à
la présidence du parti, un
secret de polichinelle.
Cheville. Peu en reste face à
Eric Ciotti, Laurent Wauquiez a souligné qu’il fallait
désormais «reconstruire
l’UMP» : «Et, pour ça, on a
besoin de François Fillon.»
L’ex-ministre a souligné que
son leader «saura diriger
l’UMP en la rassemblant, pas
L
a expliqué que, contrairement à Fillon, il a souhaité
attendre en raison «de sa volonté de prendre le temps
HAUTE-LOIRE
d’installer une opposition». Il
Le Puy-en-Velay
en a profité pour écarter le
CANTAL
Mont Mézenc
scénario d’une guerre des
ARDÈCHE
chefs qui pourrait déchirer le
LOZÈRE
25 km
parti: «L’UMP connaîtra une
campagne électorale et non
de façon clanique».
une bagarre.»
Rien ne détourne ces fillo- Accords. Pour l’heure, les
nistes. Pas même une étude sondages n’en font pas le fad’opinion. Invitée à com- vori pour la direction du
menter un sondage du Jour- parti. Toujours selon le Journal du dimanche(1) montrant nal du dimanche, 48% des
une certaine nostalgie des sympathisants UMP souhaisympathisants UMP pour tent François Fillon comme
Sarkozy – 53% voudraient dirigeant de l’UMP, contre
qu’il soit le candidat de la 24% pour Jean-François
droite en 2017 –, Valérie Pé- Copé. NKM recueille 7%,
cresse a en effet avancé: «Le suivie par Xavier Bertrand (5%), Bruno
Le Maire (2%) et
«L’UMP connaîtra une
Christian Escampagne électorale
trosi (1%). Autre
et non une bagarre.»
enseignement de
Jean­François Copé samedi en Corse
cette enquête
d’opinion : 52%
premier défenseur du bilan des sympathisants sont faSarkozy, c’est Fillon, puisqu’il vorables à des accords élecen est le coauteur.» Nathalie toraux UMP-FN aux élecKosciusko-Morizet, elle tions locales (municipales,
aussi candidate, a souligné à cantonales, régionales), 48%
cet égard que l’absence de n’y étant pas favorables. Un
Sarkozy créait «un très grand sujet des plus clivants au sein
vide à droite». A l’origine, du premier parti d’opposiFillon devait faire sa rentrée tion, dont ni François Fillon
hier, en Haute-Loire, mais ni Jean-François Copé ne
une fracture à la cheville lors pourront faire l’économie
d’un accident de scooter sur dans leur bataille.
l’île de Capri, fin juillet, l’a
PASCAL VIROT
(1)Sondage de l’Ifop réalisé
contraint au repos forcé.
Son adversaire continue du 9 au 13 août auprès de
2000 personnes interrogées
quant à lui, sa campagne de en ligne (les sympathisants
terrain. En déplacement à UMP représentent 20% de
Ajaccio, Jean-François Copé l’échantillon).
PUY-DE-DÔME
LOIRE
MÉLENCHON
S’EN PREND
À HOLLANDE
Il n’a pas abandonné sa
posture d’éternel critique
vis­à­vis de François Hol­
lande. Pour sa rentrée,
l’ancien candidat à la prési­
dentielle qualifie de
«creux» et de «presque
rien» les cent premiers
jours du chef de l’Etat.
Dans le Journal du diman­
che, Jean­Luc Mélenchon
estime que «Hollande a
désamorcé le contenu
insurrectionnel du vote de
la présidentielle. Il l’a dilué
dans les sables des plages
du Var. Comme si l’élection
s’était résumée à une ques­
tion de personnes: un nor­
mal à la place d’un agité et
tout serait dit. Eh bien, non.
Et on ne parviendra pas à
nous faire confondre nor­
mal et social­libéral!» L’ex­
postulant malheureux à
l’Elysée et à l’Assemblée
nationale regrette aussi la
frilosité du pouvoir: «Pour­
quoi ne pas avoir passé la
loi sur les licenciements
boursiers? […] Et la loi ban­
caire? Il fallait marquer un
rapport de force avec la
finance! […] Il faut faire le
boulot maintenant! L’ater­
moiement continu laisse les
mains libres à la finance!
Assez temporisé!»
PHOTO AFP
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
FRANCEXPRESSO
Ceweek-end,lacanicule
afrappéauplushautdegré
MÉTÉO Les températures ont battu des records, mais amorcent une baisse.
UN CHAUFFEUR DE BUS EN EXAMEN
APRÈS UN ACCIDENT MORTEL À LYON
Le chauffeur du bus, soupçonné d’avoir écrasé sans s’arrê­
ter le conducteur d’un scooter, âgé de 19 ans, près de la
place Bellecour à Lyon, samedi après­midi, a été placé en
garde à vue hier. Ce conducteur des Transports en com­
mun lyonnais (TCL) était hier soir en cours d’audition dans
les locaux de la police. L’exploitation des «systèmes GPS»,
des vidéos situées dans le bus et dans la rue, ainsi que le
passage au crible du bas de caisse des cinq bus pouvant
être impliqués, en raison de leurs horaires, ont révélé des
«éléments intéressants» qui ont permis d’identifier le véhi­
cule en cause, selon la police. «L’enjeu de cette garde à
vue est de savoir si le conducteur s’est rendu compte de
l’accident», a ajouté une source policière, précisant qu’il
s’agissait d’un bus articulé. Selon les premiers éléments de
l’enquête, «une perte d’équilibre du conducteur» du deux­
roues est à l’origine de l’accident. Le jeune homme serait
tombé sous les roues du bus sans que son scooter «soit
heurté» par le véhicule des TCL. La jeune victime, qui por­
tait un casque, a été tuée sur le coup.
NUIT Un homme de 46 ans
est mort noyé samedi à Clairac en Lot-et-Garonne, après
une baignade nocturne dans
les eaux du Lot avec des
amis.
33 DÉPARTEMENTS TOUCHÉS
Moselle
Meurthe- Baset-Moselle Rhin
Haute- Vosges
Marne
HautHaute- Rhin
Saône
CôteNièvre d'Or
Doubs
Cher
Territoire
Indre
Saônede Belfort
et-Loire Jura
Allier
Creuse
HauteRhône Ain
Charente Vienne
Puy- Loire
de-Dôme
Corrèze
Isère
Dordogne
Yonne
Lot-etGaronne
Lot
Tarn-etGaronne
Gers
Tarn
HauteGaronne
e mémoire de Montgivrains, puisque c’est
ainsi que l’on appelle
les 1 714 habitants de Montgivray, on n’avait jamais
connu pareille folie thermométrique: il a fait 42,3° C, samedi après-midi, dans cette
commune de l’Indre, située
entre La Châtre et Châteauroux. Il s’agit d’un chiffre
inédit dans la moitié nord de
la France depuis que les mesures de température existent, selon Météo France. Du
coup, Montgivray en a profité pour mettre à jour sa fiche sur Wikipédia avec ce record local, et les clients de
l’Hôtel du lion d’argent, à
deux pas de la bourgade, ont
D
Vigilance orange
(jusqu’à 16 heures
aujourd’hui)
Source : Météo France
pu déguster une pertinente
«formule fraîcheur».
Pelouses. Ce week-end, on
a cherché le frais dans une
bonne partie de l’Hexagone,
où 33 départements restaient
hier en vigilance orange avec
des températures fricotant
avec les 40° C (41,5 à Châtillon-sur-Seine en Côte-d’Or). «Ils ont trop chaud
pour boire», se désolait samedi soir un patron de bistrot parisien déserté par ses
habitués, partis traquer un
peu de fraîcheur au bord du
canal de l’Ourcq et sur les
pelouses de la Villette. Les sites de Paris Plages ont été
pris d’assaut alors que les
transats devaient être défini-
tivement repliés pour cette
année en soirée. «On sait
qu’on va avoir du mal à faire
partir les gens à 20 heures»,
reconnaissait une responsable de la communication de
la mairie, affirmant que ses
services se sont «posé la
question» d’une prolongation
de l’édition 2012 avec la canicule. Mais l’option n’a pas
été retenue pour des raisons
logistiques.
«On n’a jamais connu une canicule post-15 août aussi
forte», estimait, hier, le prévisionniste de Météo France
Etienne Kapikian. Même la
nuit, dit-il, le thermomètre
est resté collé au plafond :
«On a battu quelques records
de douceur nocturne. Au sommet de l’aiguille du Midi
[massif du Mont-Blanc,
ndlr], à 3 800 m, la température n’est pas descendue audessous de 5 degrés.» Le précédent (4 degrés de température minimale) datait
de 1998. Sans battre de record, il n’a jamais fait dans la
nuit de samedi à dimanche
moins de 27,3° C à Nice, et
23° C à Toulouse.
Face à cette chaleur, le niveau 2 du plan canicule a été
décrété dans 34 départements (la Charente-maritime, sans être en vigilance
orange, a décidé d’appliquer
la procédure). Déclenché au
coup par coup par les préfets, il prévoit de regrouper
les personnes âgées dans
les pièces fraîches des établissements les hébergeant,
de veiller à leur hydratation
et de rester en lien, au niveau communal, avec celles
qui sont isolées.
A Frangy-en-Bresse (Saôneet-Loire), où elle était l’invitée d’honneur de la fête de la
rose d’Arnaud Montebourg
(lire page 9), la ministre de la
Santé, Marisol Touraine, a
jugé que la «situation» était
«parfaitement calme», soulignant qu’il n’y avait «pas
d’alerte sanitaire» et assurant
que le ministère restait «extrêmement attentif».
Eclat. La France restera
aujourd’hui en vigilance
orange canicule, mais les
températures amorceront
une baisse par l’ouest. Malgré des minimales encore
élevées au lever du jour sur
une grande partie du pays,
les maximales baisseront
d’un cran par rapport aux
jours précédents. Elles resteront quand même d’un niveau élevé sur le sud et l’est
du pays. Côté ciel, les nuages
viendront contrarier l’éclat
du soleil. Le ciel couvert et
humide le matin sur le nordouest et le nord laissera un
ciel bien nuageux en journée.
JACKY DURAND
11
L’HISTOIRE
PISCINE Une fillette de 2 ans
et demi s’est noyée vendredi
soir près de Tarbes (HautesPyrénées) dans la piscine de
la propriété de son grandpère.
A Bergerac, en Dordogne, samedi. Le département a été placé par Météo France en vigilance orange. PHOTO FRED DUFOUR. AFP
•
FEU Environ 150 000 m3 de
bois ont été détruits dans
la nuit de samedi à dimanche à Bruyères-sur-Oise
(Val-d’Oise) dans un incendie qui n’était toujours pas
éteint dans la matinée d’hier.
Le bois était rangé à l’extérieur d’une entreprise.
Le feu, qui s’est déclaré
vers 22 heures, a requis l’intervention d’une centaine de
pompiers, durant toute la
nuit et hier matin.
SANGATTE Le cadavre d’une
femme âgée d’une quarantaine d’années, rejeté par la
mer, a été découvert tôt, hier
matin, sur la plage de Sangatte, près de Calais (Pas-deCalais). La femme n’avait pas
de papiers d’identité sur elle.
Une enquête a été confiée au
commissariat de police de
Calais.
HOMICIDE L’agriculteur
de 51 ans soupçonné d’avoir
tué le nouveau compagnon
de sa femme avec son
tracteur vendredi dans
son champ à Couvertpuis
(Meuse) a été déféré, hier, au
parquet de Nancy, qui a demandé sa mise en examen
pour meurtre et son emprisonnement.
LA FIN DU RAMADAN CÉLÉBRÉE HIER
Le ramadan s’est achevé hier (comme ici à Marseille, lors
d’une prière au parc Chanot) avec la fête de l’Aïd­el­Fitr,
qui marque la fin de ce mois sacré de l’islam. Dans un
message aux musulmans de France, François Hollande
leur a adressé «tous [ses] vœux de bonheur, de santé et
de réussite». «Je souhaite que cette fête du pardon, du
partage et du souci de l’autre, contribue à la concorde,
dont notre nation a tant besoin», a indiqué le Président,
tout en soulignant le caractère «indéfectible» de la laïcité,
«qui assure la liberté de conscience comme elle garantit
la liberté religieuse». Selon un sondage paru il y a un an,
71% des musulmans de France (60% en 1989) observent
le jeûne tous les jours du ramadan. PHOTO CLAUDE PARIS. AP
12
•
ECONOMIE
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
REPÈRES
Fondée en 1932, la maison Ricard est
devenue le groupe Pernod­Ricard
en absorbant son rival en 1975.
Numéro 2 mondial des spiritueux avec
7,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires
et plus de un milliard de profits en 2011,
le groupe emploie 18000 salariés
dans le monde, dont 15% en France.
w 1989 Rachat des vins australiens
Jacob’s Creek.
w 1993 Joint­venture avec Havana Club
(rhum).
w 2001 Revente d’Orangina et rachat
de Seagram.
w 2005 Double de taille avec le rachat
du géant des spiritueux Allied Domecq.
w 2008 Acquisition du suédois Absolut
Vodka.
«L’internationalisation
du groupe s’est faite avec
Patrick. Mon stagiaire a
su reprendre le flambeau.»
Charles Pasqua qui a travaillé chez Ricard
de 1952 à 1967, hier dans le JDD
JDD: «Il n’y a jamais eu de grève à Pernod-Ricard : il donnait tellement à ses salariés…» Il
avait pourtant débuté sous la férule d’un dénommé Charles Pasqua, alors homme de
confiance de son père.
FLACONS. C’est entre le Vieux-Port et Bandol que la saga familiale avait commencé
en 1932, quand le marchand de vins Paul RiPatrick Ricard, en juillet 2011. Le groupe possède aussi le whisky Chivas, les champagnes Mumm ou le rhum Havana Club. PHOTO KHANH RENAUD. SIPA card, surfant sur la prohibition de l’absinthe,
avait eu l’idée de génie de proposer une
anisette prête à servir. De l’alcool à 45°, de
l’anis, une touche de réglisse… Jusque-là
chaque bistrot préparait son propre breuvage. Son fils, Patrick, a vu bien plus grand
que ce «petit jaune» célébré toute l’année à
Marseille et dès les premiers rayons de soleil
dans le reste l’Hexagone, mais peu siroté en
dehors de nos frontières.
