Le parc de la Gatineau: Un trésor menacé

Transcription

Le parc de la Gatineau: Un trésor menacé
LA VOIX POUR
LA NATURE
Le parc de la Gatineau
Un trésor menacé
SNAPVallée de l’Outaouais
$2.00
La SNAP, avec ses 20,000 membres, compte 13 sections régionales à travers le
Canada et un bureau national à Ottawa, plus de 50 employés et des centaines
de bénévoles sont engagés dans la conservation du territoire.
De plus, nous agissons comme leaders au niveau national et provincial/territorial dans l’établissement de l’agenda pour la conservation de la nature. Depuis
notre fondation en 1963, nous avons joué un rôle capital dans la protection de
plus de 45 million d’hectares de nos précieux espaces sauvages au pays- une
superficie atteignant presque sept fois l’envergure de la Nouvelle-Écosse !
Remerciements
Un gros merci à toutes les personnes dévouées qui ont contribué de manière appréciable à la production de cette brochure.
Les membres dévoués du comité de rédaction du rapport qui ont apporté le contenu du livret :
Doug Anions
Carolyn Cahill
Jim Fraser
Janet Glendenning
Brett Hodnett
Muriel How
Heather Kharouba
Rob Rainer
Les employé(e)s de la SNAP et membres du Conseil
d’administration de la SNAP-VO pour leurs suggestions, la mise en page, la traduction et l’impression.
Ellen Adelberg
Line Bastrash
Ken Buchan
John McDonnell
Sinclair Robinson
Julie Seguin
Phil Wilson pour la carte central et pour son expertise
en matière graphique
Les individus qui ont fourni des suggestions et de
l’expertise technique :
Carol Alette
Marilyn Anions
Scott Findlay
André Martel
Dan Smythe
Jean-Paul Murray
Stephen Knowles
Michel Viens et au personnel de la Commission de la
Capitale nationale de nous avoir fait part de leurs points
de vue éclairés et de nous avoir fourni des données
importantes.
Merci également aux personnes suivantes qui ont fait
don de leurs photos :
Doug Anions
Dan Brunton
Geof Burbidge
Jim Fraser
Janet Glendenning
André Martel
Ian Whyte
Sue Novotny et Allison MacAlister pour la mise en
page.
La publication de cette brochure a été rendue possible
grâce au généreux soutien financier de Mountain Equipment Co-op. Bushtuka a également participé financièrement à ce projet. Date de publication: 2008
SNAP - Vallée de l’Outaouais, 2008. Le Parc de la Gatineau: Un trésor menacé. Societé pour la nature et les parcs du
Canada, section vallée de l’Outaouais. 28 p.
Table des matières
Preface
4
Un trésor national 5
Un patrimoine naturel remarquable 6
La flore 6
Les milieux aquatiques
7
Les mammifères 8
Les oiseaux
10
Les espèces préoccupantes
10
Une vision novatrice de la conservation
12
Les stress exercés sur le parc
16
Pression des activités récréatives 16
Routes et circulation
18
Espèces envahissantes
19
Urbanisation et développement
21
Changement climatique 23
Une approche de gestion qui englobe l’écopaysage 23
La gestion et la protection du parc
25
Conclusion
26
Recomandations
27
Ressources
Dos
Photo: Sentier du parc de la Gatineau en automne, par Janet Glendenning
Page couverture: Dan Brunton; Ian Whyte; Jim Fraser; Dan Brunton
Preface
Le parc de la Gatineau est un trésor national – une nature sauvage d’une grande
beauté abritant une biodiversité extraordinaire. La présente brochure décrit
certaines des qualités qui font du parc de la Gatineau un lieu si spécial. Elle
explique comment le parc est aujourd’hui gravement menacé, et ce que nous devons faire pour protéger le parc de la Gatineau pour les générations futures. Un
changement fondamental dans la stratégie de gestion du parc est nécessaire pour
maintenir l’intégrité écologique du parc de la Gatineau.
Les frontières du parc doivent être définies de manière précise dans une loi
fédérale. Un cadre législatif et des politiques appropriées pour une aire protégée d’importance nationale doivent être mis en œuvre. La loi doit assurer que
le Parlement exerce une surveillance
complète sur le parc, la même surveillance qu’il exerce pour tous nos parcs
Jusqu’à quel point le parc de la Gatineau
nationaux canadiens en vertu de la Loi
est-il protégé?
sur les parcs nationaux.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le parc de
Le Parc de la Gatineau a le potenla Gatineau n’est un parc que de nom seulement – il n’a
pas la protection légale d’un parc national ou provincial!
tiel pour devenir une aire protégée
centrale au sein d’une région plus
La SNAP encourage fortement la protection juridique
vaste qui assurera la protection des
officielle du parc de la Gatineau. Le meilleur moyen d’y
arriver serait de faire du parc de la Gatineau un parc
écosystèmes naturels et le maintien
national canadien.
de populations viables de toutes les
espèces indigènes. Il peut servir de
modèle pour l’application de pratiques
innovatrices en matière de conservation et d’utilisation du territoire. C’est un lieu magnifique qui peut inspirer tous
les Canadiens et les visiteurs de l’étranger et les amener à mieux apprécier notre
patrimoine naturel et culturel. Dans son Plan directeur du parc de la Gatineau
de 2005, la Commission de la capitale nationale (CCN) a manifesté le désir de
gérer le parc comme une aire protégée de catégorie II de l’UICN. Cette décision
est extrêmement importante, mais elle nécessitera un large appui du public pour
devenir réalité.
Pour assurer l’avenir durable du parc de la Gatineau et de ses écosystèmes,
nous avons besoin de façon urgente d’une vision partagée par toutes les parties concernées. Bien que sa valeur en tant qu’aire protégée ait été reconnue par
une multitude de gens tout au long du siècle dernier, le parc de la Gatineau ne
jouit toujours pas d’une reconnaissance officielle de la part du gouvernement du
Canada.
La SNAP croit que le parc de la Gatineau mérite le statut de parc national. Avec
votre aide, le parc de la Gatineau peut devenir une aire protégée reconnue à
l’échelle nationale qui enrichira la vie des résidents de la région environnante et
de tous les Canadiens. Il peut aussi devenir un important symbole de l’identité
canadienne.
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
Un trésor national
Certains lieux naturels au Canada
devraient être conservés comme des
trésors.
Le parc de la Gatineau en est un. Les
361 kilomètres carrés du parc, tout près
de la capitale nationale du Canada,
forment une véritable tapisserie de collines ondulées, de vallées, de forêts, de
lacs et de terres humides magnifiques
à contempler. Ces territoires fournissent un habitat naturel à plusieurs des
L’escarpement d’Eardley
espèces sauvages indigènes au Canada.
L’escarpement rocheux et boisé d’Eardley
De plus, le parc a une histoire humaine
s’élève majestueusement à 300 mètres
fascinante qui inclut les peuples aude hauteur sur les plaines de la vallée de
tochtones, les explorateurs français, les
la rivière des Outaouais. Le sommet de
l’escarpement offre une superbe vue de la
commerçants de fourrures et les colons
vallée des Outaouais, qui, suite à la fonte
anglais et français. Les marques laissées
des glaciers de la dernière ère glaciaire,
par cette histoire peuvent être aperçues
formait en partie la mer de Champlain,
à travers le parc.
vaste et salée.
Aujourd’hui, grâce à la vision des
Le Mont King (344m.) est le site de la
premiers conservationnistes, le parc
première station géodetic au Canada.
de la Gatineau est un coin de nature
L’escarpement est non seulement la
sauvage, unique et accessible à tous
caractéristique géographique la plus
les Canadiens. Au cours de l’année,
proéminente de ce parc, mais aussi le lieu
le parc fournit aussi des opportunités
de ses écosystèmes les plus sensibles et
variées d’activités de plein air, telles
fragiles. Son microclimat doux et relativeque l’excursion en forêt, le ski de fond,
ment sec permet la survie du plus grand
nombre d’espèces de plantes menacées au
la raquette, la bicyclette, le vélo de
Québec. L’escarpement est aussi l’habitat
montagne, le camping, l’aviron, la nage
de plusieurs populations en réduction
et l’escalade, tout ça au cœur de ce
– des populations isolées ou décroissantes
magnifique paysage.
d’espèces qui auparavant s’étendaient
Par contre, sa proximité à l’une des
dans toute la région – comme la woodsie
obtuse.
quatre plus grandes agglomérations
urbaines du Canada, Ottawa-Gatineau,
Photo: Dan Brunton
expose le parc à un risque considérable.
