Le parc de la Gatineau: Un trésor menacé
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Le parc de la Gatineau: Un trésor menacé
LA VOIX POUR LA NATURE Le parc de la Gatineau Un trésor menacé SNAPVallée de l’Outaouais $2.00 La SNAP, avec ses 20,000 membres, compte 13 sections régionales à travers le Canada et un bureau national à Ottawa, plus de 50 employés et des centaines de bénévoles sont engagés dans la conservation du territoire. De plus, nous agissons comme leaders au niveau national et provincial/territorial dans l’établissement de l’agenda pour la conservation de la nature. Depuis notre fondation en 1963, nous avons joué un rôle capital dans la protection de plus de 45 million d’hectares de nos précieux espaces sauvages au pays- une superficie atteignant presque sept fois l’envergure de la Nouvelle-Écosse ! Remerciements Un gros merci à toutes les personnes dévouées qui ont contribué de manière appréciable à la production de cette brochure. Les membres dévoués du comité de rédaction du rapport qui ont apporté le contenu du livret : Doug Anions Carolyn Cahill Jim Fraser Janet Glendenning Brett Hodnett Muriel How Heather Kharouba Rob Rainer Les employé(e)s de la SNAP et membres du Conseil d’administration de la SNAP-VO pour leurs suggestions, la mise en page, la traduction et l’impression. Ellen Adelberg Line Bastrash Ken Buchan John McDonnell Sinclair Robinson Julie Seguin Phil Wilson pour la carte central et pour son expertise en matière graphique Les individus qui ont fourni des suggestions et de l’expertise technique : Carol Alette Marilyn Anions Scott Findlay André Martel Dan Smythe Jean-Paul Murray Stephen Knowles Michel Viens et au personnel de la Commission de la Capitale nationale de nous avoir fait part de leurs points de vue éclairés et de nous avoir fourni des données importantes. Merci également aux personnes suivantes qui ont fait don de leurs photos : Doug Anions Dan Brunton Geof Burbidge Jim Fraser Janet Glendenning André Martel Ian Whyte Sue Novotny et Allison MacAlister pour la mise en page. La publication de cette brochure a été rendue possible grâce au généreux soutien financier de Mountain Equipment Co-op. Bushtuka a également participé financièrement à ce projet. Date de publication: 2008 SNAP - Vallée de l’Outaouais, 2008. Le Parc de la Gatineau: Un trésor menacé. Societé pour la nature et les parcs du Canada, section vallée de l’Outaouais. 28 p. Table des matières Preface 4 Un trésor national 5 Un patrimoine naturel remarquable 6 La flore 6 Les milieux aquatiques 7 Les mammifères 8 Les oiseaux 10 Les espèces préoccupantes 10 Une vision novatrice de la conservation 12 Les stress exercés sur le parc 16 Pression des activités récréatives 16 Routes et circulation 18 Espèces envahissantes 19 Urbanisation et développement 21 Changement climatique 23 Une approche de gestion qui englobe l’écopaysage 23 La gestion et la protection du parc 25 Conclusion 26 Recomandations 27 Ressources Dos Photo: Sentier du parc de la Gatineau en automne, par Janet Glendenning Page couverture: Dan Brunton; Ian Whyte; Jim Fraser; Dan Brunton Preface Le parc de la Gatineau est un trésor national – une nature sauvage d’une grande beauté abritant une biodiversité extraordinaire. La présente brochure décrit certaines des qualités qui font du parc de la Gatineau un lieu si spécial. Elle explique comment le parc est aujourd’hui gravement menacé, et ce que nous devons faire pour protéger le parc de la Gatineau pour les générations futures. Un changement fondamental dans la stratégie de gestion du parc est nécessaire pour maintenir l’intégrité écologique du parc de la Gatineau. Les frontières du parc doivent être définies de manière précise dans une loi fédérale. Un cadre législatif et des politiques appropriées pour une aire protégée d’importance nationale doivent être mis en œuvre. La loi doit assurer que le Parlement exerce une surveillance complète sur le parc, la même surveillance qu’il exerce pour tous nos parcs Jusqu’à quel point le parc de la Gatineau nationaux canadiens en vertu de la Loi est-il protégé? sur les parcs nationaux. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le parc de Le Parc de la Gatineau a le potenla Gatineau n’est un parc que de nom seulement – il n’a pas la protection légale d’un parc national ou provincial! tiel pour devenir une aire protégée centrale au sein d’une région plus La SNAP encourage fortement la protection juridique vaste qui assurera la protection des officielle du parc de la Gatineau. Le meilleur moyen d’y arriver serait de faire du parc de la Gatineau un parc écosystèmes naturels et le maintien national canadien. de populations viables de toutes les espèces indigènes. Il peut servir de modèle pour l’application de pratiques innovatrices en matière de conservation et d’utilisation du territoire. C’est un lieu magnifique qui peut inspirer tous les Canadiens et les visiteurs de l’étranger et les amener à mieux apprécier notre patrimoine naturel et culturel. Dans son Plan directeur du parc de la Gatineau de 2005, la Commission de la capitale nationale (CCN) a manifesté le désir de gérer le parc comme une aire protégée de catégorie II de l’UICN. Cette décision est extrêmement importante, mais elle nécessitera un large appui du public pour devenir réalité. Pour assurer l’avenir durable du parc de la Gatineau et de ses écosystèmes, nous avons besoin de façon urgente d’une vision partagée par toutes les parties concernées. Bien que sa valeur en tant qu’aire protégée ait été reconnue par une multitude de gens tout au long du siècle dernier, le parc de la Gatineau ne jouit toujours pas d’une reconnaissance officielle de la part du gouvernement du Canada. La SNAP croit que le parc de la Gatineau mérite le statut de parc national. Avec votre aide, le parc de la Gatineau peut devenir une aire protégée reconnue à l’échelle nationale qui enrichira la vie des résidents de la région environnante et de tous les Canadiens. Il peut aussi devenir un important symbole de l’identité canadienne. PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • Un trésor national Certains lieux naturels au Canada devraient être conservés comme des trésors. Le parc de la Gatineau en est un. Les 361 kilomètres carrés du parc, tout près de la capitale nationale du Canada, forment une véritable tapisserie de collines ondulées, de vallées, de forêts, de lacs et de terres humides magnifiques à contempler. Ces territoires fournissent un habitat naturel à plusieurs des L’escarpement d’Eardley espèces sauvages indigènes au Canada. L’escarpement rocheux et boisé d’Eardley De plus, le parc a une histoire humaine s’élève majestueusement à 300 mètres fascinante qui inclut les peuples aude hauteur sur les plaines de la vallée de tochtones, les explorateurs français, les la rivière des Outaouais. Le sommet de l’escarpement offre une superbe vue de la commerçants de fourrures et les colons vallée des Outaouais, qui, suite à la fonte anglais et français. Les marques laissées des glaciers de la dernière ère glaciaire, par cette histoire peuvent être aperçues formait en partie la mer de Champlain, à travers le parc. vaste et salée. Aujourd’hui, grâce à la vision des Le Mont King (344m.) est le site de la premiers conservationnistes, le parc première station géodetic au Canada. de la Gatineau est un coin de nature L’escarpement est non seulement la sauvage, unique et accessible à tous caractéristique géographique la plus les Canadiens. Au cours de l’année, proéminente de ce parc, mais aussi le lieu le parc fournit aussi des opportunités de ses écosystèmes les plus sensibles et variées d’activités de plein air, telles fragiles. Son microclimat doux et relativeque l’excursion en forêt, le ski de fond, ment sec permet la survie du plus grand nombre d’espèces de plantes menacées au la raquette, la bicyclette, le vélo de Québec. L’escarpement est aussi l’habitat montagne, le camping, l’aviron, la nage de plusieurs populations en réduction et l’escalade, tout ça au cœur de ce – des populations isolées ou décroissantes magnifique paysage. d’espèces qui auparavant s’étendaient Par contre, sa proximité à l’une des dans toute la région – comme la woodsie obtuse. quatre plus grandes agglomérations urbaines du Canada, Ottawa-Gatineau, Photo: Dan Brunton expose le parc à un risque considérable. Le haut niveau de visites et de récréation menace la santé du parc de l’intérieur. Le développement urbain résultant de la population régionale croissante menace le parc de l’extérieur. La perte d’habitats et la fragmentation de terres mettent en péril les populations en santé de la faune du parc. Le changement climatique mondial menace aussi la stabilité des écosystèmes du parc. Le parc de la Gatineau a besoin d’aide, non seulement des gens responsables de sa gestion, mais aussi de tous ceux qui le visitent et qui en jouissent. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ Un patrimoine naturel remarquable Les collines de la Gatineau sont des vestiges des anciennes montagnes de la province géologique du Grenville (ou Laurentides) du Québec, une des plus vieilles chaînes de montagnes au monde. Ces montagnes, qui font partie du grand Bouclier canadien, ont peut-être déjà été aussi majestueuses que les montagnes Rocheuses! Leurs roches précambriennes solides, formées surtout de granit et de gneiss, ont été sculptées et aplaties par un milliard d’années d’érosion. L’impressionnant escarpement d’Eardley, qui forme la frontière sud-ouest du parc de la Gatineau, fait partie d’une faille géologique majeure qui longe la limite sud du Bouclier canadien. Les cavernes Lusk, sur le plateau d’Eardley, ont été formées par des dépôts de calcaire hautement métamorphosés (marbre) reposant sur les roches précambriennes plus anciennes. Le parc de la Gatineau est très populaire à cause de sa tranquillité et sa beauté naturelle. Par contre, même des visiteurs réguliers ignorent sa diversité unique d’habitats, de plantes et d’animaux. Cette biodiversité impressionnante est due en grande partie au fait que le parc de la Gatineau se trouve dans une zone de transition entre la forêt boréale et le Bouclier canadien, vers le nord, et les forêts tempérées de l’est des basses-terres du Saint-Laurent, vers le sud. Des espèces typiques de chaque zone vivent dans le parc, ce qui engendre un mélange intéressant d’espèces qu’on ne voit pas généralement ailleurs au Canada. Le parc de la Gatineau fournit l’habitat de 27 % de toutes les espèces végétales et vertébrées trouvées au Canada, et plus de 40 % de celles trouvées au Québec et en Ontario. Nul autre parc d’une grandeur comparable au Canada n’est aussi riche en flore et en faune. La flore La distribution des espèces végétales au sein du parc de la Gatineau est déterminée par plusieurs facteurs, incluant le microclimat, la topographie et la géologie. Les sols riches en carbonate communs dans le parc supportent une grande diversité de plantes. Près de 90 % du parc de la Gatineau est boisé, ce qui représente un des boisés les plus diversifiés écologiquement au Canada central. Une randonnée d’après-midi peut mener un visiteur à travers une forêt dominée par les feuillus, comme l’érable à sucre, le hêtre à grandes feuilles, le bouleau jaune et la pruche de l’Est, ensuite à travers une forêt dominée par des résineux comme l’épinette noire et le sapin baumier, typiquement associés à la forêt boréale. Les chênes rouges et blancs dominent le long des pentes abruptes de l’escarpement d’Eardley. Des vestiges de la forêt originale de pins blancs matures de ce parc sont très rares, car la majorité de ces arbres magnifiques ont été coupés pour l’industrie du bois dans les années 1800. Semblablement, de petites régions vierges d’épinettes blanches et de sapins baumiers se Sagittaire. Photo: Ian Whyte PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • trouvent seulement dans quelques lieux isolés. Les vestiges des forêts vierges de pruches de l’Est sont aussi très rares mais peuvent être aperçus sur des côtes fraîches qui font face au nord. Maintenir la santé de ces espèces est très important, car elles contiennent la diversité génétique des forêts, auparavant vastes, des basses-terres du Saint-Laurent. Plus de 1100 espèces de plantes vasculaires ont été documentées dans le parc de la Gatineau. Plus de 40 espèces d’orchidées ont été recensées, dont le cypripède royal, le malaxis unifolié, le calopogon tubéreux et la pogonie langue-de-serpent. Plusieurs de ces orchidées poussent dans les environnements humides et riches des marais, des marécages et des tourbières. Les milieux aquatiques Aussi importantes que soient les forêts, c’est l’eau qui supporte l’écologie du parc de la Gatineau. Environ 50 lacs parsèment le parc, les plus grands étant les lacs La Pêche, Philippe, Mousseau (Harrington) et Meech. Les trois derniers forment une chaîne de lacs au centre du parc et s’écoulent à travers la vallée du ruisseau Meech vers la rivière Gatineau. Le parc compte aussi plusieurs ruisseaux, étangs et marécages. Le lac Pink est un bon exemple d’un lac méromictique rare; ce lac en forme de bol et son emplacement à l’abri empêche ses eaux de se mélanger. En profondeur, le lac est presque sans oxygène, ce qui donne vie à une bactérie anaérobique qui, dans son processus de photosynthèse, utilise du soufre plutôt que de l’oxygène. Le lac, auparavant rattaché à la mer de Champlain, est aussi l’habitat d’une population unique en eau douce d’une espèce vivant normalement en eau salée, l’épinoche à trois épines. Les nombreux étangs et marécages Dessus: L’alas midonte a fortes dents au lac Philippe. Sa carapace mesure de 4 à6 cm de longuere. Bien que rare dans le parc, le sud du lac Philippe se classe parmi les meilleurs sites pour observer cette moule. Photo: André Martel Les moules d’eau douce Environ sept espèces de moules d’eau douce ont été répertoriées dans les rivières et les lacs du parc de la Gatineau; elles portent des noms étranges comme l’anondonte commune, la lampsile solide, l’alasmidonte à fortes dents et l’elliptio maigre de l’Est. Les moules d’eau douce vivent au fond des lacs et des rivières. Connues comme étant « les filtres d’eau de la nature », elles ingèrent des algues, des bactéries et des détritus minuscules, nettoyant efficacement l’eau de ces éléments. En creusant et en rampant le fond des lacs et des rivières, elles oxygènent les sédiments, comme le font les lombrics dans votre jardin. Les moules sont essentielles à la biodiversité et à la productivité des écosystèmes aquatiques et sont d’excellents bio-indicateurs de la santé des écosystèmes. Les moules sont une composante importante de la chaîne alimentaire, étant une source de nourriture pour plusieurs espèces comme les loutres, les ratons laveurs, les hérons et certains poissons. Les poissons sont essentiels au cycle de vie des moules. Les larves des moules s’attachent aux branchies ou aux nageoires des poissons et se laissent porter pendant plusieurs semaines tout en continuant leur croissance, puis se détachent ensuite dans un nouveau lieu. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ procurent l’habitat de reproduction et l’alimentation essentiels à une panoplie d’insectes, d’invertébrés, de poissons, d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux et de mammifères. Les terres humides sont parmi les écosystèmes les plus productifs au monde, produisant autant de biomasse par hectare qu’une forêt tropicale. Les terres humides emmagasinent l’eau de pluie et la libère ensuite lentement vers les ruisseaux en aval pour répondre aux besoins des plantes et des animaux lors de sécheresses. Elles servent aussi de « systèmes de traitement de l’eau » naturels, améliorant la qualité de l’eau en filtrant, en diluant et en dégradant divers sédiments et polluants. Plus de 50 espèces de poissons ont été inscrites à l’inventaire des eaux du parc. Plusieurs espèces de salmonidés, comme le touladi, la truite mouchetée et le grand corégone, sont originaires de la région. Au moins 12 espèces ont été introduites par les humains, dont des espèces populaires auprès des pêcheurs sportifs comme l’achigan à petite bouche, la truite arc-en-ciel et la truite brune. La pêche sportive est règlementée par le gouvernement du Québec. Les mammifères Le parc de la Gatineau fournit l’habitat de plusieurs mammifères typiques de la nature sauvage du Canada, comme la loutre de rivière, le lièvre d’Amérique, le renard roux, l’orignal, le coyote, le loup gris, le castor, le raton laveur, le cerf de Virginie et l’ours noir. Bien que le parc se trouve dans l’aire de distribution du carcajou et du le couguar de l’Est, ces derniers sont rarement observés. Le castor, un des mammifères ayant le plus d’influence dans le parc de la Gatineau, joue un rôle écologique majeur en inondant des habitats, en changeant le cours des ruisseaux et en modifiant les communautés de plantes. L’activité des castors est bien visible à travers le parc. Autrefois très nombreux, les populations de castors dans l’est du Canada ont diminué jusqu’en 1930 à un niveau très bas à cause de chasse excessive pour la fourrure de l’animal. Afin de rétablir la population locale, des couples ont été réintroduits dans le parc de la Gatineau. Depuis les années 1950, les castors sont encore une fois devenus