A partir de la marque Ricard, navire amiral
du groupe (avec le groupe Pernod racheté
en 1975), ce grand patron «qui ne la ramenait
Par JEAN­CHRISTOPHE FÉRAUD
de succession prématurées». La date des obsè- de la réussite française dans le monde». Au pa- pas» – dixit l’ami du CAC 40 François Piques n’avait pas encore été fixée par la fa- radis des bistrotiers, cela doit faire sourire ce nault– avait édifié un empire de spiritueux.
a patrie du pastaga a les boules. Elle mille et aucun conseil d’administration n’a grand timide qui n’aimait pas les mondani- Se lançant à l’assaut du monde à coup d’aca perdu son papa, plus exactement le été convoqué pour l’heure. Une chose est tés. L’autodidacte –il avait arrêté ses études quisitions audacieuses (Seagram en 2001,
fils prodigue de l’inventeur du petit sûre, Patrick, qui déclarait au Point, il y a pile en troisième, son paternel considérant que Allied Domecq en 2005, Absolut en 2008).
jaune : Patrick Ricard, président du un an: «J’ai la forfanterie de penser que je n’ai l’entreprise familiale était la meilleure école Aux quatre coins de la planète, des centaines
groupe Pernod-Ricard et héritier de Paul pas été radicalement mauvais», voulait un d’un héritier– se moquait du Paris des énar- de millions de consommateurs descendent
Ricard, est mort vendredi à l’âge de 67 ans. Ricard sinon rien pour lui succéder.
ques et des dîners en ville, leur préférant la sans le savoir des flacons appartenant au
A l’heure de la sieste et à quelques jours de
Méditerranée et la compagnie de son bateau Français: whisky Chivas, Jameson ou Glenlila Fête de l’Huma, dont la maison Ricard fut PATERNALISTE. Bien que père de trois en- et du gibier. Ce qui ne l’empêchait pas vet, cognac Martell, gin Beefeater, rhum Halongtemps partenaire… Il avait été transféré fants, dont deux œuvrant dans le groupe
vana Club, vodka Absolut,
à l’hôpital Sainte-Anne de Toulon après avoir –Paul-Charles, 29 ans, «international brand C’est près de Bandol que la saga familiale
mais aussi champagnes
été terrassé par une crise cardiaque dans son manager» chez Mumm, et Lorraine, aux reMumm ou Perrier-Jouët…
avait
commencée
en
1932,
quand
le
hamac dans sa propriété de l’île de
lations publiques chez Ricard SA –,
Aujourd’hui, la France ne
marchand
de
vins
Paul
Ricard,
surfant
sur
Bendor au large de Bandol (Var).
compte plus que pour 10% du
PROFIL ce sera sans doute son neveu AlexanA la tête du groupe familial dedre Ricard, 40 ans, qui reprendra le la prohibition de l’absinthe, avait eu l’idée
chiffre d’affaires.
puis 1978, Patrick Ricard avait pris du recul flambeau. Il l’a préparé à cette charge en le de proposer une anisette prête à servir.
Patrick Ricard, qui devrait reen 2008, gardant un œil acéré sur la stratégie, bombardant l’an dernier à la tête du réseau
poser aux côtés de son père
mais laissant la gestion des affaires au quoti- de distribution. Et Alexandre est déjà mem- d’aimer l’art et l’opéra. Taiseux mais pas sur l’île des Embiez, laisse derrière lui une
dien à son fidèle bras droit: Pierre Pringuet, bre du comité exécutif.
bourru, plus paternaliste que social («Je «world company» en pleine forme (l’action
le directeur général de Pernod-Ricard, un «Patron visionnaire», «réussite exemplaire»… crains que l’ISF ne me pousse à quitter la a bondi de 65% en trois ans). Le capital de
polytechnicien qui a fait l’essentiel de sa car- Tout le week-end, le monde politique et éco- France» déclarait-il en 2007), l’homme était Pernod-Ricard est verrouillé par la famille
rière dans l’entreprise. De ce point de vue, la nomique a rivalisé d’hommages. Le ministre proche de l’UMP mais savait que ses alcools (14,3% des actions et 20% des droits de vote)
continuité à la tête du géant français des spi- de l’Economie, Pierre Moscovici, a déploré étaient bus «par tout le monde, à gauche et son allié belge Albert Frère. A priori, l’emritueux –le numéro 2 mondial derrière le bri- «une lourde de perte pour la communauté des comme à droite». Ce boss à l’ancienne était pire anisé n’est pas soluble dans une OPA.
tannique Diageo– était déjà assurée. Hier, à entrepreneurs français dont notre pays a tant apprécié de ses collaborateurs. Ami proche, Patrick voulait en faire le numéro 1 mondial
la direction de Pernod-Ricard, un ruban noir besoin en cette période de crise». Son collègue Michel Montana, pilier du journal commu- des vins et spiritueux. Ce sera à la troisième
sur le jaune, on jugeait «toutes les questions Montebourg a salué un patron «emblématique niste la Marseillaise, rappelait hier dans le génération Ricard de relever ce défi. •
PatrickRicard,anissoit-il
Le fils de l’inventeur du pastis et président du groupe Pernod-Ricard
est mort vendredi à 67 ans, laissant derrière lui un empire serein.
L
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
«Nous devons
demeurer au sein de
la zone euro, parce
que c’est l’unique
choix qui peut nous
protéger d’une
pauvreté que nous
n’avons encore
jamais connue […].
Nous avons l’Etatprovidence le plus
onéreux de la zone
euro, nous ne
pouvons plus
le préserver à coup
d’emprunts.»
ECONOMIEXPRESSO
MyFerryLink,uneautre
pairedeManche
13
LES GENS
MARITIME Deux des trois navires de l’ex-SeaFrance
doivent reprendre la mer aujourd’hui.
PIERRE MOSCOVICI MAINTIENT SES
OBJECTIFS DE CROISSANCE POUR 2013
Yannis Stournaras ministre
grec des Finances, hier
L’HISTOIRE
DES FRUITS
ET LÉGUMES EN
ORDRE DE MARGE
Distribution de fruits et
légumes «au juste prix».
La confédération syndicale
agricole des exploitants
(Modef) va écouler mer­
credi, place de la Bastille à
Paris et dans 27 villes de
banlieue, 40 tonnes de
tomates, salades, melons,
prunes et autres nectarines
directement sortis du semi­
remorque au prix produc­
teur. Objectif: dénoncer
«les marges abusives» de la
grande distribution. «Les
circuits longs développés
par la grande distribution
dégradent les fruits et légu­
mes, éloignent le consom­
mateur de l’agriculteur, et
les grandes surfaces pren­
nent des marges abusives
inacceptables», a expliqué
le Modef. Dans le cadre de
cette opération, le kilo de
tomates devrait être vendu
1,5 euro (contre 2,5 euros
minimum dans les hypers
qui l’achètent aux produc­
teurs entre 75 et 80 centi­
mes). Le secrétaire général
du Modef, Raymond
Girardi, mise sur ce coup
de pub pour interpeller
l’Etat et l’amener «à jouer
son rôle pour protéger le
pouvoir d’achat des agri­
culteurs et des consomma­
teurs». Le chaland, lui,
appréciera cette petite
aubaine en temps de crise.
•
Arrivée des bateaux de My Ferry Link au port de Calais, le 10 août. PHOTO J­P BRUNET. MAXPPP
ls doivent partir tôt ce
matin de Calais, la fleur à
la proue, dans l’espoir de
«reconquérir le détroit» du
Pas-de-Calais. Le Berlioz et le
Rodin, deux des trois navires
de l’ex-SeaFrance –la filiale
de la SNCF liquidée en janvier –, doivent reprendre la
mer pour Douvres (Angleterre), l’un à 5 h 30, l’autre
vers 7 heures. Sous le nouveau nom anglo-saxon de la
compagnie, My Ferry Link,
mais repeints en bleu-blancrouge. Rachetés par Eurotunnel en juin, ils restent
en effet sous pavillon français.
Féroce. A bord, quelques
routiers et la nouvelle direction sont attendus, alors que
les bateaux ont une capacité
de 1900 passagers et 120 camions chacun. «Nous n’attendons pas de miracles, l’objectif dans l’immédiat est de
mettre des navires en service,
pour dire qu’on existe, que My
Ferry Link n’a rien de virtuel»,
explique Jean-Michel Giguet,
le président du directoire de
la nouvelle société d’exploitation constituée en coopérative ouvrière (Scop) et for-
I
mée par les anciens de
SeaFrance.
Et ensuite? Il faudra se battre
face à une concurrence féroce. Depuis l’arrêt de SeaFrance, le britannique P&O
Ferries a augmenté sa flotte,
et Louis Dreyfus Armateurs,
associé au danois DFDS, a
mis en service deux navires.
«Nous avons tout l’hiver pour
préparer la saison 2013 et retrouver une activité normale»,
encore, pour parvenir à ce
niveau, il faudra qu’un troisième bateau, le Nord-Pasde-Calais, soit remis en service cet automne.
«Proximité». Quelles armes
compte utiliser My Ferry
Link pour relever le défi ?
«D’abord, la qualité et le confort des navires, qui ont fait
leurs preuves et ont été repeints et nettoyés», répond
Jean-Michel Giguet. «Ensuite, et surtout, l’extrême
«Notre objectif est de mettre
motivation du
des navires en service pour
personnel,
dire qu’on a rien de virtuel.»
constitué de
85% à 90%
Jean­Michel Giguet président
d’ex de Seadu directoire de My Ferry Link
France. Et une
indique Jean-Michel Giguet. gestion de proximité, avec une
Cet ancien de Brittany Fer- direction qui soutient plus
ries vise de «12% à 14%» de qu’elle ne contrôle.»
parts de marché pour le fret Preuve du nouvel état d’eset de «8% à 10%» pour l’ac- prit : le transfert du siège de
tivité passagers… contre 18% Paris à Calais. Impossible, en
réalisés par SeaFrance l’an revanche, d’utiliser l’arme
dernier.
low-cost qui «ne veut rien
Côté effectifs, il espère envi- dire dans le maritime, car touron 520 emplois en France et tes les compagnies doivent
70 en Angleterre en 2013, partir du même port». Prix de
contre 395 emplois aujour- la traversée : environ
d’hui. Loin des 880 postes 50 euros.
que comptait SeaFrance. Et
CORALIE SCHAUB
La crise n’a pas pris de vacances, le gouvernement un
peu. Mais le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici,
sonne l’heure de la rentrée gouvernementale avant même
le premier Conseil des ministres, mercredi: «Le désen­
dettement est un impératif afin de conserver notre souve­
raineté et la maîtrise de notre destin», martelait­il hier
dans les colonnes du JDD. Bref, au moment de s’attaquer
au mur du budget 2013, pas question de dévier d’un
pouce de l’objectif: ramener le déficit public français
à 3% à la fin de l’an prochain (contre 4,5% cette année).
La tâche s’annonce ardue puisqu’il s’agira de trouver
33 milliards d’euros en réduction de dépenses et impôts
nouveaux. Alors que la croissance est au point mort cette
année, le patron de Bercy maintient la prévision du gou­
vernement d’une progression du PIB de 1,2% pour 2013.
Une révision en baisse «n’est pas d’actualité» et une faible
hausse de la croissance «n’est pas une fatalité». Les éco­
nomistes sont sceptiques, mais Pierre Moscovici y croit:
«Dès lors que nous sommes capables de relancer la dyna­
mique en Europe et en France, nous avons un réel poten­
tiel de croissance en 2013.» En attendant, l’heure est au
tour de vis dans les dépenses publiques et au «redresse­
ment [lire hausses d’impôts, ndlr] dans la justice». PHOTO AP
1000
C’est, en milliards de dollars (810 milliards d’euros),
le montant faramineux de la dette étudiante aux Etats­
Unis, selon une étude présentée, hier, au congrès de
l’Association sociologique américaine. Les diplômés, qui
doivent emprunter aux banques pour financer leurs
chères études, sont sortis de l’université avec une dette
moyenne de 25250 dollars (20468 euros) en 2010.
BANQUE Bob Diamond,
l’ancien directeur général de
Barclays emporté en juillet
par le scandale de la manipulation de taux interbancaires, a vivement contesté
samedi un rapport de la
commission des finances du
Parlement mettant en cause
la sincérité de son témoignage.
BIÈRES Le numéro 1 mondial
AB Inbev va devoir convaincre les autorités américaines
qu’il peut racheter la fameuse bière mexicaine Corona, l’une des plus vendues
au monde, sans nuire à la
concurrence.
DOUX Les offres de reprise
du pôle frais du volailler doivent être «améliorées», a indiqué samedi le ministre de
l’Agriculture, Stéphane
Le Foll, qui regrette le flou
autour du plan de continuation des dirigeants du
groupe. Cinq offres de reprise partielle de Doux frais,
en liquidation judiciaire, ont
été déposées au tribunal de
commerce de Quimper (Finistère), menaçant plus d’un
millier d’emplois sur 1 700.
Et aussi: un tour d’horizon des expressions à la con,
une librairie branchée à Milan, un quiz spécial cagoles…
Le barnum
de l’auditorium
La plasticité
physique et
acoustique de la
salle abritera tous
les effectifs et styles
de musique
imaginables.
PHOTO ATELIERS JEAN
NOUVEL. ARTEFACTORY
[EN CHANTIER] Tout l’été, déambulation au cœur de constructions,
réelles ou imaginaires. Aujourd’hui, la salle de concert de la
philharmonie de Paris.
Par ÉRIC DAHAN
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
D
epuis le boulevard périphérique, juste avant d’arriver à la porte de Pantin,
le chantier semble pharaonique. Encore faut-il
y prêter attention. Combien de Parisiens continuent de demander,
II •
EN CHANTIER
dix-sept ans après son inauguration, quel est le bâtiment, adjacent à ce
chantier, sur lequel est pourtant écrit
en toutes lettres : Cité de la musique ?
Le chantier en question, c’est celui de
la philharmonie de Paris. Cette salle de
concert faisait partie du projet initial de
Maurice Fleuret et Jack Lang pour la
Cité de la musique, mais sa construction
fut abandonnée en 1987. Le terrain servit donc, jusque récemment, de parking
aux visiteurs du Zénith, situé non loin
dans le parc de la Villette. Quant aux
mélomanes, ils continuèrent à aller
écouter leurs orchestres favoris dans
des salles non prévues à cet effet,
comme le théâtre des Champs-Elysées,
le théâtre du Châtelet ou la salle Pleyel,
construite en 1927 pour abriter des concerts, mais dont l’acoustique –bien que
considérablement améliorée en 2005–
n’est toujours pas idéale.
Alarmes et inquiétudes
L’absence d’une salle de concert digne
de ce nom dans une capitale qui se
targue d’être la plus belle ville du
monde, sinon la plus visitée, est révélatrice de l’inculture musicale de nos élites. Au XIXe siècle, Berlioz se plaignait
déjà de l’absence d’une salle de concert
à Paris. La France est, de fait, un pays de
mots et d’idées, et la musique, contrairement au théâtre, offre peu d’occasions d’empoignades idéologiques sur
la société. A l’annonce, il y a cinq ans,
de la décision conjointe de l’Etat, représenté par Nicolas Sarkozy, et de la ville,
représentée par Bertrand Delanoë, de
financer à parts égales (158 millions
d’euros chacun), avec la participation
de la région Ile-de-France (20 millions),
la construction d’un grand auditorium,
certains se sont alarmés : cet équipement dont le premier bénéficiaire sera
l’Orchestre de Paris, résident principal,
est-il bien nécessaire? D’autres se sont
inquiétés du vieillissement du public de
la musique symphonique, qui pose
deux problèmes : celui du remplissage
d’une nouvelle salle de 2 400 places et
celui du public qui la remplira, sachant
que celui des beaux quartiers, soit de
Pleyel et du théâtre des Champs-Elysées, ne se déplacera pas nécessairement porte de Pantin, et considérant
symétriquement que les riverains de la
porte de Pantin, côté Paris comme côté
banlieue, ne sont pas encore répertoriés
comme mélomanes endurcis.