Le haut niveau de visites et de récréation menace la santé du parc de l’intérieur. Le développement urbain résultant de la
population régionale croissante menace le parc de l’extérieur. La perte d’habitats et la
fragmentation de terres mettent en péril les populations en santé de la faune du parc.
Le changement climatique mondial menace aussi la stabilité des écosystèmes du
parc. Le parc de la Gatineau a besoin d’aide, non seulement des gens responsables de
sa gestion, mais aussi de tous ceux qui le visitent et qui en jouissent.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
Un patrimoine naturel remarquable
Les collines de la Gatineau sont des vestiges des anciennes montagnes de la
province géologique du Grenville (ou Laurentides) du Québec, une des plus vieilles chaînes de montagnes au monde. Ces montagnes, qui font partie du grand
Bouclier canadien, ont peut-être déjà été aussi majestueuses que les montagnes
Rocheuses! Leurs roches précambriennes solides, formées surtout de granit
et de gneiss, ont été sculptées et aplaties par un milliard d’années d’érosion.
L’impressionnant escarpement d’Eardley, qui forme la frontière sud-ouest du
parc de la Gatineau, fait partie d’une faille géologique majeure qui longe la limite
sud du Bouclier canadien. Les cavernes Lusk, sur le plateau d’Eardley, ont été
formées par des dépôts de calcaire hautement métamorphosés (marbre) reposant
sur les roches précambriennes plus anciennes.
Le parc de la Gatineau est très populaire à cause de sa tranquillité et sa beauté
naturelle. Par contre, même des visiteurs réguliers ignorent sa diversité unique
d’habitats, de plantes et d’animaux. Cette biodiversité impressionnante est due
en grande partie au fait que le parc de la Gatineau se trouve dans une zone de
transition entre la forêt boréale et le Bouclier canadien, vers le nord, et les forêts
tempérées de l’est des basses-terres du Saint-Laurent, vers le sud. Des espèces
typiques de chaque zone vivent dans le parc, ce qui engendre un mélange intéressant d’espèces qu’on ne voit pas généralement ailleurs au Canada. Le parc de
la Gatineau fournit l’habitat de 27 % de toutes les espèces végétales et vertébrées
trouvées au Canada, et plus de 40 % de celles trouvées au Québec et en Ontario.
Nul autre parc d’une grandeur comparable au Canada n’est aussi riche en flore et
en faune.
La flore
La distribution des espèces végétales au sein du parc de la Gatineau est déterminée
par plusieurs facteurs, incluant le microclimat, la topographie et la géologie. Les
sols riches en carbonate communs dans le parc supportent une grande diversité de
plantes.
Près de 90 % du parc de la Gatineau est boisé, ce qui représente un des boisés les
plus diversifiés écologiquement au Canada central. Une randonnée d’après-midi
peut mener un visiteur à travers une forêt dominée par les feuillus, comme l’érable
à sucre, le hêtre à grandes feuilles, le bouleau
jaune et la pruche de l’Est, ensuite à travers
une forêt dominée par des résineux comme
l’épinette noire et le sapin baumier, typiquement
associés à la forêt boréale. Les chênes rouges et
blancs dominent le long des pentes abruptes de
l’escarpement d’Eardley.
Des vestiges de la forêt originale de pins
blancs matures de ce parc sont très rares, car
la majorité de ces arbres magnifiques ont été
coupés pour l’industrie du bois dans les années
1800. Semblablement, de petites régions vierges
d’épinettes blanches et de sapins baumiers se
Sagittaire. Photo: Ian Whyte
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
trouvent seulement dans quelques lieux
isolés. Les vestiges des forêts vierges
de pruches de l’Est sont aussi très rares
mais peuvent être aperçus sur des côtes
fraîches qui font face au nord. Maintenir
la santé de ces espèces est très important,
car elles contiennent la diversité génétique des forêts, auparavant vastes, des
basses-terres du Saint-Laurent.
Plus de 1100 espèces de plantes vasculaires ont été documentées dans le
parc de la Gatineau. Plus de 40 espèces
d’orchidées ont été recensées, dont le
cypripède royal, le malaxis unifolié,
le calopogon tubéreux et la pogonie
langue-de-serpent. Plusieurs de ces
orchidées poussent dans les environnements humides et riches des marais, des
marécages et des tourbières.
Les milieux aquatiques
Aussi importantes que soient les forêts,
c’est l’eau qui supporte l’écologie du parc
de la Gatineau. Environ 50 lacs parsèment
le parc, les plus grands étant les lacs La
Pêche, Philippe, Mousseau (Harrington)
et Meech. Les trois derniers forment
une chaîne de lacs au centre du parc et
s’écoulent à travers la vallée du ruisseau
Meech vers la rivière Gatineau. Le parc
compte aussi plusieurs ruisseaux, étangs
et marécages.
Le lac Pink est un bon exemple d’un lac
méromictique rare; ce lac en forme de bol
et son emplacement à l’abri empêche ses
eaux de se mélanger. En profondeur, le lac
est presque sans oxygène, ce qui donne
vie à une bactérie anaérobique qui, dans
son processus de photosynthèse, utilise
du soufre plutôt que de l’oxygène. Le lac,
auparavant rattaché à la mer de Champlain, est aussi l’habitat d’une population
unique en eau douce d’une espèce vivant
normalement en eau salée, l’épinoche à
trois épines.
Les nombreux étangs et marécages
Dessus: L’alas midonte a fortes dents au lac Philippe.
Sa carapace mesure de 4 à6 cm de longuere. Bien
que rare dans le parc, le sud du lac Philippe se classe
parmi les meilleurs sites pour observer cette moule.
Photo: André Martel
Les moules d’eau douce
Environ sept espèces de moules d’eau douce
ont été répertoriées dans les rivières et les lacs
du parc de la Gatineau; elles portent des noms
étranges comme l’anondonte commune, la
lampsile solide, l’alasmidonte à fortes dents et
l’elliptio maigre de l’Est.
Les moules d’eau douce vivent au fond des lacs
et des rivières. Connues comme étant « les
filtres d’eau de la nature », elles ingèrent des
algues, des bactéries et des détritus minuscules,
nettoyant efficacement l’eau de ces éléments.
En creusant et en rampant le fond des lacs
et des rivières, elles oxygènent les sédiments,
comme le font les lombrics dans votre jardin.
Les moules sont essentielles à la biodiversité et
à la productivité des écosystèmes aquatiques et
sont d’excellents bio-indicateurs de la santé des
écosystèmes.
Les moules sont une composante importante
de la chaîne alimentaire, étant une source de
nourriture pour plusieurs espèces comme
les loutres, les ratons laveurs, les hérons et
certains poissons.
Les poissons sont essentiels au cycle de vie des
moules. Les larves des moules s’attachent aux
branchies ou aux nageoires des poissons et se
laissent porter pendant plusieurs semaines tout
en continuant leur croissance, puis se détachent
ensuite dans un nouveau lieu.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
procurent l’habitat de reproduction et l’alimentation essentiels à une panoplie
d’insectes, d’invertébrés, de poissons, d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux et de
mammifères. Les terres humides sont parmi les écosystèmes les plus productifs
au monde, produisant autant de biomasse par hectare qu’une forêt tropicale. Les
terres humides emmagasinent l’eau de pluie et la libère ensuite lentement vers
les ruisseaux en aval pour répondre aux besoins des plantes et des animaux lors
de sécheresses. Elles servent aussi de « systèmes de traitement de l’eau » naturels,
améliorant la qualité de l’eau en filtrant, en diluant et en dégradant divers sédiments et polluants.
Plus de 50 espèces de poissons ont été inscrites à l’inventaire des eaux du parc.
Plusieurs espèces de salmonidés, comme le touladi, la truite mouchetée et le
grand corégone, sont originaires de la région. Au moins 12 espèces ont été
introduites par les humains, dont des espèces populaires auprès des pêcheurs
sportifs comme l’achigan à petite bouche, la truite arc-en-ciel et la truite brune. La
pêche sportive est règlementée par le gouvernement du Québec.
Les mammifères
Le parc de la Gatineau fournit l’habitat de plusieurs mammifères typiques de la
nature sauvage du Canada, comme la loutre de rivière, le lièvre d’Amérique, le
renard roux, l’orignal, le coyote, le loup gris, le castor, le raton laveur, le cerf de Virginie et l’ours noir. Bien que le parc se trouve dans l’aire de distribution du carcajou
et du le couguar de l’Est, ces derniers sont rarement observés. Le castor, un des mammifères ayant le plus d’influence dans le parc de la Gatineau,
joue un rôle écologique majeur en inondant des habitats, en changeant le cours des
ruisseaux et en modifiant les communautés de plantes. L’activité des castors est
bien visible à travers le parc. Autrefois très nombreux, les populations de castors
dans l’est du Canada ont diminué jusqu’en 1930 à un niveau très bas à cause de
chasse excessive pour la fourrure de l’animal. Afin de rétablir la population locale,
des couples ont été réintroduits dans le parc de la Gatineau. Depuis les années
1950, les castors sont encore une fois devenus une espèce répandue et abondante
dans le parc.