une espèce répandue et abondante dans le parc. Quelque 200 ours noirs vivent dans le parc de la Gatineau. Ces omnivores requièrent un espace important afin de maintenir une population durable. Les paysages naturels boisés et les réseaux d’aires protégées sont essentiels à la survie de ces espèces indigènes importantes. Les ours jouent un rôle important dans la dispersion de graines. La population de cerfs de Virginie dans le parc et dans les aires rurales environnantes a nettement augmenté au cours des dernières décennies. L’espèce est surabondante par rapport à la capacité du parc de soutenir sa population. Environ 1200 cerfs résidaient dans le parc au printemps 2005, ce qui représente un nombre 50 % plus élevé que la « capacité de charge » du parc. Le nombre élevé de cerfs se manifeste par le broutage continu de la végétation le long de l’escarpement d’Eardley, ce qui a un impact sévère sur la régénération naturelle de ses forêts de chênes rouges et blancs. Le prédateur principal des cerfs dans le parc est le loup; malheureusement, le parc de la Gatineau n’est pas assez grand, il est trop fragmenté et il subit trop de perturbations pour assurer la survie d’une population de PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • Les loups dans le parc de la Gatineau Les loups nécessitent de vastes territoires dans lesquels ils peuvent trouver une provision suffisante de nourriture diverse. La présence de loups indique qu’un écosystème est assez sauvage pour soutenir un grand prédateur. Il y a environ 17 sous-espèces de loups gris (Canis lupus) au Canada, chaque espèce étant de différentes tailles, couleurs et autres caractéristiques. Les loups qui vivent ou qui se déplacent à travers le parc de la Gatineau sont probablement des loups de l’Est, génétiquement liés à une population qui est centrée dans le parc provincial Algonquin, en Ontario, et qui est considérée comme étant une espèce distincte (Canis lycaon) par certains experts. On estime que la population complète dans le parc de la Gatineau compte huit loups ou moins, regroupés dans une meute ou deux. Les loups sont timides envers les humains et sont rarement aperçus, mais leur présence peut être observée par les traces qu’ils laissent. Les loups étaient autrefois répandus au Canada. Des siècles de chasse, d’efforts d’éradication, de perte d’habitats ainsi que d’un taux de reproduction naturellement lent ont réduit leur étendue à quelques aires éloignées, surtout nordiques, et à certaines aires protégées très vastes. Les loups existent encore au cœur des collines de la Gatineau à cause de la présence d’une aire naturelle sauvage relativement large, et parce que le parc de la Gatineau a été désigné comme étant un refuge faunique du Québec en 1973. À l’extérieur du parc il y a peu de protection pour les loups. Le piégeage est permis et les loups sont encore considérés comme de la vermine. Les motoneiges et les véhicules tout terrain facilitent l’accès à ces aires éloignées, augmentant le stress sur les populations de loups par la chasse et la fragmentation des habitats. Par conséquent, les loups à l’extérieur des aires protégées subissent de grandes pressions. Photo: Loup de l’est, par Lori Labatt loups assez importante pour contrôler la population croissante de cerfs. On a fait du parc de la Gatineau un sanctuaire de chasse provincial en 1973. Le parc porte la désignation de sanctuaire de chasse du parc de la Gatineau dans la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (octobre 2007). Cela est trés significatif parce que toute chasse y est interdite. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ Les oiseaux Le plongeon huard Un symbole essentiel de la nature sauvage du Canada est le plongeon huard, souvent aperçu ou entendu sur les grands lacs, comme les lacs La Pêche et Meech, qui fournissent un habitat approprié pour la nidification et l’alimentation du huard. Les huards sont sensibles aux activités humaines. Leurs nids sont particulièrement menacés par les bateaux à moteur qui troublent les eaux. Ils sont prédateurs de plusieurs espèces de poissons et sont grandement vulnérables aux perturbations écologiques comme le développement riverain, l’acidification des lacs et les contaminants comme le mercure et le plomb. La présence de huards est un bon indicateur de la santé d’un lac. Plongeon huard. Photo: Dan Brunton Environ 230 espèces d’oiseaux ont été observées dans le parc de la Gatineau. Les forêts sont animées par les gélinottes huppées, les grands pics, les bruants à gorge blanche et les sitelles. Les lacs et les étangs procurent un habitat au grand héron, au canard branchu, au petit garrot et au harle couronné, alors que d’autres espèces, comme le râle de Virginie, vivent dans les grands marais de massettes et de carex. Plusieurs espèces migratoires, dont les parulines, les bruants et les grives, ont aussi fait leur nid dans le parc. Les aigles, les éperviers et les hiboux sont des prédateurs aviaires importants dans le parc. Les urubus à tête rouge, les buses à queue rousse et les petites buses planent le long de l’escarpement d’Eardley, à la recherche de rongeurs ou d’autres proies. Ces rapaces débarrassent le parc des carcasses de cerfs laissées par les loups et par d’autres prédateurs. Le grand-duc d’Amérique et la chouette rayée chassent le long des marécages et à l’orée des forêts. Les espèces préoccupantes* Le parc de la Gatineau abrite 125 espèces de plantes et d’animaux préoccupantes sur le plan de la conservation. Vingt-trois de ces espèces sont aussi dans la liste des espèces en péril au Canada du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Ce comité d’experts du gouvernement du Canada examine et désigne quelles espèces sont en danger de disparition au Canada Des 125 espèces préoccupantes dans le parc de la Gatineau, 90 sont des plantes – un nombre plus élevé que pour n’importe quelle aire protégée au Québec. Celles-ci comptent le gingembre sauvage, l’ail des bois, la woodsie obtuse et le cypripède tête-de-bélier. Sept des 90 espèces de plantes sont des arbres: le chêne blanc, le chêne bicolore, le genévrier de Virginie, l’érable noir, le micocoulier occidental, le noyer cendré et l’orme liège. Ces espèces d’arbres sont d’intérêt particulier parce qu’elles se trouvent tout près de la limite nord de leur territoire naturel. Le cypripède tête-de-bélier et le noyer cendré sont aussi sur la liste du COSEPAC comme étant des espèces en péril. Plus de 40 espèces de plantes préoccupantes sont concentrées sur les côtes sud et sèches de l’escarpement * Les espèces préoccupantes, en péril ou dont la conservation soulève des craintes incluent les espèces désignées par le COSEPAC de même que celles désignées par les organismes du gouvernement du Québec. 10 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • d’Eardley. Par exemple, le long de l’escarpement vivent plus de 80% de tous les genévriers de Virginie trouvés au Québec. Trois espèces de poissons du parc de la Gatineau – le chat-fou lisére, le méné d’herbe et le méné laiton – sont préoccupantes sur le plan de la conservation. Le parc abrite aussi un nombre élevé de reptiles dont la situation est considérée comme étant préoccupante. On y compte la couleuvre tachetée, la couleuvre à collier, la tortue géographique, la tortue des bois et la tortue mouchetée. La tortue mouchetée est aussi listée par le COSEPAC comme étant une espèce en péril. Parmi les treize espèces d’oiseaux observés dans le parc qui sont préoccupantes se classent l’aigle royal, le pic à tête rouge, le petit blongios et la pie-grièche migratrice. Le petit polatouche, le carcajou, le couguar de l’Est et le loup de l’Est sont quatre des dix espèces de mammifères du parc qui sont aussi préoccupantes. La pie-grièche migratrice, le carcajou et le couguar sont aussi classés par le COSEPAC comme étant des espèces en péril au Canada. Espèces préoccupantes dans le parc de la Gatineau 90 2 3 3 4 13 10 125 Plantes Invertébrés Poissons Amphibiens Reptiles Oiseaux Mammifères TOTAL Amphibiens Des 17 espèces d’amphibiens du parc de la Gatineau, trois sont des espèces préoccupantes au Québec : la rainette faux-grillon, la grenouille des marais et la salamandre à quatre doigts. La rainette faux-grillon est fréquemment active au printemps dans les prairies humides et les aires marécageuses du parc. Les amphibiens mangent de grandes quantités d’insectes et aident à maintenir un équilibre au sein de ces populations. À leur tour, plusieurs oiseaux, mammifères, poissons et reptiles mangent des amphibiens, supportant ainsi une variété d’animaux au sommet de la chaîne alimentaire. Une abondance d’amphibiens est signe