Sur ces questions, Laurent Bayle, actuel
directeur de la Cité de la musique et de
Pleyel et président du conseil d’administration de la philharmonie de Paris,
s’est déjà exprimé. Pour lui, l’offre crée
la demande. Si l’on ne propose rien de
nouveau, il ne faut pas s’attendre à un
renouvellement du public, tant générationnel que social. Aussi spectaculaire
que soit le bâtiment construit par Jean
Nouvel, ce chantier, qui marque une
étape dans le développement du Grand
Paris, n’est donc pas qu’architectural.
Ce qui s’y construit, c’est le Paris culturel de demain dans lequel la musique
jouera à parts égales avec la peinture
–qui ne manque pas, elle, d’établissements prestigieux où être exposée.
C’est un fait, les grands orchestres adu-
La future grande salle de concert pourra accueillir jusqu’à 3650 personnes. PHOTO ATELIERS JEAN NOUVEL. ARTEFACTORY
lés par les mélomanes sont tous rattachés à une salle de concert. Qui a déjà
entendu le philharmonique de Vienne,
le Concertgebouw d’Amsterdam, le
philharmonique de Berlin et le
Gewandhaus de Leipzig dans leurs salles respectives peut en témoigner : ces
formations ont forgé leur son dans des
télévision jugée ringarde, s’échangent
toutes sortes de fichiers gratuits et
croisent, miracle de la Toile, la musique
classique, sans même l’avoir cherchée.
Parallèlement, l’opéra, victime de son
succès médiatique, de metteurs en
scène incompétents et de chanteurs
médiocres montés en épingle, est peutêtre en train de mourir,
ce qui est une chance
pour la pure musique.
Ces deux facteurs pourraient expliquer que,
dans de nombreuses
villes d’Europe (Londres, Munich, Barcelone, Madrid, Rome, Saint-Pétersbourg, etc.) et du monde, notamment
aux Etats-Unis et au Japon, on construise des auditoriums pour la musique
symphonique. De Frank Gehry à Jean
Nouvel en passant par Jacques Herzog
et Pierre de Meuron, Christian de Portzamparc, Rem Koolhaas et Renzo Piano,
on ne compte plus les grands architec-
Alterner musique de chambre,
baroque, symphonique,
contemporaine, rock…
acoustiques remarquables.
Lorsqu’ils se produisent à Paris, ces orchestres sont physiquement et acoustiquement à l’étroit, ils sonnent courts de
souffle, pauvres en couleurs, ou au contraire épais et criards. Heureusement,
cela va changer. Avec l’arrivée d’Internet, l’hégémonie de la culture pop s’est
fissurée: les jeunes ne regardent plus la
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
tes qui ont récemment concouru pour
la construction d’une ou de plusieurs
salles de concert.
Un lieu de socialisation
L’enjeu de ces nouveaux auditoriums
n’est pas seulement d’offrir des conditions d’écoute optimales au public, de
confort pour les musiciens et de s’assurer une rentabilité économique en disposant de salles de répétition suffisantes
pour enchaîner des programmes. C’est
aussi et surtout d’être des lieux de socialisation et d’éducation, où l’on peut
voir des expositions, acheter des livres
ou des disques, se restaurer, s’informer
sur la musique grâce à une médiathèque
et des ateliers d’initiation. Fort de son
expérience à la Cité de la musique, qui
comprend déjà deux petites salles de
concert et un musée de la musique, le
projet de Laurent Bayle pour la philharmonie de Paris se veut exemplaire. Selon lui, «les politiques artistiques établies
EN CHANTIER
Du haut de ses 37 mètres,
la philharmonie de Paris
couronnera l’activité
artistique du parc de
la Villette. PHOTO ATELIERS
JEAN NOUVEL. ARTEFACTORY
Une représentation de la grande salle de répétition. PHOTO ATELIERS JEAN NOUVEL. ARTEFACTORY
en France depuis la fin des années 90 consistant à offrir aux jeunes une programmation spécifique n’ont pas suffi à créer
un engouement pour la musique symphonique. Le cœur du projet pédagogique de
la philharmonie ne reposera donc pas sur
de simples concerts ou spectacles éducatifs mais sur des ateliers de pratique produits à grande échelle pour sensibiliser les
enfants à la musique par un contact direct
avec les instruments et le son. Il s’appuiera sur la magie du monde orchestral
et tentera de relever trois défis majeurs :
démocratiser l’éducation musicale, créer
le public de demain et ouvrir les orchestres
sur la cité».
Lauréat du concours international organisé en 2007, Jean Nouvel a dû imaginer
un bâtiment de 20000 m2 qui non seulement réponde à cet ambitieux projet,
mais s’inscrive dans le parc de la Villette. Du haut de ses 37 mètres, la philharmonie de Paris couronnera donc
l’activité artistique du parc qui, en plus
des deux salles de la Cité de la musique
(une de 900 places et une autre de
250 places), contient les trois salles du
Conservatoire national supérieur de
musique et de danse de Paris, le Zénith
(6 300 places), la salle Charlie-Parker
(1600 places) de la Grande Halle, le Trabendo (600 places), le Cabaret sauvage
(1000 places), le Théâtre Paris-Villette
(150 places), le Tarmac (156 places), la
salle de projection de la Géode
(400 places), l’amphithéâtre GastonBerger de la Cité des sciences et de l’industrie (900 places) et le Grand Studio
du Centre national de la danse à Pantin
(139 places). Choisis parmi 98 candidats, Jean Nouvel et ses ateliers ont convaincu le jury par leur capacité à répondre à plusieurs exigences majeures : le
confort du public et sa proximité physique avec les musiciens, la plasticité
physique et acoustique de la salle devant accueillir tous les effectifs instrumentaux et styles de musique imaginables, le respect des nouvelles normes
énergétiques et environnementales, et
la prise en compte de tous les handicaps
possibles (moteurs, visuels, auditifs)
pouvant affecter les utilisateurs.
«Boîte à chaussures»
Si la philharmonie de Berlin, conçue par
Hans Scharoun et inaugurée en 1963, a
longtemps servi de mètre étalon des
salles de concert, avec son agencement
des sièges «en vignoble» autour de
l’orchestre, elle n’a pas totalement supplanté l’ancien modèle dit de «boîte à
chaussures», l’une des raisons étant la
distance entre les sièges les plus haut
placés et l’orchestre, et la difficulté, en
l’absence de balcons, de multiplier les
réflexions précoces et latérales du son,
garantes de la clarté acoustique de la
salle. Le projet conçu par Jean Nouvel
et lancé en 2009 réalise donc un compromis entre l’architecture frontale des
auditoriums type philharmonie de
Vienne, et celle, organique et enveloppante, de la philharmonie de Berlin. La
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
• III
plus grande distance entre les spectateurs et la scène a été ramenée à 32 mètres, et la création d’un volume acoustique extérieur à celui, actif, de
30500 m3 assurera une réponse tardive
du son qui, combinée aux réflexions
précoces, créera une sensation d’enveloppement et de bain sonore. Cette enveloppe volumétrique, en plus d’être un
cocon isolant des bruits extérieurs, recevra, comme un cyclorama, des éclairages différents en fonction des programmes. A cela, il faut ajouter pléthore
de réflecteurs acoustiques –«nuages»
fixes, «nez» de balcons, murs «rubans» situés derrière le public, canopée
réglable en hauteur et autres panneaux
sous le plafond redirigeant latéralement
les sources sonores afin d’éviter le dangereux effet de dôme.
La lecture du copieux rapport acoustique préliminaire de Harold Marshall,
conseillé par le fameux Yasuhisa
Toyota, montre à quel point il n’y a pas
de modèle convenant à tout type de
musique, mais que l’on peut, en conduisant des tests sur des maquettes informatiques et physiques, répondre à
beaucoup d’exigences – la principale
étant d’assurer la même acoustique à
tous les auditeurs et d’offrir aux orchestres symphoniques un temps de réverbération idéal de 2,3 secondes, qui peut
être allongé pour les concerts d’orgue
ou de musique sacrée afin de simuler
l’acoustique d’une église.
Dès son ouverture, cette salle-instrument permettra donc d’alterner, dans
une même journée, musique baroque,
symphonique, de chambre, contemporaine, rock, jazz ou world, en déplaçant
le plateau et en rétractant des rangées
de gradins pour accueillir jusqu’à
3650 personnes. Posé sur une butte artificielle, le vaisseau futuriste de neuf
étages, dont cinq pour la salle de concert et deux pour le parking en soussol, sera visible de jour comme de nuit
avec sa vêture en fonte d’aluminium,
ses écailles en inox miroitantes et son
écran vertical, haut de 52 mètres, affichant le programme. On pourra y accéder directement par une sortie de périphérique, ou par l’une des différentes
entrées terrestres, selon que l’on utilise
les transports en commun ou que l’on
vienne à pied par le parc. Avec son assemblage de plans obliques formant
rampes, emmarchements et parvis, la
philharmonie sera une invitation à la
promenade. Dans la continuité des «folies» rouges de Bernard Tschumi balisant le parc, le complexe abritera une
«grotte», soit un jardin horizontal sous
le bâtiment, ponctué de bassins, de rideaux d’eau, de fontaines et de grands
traits de lumière naturelle, permettant
aux promeneurs de se protéger des intempéries. Enfin, le toit, véritable belvédère accessible à tous, offrira un
point de vue unique sur le parc, Paris et
sa banlieue.
Le soir de l’inauguration de la philharmonie, en septembre 2014, nul doute
que nombre de musiciens de l’Orchestre de Paris et de mélomanes s’y exclameront : «Il était temps !» •
[DEMAIN: LA FONDATION
BARNES À PHILADELPHIE]
IV •
SÉRIE
[BROUILLON DE CULTURE 1/6] Conseils au romancier qui sommeille en vous.
Par ÉDOUARD LAUNET
Laissez parler votre sensibilité
C’
est l’été: profitez-en pour
écrire votre premier roman. Nous vous fournissons la première phrase
(primée par le prix américain Lyttle
Lytton du pire incipit) ainsi que quelques conseils.
«Monica avait explosé, et j’avais sur les
bras une drôle d’énigme, ainsi que des
fragments de son pancréas.»
Il est clair qu’une telle introduction doit
vous orienter vers un roman noir, pas
dans la rédaction d’un traité d’anatomopathologie. Quoique: la description
de morceaux de pancréas peut intéresser un certain public. Il y a sûrement
plein de détails intéressants à donner :
tant de gens sont incapables de distinguer un pancréas d’une rate ou d’un
foie, entiers ou en miettes. Notez tout
de même qu’un polar a de meilleures
chances de se vendre.
Monica a donc explosé, et, inévitablement, le lecteur ne va pas tarder à se
demander : «Comment ? Pourquoi ?
A quelle heure?» Vous devrez apporter
des réponses précises à chacune de ces
questions, mais pas nécessairement
tout de suite. Peut-être même pouvezvous carrément éluder le «pourquoi»:
il est bon parfois de laisser planer un
certain mystère. En revanche, il est impératif de présenter Monica au lecteur.
Est-ce, ou plutôt était-ce une belle
fille? Disons, c’est une suggestion, que
c’était une grande rousse de 45 ans, célibataire, fille d’un huissier de justice et
d’une éducatrice spécialisée, locataire
d’un deux-pièces dans le XIe arrondissement de Paris, fagotée comme un sac,
assez bonne partenaire au lit, diplômée
de sociologie, sans emploi. Enfin, avant
l’explosion.
Et vous, le narrateur, qui êtes-vous
dans cette histoire ? Une femme, un
homme, un avocat, un démineur, un
flic ? Un peu de tout ça à la fois ? Et
quelle est votre relation à Monica :
amant, frère, cousin issu de germain ?
S’il y a eu vie commune, il serait bon
d’en rappeler deux ou trois épisodes. La
fois, par exemple, où vous avez étranglé
le chat de Monica avec son soutiengorge (à elle) parce qu’il avait pissé dans
vos chaussons.
Etait-ce un meurtre ou un accident? Et
pourquoi l’incipit parle-t-il d’énigme?
Il faut ici laisser parler votre sensibilité
et votre imagination. Personnellement,
nous poursuivrions une piste «Farces et
attrapes». Vous (le narrateur) avez offert à Monica un cigare explosif, ou
peut-être un coussin péteur, articles
qui font toujours rire. Mais la charge a
été extrêmement mal dosée dans le cigare, ou introduite par erreur dans le
coussin: en principe, le coussin péteur
couine mais ne pète pas vraiment.
Monica a désormais la moitié du visage
en moins, ou bien elle est amputée
d’une fesse, et l’explosion a été assez
forte pour toucher le pancréas ainsi que
d’autres organes internes. Vous étiez
sur les lieux du drame puisque vous
avez sur les bras des fragments de son
pancréas. Décrivez ce moment de stu-
peur, la fumée qui se dissipe, l’odeur,
vos éventuelles blessures si vous étiez
très près. Détaillez vos impressions.
«J’ai peur que Monica ne soit gravement
blessée» est une réflexion que vous pouvez vous faire in petto. Mais il y a sans
doute plus original.
Ensuite, il est possible de donner une
coloration sociale au roman. Vous partez en Chine, où l’article a été fabriqué,
pour tenter de trouver le ou les responsables de ce carnage. Vous découvrez
les horribles conditions de travail dans
l’usine JokeShop Inc., en lisière d’une
ville improbable de la province du
Guandong. Placez ici une scène de sexe
nécessairement torride avec la responsable des relations extérieures de l’entreprise. Et n’oubliez pas de mentionner que la fonction exocrine du
pancréas consiste en la sécrétion d’enzymes dans le duodénum par le canal
de Wirsung.
[DEMAIN: CONSTIPATION
ET ATTERRISSAGE]
[EXPRESSIONS À LA CON 1/6] Dans les médias, avec la boulangère, au bureau, nos conversations
sont ponctuées de dérives à répétition. Focus sur nos tocs de langage.
Q
uiconque a passé plus d’un
quart d’heure dans une entreprise en qualité de salarié
sait à quel point on peut y
pratiquer un métalangage hermétique
pour le profane. Chaque terme, chaque
expression possèdent une infinité d’interprétations selon les circonstances
dans lesquelles a lieu la conversation,
de la position hiérarchique de celui qui
use et abuse de ce charabia par rapport
à celui qui doit en subir l’écoute et de la
perversité des rapports humains qui
unissent les deux personnages. Ou plutôt les opposent.