Quelque 200 ours noirs vivent dans le parc de la Gatineau. Ces omnivores
requièrent un espace important afin de maintenir une population durable. Les
paysages naturels boisés et les réseaux d’aires protégées sont essentiels à la survie
de ces espèces indigènes importantes. Les ours jouent un rôle important dans la
dispersion de graines.
La population de cerfs de Virginie dans le parc et dans les aires rurales environnantes a nettement augmenté au cours des dernières décennies. L’espèce est
surabondante par rapport à la capacité du parc de soutenir sa population. Environ
1200 cerfs résidaient dans le parc au printemps 2005, ce qui représente un nombre
50 % plus élevé que la « capacité de charge » du parc. Le nombre élevé de cerfs
se manifeste par le broutage continu de la végétation le long de l’escarpement
d’Eardley, ce qui a un impact sévère sur la régénération naturelle de ses forêts de
chênes rouges et blancs. Le prédateur principal des cerfs dans le parc est le loup;
malheureusement, le parc de la Gatineau n’est pas assez grand, il est trop fragmenté et il subit trop de perturbations pour assurer la survie d’une population de
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
Les loups dans le parc de la Gatineau
Les loups nécessitent de vastes territoires dans lesquels ils peuvent trouver une provision suffisante de nourriture diverse. La présence de loups indique qu’un écosystème est
assez sauvage pour soutenir un grand prédateur.
Il y a environ 17 sous-espèces de loups gris (Canis lupus) au Canada, chaque espèce
étant de différentes tailles, couleurs et autres caractéristiques. Les loups qui vivent ou
qui se déplacent à travers le parc de la Gatineau sont probablement des loups de l’Est,
génétiquement liés à une population qui est centrée dans le parc provincial Algonquin,
en Ontario, et qui est considérée comme étant une espèce distincte (Canis lycaon) par
certains experts.
On estime que la population complète dans le parc de la Gatineau compte huit loups ou
moins, regroupés dans une meute ou deux. Les loups sont timides envers les humains et
sont rarement aperçus, mais leur présence peut être observée par les traces qu’ils laissent.
Les loups étaient autrefois répandus au Canada. Des siècles de chasse, d’efforts
d’éradication, de perte d’habitats ainsi que d’un taux de reproduction naturellement lent
ont réduit leur étendue à quelques aires éloignées, surtout nordiques, et à certaines aires
protégées très vastes. Les loups existent encore au cœur des collines de la Gatineau
à cause de la présence d’une aire naturelle sauvage relativement large, et parce que le
parc de la Gatineau a été désigné comme étant un refuge faunique du Québec en 1973.
À l’extérieur du parc il y a peu de protection pour les loups. Le piégeage est permis et
les loups sont encore considérés comme de la vermine. Les motoneiges et les véhicules
tout terrain facilitent l’accès à ces aires éloignées, augmentant le stress sur les populations de loups par la chasse et la fragmentation des habitats. Par conséquent, les loups à
l’extérieur des aires protégées subissent de grandes pressions.
Photo: Loup de l’est, par Lori Labatt
loups assez importante pour contrôler la population croissante de cerfs. On a fait
du parc de la Gatineau un sanctuaire de chasse provincial en 1973. Le parc porte
la désignation de sanctuaire de chasse du parc de la Gatineau dans la Loi sur la
conservation et la mise en valeur de la faune (octobre 2007). Cela est trés significatif
parce que toute chasse y est interdite.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
Les oiseaux
Le plongeon huard
Un symbole essentiel de la nature sauvage du Canada est le plongeon huard,
souvent aperçu ou entendu sur les grands
lacs, comme les lacs La Pêche et Meech,
qui fournissent un habitat approprié pour
la nidification et l’alimentation du huard.
Les huards sont sensibles aux activités
humaines. Leurs nids sont particulièrement menacés par les bateaux à moteur
qui troublent les eaux. Ils sont prédateurs
de plusieurs espèces de poissons et sont
grandement vulnérables aux perturbations écologiques comme le développement riverain, l’acidification des lacs et
les contaminants comme le mercure et le
plomb. La présence de huards est un bon
indicateur de la santé d’un lac.
Plongeon huard. Photo: Dan Brunton
Environ 230 espèces d’oiseaux ont été
observées dans le parc de la Gatineau.
Les forêts sont animées par les gélinottes
huppées, les grands pics, les bruants à
gorge blanche et les sitelles. Les lacs et
les étangs procurent un habitat au grand
héron, au canard branchu, au petit
garrot et au harle couronné, alors que
d’autres espèces, comme le râle de Virginie, vivent dans les grands marais de
massettes et de carex. Plusieurs espèces
migratoires, dont les parulines, les bruants et les grives, ont aussi fait leur nid
dans le parc.
Les aigles, les éperviers et les hiboux
sont des prédateurs aviaires importants
dans le parc. Les urubus à tête rouge,
les buses à queue rousse et les petites
buses planent le long de l’escarpement
d’Eardley, à la recherche de rongeurs ou
d’autres proies. Ces rapaces débarrassent
le parc des carcasses de cerfs laissées par
les loups et par d’autres prédateurs. Le
grand-duc d’Amérique et la chouette
rayée chassent le long des marécages et à
l’orée des forêts.
Les espèces préoccupantes*
Le parc de la Gatineau abrite 125 espèces de plantes et d’animaux préoccupantes
sur le plan de la conservation. Vingt-trois de ces espèces sont aussi dans la liste
des espèces en péril au Canada du Comité sur la situation des espèces en péril au
Canada (COSEPAC). Ce comité d’experts du gouvernement du Canada examine
et désigne quelles espèces sont en danger de disparition au Canada
Des 125 espèces préoccupantes dans le parc de la Gatineau, 90 sont des plantes
– un nombre plus élevé que pour n’importe quelle aire protégée au Québec.
Celles-ci comptent le gingembre sauvage, l’ail des bois, la woodsie obtuse et le
cypripède tête-de-bélier. Sept des 90 espèces de plantes sont des arbres: le chêne
blanc, le chêne bicolore, le genévrier de Virginie, l’érable noir, le micocoulier
occidental, le noyer cendré et l’orme liège. Ces espèces d’arbres sont d’intérêt
particulier parce qu’elles se trouvent tout près de la limite nord de leur territoire
naturel. Le cypripède tête-de-bélier et le noyer cendré sont aussi sur la liste
du COSEPAC comme étant des espèces en péril. Plus de 40 espèces de plantes
préoccupantes sont concentrées sur les côtes sud et sèches de l’escarpement
* Les espèces préoccupantes, en péril ou dont la conservation soulève des craintes incluent les espèces désignées
par le COSEPAC de même que celles désignées par les organismes du gouvernement du Québec.
10
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
d’Eardley. Par exemple, le long de
l’escarpement vivent plus de 80% de
tous les genévriers de Virginie trouvés
au Québec.
Trois espèces de poissons du parc
de la Gatineau – le chat-fou lisére,
le méné d’herbe et le méné laiton
– sont préoccupantes sur le plan de
la conservation. Le parc abrite aussi
un nombre élevé de reptiles dont
la situation est considérée comme
étant préoccupante. On y compte la
couleuvre tachetée, la couleuvre à
collier, la tortue géographique, la
tortue des bois et la tortue mouchetée. La tortue mouchetée est aussi listée
par le COSEPAC comme étant une
espèce en péril.
Parmi les treize espèces d’oiseaux
observés dans le parc qui sont
préoccupantes se classent l’aigle royal,
le pic à tête rouge, le petit blongios
et la pie-grièche migratrice. Le petit
polatouche, le carcajou, le couguar
de l’Est et le loup de l’Est sont quatre
des dix espèces de mammifères du
parc qui sont aussi préoccupantes. La
pie-grièche migratrice, le carcajou et
le couguar sont aussi classés par le
COSEPAC comme étant des espèces en
péril au Canada.