qu’un environnement est en santé! Les pertes d’habitats et la fragmentation de populations menacent sérieusement les amphibiens. La perte d’habitats est principalement causée par l’agriculture en expansion, la foresterie et les infrastructures humaines, spécialement les quartiers résidentiels et les rues. Le changement climatique pourrait devenir une menace majeure aux amphibiens en ce XXIe siècle, spécialement si des périodes de sécheresses prolongées affectent les étangs temporaires et les petits ruisseaux intermittents. Pour plusieurs amphibiens, l’existence de plusieurs aires protégées pourrait signifier la différence entre la survie et la disparition. Les amphibiens sont des indicateurs exceptionnels de la qualité de l’environnement. Ils respirent à travers leur peau perméable et humide, à travers laquelle les contaminants d’origine hydrique entrent aisément dans leur système et s’accumulent dans leurs tissus. Les pesticides utilisés en agriculture et les polluants atmosphériques sont une menace particulière, étant facilement transportés dans les habitats d’amphibiens. La perte d’espèces d’amphibiens représente non seulement une perte de biodiversité – c’est aussi l’avertissement qu’un écosystème est dégradé. Grenouille verte. Photo: Dan Brunton Source : Del Degan, Massé et Associés Inc. (ébauche 2006) État de santé des ecosystems du parc de la Gatineau • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 11 Une vision novatrice de la conservation Des restes archéologiques indiquent que des autochtones Algonquins se sont installés dans la vallée des Outaouais il y a environ 4000 ans. Pendant des milliers d’années, les écosystèmes ont évolué naturellement, mais tout a changé à l’arrivée des Européens. Samuel de Champlain et d’autres explorateurs français sont arrivés au début des années 1600, rapidement suivis par des trappeurs et des coureurs des bois. Avec les années 1800 vinrent de grands changements dans les écosystèmes des collines de la Gatineau : des forêts furent rasées par la coupe à blanc, des routes furent construites, des territoires furent défrichés pour faire place aux fermes, et des mines furent exploitées. Alors que la population régionale augmentait, les inquiétudes sur la déforestation augmentaient aussi chez le public. Des rapports historiques indiquent un intérêt considérable pour la création d’un parc dans les collines de la Gatineau dès le début des années 1900. Dans son plan de développement de 1903 pour la région d’Ottawa, l’architecte paysagiste reconnu Frederick Todd a proposé la création d’un parc naturel. James Harkin, le premier directeur de la toute nouvelle Division des parcs du Dominion, a proposé en 1913 que le parc de la Gatineau devienne le premier parc national au Canada au-delà des montagnes Rocheuses. En 1915, Sir Herbert Holt, président de la Commission du plan fédéral, a préparé un rapport demandant Les ruines de l’usine de phosphates de Thomas <<Carbide>> Wilson sur le ruisseau Meech. urgemment l’établissement d’un parc naPhoto: Jim Fraser turel dans les collines de la Gatineau. William Lyon Mackenzie King, le dixième premier ministre du Canada, a joué un rôle clé dans la création du parc de la Gatineau. Entre 1903 et 1927, il acheta 231 hectares de terrain autour du lac Kingsmere afin d’y établir sa résidence d’été privée. En 1930, on dénota un intérêt considérable dans l’établissement d’un parc national dans la Vallée de la Gatineau. Par contre, à cause de craintes de la part des propriétaires privés et à cause des conditions de l’accord entre les gouvernements provincial et fédéral, c’était devenu beaucoup plus difficile de créer de nouveaux parcs nationaux au Québec. Mackenzie King a donc créé la Commission du District Fédéral (CDF), avec le pouvoir d’acheter du territoire pour un parc éventuel et des fonds ont été mis de côté pour ces raisons. Lors de la Grande Crise de 1929, un grand nombre de forêts de feuillus ont été abattues pour en faire du bois de chauffage, et dans les années 1930 des incendies ont ravagé les collines. Cette déforestation à grande échelle a suscité une contestation considérable parmi les citoyens. Un résident particulièrement préoccupé nommé Percy Sparks a dirigé avec succès une campagne contre cette déforestation. La journée la plus importante dans l’histoire du parc de la Gatineau fut sans doute le 1er juillet 1938 quand le gouvernement de Mackenzie King octroya la somme de 12 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • 100 000$ pour l’acquisition de terres en lien avec la création d’une promenade nationale dans la Vallée de la Gatineau. À sa mort en 1950, Mackenzie King légua son domaine de Kingsmere au Canada, pour qu’il devienne « un parc public pour les citoyens du Canada … à être conservé autant que possible dans son état actuel, qu’on en fasse un parc et qu’il serve de sanctuaire faunique et continue de garder la qualité d’une réserve de forêt naturelle. Le domaine MackenzieKing devint dès lors un élément essentiel du parc de la Gatineau. En 1950, l’urbaniste Jacques Gréber a produit un rapport incitatif intitulé Projet d’aménagement de la capitale nationale. MacKenzie King. Gréber a été influencé par Percy Sparks et son Photo: Bibliothèque et Archives du Canada plan reprenait plusieurs des idées du Comité consultatif du parc de la Gatineau. Les deux recommandations les plus importantes étaient que le parc de la Gatineau soit agrandi de 330 kilomètres carrés, et qu’il devienne un parc public plutôt qu’une réserve privée. Ces deux recommandations ont été approuvées. En 1958, le parc de la Gatineau a été placé sous le contrôle de la Commission de la Capitale nationale (CCN). La CCN est une société d’État du gouvernement canadien qui n’est pas liée au gouvernement fédéral. Le parc de la Gatineau est géré de la même façon que les autres territoires sous le mandat de la CCN. La Loi sur la capitale nationale donne à la CCN des pouvoirs étendus pour gérer, développer et même vendre des terres publiques comme bon lui semble. Le statut provisoire du parc de la Gatineau ainsi que le développement incrémentiel du parc ont longuement été une inquiétude chez les écologistes et les résidents de la région. La section régionale de la Vallée des Outaouais de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) fut fondée en 1970 en réaction à un plan pour le parc de la Gatineau qui contredisait des décennies de politiques visant la conservation du parc. Les efforts combinés de la SNAP et d’autres organisations ont été essentiels pour mettre un frein à ce plan. La SNAP continue d’appuyer activement la protection des écosystèmes du parc et appuie l’idée de faire du parc de la Gatineau un parc national. Même si le parc de la Gatineau n’a toujours pas de statut fédérale en tant qu’aire protégée, il a acquis au cours du siècle dernier ce statut aux yeux du public. Jusqu’à ce qu’un jour le parc devienne un parc national, les gens s’attendent à ce que le parc de la Gatineau soit traité comme s’il en était un, et qu’il soit géré avec les mêmes soins. Un sondage par la firme Decima de 2006 auprès des résidents d’Ottawa a montré que 82% était en faveur de l’octroi du statut de parc national. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 13 14 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 15 Les stress exercés sur le parc Les craintes des utilisateurs du parc Pour recueillir des idées et des points de vue, la SNAP a interrogé une sélection d’utilisateurs du parc qui en profitent de différentes façons, qui s’inquiètent de l’utilisation du parc et qui ont divers points de vue sur sa protection. Ils avaient tous en commun un amour pour le parc et un intérêt important pour sa santé. Au fil des siècles, les humains ont eu un impact sur les paysages du parc de la Gatineau. Nous l’avons modifié par la chasse, la trappe, la foresterie, l’agriculture, l’exploitation minière et, plus récemment, les développements résidentiels, commerciaux et récréatifs. Mis ensemble, ces stress ont un impact cumulatif sur l’environnement qui est plus grand que l’impact d’un stress ou de plusieurs stress pris individuellement. Cela amène la dégradation des écosystèmes du parc. Pression des activités récréatives La beauté naturelle du parc de la Gatineau, ses opportunités récréatives diverses et sa proximité d’Ottawa-Gatineau rendent le parc très populaire. Le parc attire présentement environ 1,7 million Photo: Janet Glendenning de visiteurs par année, faisant du parc l’un des plus utilisés au Canada. Les visiteurs du parc de la Gatineau peuvent participer à une panoplie d’activités récréatives. Au printemps, à l’été et en automne, ils ont accès