Prenons l’exemple éclairant de «définir
le périmètre». Généralement prononcée
par les membres de la caste supérieure
de l’entreprise à l’attention de la piétaille, cette locution n’est qu’un simple
paravent capable de masquer des situations diverses, voire opposées. C’est en
ces termes qu’un chef d’entreprise peut
expliquer qu’il est sur le point de foutre
à la porte 95% de ses employés car,
compte tenu de l’augmentation spectaculaire du chiffre d’affaires de sa boîte,
il n’a pas d’autre choix que de construire une usine trois fois plus vaste au
Mexique. Evidemment, il est très affecté
par cette décision, d’ailleurs il a renoncé
à reprendre deux fois des profiteroles à
midi, mais il doit faire preuve d’une volonté inflexible. Dans ce cas, «redéfinir
le périmètre» signifie que les anciens
employés n’en font pas partie.
Autre exemple, un dirigeant devant
faire face aux idées audacieuses de ses
Par BRUNO ICHER
Définir
le périmètre
jeunes loups de subordonnés. Cas de figure récurrent, il ne comprend pas une
broque de ce dont on lui parle. Evidemment, il ne peut pas admettre qu’il est
largué et, de surcroît, il doit donner des
gages de sa qualité d’écoute. Il lui suffit
alors de prendre un air intéressé mais
perplexe, suggérant à ses interlocuteurs
qu’ils sont bien gentils mais qu’ils ne
mesurent pas les conséquences de leur
proposition, puis de lâcher un énigmatique : «Il faut redéfinir le périmètre.»
Tandis que l’auditoire se perdra en
conjectures, le chef d’entreprise devrait
avoir le temps de faire une demi-douzaine de parcours de golf.
Les variantes sont si nombreuses qu’il
convient de consulter un de ces guides
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
de management qui meublent les rayons
des mauvaises librairies. «Concernant
un projet lié aux systèmes d’information,
le périmètre total est l’identification et le
recensement des applications/modules
impactés par le projet.» Voila qui est soudain très clair.
[DEMAIN: «J’AI ENVIE DE DIRE»]
• V
PHOTO
[MÉTAMORPHOSES ULTIMES 1/6]
Vanités vitaminées
DIMITRI TSYKALOV
Né en 1963 à Moscou.
Vit à Paris.
Série: «Skulls» (courtesy galerie Rabouan­
Moussion).
Rens.: www.dimitritsykalov.com
Dimitri Tsykalov, peintre et sculpteur
de formation, préfère l’antimatière. Il
puise dans son réfrigérateur et dans les
rayons des supermarchés la chair vivante de sa sculpture –il a aussi réalisé
une puissante série à base de viande
crue («Meat»). Dans les tableaux classiques de vanités, il y avait un crâne
posé à côté de fruits ou de fleurs. Là,
Tsykalov fait d’une pierre deux coups,
en résumant le concept même de nature
morte : le crâne est le fruit. Ces photo-
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
graphies pleines d’humour noir nous
renvoient des portraits grimaçants.
Pour le photographe russe, nos étals de
supermarchés si bien fournis sont comparables à des cimetières. Et notre avenir à tous est la pourriture. Amer.
VI •
FEUILLETON
Escale hype milanaise
[LES PLUS BELLES LIBRAIRIES D’EUROPE 1/6] De la vénérable institution au concept store,
balade parmi des rayonnages singuliers. Aujourd’hui, le 10 Corso Como.
Par CLÉMENT GHYS
I
l est assez facile de louper le
10 Corso Como et de tourner de
longues minutes dans cette voie
piétonne du nord de Milan à la
recherche d’un indice, d’un panneau. Même si le lieu est répertorié par
toutes les revues de la branchouillerie
internationale et que, c’est bête comme
chou, son adresse lui sert de nom. Petit
conseil pratique: pour trouver l’entrée,
suivre le cortège de dames très chics en
talons (de 12, s’il vous plaît), des shopping bags à ne plus savoir qu’en faire
dans les mains, et dépasser la porte cochère, encastrée dans le mur végétal
extérieur. Vous voilà dans un patio-café
où une foule déjeune sur des petites tables. Ça discute (en italien, franglais,
japonais ou arabe) chiffons, expos, vacances, business. Mais, au fait, on est
où? Dans un concept store, comparable
à Colette à Paris ou Dover Street Market
à Londres, qui vend fringues (de la dernière folie Prada à l’audace du créateur
japonais Junya Watanabe), livres, gadgets, meubles, et où l’on peut voir des
expos, manger et même dormir. Beaucoup pour un seul endroit? C’est l’idée.
Magazine vivant
A l’étage, dans la librairie, on trouve
pêle-mêle des classiques, des ouvrages
de Susan Sontag, de Roland Barthes,
des magazines dans le coup et une
quantité astronomique de coffee table
books, ces beaux livres de photos hors
de prix. A côté, dans l’espace de la galerie, s’achève une expo de tirages originaux du Tchèque Frantisek Drtikol et
débute «Photo Vogue», qui regroupe les
travaux de 101 jeunes photographes.
«Ici, c’est le cœur du 10 Corso Como»,
confie Carla Sozzani dans son bureau
aux murs couverts de clichés en noir et
blanc encadrés.
Cette sexagénaire über-chic (toujours
en Azzedine Alaïa) a fondé ce lieu il y a
vingt-deux ans. Blonde botticellienne,
issue d’une famille de la très viscontienne haute société, elle a été journaliste de mode, notamment à Vogue Italia
(sa propre sœur, Franca, dirigeant
aujourd’hui la revue) et a lancé le Elle
local dans les années 80. «Après avoir
travaillé dans la presse pendant vingt ans,
j’ai eu envie de changer de support. A
l’époque, tout était très figé. Il n’y avait
rien qui mêlait la mode, le design, les
livres, le cinéma, la cuisine… J’ai donc eu
l’idée de créer un lieu qui serait comme un
magazine vivant.»
Le patio­café, à l’entrée de la librairie­concept store. PHOTO DR
Tout est à vendre, y compris le mobilier du magasin.
Les ouvrages sont déposés sur des tables. PHOTO DR
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
FEUILLETON
«Un mélange d’univers
autrefois distincts qui,
aujourd’hui, se coagulent.»
[POUF] Oh, fan de ta race!
Boulègue de là avec tes questions.
Qu’est­ce qu’elle a,
ma cagole?
Par EMMANUÈLE PEYRET
dit-on «bite»
1 A.Comment
en langue cagole?
C’est le vier.
B. C’est le bier.
C. C’est le fier.
Quel est le cri de ralliement
2
des cagoles, rue Saint-Fé ou
à centre Bourse?
A. Ayiiiiiiiiiiii.
B. Ayééééééé.
C. Aïeuuuu.
D’où vient le mot cagole?
3leurs
A. Du nom du tablier de
aïeules, le cagoulo,
cachant les hardes à l’usine,
cachant aussi une petite
vertu due à des salaires de
misère.
B. De casse-gueule en argot
toulonnais, qualifiant leur
look parfois, euh, hasardeux.
C. De caguer, déféquer
(cf. : «Tu me fais caguer»).
cagole est plutôt…
4peuLaA.nunucho
Une gentille fifille un
vulgos.
B. Une sacrée fumelle aux
attributs un brin soulignés.
C. La vraie icône d’un
féminisme revendiqué
(même si pas forcément
conscient).
a écrit des textes
5A.Qui
définitifs sur les cagoles?
FOG.
B. Serge Scotto.
C. Régis Bertrand.
meilleure cagole est…
6B.LaA.A EnToulon,
Paca.
Marseille, Nice
et alentour.
C. Ni après Arles, ni audessus d’Aix.
Oui, mais les chaussures?
8pilotis
A. N’importe quoi sur
et à franges.
B. Des compensées lamées
à franges.
C. Des Poupoutin, achetées
au cul du camion à Jason 9.
Oui, mais les accessoires?
9blanc.
A. La créole en plastique
B. Des leggins bigarrés.
C. Des bijoux que la montre
de Sarkozy à côté, elle fait
chic et discret.
Oui, mais la coueffure?
10
A. Rouge avec des nattes
afro.
B. Blonde avec des mêcheu.
C. Décolorée avec des
coquillages.
pétasse est à la cagole ce
11A.Laque…
Pavarotti est à l’opéra.
B. Marc Levy est à Flaubert.
C. M est à Johnny H.
Laquelle n’est pas une
12A. «Qui
blague de cagoles?
trop baise bouffe
des poils».
B. «On note un grand
nombre de décès par
électrocution avec la langue
collée aux prises de courant.
Il semblerait que le sujet ait
compris pouvoir y prendre
du jus.»
C. «Patricia, putaing, j’ai
le stérilet qu’est rouillé, je
fais pipi marron, j’ai chopé
le tatanosse.»
Que signifie le mystérieux
13A. C’est
«c’est le ouaille»?
un mystère.
B. C’est un putain de
Comment s’habiller pour
faire cagole?
A. Toujours en blanc avec
franges et mailles, plastique
et doré.
B. En peau de bête, mais
uniquement le soir, sinon ça
fait vulgaireu.
C. N’importe quoi de fluo,
années 80, ras la moule.
7
bordel.
C. C’est le Macumba des
cagoles.
La cagole, fierté nationale
14
française, est entrée
au dictionnaire…
A. Des roberts.
B. Du Robert.
C. En 2012.
Réponses: 1. a; 2. a; 3. a et c; 4. a, b et c; 5. a ,b et c; 6. a ,b et c; 7. a ,b et c; 8. a,
b et c; 9. a, b et c; 10. b et c; 11. a ,b et c; 12. a (de Desproges); 13. b; 14. b et c.
500 m
En 1990, elle déniche,
d’univers (mode, deGare centrale
dans cette rue alors très
sign, gastronomie…)
MILAN
popu, un ancien atelier
qui se coagulent, forLibrairie
d’imprimeur qu’elle
mant une culture cos10 Corso Como
transforme en galerie
mopolite où règnent
Castello
Sforzesco
CENTREd’art. Six mois plus
l’élégance et le supposé
VILLE
tard, dans le même bâbon goût – «lifestyle»,
Théâtre
Milan
de
la
Scala
Duomo
timent, elle installe une
en anglais. L’endroit a
ITALIE
(cathédrale)
Place
librairie et un petit café
beau être silencieux, on
du Dôme Palais Royal
dans un ancien espace
entend toujours le bruit
de stockage Coca-Cola. En bas, le ga- d’une caisse enregistreuse. «Ici, tout est
rage Renault devient boutique de mode. à vendre !» s’amuse la propriétaire,
Les habitants s’amusent de l’arrivée de Tout, y compris le mobilier du magasin,
cette jeune femme traînant avec elle conçu par Kris Ruhs, son compagnon
une faune nouvelle. «Tout le monde était designer. Et l’on peut même passer une
enthousiaste, les gens participaient, nuit dans 3 Rooms, le bed & breakfast
m’aidaient. Il y avait un épicier qui venait de haut vol situé à l’étage.
m’apporter des spaghetti quand je passais
mes nuits à travailler. Je crois que je les
Luxe érudit
faisais rire, c’était un endroit nouveau,
extravagant. Tous se demandaient ce que Car si le 10 Corso Como a l’étiquette,
je faisais, s’ils pouvaient entrer.»
méritée, de lieu pointu, il n’en reste pas
Les premiers clients s’étonnent de la moins une formidable machine finandisposition du lieu. Dans la librairie, les cière. Et pour s’en rendre compte, il faut
ouvrages ne sont pas rangés dans des quitter la librairie, descendre dans la
étagères mais déposés sur des tables, boutique et voir les membres de cette
Carla Sozzani détestant «l’idée de devoir nouvelle haute société que constitue la
prendre quelque chose dans un mur et se hype dépenser des fortunes en habits,
tordre le dos pour attraper un bouquin. Là, chaussures et autres accessoires. Carla
les livres sont à portée de main, on peut les Sozzani multiplie les opérations de
regarder de manière plus reposée.» Inspi- cobranding, s’associant à des marques
rée par ces librairies américaines rem- pour commercialiser des miniplies de canapés, elle installe des fau- collections. Depuis Milan, elle gère aussi
teuils «pour que les clients puissent des magasins du même nom qu’elle a
passer des heures à bouquiner». Elle af- ouverts à Séoul et Tokyo. Mais alors, les
firme que «beaucoup de gens viennent et livres et les expos là-dedans ? Un alibi
n’achètent rien. Ce sont souvent des étu- culturel ? «Il faut trouver un équilibre.
diants qui n’ont pas les moyens. Ils pas- Gagner de l’argent, c’est bien. Mais il faut
sent des journées assis à tout regarder. aussi savoir en perdre. Comme lorsque
J’adore cette idée, On me dit souvent : j’organise des lectures de portfolios de jeu“Mais s’ils abîment un livre très cher ?” nes photographes, que je leur offre des caEt alors ? C’est pas si grave.» Tout aussi dres. Si l’on pense que chaque mètre carré
surprenants, ces fauteuils installés de- d’un lieu doit ramener de l’argent, on fait
vant les caisses. Au 10 Corso Como, que fausse route.» On la croit d’autant plus
l’on achète un petit livre de poche ou un que c’est justement cette direction-là,
manteau Comme Des Garçons, on s’as- moins tape-à-l’œil, plus discrète, érusied et on papote un moment. Et la pro- dite même, que prend le luxe contemporain.
En vingt-deux ans, la rue
Corso Como a beaucoup
changé, le numéro 10 drainant d’autres boutiques, plus
banales, parfois vulgaires,
toutes en musiques assourdissantes et vendeurs de
priétaire, à la jeunesse un peu hippie, de jeans élimés. De l’ancienne époque,
comparer son luxueux concept store seule subsiste une quincaillerie, dont la
aux «souks du monde arabe et aux mar- propriétaire, une dame âgée toujours en
chés indiens»…
tablier, salue Carla Sozzani tous les maAu début des années 90, quand est tins. Si la fondatrice du 10 Corso Como
fondé le 10 Corso Como, la ville est en regrette que «les choses aient changé à
crise. Les années 80 viennent de ce point dans le quartier», elle voit d’un
s’achever et, avec elles, l’ère du «Milano bon œil ces grandes tours en construcda bere». Littéralement «Milan à boire», tion non loin de là, ce «mini-Dubaï»,
l’expression décrit la décennie où se que l’on aperçoit depuis le toit du
sont montés les grands groupes du luxe 10 Corso Como. Une terrasse ocre, juste
(Armani), où le monde de la mode était au-dessus de la librairie, devenue un
synonyme de drogues, de caprices de lieu de promenade des Milanais. Une
top-models, de partouzes… Et où esplanade fleurie où, le jour se coul’argent de la mafia n’était jamais très chant, on a l’heureuse surprise de voir
loin. Cette période, «très vulgaire», débarquer un couple d’amoureux, lui
dixit Carla Sozzani, est stoppée net par en maillot de foot et elle en débardeur,
l’opération anticorruption «Mains pro- 18 ans à peine, main dans la main. Dispres», qui fit tomber une partie de l’es- cutant sans doute de mode et de phototablishment milanais. «J’ai ouvert à un graphie, mais pas seulement. •
moment assez difficile, très indécis. Mais 10, Corso Como, 20154, Milan.
ce que je voulais était tellement le contraire Rens.:www.10corsocomo.com
du Milano da bere que les gens curieux
sont venus immédiatement.» Curieux, [DEMAIN: DAUNT BOOKS,
oui, mais de quoi ? De ce mélange À LONDRES]
• VII
QUIZ
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
VIII •
CHRONIQUES
[HÉROS D’UN LIVRE]
[SOIZIC CONSEIL SERVICE]
Le témoin
d’Albacete
Ethnique ta mère
I
MARC SEMO
«Ma Guerre d’Espagne», de Sygmunt Stein, traduit par
Marina Alexeeva­Antipov, éd. du Seuil, 263 pp., 19€.