Espèces préoccupantes dans le
parc de la Gatineau
90 2
3
3
4
13 10 125
Plantes
Invertébrés
Poissons
Amphibiens
Reptiles
Oiseaux
Mammifères
TOTAL
Amphibiens
Des 17 espèces d’amphibiens du parc de la
Gatineau, trois sont des espèces préoccupantes au Québec : la rainette faux-grillon,
la grenouille des marais et la salamandre à
quatre doigts. La rainette faux-grillon est
fréquemment active au printemps dans les
prairies humides et les aires marécageuses
du parc.
Les amphibiens mangent de grandes quantités d’insectes et aident à maintenir un
équilibre au sein de ces populations. À leur
tour, plusieurs oiseaux, mammifères, poissons et reptiles mangent des amphibiens,
supportant ainsi une variété d’animaux
au sommet de la chaîne alimentaire. Une
abondance d’amphibiens est signe qu’un
environnement est en santé!
Les pertes d’habitats et la fragmentation
de populations menacent sérieusement
les amphibiens. La perte d’habitats est
principalement causée par l’agriculture en
expansion, la foresterie et les infrastructures humaines, spécialement les quartiers
résidentiels et les rues. Le changement
climatique pourrait devenir une menace
majeure aux amphibiens en ce XXIe siècle,
spécialement si des périodes de sécheresses prolongées affectent les étangs temporaires et les petits ruisseaux intermittents.
Pour plusieurs amphibiens, l’existence de
plusieurs aires protégées pourrait signifier
la différence entre la survie et la disparition.
Les amphibiens sont des indicateurs exceptionnels de la qualité de l’environnement.
Ils respirent à travers leur peau perméable
et humide, à travers laquelle les contaminants d’origine hydrique entrent aisément dans leur système et s’accumulent
dans leurs tissus. Les pesticides utilisés
en agriculture et les polluants atmosphériques sont une menace particulière,
étant facilement transportés dans les
habitats d’amphibiens. La perte d’espèces
d’amphibiens représente non seulement
une perte de biodiversité – c’est aussi
l’avertissement qu’un écosystème est
dégradé.
Grenouille verte. Photo: Dan Brunton
Source : Del Degan, Massé et Associés Inc. (ébauche
2006) État de santé des ecosystems du parc de la
Gatineau
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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Une vision novatrice de la conservation
Des restes archéologiques indiquent que des autochtones Algonquins se sont
installés dans la vallée des Outaouais il y a environ 4000 ans. Pendant des milliers
d’années, les écosystèmes ont évolué naturellement, mais tout a changé à l’arrivée
des Européens. Samuel de Champlain et d’autres explorateurs français sont arrivés
au début des années 1600, rapidement suivis par des trappeurs et des coureurs des
bois. Avec les années 1800 vinrent de grands changements dans les écosystèmes
des collines de la Gatineau : des forêts furent rasées par la coupe à blanc, des routes
furent construites, des territoires furent défrichés pour faire place aux fermes, et
des mines furent exploitées. Alors que la population régionale augmentait, les
inquiétudes sur la déforestation augmentaient aussi chez le public.
Des rapports historiques indiquent un
intérêt considérable pour la création d’un
parc dans les collines de la Gatineau dès
le début des années 1900. Dans son plan
de développement de 1903 pour la région
d’Ottawa, l’architecte paysagiste reconnu
Frederick Todd a proposé la création d’un
parc naturel. James Harkin, le premier
directeur de la toute nouvelle Division des
parcs du Dominion, a proposé en 1913 que
le parc de la Gatineau devienne le premier parc national au Canada au-delà des
montagnes Rocheuses. En 1915, Sir Herbert
Holt, président de la Commission du plan
fédéral, a préparé un rapport demandant
Les ruines de l’usine de phosphates de Thomas
<<Carbide>> Wilson sur le ruisseau Meech.
urgemment l’établissement d’un parc naPhoto: Jim Fraser
turel dans les collines de la Gatineau.
William Lyon Mackenzie King, le dixième premier ministre du Canada, a joué
un rôle clé dans la création du parc de la Gatineau. Entre 1903 et 1927, il acheta
231 hectares de terrain autour du lac Kingsmere afin d’y établir sa résidence d’été
privée. En 1930, on dénota un intérêt considérable dans l’établissement d’un parc
national dans la Vallée de la Gatineau. Par contre, à cause de craintes de la part des
propriétaires privés et à cause des conditions de l’accord entre les gouvernements
provincial et fédéral, c’était devenu beaucoup plus difficile de créer de nouveaux
parcs nationaux au Québec. Mackenzie King a donc créé la Commission du District
Fédéral (CDF), avec le pouvoir d’acheter du territoire pour un parc éventuel et des
fonds ont été mis de côté pour ces raisons.
Lors de la Grande Crise de 1929, un grand nombre de forêts de feuillus ont été abattues pour en faire du bois de chauffage, et dans les années 1930 des incendies ont
ravagé les collines. Cette déforestation à grande échelle a suscité une contestation
considérable parmi les citoyens. Un résident particulièrement préoccupé nommé
Percy Sparks a dirigé avec succès une campagne contre cette déforestation. La journée la plus importante dans l’histoire du parc de la Gatineau fut sans doute
le 1er juillet 1938 quand le gouvernement de Mackenzie King octroya la somme de
12
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
100 000$ pour l’acquisition de terres en lien
avec la création d’une promenade nationale
dans la Vallée de la Gatineau.
À sa mort en 1950, Mackenzie King légua son
domaine de Kingsmere au Canada, pour qu’il
devienne « un parc public pour les citoyens
du Canada … à être conservé autant que
possible dans son état actuel, qu’on en fasse
un parc et qu’il serve de sanctuaire faunique
et continue de garder la qualité d’une réserve
de forêt naturelle. Le domaine MackenzieKing devint dès lors un élément essentiel du
parc de la Gatineau.
En 1950, l’urbaniste Jacques Gréber a
produit un rapport incitatif intitulé Projet
d’aménagement de la capitale nationale.
MacKenzie King.
Gréber a été influencé par Percy Sparks et son Photo: Bibliothèque et Archives du Canada
plan reprenait plusieurs des idées du Comité
consultatif du parc de la Gatineau. Les deux recommandations les plus importantes étaient que le parc de la Gatineau soit agrandi de 330 kilomètres carrés, et
qu’il devienne un parc public plutôt qu’une réserve privée. Ces deux recommandations ont été approuvées.
En 1958, le parc de la Gatineau a été placé sous le contrôle de la Commission de la
Capitale nationale (CCN). La CCN est une société d’État du gouvernement canadien qui n’est pas liée au gouvernement fédéral. Le parc de la Gatineau est géré de
la même façon que les autres territoires sous le mandat de la CCN. La Loi sur la
capitale nationale donne à la CCN des pouvoirs étendus pour gérer, développer et
même vendre des terres publiques comme bon lui semble.
Le statut provisoire du parc de la Gatineau ainsi que le développement incrémentiel du parc ont longuement été une inquiétude chez les écologistes et les
résidents de la région. La section régionale de la Vallée des Outaouais de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) fut fondée en 1970 en réaction à un plan
pour le parc de la Gatineau qui contredisait des décennies de politiques visant la
conservation du parc. Les efforts combinés de la SNAP et d’autres organisations
ont été essentiels pour mettre un frein à ce plan. La SNAP continue d’appuyer activement la protection des écosystèmes du parc et appuie l’idée de faire du parc
de la Gatineau un parc national.
Même si le parc de la Gatineau n’a toujours pas de statut fédérale en tant qu’aire
protégée, il a acquis au cours du siècle dernier ce statut aux yeux du public.
Jusqu’à ce qu’un jour le parc devienne un parc national, les gens s’attendent à ce
que le parc de la Gatineau soit traité comme s’il en était un, et qu’il soit géré avec
les mêmes soins. Un sondage par la firme Decima de 2006 auprès des résidents
d’Ottawa a montré que 82% était en faveur de l’octroi du statut de parc national.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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14
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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Les stress exercés
sur le parc
Les craintes des utilisateurs
du parc
Pour recueillir des idées et des points de
vue, la SNAP a interrogé une sélection
d’utilisateurs du parc qui en profitent
de différentes façons, qui s’inquiètent
de l’utilisation du parc et qui ont divers
points de vue sur sa protection. Ils avaient
tous en commun un amour pour le parc
et un intérêt important pour sa santé.
Au fil des siècles, les humains ont eu
un impact sur les paysages du parc
de la Gatineau. Nous l’avons modifié
par la chasse, la trappe, la foresterie,
l’agriculture, l’exploitation minière
et, plus récemment, les développements résidentiels, commerciaux et
récréatifs.