à 165 km de sentiers de randonnée (dont 90 km ouverts aux cyclistes), 20 km de chemins pavés récréatifs, sept sentiers auto-interprétés, un réseau de sentiers pour le vélo de montagne, 14 aires de pique-nique, six plages publiques, deux terrains de camping ainsi que plusieurs sites de canot-camping. En hiver, ils peuvent profiter de 200 km de sentiers de ski de fond, 25 km de sentiers de raquette, une station de ski alpin et un centre d’entraînement pour le biathlon. Les activités récréatives sont concentrées au sud du parc. Cette aire compte une grande partie du réseau de chemins internes du parc, plusieurs de ses attraits culturels importants, et des infrastructures récréatives majeures dont la station de ski Camp Fortune. Les utilisations récréatives sont aussi concentrées autour ou près des lacs Meech, Philippe, Taylor et La Pêche, ainsi que des chutes Luskville. Ces aires d’activité récréative intense, ainsi que l’escarpement d’Eardley dans son entièreté, particulièrement écosensible, subissent des stress écologiques considérables. Une augmentation dans l’utilisation récréative lors de périodes de visites occupées (par exemple, le Coloris automnal) aggrave le stress sur l’écologie du parc. Qu’il fasse une promenade, une randonnée, du vélo de montagne, de l’escalade, du Plusieurs de ces utilisateurs du parc sont cités dans cette brochure. La SNAP aimerait remercier tous ceux et celles qui ont participé à ces entrevues. 16 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • ski de fond, de l’aviron ou de la nage, chaque visiteur a un impact sur le parc : plantes piétinées, sol compacté, érosion, animaux apeurés, déchets, crème solaire diluée dans l’eau, etc. Des impacts apparemment minimes mais qui, lorsque multipliés par plus d’un million de visiteurs chaque année, peuvent causer des changements écologiques considérables. En plus des activités permises, plusieurs activités inappropriées ou non autorisées ont lieu dans le parc. Des motoneiges, des véhicules tout-terrain (VTT) et des bateaux à moteurs deux temps génèrent de la pollution de l’air, de l’eau et du bruit, et créent un stress sur la vie sauvage et les autres visiteurs du parc. La création et l’utilisation de sentiers non officiels fragmentent et endommagent les écosystèmes et dérangent la vie sauvage. Les fameuses « beuveries en forêt » ont la réputation de laisser des déchets et d’endommager les arbres. Afin de protéger l’héritage naturel du parc de la Gatineau, les visiteurs doivent être conscients de l’impact que leurs activités ont sur la nature. Tous les visiteurs devraient prendre la responsabilité individuelle de minimiser leur « empreinte écologique ». Infrastructures pour la récréation et le tourisme Le parc de la Gatineau possède de nombreuses infrastructures et installations pour accommoder les activités récréatives et le tourisme, et d’autres sont planifiées. La plus grande concentration de ces installations se trouve à Camp Fortune. Un large éventail d’activités y sont offertes, dont le ski alpin, des compétitions de ski de fond, un parcours d’entraînement pour le biathlon, le vélo de montage et, plus récemment, des parcours aériens. Les installations comprennent un pavillon et un chalet pour les skieurs, un champ de tir pour le biathlon et de nombreux espaces de stationnement. De larges bandes de forêts ont été rasées pour faire place aux remonte-pentes, aux pistes de ski alpin, aux circuits d’entraînement pour le ski de fond et aux routes d’accès. Le secteur Camp Fortune n’offre plus une véritable expérience de milieu naturel. Le domaine Mackenzie-King, d’une importance historique, est devenu une attraction touristique très courue, ce qui enlève à son cachet de retraite privée de l’ancien premier ministre. Les développements controversés dans ce secteur incluent l’immense terrain de stationnement sans arbre, les sentiers pavés et éclairés, et une nouvelle route d’accès plus large. Les lacs Philippe et Taylor ont aussi fait l’objet d’un développement intensif pour recevoir des caravanes et pour aménager des aires de camping, de pique-nique, de canotage et de baignade, mais ils conservent encore, pour le moment, un caractère raisonnablement rustique. La vallée du ruisseau Meech, pittoresque et pastorale, est présentement zonée pour l’agrotourisme et la conservation; elle pourrait faire l’objet d’un développement à grande échelle, avec des infrastructures touristiques comme des auberges, des boutiques et des restaurants, et les routes et stationnements qui les accompagnent. Ce type de développement affirme une emphase grandissante sur l’activité commerciale dans le parc par la mise en place d’attraits dites « artificiels ».. On prévoit également que le parachèvement de l’autoroute 5 amènera encore plus de circulation dans la vallée du ruisseau Meech. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 17 Routes et circulation Quarante kilomètres de promenades et plus de 60 kilomètres de routes municipales traversent ou sillonnent le parc de la Gatineau. Ce réseau routier est concentré dans le sud du parc, près des agglomérations urbaines. Au cours des 25 dernières années, plusieurs nouvelles routes ont été construites, dont le boulevard Saint-Raymond, une route à circulation rapide qui divise le parc en deux, ainsi qu’une nouvelle route d’accès au domaine Mackenzie-King. Le prolongement, très contesté, du boulevard McConnell-Laramée – devenu le boulevard des Allumettières et ouvert à la circulation à la fin de 2007 – coupe à travers le parc près du lac des Fées, créant une large balafre dans ce secteur du parc. Le prolongement de l’autoroute 5, le long de la limite est du parc, a également été mis en chantier en 2007. De nombreuses autres routes ont aussi été élargies ou améliorées. Et plus de routes sont malheureusement planifiées. Une autre menace qui plane sur l’intégrité écologique du parc est le prolongement potentiel de l’autoroute 50 à travers le parc au sud du lac Pink. En plus d’avoir un impact négatif sur la jouissance du parc par les visiteurs, les routes et la circulation ont de nombreux impacts écologiques. Dans le parc de la Gatineau, les deux impacts les Aménagement du boulevard des Allumettières, Automne 2007. Photo: Doug Anions plus sérieux sont la mortalité chez les animaux et la fragmentation des habitats. Mortalité chez les animaux: Beaucoup d’animaux, qu’ils soient gros (cerfs de Virginie), petits (souris), rapides (coyotes) ou lents (grenouilles), se font tuer régulièrement sur nos routes, comme on peut le constater simplement en se promenant sur une route rurale. Les espèces plus vulnérables sont les amphibiens, les serpents et les tortues. Leur cycle de vie exige qu’ils migrent entre les milieux humides et les hautes terres, et ils doivent pour cela souvent traverser des routes. Les vitesses plus élevées des véhicules se traduisent forcément par des taux de mortalité plus élevés. Une promenade printanière sur les routes du parc de la Gatineau apporte la preuve de la mortalité élevée des grenouilles sur la chaussée. Fragmentation des habitats: Les routes (tout comme les corridors des lignes de transport d’énergie et les autres emprises utilitaires, incluant les sentiers) interfèrent avec le déplacement des animaux, séparant les populations et réduisant de ce fait leur diversité génétique. En traversant et en fragmentant des aires d’habitat continues, les routes réduisent la superficie de l’habitat à la disposition des espèces. Les aires plus petites qui en résultent ne sont plus suffisamment 18 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • grandes pour supporter certaines espèces. En ouvrant le couvert forestier, les routes créent aussi un nouveau microclimat qui peut s’étendre jusqu’à 200 mètres de part et d’autre de la route. Ces larges bandes qui longent les routes seront plus ensoleillées et plus sèches que « Les automobilistes vont encore plus vite et il y l’intérieur de la forêt et favoriseront a plus de trafic de gens qui se déplacent entre la des espèces envahissantes qui ne maison et leur travail, ce qui crée une heure de survivent pas généralement dans une pointe le matin et le soir au printemps, à l’été et à forêt intacte. Le nouvel habitat ainsi l’automne. » créé par la construction d’une route Craig Storey, skieur peut aussi être plus vulnérable aux espèces végétales ou animales envahissantes. Le réseau routier très étendu du parc de la Gatineau a grandement réduit la quantité de l’habitat intérieur dans certains secteurs du parc et endommagé sérieusement ses écosystèmes. Espèces envahissantes L’invasion du parc par des espèces non indigènes dommageables vient au deuxième