«J
e suis fashion-ethnique depuis toujours, mais là ! Entre le
short cherokee, la tunique ouïghour et le blouson en ours
vivant, je ne sais plus…» (Suzanna S., Southfork)
Je réponds: OK, anyway, mais c’est votre choix et vous
l’assumez, car je sais aussi (dossier Stasi 35452) que vous êtes carnivore. Vous avez donc un sujet de conversation avec l’ours vivant
qui vous sert de blouson, mais avez-vous songé à la vache assassinée qui a servi au cuir de votre short et aux nonnes aveugles qui
ont cousu votre tunique et ont connu un sort encore plus affreux?
KILLOFFER
l croyait trouver sur les fronts de la République
espagnole de quoi ranimer sa foi ébranlée par
les procès de Moscou. Sygmunt Stein, militant
communiste juif tchèque engagé dans les Brigades internationales et nommé commissaire à la
propagande à Albacete, narre l’envers du mythe:
exécutions arbitraires et procès staliniens contre
les supposés trotskistes, les banquets orgiaques de
commissaires incompétents. Staline avait peur de
la révolution espagnole et du rêve démocratique
qu’elle incarnait. Il la laissa se faire écraser. «Staline n’a pas seulement détruit la vie mais aussi la foi
de millions de gens», écrit l’ex-militant dans ce livre publié en yiddish dans les années 50 et resté
jusqu’ici inédit en français. Une éclairante postface
de l’historien Jean-Jacques Marie complète ce témoignage accablant sur André Marty, le patron
des Brigades surnommé «le boucher d’Albacete».
Il fut exclu du PCF dans les années 50.
SOIZIC VON FESSENHEIM
[VIVE LE BONHEUR]
Comment
lutter?
C’
est pourtant pas compliqué. Il suffit, quand on vous
marche sur les pieds, de donner un bon coup de
tatane dans la gueule et on verra si l’insolent persiste et n’y regardera pas à deux fois avant de vous
flanquer deux doigts dans les yeux malgré les très belles lunettes
de soleil qu’il a fallu beaucoup de sueur de front pour se les payer
au prix où les escrocs écoulent leur marchandise. Il reste bien
d’honnêtes petits marchands de lunettes à la sauvette, mais ils
ne peuvent pas lutter contre les lobbys.
G.L. et M.L.
deux strips par jour
pour le prix d’un
LIBÉRATION Lundi 20 août 2012 www.liberation.fr
Par YASSINE
et TOMA BLETNER
14
•
SPORTS
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
Par GRÉGORY SCHNEIDER
Envoyé spécial à Lorient
L
e foot moderne recèle une
variété de chausse-trapes
que l’on n’imagine pas. A
un bout du spectre : le
stade Armand-Cesari de Bastia et
ses quatorze rapports des délégués
de la Ligue sur dix-huit matchs la
saison passée. A l’autre bout : le
stade du Moustoir à Lorient, où les
champions de France montpelliérains se sont fait tordre (2-1, deux
buts bretons dans les arrêts de jeu)
samedi. Le coach héraultais, René
Girard, en a oublié de s’exprimer
devant la presse, pour la première
fois depuis 2009. Certains présents
se sont insurgés. Pas nous : un entraîneur qui ne parle pas, c’est aussi
un entraîneur qui ne ment pas.
Et puis, le Moustoir, ce n’est pas
simple. Il y a d’abord les spectateurs : le dernier fumigène tiré qui
remonte aux années Mitterrand, des
petites têtes blondes partout pour le
public le plus familial de France, un
rêve de marketing footballistique.
C’est au cœur de la seconde période, quand Montpellier menait
tranquillou, que l’affaire nous est
vraiment tombée dessus: une vieille
dame, 80 ans bien sonnés, s’est
penchée par-dessus une rambarde
pour nous expliquer le foot. Ça donnait : «Ce terrain synthétique, c’est
du plastique. Et ils l’ont arrosé [pour
accélérer le jeu, ndlr]. Donc, les
joueurs doivent se casser la figure. Et
bien c’est ce qu’ils font depuis le début : ils se cassent la figure.» Moins
qu’ailleurs: le foot sur synthétique
se pratique debout, sans tacle, ce
qui donne au joueur lorientais un
côté immaculé en rapport avec le
cadre où il s’exprime. M’enfin, on
a médité là-dessus, Montpellier en
a pris deux et on est parti se faire
sous-titrer l’affaire par l’entraîneur
morbihanais, Christian Gourcuff.
«MÉRITE». On a croisé quelques
joueurs locaux : timides d’approche, plus confiants ensuite, des types qui ne croisent pas un micro
tous les jours. Yann Jouffre: «Dans
le foot, on a ce qu’on mérite.» Gourcuff arrive. C’est beaucoup pour le
Burkinabé Alain Traoré, auteur de
l’égalisation samedi: «Alain n’a pas
fait un immense match samedi… La
défense n’est pas exempte de reproches… Traoré a joué trop vite… Ça doit
être beaucoup mieux collectivement…
La première relance n’était jamais
rythmée…» Le tout tranquillement:
le type qui suit son idée.
On a maintes fois entendu des
entraîneurs évoquer le style pour
noyer le poisson les soirs de défaites. On n’avait jamais vu un
coach escamoter un résultat favorable pour souligner des carences
au cœur du jeu et, surtout, dire ce
qu’il a vu. A cet instant, le discours
de Gourcuff n’arrangeait personne.
L’image et les mots en contrepoint
de la victoire plutôt qu’en illustration : invendable dans un paysage
A Lorient, la victoire
des bonnes manières
Vainqueurs de Montpellier (2-1), les Merlus animent le début de saison.
où chaque match doit tenir en un fontaine pour les «Gunners»
montage de quatre-vingt-dix se- d’Arsenal, qui avait fait hurler tout
condes et trois phrases.
le foot français au pillage, a transMais Gourcuff s’en fout. Ça fait formé le gaillard en une sorte de
vingt et une saisons qu’il cornaque symbole ; celui de l’ingratitude et
les Merlus, si l’on excepte une pa- de l’argent roi. On se rappelle l’un
renthèse de deux saisons à Rennes de ses formateurs, des trémolos
et à Doha : ça donne le
dans la voix, filmé à
droit de penser – et de
REPORTAGE Clairefontaine: «Jérémy,
faire – autrement. Les
c’est Marco Van Basten»,
présents ont attendu que ça passe. l’attaquant néerlandais classissime
Patiemment : l’attaquant Jérémy des années 80-90. L’affaire reAliadière, auteur du second but sa- monte à 1999. Aliadière n’est pas
medi, devait succéder à Gourcuff devenu Van Basten : les blessures,
sur l’estrade. Et Aliadière a une his- 14 matchs par an (c’est peu) et des
toire. Son départ à 16 ans de l’Insti- clubs anglais de moins en moins setut national du football de Claire- lects, Arsenal, West Ham, Wolwer-
hampton… et Lorient à 29 ans, un
peu le coup de la dernière chance.
Le natif de Rambouillet (Yvelines)
est revenu sur son parcours dans
l’Equipe : «A 16 ans, tu ne pars pas
pour l’argent. Des journalistes venaient me voir à la sortie du collège,
je lisais que mes parents m’avaient
vendu… Des conneries.»
TENDRESSE. Puis : «J’avais l’impression que les gens en France ne
m’aimaient pas, parce que j’étais
parti jeune. J’ai été surpris qu’on ne
dise que du bien de moi.» Samedi,
Aliadière a parlé du jeu lorientais :
le souci de récupérer le ballon haut
comme partout, un bloc compact
comme partout, des redoublements
de passes et du jeu au sol comme
chez les équipes riches –ce que Lorient n’est pas. Il était paisible, urbain: un Anglais, excentricité discrète – les tatouages, le diamant à
l’oreille gauche– comprise. Mais il
y avait le regard : noir, brillant,
profond; le même que celui du gamin apeuré qu’il fut dans une autre
vie. Du coup, on a senti flotter dans
l’air une certaine tendresse. Aussi
invisible que ce qui traîne dans la
tête de Gourcuff les soirs de victoire. Ou le charme discret d’une
soirée au Moustoir. •
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
SPORTS
•
15
CARNET
naissanCes
Le Lorientais
Lamine Kone (en
orange), samedi,
face à Montpellier.
PHOTO JEAN­SÉBASTIEN
EVRARD. AFP
Après la deuxième journée de Ligue 1, quatre clubs se disputent le
haut du tableau, tout en restant dans une phase de réglage.
14 août 2012
Maud Le Campion
et François Ayme
Thalie Ayme
136 rue de Charonne
75011 Paris
Ces quatre leaders
qui se cherchent encore
Q
uatre équipes se partagent
la tête du championnat avec
deux victoires en deux
matchs, coquetterie estivale
qui fait plus parler les fans que les
joueurs eux-mêmes. Revue de
détail.
L’Olympique lyonnais et
le mercato
Etrange ambiance samedi à Gerland
après le succès (4-1) devant Troyes:
un buteur (Michel Bastos) qui pleure
sur le terrain, un joueur cadre (Cris)
au discours triste, un autre buteur
(Bafétimbi Gomis) qui se réfugie
dans le silence… La raison: le président de l’OL, Jean-Michel Aulas,
veut liquider d’ici à la clôture du
marché des transferts, le 4 septembre, «les pharaons» et «les dinosaures
de vestiaire» qui, selon lui, plombent
le club lyonnais. Cris, un «pharaon»:
«Nous avons montré que l’effectif
est très concentré sur les matchs, à
l’image de Michel Bastos, Gomis, moimême… Pour l’instant, on est là. Il faut
oublier un peu le mercato.»
Le Sporting Club de
Bastia et la fièvre
Le promu corse et sa «bonne tête
de 20e de Ligue 1» (le mot est du
coach, Frédéric Hantz) fait son chemin dans une sorte de frénésie :
après son rocambolesque déplacement à Sochaux le week-end dernier (victoire 3-2), Whabi Kazhri et
consorts ont battu Reims (2-1) à Furiani dans un feu d’artifice d’expulsions rémoises et sur un but inscrit
au bout des arrêts de jeu devant un
public en furie… et une tribune vide,
le prix à payer pour la pluie d’objets
divers qui s’étaient abattus sur les
joueurs guingampais au printemps.
Le milieu Pierre Cahuzac, un local:
«Même dans mes rêves les plus fous,
je n’aurais pas cru ça possible.» L’attaquant Anthony Modeste, nouveau
venu : «Il y a véritablement une atmosphère particulière ici. Je suis heureux d’être désormais du côté du
Sporting car, quand vous êtes adversaires et que vous débarquez dans ce
stade, vous êtes déstabilisés. Ce public
est incroyable.»
L’Olympique de Marseille
et ses abonnements
La semaine précédant la victoire
d’hier contre Sochaux (2-0) a vu
l’entraîneur phocéen, Elie Baup, et
six joueurs rendre visite à une association de supporteurs, histoire de
s’acheter un peu de paix sociale: la
Marin est né
campagne d’abonnements va mal,
la faute à une saison passée ratée
–13 défaites de suite au printemps–
et à un recrutement inexistant, certaines pointures (César Azpilicueta,
Stéphane M’Bia) étant de plus sur le
départ. Le milieu Morgan Amalfitano: «Il faut donner aux supporteurs
envie de revenir. Il ne faut pas qu’ils
nous lâchent.» Baup : «Il faut que l’on
diffuse un plaisir communicatif. Le résultat n’est pas le seul élément déclenchant d’un échange fort avec les
fans.» A Marseille ? Il les a bien regardés, les supporteurs ?
Les Girondins
de Bordeaux et Lazare
Huitième victoire étalée sur deux
saisons devant Rennes (1-0), hier,
pour les marine et blanc sur les ailes
de leur meneur de jeu, Fahid ben
Khalfallah, disparu depuis deux ans.
Blessé ? Non. Perdu dans des contrées rémunératrices et exotiques ?
Non plus. Le Tunisien (29 ans) était
là, au Haillan, à s’entraîner mal et à
jouer plus mal encore. Jusqu’à cet
été où, brusquement, il a été bon.
Ben Khalfallah a dit cette semaine
n’avoir aucune explication. C’est
quand même un métier bizarre.
G.S.
"Edmond Colosimo est ravi de
vous annoncer la naissance de
son petit frère
Siméon
Né à Saint-Mandé le 4 aôut,
les parents Rachel et Romain
sont épuisés"
ConférenCes
Université d'été de l'Ecole
des Ingénieurs de la Ville de
Paris du 27 au 30 août 2012 :
Numérique et Génie urbain.
Les villes et les grandes
métropoles s'appuient très
largement sur le numérique
pour soutenir des projets de
développement et renouveler
les services offerts au public.
Le point sur les progrès
apportés aux services urbains
et à la vie au quotidien dans
nos villes par les smart grid,
smart metter, smart home et
les technologies numériques
ainsi que les nouveaux
développements à attendre au
cours des prochaines
décennies. Ouverts aux
doctorants et chercheurs.
EIVP 15 Rue Fénelon 75010
Paris, mailto :
eivp-ue12@eivp-paris.fr
REPÈRES
«Il faut du caractère et du
courage, deux qualités
difficiles à développer chez
un joueur. Donc il faut peutêtre changer les hommes.»
Christophe Galtier coach de Saint­
Etienne battu (1­2) samedi à Toulouse
13
C’est le nombre de minutes passées
sur le terrain par Yoann Gourcuff
samedi. Touché au genou, le Lyonnais
passe une IRM aujourd’hui.
«Cette semaine, le coach
Claude Puel nous avait
demandé un brin de folie.
Mais sans tirer, c’est dur
de mettre des buts.»
Joris Delle goal niçois dans l’Equipe,
après un 0­0 sinistre à Valenciennes
2e journées
Le classement
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
POINTS
JOUÉS
GAGNÉS
NULS
PERDUS
MARQUÉS
ENCAISSÉS
DIFF.
6
6
6
6
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Lyon
Marseille
Bastia
Bordeaux
Lorient
Lille
Toulouse
Nancy
Valenciennes
Brest
AC Ajaccio
Paris­SG
Montpellier
Nice
Saint­Etienne
Evian TG
Reims
Rennes
Sochaux
Troyes
Vendredi
Lille­Nancy: 1­1
Pour Lille: Kalou (41e), pour Nancy: Bakar (33e)
Samedi
Lyon­Troyes: 4­1
Pour Lyon: Gomis (51e et 90e), Bastos (65e), Lopez
(88e). pour Troyes: Bahebeck (48e)
Bastia­Reims: 2­1
Pour Bastia: Modeste (62e sp), Ilan (90e). Pour
Reims, Fauvergue (6e)
Valenciennes­Nice: 0­0
Lorient­Montpellier: 2­1
Pour Lorient: Traoré (90e), Aliadière (90e). Pour
Montpellier: Herrera (37e).