Mis ensemble, ces stress ont un impact cumulatif sur l’environnement
qui est plus grand que l’impact d’un
stress ou de plusieurs stress pris
individuellement. Cela amène la dégradation des écosystèmes du parc.
Pression des activités
récréatives
La beauté naturelle du parc de la Gatineau, ses opportunités récréatives diverses et sa proximité d’Ottawa-Gatineau
rendent le parc très populaire. Le parc
attire présentement environ 1,7 million
Photo: Janet Glendenning
de visiteurs par année, faisant du parc
l’un des plus utilisés au Canada.
Les visiteurs du parc de la Gatineau
peuvent participer à une panoplie d’activités récréatives. Au printemps, à l’été et en
automne, ils ont accès à 165 km de sentiers de randonnée (dont 90 km ouverts aux
cyclistes), 20 km de chemins pavés récréatifs, sept sentiers auto-interprétés, un réseau
de sentiers pour le vélo de montagne, 14 aires de pique-nique, six plages publiques,
deux terrains de camping ainsi que plusieurs sites de canot-camping. En hiver, ils
peuvent profiter de 200 km de sentiers de ski de fond, 25 km de sentiers de raquette,
une station de ski alpin et un centre d’entraînement pour le biathlon.
Les activités récréatives sont concentrées au sud du parc. Cette aire compte une
grande partie du réseau de chemins internes du parc, plusieurs de ses attraits culturels importants, et des infrastructures récréatives majeures dont la station de ski
Camp Fortune. Les utilisations récréatives sont aussi concentrées autour ou près des
lacs Meech, Philippe, Taylor et La Pêche, ainsi que des chutes Luskville. Ces aires
d’activité récréative intense, ainsi que l’escarpement d’Eardley dans son entièreté,
particulièrement écosensible, subissent des stress écologiques considérables. Une
augmentation dans l’utilisation récréative lors de périodes de visites occupées (par
exemple, le Coloris automnal) aggrave le stress sur l’écologie du parc.
Qu’il fasse une promenade, une randonnée, du vélo de montagne, de l’escalade, du
Plusieurs de ces utilisateurs du parc
sont cités dans cette brochure. La SNAP
aimerait remercier tous ceux et celles qui
ont participé à ces entrevues.
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PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
ski de fond, de l’aviron ou de la nage, chaque visiteur a un impact sur le parc : plantes piétinées, sol compacté, érosion, animaux apeurés, déchets, crème solaire diluée
dans l’eau, etc. Des impacts apparemment minimes mais qui, lorsque multipliés
par plus d’un million de visiteurs chaque année, peuvent causer des changements
écologiques considérables.
En plus des activités permises, plusieurs activités inappropriées ou non autorisées
ont lieu dans le parc. Des motoneiges, des véhicules tout-terrain (VTT) et des bateaux
à moteurs deux temps génèrent de la pollution de l’air, de l’eau et du bruit, et créent
un stress sur la vie sauvage et les autres visiteurs du parc. La création et l’utilisation
de sentiers non officiels fragmentent et endommagent les écosystèmes et dérangent
la vie sauvage. Les fameuses « beuveries en forêt » ont la réputation de laisser des
déchets et d’endommager les arbres.
Afin de protéger l’héritage naturel du parc de la Gatineau, les visiteurs doivent
être conscients de l’impact que leurs activités ont sur la nature. Tous les visiteurs
devraient prendre la responsabilité individuelle de minimiser leur « empreinte
écologique ».
Infrastructures pour la récréation et le tourisme
Le parc de la Gatineau possède de nombreuses infrastructures et installations
pour accommoder les activités récréatives et le tourisme, et d’autres sont planifiées.
La plus grande concentration de ces installations se trouve à Camp Fortune. Un
large éventail d’activités y sont offertes, dont le ski alpin, des compétitions de ski
de fond, un parcours d’entraînement pour le biathlon, le vélo de montage et, plus
récemment, des parcours aériens. Les installations comprennent un pavillon et un
chalet pour les skieurs, un champ de tir pour le biathlon et de nombreux espaces
de stationnement. De larges bandes de forêts ont été rasées pour faire place aux
remonte-pentes, aux pistes de ski alpin, aux circuits d’entraînement pour le ski de
fond et aux routes d’accès. Le secteur Camp Fortune n’offre plus une véritable
expérience de milieu naturel.
Le domaine Mackenzie-King, d’une importance historique, est devenu une attraction touristique très courue, ce qui enlève à son cachet de retraite privée de
l’ancien premier ministre. Les développements controversés dans ce secteur incluent l’immense terrain de stationnement sans arbre, les sentiers pavés et éclairés,
et une nouvelle route d’accès plus large.
Les lacs Philippe et Taylor ont aussi fait l’objet d’un développement intensif pour
recevoir des caravanes et pour aménager des aires de camping, de pique-nique, de
canotage et de baignade, mais ils conservent encore, pour le moment, un caractère
raisonnablement rustique.
La vallée du ruisseau Meech, pittoresque et pastorale, est présentement zonée
pour l’agrotourisme et la conservation; elle pourrait faire l’objet d’un développement à grande échelle, avec des infrastructures touristiques comme des auberges,
des boutiques et des restaurants, et les routes et stationnements qui les accompagnent. Ce type de développement affirme une emphase grandissante sur
l’activité commerciale dans le parc par la mise en place d’attraits dites « artificiels
».. On prévoit également que le parachèvement de l’autoroute 5 amènera encore
plus de circulation dans la vallée du ruisseau Meech.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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Routes et circulation
Quarante kilomètres de promenades et plus de 60 kilomètres de routes municipales traversent ou sillonnent le parc de la Gatineau. Ce réseau routier est
concentré dans le sud du parc, près des agglomérations urbaines. Au cours des
25 dernières années, plusieurs nouvelles routes ont été construites, dont le boulevard Saint-Raymond, une route à circulation rapide qui divise le parc en deux,
ainsi qu’une nouvelle route d’accès au domaine Mackenzie-King. Le prolongement, très contesté, du boulevard McConnell-Laramée – devenu le boulevard des
Allumettières et ouvert à la circulation à la fin de 2007 – coupe à travers le parc
près du lac des Fées, créant une large balafre dans ce secteur du parc. Le prolongement de l’autoroute 5, le long
de la limite est du parc, a également été mis en chantier en 2007. De nombreuses autres routes ont
aussi été élargies ou améliorées. Et
plus de routes sont malheureusement planifiées. Une autre menace
qui plane sur l’intégrité écologique
du parc est le prolongement potentiel de l’autoroute 50 à travers
le parc au sud du lac Pink.
En plus d’avoir un impact négatif
sur la jouissance du parc par les
visiteurs, les routes et la circulation ont de nombreux impacts
écologiques. Dans le parc de la
Gatineau, les deux impacts les
Aménagement du boulevard des Allumettières, Automne 2007.
Photo: Doug Anions plus sérieux sont la mortalité chez
les animaux et la fragmentation
des habitats.
Mortalité chez les animaux: Beaucoup d’animaux, qu’ils soient gros (cerfs de
Virginie), petits (souris), rapides (coyotes) ou lents (grenouilles), se font tuer régulièrement sur nos routes, comme on peut le constater simplement en se promenant sur une route rurale. Les espèces plus vulnérables sont les amphibiens, les
serpents et les tortues. Leur cycle de vie exige qu’ils migrent entre les milieux
humides et les hautes terres, et ils doivent pour cela souvent traverser des routes.
Les vitesses plus élevées des véhicules se traduisent forcément par des taux de
mortalité plus élevés. Une promenade printanière sur les routes du parc de la
Gatineau apporte la preuve de la mortalité élevée des grenouilles sur la chaussée.
Fragmentation des habitats: Les routes (tout comme les corridors des lignes de
transport d’énergie et les autres emprises utilitaires, incluant les sentiers) interfèrent avec le déplacement des animaux, séparant les populations et réduisant
de ce fait leur diversité génétique. En traversant et en fragmentant des aires
d’habitat continues, les routes réduisent la superficie de l’habitat à la disposition
des espèces. Les aires plus petites qui en résultent ne sont plus suffisamment
18
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
grandes pour supporter certaines espèces. En ouvrant le couvert forestier, les
routes créent aussi un nouveau microclimat qui peut s’étendre jusqu’à 200 mètres
de part et d’autre de la route. Ces larges bandes qui longent les routes seront
plus ensoleillées et plus sèches que
« Les automobilistes vont encore plus vite et il y
l’intérieur de la forêt et favoriseront
a plus de trafic de gens qui se déplacent entre la
des espèces envahissantes qui ne
maison et leur travail, ce qui crée une heure de
survivent pas généralement dans une
pointe le matin et le soir au printemps, à l’été et à
forêt intacte. Le nouvel habitat ainsi
l’automne. »
créé par la construction d’une route
Craig Storey, skieur
peut aussi être plus vulnérable aux espèces végétales ou animales envahissantes. Le réseau routier très étendu du parc de la Gatineau a grandement réduit
la quantité de l’habitat intérieur dans certains secteurs du parc et endommagé
sérieusement ses écosystèmes.