rang, après la destruction des habitats, en termes d’impact sur les paysages naturels. Dans les parcs nationaux du Canada, les espèces envahissantes sont la première cause des modifications dans la composition des espèces. Les routes sont la principale avenue pour l’introduction et la propagation d’espèces végétales non indigènes dans les parcs. Les gens introduisent également, par inadvertance ou parfois délibérément, des espèces végétales et animales non indigènes sans en comprendre toutes les conséquences. Dans le parc de la Gatineau, 37 espèces végétales non indigènes ont été documentées. Dix de celles-ci sont considérées comme « extrêmement envahissantes ». Celles-ci incluent une intruse qui prolifère dans les milieux humides, la salicaire pourpre, de même que le myriophylle à épi, qui forme de véritables tapis au fond des lacs. Ces deux espèces menacent et réduisent dangereusement la diversité de la végétation aquatique indigène. Le myriophylle à épi, qui est présent au moins dans les lacs La Pêche et Philippe, peut aussi avoir une incidence sur les populations de poissons. La navigation de plaisance contribue également à la propagation de ces deux espèces fortement envahissantes. Dans les milieux boisés, l’alliaire officinale, une crucifère, menace aussi les espèces végétales indigènes. Salicaire pourpre. Photo: Ian Whyte • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 19 L’introduction d’espèces de poissons non indigènes a fortement perturbé l’écologie naturelle de nombreux lacs du parc de la Gatineau, et elle est vraisemblablement responsable du déclin et de la disparition de certaines espèces indigènes. Les espèces de poissons prisées par les pêcheurs sportifs qui ont été introduites incluent le grand brochet, l’achigan à petite bouche, la truite arc-en-ciel et la perchaude. D’autres espèces comme le meunier noir, le crapetsoleil et le tête-de-boule ont probablement été introduites sous forme d’appâts pour la pêche. Bien que la moule zébrée, une espèce exotique extrêmement envahissante n’est toujours pas présente dans le parc, elle pourrait constituer une menace considérable pour les écosystèmes aquatiques du parc si elle parvient a s’y installer. Le parc de la Gatineau abrite désormais plusieurs espèces d’oiseaux envahissantes, notamment l’étourneau sansonnet, la corneille d’Amérique, le quiscale bronzé et le vacher à tête brune. Ces espèces opportunistes et compétitives sont communes dans les lieux ouverts et à l’orée des forêts et déplacent souvent des espèces indigènes dans leur habitat. Le réseau routier étendu du parc et l’étalement urbain facilitent la prolifération de ces espèces. Qualité de l’eau Les plans d’eau du parc de la Gatineau bénéficient de l’effet de tampon naturel de la pierre calcaire qui est présente dans le substrat à la surface du sol. Pour cette raison, l’acidification de l’eau due aux pluies acides pose moins un problème que dans les zones situées plus au nord qui sont composées principalement d’un substrat granitique. Les grands lacs du parc ont un pH modérément alcalin et, par conséquent, ils sont relativement à l’abri de l’acidification. Lac La Pêche. Photo: Doug Anions Un grand nombre de petits lacs ont seulement un pH allant de légèrement acide à neutre, malgré une exposition importante aux pluies acides. Néanmoins, l’acidification est une préoccupation importante en raison de ses effets cumulatifs sur les sols forestiers, et parce que les invertébrés, les poissons et les amphibiens sont affectés même par une modification graduelle du pH. D’autres polluants atmosphériques, comme le plomb, peuvent aussi s’accumuler dans les systèmes aquatiques et affecter les chaînes alimentaires. Les lacs du parc qui sont desservis par des routes d’accès (ex. La Pêche, Philippe, Meech, Kingsmere et Pink) sont plus exposés à l’activité humaine et au développement, et ils montrent des signes d’apport de nutriments accrus. Les taux élevés de phosphore qu’on y mesure sont souvent causés par des systèmes septiques déficients. Cela peut accroître la productivité primaire et accélérer l’eutrophisation des lacs, avec leurs nombreux impacts négatifs. L’incidence de la myriophylle à épi et des cyanobactéries (algues bleu-vert) augmente, semble-t-il, dans des écosystèmes riches en nutriments. Plusieurs espèces de poissons indigènes, comme le touladi, dépendent de conditions oligotrophes (pauvres en nutriments) et pourraient être en voie de disparaître du lac Meech. 20 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • Urbanisation et développement L’urbanisation est, en soi, la plus grande menace à l’intégrité écologique du parc de la Gatineau. Le parc est trop petit pour assurer la viabilité à long terme de certaines espèces. Sans une stratégie d’aménagement global du territoire qui inclut les terres avoisinantes, la viabilité du parc de la Gatineau est en péril. On prévoit que 20 000 personnes de plus viendront habiter à la périphérie du parc d’ici 2020. Un problème crucial pour le parc de la Gatineau est l’absence d’une zone tampon entre le parc et le développement urbain adjacent. Puisque l’on a permis que ce développement s’étende jusqu’à la limite du parc, certaines espèces qui sont sensibles à la présence humaine évitent de fréquenter les régions périphériques du parc. Cela a pour effet de limiter la taille du parc en termes d’habitat pour ces espèces. L’urbanisation a accaparé une quantité considérable de terres agricoles et d’aires naturelles autour du parc de la Gatineau et réduit la connectivité écologique du parc avec ces territoires. Cela menace certaines espèces, en particulier les grands prédateurs comme le loup et l’ours, [L’une de mes grandes préoccupations à propos du parc qui ont besoin d’un territoire plus est que] le développement à ses frontières s’accroît. Les grand que le parc lui-même ne peut pressions se font de plus en plus grandes. leur fournir. Avec l’urbanisation Geof Burbidge, naturaliste, géologue, ornithocroissante vient la menace très réelle logue et photographe que ces espèces disparaissent éventuellement du parc. L’urbanisation s’accompagne également de la construction de routes et accroît les stress qui en résultent, comme la fragmentation des habitats et la mortalité faunique sur les routes. Par ailleurs, on aperçoit, de plus en plus des grands mammifères comme l’orignal et l’ours noir en banlieue de la ville Gatineau – l’expansion rapide de cette ville réduit d’avantage la zone tampon entre la ville et le parc. Le développement se poursuit également sur les quelque 2 % du parc de la Gatineau qui appartiennent à des propriétaires privés. Quelques 200 terrains privés se trouvent sous la juridiction des municipalités de Chelsea, Gatineau, La Pêche et Pontiac et non de la CCN. Les terrains les plus vastes sont vulnérables à la subdivision. Dernièrement, la municipalité de Chelsea donnait son accord pour un projet domiciliaire de 18 maisons, sur le chemin Carman, au sud de la route 105. Des autorisations municipales impliquant le parc, comme celui-ci, font souvent face à l’opposition du public et dans certains cas le gouvernement fédéral a été interpelé à prévenir de tels projets. En majorité, la propriété privée est concentrée le long des corridors des lacs Meech, Kingsmere et du chemin de la Montagne. Pour bien des raisons, le développement résidentiel est incompatible avec la vocation et le zonage du parc de la Gatineau. La construction de maisons et d’abris à bateaux toujours plus gros et plus nombreux laissent une empreinte permanente. Lorsque des arbres sont abattus pour faire plus de place pour les routes, les entrées, les bâtiments et les patios, l’érosion devient inévitable. Les jardins, les mangeoires et les bacs à compost attirent les animaux sauvages, qui deviennent alors une nuisance. La propriété et le développement privé affecte également l’habilité du public de jouir pleinement du parc en raison de restrictions d’accès. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 21 Dessus: La portion sud du parc de la Gatineau est enclavée à l’intérieur de la ville de Gatineau et traversée par de nombreuses routes. Le boulevard McConnellLaramée, ouvert à la la circulation tout dernièrement a été rebaptisé boulevard des Allumettières Photographie aérienne reproduite avec la permission de la photothèque aérienne du Canada. Division du service cartographique, ressources naturelles Canada. Si l’étalement urbain est un problème préoccupant, le développement au sein même du parc de la Gatineau génère aussi un stress important. Ce type de développement inclut de nouvelles infrastructures ou l’extension des infrastructures existantes, comme des routes, des stationnements, des sentiers et des remonte-pentes, pour accommoder le nombre croissant de visiteurs. Le « secteur institutionnel », le long du boulevard de la Cité des Jeunes comprend un Centre de formation gouvernemental, deux collèges, une école secondaire et un centre sportif municipal – tous des usages du territoire du parc incompatibles avec sa vocation. 