Toulouse­Saint­Etienne: 2­1
Pour Toulouse, Capoue (35e), Ben Yedder (59e).
Pour Saint­Etienne, Gradel (90e).
Brest­Evian TG: 1­0
Pour Brest, Baysse (90e).
Dimanche
Bordeaux­Rennes: 1­0
Pour Bordeaux, Obraniak (75e).
Marseille­Sochaux: 2­0
Pour Marseille, Gignac (54e), Fanni (90e).
Le Carnet
Vous organisez
un colloque,
un séminaire,
une conférence…
Contactez-nous
Réservations et insertions
la veille de 9h à 11h
pour une parution le lendemain
Tarifs 2012 : 16,30 € TTC la ligne
Forfait 10 lignes 153 € TTC
pour une parution
(15,30 € TTC la ligne supplémentaire)
Abonnés et associations : -10%
Tél. 01 40 10 52 45
Fax. 01 40 10 52 35
Vous pouvez nous faire parvenir
vos textes par e.mail :
carnet-libe@amaurymedias.fr
Ajaccio­PSG: résultat non parvenu
Meilleurs Buteurs
2 buts: Maoulida (Bastia), Modeste (Bastia), Obra­
niak (Bordeaux), Aliadière (Lorient), Gomis (Lyon),
Ibrahimovic (Paris­SG), Ben Yedder (Toulouse).
Programme de la 3e journée
Vendredi 24 août 21 heures: Evian TG­Lyon.
Samedi 25 17h: Nice­Lille. 20h: Reims­Sochaux,
Nancy­Toulouse, Valenciennes­AC Ajaccio, Troyes­
Lorient, Rennes­Bastia. Dimanche 17h: Montpellier­
Marseille, Saint­Etienne­Brest. 21h: PSG­Bordeaux.
La reproduction
de nos petites annonces
est interdite
Le Carnet
Christiane Nouygues
0140105245
carnet-libe@amaurymedias.fr
16
•
REBONDS
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
L'ŒIL DE WILLEM
Par DANIEL
SCHNEIDERMANN
L’immolé
oublié
du mois
d’août
Vous vous souvenez des assistés ? Des n’est pas une information, on a tout de
horribles assistés qui font la honte de la même d’autres sujets. Jusqu’au jour où
France et les belles couvertures du ça le devient.
Figaro Magazine et du Point, avec des Oui mais voilà. Quand bien même un
montages photos de drapeaux tricolores journaliste déciderait-il d’enquêter,
et de hamacs? Des ignobles assistés qui il ne trouverait pas de sources. La direcs’achètent des écrans plats avec l’argent tion de la CAF ne répond que par mail,
des allocs ? Eh bien le Point et le Figaro et au compte-gouttes. C’est normal.
Magazine ne l’ont peut-être pas su, Ils n’ont pas de quoi être fiers. En outre,
mais un assisté s’est immolé, le 8 août, on est au cœur du mois d’août,
dans les locaux de la
les grands chefs sont
Caisse d’allocations fasans doute absents, et
MÉDIATIQUES
miliales de Mantes-lace ne sont pas les adJolie, dans les Yvelines. Les paiements joints de permanence qui vont s’embêde son RSA étaient interrompus de- ter avec cette tuile, où il n’y a que
puis le mois de mai, et on lui demandait des coups à prendre.
pour la quatrième fois des pièces justifi- Ah tout de même, si. Par mail, donc, la
catives qu’il n’avait pas. L’homme est direction nuance auprès des rares jourmort quatre jours plus tard. L’agence de nalistes insistants : ce n’est pas quatre
la CAF a fermé symboliquement pour fois, qu’on lui avait demandé des pièces
une durée d’une semaine, et a rouvert supplémentaires, mais deux.
le 16 août.
Les syndicats de la CAF ne parlent pas
Si la nouvelle n’est pas arrivée jusqu’au davantage. Les syndicats, c’est la
Point et au Figaro Magazine, ce n’est pas source habituelle de rechange, quand
de leur faute. Cette immolation a fait la direction ne dit rien, ou pour recoubeaucoup moins de bruit que les effrac- per la version de la direction. Avec les
tions de distributeurs bancaires à la syndicats, on a des informations. Mais
fourchette. Dans l’impitoyable compé- les syndicats, dans le cas présent, doitition pour être le fait-divers du 15 août, vent se sentir mal à l’aise. Celui qui a
il n’y a pas photo à l’arrivée. L’effrac- demandé pour la quatrième fois au suition à la fourchette remporte haut la cidé des pièces justificatives, ce n’est
main la médaille d’or. L’effraction à la pas le directeur de la CAF. C’est un emfourchette, ça titille aussitôt les imagi- ployé. Qui a appliqué des consignes,
nations. Mais comment font les effrac- certes, mais un employé.
teurs à la fourchette ? Pourquoi re- On imagine aisément les raisons du
plient-ils deux dents de la fourchette? malaise des syndicats. Quelles sources
On imagine aussitôt la vulnérabilité des alternatives reste-t-il aux journalistes
pauvres billets pré-positionnés dans la curieux ou désœuvrés qui voudraient
«paupière» du distributeur (ça s’ap- vraiment comprendre pourquoi on
pelle ainsi). Le Parisien se fend même s’immole pour un RSA ? Les syndicats
d’une infographie, si jamais les lecteurs d’assistés? Mais on sait bien qu’il n’y a
souhaitaient eux aussi se diversifier pas de syndicats d’assistés, pas davandans l’effraction à la fourchette.
tage que de syndicats de chômeurs, ou
L’immolé n’a même pas de nom. Et on de syndicats de pauvres, tout simplene saura pas pourquoi il s’est aspergé de ment. Il parait que l’immolé vivait dans
white-spirit. Une pauvre dépêche une caravane, dans un camping. Il n’y
d’agence, reprises étiques, service mi- a pas de syndicats de bénéficiaires du
nimum sur France 2, rien sur TF1, RSA vivant dans des caravanes.
aucun direct à signaler sur BFM TV, ni Mais pourquoi s’acharner ? Les sujets
(insistons) dans le Figaro Magazine ou d’enquête se bousculent. Parlez-nous
dans le Point.
des mesures anticanicule, ce sera plus
A priori, pourtant, ce fait divers loser concernant. Et imaginons qu’il s’est
avait aussi ses chances. Une immola- suicidé parce que son écran plat ne rention, c’est spectaculaire. Et sur le lieu trait pas dans sa caravane.
même que l’on souhaite mettre en accusation, la CAF : le choix est particulièrement éloquent, il évoque évidemment la vague de suicides à
France Télécom.
SUR LIBÉ.FR
On pense aussi à la révolution tunisienne et à une autre immolation par le
Retrouvez Daniel Schneidermann
feu, à Sidi Bouzid, dans le sud. Là aussi,
et nos autres chroniqueurs à par­
les médias français avaient mis du
tir de la semaine prochaine dans le
temps à réagir. Un type qui s’immole
journal et sur Libé.fr.
dans un trou paumé du sud tunisien, ce
•
Numériser la radio,
c’est le sens de l’histoire
Par BRUNO DELPORT
Directeur général du groupe NovaPress
E
n 1981, en libérant les ondes, François
Mitterrand m’a permis de réaliser
mon rêve et de faire de la radio mon
métier. A l’époque, Europe 1, RMC,
RTL trouvaient la FM sans intérêt et laissaient
déjà passer le train (rattrapé par l’ouverture
de la bande 104-108 Mhz plus tard). Résultat
de cette libéralisation, des centaines de radios
en tout genre. On dira que la quantité ne fait
pas la qualité, il n’empêche: comparé à celui
de 1981, le paysage de 2012 est riche. Mais de
manière inégale sur le territoire.
De nombreuses radios spécifiques sont bloquées dans leur développement par pénurie
de fréquences analogiques. Les auditeurs de
province ont un choix bien moindre qu’à Paris. Or, en 2012, notre pays peut avoir l’offre
radio étendue qu’il mérite. Avec la radio numérique terrestre (RNT). Et, comme en 1981,
les grandes radios freinent, bloquent. La différence avec 1981, c’est qu’elles sont rejointes
par NRJ, groupe qui a le plus profité de 1981.
Avec les mêmes arguments. Trop cher, économiquement risqué, technologiquement
dépassé (et ce sont des radios qui émettent
en grandes ondes qui le professent!), sans intérêt pour les auditeurs, disent-elles.
Il s’agit surtout pour elles d’éviter une plus
grande concurrence et de maintenir leur profitabilité dans une période d’incertitude économique. Bref, rien de bien neuf ou de surprenant. Mais quel rapport avec l’intérêt
public? Le Conseil supérieur de l’audiovisuel
(CSA) continue d’œuvrer à cet intérêt public
qui consiste à vouloir offrir le plus de pro-
grammes radio au plus grand nombre,
comme pour la télévision. Dans cette logique, il a publié son calendrier des appels à
candidature pour la RNT.
Comme il y a trente ans avec la FM analogique, les grands groupes jouent la chaise vide,
espérant couler la RNT, avec diffusion de
chiffres approximatifs, mélangeant charges
et investissements, l’idée étant d’embrouiller
au maximum un dossier simple. Ils y ajoutent
la radio par IP comme étant le futur, comme
si les questions économiques de la 4G étaient
réglées, sans compter les risques sanitaires
liés à la multiplication et la puissance des antennes relais. La numérisation de la radio,
c’est le sens de l’histoire. Sa diffusion en numérique terrestre, c’est la garantie pour
l’auditeur de conserver les atouts du média
radio : mobilité, gratuité et anonymat
d’écoute avec, en prime, plus de diversité, un
meilleur son et toutes les fonctionnalités offertes par le numérique.
La radio est un média toujours jeune et
d’avenir. Plus de 80% de la population
l’écoute chaque jour. En voiture, au bureau,
à la maison. Aujourd’hui avec des récepteurs
classiques, demain avec tous les objets nomades qui pourront intégrer une simple puce
supplémentaire. Comme en 1981, un nouveau
paysage radiophonique est à portée de main.
Aujourd’hui avec le service public et les radios privées dynamiques, demain avec les
grands groupes qui nous rejoindront. Enfin,
la RNT c’est aussi plus d’emplois pour celles
et ceux qui, comme moi il y a trente ans, rêvent de pouvoir travailler un jour dans la radio. J’espère que la présidence actuelle saura
accompagner cette nouvelle histoire.
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
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25 septembre Spécial Emploi
Les secteurs qui recrutent
23 octobre
Jeunes Diplômés
13 novembre Handicap
03 décembre Spécial Formation
Contact : Mustapha Ouamrane - 01 40 10 52 11
mouamrane@amaurymedias.fr
17
18
•
CULTURE
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
Un des 35 portraits de la série des
Américains d’Andres Serrano présents
à Avignon, ici Chloë Sevigny (ci­contre).
Ci­dessous: les sabots de bois de
Basquiat; une partie de la série Central
diagonal de Robert Mangold.
PHOTOS COLLECTION YVON LAMBERT
Yvon Lambert,
sur le fonds d’Avignon
ARTS La luxuriante donation du galeriste français à l’Etat s’expose enfin:
Basquiat, Twombly, Serra, Boltanski, Kiefer, Buren…
,
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
CULTURE
•
19
Par PHILIPPE LANÇON
Envoyé spécial à Avignon
O
n entre dans l’hôtel de Caumont
comme un voilier dans une bouteille de champagne. Millésimée,
elle est longtemps restée au frais :
le galeriste Yvon Lambert fête, à 66 ans, la
donation des 556 œuvres qu’après vingt ans
de péripéties et négociations plus ou moins
retorses il vient de faire à l’Etat. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et François Hollande sont venus, pendant le Festival d’Avignon, consacrer l’événement. Lambert le fête
en exposant une partie des trésors dans ce
splendide hôtel particulier du XVIIIe siècle.
Le peuple de France et d’Avignon est convié
à la cérémonie depuis le 7 juillet. L’hôtel particulier voisin, anciennement école des
beaux-arts, dont l’acquisition était pour le
galeriste une condition sine qua non, fera
l’objet d’une extension après 2015.
Les œuvres exposées sont des merveilles connues et reconnues de Jean-Michel Basquiat,
Cy Twombly, Miquel Barceló, Richard Serra,
Christian Boltanski, Andres Serrano, Anselm
Kiefer, Nan Goldin… On ne les avait jamais
vues réunies et aussi bien mises en scène.
C’est Isabelle Huppert qui joue la maîtresse
de maison: cinq portraits d’elle, en gros plan,
dessina dessus de petites choses où il est,
entre autres, question de Moby Dick. Dans un
conte, Andersen imagine qu’une fée distribue
des sabots magiques: ceux qui les chaussent
voient leur vœu le plus cher exaucé. Les sabots de Basquiat ont porté chance au galeriste, mais on ne peut les chausser. «Who do
you think you are?» Des touristes, des va-nupieds. Plus loin, dans un magnifique atelier,
des enfants dessinent sur des sabots, comme
Basquiat. Ils se drogueront peut-être, plus
tard. Leurs parents ne le savent pas.
Une autre formidable salle est celle des portraits de stars cuites sous la cendre par Douglas Gordon. «Brûlés en miroirs», Pierre Fresnay, Charlotte Rampling, Jean Seberg,
Antonin Artaud et tant d’autres rejoignent
une éternité indivise où les visages ont un
peu cramé, mais pas trop, comme si quelqu’un avait éteint le feu avant l’oubli complet : ces œuvres ont été conçues en 20062008 pour Avignon et son festival.
OXYMORE. Quelques mètres, et c’est l’immense et longue pièce bleue où sont installées les grandes photos en couleur des Américains d’Andres Serrano. La série a débuté
après le 11 septembre 2001, par le capitaine des pompiers de Ground
Devant l’hôtel de Caumont, trois
Zero. Elle s’est poursuivie pendant
banderoles rouges à lettres blanches
deux ans. Elle compte 42 portraits,
de l’Américaine Barbara Kruger:
connus ou inconnus, pris légère«Vivez comme nous», «Mourez
ment en contre-plongée: on regarde
comme nous», «Aimez comme nous». des héros, mais pas trop ; on est en
démocratie. Trente-cinq portraits
datant de 2005, par Roni Horn, figurent près sont ici, dans ce qui fut la bibliothèque de
de l’entrée. D’autres séries de cinq de l’ac- l’université d’Avignon. Mausolée vivant, très
trice par le même artiste sont déposées à des coloré, presque joyeux. Le bleu du mur, si vif,
endroits tactiques de l’exposition. A chaque est d’une étrange austérité. C’est le féroce
fois, ce caméléon cruel a une couleur psycho- bleu du ciel.
logique différente, la dépression, le plaisir, le L’escalier, encore, et, plus haut, la grotte de
rêve, comme si elle était assez méchante, ou Claude Lévêque : un néon rouge filant sous
assez folle, pour changer sans cesse d’âge et des voûtes, vers l’infini, dans un brouillard
de vie. La star qui contrôle son image s’est et un ronflement artificiels, comme si l’on
imposée jusqu’au cœur de la plus importante voyageait, en suivant le fil rouge, jusqu’au
donation faite à l’Etat français depuis un siè- centre de la terre. «Who do you think you
cle. Plus tard, quand elle arrivera dans l’au- are?» Le professeur Otto Lidenbrock dispadelà, Dieu et ses saints ne vont pas rigoler : raissant dans un volcan islandais, grâce à
elle tiendra tous les grands rôles de la Bible. l’artiste nivernais au nom de hiérarque papal.