Espèces envahissantes
L’invasion du parc par des espèces non indigènes dommageables vient au deuxième rang, après la destruction des habitats, en termes d’impact sur les paysages
naturels. Dans les parcs nationaux du Canada, les espèces envahissantes sont la
première cause des modifications dans la composition des espèces. Les routes
sont la principale avenue pour l’introduction et la propagation d’espèces
végétales non indigènes dans les parcs. Les gens introduisent
également, par inadvertance ou parfois délibérément, des
espèces végétales et animales non indigènes sans en
comprendre toutes les conséquences.
Dans le parc de la Gatineau, 37 espèces végétales
non indigènes ont été documentées. Dix de
celles-ci sont considérées comme « extrêmement envahissantes ». Celles-ci incluent une
intruse qui prolifère dans les milieux humides, la salicaire pourpre, de même que le
myriophylle à épi, qui forme de véritables
tapis au fond des lacs. Ces deux espèces
menacent et réduisent dangereusement la
diversité de la végétation aquatique indigène.
Le myriophylle à épi, qui est présent au
moins dans les lacs La Pêche et Philippe, peut
aussi avoir une incidence sur les populations
de poissons. La navigation de plaisance contribue
également à la propagation de ces deux espèces fortement envahissantes. Dans les milieux boisés, l’alliaire
officinale, une crucifère, menace aussi les espèces végétales
indigènes.
Salicaire pourpre. Photo: Ian Whyte
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
19
L’introduction d’espèces de poissons non indigènes a fortement perturbé
l’écologie naturelle de nombreux lacs du parc de la Gatineau, et elle est
vraisemblablement responsable du déclin et de la disparition de certaines
espèces indigènes. Les espèces de poissons prisées par les pêcheurs sportifs qui
ont été introduites incluent le grand brochet, l’achigan à petite bouche, la truite
arc-en-ciel et la perchaude. D’autres espèces comme le meunier noir, le crapetsoleil et le tête-de-boule ont probablement été introduites sous forme d’appâts
pour la pêche. Bien que la moule zébrée, une espèce exotique extrêmement
envahissante n’est toujours pas présente dans le parc, elle pourrait constituer
une menace considérable pour les écosystèmes aquatiques du parc si elle parvient a s’y installer.
Le parc de la Gatineau abrite désormais plusieurs espèces d’oiseaux envahissantes, notamment l’étourneau sansonnet, la corneille d’Amérique, le quiscale
bronzé et le vacher à tête brune. Ces espèces opportunistes et compétitives sont
communes dans les lieux ouverts et à l’orée des forêts et déplacent souvent
des espèces indigènes dans leur habitat. Le réseau routier étendu du parc et
l’étalement urbain facilitent la prolifération de ces espèces.
Qualité de l’eau
Les plans d’eau du parc de la Gatineau
bénéficient de l’effet de tampon naturel
de la pierre calcaire qui est présente
dans le substrat à la surface du sol.
Pour cette raison, l’acidification de l’eau
due aux pluies acides pose moins un
problème que dans les zones situées
plus au nord qui sont composées principalement d’un substrat granitique. Les
grands lacs du parc ont un pH modérément alcalin et, par conséquent, ils sont
relativement à l’abri de l’acidification.
Lac La Pêche. Photo: Doug Anions Un grand nombre de petits lacs ont
seulement un pH allant de légèrement
acide à neutre, malgré une exposition importante aux pluies acides. Néanmoins, l’acidification est une préoccupation
importante en raison de ses effets cumulatifs sur les sols forestiers, et parce que les
invertébrés, les poissons et les amphibiens sont affectés même par une modification
graduelle du pH. D’autres polluants atmosphériques, comme le plomb, peuvent aussi
s’accumuler dans les systèmes aquatiques et affecter les chaînes alimentaires.
Les lacs du parc qui sont desservis par des routes d’accès (ex. La Pêche, Philippe,
Meech, Kingsmere et Pink) sont plus exposés à l’activité humaine et au développement, et ils montrent des signes d’apport de nutriments accrus. Les taux élevés de
phosphore qu’on y mesure sont souvent causés par des systèmes septiques déficients. Cela peut accroître la productivité primaire et accélérer l’eutrophisation des
lacs, avec leurs nombreux impacts négatifs. L’incidence de la myriophylle à épi et des
cyanobactéries (algues bleu-vert) augmente, semble-t-il, dans des écosystèmes riches
en nutriments. Plusieurs espèces de poissons indigènes, comme le touladi, dépendent
de conditions oligotrophes (pauvres en nutriments) et pourraient être en voie de
disparaître du lac Meech.
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PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
Urbanisation et développement
L’urbanisation est, en soi, la plus grande menace à l’intégrité écologique du parc
de la Gatineau. Le parc est trop petit pour assurer la viabilité à long terme de certaines espèces. Sans une stratégie d’aménagement global du territoire qui inclut
les terres avoisinantes, la viabilité du parc de la Gatineau est en péril. On prévoit
que 20 000 personnes de plus viendront habiter à la périphérie du parc d’ici 2020.
Un problème crucial pour le parc de la Gatineau est l’absence d’une zone tampon
entre le parc et le développement urbain adjacent. Puisque l’on a permis que
ce développement s’étende jusqu’à la limite du parc, certaines espèces qui sont
sensibles à la présence humaine évitent de fréquenter les régions périphériques
du parc. Cela a pour effet de limiter la taille du parc en termes d’habitat pour ces
espèces.
L’urbanisation a accaparé une quantité considérable de terres agricoles et d’aires
naturelles autour du parc de la Gatineau et réduit la connectivité écologique du
parc avec ces territoires. Cela menace certaines espèces, en particulier les grands
prédateurs comme le loup et l’ours,
[L’une de mes grandes préoccupations à propos du parc
qui ont besoin d’un territoire plus
est que] le développement à ses frontières s’accroît. Les
grand que le parc lui-même ne peut
pressions se font de plus en plus grandes.
leur fournir. Avec l’urbanisation
Geof Burbidge, naturaliste, géologue, ornithocroissante vient la menace très réelle
logue et photographe
que ces espèces disparaissent éventuellement du parc. L’urbanisation
s’accompagne également de la construction de routes et accroît les stress qui en
résultent, comme la fragmentation des habitats et la mortalité faunique sur les
routes. Par ailleurs, on aperçoit, de plus en plus des grands mammifères comme
l’orignal et l’ours noir en banlieue de la ville Gatineau – l’expansion rapide de
cette ville réduit d’avantage la zone tampon entre la ville et le parc.
Le développement se poursuit également sur les quelque 2 % du parc de la
Gatineau qui appartiennent à des propriétaires privés. Quelques 200 terrains
privés se trouvent sous la juridiction des municipalités de Chelsea, Gatineau, La
Pêche et Pontiac et non de la CCN. Les terrains les plus vastes sont vulnérables
à la subdivision. Dernièrement, la municipalité de Chelsea donnait son accord
pour un projet domiciliaire de 18 maisons, sur le chemin Carman, au sud de la
route 105. Des autorisations municipales impliquant le parc, comme celui-ci,
font souvent face à l’opposition du public et dans certains cas le gouvernement
fédéral a été interpelé à prévenir de tels projets. En majorité, la propriété privée est concentrée le long des corridors des lacs
Meech, Kingsmere et du chemin de la Montagne. Pour bien des raisons, le développement résidentiel est incompatible avec la vocation et le zonage du parc de la
Gatineau. La construction de maisons et d’abris à bateaux toujours plus gros et
plus nombreux laissent une empreinte permanente. Lorsque des arbres sont abattus pour faire plus de place pour les routes, les entrées, les bâtiments et les patios,
l’érosion devient inévitable. Les jardins, les mangeoires et les bacs à compost
attirent les animaux sauvages, qui deviennent alors une nuisance. La propriété et
le développement privé affecte également l’habilité du public de jouir pleinement
du parc en raison de restrictions d’accès. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
21
Dessus: La portion sud du parc de la Gatineau est enclavée à l’intérieur de la ville
de Gatineau et traversée par de nombreuses routes. Le boulevard McConnellLaramée, ouvert à la la circulation tout dernièrement a été rebaptisé boulevard des
Allumettières
Photographie aérienne reproduite avec la permission de la photothèque aérienne du
Canada. Division du service cartographique, ressources naturelles Canada.