22 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • Changement climatique Au cours des prochaines décennies, le changement climatique aura un impact sur l’écologie du parc de la Gatineau, à la fois directement et indirectement. Les projections pour la région d’Ottawa-Gatineau suggèrent une plus grande variabilité du climat de même que davantage de précipitations, de vagues de chaleur et d’épisodes de pluies verglaçantes. La hausse des températures forcera Le parc est un peu comme une maison qui des espèces à se déplacer vers le nord, serait ouverte à tous, et on se fie sur nous imposant un stress à des espèces qui pour que nous en prenions soin. Peut-être que sont adaptées à des climats plus froids si on donnait plus d’information sur comment et altérant de manière significative à on doit en prendre soin, et comment notre utilisation du parc peut le mettre en péril, nous la fois l’étendue et la composition des collectivités écologiques. À mesure que serions plus enclins à faire attention lors de nos déplacements dans le parc. l’habitat deviendra moins favorable à certaines espèces, la perte d’habitat agJon Stuart, randonneur, adepte de la gravera vraisemblablement leur risque course en sentier d’extinction, et une « approche de gestion écosystémique élargie » du parc deviendra cruciale. Deux autres menaces sérieuses apportées par le changement climatique sont les risques accrus de feux de forêt incontrôlés et d’envahissement par des espèces nuisibles, p. ex. des insectes forestiers. Ces deux menaces affecteront la biodiversité et la santé des écosystèmes. On prévoit également que le parc fera face à un stress accru en raison des effets indirects du changement climatique. Par exemple, avec une saison hivernale plus courte, le nombre annuel de visiteurs risque d’augmenter, intensifiant le stress généré par les activités récréatives. La protection des écosystèmes peut avoir un effet retardateur sur le changement climatique. En effet, les forêts intactes séquestrent le carbone et contribuent à amoindrir les émissions de gaz à effet de serre. Une approche de gestion qui englobe l’écopaysage Les petits territoires protégés isolés comme le parc de la Gatineau ont une capacité limitée de préserver la diversité biologique parce que le développement autour du parc n’offre pas un habitat suffisant pour les grands prédateurs. La façon la plus efficace de protéger la biodiversité consiste alors à mettre en place un réseau d’aires protégées – chacune de ces zones étant aussi entourées par une zone tampon – et à créer des corridors entre ces aires protégées pour assurer la connectivité, en favorisant les utilisations durables du territoire dans ces zones intermédiaires. Lorsque des aires protégées sont connectées, la faune peut migrer entre les différentes zones pour accéder à de la nourriture ou à des aires de nidification ou de mise bas. Le seul moyen viable de contrecarrer la menace que pose l’urbanisation autour du parc de la Gatineau est de planifier et de gérer les territoires environnants de façon à ce que les terres et les plans d’eau critiques situés à l’extérieur du parc soient protégés • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 23 Initiatives de conservation des paysages de la SNAP La SNAP a lancé deux programmes sur la connectivité écologique entre les paysages. Le mieux connu est le programme Yellowstone-Yukon (Y-Y), centré en Alberta, qui s’étend sur des milliers de kilomètres à travers les montagnes Rocheuses du Yukon au Wyoming. L’écorégion Y2Y facilite le déplacement des grands mammifères comme l’ours grizzly et le loup entre les aires protégées. Le programme Algonquin-Adirondacks (A-A) vise à fournir des habitats protégés et à assurer une connectivité écologique entre le parc provincial Algonquin, en Ontario, et le parc national des Adirondacks, dans l’État de New York. Pour réussir, ces programmes doivent se fixer des buts réalisables et établir une coopération étroite entre les groupes de conservation, les organismes gouvernementaux et les propriétaires terriens. du développement et que la faune puisse se déplacer entre ces territoires et le parc. Une telle connectivité existe encore avec les milieux ruraux dans de nombreux secteurs, comme le long de l’escarpement d’Eardley, mais elle disparaît rapidement dans d’autres. La vision officielle de la CCN est de préserver et de soutenir des niveaux viables de toutes les populations [espèces] indigènes qui étaient présentes en 2006, et d’accroître les espèces clés considérées à risque. Pour y parvenir, on doit aussi gérer l’écosystème environnant – autrement dit, planifier et soutenir la conservation sur un très large territoire. Malheureusement, la CCN n’a pas la Tardiff, B., G. Lavoie et Y. Lachance, 2005. Atlas de La capacité de le faire à l’heure actuelle. Biodiversité du Québec Qui plus est, les lois sur la conservation et les règlements sur la chasse au Québec fournissent peu de protection aux prédateurs qui ont besoin de vastes territoires, comme l’ours et le loup, dans les secteurs entourant le parc de la Gatineau. Le statut de parc national pour le parc de la Gatineau permettrait d’adopter une approche plus globale qui répondrait aux besoins de la faune, et en particulier des grands prédateurs. D’autres possibilités pour le maintien d’un écosystème viable doivent être envisagées. Par exemple, désigner les collines de la Gatineau comme réserve de la biosphère de l’UNESCO encouragerait les résidents et les organismes locaux à élaborer, promouvoir et réaliser des projets liant la conservation au développement social et économique dans la région. Actuellement, le Canada compte 13 réserves de la biosphère, incluant la région de Charlevoix et le lac Saint-Pierre au Québec, et l’escarpement du Niagara et la région des Mille-Îles – Arche de Frontenac en Ontario. 24 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • La gestion et la protection du parc Le parc de la Gatineau n’est un parc que de nom seulement – il ne bénéficie pas de la protection légale dont jouissent les parcs nationaux et provinciaux. Cette protection soulève des enjeux particulièrement complexes parce que les frontières du parc ne sont pas fixées légalement par la Loi sur la capitale nationale, ni par aucune autre loi fédérale. Malgré le manque de statut légal, le gouvernment du Québec reconnait le parc comme « aire protégée » en vertue de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel du Québec. Le projet de loi, S-210, qui était devant le Sénat confirmerait, pour la première fois, les limites légales et officielles du parc – une mesure nécessaire pour sa conservation à long terme. Même si ce projet de loi est mort au feuilleton avec la prorogation du dernier parlement en septembre 2007, une nouvelle version a été introduite tout dernièrement. Deux préoccupations majeures au cours des dernières années ont été la perte de terres publiques à la suite de leur vente, et le développement des propriétés privées situées à l’intérieur du parc, en particulier sur les rives des lacs Meech et Kingsmere. Présentement, aucune loi ou politique n’empêche la CCN de vendre ou de développer des terrains dans le parc de la Gatineau, ni de réaliser des activités qui pourraient être contraires aux objectifs de conservation. Les décisions en matière de développement et de planification du parc relèvent uniquement de la CCN. Toutefois, le Plan directeur du parc de la Gatineau de 2005 indique un souci croissant pour une gestion où la conservation est au premier plan. La CCN propose de gérer le parc de la Gatineau comme une aire protégée de catégorie II, selon la classification de L’Union mondiale pour la nature (UICN). Les aires protégées de catégorie II sont gérées principalement en fonction de la protection des écosystèmes et de la récréation. Les parcs nationaux du Canada sont gérés en fonction de ces normes. Le gouvernement du Québec prévoit protéger, d’ici 2008, 8% de son territoire. Dans la région de l’Outaouais on prévoit l’établissement d’aires protégées dans le bassin versant des rivières Dumoine et Noire ainsi que près du lac Poisson-Blanc, entres autres. Ces initiatives de la part du Québec et de la CCN sont encourageantes. Elles ont le potentiel d’encourager la conservation des paysages à l’échelle de la grande région qui comprend le parc de la Gatineau. Une mosaïque d’aires protégées interconnectées contribuerait grandement à maintenir la biodiversité indigène du parc. Mais est-ce que ces initiatives porteront fruit? Malheureusement, ces propositions ne sont pas appuyées par des lois ou par des orientations politiques. Le statut de parc national exigerait que le parc de la Gatineau soit géré selon une approche écosystémique plus large. Les initiatives pour la protection des parcs doivent reposer sur des bases scientifiques. Situé près de plusieurs grandes universités, le parc de la Gatineau est idéalement situé pour tirer parti d’une mine d’expertise scientifique en biologie de conservation. Bien que des chercheurs aient déjà réalisé des travaux importants, il faut aborder la recherche et la surveillance de manière plus systématique. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 25 Conclusion Le parc de la Gatineau est l’un des parcs les plus visités et les plus appréciés au Canada, un lieu d’une grande beauté et d’une grande diversité naturelle. Il existe grâce à la vision de plusieurs pionniers de la conservation et aux efforts d’organismes et de citoyens dévoués. Il est aimé par des milliers de personnes. L’avenir du parc de la Gatineau, tel que nous le connaissons et tel que nous l’aimons, est menacé! Le parc est soumis à de nombreux stress, incluant l’urbanisation rapide autour du parc et la fragmentation de ses habitats. Ces stress peuvent perturber de manière significative l’écologie du parc. Pour garantir la viabilité à long terme du parc, il doit être géré selon une approche écosystémique élargie. Cela nécessitera la coopération active des nombreux intervenants dans et autour du parc, incluant les propriétaires privés, les autorités municipales et les gouvernements québécois et fédéral. Le parc de la Gatineau doit devenir un parc national canadien. Cela constituerait la meilleure garantie de l’avenir écologique à long terme de ce magnifique paysage. Ce que vous pouvez faire Écrivez à la CCN. Faites la Commission part de vos préoccupations face au parc de la Gatineau et demandez lui de prendre des actions concrets. Les recommandations de la page suivante peuvent servir de guide. Écrivez au ministre fédéral responsable du parc de la Gatineau et au ministre fédéral de l’Environnement. Faites leur part de vos opinions en ce qui a trait à la protection du parc et de l’octroi du statut de parc national. Pour les noms, adresses postales et courriels des responsables, ou si vous avez besoin d’aide pour composer vos lettres, visitez le site Web de la Section Vallée de l’Outaouais de la SNAP à www.cpaws-ov-vo.org Chouette rayée. Photo: Dan Brunton 26 PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • Recommandations Au gouvernement du Canada: • • Définir les limites du parc de la Gatineau dans la loi. Faire du parc de la Gatineau un parc national en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. À la Commission de la Capitale nationale: Opérationnelles • • • • • • Élaborer un programme d’éducation pour informer les visiteurs du parc des stress qui s’exercent sur le parc et de ce qu’ils peuvent faire pour réduire l’empreinte écologique associée à des activités spécifiques dans le parc. Mettre sur pied un programme pour impliquer les visiteurs du parc dans l’intendance du parc (ex. contrôle des espèces envahissantes, ramassage des déchets, entretien des sentiers, inventaires biologiques, surveillance de la qualité de l’eau, etc.). Inviter les utilisateurs et les groupes d’utilisateurs du parc à fournir leur avis sur les enjeux qui concernent le parc (ex. conservation, récréation, plans de développement, transports). Faire observer les règlements du parc Établir un comité consultatif de surveillance scientifique et environnementale. Examiner les possibilités d’agrandir le parc. Stratégiques • • • • • • • • • • S’opposer à tout grand projet de développement, public ou privé, dans le parc. Veiller à ce qu’aucune nouvelle route ne soit construite dans le parc. Acquérir des terres écosensibles importantes autour du parc pour servir de zone tampon. Acquérir des propriétés privées dans le parc auprès de propriétaires désireux de s’en départir. Ne vendre aucun terrain dans le parc. Entreprendre une étude indépendante de l’écosystème global du parc. Gérer le parc au moyen d’une large approche écosystémique. Élaborer un plan vert pour les transports. Faire observer les règlements du parc. Financer la recherche sur la biologie de conservation et un programme de surveillance. • SNAP VALLÉE DE L’OUTAOUAIS • PARC DE LA GATINEAU: UN TRÉSOR MENACÉ 27 Ressources • • • • • • • • Andrews, J. David. Gatineau Park: An Intimate Portrait. Ottawa: Dynamic Light Productions, 1994. Renferme de magnifiques photos, ainsi que des informations sur les plantes et les animaux du parc et sur son histoire naturelle et humaine Del Degan, Massé et Associés Inc. État de santé des ecosystémes du parc de la Gatineau. Ottawa : Rapport présenté à la Commission de la Capitale nationale. décembre 2006. Brosse un portrait complet de l’état du parc de la Gatineau. Del Degan, Massé et Associés Inc. Biodiversity Monitoring on National Capital Commission Land: Summary. Ottawa : Rapport présenté à la Commission de la Capitale nationale. Sept. 2006. Expose, de manière brève mais instructive, la grande biodiversité du parc de la Gatineau. Fletcher, Katharine. Promenades historiques dans le parc de la Gatineau. Quyon, Québec : Chesley House Publications, 1998. Guide de randonnées qui allient l’histoire naturelle à l’histoire humaine du parc. Lothian, W.F. Petite histoire des parcs nationaux du Canada. Ottawa : Parcs Canada, Environnement Canada. 1987. Offre un survol historique de notre système de parcs nationaux Commission de la Capitale nationale. Plan directeur du parc de la Gatineau. Ottawa. Mai 2005. Décrit les plans de gestion de la CCN pour le parc (un résumé de ce rapport est aussi disponible) New Woodlands Preservation League. Protecting Gatineau Park: What is to be done? Mémoire soumis au Comité d’examen de la Commission de la Capitale nationale. octobre 2006. Fournit des perspectives historiques ainsi que des scénarios possibles pour la gestion du parc Commission sur l’intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. « Intacts pour les générations futures? » Protection de l’intégrité écologique par les parcs nationaux du Canada.Volume I (Le temps d’agir) et volume II (Une nouvelle orientation pour les parcs nationaux du Canada). Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. 2000. Fournit une évaluation complète des enjeux liés à l’intégrité écologique et à la gestion des parcs nationaux. Ressources sur le Web • • • • • • • • • • Société pour la nature et les parcs (SNAP) www.cpaws.org Information sur des initiatives et sur des questions relatives à la conservation de la nature et aux parcs partout au Canada. SNAP, Section Vallée de l’Outaouais www.cpaws-ov-vo.org Information sur des initiatives et des enjeux touchant le parc de la Gatineau et d’autres lieux naturels dans la région de l’Outaouais. Club des Ornithologues de L’Outaouais www.coo.ncf.ca. Organisme local avec des activités se déroulant dans le parc de la Gatineau. Parc de la Gatineau www.canadascapital.gc.ca/gatineau Site officiel de la Commission de la Capitale nationale sur le parc de la Gatineau; large éventail de ressources et d’information UICN – L’Union mondiale pour la nature www.iucn.org Initiatives et enjeux concernant la conservation de la nature partout dans le monde. Ottawa Field-Naturalists’ Club www.ofnc.ca L’un des nombreux organismes locaux dont les membres fréquentent le parc et ont à cœur sa préservation. Parcs Canada www.parkscanada.pc.gc.ca Portail Web officiel des parcs nationaux du Canada; large éventail d’information disponible. Sentinelle Outaouais www.fr.ottawariverkeeper.ca Sentinelle Outaouais, organisme par et pour les citoyens, exprime d’une voix impartiale les enjeux entourant la rivière des Outaouais. Nature Québec www.naturequebec.org Nature Québec est un organisme national à but non lucratif qui regroupe des individus et des organismes œuvrant dans les domaines de l’environnement et du développement durable. Conservation de la nature du Canada www.natureconservancy.ca Depuis plus de 40 ans, Conservation de la nature Canada (CNC) s’efforce de protéger les habitats naturels les plus gravement menacés au Canada et les espèces qui y vivent. Pour en savoir plus Société pour la nature et les parcs, Section Vallée de l’Outaouais(SNAP-VO) 250, avenue City Centre, Suite 601 Ottawa, ON K1R 6K7 613-232-7297