Ici, sous les combles, étaient naguère stockés
PERRUQUES. Devant l’hôtel, trois banderoles les livres de l’université. On retrouve des lirouges à lettres blanches de l’Américaine vres dans la salle des Barceló : un homme
Barbara Kruger, datant de 2004, enjambent fume, dans des couleurs sombres, dans une
la rue: «Vivez comme nous», «Mourez comme bibliothèque épaisse peinte en 1984. A côté,
nous», «Aimez comme nous». Kruger orga- le même, toujours fumant, est dans une barnise l’inquiétante manifestation des pronoms que quittant son île des Baléares pour rejoinpar lesquels on existe et dans lesquels on se dre la France : c’est le peintre, jeune, allant
dissout. Son immense affiche de 1997 ac- par la matière vers son avenir et sa gloire. Le
cueille le visiteur dans le hall à perruques : tableau est fait d’huile et de sable, comme la
«Who [en énorme, ndlr] do you think you mer quand elle est calme, puis agitée.
are ?» Derrière, une main en noir et blanc Entre-temps, on a vu des Twombly platonitient une photo mal définie. Le geste est va- ciens, peints en Grèce, des toiles rayées de
gue, le cri interpelle. Qui pensons-nous être? Daniel Buren première période, posées à
Des visiteurs, privilégiés ou non. Qui grim- même le sol, vierges comme des concepts ou
pent maintenant l’escalier tournant autour des coups de poing dans la gueule, un cercle
d’un néon vertical de Jenny Holzer, sorte de peint de Robert Mangold et un autre du Lirampe de pompier carrée sur laquelle défile tuanien Zilvinas Kempinas, fait d’une bande
un poème traduit par Jacques Roubaud. En magnétique flottant dans l’air comme un
haut, c’est chez Basquiat.
cerceau autour du corps d’une danseuse abIl y a l’affiche peinte en 1988 pour l’exposition sente. Une baie vitrée ouvre sur l’atelier des
du 108, rue Vieille du Temple, où est située la enfants. Sur le mur du fond, de beaux porgalerie Lambert à Paris. Basquiat a collé des traits à la Vik Muniz, faits par les gosses avec
vignettes de Vache qui rit (dont celle de toutes sortes de matières, dont de la marmeMowgli, qui dans son esprit lui correspondait, lade –comme pour mieux retourner la phrase
et que les bêtes de la jungle appelaient la gre- ordinaire des défilants devant une œuvre
nouille nue). Drogué, il appréciait les protéi- qu’ils ne voient littéralement pas: «Mon fils
nes bon marché. En vitrine, une paire de sa- en fait autant.» Il en ferait autant si rien en
bots de bois qu’il rapporta d’Amsterdam pour lui ne grandissait, sauf son génie. Il pourrait
se faire pardonner d’y avoir disparu, juste- faire les oiseaux noirs montés en mobile du
ment dans la drogue. Il les offrit à Lambert et Mexicain Carlos Amorales, qui pendent entre
les murs où un rouge sang coule à l’envers,
vers le haut, comme en apesanteur.
«FLUX». Parmi d’autres splendeurs, une toile
de Kiefer, artiste à la fois si littéraire et si physique (mais les deux ne s’opposent pas): Cette
obscure clarté qui tombe des étoiles (1996). Le
vers est le plus célèbre oxymore de la langue
française. C’est le Cid qui le prononce: «Cette
obscure clarté qui tombe des étoiles/ Enfin avec
le flux nous fait voir trente voiles.» Un essaim
de graines de tournesol noires s’échappe de
la fleur peinte, en hommage à Van Gogh,
comme si la couleur allait germer un jour de
cette toile sombre. L’artiste allemand venait
de s’installer à Barjac, dans le Gard, non loin
des paysages du Néerlandais. L’œuvre sème
sa puissance à tous vents. On entend vibrer
l’essaim comme par l’oreille coupée.
Peu avant la fin du parcours, un portrait
d’Yvon Lambert par Twombly paraît signifier
que le galeriste est là, entre deux portes, qui
guette ses souvenirs, ses succès et nos réactions. Vous ne le verrez pas : ce n’est qu’un
fil bleu, pas même une silhouette, déposée
par le minimalisme de l’artiste devant l’entrée de sa galerie, comme le cheveu d’une
femme absente sur un oreiller –une sorte de
sommeil transparent et radioactif. •
LES CHEFS­D’ŒUVRE
DE LA DONATION YVON LAMBERT
5, rue Violette, Avignon (84). Jusqu’au 11 novembre.
Rens.: 0490165620, www.collectionlambert.fr.
UNE DONATION ÉPINEUSE
«Donner une collection n’est
pas chose facile en France.»
Yvon Lambert en juillet
FUTUR DÉMÉNAGEMENT
Cela faisait vingt ans qu’Yvon Lambert
voulait donner sa collection à l’Etat. Des
négociations avaient échoué en 1994 et,
depuis 2000, la collection demeurait à
l’hôtel de Caumont, à Avignon. Après
avoir failli renoncer, Lambert a obtenu
de l’Etat en novembre la garantie de
pouvoir doubler la surface d’exposition
de la collection en annexant l’hôtel de
Montfaucon, bâtiment voisin.
8 millions
C’est la somme, en euros, que l’Etat
paiera pour que l’hôtel de Montfau­
con (qui abrite l’école des beaux­arts)
soit transformé en musée. Le coût du
déménagement et de la réinstallation
de l’école reviendra aux collectivités.
"Un film sombre et solaire."
LE 22 AOÛT
LIBÉRATION
20
•
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
CULTURE
-40%
C’est la baisse de fréquentation, par rapport à 2011,
du festival de musiques électroniques Creamfields,
dans sa version andalouse, avec une affiche qui rassem­
blait du 10 au 11 août les mammouths Yuksek, Orbital
ou The Chemical Brothers. Creamfields aura également
lieu près de Liverpool, du 24 au 26 août.
Les murs du 5Pointz en conserve
5Pointz, l’antre historique des tagueurs new-yorkais depuis
vingt ans, va céder la place à des immeubles d’habitation.
Le propriétaire de cette ancienne usine du Queens promet
de garder la trace de «La Mecque du graffiti», avec une galerie et des «murs d’art» dans une zone piétonne.
«La Vie des jeunes» revient
Le dessinateur Riad Sattouf annonce pour octobre chez l’Association la parution du troisième tome de sa série best-seller
la Vie secrète des jeunes. Première case diffusée sur Twitter :
un parent scotché à son portable qui tient son bébé hilare
comme si c’était un sac à patates.
Les bibliothèques belges taxées
Le ministre belge de l’Economie en charge des droits d’auteur
a demandé aux bibliothèques publiques une mise en conformité avec la réglementation européenne, avec effet rétroactif
depuis 2004. Les sociétés d’auteurs espèrent empocher de
5 à 8 millions d’euros, soit trois fois plus qu’avant.
AUSSITÔT VU
«MAPPING CYPRUS», BRUXELLES
À L’HEURE CHYPRIOTE
Bruxelles est en Europe, et Chypre préside l’Europe,
donc l’histoire de Chypre est fêtée à Bruxelles. Où, à tra­
vers de rares et sublimes icônes, un peu de musique et
une foultitude de cartes, on apprend tout sur l’île et,
entre autres, sur la famille de Lusignan (dans la Vienne,
dont les habitantes sont des Mélusines) qui y régna avant
les Vénitiens, les Ottomans, puis les Anglais. La rencontre
du style byzantin tardif et de la peinture occidentale y fut
déterminante pour l’histoire de l’art de notre Renaissance.
Témoins ces Douze Apôtres (photo) de la fin du XVe ou du
début du XVIe siècle, qui mixent la courbure des corps de
l’époque des Paléologues avec l’humanisation vénitienne
des visages. É.Lo. (à Bruxelles) PHOTO CHURCH OF CHRYSELEOUSA
«Mapping Cyprus: Crusaders, Traders and Explorers.»
Bozar, rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles.
Rens.: www.bozar.be. Jusqu’au 23 septembre.
DISPARITION La romancière et essayiste, chantre
LA BD
élégante de l’histoire, est morte, hier, à 61 ans.
Catherine Lépront,
vertige final
L
a romancière Catherine
Lépront est morte hier
matin à Paris. Elle avait
61 ans, luttait depuis dix ans
contre une insuffisance respiratoire. Auteur d’une vingtaine de romans et recueils
de nouvelles, d’essais sur les
peintres Caspar David Friedrich et Ingres, elle avait eu
le prix Goncourt de la nouvelle pour Trois Gardiennes
en 1992. Elle était aussi lectrice pour les éditions Gallimard où elle avait publié
en 1983 son premier roman,
le Tour du domaine. En 1997,
elle est passée au Seuil.
C’est au Seuil qu’est paru
l’Anglaise, l’hiver dernier,
roman où Catherine Lépront
évoque un de ces paysages
de bord de mer qu’elle a toujours affectionnés, où des
traditions familiales, morales
et esthétiques qui semblaient
immuables achèvent de se
déliter. Le personnage de
l’Anglaise incarne une menace d’intrusion. Pour le
lecteur, elle est une silhouette évoquée jusqu’à
l’épuisement par les différents protagonistes.
«De multiples sujets, de multiples perspectives sur un
même fait, seul le roman peut
obtenir ça», expliquait Catherine Lépront à Libération
en 2001, lors de la parution
du très musical Café Zimmer-
Catherine Lépront, en 2008. PHOTO H. HANNAH. OPALE
moins secrètement dans le
présent. Les camps staliniens
(le Cahier de moleskine noire
du délateur Mikhaïl), la guerre
d’Algérie (le Beau Visage de
l’ennemi) ou, surtout, la persécution des
«Je ne me vois pas, dissimulée Juifs (Namokel,
sans doute son
derrière un personnage,
plus beau livre,
prétendre tout savoir du
en 1997) sont
monde que j’essaie de saisir
autant de clés et
de thèmes.
en le décrivant.»
Peu soucieuse
CatherineLéprontà Libération en 2001
de linéarité, Camann. C’est une partition à la therine Lépront disait éviter
fois savante et humaine que «le point de vue réducteur,
dessinent ses romans, d’Un autoritaire parce qu’il est unigeste en dentelle à Disparition que, de l’auteur omniscient; je
d’un chien. Les traumatismes ne me vois pas, dissimulée derdu XXe siècle imprègnent les rière un personnage, prétendre
consciences. Le récit, obses- tout savoir du monde que j’essionnel, circulaire, est pris saie de saisir en le décrivant»
dans un vertige temporel, le (Libération du 15 septempassé affleurant plus ou bre 2001). Sa brève expé-
rience d’infirmière quand
elle était jeune a nourri Des
gens du monde (Seuil, 2004).
Elle a évoqué sa famille dans
le Passeur de Loire (Gallimard,
1990), consacré à son grandpère, directeur de la Santé
de 1940 à 1945, puis médecin
du travail au Creusot (Saôneet-Loire) où elle est née.
Réputée pour l’élégance de
ses longues phrases, Catherine Lépront était aussi douée
d’une fantaisie fulgurante.
Un portrait, au hasard, dans
Partie de chasse au bord de la
mer : «Ludivine Sertilange,
une grenouille de bénitier, arrive sans faire de bruit. Elle
s’agenouille au pied du lit. Elle
n’a pas de cils. Il est vrai
qu’elle n’en a pas besoin : elle
ne sue ni ne pleure. C’est une
sainte.»
CLAIRE DEVARRIEUX
CHLOÉ POIZAT
SOIGNE SON
«BAL DE TÊTE»
Chloé Poizat invite à son
Bal de tête une foule
étrange: corps décapités,
homme­chouette, zèbre à
jambes de femme. Illustra­
trice de presse et de
livres, l’auteure s’est
astreinte à réaliser un des­
sin par jour, sans ligne
déterminée. Elle en a ras­
semblé une centaine dans
un petit bouquin aux
pages épaisses, qui for­
ment une balade graphi­
que fascinante. Chloé
Poizat martyrise ses per­
sonnages pour reposer
incessamment la question
du corps, de ses limites et
de son intégrité. Les gravu­
res sont en noir et blanc,
rehaussées de quelques
touches d’un rouge puis­
sant. Un homme décapité
court après sa tête, qui gît
deux pages plus loin, san­
glante, sur un poste de
télévision. Une femme au
visage béant paraît rire
avec la créature de la page
suivante, mi­homme mi­co­
chon. Surréaliste, pulsion­
nel, ce livre n’en offre pas
moins un trait précis et
harmonieux. Un bel objet
absurde à feuilleter, de
préférence avant de (ne
pas) dormir. A.L.
«Bal de tête», de Chloé Poizat,
Cornélius, 100pp., 18€.
«Nous n’avons pas,
pour l’instant,
les moyens de
financer les copies.»
Le producteur Pedro
Duarte commentant
l’asphyxie du cinéma
portugais après l’arrêt
des subventions de l’Institut
du cinéma et de l’audiovisuel
« Le grand retour du groupe mythique de
Lisa Gerrard et Brendan Perry »
nouvel album
DISPONIBLE EN CD DIGIPACK, DOUBLE VINYLE ET DIGITAL
EN CONCERT le 27/09 au Grand Rex - COMPLET
meteo du 20:LIBE09 19/08/12 15:17 Page1
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
A LA TELE CE SOIR
SUDOKU SUPÉRIEUR
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FRANCE 2
FRANCE 3
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20h50. Les experts :
Manhattan.
Série américaine :
Cadeau empoisonné,
Mort Imminente,
Jeux d’enfants,
Dent pour dent.
Avec Gary Sinise,
Mélina Kanakaredes.
0h00. Preuve à l’appui.
Mariage en noir,
La seconde mort,
Une dernière fois.
Série.
2h25. Sept à huit.
20h35. Cold case :
Affaires classées.
Série américaine :
Confusion mentale,
Libertyville,
Le bal des débutantes.
Avec Thom Barry,
John Finn.
22h50. David Nolande.
2 épisodes.
Série.
0h40. Journal de la
nuit.
0h55. Au clair de la
lune.
20h35. Match,
l’album des Français.
2e volet.
Documentaire.
22h35. Météo.
22h40. Soir 3.
23h10. Strip-tease.
Documentaire.
0h00. La femme
invisible, d’après une
histoire vraie.
Film.
1h30. Soir 3.