Si l’étalement urbain est un problème préoccupant, le développement au sein
même du parc de la Gatineau génère aussi un stress important. Ce type de
développement inclut de nouvelles infrastructures ou l’extension des infrastructures existantes, comme des routes, des stationnements, des sentiers et des
remonte-pentes, pour accommoder le nombre croissant de visiteurs. Le « secteur
institutionnel », le long du boulevard de la Cité des Jeunes comprend un Centre
de formation gouvernemental, deux collèges, une école secondaire et un centre
sportif municipal – tous des usages du territoire du parc incompatibles avec sa
vocation.
22
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
Changement climatique
Au cours des prochaines décennies, le changement climatique aura un impact
sur l’écologie du parc de la Gatineau, à la fois directement et indirectement. Les
projections pour la région d’Ottawa-Gatineau suggèrent une plus grande variabilité du climat de même que davantage de précipitations, de vagues de chaleur
et d’épisodes de pluies verglaçantes.
La hausse des températures forcera
Le parc est un peu comme une maison qui
des espèces à se déplacer vers le nord,
serait ouverte à tous, et on se fie sur nous
imposant un stress à des espèces qui
pour que nous en prenions soin. Peut-être que
sont adaptées à des climats plus froids
si on donnait plus d’information sur comment
et altérant de manière significative à
on doit en prendre soin, et comment notre
utilisation du parc peut le mettre en péril, nous
la fois l’étendue et la composition des
collectivités écologiques. À mesure que serions plus enclins à faire attention lors de nos
déplacements dans le parc.
l’habitat deviendra moins favorable à
certaines espèces, la perte d’habitat agJon Stuart, randonneur, adepte de la
gravera vraisemblablement leur risque
course en sentier
d’extinction, et une « approche de
gestion écosystémique élargie » du parc
deviendra cruciale.
Deux autres menaces sérieuses apportées par le changement climatique sont les
risques accrus de feux de forêt incontrôlés et d’envahissement par des espèces
nuisibles, p. ex. des insectes forestiers. Ces deux menaces affecteront la biodiversité et la santé des écosystèmes. On prévoit également que le parc fera face à un
stress accru en raison des effets indirects du changement climatique. Par exemple, avec une saison hivernale plus courte, le nombre annuel de visiteurs risque
d’augmenter, intensifiant le stress généré par les activités récréatives.
La protection des écosystèmes peut avoir un effet retardateur sur le changement
climatique. En effet, les forêts intactes séquestrent le carbone et contribuent à
amoindrir les émissions de gaz à effet de serre.
Une approche de gestion qui englobe
l’écopaysage
Les petits territoires protégés isolés comme le parc de la Gatineau ont une capacité
limitée de préserver la diversité biologique parce que le développement autour du
parc n’offre pas un habitat suffisant pour les grands prédateurs. La façon la plus
efficace de protéger la biodiversité consiste alors à mettre en place un réseau d’aires
protégées – chacune de ces zones étant aussi entourées par une zone tampon – et à
créer des corridors entre ces aires protégées pour assurer la connectivité, en favorisant les utilisations durables du territoire dans ces zones intermédiaires. Lorsque des
aires protégées sont connectées, la faune peut migrer entre les différentes zones pour
accéder à de la nourriture ou à des aires de nidification ou de mise bas.
Le seul moyen viable de contrecarrer la menace que pose l’urbanisation autour du
parc de la Gatineau est de planifier et de gérer les territoires environnants de façon à
ce que les terres et les plans d’eau critiques situés à l’extérieur du parc soient protégés
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
23
Initiatives de conservation des paysages de la SNAP
La SNAP a lancé deux programmes sur la connectivité écologique entre les paysages. Le
mieux connu est le programme Yellowstone-Yukon (Y-Y), centré en Alberta, qui s’étend
sur des milliers de kilomètres à travers les montagnes Rocheuses du Yukon au Wyoming.
L’écorégion Y2Y facilite le déplacement des grands mammifères comme l’ours grizzly et le
loup entre les aires protégées.
Le programme Algonquin-Adirondacks (A-A) vise à fournir des habitats protégés et
à assurer une connectivité écologique entre le parc provincial Algonquin, en Ontario, et le
parc national des Adirondacks, dans l’État de New York.
Pour réussir, ces programmes doivent se fixer des buts réalisables et établir une coopération étroite entre les groupes de conservation, les organismes gouvernementaux et les
propriétaires terriens.
du développement et que la faune
puisse se déplacer entre ces territoires
et le parc. Une telle connectivité existe
encore avec les milieux ruraux dans
de nombreux secteurs, comme le long
de l’escarpement d’Eardley, mais elle
disparaît rapidement dans d’autres.
La vision officielle de la CCN est de
préserver et de soutenir des niveaux
viables de toutes les populations
[espèces] indigènes qui étaient
présentes en 2006, et d’accroître les
espèces clés considérées à risque.
Pour y parvenir, on doit aussi gérer
l’écosystème environnant – autrement dit, planifier et soutenir la conservation sur un très large territoire.
Malheureusement, la CCN n’a pas la
Tardiff, B., G. Lavoie et Y. Lachance, 2005. Atlas de La
capacité
de le faire à l’heure actuelle.
Biodiversité du Québec
Qui plus est, les lois sur la conservation et les règlements sur la chasse au Québec fournissent peu de protection aux
prédateurs qui ont besoin de vastes territoires, comme l’ours et le loup, dans les
secteurs entourant le parc de la Gatineau. Le statut de parc national pour le parc
de la Gatineau permettrait d’adopter une approche plus globale qui répondrait
aux besoins de la faune, et en particulier des grands prédateurs.
D’autres possibilités pour le maintien d’un écosystème viable doivent être envisagées. Par exemple, désigner les collines de la Gatineau comme réserve de la
biosphère de l’UNESCO encouragerait les résidents et les organismes locaux à
élaborer, promouvoir et réaliser des projets liant la conservation au développement
social et économique dans la région. Actuellement, le Canada compte 13 réserves
de la biosphère, incluant la région de Charlevoix et le lac Saint-Pierre au Québec, et
l’escarpement du Niagara et la région des Mille-Îles – Arche de Frontenac en Ontario.
24
PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
La gestion et la protection du parc
Le parc de la Gatineau n’est un parc que de nom seulement – il ne bénéficie pas
de la protection légale dont jouissent les parcs nationaux et provinciaux. Cette
protection soulève des enjeux particulièrement complexes parce que les frontières du parc ne sont pas fixées légalement par la Loi sur la capitale nationale, ni
par aucune autre loi fédérale. Malgré le manque de statut légal, le gouvernment
du Québec reconnait le parc comme « aire protégée » en vertue de la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel du Québec. Le projet de loi, S-210, qui était
devant le Sénat confirmerait, pour la première fois, les limites légales et officielles
du parc – une mesure nécessaire pour sa conservation à long terme. Même si ce
projet de loi est mort au feuilleton avec la prorogation du dernier parlement en
septembre 2007, une nouvelle version a été introduite tout dernièrement.
Deux préoccupations majeures au cours des dernières années ont été la perte
de terres publiques à la suite de leur vente, et le développement des propriétés
privées situées à l’intérieur du parc, en particulier sur les rives des lacs Meech et
Kingsmere. Présentement, aucune loi ou politique n’empêche la CCN de vendre
ou de développer des terrains dans le parc de la Gatineau, ni de réaliser des activités qui pourraient être contraires aux objectifs de conservation. Les décisions
en matière de développement et de planification du parc relèvent uniquement de
la CCN.
Toutefois, le Plan directeur du parc de la Gatineau de 2005 indique un souci
croissant pour une gestion où la conservation est au premier plan. La CCN
propose de gérer le parc de la Gatineau comme une aire protégée de catégorie
II, selon la classification de L’Union mondiale pour la nature (UICN). Les aires
protégées de catégorie II sont gérées principalement en fonction de la protection
des écosystèmes et de la récréation. Les parcs nationaux du Canada sont gérés en
fonction de ces normes. Le gouvernement du Québec prévoit protéger, d’ici 2008,
8% de son territoire. Dans la région de l’Outaouais on prévoit l’établissement
d’aires protégées dans le bassin versant des rivières Dumoine et Noire ainsi que
près du lac Poisson-Blanc, entres autres.
Ces initiatives de la part du Québec et de la CCN sont encourageantes. Elles ont
le potentiel d’encourager la conservation des paysages à l’échelle de la grande
région qui comprend le parc de la Gatineau. Une mosaïque d’aires protégées
interconnectées contribuerait grandement à maintenir la biodiversité indigène
du parc. Mais est-ce que ces initiatives porteront fruit? Malheureusement, ces
propositions ne sont pas appuyées par des lois ou par des orientations politiques.
Le statut de parc national exigerait que le parc de la Gatineau soit géré selon une
approche écosystémique plus large.
Les initiatives pour la protection des parcs doivent reposer sur des bases scientifiques. Situé près de plusieurs grandes universités, le parc de la Gatineau est idéalement situé pour tirer parti d’une mine d’expertise scientifique en biologie de
conservation. Bien que des chercheurs aient déjà réalisé des travaux importants,
il faut aborder la recherche et la surveillance de manière plus systématique.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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Conclusion
Le parc de la Gatineau est l’un des parcs les plus visités et les plus appréciés
au Canada, un lieu d’une grande beauté et d’une grande diversité naturelle. Il
existe grâce à la vision de plusieurs pionniers de la conservation et aux efforts
d’organismes et de citoyens dévoués. Il est aimé par des milliers de personnes.
L’avenir du parc de la Gatineau, tel que nous le connaissons et tel que nous
l’aimons, est menacé! Le parc est soumis à de nombreux stress, incluant
l’urbanisation rapide autour du parc et la fragmentation de ses habitats. Ces
stress peuvent perturber de manière significative l’écologie du parc.
Pour garantir la viabilité à long terme du parc, il doit être géré selon une approche écosystémique élargie. Cela nécessitera la coopération active des nombreux intervenants dans et autour du parc, incluant les propriétaires privés, les
autorités municipales et les gouvernements québécois et fédéral.
Le parc de la Gatineau doit devenir un parc national canadien. Cela constituerait la meilleure garantie de l’avenir écologique à long terme de ce magnifique
paysage.
Ce que vous pouvez faire
Écrivez à la CCN.
Faites la Commission part de vos préoccupations face au parc de la Gatineau
et demandez lui de prendre des actions
concrets. Les recommandations de la page
suivante peuvent servir de guide.
Écrivez au ministre fédéral responsable du parc de la Gatineau et au
ministre fédéral de l’Environnement.
Faites leur part de vos opinions en ce
qui a trait à la protection du parc et de
l’octroi du statut de parc national.
Pour les noms, adresses postales et
courriels des responsables, ou si vous
avez besoin d’aide pour composer
vos lettres, visitez le site Web de la
Section Vallée de l’Outaouais de la
SNAP à
www.cpaws-ov-vo.org
Chouette rayée. Photo: Dan Brunton
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PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS •
Recommandations
Au gouvernement du Canada:
•
•
Définir les limites du parc de la Gatineau dans la loi.
Faire du parc de la Gatineau un parc national en vertu de la Loi sur les parcs
nationaux du Canada.
À la Commission de la Capitale nationale:
Opérationnelles
•
•
•
•
•
•
Élaborer un programme d’éducation pour informer les visiteurs du parc des
stress qui s’exercent sur le parc et de ce qu’ils peuvent faire pour réduire
l’empreinte écologique associée à des activités spécifiques dans le parc.
Mettre sur pied un programme pour impliquer les visiteurs du parc dans
l’intendance du parc (ex. contrôle des espèces envahissantes, ramassage des
déchets, entretien des sentiers, inventaires biologiques, surveillance de la
qualité de l’eau, etc.).
Inviter les utilisateurs et les groupes d’utilisateurs du parc à fournir leur avis
sur les enjeux qui concernent le parc (ex. conservation, récréation, plans de
développement, transports).
Faire observer les règlements du parc
Établir un comité consultatif de surveillance scientifique et environnementale.
Examiner les possibilités d’agrandir le parc.
Stratégiques
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
S’opposer à tout grand projet de développement, public ou privé, dans le
parc.
Veiller à ce qu’aucune nouvelle route ne soit construite dans le parc.
Acquérir des terres écosensibles importantes autour du parc pour servir de
zone tampon.
Acquérir des propriétés privées dans le parc auprès de propriétaires désireux de s’en départir.
Ne vendre aucun terrain dans le parc.
Entreprendre une étude indépendante de l’écosystème global du parc.
Gérer le parc au moyen d’une large approche écosystémique.
Élaborer un plan vert pour les transports.
Faire observer les règlements du parc.
Financer la recherche sur la biologie de conservation et un programme de
surveillance.
• SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ
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Ressources
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•
Andrews, J. David. Gatineau Park: An Intimate Portrait. Ottawa: Dynamic Light Productions, 1994.
Renferme de magnifiques photos, ainsi que des informations sur les plantes et les animaux du parc et sur
son histoire naturelle et humaine
Del Degan, Massé et Associés Inc. État de santé des ecosystémes du parc de la Gatineau. Ottawa
: Rapport présenté à la Commission de la Capitale nationale. décembre 2006.
Brosse un portrait complet de l’état du parc de la Gatineau.
Del Degan, Massé et Associés Inc. Biodiversity Monitoring on National Capital Commission Land:
Summary. Ottawa : Rapport présenté à la Commission de la Capitale nationale. Sept. 2006.
Expose, de manière brève mais instructive, la grande biodiversité du parc de la Gatineau.
Fletcher, Katharine. Promenades historiques dans le parc de la Gatineau. Quyon, Québec : Chesley House Publications, 1998.
Guide de randonnées qui allient l’histoire naturelle à l’histoire humaine du parc.
Lothian, W.F. Petite histoire des parcs nationaux du Canada. Ottawa : Parcs Canada, Environnement Canada. 1987.
Offre un survol historique de notre système de parcs nationaux
Commission de la Capitale nationale. Plan directeur du parc de la Gatineau. Ottawa. Mai 2005.
Décrit les plans de gestion de la CCN pour le parc (un résumé de ce rapport est aussi disponible)
New Woodlands Preservation League. Protecting Gatineau Park: What is to be done? Mémoire
soumis au Comité d’examen de la Commission de la Capitale nationale. octobre 2006.
Fournit des perspectives historiques ainsi que des scénarios possibles pour la gestion du parc
Commission sur l’intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. « Intacts pour les générations futures? » Protection de l’intégrité écologique par les parcs nationaux du Canada.Volume
I (Le temps d’agir) et volume II (Une nouvelle orientation pour les parcs nationaux du Canada).
Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. 2000.
Fournit une évaluation complète des enjeux liés à l’intégrité écologique et à la gestion des parcs nationaux.
Ressources sur le Web
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•
•
Société pour la nature et les parcs (SNAP) www.cpaws.org
Information sur des initiatives et sur des questions relatives à la conservation de la nature et
aux parcs partout au Canada.
SNAP, Section Vallée de l’Outaouais www.cpaws-ov-vo.org
Information sur des initiatives et des enjeux touchant le parc de la Gatineau et d’autres lieux
naturels dans la région de l’Outaouais.
Club des Ornithologues de L’Outaouais www.coo.ncf.ca.
Organisme local avec des activités se déroulant dans le parc de la Gatineau.
Parc de la Gatineau www.canadascapital.gc.ca/gatineau
Site officiel de la Commission de la Capitale nationale sur le parc de la Gatineau; large éventail
de ressources et d’information
UICN – L’Union mondiale pour la nature www.iucn.org
Initiatives et enjeux concernant la conservation de la nature partout dans le monde.
Ottawa Field-Naturalists’ Club www.ofnc.ca
L’un des nombreux organismes locaux dont les membres fréquentent le parc et ont à cœur sa
préservation.
Parcs Canada www.parkscanada.pc.gc.ca
Portail Web officiel des parcs nationaux du Canada; large éventail d’information disponible.
Sentinelle Outaouais www.fr.ottawariverkeeper.ca
Sentinelle Outaouais, organisme par et pour les citoyens, exprime d’une voix impartiale les
enjeux entourant la rivière des Outaouais.
Nature Québec www.naturequebec.org
Nature Québec est un organisme national à but non lucratif qui regroupe des individus et des
organismes œuvrant dans les domaines de l’environnement et du développement durable.
Conservation de la nature du Canada www.natureconservancy.ca
Depuis plus de 40 ans, Conservation de la nature Canada (CNC) s’efforce de protéger les
habitats naturels les plus gravement menacés au Canada et les espèces qui y vivent.
Pour en savoir plus
Société pour la nature et les parcs,
Section Vallée de l’Outaouais(SNAP-VO)
250, avenue City Centre, Suite 601
Ottawa, ON K1R 6K7
613-232-7297