2h00. Plus belle la vie.
Série.
20h55. Mad dogs.
Série britannique :
La proposition de
Maria, Rebelote,
Le village des damnés.
Avec John Simm,
Max Beesley.
23h05. Spécial
investigation.
Tabloïds : le pouvoir
du scandale.
Documentaire.
0h00. L’œil de Links.
Série.
0h25. Scream 4.
ARTE
20h50. To be or not
to be, jeux dangereux.
Comédie américaine
d’Ernst Lubitsch, 95mn,
1942.
Avec Carole Lombard,
Jack Benny.
22h25. Europa.
Comédie dramatique
européenne de Lars
Von Trier, 107mn, 1990.
Avec Jean-Marc Barr,
Barbara Sukowa.
0h15. Les Robinson de
Mantsinsaari.
PARIS 1ERE
20h40. Graffiti 80.
Coulez le «Rainbow
Warrior» (1984-1985).
Documentaire.
22h10. Graffiti 80.
À l’Est, du nouveau
(1988-1989).
Documentaire.
23h40. Le prisonnier
Série britannique :
Il était une fois,
Le dénouement.
Avec Patrick
McGoohan.
1h20. Programmes de
la nuit.
M6
20h50. L’amour est
dans le pré.
Documentaire
présenté par
Karine Le Marchand.
22h50. Nouveau look
pour une nouvelle vie.
Pierre et Sarah.
Magazine présenté par
Cristina Cordula.
0h05. Belle toute nue.
Élodie et Angela.
Magazine.
1h35. Jericho.
Série.
TMC
20h45. Le Roi Scorpion
3 : combat pour
la redemption.
Téléfilm de Roel Reiné.
Avec Billy Zane,
Ron Perlman.
22h22. La malediction
de la momie.
Film d’aventures
américain de Russell
Mulcahy, 88mn, 1998.
Avec Jason Scott Lee,
Louise Lombard.
0h25. Face au
predateur.
FRANCE 4
20h35. Du jour
au lendemain.
Comédie française de
Philippe Le Guay, 93mn,
2005.
Avec Benoît
Poelvoorde.
22h15. Camping
à la ferme.
Comédie française de
Jean-Pierre Sinapi,
90mn, 2004.
Avec Roschdy Zem.
23h45. Manu Payet
au Bataclan.
FRANCE 5
20h35. Dangers
dans le ciel.
Approche finale Vol Korean Airlines 801.
Documentaire.
21h25. Je ne devrais pas
être en vie.
Face à face avec
les requins.
Documentaire.
22h15. C dans l’air.
Magazine.
23h25. Avis de sorties.
23h30. Superscience.
Documentaire.
W9
GULLI
20h50. Flic ou voyou.
Policier français e
Georges Lautner,
120mn, 1979.
Avec Jean-Paul
Belmondo,
Michel Galabru.
22h25. Le guignolo.
Comédie française de
Georges Lautner,
90mn, 1980.
Avec Jean-Paul
Belmondo,
Mirella D'Angelo.
0h20. Smallville.
20h45. Merlin.
Série britannique :
Le cristal de Néahtid,
Les sortilèges de
Morgause,
L’attaque du grand
Dragon.
Avec Colin Morgan,
Bradley James Il.
23h10. Un drôle d’ami.
Téléfilm américain.
Avec Ice T,
Siri Baruc.
0h00. Dessins animés.
Jeunesse.
NRJ12
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20h35. Les
braqueuses.
Comédie française de
Jean-Paul Salomé,
90mn, 1993.
Avec Catherine Jacob,
Clémentine Célarié.
22h25. Sexes faibles.
Comédie française de
Serge Meynard, 90mn,
1992.
Avec François Cluzet,
Valérie Lemercier.
0h00. Hollywood girls.
20h50. Quartier
général.
Mon bébé vient au
monde trop tôt :
e combat pour la vie.
22h30. Quartier
général.
Coulisses d’une
maternité : l’aventure
de la vie.
Magazine.
0h15. Quartier général.
2h00. Je m’occupe
du café.
20h45. Les frangines.
Téléfilm de
Laurence Katrian.
Avec Arielle Dombasle,
Isabel Cruz.
22h30. Faites entrer
Fabrice Éboué.
Spectacle.
0h05. Le mariage
de Moundir.
Divertissement.
1h45. Johnny Hallyday :
Olympia 2000.
Spectacle.
20h40. Star report.
Qatar, l’irrésistible
ascension économique.
Magazine présenté par
Claire Arnoux.
21h50. Star report.
Tout pour servir les
stars.
Magazine.
22h50. Star report.
Paris, la guerre des
palaces est déclarée.
Magazine.
23h55. Star story.
Cet été, vos journaux voyagent avec vous.
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Tél. : 01 42 76 17 89
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Tirage du 18/08/12:
185 369 exemplaires.
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0335-1793.
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C
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LE CŒUR À L’OUVRAGE
LUNDI LE MATIN Beau temps chaud au sud, un
peu plus nuageux en se dirigeant vers le
nord.
L’APRÈS-MIDI Baisse de la température
au nord. Toujours aussi chaud ailleurs. Le
ciel peut prendre un aspect orageux.
0,3 m/18º
Lille
0,1 m/17º
Caen
Paris
Strasbourg
Brest
Orléans
Dijon
Nantes
0,1 m/18º
Limoges
Lyon
Bordeaux
0,3 m/22º
Nice
Montpellier
Toulouse
Marseille
Ajaccio
0,3 m/24º
0,1 m/26º
FRANCE
MIN/MAX
FRANCE
18/28
16/25
15/22
16/29
21/31
23/31
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Caen
Brest
Nantes
Paris
Nice
Strasbourg
MIN/MAX
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15/36
17/34
21/32
21/36
18/34
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Dijon
Lyon
Bordeaux
Ajaccio
Toulouse
Montpellier
Marseille
MIN/MAX
25/32
19/31
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19/27
21/34
20/37
17/28
Alger
Bruxelles
Jérusalem
Londres
Berlin
Madrid
New York
MARDI MERCREDI Évolution orageuse au nord-est du
pays. Plus sec et ensoleillé en
descendant vers le sud.
Chaud et orageux du centre au nordest. Soleil et fortes chaleurs persistent
au sud-est. Temps rafraîchi près de la
Manche.
0,3 m/18º
0,3 m/18º
Lille
Lille
0,1 m/17º
0,1 m/17º
Caen
Caen
Amaury médias
25, avenue Michelet
93405 Saint-Ouen Cedex
Tél.01 40 10 53 04
hpiat@manchettepub.fr
Petites annonces.Carnet.
IMPRESSION
POP (La Courneuve),
Midi-print (Gallargues)
Nancy Print (Nancy)
Ouest-Print (Bournezeau),
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PuBLICITÉ
Directrice générale
de LIBERATION MEDIAS
Marie Giraud
Libération Medias. 11, rue
Béranger, 75003 Paris.
Tél. : 01 44 78 30 68
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Rédacteurs en chef adjoints
Michel Becquembois
(édition)
Pascal Virot (politique)
Jacky Durand (société)
Olivier Costemalle
et Richard Poirot
(éditions électroniques)
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Paris
Paris
Strasbourg
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Strasbourg
Brest
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Dijon
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0,6 m/20º
Lyon
Lyon
Bordeaux
Bordeaux
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0,3 m/23º
Toulouse
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1°/5°
6°/10°
Nice
Montpellier
11°/15°
16°/20°
21°/25°
Faible
Modéré
fort
26°/30°
31°/35°
Calme
Peu agitée
Agitée
36°/40°
•
Par Carlos Giménez
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BD
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
BD
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31/36
RÉSUMÉ DES
ÉPISODES
PRÉCÉDENTS
Années 60, sous
la dictature de
Franco. Pepe,
dessinateur de
BD doué pour
tout, fonde avec
ses potes un
groupe de
rock’n’roll. Même
sans drogue, il
leur faut du sexe.
Sauf que Pepe est
gay et que
l’époque ne rigole
pas avec ça.
En librairie à partir
du 27 septembre
A suivre...
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
LIBÉRATION LUNDI 20 AOÛT 2012
PORTRAIT DE VILLE (12/12) LA VILLE ANONYME (FRANCE)
Nulle part et chez moi
Par NATHAN SAINT­CAMES
Illustration LAURENCE BÉRIOT
M
a ville n’a pas de nom. Ou plutôt elle en porte
plusieurs. Ce pourrait être Châteauroux, Blois ou
Arras, ce serait la même chose. Et pourquoi pas
une ville du Sud ? Millau, Antibes ou Agen, peu
importe. Elle fait partie de ces innombrables cités de province
qu’on a tous traversées au moins une fois en se disant «tiens,
ça a l’air charmant ici!» et puis on n’y est jamais revenu. Pour
quoi faire ?
Pour tout un chacun, ma ville ressemble à toutes les autres,
pour moi elle est unique. C’est ma ville anonyme. Dans ma
ville anonyme, les gens évitent les mendiants comme
partout. On a droit aux mêmes marginaux percés et tatoués
avec leurs chiens crasseux. Ils nous insultent méchamment
quand on refuse de leur donner de la monnaie. Ma ville a
aussi son clochard attitré. Il arpente nos deux boulevards en
chantant Hugues Aufray, ivre selon ses moyens du moment.
Tout le monde le connaît et les jeunes se foutent de lui joyeu-
sement. Quand il en a marre, il baisse son pantalon taché et
urine devant les gens. Il peut tout aussi bien se soulager les
intestins si les circonstances lui sont favorables.
Ma ville anonyme a bien sûr un joli petit centre au charme
provincial, avec ses boutiques aux noms improbables comme
«Pazapa» ou «Aparthé». Nos commerçants sont les mêmes
poujadistes qu’ailleurs, jamais contents, qui râlent sans arrêt
et parlent de la crise à tout bout de champ. Et les clients
aiment ça.
Ma ville anonyme a son lot de cafés, restaurants et bars. On
les connaît tous par cœur, on y voit toujours les mêmes têtes,
les mêmes jours, aux mêmes heures. C’est à la fois rassurant
et effrayant. Devant son café ou sa bière, on se dit qu’on n’est
pas comme son voisin de comptoir et qu’un jour on sera loin
de tout ça. Mais on y retourne chaque semaine, comme tous
les habitués…
Ma ville anonyme possède un seul parc dans son centre-ville.
Malheureusement, il est situé à côté du lycée et envahi
constamment par de jeunes désœuvrés. Ils passent leur
temps vautrés dans l’herbe à fumer, ou sur les bancs à se bé-
coter. Certains s’amusent avec les canards, parfois vertement. Finalement, ce sont ces derniers que je préfère dans
ce parc.
Ma ville anonyme, comme toute cité d’un territoire rural, est
peuplée de réactionnaires qui aiment les vaches et l’authenticité. Résultat: le maire est à droite, il va à la messe tous les
dimanches et il cumule les mandats. Il paraît qu’il est sympa
en public mais détestable avec ses collaborateurs. Bref, un
vrai politique.
Ma ville anonyme est moderne: elle a le haut débit. Il a fallu
que notre maire monte à Paris pour ça. Il est presque rentré
en héros quand on a su qu’on serait raccordé au monde de
la Toile à grande vitesse. Du coup, la municipalité fait des
initiations à Internet dans les maisons de retraite. Ça distrait
les vieux en attendant la fin.
Ma ville anonyme a son lot d’embouteillages tous les matins
et tous les soirs à la même heure. En province on est parfois
plus idiots qu’à Paris: on vit sans les avantages de la capitale
mais on est capables d’en supporter les inconvénients.
Ma ville anonyme c’est aussi
son journal local : un des
UN AUTRE REGARD
derniers quotidiens si petit
en France, une vraie fierté.
Depuis quatre ans,
On y trouve les horaires des
Libération et
l’Association pour l’aide
lotos, les dates des concours
aux jeunes auteurs (Apaj)
de pétanque et le plus intéorganisent un concours
ressant : les séances du
de reportages sur le
cinéma. Le plus drôle dans
thème du voyage réservé
notre journal, c’est l’orthoaux moins de 30 ans,
graphe. Il y a des fautes parparrainé par Erik
tout, même dans les titres et
Orsenna. Le thème de
parfois à la une ! Les jourl’année était «Portraits
nalistes de ma ville sont
de villes», une approche
personnelle et originale
comme les autres : s’ils
d’une cité, d’un quartier
étaient bons, ils ne seraient
ou de ses habitants…
plus là.
Ma ville anonyme c’est également son club sportif fétiche. Ils sont des milliers qui chaque dimanche viennent
déverser le fiel de toutes les frustrations de la semaine sur
l’équipe adverse ou sur l’arbitre, suivant l’ampleur du score.
Je me joins à eux allègrement en proférant un flot d’insultes
surprenant. Quand le match se termine, je rentre chez moi,
tranquille et apaisé, qu’on ait gagné ou perdu.
Ma ville anonyme a sa grande fête populaire estivale. Adolescent, j’attendais cet événement avec la fièvre d’un jeune premier emmenant une demoiselle au bal. Aujourd’hui, il est
de bon ton d’ignorer cette manifestation populaire pour ringards et de ne pas y aller. Au final, cela permet de distinguer
les gens bien comme il faut, des autres… Ma ville anonyme
a aussi ses codes petits bourgeois.
Ma ville anonyme a bien sûr son entreprise familiale qui fait
vivre la cité. Apparemment, elle nous sauve de la misère et
si elle disparaissait, ma ville dépérirait aussitôt. C’est la
croyance incontestée de tout un chacun. Alors tous les habitants vouent une reconnaissance innée et héréditaire à cette
fameuse famille bienfaitrice et millionnaire. J’ai travaillé une
fois dans la grande entreprise de ma ville, un été pour me
faire de l’argent. C’était comme toutes les usines : répétitif,
abrutissant, aliénant et ennuyeux à mourir.
Ma ville anonyme compte évidemment son intellectuel de
référence. Il s’agit d’un professeur reconnu, très vieux bien
sûr, qui vit la plupart du temps à Paris. Il donne des cours
dans des universités prestigieuses en France et siège sous la
coupole avec d’autres intellectuels comme lui. A chaque
débat local inextricable, on lui demande son avis en dernier
recours. Son jugement fait souvent autorité parmi la population qui l’admire. Il est le fils de la cité qui a réussi dans le
grand monde. Je ne l’ai vu qu’une fois et si on ne m’avait pas
dit qui il était, je l’aurais pris pour un vieillard sénile…
Qu’est-ce qu’il y a à voir dans ma ville anonyme? L’ordinaire
du quotidien avec ses banalités, la médiocrité humaine omniprésente, l’envie sournoise de tous d’être différent et la
croyance sourde d’être meilleur que les autres. On y voit un
échantillon d’humanité singulière et représentative. On y voit
les gens.
Ma ville anonyme, c’est nulle part et c’est chez moi. L’endroit
que je veux quitter à chaque instant mais où je sais que je
reviendrai toujours. C’est le berceau de mes rêves et la scène
de ma réalité. Ma ville anonyme, je l’aime et je la hais mais
c’est ma ville. •